Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée et plaignante a allégué que l’employeur n’avait pas suffisamment réagi au harcèlement que son superviseur lui avait fait subir - elle a refusé de retourner au travail jusqu’à ce que l’employeur lui fournisse les conditions de travail nécessaires - l’employeur avait conclu après enquête qu’il y avait eu harcèlement - l’employeur a offert certaines mesures correctives à la fonctionnaire s’estimant lésée et plaignante - l’employeur s’est opposé au renvoi à l’arbitrage du grief et aux plaintes au motif de l’absence de compétence - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas la compétence nécessaire pour trancher le grief - siégeant à titre de formation de la Commission, il a jugé que certains éléments des plaintes étaient hors délai - il a ordonné la poursuite de l’audience sur les allégations de représailles. Grief rejeté. L’audience relative aux plaintes se poursuivra.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-12-13
  • Dossier:  566-02-2784 et 560-02-58, 65, 66 et 68
  • Référence:  2010 CRTFP 130

Devant un arbitre de grief et la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique


ENTRE

ZABIA CHAMBERLAIN

fonctionnaire s'estimant lésée et plaignante

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

employeur et défendeur

Répertorié
Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage et plaintes visées à l’article 133 du Code canadien du travail

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
George Filliter, arbitre de grief et commissaire

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée et plaignante:
Elle-même et Hind Mali, avocate

Pour l'employeur et défendeur:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 26 au 30 juillet 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage et plaintes devant la Commission

1 Zabia Chamberlain, la fonctionnaire s'estimant lésée (la « fonctionnaire ») a déposé un grief le 3 décembre 2008, auquel elle avait joint un long document détaillant la nature de ses allégations. Le 19 février 2009, le sous-ministre adjoint par intérim du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (l'« employeur ») a rejeté le grief à l'étape finale de la procédure de règlement des griefs.

2 Le 11 mars 2009, la fonctionnaire a renvoyé son grief à l'arbitrage conformément à l'alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Le 10 janvier 2010, l'employeur a soulevé une objection préliminaire au renvoi, faisant valoir qu'aucune mesure disciplinaire qui permettrait à la fonctionnaire de renvoyer l'affaire à l'arbitrage n'avait été prise.

3 Outre le grief, la fonctionnaire a déposé quatre plaintes aux termes de l'article 133 du Code canadien du travail, L.R.C, c.L-2(CCT). Les plaintes étaient datées des 23 avril, 13 octobre, 29 octobre et 10 décembre 2009, respectivement. L'employeur a également soulevé une objection préliminaire au renvoi des plaintes.

4 En raison de la similarité des plaintes entre celles-ci et le grief, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) les a combinés aux fins d'une audience.

II. L'audience

A. Processus préliminaire

5  La CRTFP a tenté d'aider les parties à accélérer une audience, mais ses efforts ont été entravés par les longues demandes, souvent répétitives, de la fonctionnaire. Le grand nombre de courriels envoyés par la fonctionnaire n'a vraiment pas aidé à la procédure et a fort probablement entraîné des retards. Bien que la fonctionnaire voulait que je considère les courriels comme des preuves, dans la poursuite d'une audience équitable, j'ai informé la fonctionnaire que je ne pouvais accéder à sa demande.

6 À l'origine, cette affaire devait être entendue au cours de la première semaine de mars 2010. Afin d'accélérer le processus, de souligner certaines questions de procédure et, avec un peu de chance, d'éliminer ou de réduire la longue correspondance par courriel initiée par la fonctionnaire, le 8 janvier 2010, j'ai présidé une conférence préparatoire à l'audience. 

7 La fonctionnaire était représentée par un avocat-conseil à la conférence. De plus, la fonctionnaire a demandé la permission pour que son médecin de famille et un psychologue soient à ses côtés afin qu'elle puisse bénéficier d'un soutien émotif. L'employeur ne s'est pas opposé à cette demande et j'ai donc admis la requête. 

8 Une lettre contenant les résultats de la conférence a été envoyée le 8 janvier 2010.

9 Malheureusement, en raison de circonstances imprévues, l'audience, qui devait à l'origine avoir lieu du 1er au 5 mars 2010, a dû être reportée. J'ai décidé de reporter l'audience malgré les objections de la fonctionnaire. Ma décision se fondait sur le fait que l'avocate de l'employeur n'était pas en mesure d'être présente en raison d'un problème personnel malheureux et inopportun. Aucun suppléant n'était disponible, vu le court avis.

10 L’audience a été reportée en date du 26 au 30 juillet 2010. Le 2 juillet 2010, j'ai mené une nouvelle conférence préparatoire à l'audience, par téléconférence cette fois. Au cours de l'appel, la fonctionnaire m'a informé qu'elle n'était plus représentée par son avocat-conseil, mais qu'elle avait une autre avocate qui lui donnait des conseils juridiques. La fonctionnaire était également accompagnée d'autres personnes au cours de la téléconférence pour un soutien émotif. J'ai accédé dans toute la mesure possible aux demandes de la fonctionnaire.

