Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés avaient été déclarés excédentaires par suite de l’application d’un processus d’ordre inverse du mérite (OIM) - les fonctionnaires s’estimant lésés ont ensuite été affectés à de nouveaux lieux de travail dans la partie continentale de la Colombie-Britannique, ce qui les a contraints à déménager - la Commission de la fonction publique a fait enquête sur le processus d’OIM et a conclu, une fois les réinstallations terminées, que la plainte dont elle était saisie était en partie fondée - les fonctionnaires s’estimant lésés se sont alors fait offrir de retourner sur l’île de Vancouver et ils ont accepté - les fonctionnaires s’estimant lésés ont eu droit au remboursement de leurs frais de réinstallation dans la partie continentale de la Colombie-Britannique et sur l’île de Vancouver - les frais ont été remboursés conformément à la Directive sur la réinstallation du Conseil national mixte - or, les fonctionnaires s’estimant lésés avaient également engagés des frais durant la période où ils avaient travaillé dans la partie continentale entre les réinstallations - ils ont présenté une demande de remboursement de ces frais, conformément à la disposition de la Directive portant sur l’annulation d’une réinstallation - la Directive faisait partie intégrante de la convention collective, mais elle ne s’appliquait pas dans ce cas-ci - la clause de la convention collective invoquée par les fonctionnaires s’estimant lésés s’appliquait exclusivement aux annulations qui surviennent durant la réinstallation - dans le cas des fonctionnaires s’estimant lésés, la réinstallation était terminée. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-10-29
  • Dossier:  166-02-37559, 37560 et 37563
  • Référence:  2010 CRTFP 113

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CAMPBELL CRAIG, LEO BLANCHARD ET GORDON CAMERON

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Craig et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Joseph W. Potter, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Marie-Pier Dupuis-Langis

Pour l'employeur:
Martin Charron, avocat

Affaire entendue à Victoria (Colombie-Britannique),
les 1er et 2 septembre 2010.
(Traduction de la CRTFP)

Griefs renvoyés à l'arbitrage

1      La présente décision concerne trois griefs déposés par trois fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »). Bien qu’ils aient été déposés séparément, les griefs ont été entendus à la même audience compte tenu de leurs faits similaires ou identiques.

2      Campbell Craig et Leo Blanchard ont déposé leurs griefs en février 2004, et Gordon Cameron a déposé le sien en juin 2004. Le fait que les griefs étaient régis par les dispositions de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 n’a pas été contesté.

3      Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l'arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l' « ancienne LRTFP »).

4      Avant de déposer leurs griefs, MM. Craig, Blanchard et Cameron travaillaient à l’Établissement William Head, un établissement à sécurité moyenne situé sur l’Île de Vancouver (Colombie-Britannique). En septembre 2002, le gouvernement fédéral à annoncé que l’Établissement William Head passerait de sécurité moyenne à sécurité minimale. Le Service correctionnel du Canada (SCC) a lancé un processus d’ordre inverse du mérite pour déterminer quels employés demeureraient en poste et lesquels seraient déclarés excédentaires. Les trois fonctionnaires ont été déclarés excédentaires.

5      M. Blanchard a été réinstallé à l’Établissement Ferndale à Mission (C.-B.), le 25 août 2003.

6      M. Craig a également été réinstallé à l’Établissement Ferndale, le 7 mai 2003.

7      M. Cameron a été réinstallé à l’Établissement du Pacifique à Abbotsford (C.-B.), en mai 2003.

8      Les réinstallations de l’Établissement William Head vers le nouveau lieu de travail des fonctionnaires étaient couvertes par les dispositions de la Directive sur la réinstallation du Conseil national mixte (la« Directive ») (pièce E-1, onglet 3). Le litige porte sur les coûts, notamment les frais de déplacement, les frais de services publics supplémentaires et autres, que chaque fonctionnaire a engagés après son déménagement à son nouveau lieu de travail, mais avant son retour à l’Établissement William Head. Chaque fonctionnaire a témoigné au sujet de ces coûts et des raisons pour lesquelles ils ont été engagés.

9      En mars 2003, M. Blanchard a demandé à la Commission de la fonction publique (CFP) d’enquêter sur le processus d’ordre inverse du mérite. En septembre 2003, la CFP a conclu que sa plainte était partiellement fondée. L’enquête a établi ce qui corrigerait la situation, et on a offert aux employés déclarés excédentaires de retourner à l’Établissement William Head.

