Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief - l’employeur a fait valoir en réponse que le grief avait été déposé tardivement - le fonctionnaire s’estimant lésé a néanmoins donné suite au grief - en bout de ligne, celui-ci a été renvoyé à l’arbitrage, sans une réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs - le fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que l’employeur n’avait pas soulevé la question du respect des délais au dernier palier, puisque aucune réponse n’avait été reçue lorsqu’il a renvoyé son grief à l’arbitrage - or, l’employeur a bel et bien soulevé la question du respect des délais dans la réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et dans la réponse au renvoi à l’arbitrage - la réponse au dernier palier a été reçue avant l’expiration du délai prévu pour fournir des copies des décisions rendues à chaque palier de la procédure de règlement des griefs - le grief a été déposé tardivement et il a par conséquent été rejeté. Objection accueillie. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-11-01
  • Dossier:  566-02-3752
  • Référence:  2010 CRTFP 114

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SARAH SZMIDT

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Szmidt c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Michel Bouchard, Union of Canadian Correctional Officers — Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour l'employeur:
Maureen Harris, Secrétariat du Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 30 juin ainsi que les 1, 12 et 19 octobre 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Sarah Szmidt, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), agente correctionnelle à l’établissement Millhaven, situé à Bath, en Ontario, a déposé le 2 février 2010 un grief alléguant qu’elle aurait dû toucher des primes de quart de juin 2008 à janvier 2010 inclusivement. Le Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») a soulevé une objection pour non-respect du délai prescrit pour la présentation du grief. L’agent négociateur de la fonctionnaire s’estimant lésée (Union of Canadian Correctional Officers — Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN (l’« agent négociateur »)) et l’employeur ont été invités à présenter des arguments écrits sur cette objection préliminaire.

II. Contexte

2 La fonctionnaire a déposé son grief le 2 février 2010. L’employeur l’a rejeté au premier et au deuxième paliers de la procédure de règlement des griefs pour non-respect du délai. Il a rendu sa décision au deuxième palier le 10 mars 2010. L’agent négociateur a présenté le grief au dernier palier le 8 mars 2010 et il a renvoyé le grief à l’arbitrage le 25 mai 2010. En vertu de l’article 96 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement »), l’employeur devait déposer des copies des décisions rendues à l’égard du grief à chaque palier de la procédure applicable auprès du directeur général de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») au plus tard 30 jours après avoir reçu copie de l’accusé de réception envoyé par la CRTFP. La date limite qui lui était imposée était le 2 juillet 2010. L’employeur a envoyé des copies des décisions qu’il avait rendues au premier et au deuxième paliers de la procédure à la CRTFP le 17 juin 2010.

3 L’employeur a rendu sa décision au dernier palier de la procédure le 18 juin 2010 et l’a envoyée à la CRTFP le 25 juin 2010. Il a également rejeté le grief pour non-respect du délai dans cette décision au dernier palier.

4 Le 30 juin 2010, l’employeur s’est opposé au renvoi à l’arbitrage en déclarant que le grief n’avait pas été déposé dans le délai prescrit par la convention collective et il a donc demandé que le grief soit rejeté sans audience.

5 La convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur (date d’expiration : 31 mai 2010) stipule que l’employé peut présenter un grief au premier palier de la procédure au plus tard le 25e jour ouvrable qui suit la date à laquelle il est notifié ou prend connaissance pour la première fois de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief (clause 20.10).

6 L’employeur a allégué que la question donnant lieu au grief avait initialement été soulevée en janvier 2008, puisqu’elle avait fait l’objet d’un grief qui avait été renvoyé à l’arbitrage le 12 mai 2008. Par suite de ce grief, les employés travaillant dans tous les établissements ont été informés à la fin de mars 2008 que l’employeur avait décidé que seuls les employés travaillant par quart auraient droit à une prime de quart. L’agent négociateur n’a pas contesté cette prise de position de l’employeur.

7 La disposition de la convention collective applicable aux décisions de l’employeur sur les griefs est la suivante :

20.13 L’Employeur répond normalement au grief de l’employé-e au dernier palier de la procédure de règlement des griefs dans les trente (30) jours qui suivent la date de la présentation du grief à ce palier.

8 Les dispositions du Règlement applicables au renvoi d’un grief et à la possibilité de soulever une objection pour non-respect du délai prescrit sont les suivantes :

63. Le grief ne peut être rejeté pour non-respect du délai de présentation à un palier inférieur que s’il a été rejeté au palier inférieur pour cette raison.

[…]

90. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le renvoi d’un grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après le jour où la personne qui a présenté le grief a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable au grief.

