Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a présenté un grief à l’encontre de son renvoi en cours de stage - l’administrateur général a démontré que la fonctionnaire s’estimant lésée était assujettie à une période de stage, que la décision de mettre fin à son emploi a été prise pendant cette période et qu’un avis de cette décision lui avait été donné pendant cette même période - l’arbitre de grief a conclu qu’il aurait compétence si la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi -l’administrateur général a démontré un motif d’insatisfaction à l’égard des capacités de la fonctionnaire s’estimant lésée à occuper son poste - aucune preuve n’a été présentée pour démontrer que la décision de licencier la fonctionnaire s’estimant lésée était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi - dans ces circonstances, l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas compétence. Dossier fermé.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-12-23
  • Dossier:  566-02-2967
  • Référence:  2010 CRTFP 136

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LYSE DUCHARME

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

défendeur

Répertorié
Ducharme c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même

Pour le défendeur:
Sean Kelly, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 29 novembre 2010.

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Lyse Ducharme, la fonctionnaire s’estimant lésée, était recherchiste au service du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences – Service Canada (l’« employeur »). Son poste était classifié au groupe et niveau ES-03. Mme Ducharme a été recrutée à ce poste de l’extérieur de la fonction publique et, lors de son embauche, elle a été formellement avisée qu’elle serait en période de stage pour une durée de 12 mois à compter du 25 septembre 2006. Le 11 septembre 2007, avant la fin de la période de stage, l’employeur a avisé Mme Ducharme qu’il procédait à son renvoi à compter du 15 octobre 2007, mais qu’elle était relevée de ses fonctions à compter du 14 septembre 2007, la période entre ces deux dates faisant lieu de préavis payé.

2 Dans sa lettre à Mme Ducharme datée du 11 septembre 2007, l’employeur l’informe qu’elle ne satisfait pas aux exigences du poste ES-03 qu’elle occupe. Au deuxième paragraphe de sa lettre, l’employeur expose ainsi les raisons qui l’amènent à cette conclusion :

[…]

Plus précisément, votre taux d’absentéisme élevé a influé négativement sur la qualité de votre travail. Malgré de fréquents rappels, la situation ne s’est pas améliorée. De plus, vous avez démontrée [sic] une incompatibilité flagrante dans votre comportement avec vos supérieurs et vos collègues de travail. Ces manquements au rendement sont clairement reflétés dans les rapports de rendement qui étaient joints à ma lettre du 5 septembre 2007.

[…]

3 Le 15 janvier 2008, Mme Ducharme a déposé un grief à l’encontre de son renvoi en période de stage. Elle y allègue que le renvoi a été fait sans motif valable et de mauvaise foi et qu’il constitue une mesure disciplinaire déguisée ainsi qu’une violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 15 mai 2009 et renvoyé à l’arbitrage le 23 juin 2009. Le même jour, Mme Ducharme a donné avis à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) que, dans le cadre du renvoi de son grief à l’arbitrage, elle entendait soulever une question liée à l’interprétation ou à l’application de la LCDP. Le 29 juillet 2009, la CCDP a avisé les Opérations du greffe qu’elle n’entendait pas présenter d’observations dans cette affaire.

4 L’audience du grief devait avoir lieu du 15 au 18 mars 2010. Le 2 mars 2010, Mme Ducharme a avisé les Opérations du greffe qu’elle n’était pas disponible à ces dates, mais qu’elle le « serait possiblement à partir de septembre 2010 ». Il fut alors convenu de reporter la date d’audience. Le 21 juin 2010, les Opérations du greffe ont avisé Mme Ducharme qu’elles avaient provisoirement fixé l’audience de son grief du 29 novembre au 3 décembre 2010. Les Opérations du greffe ont demandé à Mme Ducharme de confirmer sa disponibilité avant le 8 juillet 2010. Puisque Mme Ducharme n’a pas répondu à cette lettre, j’ai décidé que l’audience aurait lieu à ces dates. Par la suite, à la suite de mes directives, les Opérations du greffe ont tenté à deux reprises d’organiser une conférence préparatoire afin de pouvoir échanger avec les parties sur le déroulement de l’audience. Je n’ai pu tenir cette conférence faute de recevoir à temps la disponibilité de Mme Ducharme. Le 22 octobre 2010, à la suite de mes directives, les Opérations du greffe ont aussi rappelé à Mme Ducharme que l’audience de son grief aurait lieu comme prévu du 29 novembre au 3 décembre 2010.