10 À la suite de la décision de la CFP, les fonctionnaires sont retournés à l’Établissement William Head. M. Craig est retourné en mai 2004, et MM. Blanchard et Cameron, le 1er juin 2004.

11 Au moment de leur retour à l’Établissement William Head, les fonctionnaires étaient couverts par les dispositions de la Directive. Il n’y a pas eu de litige entourant le droit de chaque fonctionnaire et ce que chacun a reçu aux termes de la Directive pour son retour.

12 Chaque fonctionnaire a demandé une mesure de réparation dans son grief. À l’audience, la représentante des fonctionnaires a modifié les mesures correctives demandées comme suit :

[Traduction]

M. Craig — il ne demandait plus de dédommagement pour le « stress et la détresse émotionnelle liés à [sa] mutation […] » (point numéro 4)

M. Blanchard — il ne demandait plus de dédommagement pour le « stress et la détresse émotionnelle liés à [sa] mutation […] » (point numéro 3)

M. Cameron — il ne demandait plus de dédommagement pour la « perte du salaire de sa conjointe, qui avait été contrainte de démissionner », et pour la « perte d’un prêt hypothécaire préapprouvé » (points numéros 1 et 2 dans les détails du grief).

13 L’employeur estime que les coûts toujours revendiqués ne sont pas couverts par la Directive et qu’ils ne sont pas remboursables. Par ailleurs, l’employeur a prétendu que je n’avais pas la compétence nécessaire pour entendre ces affaires parce que la Directive n’a pas été violée. J’ai déclaré que je réserverais ma décision sur cette question.

14 Les griefs ont suivi la procédure de règlement des griefs. Selon l’agent négociateur, le défaut de l’employeur de rembourser les dépenses en litige constitue une violation de la Directive. En vertu de la clause 20.01 de la convention collective s’appliquant aux parties (pièce U-1), les litiges mettant en cause des accords du Conseil national mixte (CNM) (ce qui comprend la Directive) doivent suivre la procédure de règlement des griefs du CNM.

15 Par conséquent, les griefs ont été soumis à l’étude du CNM. Le CNM, qui est composé de représentants des parties syndicale et patronale, a été créé pour traiter d’une panoplie de sujets. La Directive compte parmi ces nombreux sujets.

16 Le 20 juillet 2007, le CNM a rendu sa décision concernant chaque grief (pièce U-2) qui se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Le Comité exécutif a étudié la question et a souscrit à la conclusion du Comité sur la réinstallation, à savoir que les fonctionnaires ont été traités conformément à l’intention de la Directive sur la réinstallaion du PRI. Par conséquent, le grief est rejeté.

En ce qui concerne l’autre mesure corrective demandée relativement à la question des dommages découlant de l’application du processus d’ordre inverse du mérite, le Comité a convenu que cette question n’était pas du ressort du CNM.

[…]

17 À la suite de la décision du CNM, l’agent négociateur a renvoyé l’affaire à l’arbitrage devant l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique. Après plusieurs contre-temps attribuables au manque de disponibilité de l’une ou l’autre des parties, j’ai finalement entendu les trois griefs, les 1er et 2 septembre 2010.

II. Résumé de la preuve

18 M. Blanchard avait travaillé comme agent correctionnel à l’Établissement William Head pendant 16 ans lorsque le processus d’ordre inverse du mérite, ayant mené à sa déclaration d’excédentaire, a été lancé. Il a été muté à Mission en 2003. À l’époque, son père se mourait d’un cancer. Comme l’épouse de M. Blanchard était le seul soutien de famille, elle est demeurée derrière. M. Blanchard se rendait à Victoria (C.-B.) toutes les fins de semaine pour être avec son épouse et son père mourant. M. Blanchard demande le remboursement de coûts, tels que les frais pour prendre le traversier pour revenir à Victoria toutes les fins de semaine, les dépenses reliées à la voiture, les frais de services publics supplémentaires et le temps de déplacement; frais qu’il n’aurait pas eu à engager s’il n’avait pas été muté fautivement.

