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Loi sur les relations de travail 
dans la fonction

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  • Date:  2010-11-10
  • Dossier:  550-14-8
  • Référence:  2010 CRTFP 122

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

LUDOVIC SILVESTRE

demandeur

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Silvestre c. Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire concernant une demande de révocation d'accréditation prévue à l’article 94 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, commissaire

Pour le demandeur:
Lui-même

Pour la défenderesse:
Krista Devine, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 3 août, le 10 septembre et les 1er et 8 octobre 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant la Commission

1 Dans Bureau du Vérificateur général du Canada c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 125-14-91 (19990728), l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») a accrédité l’Alliance de la Fonction publique du Canada à titre d’agent négociateur pour une unité de négociation décrite comme suit :

[…]

tous les fonctionnaires de l'employeur compris dans les tranches 1 à 6 inclusivement de la catégorie Vérification législative, groupe des Services de vérification qui exercent des fonctions relatives à la vérification législative d'ordre administratif, technique et professionnel, à l'exception des fonctionnaires qui occupent des postes de technologie de l'information.

2 L’unité de négociation est désignée comme la catégorie Vérification législative, groupe des professionnels de la vérification.

3 La décision de l’ancienne Commission découlait d’une demande reçue de l’employeur, le Bureau du Vérificateur général du Canada, pour regrouper quatre unités de négociation déjà établies (et initialement accréditées par l’ancienne Commission, le 6 février 1978, dans les dossiers de la CRTFP 145-14-166 à 169) en deux unités de négociation afin de tenir compte des changements apportés à la structure de classification au lieu de travail.

4 Le 3 août 2010, Ludovic Silvestre (le « demandeur ») a demandé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») de déclarer que l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse ») ne représente plus la majorité des fonctionnaires de l’unité de négociation. La demande était appuyée par un grand nombre de formules portant la signature de personnes identifiées comme étant des fonctionnaires de l’unité de négociation qui sont en faveur de la révocation de l’accréditation actuelle et au nom desquels M. Silvestre prétend agir.

5 La Commission considère que la demande a été présentée en vertu du paragraphe 94(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi »), qui est libellé comme suit :

          94. (1) Quiconque affirme représenter la majorité des fonctionnaires d’une unité de négociation régie par une convention collective ou une décision arbitrale encore en vigueur peut demander à la Commission de déclarer non représentative l’organisation syndicale accréditée pour cette unité.

6 Le demandeur a également présenté la demande suivante à la Commission :

En référence à l’article 102 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, nous demandons, au nom de nos membres, que les termes et conditions de notre convention collective actuelle (expirant le 30 septembre 2010) continuent à s’appliquer après la révocation de l’accréditation de l’AFPC (si elle est acceptée par la Commission des relations de travail) jusqu’à ce qu’une nouvelle convention collective soit négociée et signée avec notre nouvel agent négociateur accrédité.

7 Le 6 août 2010, la Commission a accusé réception de la demande et en a envoyé une copie à la défenderesse et à l’employeur.

8 En application de l’article 37 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, DORS/2005-79 (le « Règlement »), le directeur général de la Commission a fixé au 10 septembre 2010 la date limite pour la demande.

9 Conformément à l’article 38 du Règlement, le directeur général de la Commission a donné instruction à l’employeur d’afficher au lieu de travail les avis fournis par la Commission afin d’informer les fonctionnaires de l’existence de la demande. L’employeur a ultérieurement confirmé par écrit qu’il s’était conformé à l’exigence relative à l’affichage des avis, le 11 août 2010.

10 La Commission n’avait reçu aucune déclaration d’opposition à la demande de la part des fonctionnaires à l’expiration du délai fixé.

11 Le 10 septembre 2010, la défenderesse a déposé une déclaration d’opposition à la demande.

12 Le 21 septembre 2010, j’ai invoqué l’alinéa 40(1)f) de la Loi pour autoriser une agente de la section des Opérations du greffe et politiques à accomplir certaines tâches relativement à la demande, dont l’examen des éléments de preuve soumis par le demandeur à l’appui de la demande de révocation de l’accréditation, et de me faire rapport par la suite.