5 Le 27 octobre 2010, les Opérations du greffe ont reçu une lettre de Mme Ducharme contenant l’extrait suivant :

[…]

En ce moment, je dois me concentrer à ma survie, ma santé et ma sécurité. Ensuite, lorsque le problème de représentation réglé, j’ai l’intention de poursuivre a débattre ma position qui durant mon emploi n’a pas fait entrave aux règlements, ou code de conduite de la Fonction publique mais durant laquelle du dernier emploi chez Service Canada ou je fut victime d’harcèlement.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

6 Le 2 novembre 2010, à la suite de mes directives, les Opérations du greffe ont répondu à la lettre du 27 octobre 2010 de Mme Ducharme et lui ont alors demandé qu’elle leur donne sa disponibilité pour une conférence préparatoire à l’audience. Les Opérations du greffe ont aussi informé Mme Ducharme que l’audience aurait lieu comme prévu du 29 novembre au 3 décembre 2010. Le 2 novembre 2010, les Opérations du greffe ont aussi envoyé un avis d’audience aux parties. L’avis d’audience comprenait la mention suivante :

[…]

VEUILLEZ ÉGALEMENT NOTER qu’à défaut par vous de comparaître à l’audience ou à toute reprise d’audience éventuelle, l’arbitre de grief peut statuer sur la question au vu de la preuve et des observations qui lui seront alors présentées sans vous adresser de nouvel avis.

[…]

7 Le 16 novembre 2010, à la suite de mes directives, les Opérations du greffe ont écrit à Mme Ducharme pour lui demander de nouveau sa disponibilité pour une conférence préparatoire le 22 ou 23 novembre 2010 et pour lui rappeler que l’audience de son grief aurait lieu du 29 novembre au 3 décembre 2010. Un message téléphonique a aussi été laissé à sa résidence le 17 novembre 2010. Le 22 novembre 2010, les Opérations du greffe ont reçu une lettre de Mme Ducharme qui indiquait qu’elle n’était pas disponible pour la conférence préparatoire et qu’elle voulait que l’audience soit reportée. Les extraits suivants de sa lettre résument sa position :

[…]

Non, je ne suis pas disponible pour une audience appellée par l’employeur le 22 ou 23 novembre 2010 pour les raisons suivantes que vous connaissez déjà :

[…]

Que puisqu’on m’a mis en position de trouver ma propre representation faute du fait que l’Union de l’ACEP a decide de ne pas me représenter en tant que membre, je devrai poursuivre ce dossier seulement que lorsque j’aurai trouver cette nouvelle representation auquelle j’y ai droit ; lorsque la santé et le temps me le permettront et ai souligné le fait que je ne prevois pas pouvoir le faire avant la nouvelle annee en 2011

Que lorsque je serai équipée selon mes droits de poursuivre je vous en ferai part

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

8 Le 23 novembre 2010, à la suite de mes directives, les Opérations du greffe ont répondu à la lettre de Mme Ducharme reçue le 22 novembre 2010 pour l’informer que l’audience de son grief aurait lieu comme prévu du 29 novembre au 3 décembre 2010 et qu’elle devrait produire une preuve médicale si son état de santé l’empêchait de se présenter à l’audience. Les Opérations du greffe ont reçu une confirmation de Postes Canada que leur lettre du 23 novembre 2010 a été livrée à Mme Ducharme le 24 novembre 2010. De plus, le 23 novembre 2010, à 12 h 15, les Opérations du greffe ont appelé Mme Ducharme et lui ont laissé un message téléphonique pour lui faire part verbalement du contenu de la lettre du 23 novembre 2010. Entre autres, cette lettre contenait ce qui suit :

[…]

Nos dernières communications avec vous visaient à établir une date pour une conférence préparatoire à l’audience de votre grief. Compte tenu que vous n’êtes pas disponible pour une telle conférence, elle n’aura pas lieu.

Veuillez cependant prendre note, comme nous vous l’avons rappelé par lettre le 16 novembre 2010, que l’audience de votre grief aura lieu comme prévue [sic] du 29 novembre au 3 décembre 2010.