19 M. Blanchard a reconnu que les dépenses réclamées n’ont pas été engagées lors de déplacements en service commandé pour le gouvernement et qu’il n’a pas de reçus parce qu’ils ont disparu lors d’un incendie.

20 M. Craig était agent correctionnel depuis environ 30 ans lorsque le processus d’ordre inverse du mérite a été lancé à l’Établissement William Head. En 2003, lorsqu’il a été déclaré excédentaire et muté à Mission, il était marié et père de deux enfants d’âge scolaire (secondaire). Pour des motifs personnels et financiers, sa famille a choisi de ne pas déménager avec lui. Il se rendait également à Victoria toutes les fins de semaine pour être avec sa famille et pour s’occuper de sa mère malade. M. Craig demande le remboursement de ses frais pour prendre le traversier jusqu’à Victoria, de ses frais de services publics, de dépenses supplémentaires liées à sa voiture et autres. Il a perdu tous ses reçus dans l’incendie de sa résidence en 2009 (pièce U-7).

21 M. Cameron était agent correctionnel depuis 13 ans lorsque le processus d’ordre inverse du mérite a mené à son transfert à Abbotsford. Sa famille a déménagé avec lui, et son épouse a dû laisser son emploi. Elle a été incapable de trouver un nouvel emploi à Abbottsford. M. Cameron et sa famille sont retournés à Victoria au moins une fois par mois pour des motifs personnels reliés à la famille et ont engagé des frais pour prendre le traversier. Son grief concerne les frais supplémentaires ayant été engagés à la suite de sa mutation à Abbotsford. Il n’a pas conservé de reçus.

22 Janice Pelletier a témoigné pour l’employeur. Elle a déclaré qu’elle travaillait pour le SCC et qu’elle avait été affectée aux dossiers de réinstallation pour les agents correctionnels ayant été mutés de l’Établissement William Head vers le continent, dans le cadre du processus d’ordre inverse du mérite, et en étant revenus. Elle a expliqué qu’aucune des dépenses engagées par les fonctionnaires pour les deux réinstallations n’était contestée, mais que seules les dépenses entre les réinstallations étaient en litige. Les frais invoqués dans chaque grief ont été engagés à titre personnel par les fonctionnaires pendant la période entre les deux réinstallations. La Directive ne couvre pas de telles dépenses.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

23 La Directive fait partie intégrante de la convention collective, et les fonctionnaires ont épuisé les procédures prévues à l’article 14.1.5 du Règlement du CNM avant de renvoyer l’affaire à l’arbitrage en vertu de l’article 14.1.7 du Règlement du CNM. L’arbitre de grief peut substituer sa décision à celle du CNM.

24 Chacun des griefs renvoie à des dépenses engagées entre les deux réinstallations. La décision du CNM portait sur la question des dommages imputables au processus d’ordre inverse du mérite et concluait que [traduction] « les questions en litige n’étaient pas du ressort du CNM ». Cette décision était incorrecte.

25 L’article 2.2.1.1 de la Directive est libellé comme suit :

L’employeur doit rembourser, dans les limites prévues par la présente directive, les frais de réinstallation réels et raisonnables engagés par le fonctionnaire  […]

26 L’article 2.10.1 de la Directive est libellé comme suit :

L’employeur, lorsqu’il annule une réinstallation pour des motifs reliés au travail et indépendants de la volonté du fonctionnaire, peut […] rembourser au fonctionnaire les dépenses engagées par lui […]

27 Dans le cas de chaque fonctionnaire, la réinstallation a été annulée. L’article 2.10.3.2 de la Directive est libellé comme suit :

L’employeur rembourse à un employé un large éventail de faux frais que lui occasionne sa réinstallation. Ces dépenses doivent être directement attribuables au déplacement et vraiment raisonnables et justifiables; elles ne doivent pas servir de prétexte pour améliorer la situation financière d’un employé.

28 Ces critères ont été respectés dans les trois griefs.

29 Dans la deuxième partie de sa réponse, le CNM arguait que la question des dommages ne relevait pas de ses compétences. Cette question était reliée au stress et à la détresse émotionnelle que les fonctionnaires ont subis. Les fonctionnaires étaient d’accord, et la demande relative aux dommages a été supprimée de leur grief respectif.

