Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le grief portait sur la rémunération d’une journée de déplacement – le fonctionnaire s’estimant lésé occupait un poste à horaire variable – aux fins d’une séance de formation, ses heures de travail ont été calculées en fonction de l’horaire normal de travail – l’arbitre de grief a conclu que cela n’était pas contraire à la convention collective. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-01-26
  • Dossier:  166-02-36947
  • Référence:  2010 CRTFP 13

Devant une arbitre de grief


ENTRE

DARREN TODD SUETTA

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Suetta c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Neil McGraw, avocat

Affaire entendue à Lethbridge (Alberta),
le 5 novembre 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Darren Todd Suettta, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), est un agent des services frontaliers à l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur »). Il travaille au point d’entrée qui se trouve à Roosville, en Colombie-Britannique. Lorsqu’il a déposé son grief, il était employé au point d’entrée situé à Coutts, en Alberta, comme agent des douanes à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Le fonctionnaire est représenté par son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat »).

2 Le 21 novembre 2000, le fonctionnaire a déposé un grief dans lequel il alléguait que l’employeur avait refusé de le rémunérer pour 10 heures lors d’un jour de déplacement, le 5 novembre 2001, en contravention des articles 25 (Heures de travail) et 32 (Heures de déplacement) de la convention collective intervenue entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (date d’expiration : le 31 octobre 2000) (la « convention collective »). Le 1er novembre 2005, le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

3 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 30 janvier 2006.

4 La question qu’il me faut trancher consiste à déterminer si le fonctionnaire a le droit d’être rémunéré pour 10 heures à temps simple un jour de déplacement d’après son quart régulier de 10 heures ou si le fonctionnaire devrait être rémunéré pour un quart de 7,5 heures et en heures supplémentaires pour toutes heures de déplacement excédant 7,5 heures.

5 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

II. Résumé de la preuve

6 La preuve du fonctionnaire est la suivante. Il a été choisi pour suivre une formation sur l’exercice des pouvoirs d’agent de la paix du 29 octobre au 4 novembre 2000 à Huntington, en Colombie-Britannique. Le 28 octobre et le 5 novembre 2000 ont été des jours de déplacement à destination et en provenance du centre de formation.

7 Le fonctionnaire est visé par une entente sur les postes à horaire variable (EPHV) adoptée conformément aux dispositions de la convention collective, entente qui modifie les heures de travail comme le prévoit la convention collective. Le fonctionnaire a été rémunéré pour un quart de 10 heures pendant qu’il se rendait au programme de formation. Toutefois, il a été rémunéré pour 7,5 heures plus 1 heure supplémentaire lors du jour de son retour de la formation.

8 Le fonctionnaire a déposé en preuve le procès-verbal d’une réunion patronale-syndicale datée du 13 octobre 2000, qui est rédigé ainsi :

[Traduction]

[…]

Objet :

La durée d’un jour de travail comme participant à une formation sur l’exercice des pouvoirs d’agent de la paix a été modifiée de manière à s’écarter de l’EPHV. Il a été établi que le premier jour de déplacement est un jour de 10 heures et que tous les jours subséquents sont des jours de 7,5 heures. Les rencontres entre le syndicat et la direction tenues la semaine dernière avaient pour but de régler la question avant que les prochains participants quittent pour entreprendre le cours. Un agent qui devait quitter pour se rendre en Colombie-Britannique demain, le 14 octobre 2000, a refusé de s’y rendre tant qu’une décision n’aura pas été prise concernant la durée d’une journée de formation.

Position du syndicat :

Que l’entente conclue lors de la réunion spéciale initiale du 4 août 2000 soit respectée et que l’employé soit autorisé à choisir la longueur de son quart. Sans égard au choix effectué, que toutes les heures travaillées en sus de 300 heures réparties sur un horaire de 56 jours ou que tous les jours travaillés en sus de 30 jours répartis sur un horaire de 56 jours soient rémunérés au taux des heures supplémentaires applicable.