(2) Si la personne dont la décision constitue le dernier palier de la procédure applicable au grief n’a pas remis de décision à l’expiration du délai dans lequel elle était tenue de le faire selon la présente partie ou, le cas échéant, selon la convention collective, le renvoi du grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après l’expiration de ce délai.

[…]

95. (1) Toute partie peut, au plus tard trente jours après avoir reçu copie de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage :

a) soulever une objection au motif que le délai prévu par la présente partie ou par une convention collective pour la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable au grief n’a pas été respecté;

b) soulever une objection au motif que le délai prévu par la présente partie ou par une convention collective pour le renvoi du grief à l’arbitrage n’a pas été respecté.

(2) L’objection visée à l’alinéa (1)a) ne peut être soulevée que si le grief a été rejeté au palier pour lequel le délai n’a pas été respecté et à tout palier subséquent de la procédure applicable au grief en raison de ce non-respect.

(3) La partie qui soulève une objection en vertu du paragraphe (1) fournit par écrit au directeur général une explication de celle-ci.

96. L’employeur ou l’administrateur général ou […] la partie qui n’a pas renvoyé le grief à l’arbitrage dépose auprès du directeur général, au plus tard trente jours après avoir reçu copie de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage, une copie des décisions rendues à l’égard du grief à tous les paliers de la procédure applicable.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

9 L’employeur a déclaré que le grief était irrecevable parce que présenté tardivement au premier palier de la procédure de règlement des griefs. La question du respect du délai prescrit a été soulevée par l’employeur à tous les paliers de la procédure, comme l’exige l’article 63 du Règlement, et le grief a été rejeté pour ce motif.

10 Bien que la réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure n’ait pas été rendue dans le délai de 30 jours prévu à la clause 20.13 de la convention collective, ce n’est pas pertinent pour l’irrecevabilité du grief de Mme Szmidt. L’employeur a respecté les exigences de l’article 63 du Règlement en soulevant une objection fondée sur le non-respect du délai prescrit à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

11 La fonctionnaire a déclaré que l’employeur n’avait pas soulevé comme il se devait la question du délai prescrit au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Par conséquent, le paragraphe 95(2) du Règlement l’empêche de soulever son objection. Bien que l’employeur ait soumis un document décrit comme sa réponse au dernier palier de la procédure applicable, dans lequel il déclare que le grief n’a pas été présenté dans le délai prescrit, il est clair que sa réponse n’a pas été communiquée à la fonctionnaire dans le délai prévu à cette fin dans la convention collective (30 jours). L’agent négociateur a dûment renvoyé le grief à l’arbitrage après l’expiration du délai de production de la décision de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. L’employeur n’a rendu sa réponse au dernier palier qu’après l’envoi de la lettre d’accusé de réception de la CRTFP, le 1er juin 2010. Il est évident que le grief n’était pas au dernier palier de la procédure de règlement des griefs à ce moment-là; il avait été renvoyé à l’arbitrage. Quand l’employeur a rendu sa décision, elle portait sur un grief qui n’était plus au dernier palier. Puisque le grief n’avait pas été rejeté à juste titre pour non-respect du délai prescrit à tous les paliers subséquents (au dernier palier), le paragraphe 95(2) interdit à l’employeur de soulever une objection pour non-respect du délai de présentation du grief.

C. Réfutation de l’employeur

12 L’employeur a reconnu avoir rendu une décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs après l’expiration de la période normalement prévue à cette fin à la clause 20.13 de la convention collective. Toutefois, cela ne rend pas le grief de Mme Szmidt recevable. L’article sur la procédure de règlement des griefs de la convention collective stipule clairement que la responsabilité de présenter un grief à chaque palier de la procédure incombe à l’employé. En outre, la clause 20.11, portant sur la réponse de l’employeur au grief, stipule que l’employeur « […] répond normalement au grief d’un-une employé-e, à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs » et que lorsque la réponse n’est pas rendue dans le délai applicable, c’est l’employé qui est responsable de le présenter au palier suivant dans la période prescrite. En fait, la charge de l’employé de présenter son grief au palier suivant est clairement précisée comme il suit à la clause 20.21 : « L’employé-e qui néglige de présenter son grief au palier suivant dans les délais prescrits, est réputé avoir renoncé à son grief. »

13 La CRTFP devrait s’inspirer de la décision dans Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada) c. Angelis, 2010 CRTFP 5, une affaire concernant une demande de l’administrateur général en vue d’obtenir la prorogation d’un délai de réponse à un grief. Dans cette décision, le vice-président a déclaré que l’employeur ne subit aucun préjudice en ne répondant pas à un grief, de sorte qu’il n’a pas besoin de demander une prorogation du délai prescrit pour y répondre :