B. Pour l’employeur

30 La CFP avait la compétence nécessaire pour faire enquête sur le processus d’ordre inverse du mérite et prendre une mesure corrective, ce qu’elle a fait. Si les fonctionnaires n’étaient pas satisfaits, ils auraient pu présenter une demande de contrôle judiciaire, comme on l’a vu dans Fortin c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 376.

31 Les fonctionnaires ont soutenu que les dommages pour lesquels ils demandaient à être remboursés découlaient d’un processus vicié d’ordre inverse du mérite. Cependant, rien dans l’article 92 de l’ancienne LRTFP ne permet à un arbitre de grief d’entendre un grief concernant un processus vicié d’ordre inverse du mérite.

32 La clause 41.03 de la convention collective renvoie à la Directive. Il ne fait aucun doute que la Directive fait partie de la convention collective et qu’en vertu de l’ancienne LRTFP, l’arbitre de grief a compétence en matière de dispositions des conventions collectives. Par conséquent, l’arbitre de grief a compétence en application de la Directive. Cependant, le litige ne porte ni sur la première, ni sur la deuxième réinstallation, mais bien sur la période entre les réinstallations.

33 Une fois qu’un déménagement est terminé, la Directive cesse de s’appliquer. Lorsque les fonctionnaires ont commencé à travailler sur le continent, la Directive ne s’appliquait plus. Toutes les dépenses étaient des choix personnels faits par les fonctionnaires après leur déménagement. La période à laquelle les fonctionnaires renvoient — la période « entre » — n’est pas couverte par la Directive.

34 L’article 2.10.1 de la Directive, qui s’applique selon l’agent négociateur, traite de l’annulation d’une réinstallation, ce qui ne s’est pas produit en l’espèce. La première réinstallation a eu lieu complètement, ainsi que la deuxième. Aucune dépense reliée à l’une ou l’autre des réinstallations n’est en litige.

35 Aucun document ou reçu n’a été soumis comme preuve des dépenses engagées, ce qui cause un grave problème pour l’employeur parce que les fonctionnaires ne peuvent pas être contre-interrogés relativement à celles-ci. Les incendies, qui auraient détruit les reçus, se sont produits en 2009, mais les griefs ont été déposés en 2004. Les reçus auraient pu être produits à ce moment.

36 L’employeur a prétendu que les dépenses visées par le grief ne s’inscrivent pas dans une réinstallation au sens où l’entend la définition de « réinstallation » de la Directive. Cette définition, qui se trouve à l’annexe C de la Directive, se lit comme suit :

Réinstallation – Déménagement autorisé d’un fonctionnaire d’un lieu de travail à un autre ou d’une personne nommée à un poste dans la fonction publique de son lieu de résidence à son premier lieu de travail.

37 Selon l’employeur, comme les réinstallations des fonctionnaires vers le continent et de retour du continent ne sont pas en litige et que les périodes entre n’étaient pas des réinstallations, la Directive a été appliquée équitablement et il n’existe aucune compétence pour octroyer quoi que ce soit.

C. Réplique

38 Le processus d’ordre inverse du mérite a été annulé, alors la réinstallation devait donc l’être également. L’article 2.10.3.2 de la Directive s’applique et l’arbitre de grief devrait s’attribuer la compétence.

IV. Motifs

39 Les parties ont convenu que les dispositions de l’ancienne LRTFP s’appliquent en l’espèce parce que les griefs ont été déposés en 2004.

40 L’article 92 de l’ancienne LRTFP est libellé comme suit :

          92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief portant sur :

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale,

[…]

41 Les fonctionnaires ont déposé leurs griefs en 2004, prétendant que la Directive avait été violée. Les faits que la Directive fait partie de la convention collective et que l’article 41 de la convention collective renvoie à la Directive (pièce U-1) ne sont pas contestés.

42 Encore une fois, personne ne conteste le fait que les parties ont épuisé la procédure interne de règlement des griefs et qu’elles ont renvoyé les griefs au CNM en application de son Règlement (pièce U-3).

43 Le 20 juillet 2007, le CNM a rendu sa décision relativement aux trois griefs (pièce U-2).

44 Une fois que le CNM a rejeté leurs griefs, les fonctionnaires les ont renvoyés à la Commission pour qu’elle rende une décision définitive. La présente décision concerne ces griefs.