Position de la direction :

L’horaire demeure tel qu’il a été affiché dans l’horaire Y106. Le premier jour de déplacement pour se rendre au cours et le dernier jour de déplacement pour en revenir seront crédités comme jours de 10 heures. Les 7 jours qui restent seront considérés comme des jours de 7,5 heures et l’employé devra suppléer les 2,5 heures par jour à son retour au point d’entrée de Coutts. Aucune heure ne sera créditée à une personne pour des heures d’étude et de déplacement effectuées pendant le cours. Comme on s’est initialement adressé aux membres du personnel pour trouver des gens désireux de participer volontairement à l’initiative des pouvoirs d’agent de la paix et comme la direction a obtenu une participation de 100 % de la part des inspecteurs, si un agent désire maintenant s’abstenir de participer à l’initiative des pouvoirs d’agent de la paix, il doit communiquer par écrit sa volonté d’être retiré de la formation.

Daryl Bourgon                        Keon Woronuk
Représentant de la direction    Représentant de la direction

[Je souligne]

9 D’après le fonctionnaire, le procès-verbal de la réunion spéciale constituait une entente entre l’employeur et le syndicat. Il était affiché sur le babillard du syndicat.

10 Le fonctionnaire a témoigné que cette entente a été modifiée unilatéralement le 26 octobre 2000, quand Scott MacCumber, chef, Opérations des douanes, a fait parvenir aux employés participant à la formation, y compris le fonctionnaire, un courriel qui modifiait l’entente de façon à ce que le jour de déplacement vers le domicile soit rémunéré à raison de 7,5 heures plutôt que 10 heures, comme l’indiquait le procès-verbal de la réunion patronale-syndicale spéciale tenue le 13 octobre 2000. Le courriel de M. MacCumber est ainsi rédigé :

[Traduction]

[…]

Nous avons débattu de la question du temps d’étude depuis un certain temps déjà et avons adopté une résolution après plusieurs réunions patronales-syndicales.

[…]

La question du temps d’étude a été revue au niveau local, régional et de l’AC et la politique nationale établit que tous les jours de formation devraient être rémunérés à raison de 7,5 heures sans possibilité de temps ou d’heures supplémentaires consacrés à l’étude. Il semble que la quantité d’heures d’étude nécessaires varie selon le site de formation. Par conséquent, aucune heure supplémentaire n’est autorisée aux fins des études une fois la classe terminée.

Les heures supplémentaires sont autorisées pour les employés qui consacrent plus de 7,5 heures en déplacement quelque jour que ce soit autre que pour se rendre à Huntingdon [sic].

Les heures qui sont utilisées pour répartir vos heures dans l’horaire de 56 jours sont les suivantes :

Jour 1 = 10 heures

Jour 2 à 9 = 7,5 heures

Votre feuille de temps devrait refléter ces heures.

Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez vous adresser à votre surveillant, à moi-même ou à l’un ou l’autre des représentants syndicaux.

[…]

11 Le fonctionnaire a décrit le jour de son retour à la maison en provenance de Huntington comme essentiellement semblable à son jour de déplacement vers Huntington. Il a réglé sa note d’hôtel, a rapporté la fourgonnette louée dans laquelle les employés se sont déplacés à destination et en provenance des locaux de formation à l’aéroport, a pris un vol le menant à Calgary, a récupéré un véhicule de l’employeur stationné à l’aéroport de Calgary, et a conduit jusque chez lui. Le fonctionnaire a déclaré un nombre total d’heures de déplacement de 8,5 heures. Il s’est fait rémunérer 7,5 heures en temps régulier et une autre heure au taux des heures supplémentaires (taux et trois quarts).

12 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu que la question des heures quotidiennes prévues pour prendre part au programme de formation sur l’exercice des pouvoirs d’agent de la paix faisait toujours partie des discussions. Il a reconnu que deux autres rencontres avaient eu lieu entre le 13 octobre 2000 et le courriel de M. MacCumber le 26 octobre 2000. Selon le fonctionnaire, le procès-verbal de ces réunions n’était pas exécutoire, parce que le syndicat et la direction ne s’étaient pas entendus sur une autre forme de rémunération.

13 En ce qui concerne la réunion spéciale du 17 octobre 2000, l’employeur a établi son procès-verbal et le syndicat a dressé le sien. Les parties ne s’entendaient pas sur l’issue de la réunion, si ce n’est sur la présentation de la proposition de l’employeur aux membres du syndicat. En résumé, l’employeur a proposé que tous les jours de cours soient rémunérés à raison de 7,5 heures de cours et que 10 heures additionnelles à temps régulier tiennent lieu de jour de congé au retour de la formation entre les employés et leurs surveillants. Le jour du déplacement de retour vers la maison, les heures qui excèdent 7,5 heures seraient rémunérées au taux des heures supplémentaires. Le syndicat estimait que les employés devraient être rémunérés pour tout le temps auquel ils avaient droit. Aucune des deux versions de procès-verbal n’a été affichée.