Dans votre lettre du 17 novembre 2010, vous indiquiez que vous ne prévoyez pas pouvoir être prête à procéder à l’audition de votre grief avant 2011. Je vous rappelle que l’audience de ce grief était d’abord prévue du 15 au 18 mars 2010. Cette audience a été remise. Vous n’étiez pas disponible car votre horaire ne vous le permettait pas selon votre lettre du 2 mars 2010. Dans cette même lettre, vous avez indiqué que vous seriez disponible à partir de septembre 2010.

Le 21 juin 2010, nous vous avons écrit pour vous informer que votre grief serait entendu du 29 novembre au 3 décembre 2010. Depuis, à plus d’une reprise, nous vous avons rappelé que l’audience aurait lieu à ces dates et que si vous ne vous présentiez pas à l’audience, l’arbitre pourrait conclure que vous aviez abandonné votre grief et, du fait même, le rejeter.

À moins que nous recevions à nos bureaux, avant 12:00 le 26 novembre 2010, une preuve médicale satisfaisante que votre état de santé vous empêche de vous présenter à l’audience prévue du 29 novembre au 3 décembre 2010, celle-ci aura lieu. Si vous ne vous y présentez pas, l’arbitre pourrait conclure que vous avez abandonné votre grief ou décider du grief à partir de la preuve soumise par l’employeur lors de l’audience.

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

9 Mme Ducharme n’a pas communiqué avec les Opérations du greffe après la réception de la lettre du 23 novembre 2010. Comme prévu, l’audience a débuté à 9 h 30 le 29 novembre 2010, mais Mme Ducharme n’était pas là. J’ai indiqué à l’employeur qu’une agente des Opérations du greffe tenterait de joindre Mme Ducharme et que l’audience reprendrait à 9 h 50. À 9 h 40, une agente des Opérations du greffe a téléphoné à Mme Ducharme, qui n’a pas répondu à l’appel. L’agente lui a laissé un message téléphonique l’avisant que l’audience avait lieu à 9 h 30 et que l’arbitre de griefs avait constaté son absence. L’agente lui a demandé qu’elle communique avec elle le plus rapidement possible afin de l’informer si un empêchement majeur l’empêchait d’être présente à l’audience. Mme Ducharme n’a pas retourné l’appel.

10 Puisque Mme Ducharme a été informée à maintes reprises de la date de l’audience et qu’elle n’a fourni aucune preuve d’une raison légitime l’empêchant de se présenter à l’audience, j’ai décidé de poursuivre l’audience et de disposer du grief sur la base de la preuve présentée par l’employeur.

Résumé de la preuve

11 L’employeur a présenté 12 documents en preuve. Il a aussi appelé comme témoins Pierre-Étienne Gérin, Chi Nguyen, Yvonne Dionne, Annie Blondeau et William Harris. M. Gérin a supervisé Mme Ducharme à partir de son embauche en septembre 2006 jusqu’à la mi-novembre 2006. Mme Nguyen a supervisé Mme Ducharme de la mi-novembre 2006 jusqu’à la fin mars 2007. Mme Dionne a supervisé Mme Ducharme pour une période de deux semaines à la fin août et au début septembre 2007. Mme Blondeau est conseillère en relations de travail pour l’employeur. Entre novembre 2006 et décembre 2007, M. Harris était directeur à la planification stratégique et opérationnelle à Service Canada. Les gestionnaires qui supervisaient Mme Ducharme rendaient compte à M. Harris. M. Harris a pris la décision de renvoyer Mme Ducharme en période de stage.

12 Selon M. Gérin, le rendement de Mme Ducharme était en deçà des attentes. Elle avait été embauchée pour faire de la recherche, de l’analyse et des recommandations. Elle avait de la difficulté à faire des synthèses de l’information qu’elle collectait. Elle pouvait difficilement s’adapter rapidement à des priorités changeantes en raison d’urgences. Mme Ducharme avait une attitude irrespectueuse et méprisante lorsqu’elle communiquait oralement avec M. Gérin. À une occasion, elle a pris une position contraire à la sienne lors d’une réunion avec des partenaires externes de Service Canada. Mme Ducharme éprouvait aussi des difficultés dans ses relations avec ses collègues de travail car elle pouvait difficilement les aider lorsque nécessaire. M. Gérin a dit avoir reçu des commentaires de quelques employés qui ne voulaient d’ailleurs plus travailler avec Mme Ducharme. M. Gérin a dit aussi avoir discuté de ces problèmes avec Mme Ducharme, mais cette dernière n’a pas changé son attitude.