[…]

La raison en est que le fait de ne pas déposer une réponse n’entraîne pas la perte d’un droit reconnu par la convention collective. Le fait de ne pas répondre à un grief ne cause aucun préjudice à l’administrateur général. L’administrateur général peut encore communiquer sa réponse au grief jusqu’à la date de la tenue de l’audience. […]

[…]

14 L’employeur est donc d’avis qu’il conserve le droit de soulever une objection pour non-respect du délai prescrit, étant donné que le grief de Mme Szmidt était irrecevable au premier palier, qu’elle en avait été informée et qu’elle n’avait pas demandé de prorogation du délai au président de la CRTFP. Tout ce qui peut limiter le droit de soulever une objection pour non-respect du délai prescrit par le Règlement, c’est que le grief doit avoir été rejeté au palier auquel le délai n’a pas été respecté et aux paliers suivants pour ce motif. Le grief de Mme Szmidt satisfait à ce critère, puisque l’objection a été réitérée dans toutes les réponses au grief rendues dans la procédure applicable et que l’employeur a satisfait aux exigences de l’article 95 du Règlement en soulevant son objection dans les 30 jours de la réception de la lettre d’accusé de réception de la CRTFP.

IV. Motifs

15 La fonctionnaire ne conteste pas que son grief ait été présenté tardivement. Elle estime que l’employeur a renoncé à son droit de soulever une objection pour non-respect du délai prescrit en ne rendant pas sa décision au dernier palier avant que le grief ne soit renvoyé à l’arbitrage. Le Règlement régit la question de la renonciation au droit de soulever le non-respect du délai pour contester la compétence d’un arbitre de grief.

16 La convention collective établit des balises quant au délai dans lequel l’employeur doit rendre sa décision ou répondre à un grief à chaque palier. Contrairement au délai prescrit pour présenter un grief, cette limite n’est pas exécutoire. La clause pertinente stipule que l’employeur « […] répond normalement […] au dernier palier […] dans les trente (30) jours ». Il est clair qu’un fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas besoin d’attendre la décision de l’employeur avant de présenter son grief au palier suivant — ou, en l’occurrence, de le renvoyer à l’arbitrage. Toutefois, ni le Règlement, ni la convention collective n’interdisent à l’employeur de rendre une décision sur un grief après l’expiration du délai « normal ». La seule restriction imposée à l’employeur est qu’il doit soulever une objection pour non-respect du délai à chaque palier de la procédure de règlement des griefs ainsi que dans les 30 jours de sa réception d’une copie du renvoi à l’arbitrage.

17 L’employeur a effectivement tardé à rendre sa décision au dernier palier. Néanmoins, il a soulevé la question du non-respect du délai dans cette décision, qui a été rendue après le renvoi à l’arbitrage (le 18 juin 2010). L’employeur avait jusqu’au 2 juillet 2010 pour envoyer des copies des décisions rendues à chaque palier et pour soulever des objections au non-respect du délai. Il a envoyé des copies de ses décisions au premier et au deuxième paliers le 17 juin 2010, puis a envoyé à la CRTFP une copie de sa décision au dernier palier le 25 juin 2010. Il a soulevé son objection au non-respect du délai le 30 juin 2010. Il est important de souligner que tous ces documents ont été envoyés à la CRTFP avant l’expiration du délai de 30 jours précisé dans le Règlement (le 2 juillet 2010).

18 En l’espèce, on ne peut pas reprocher à l’employeur de ne pas avoir rendu une décision à un palier quelconque de la procédure de règlement des griefs, ni de ne pas avoir respecté les exigences de production de documents du Règlement, comme dans McWilliams et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada),2007 CRTFP 58. L’employeur aurait pu être plus diligent pour rendre sa décision au dernier palier, mais il l’a quand même rendue. Ce faisant, il a bel et bien soulevé la question du non-respect du délai à chaque palier de la procédure applicable.

19 L’employeur s’est acquitté de ses obligations aux termes de l’article 95 du Règlement. La fonctionnaire n’a pas nié que son grief ait été tardif. Elle n’avait pas présenté de demande de prorogation du délai de présentation de son grief. Je dois donc le rejeter parce qu’un arbitre de grief n’a pas compétence en vertu de l’article 225 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique :

225. Le renvoi d’un grief à l’arbitrage de même que son audition et la décision de l’arbitre de grief à son sujet ne peuvent avoir lieu qu’après la présentation du grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable.

20 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

21 L’objection de l’employeur est accueillie.

22 Le grief est rejeté.

Le 1er novembre 2010.

Traduction de la CRTFP

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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