14 Le fonctionnaire n’était pas d’accord avec l’employeur pour affirmer que le procès-verbal modifiait l’entente intervenue à la réunion patronale-syndicale du 13 octobre 2000.

15 Voici la preuve présentée par l’employeur. Quand la formation sur l’exercice des pouvoirs d’agent de la paix a été donnée, M. MacCumber était le coordonnateur de la formation pour le district. En 1998, l’ADRC a lancé une formation sur la protection personnelle à l’intention des agents des douanes, puis une formation plus formelle en 2000. Tous les agents des douanes qui avaient suivi la formation sur la protection personnelle étaient admissibles à la formation de suivi sur l’exercice des pouvoirs d’agent de la paix. Il s’agissait d’un cours volontaire, mais la plupart des agents se sont montrés intéressés à participer. Le calendrier de formation a été établi en fonction de la disponibilité des agents des douanes. Il énonce les dates de la formation à Huntington, mais ne précise pas les jours de déplacement à destination et en provenance des locaux de formation. Tous les agents qui ont participé au programme étaient régis par une entente sur les postes à horaire variable, qui prévoyait des jours de travail de 10 heures. Les postes à horaire variable sont basés sur 300 heures de travail réparties sur 56 jours. La rotation comporte 4 jours de travail suivis de 4 jours de congé, l’une des rotations comprenant 5 jours de travail et 3 jours de congé pour en arriver à un total de 56 jours.

16 Comme le calendrier de formation ne correspondait pas à l’horaire pour un poste de travail, l’employeur a décidé que ledit horaire devait être modifié de manière à répondre aux besoins en formation. Afin d’illustrer le fait que la formation en salle de cours n’était pas prévue pour des jours de 10 heures, l’employeur a modifié l’horaire en fonction d’un poste de travail pour la durée de la formation à  des jours de 7,5 heures, ce qui signifie que les employés devraient suppléer les 2,5 heures par jour à leur retour du programme de formation. Pour le premier jour de formation, l’employeur était prêt à payer une journée de 10 heures, parce qu’il était difficile d’évaluer la durée du déplacement vers une destination inconnue, étant donné qu’elle comprenait le temps de déplacement, la location d’un véhicule, l’hôtel à trouver, l’inscription à l’arrivée et ainsi de suite. M. MacCumber était d’avis que finalement, l’employeur était équitable en adoptant cette approche à l’égard du premier jour de déplacement et en n’exigeant pas que les employés remettent du temps, advenant que la période de déplacement totale soit inférieure à 10 heures.

17 L’employeur a proposé que tous les agents des douanes qui suivent le cours reçoivent une rémunération de poste de 10 heures sous forme d’une journée de congé à leur retour pour toute période utilisée aux fins d’études, de déplacement, et ainsi de suite. Cette proposition n’a pas été acceptée par une majorité des membres du syndicat. Ces derniers estimaient que cette forme de rémunération serait difficile à comptabiliser dans leurs horaires. Finalement, l’employeur a décidé qu’un seul jour de déplacement serait rémunéré comme jour de travail de 10 heures et que tous les autres jours seraient rémunérés comme jours de 7,5 heures. Le dernier jour du cours, toute période de déplacement excédant 7,5 heures serait rémunérée au taux des heures supplémentaires applicable.

18 M. MacCumber a déclaré lors de son témoignage qu’il y a eu une autre réunion patronale-syndicale spéciale le 23 octobre 2000, réunion au cours de laquelle le syndicat et l’employeur ne s’entendaient pas sur les modalités applicables au temps de déplacement des employés participant à la formation à Huntington, ce qui se reflète dans son courriel du 26 octobre 2000 et dans le procès-verbal signé. Le procès-verbal est rédigé ainsi :

[Traduction] 

[…]

OBJET : Rémunération des heures de formation à l’exercice des pouvoirs d’agent de la paix

POSITION DU SYNDICAT

Les membres du personnel n’en sont pas venus à un consensus sur le mode de rémunération de leurs heures de formation. Environ la moitié des membres du personnel estimaient qu’un rééquilibrage des heures de déplacement de 10 heures était suffisant, tandis que les autres croyaient qu’ils devraient être rémunérés convenablement. Les opinions des membres divergeaient beaucoup. Les employés se préoccupaient en outre du codage figurant sur leur feuille de temps advenant qu’ils acceptent la proposition.