13 Le 23 septembre 2010, la Commission a donné instruction à l’employeur, en vertu de l’article 44 du Règlement, de déposer la liste des fonctionnaires de l’unité de négociation en date du 3 août 2010, au plus tard le 4 octobre 2010. La Commission a également enjoint à l’employeur d’envoyer une copie de cette liste au demandeur et à la défenderesse, auxquels elle a accordé 15 jours à partir de la date de réception de la liste pour soumettre à la Commission leurs commentaires à propos de cette liste ou de toute autre question ayant trait à la demande. La Commission a également demandé à l’employeur, au demandeur et à la défenderesse de soumettre, dans le même délai, leurs arguments à propos de la demande du demandeur en vertu de l’article 102 de la Loi.

14 L’employeur a déposé la liste des fonctionnaires le 1er octobre 2010.

15 La défenderesse n’avait pas déposé d’arguments écrits à l’expiration du délai fixé par la Commission.

16 Le 1er novembre 2010, la défenderesse a demandé à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger le délai prescrit pour la présentation d’observations afin d’accepter les commentaires qu’elle avait déposés devant la Commission à cette date-là.

17 Le 2 novembre 2010, j’ai reçu le rapport de l’agente autorisée de la section des Opérations du greffe et politiques. Son rapport contenait le résumé, reproduit ci-après, de la comparaison entre les éléments de preuve soumis par le demandeur et la liste des fonctionnaires reçue de l’employeur :

[Traduction]

[…]

[…] Selon l’employeur, le groupe en question se composait de 301 fonctionnaires le 3 août 2010. La comparaison des cartes soumises par le demandeur avec la liste reçue de l’employeur a révélé qu’il y avait une divergence : une carte a été soumise pour « Hai Jou Su », mais ce nom ne figure pas sur la liste reçue de l’employeur. Toutes les autres cartes soumises correspondent aux noms indiqués sur la liste de l’employeur. Il s’ensuit que le demandeur a soumis des cartes signées pour 196 des 301 fonctionnaires indiqués sur la liste de l’employeur, ce qui signifie que 65,11 % des fonctionnaires appuient la demande.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

II. Motifs

A. Demande de révocation de l’accréditation

18 J’ai pris connaissance des arguments versés au dosser et j’ai tenu compte du rapport de l’agente responsable de la section des Opérations du greffe et politiques. Le dossier indique, selon moi, que le demandeur a présenté une demande de révocation de l’accréditation conforme à la procédure établie par la Loi et le Règlement.

19 La Commission est habilitée à trancher la demande en vertu de l’article 96 de la Loi, qui est libellé comme suit :

          96. Si, après audition de la demande, la Commission est convaincue du bien-fondé de celle-ci, elle révoque l’accréditation de l’organisation syndicale en cause.

20 La seule question de fond que je dois trancher aux termes de l’article 96 de la Loi est celle de savoir si je suis « […] convaincu du bien-fondé [de la demande] […] ». Si tel est le cas, je dois révoquer l’accréditation.

21 Dans sa réponse datée du 10 septembre 2010 à la demande, la défenderesse a formulé divers commentaires pour contester la validité des préoccupations et des critiques que les partisans de la demande avaient censément exprimées à son sujet durant la période précédant le dépôt de la demande. La défenderesse a soutenu qu’elle était la mieux placée pour continuer de représenter les intérêts des fonctionnaires de l’unité de négociation parce qu’étant un agent négociateur important, elle disposait des moyens nécessaires pour fournir un large éventail de services. Elle a déclaré qu’elle était prête à entamer des discussions avec les fonctionnaires qui appuyaient la demande de révocation afin d’examiner leurs préoccupations.

22 La défenderesse a conclu en partie comme suit :

[…]

Depuis le début de ce processus, des réunions ont été perturbées, empêchant certaines personnes de s’exprimer, et des irrégularités se sont produites. Notamment, il y a eu de la sollicitation pour la révocation d’accréditation sur les lieux de travail et des envois de aux [sic] courriels de travail de tous les employés du GPV. Certains membres ont été demandés de s’exprimer sur la question de la révocation d’accréditation sans pour autant avoir été donné toutes les informations nécessaires pour faire une telle décision.

L’AFPC est d’avis que la seule façon d’assurer l’intégrité du processus est par la voie d’un scrutin secret permettant de mesurer le niveau réel d’appui des membres de l’unité de négociation.