13 Au cours des cinq semaines pendant lesquelles il a supervisé Mme Ducharme, M. Gérin a informé M. Harris des difficultés qu’il éprouvait avec elle. En août 2007, à la demande de M. Harris, M. Gérin a rédigé un rapport sur son appréciation du rendement de Mme Ducharme. Ce rapport a été déposé à l’audience. Dans l’ensemble, il confirme le témoignage de M. Gérin à l’égard des lacunes de Mme Ducharme.

14 Mme Nguyen a témoigné avoir vécu sensiblement les mêmes difficultés que M. Gérin dans son rôle de superviseure de Mme Ducharme. Mme Nguyen s’est vite rendu compte que Mme Ducharme était impolie avec elle, que son rendement n’était pas toujours satisfaisant et qu’elle éprouvait des difficultés dans ses relations avec ses collègues de travail. Mme Nguyen a discuté de ces points avec Mme Ducharme et lui a fait part de ses attentes mais elle n’a vu aucune amélioration au cours des mois pendant lesquels elle l’a supervisée. À plusieurs reprises, Mme Ducharme a été très irrespectueuse, voire agressive, dans ses communications verbales avec Mme Nguyen.  

15  Au cours de la période pendant laquelle elle a supervisé Mme Ducharme, Mme Nguyen a informé M. Harris au sujet des difficultés qu’elle éprouvait avec elle. En août 2007, à la demande de M. Harris, Mme Nguyen a rédigé un rapport sur son appréciation du rendement de Mme Ducharme. Ce rapport a été déposé à l’audience. Dans l’ensemble, il confirme le témoignage de Mme Nguyen à l’égard des lacunes de Mme Ducharme.

16 Entre le 2 avril et le 31 juillet 2007, Mme Ducharme a été temporairement détachée de Service Canada pour occuper un poste au Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés. L’employeur a déposé en preuve l’évaluation du rendement qui a été faite à la fin de l’entente de détachement. L’auteur de l’évaluation a conclu que Mme Ducharme ne satisfaisait pas aux exigences du poste. Aucun témoin n’a été appelé pour corroborer ou expliquer cette évaluation.

17 Mme Dionne a supervisé Mme Ducharme pour une courte période de deux semaines vers la fin de sa période de stage après son retour à Service Canada. Mme Dionne a fait état d’une réunion avec Mme Ducharme, lors de laquelle cette dernière avait été particulièrement irrespectueuse et impolie avec elle. Mme Dionne tentait d’expliquer certaines choses à Mme Ducharme, mais elle ne pouvait le faire car Mme Ducharme l’interrompait constamment et ne la laissait pas parler. Mme Dionne a fait part de cet incident à M. Harris.

18 Tous les témoins ont déclaré que Mme Ducharme avait des problèmes d’absentéisme ou qu’elle était souvent en retard ou quittait avant la fin prévue de ses heures de travail sans en avertir ses supérieurs. M. Gérin et Mme Nguyen ont aussi souligné qu’il arrivait souvent que Mme Ducharme ne se conforme pas aux procédures en place pour aviser de ses absences. Mme Blondeau a expliqué le sommaire des absences de Mme Ducharme qu’elle a elle-même compilé à partir des registres informatisés de l’employeur. Ce sommaire indique que Mme Ducharme a été absente 45 jours au cours des 12 mois de sa période de stage. Ces 45 jours comprennent 18,8 jours de congés annuels, 20,2 jours de maladie et quatre autres jours pour autres raisons. Toutes ces absences ont été autorisées par l’employeur.

19 Sur la base des rapports écrits de M. Gérin, de Mme Nguyen et du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés sur le rendement de Mme Ducharme, ainsi que des commentaires de M. Gérin et de Mme Nguyen, M. Harris a décidé de mettre fin à la période de stage de Mme Ducharme. Le 21 août 2007, M. Harris a rencontré Mme Ducharme et lui a fait part de son insatisfaction, plus particulièrement à l’égard de son comportement. Le 5 septembre 2007, il lui a envoyé une lettre dans laquelle il lui a ordonné de se conformer à des exigences relatives à ses heures de travail, à ses absences et à son comportement. Dans cette même lettre, M. Harris a indiqué à Mme Ducharme qu’il considérait la renvoyer avant la fin de sa période de stage et qu’il lui ferait part de sa décision finale la semaine suivante.