POSITION DE LA DIRECTION

Compte tenu du fait qu’un certain nombre d’employés n’étaient pas d’accord avec la proposition relative au temps de déplacement supplémentaire, tous les membres du personnel devraient comptabiliser leur temps de déplacement et de formation de la façon suivante : le jour 1 serait un jour de déplacement de 10 heures et les 7 autres jours de formation de même que le jour de déplacement qui restent seraient comptabilisés à raison de 7,5 heures. Tout déplacement excédant 7,5 heures le dernier jour serait rémunéré au taux des heures supplémentaires. Scott enverrait une lettre à tous les membres du personnel concernés.

Al Cody                                                    Gina Martin-Ivie
Représentant de la direction         Représentante du syndicat

19 En contre-interrogatoire, M. MacCumber a déclaré que la rémunération d’un jour de 10 heures pour le jour du déplacement de retour aurait engendré un déséquilibre dans le nombre total d’heures de travail réparties sur la période de 56 jours. Il a convenu que le jour du retour, les stagiaires devraient régler leur note de chambre d’hôtel, rapporter le véhicule loué, prendre un avion et ainsi de suite, mais à son avis, ces démarches nécessiteraient moins de temps que lors d’une arrivée à un endroit inconnu. M. MacCumber a convenu qu’une certaine souplesse a été intégrée dans la prise en compte du premier jour de déplacement dans l’éventualité de circonstances imprévues. Il a reconnu que ce ne sont pas tous les employés qui étaient à l’aise avec l’idée de prendre un jour de congé en guise de rémunération du temps d’étude et de tout autre temps consacré à la participation au cours. Il a affirmé que le fait d’éviter d’avoir à demander aux employés de revenir au travail après leur déplacement pour terminer leur quart de travail ce jour-là constituait un autre motif de ne pas rémunérer un jour de 10 heures le jour du déplacement de retour.

20 M. MacCumber était d’avis que l’horaire de travail variable avait pour but de régler la question de l’établissement de l’horaire de travail et non celle de l’établissement des heures de formation. L’entente sur les postes à horaire variable ne dit mot sur ce point. Les jours de formation devaient être intégrés à un horaire de 300 heures réparties sur 56 jours, ce qu’il était possible de réaliser seulement avec des jours de 7,5 heures et en appliquant la règle « pas de travail, pas de rémunération ». Pour chaque jour de formation, un employé travaille habituellement 7,5 heures et doit par conséquent à l’employeur 2,5 heures. Afin d’éviter une situation dans laquelle un employé doit du temps parce qu’il a été en formation, les heures de travail sont réduites pour cette période.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

21 Le fonctionnaire fait valoir que la clause 32.06a) de la convention collective stipule que, si un employé est en déplacement mais ne travaille pas, il a le droit de recevoir sa rémunération régulière pour le jour en question. Le fonctionnaire était tenu de se déplacer un jour de travail le 5 novembre 2000 et conteste par conséquent le fait de ne pas avoir reçu sa rémunération régulière de 10 heures pour cette journée.

22 Le fonctionnaire soutient qu’il a été rémunéré pour 10 heures lors de son premier jour de déplacement vers le cours de formation. Le 13 octobre 2009, l’employeur était également prêt à payer 10 heures pour le deuxième jour de déplacement au retour du cours de formation. L’employeur a appliqué la clause 32.06 de la convention collective avec une certaine souplesse.

23 Le fonctionnaire estime que l’employeur était prêt à considérer que le jour de déplacement était un jour de 10 heures et qu’il a affiché cette intention le 13 octobre 2000. L’EPHV définit un jour comme étant d’une durée de 10 heures, et les employés ont été rémunérés pour 10 heures le premier jour de déplacement.

24 Le fonctionnaire n’est pas d’accord avec la position de l’employeur selon laquelle le deuxième jour de déplacement ne devait pas être aussi long que le premier, et affirme que le deuxième jour de déplacement nécessitait les mêmes démarches que le premier (accomplir les formalités de départ de l’hôtel, se rendre à l’aéroport, rapporter le véhicule de location, se rendre en avion à la destination, prendre possession d’un véhicule et conduire jusqu’à domicile). Un jour de travail est un jour de travail. La convention collective ne renferme pas de disposition sur l’équilibrage des heures, et l’employeur n’était pas justifié de modifier le jour de travail pour un tel motif. Les employés n’étaient pas tenus d’accepter de remplacer la rémunération d’un jour de travail régulier de 10 heures par un quart de travail rémunéré de 10 heures.