[…]

La défenderesse a renvoyé à Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 106, au soutien de la proposition que la pratique de la Commission, dans les demandes de révocation, est de tenir un scrutin de représentation, sauf en cas de circonstances exceptionnelles.

23 Dans ses arguments tardifs datés du 1er novembre 2010, l’agent négociateur indique simplement ceci :

[Traduction]

[…]

[…] Nous avons reçu une réponse, hier, à la question concernant la liste des fonctionnaires fournie par l’employeur. Veuillez prendre note que l’Alliance est en accord avec cette liste, sauf pour deux noms […]

Étant donné qu’il y a des fonctionnaires présents dans les bureaux régionaux aux quatre coins du pays, l’Alliance demanderait que soit ordonnée la tenue d’un scrutin postal.

[…]

24 L’article 95 de la Loi, qui est libellé comme suit, indique clairement que le pouvoir de la Commission d’ordonner la tenue d’un scrutin est discrétionnaire.

          95. Saisie de la demande, la Commission peut, en prenant les dispositions prévues au paragraphe 65(2), ordonner la tenue d’un scrutin de représentation, afin d’établir si la majorité des fonctionnaires de l’unité de négociation ne souhaitent plus être représentés par l’organisation syndicale qui en est l’agent négociateur.

25 Dans ses arguments du 10 septembre 2010, la défenderesse allègue brièvement, sans étayer ses propos, qu’il y a eu des irrégularités durant la campagne de révocation précédant le dépôt de la demande. J’aurais pu accorder un certain poids aux allégations de la défenderesse concernant l’utilisation des locaux de l’employeur par des fonctionnaires partisans de la révocation si elles avaient été corroborées par une preuve prima facie, mais, à mon sens, les arguments de la défenderesse révèlent que la raison première de son opposition réside ailleurs — comme en témoigne son opinion qu’avec « toutes les informations nécessaires », certains des fonctionnaires qui appuient la demande de révocation pourraient changer d’avis. J’estime que cet argument est tout à fait hypothétique. Il ne me donne aucun motif de soupçonner que la preuve d’appui déposée par le demandeur est entachée d’irrégularités ou que, par ailleurs, elle ne représente pas la volonté des fonctionnaires de l’unité de négociation. Je note plus particulièrement que la Commission n’a pas reçu une seule déclaration d’opposition à la demande de la part des fonctionnaires intéressés après que l’employeur eut affiché l’avis exigé par la Commission dans ses locaux. Tout bien considéré, j’estime qu’il est raisonnable de conclure que c’est principalement dans le but de gagner du temps pour convaincre les fonctionnaires de changer d’avis que la défenderesse demande la tenue d’un scrutin officiel et non pas par mesure de précaution pour s’assurer de l’intégrité de la preuve d’appui qui a déjà été soumise.

26 Si j’acceptais de prendre en considération les arguments tardifs de la défenderesse datés du 1er novembre 2010 — précisons, aux fins du dossier, que ce n’est pas le cas, puisque aucune explication valable ne m’a été fournie pour justifier leur présentation tardive — mon opinion resterait la même. Ces arguments ne me donnent aucune raison supplémentaire de mettre en doute l’intégrité de la preuve d’appui soumise par le demandeur, sauf pour l’argument voulant que l’éparpillement géographique des fonctionnaires joue en faveur de la tenue d’un scrutin postal. Sur ce point, la défenderesse ne donne aucune indication que les fonctionnaires travaillant dans les bureaux régionaux n’ont pas eu la possibilité, pour une raison ou pour une autre, de dire s’ils appuyaient ou n’appuyaient pas la demande.

27 En ce qui concerne la liste des fonctionnaires fournie par l’employeur, la défenderesse conteste deux noms dans ses arguments tardifs. Le retrait de ces deux noms de la liste, si cela était jugé indiqué, n’aurait pas une incidence tangible sur la valeur probante de la preuve fournie par le demandeur.

28 Cette preuve montre qu’à la date de présentation de la demande, environ 65 % des fonctionnaires de l’unité de négociation appuyaient la révocation de l’accréditation de la défenderesse. Cette preuve est suffisante pour me convaincre « […] du bien-fondé de [la demande] […] », et je conclus en ce sens.