20 Le 11 septembre 2007, M. Harris a avisé Mme Ducharme par écrit qu’elle était renvoyée en cours de stage. M. Harris a témoigné qu’il avait rencontré Mme Ducharme à plusieurs reprises pour lui faire part des attentes de la direction à son égard. Il n’a vu aucune amélioration au niveau de son comportement et de son attitude à la suite de ces rencontres. M. Gérin et Mme Nguyen n’avaient, eux non plus, constaté aucune amélioration dans le comportement et l’attitude de Mme Ducharme. 

Résumé de l’argumentation

21 L’objet de la période de stage est d’évaluer les aptitudes d’un employé pour occuper un poste. Si l’employeur conclut durant cette période que l’employé ne possède pas ces aptitudes, il peut renvoyer l’employé sans que celui-ci ne puisse recourir à l’arbitrage de griefs en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »). Plus précisément, selon l’article 211 de la LRTFP, un grief portant sur un renvoi en cours de stage en vertu de la Loi sur l’emploi de la fonction publique (la « LEFP ») ne peut être renvoyé à l’arbitrage.

22 La preuve présentée par l’employeur démontre que la décision de renvoyer Mme Ducharme en période de stage était basée sur des motifs liés à l’emploi. Mme Ducharme était irrespectueuse envers ses supérieurs et ses collègues de travail. Elle ne satisfaisait pas aux exigences de son poste en ce qui concerne les relations interpersonnelles. De plus, elle ne se conformait pas toujours aux procédures en place en cas d’absence, n’était pas toujours ponctuelle et était trop souvent absente. Elle a donc failli sa période de stage.

23 L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39; Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529; Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.); Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2009 CRTFP 175; Marycrest v. Canadian Union of Public Employees, Local 2280, [2009] O.L.A.A. No. 94 (QL); Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33; Monette c. Agence Parcs Canada, 2010 CRTFP 89; Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33; North York (City) Hydro Electric Commission v. Canadian Union of Public Employees, Local 11, [1992] O.L.A.A. No. 836 (QL); Ross c. Conseil du Trésor (Service correctionnel Canada), 2003 CRTFP 97; Spurrell c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2003 CRTFP 15; Toronto (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 79, [2010] O.L.A.A. No. 281 (QL); Wright c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 139.

Motifs

24 L’employeur a embauché Mme Ducharme dans un poste de recherchiste le 25 septembre 2006. Elle a été embauchée de l’extérieur de la fonction publique, et elle a été informée lors de son embauche qu’elle serait en stage pour une période de 12 mois. L’employeur l’a avisée le 11 septembre 2007 qu’elle était renvoyée en cours de stage à compter du 15 octobre 2007 et relevée de ses fonctions à compter du 14 septembre 2007. L’employeur, dans sa lettre du 11 septembre 2007, a indiqué à Mme Ducharme que son taux d’absentéisme a influé négativement sur la qualité de son travail et qu’elle a montré une incompatibilité flagrante dans son comportement avec ses supérieurs et ses collègues de travail.

25 Les dispositions suivantes de la LEFP, sur lesquelles l’employeur s’est appuyé dans le cas de Mme Ducharme, confèrent à l’employeur le droit d’imposer une période de stage à un fonctionnaire et de le renvoyer :

[…]

61. (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques

[…]

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques

[…]

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

[…]

26 L’article 211 de la LRTFP empêche le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur un renvoi en cours de stage en vertu de la LEFP. La partie de l’article 211 de la LRTFP qui est pertinente à la présente affaire se lit comme suit :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

[…]

27 Dans le cas de Mme Ducharme, un arbitre de grief a compétente sur son renvoi en cours de stage si la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Il a compétence si l’employeur invoque de façon factice la LEFP ou si la raison qu’il invoque est un subterfuge ou un camouflage. L’arbitre de grief n’a cependant pas le pouvoir, contrairement aux cas de griefs disciplinaires, de décider si l’employeur avait un motif suffisant de licencier un employé. Autrement dit, il ne peut pas substituer son jugement à celui de l’employeur.