25 Le fonctionnaire s’oppose également à l’interprétation faite par l’employeur de la clause 32.06 de la convention collective selon laquelle les employés auraient pu être tenus de faire leur jour de travail de 10 heures le deuxième jour de déplacement s’il ne leur avait pas fallu 10 heures pour se rendre à la maison. Le fonctionnaire fait valoir que l’employeur ne peut gagner sur les deux tableaux, c’est-à-dire disposer d’une EPHV qui définit un jour comme une période de 10 heures et bénéficier de la souplesse qui lui permettrait de modifier le jour de travail à son gré. Le fonctionnaire demande que j’établisse le droit d’être rémunéré pour un jour de 10 heures pour le temps de déplacement tel qu’il est prévu par la clause 32.06.

26 Le fonctionnaire a cité comme précédents les décisions King et Holzer c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 117, et Canada (Procureur général) c. King, 2003 CFPI 593.  

27 Le fonctionnaire demande que son grief soit accueilli.

B. Pour l’employeur

28 L’employeur fait valoir que la clause 32.06(a) de la convention collective ne doit pas être interprétée isolément. Il n’existe pas de nombre minimal d’heures de déplacement pour qu’il y ait rémunération du temps de déplacement, et l’employeur a le droit de faire travailler un employé au cours des heures pendant lesquelles il n’était pas en déplacement.

29 En l’espèce, l’employeur a pris une mesure d’adaptation raisonnable en n’exigeant pas des employés qu’ils se présentent au travail à la fin de leurs déplacements et en les rémunérant en heures supplémentaires pour les heures de déplacement en sus de 7,5 heures. La convention collective prévoit une modification de l’horaire selon les nécessités du service exposées dans une EPHV, ce qui ne se traduit pas nécessairement en heures supplémentaires. Dans la présente affaire, rien ne prouve que le fonctionnaire a travaillé 10 heures. De fait, il a déclaré 8,5 heures de temps de déplacement.

30 Plutôt que d’exiger qu’un employé se présente au travail après son déplacement vers la maison, l’employeur a décidé de payer des heures supplémentaires pour la période de déplacement qui s’ajoute aux heures de travail prévues. Les employés n’étaient aucunement privés de rémunération. L’employeur n’est pas d’accord avec la thèse du fonctionnaire selon laquelle la souplesse de l’employeur à l’égard d’un jour de déplacement dans le but de simplifier les horaires des employés devrait avoir des conséquences sur les heures de travail touchant un autre jour de déplacement.

31 L’employeur souligne que le fonctionnaire s’est fait rémunérer 9,25 heures de travail, soit presque les 10 heures complètes sur lesquelles son grief porte. L’employeur a le droit de modifier les heures de travail. L’employeur, de concert avec le syndicat, a établi le 17 octobre 2009 comment il traiterait le deuxième jour de déplacement.

32 L’employeur demande que le grief soit rejeté.

IV. Motifs

33 Le présent grief concerne l’interprétation de la convention collective en ce qui concerne l’établissement d’aménagements d’horaires de postes variables à l’échelon local dans la mesure où ils s’appliquent à la période de déplacement requise pour participer à un cours de formation. Les clauses pertinentes sont ainsi rédigées :

[…]

Travail par poste

25.13 Lorsque, en raison des nécessités du service, la durée du travail des employé-e-s est répartie par roulement ou de façon irrégulière, elle doit être fixée de façon que les employé-e-s, au cours d’une période maximale de cinquante-six (56) jours civils :

a) sur une base hebdomadaire, travaillent en moyenne trente-sept heures et demie (37 1/2) et en moyenne cinq (5) jours;

b) travaillent sept heures et demie (7 1/2) consécutives par jour, sans compter la pause-repas d’une demi-heure (1/2);

c) bénéficient en moyenne de deux (2) jours de repos par semaine;

d) bénéficient d’au moins deux (2) jours de repos consécutifs en un moment donné, sauf quand un jour férié désigné payé qui est un jour chômé sépare les jours de repos; les jours de repos consécutifs peuvent faire partie de semaines civiles séparées.