45 Le litige en l’espèce est, à mon avis, de savoir si les questions visées par les griefs relèvent ou non du champ d’application de la Directive. L’employeur estime que le litige concerne la compétence. Il prétend que, parce que la Directive ne couvre pas la situation en l’espèce, je n’ai pas la compétence. Quelle que soit la qualification attribuée à la question, je suis d’accord avec l’employeur sur le fait que je dois, en premier lieu, déterminer si l’article 2.10.1 de la Directive s’applique aux fonctionnaires. J’ai déterminé que cela n’était pas le cas. Peu importe comment on qualifie le résultat découlant de cette conclusion, le résultat est le même, c’est-à-dire que les griefs ne peuvent pas être accueillis.

46 Les parties s’entendent sur les faits en l’espèce. En 2002, les trois fonctionnaires étaient des employés de l’Établissement William Head, situé sur l’Île de Vancouver, lorsque le solliciteur général fédéral a annoncé que l’établissement passerait de sécurité moyenne à sécurité minimale. Le SCC a lancé un processus d’ordre inverse du mérite pour déterminer quels agents correctionnels demeureraient à l’Établissement William Head et lesquels seraient réinstallés ailleurs. Les trois fonctionnaires ont été mutés, et M. Blanchard en a appelé de cette décision devant la CFP. L’appel a été accueilli, en partie.

47 Au moment où la CFP a rendu sa décision concernant le processus d’ordre inverse du mérite, les trois fonctionnaires avaient été réinstallés à leurs nouveaux lieux de travail respectifs.

48 Lors de leur mutation de l’Établissement William Head vers leur nouveau lieu de travail, les trois fonctionnaires étaient régis par les dispositions de la Directive.

49 À la suite de la décision de l’enquêteur de la CFP, les fonctionnaires ont été mutés de nouveau à l’Établissement William Head.

50 Entre le moment de la mutation des fonctionnaires de l’Établissement William Head jusqu’au moment de leur retour, environ 9 à 12 mois se sont écoulés. Les fonctionnaires ont engagé différentes dépenses au cours de cette période de 9 à 12 mois. Ils demandent que ces dépenses leur soient remboursées.

51 La représentante des fonctionnaires a prétendu que la Directive s’appliquait, en vertu de l’article 2.10.1, qui est libellé comme suit :

L’employeur, lorsqu’il annule une réinstallation pour des motifs reliés au travail et indépendants de la volonté de l’employé, peut, par l’entremise du tiers fournisseur de services, rembourser à l’employé les dépenses engagées par lui en application de la Directive sur la réinstallation intégrée du CNM.

52 Lorsque les fonctionnaires ont quitté l’Établissement William Head, ils ont eu droit aux indemnités prévues par la Directive, ce qui n’est pas en litige. Une fois que le déménagement a été terminé et que les fonctionnaires étaient à leurs nouveaux lieux de travail, à mon avis, la Directive ne s’appliquait plus puisqu’elle vise expressément le déménagement autorisé d’un fonctionnaire. 

53 Par conséquent, il s’ensuit que l’annulation d’une réinstallation, à laquelle renvoie l’article 2.10.1 de la Directive, se produirait alors que la réinstallation est en cours. Les réinstallations des trois fonctionnaires étaient terminées. Les fonctionnaires ont déménagé à leurs nouveaux lieux de travail.

54 La deuxième réinstallation s’est produite au moment du retour à l’Établissement William Head. Les dépenses reliées à cette réinstallation ne sont pas en litige. Comme cette réinstallation n’a pas été annulée, l’article 2.10.1 de la Directive ne s’appliquerait pas.

55 Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les trois fonctionnaires ont engagé des dépenses en raison d’un processus vicié d’ordre inverse du mérite. Je souscris cependant à la prétention de l’avocat de l’employeur selon laquelle l’article de la Directive invoqué par la représentante des fonctionnaires ne s’applique pas à leur situation. Par ailleurs, je conclus qu’aucun autre article de la Directive ne me permettrait de faire droit aux  griefs. Leurs griefs ne peuvent donc pas être accueillis. 

56 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

57 Les griefs sont rejetés.

Le 29 octobre 2010.

Traduction de la CRTFP

Joseph W. Potter,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.