28 Dans la lettre de renvoi du 11 septembre 2007, l’employeur appuie en partie sa décision sur le taux d’absentéisme de Mme Ducharme. La preuve révèle que Mme Ducharme avait un taux d’absentéisme élevé. En effet, elle a été absente 45 jours sur les quelques 240 jours de sa période de stage. Il s’agit là d’un taux d’absence de 19 %. La preuve révèle aussi que Mme Ducharme était parfois en retard au travail ou quittait avant l’heure prévue et ne se conformait pas toujours aux procédures en place sur la gestion des congés. L’employeur est en droit de s’attendre, de la part de ses employés, qu’ils travaillent les heures prévues à leur horaire de travail et qu’ils se conforment aux procédures de gestion des congés. Il s’agit là aussi d’une insatisfaction à l’égard des capacités de Mme Ducharme à occuper son poste.

29 Cependant, je ne suis pas convaincu, selon la preuve présentée, que l’absentéisme de Mme Ducharme est un motif d’insatisfaction éprouvé de bonne foi à l’égard des capacités de Mme Ducharme à occuper son poste. Certes, son taux d’absence était très élevé mais la preuve révèle que l’employeur a approuvé des congés prévus à la convention collective pour chacune des absences de Mme Ducharme. Cette dernière a pris des vacances : elle y avait droit. Elle a déclaré être malade 20 jours pendant l’année et l’employeur a accepté ses déclarations. Il ne peut pas plus tard prétendre que Mme Ducharme ne satisfait pas aux exigences du poste parce qu’elle s’est prévalue de congés prévus par la convention collective et qu’il les a approuvés. Tout comme dans Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Services correctionnels),2004 CRTFP 109, et dans Melanson, je suis d’avis que, même si le grand nombre de congés dont Mme Ducharme a bénéficié a sans doute affecté la qualité de son travail, il ne s’agit pas là est d’une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l’égard des capacités de Mme Ducharme à occuper son poste.  

30 La preuve présentée à l’audience démontre aussi que Mme Ducharme éprouvait des difficultés en ce qui concerne les relations interpersonnelles et qu’elle manquait de respect envers ses superviseurs. Les témoignages de M. Gérin, de Mme Nguyen et de Mme Dionne le prouvent. Qui plus est, M. Gérin et Mme Nguyen ont discuté du problème avec Mme Ducharme, mais son attitude n’a pas changé. Il s’agit là d’une insatisfaction à l’égard des capacités de Mme Ducharme à occuper son poste.

31  L’employeur n’a pas à me prouver qu’il avait plusieurs motifs d’insatisfaction à l’égard des capacités de Mme Ducharme à occuper son poste pour la renvoyer. L’employeur a présenté une preuve établissant que la décision de renvoyer Mme Ducharme était fondée sur une insatisfaction à l’égard des capacités de Mme Ducharme à occuper son poste. Comme aucune preuve ne m’a été présentée voulant que le renvoi en cours de stage de Mme Ducharme était arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il s’appuyait de façon factice sur la LEFP, ou qu’il s’agissait d’un subterfuge ou d’un camouflage, je n’ai pas la compétence pour entendre et trancher le présent grief.

32 Le 3 décembre 2010 à 10 h 21, Mme Ducharme a envoyé un facsimilé aux Opérations du greffe, dans lequel elle a écrit qu’elle avait déjà indiqué qu’elle n’était pas disponible pour une audience avant 2011 et qu’elle ne pouvait fournir de preuve médicale sur ce qui l’empêchait de se présenter à l’audience parce que le médecin qui la suivait avait fermé sa pratique le 29 octobre 2010. Mme Ducharme connaissait depuis plusieurs mois la date de son audience et elle avait l’obligation de s’y présenter à moins de circonstances indépendantes de sa volonté. Si son état de santé l’empêchait de se présenter à l’audience, j’aurais pu accepter de reporter l’audience à condition qu’elle me présente un certificat médical l’attestant, comme les Opérations du greffe l’en avaient expressément informée. Elle n’a pas fait preuve de diligence en attendant quatre jours après le début prévu de l’audience pour informer les Opérations du greffe que son médecin avait fermé sa pratique cinq semaines plus tôt.

33 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

34 Je déclare que je n’ai pas compétence pour entendre ce grief.

35 J’ordonne que ce dossier soit clos.

Le 23 décembre 2010.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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