29 J’estime qu’il n’est pas nécessaire de tenir un scrutin officiel dans le présent cas, en toute déférence pour la décision de la Commission dans Syndicat des agents correctionnels du Canada — CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) et Alliance de la Fonction publique du Canada. Avec un appui confirmé pour la demande se situant aux alentours de 65 % selon les formules déjà reçues, et en l’absence d’éléments de preuve convaincants de la part de la défenderesse pour mettre en doute l’intégrité de cette preuve, je juge que la probabilité que les fonctionnaires rejetteraient la révocation s’il y avait un scrutin officiel est illusoire. L’article 95 de la Loi autorise la Commission à ordonner la tenue d’un scrutin de représentation s’il y a lieu. Si la Commission est convaincue, au sens de l’article 96, que d’autres éléments de preuve établissent « […] le bien-fondé de [la demande] […] », elle a explicitement le pouvoir discrétionnaire de s’appuyer sur ces autres éléments de preuve au lieu d’ordonner la tenue d’un scrutin de représentation.

B. Demande visée à l’article 102 de la Loi

30 En déposant la liste des fonctionnaires, le 1er octobre 2010, l’employeur a également déclaré ceci :

[…]

De plus, en ce qui [sic] trait à la demande incidente contenue dans l’Annexe 5 de la demande de révocation, l’employeur ne s’objecte pas à ce que la convention collective actuelle s’applique en cas de révocation d’accréditation, jusqu’à ce qu’un nouvel agent négociateur soit accrédité.

[…]

31 La défenderesse n’avait pas soumis d’arguments à propos de la demande du demandeur à l’expiration du délai fixé par la Commission et ses arguments tardifs n’en contenaient pas non plus.

32 Aucun agent négociateur n’a déposé une demande devant la Commission afin d’accréditer, en totalité ou en partie, l’unité de négociation qui fait l’objet de la présente décision. J’ai bien relevé dans les arguments du demandeur la mention que certains fonctionnaires auraient indiqué qu’ils appuyaient un autre agent négociateur, mais cette possibilité demeure une hypothèse pour les fins de statuer sur la demande incidente du demandeur. À vrai dire, il serait tout à fait inadmissible que la Commission tienne compte d’une telle possibilité hypothétique pour rendre une décision à ce moment-ci.

33 La demande incidente du demandeur obligerait la Commission à déterminer si elle est habilitée à rendre l’ordonnance demandée et si cela est indiqué dans le cas présent. Les dispositions applicables de la Loi sont les suivantes:

[…]

          101. (1) La révocation de l’accréditation d’une organisation syndicale donnée comme agent négociateur emporte :

a)       sous réserve de l’alinéa 67c), cessation d’effet de toute convention collective ou de toute décision arbitrale liant les fonctionnaires de l’unité de négociation en cause;

[…]

          102. Lorsque, par suite de la révocation de l’accréditation d’une organisation syndicale comme agent négociateur représentant une unité de négociation, une convention collective ou une décision arbitrale cesse d’être en vigueur, la Commission, sur demande présentée par ou pour le compte de tout fonctionnaire faisant partie de l’unité de négociation, donne par ordonnance des directives sur la manière dont tout droit de celui-ci doit être reconnu et appliqué.

[…]

34 Compte tenu de la position adoptée par l’employeur, j’estime qu’il n’y a pas de question en litige devant la Commission. L’employeur s’est engagé, à toutes fins utiles, à respecter et à maintenir les conditions d’emploi contenues dans la convention collective pertinente qui cesse aujourd’hui d’être en vigueur en vertu du paragraphe 101a) de la Loi et de l’ordonnance qui suit. N’ayant aucune raison de croire le contraire, j’estime que le demandeur est fondé à se fier à l’engagement de l’employeur. La Commission n’a nul besoin d’intervenir. Si la question de savoir si « […] tout droit de [l’employé] doit être reconnu et appliqué » venait ultérieurement à se poser, un employé ou une personne agissant pour son compte pourrait présenter une demande à la Commission en vertu de l’article 102.

35 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

III. Ordonnance

36 L’accréditation de l’Alliance de la Fonction publique du Canada pour représenter la catégorie Vérification législative, groupe des professionnels de la vérification, du Bureau du vérificateur général du Canada, est révoquée.

37 La Commission conclut qu’il n’y a pas de question en litige à trancher pour ce qui est de la demande du demandeur aux termes de l’article 102 de la Loi.

Le 10 novembre 2010.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
commissaire

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