[…]

25.23 Aménagements d’horaires de postes variables

a) Nonobstant les dispositions des paragraphes 25.05, et 25.13 à 25.22 inclusivement, des consultations peuvent être tenues au niveau local en vue d’établir des horaires de travail par poste qui pourraient être différents de ceux établis par les paragraphes 25.13 et 25.17. De telles consultations incluront tous les aspects des aménagements des horaires de travail par poste.

b) Quand une entente mutuelle acceptable est obtenue au niveau local, l’horaire de travail variable proposé sera soumis aux niveaux respectifs de l’administration centrale de l’Employeur et de l’Alliance avant la mise en vigueur.

c) Les deux (2) parties s’efforceront de satisfaire les préférences des employé-e-s quant à de tels aménagements.

d) Il est entendu que l’application flexible de tels aménagements ne doit pas être incompatible avec l’intention et l’esprit des dispositions régissant autrement de tels aménagements. Cette même application flexible du présent paragraphe doit respecter la moyenne des heures de travail pour la durée de l’horaire général et doit être conforme aux nécessités du service telles que déterminées par l’Employeur.

e) Les employé-e-s visés par le présent paragraphe sont assujettis aux dispositions concernant l’horaire de travail variable établies aux paragraphes 25.24 à 25.27, inclusivement.

Conditions régissant l’administration des horaires de travail variables

25.24 Les conditions régissant l’administration des horaires de travail variables mis en œuvre conformément aux paragraphes 25.09, 25.10 et 25.23 sont stipulées aux paragraphes 25.24 à 25.27, inclusivement. La présente convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée par celles-ci.

25.25 Nonobstant toute disposition contraire dans la présente convention, la mise en œuvre d’un horaire de travail différent ne doit pas entraîner des heures supplémentaires additionnelles ni une rémunération supplémentaire du seul fait du changement d’horaire, et ne doit pas non plus être réputée retirer à l’Employeur le droit d’établir la durée du travail stipulée dans la présente convention.

25.26

a) Les heures de travail d’une journée quelconque figurant à l’horaire variable précisé au paragraphe 25.24 peuvent être supérieures ou inférieures à sept heures et demie (7 1/2); les heures du début et de la fin, les pauses-repas et les périodes de repos sont fixées en fonction des nécessités du service déterminées par l’Employeur, et les heures journalières de travail sont consécutives.

b) L’horaire doit prévoir une moyenne de trente-sept heures et demie (37 1/2) de travail par semaine pendant toute la durée de l’horaire.

(i) La durée maximale d’un horaire de postes est de six (6) mois.

(ii) La durée maximale des autres types d’horaires est de vingt-huit (28) jours, à moins que les heures de travail hebdomadaires et journalières normales soient modifiées par l’Employeur de façon à permettre la mise en vigueur d’un horaire d’été et d’un horaire d’hiver conformément au paragraphe 25.10, auquel cas la durée de l’horaire est d’un (1) an.

c) Lorsque l’employé-e modifie son horaire variable ou cesse de travailler selon un tel horaire, tous les rajustements nécessaires sont effectués.

25.27 Champ d’application particulier de la présente convention

Pour plus de certitude, les dispositions suivantes de la présente convention sont appliquées comme suit :

a) Interprétation et définitions (paragraphe 2.01)

« taux de rémunération journalier » - ne s’applique pas.

[…]

d) Heures supplémentaires (paragraphes 28.06 et 28.07)

Des heures supplémentaires sont payées à tarif et trois quarts (1 3/4) pour tout travail exécuté par l’employé-e en sus des heures de travail prévues à son horaire un jour de travail normal ou les jours de repos).

[…]

f) Déplacements

La rémunération des heures supplémentaires dont il est question au paragraphe 32.06 ne s’applique qu’aux heures qui dépassent le nombre d’heures prévues à l’horaire de travail journalier de l’employé-e au cours d’une journée de travail.

[…]

34 Ces clauses de la convention collective établissent les principes généraux suivants relativement au travail par poste :

  • l’employeur peut établir des postes de travail conformément aux conditions indiquées dans la clause 25.13 et des EPHV conformément à la clause 25.23;
  • la période de travail hebdomadaire moyenne est de 37,5 heures; le jour de travail moyen est de 7,5 heures;
  • le syndicat doit être consulté dans le cadre de l’établissement des EPHV;
  • les aménagements sont souples et doivent respecter la moyenne des heures de travail hebdomadaires pour la durée de l’horaire général;
  • l’horaire doit être conforme aux nécessités du service telles qu’elles sont déterminées par l’employeur;
  • les EPHV ne sont pas réputées retirer à l’employeur le droit d’établir la durée du travail stipulée dans la convention collective;
  • des heures supplémentaires sont payées pour tout travail exécuté par l’employé en sus des heures de travail prévues à son horaire un jour de travail normal;
  • dans les cas de déplacement, la rémunération des heures supplémentaires s’applique aux heures dépassant les heures prévues à l’horaire de travail journalier de l’employé.

35 Dans la présente affaire, l’employeur a établi un poste de travail aux fins du cours de formation à l’exercice des pouvoirs d’agent de la paix qui était conforme au jour de travail moyen de 7,5 heures, soit le jour moyen de la semaine de travail moyenne prévue dans la convention collective. Le syndicat a été consulté et a accepté que l’horaire habituel de la journée de 10 heures devienne un horaire de 7,5 heures pendant la durée du cours de formation. La modification de l’horaire de travail s’inscrivait dans les droits conférés à l’employeur et était conforme aux nécessités du service.

36 Comme c’était la première fois que le cours était donné à l’extérieur du lieu de travail habituel du fonctionnaire, l’employeur a décidé qu’il devrait accorder plus de temps en raison de l’imprévisibilité de la durée du premier jour de déplacement. L’employeur a décidé que 10 heures était un nombre d’heures raisonnable et a appliqué cette décision à tous les employés ayant pris part au cours, qu’ils aient utilisé ou non toutes les 10 heures pour se rendre à leur destination. Il n’est pas vraiment pertinent de déterminer si l’établissement d’une période de déplacement uniforme pour tous les participants lors du premier jour de déplacement visait à faciliter l’administration ou tout autre motif. Le fonctionnaire ne conteste pas le caractère satisfaisant des 10 heures. Aucune des deux parties n’a fait valoir que les 10 heures prévues comme période de déplacement lors du premier jour de déplacement devaient être considérées comme faisant partie de l’horaire de travail régulier. La preuve établit que tous les jours prévus pour de la formation devaient être des jours de 7,5 heures, sauf le premier jour, prolongé pour des raisons de déplacement.

37 En ce qui concerne le deuxième jour de déplacement, consacré au retour, l’employeur a décidé que plutôt que d’établir une période de déplacement arbitraire, il rémunérerait les  employés en heures supplémentaires au taux d’une fois et trois quarts dans le cas du temps de déplacement excédant le jour de 7,5 heures prévu. Chaque employé a déclaré son temps de déplacement, dont le fonctionnaire, ce que l’employeur a accepté sans remise en question. Lorsque le temps de déplacement dépassait 7,5 heures, l’employeur rémunérait l’employé au taux des heures supplémentaires. Dans le cas du fonctionnaire, la rémunération équivalait à 9,25 heures pour ce jour-là, plutôt que les 10 heures pour lesquelles il prétend avoir le droit d’être rémunéré à juste titre.

38 La convention collective prévoit expressément qu’en ce qui concerne les déplacements, le taux des heures supplémentaires s’applique pour les heures qui excèdent l’horaire de travail journalier de l’employé, ce qu’a fait l’employeur. L’employeur a offert aux employés une autre forme de rémunération, soit une journée de 10 heures de rémunération d’une période consacrée aux études et le paiement d’heures supplémentaires cumulées lors du déplacement de retour à la maison. Comme la majorité des employés ne favorisaient pas cette option, le syndicat l’a rejetée.

39 Dans les circonstances, je ne vois pas comment l’employeur a enfreint les dispositions de la convention collective. La décision King n’est pas utile pour trancher la présente affaire, car elle traite des congés pour obligations familiales. L’arbitre de grief dans cette affaire a décidé qu’un tel congé devrait être calculé en jours et non sous forme de conversion en heures. Par conséquent, un jour de congé devait être calculé conformément aux heures de travail par poste régulières du fonctionnaire. Ce n’est pas le cas dans la présente affaire. Le fonctionnaire devait travailler 7,5 heures. L’employeur lui a versé des heures supplémentaires pour l’heure additionnelle de déplacement nécessaire ce jour-là, ce qui est conforme à la clause 24.27f) (Déplacement) de la convention collective.

40 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

41 Le grief est rejeté.

Le 26 janvier 2010.

Traduction de la CRTFP

Michele A. Pineau,
arbitre de grief

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