11 Le 2 juillet 2010, j'ai pris plusieurs décisions de procédure qui ont été confirmées avec les parties dans une lettre datée du 2 juillet 2010. 

B. Objet

12 L'employeur avait soulevé une objection préliminaire à ma compétence au début du processus. Au cours des conférences préparatoires à l'audience, j'ai décidé que les arguments préliminaires de compétence devraient être examinés dès le début de l'audience, puisqu'ils nécessiteraient probablement la présentation d'une preuve. 

13 J'ai également décidé, après avoir entendu les arguments des deux parties concernant ma compétence, de déterminer si j'entamerais l'audience sur le bien-fondé des questions qui me seraient soumises à l'audience. En fait, les arguments concernant la compétence ont duré toute la semaine et je n'ai donc pas eu besoin de déterminer si j'admettrais la preuve ou non.

C. Procédure

14 Il est utile d'examiner la procédure suivie dans ce cas. Au début de l’audience, l’employeur s’est opposé à quatre assignations émises par la CRTFP à la demande de la fonctionnaire. Les contestations ont pris environ une demi-journée. 

15 Une fois les contestations tranchées, l'employeur a déposé, avec le consentement de la fonctionnaire, les nombreux documents à l'appui de son argument concernant ma compétence. On a demandé à la fonctionnaire de déposer sa preuve, et elle a présenté certains documents. Elle a aussi appelé Renata Borysewicz comme témoin. Cela a pris deux autres heures. Par conséquent, l'avocate de l'employeur a débuté ses allégations au milieu de l'après-midi du premier jour. 

16 L'argument de l'employeur s'est poursuivi pour le reste de la première journée et pendant une bonne partie de la deuxième journée. À la conclusion des allégations de l'employeur et à la demande de la fonctionnaire, nous avons ajourné jusqu'à la troisième journée de l'audience pour donner la chance à la fonctionnaire de se préparer.

17 Au début de la troisième journée, la fonctionnaire a soudainement et sans avis demandé qu'on lui permette de présenter d'autres documents comme preuves. Malgré l'objection de l'employeur, j'ai admis sa demande, en faisant bien comprendre que l'employeur pourrait y répondre, au besoin. Pendant toute la troisième journée, la fonctionnaire a organisé ses documents et consulté l'avocate de l'employeur. Finalement, à la fin de la journée, la fonctionnaire a présenté un certain nombre de documents supplémentaires avec le consentement de l'employeur.

18 La fonctionnaire a déposé d'autres documents sans le consentement de l'employeur. J'ai décidé de l'admissibilité de ces documents individuellement. Chaque décision était fondée sur le fait que le document m'aiderait ou non à prendre en considération les arguments préliminaires de compétence de l'employeur. La plupart des documents ont été admis, mais ceux qui ne l'ont pas été n'étaient pas pertinents à l'objection de l'employeur. Ce processus a pris toute la troisième journée de l'audience.

19 Au cours des quatrième et cinquième journées de l'audience, la fonctionnaire a soumis ses allégations, accompagnée d'une avocate. Avant de présenter un argument ou de répondre à mes questions, elle consultait longuement sa conseillère juridique. De plus, pendant toute la semaine, la fonctionnaire a été accompagnée de différentes personnes, notamment des amis, des membres de sa famille, son médecin et son psychologue, pour lui apporter un soutien émotif.

20 Au terme des deux jours d'arguments de la fonctionnaire, l'employeur a brièvement répondu.

21 Au terme de la cinquième journée, j'ai demandé à la fonctionnaire si elle avait autre chose à présenter et elle a déclaré qu'elle n'avait rien à ajouter. De plus, je lui ai demandé si elle avait l'impression d'avoir eu une audience complète et équitable sur la question de la compétence. Elle a confirmé que si.

D. Assignations

22 Comme il a été indiqué, avant l'audience, la fonctionnaire a demandé un nombre important d'assignations, dont certaines concernant la contestation de compétence soulevée par l'employeur. Au début de l'audience, l'employeur s'est opposé aux assignations délivrées aux quatre personnes suivantes : Gina Rallis, Maureen Grant, Lynn McLewin et Sarah Gaumont.

23 Pour ce qui est de Mme Rallis, l'avocate de l'employeur m'a fourni une copie d'une facture montrant que, le 13 février 2010, elle avait acheté un billet d'avion à destination de l'Europe. Son départ était prévu pour le 24 juillet 2010 et elle devait revenir le 21 août 2010. Quant à Mme Grant, l'avocate m'a fourni un document qui indiquait que ce témoin était en congé de maladie le 20 juillet 2010 et que son retour au travail était prévu pour le 16 août 2010 seulement.

24 Sans décision rendue sur la validité des assignations délivrées à Mme Grant et à Mme Rallis, la fonctionnaire a indiqué sa volonté de poursuivre en l'absence de celles-ci sur la question de compétence soulevée par l'employeur.

25 De plus, après avoir examiné la question, la fonctionnaire a consenti à l'annulation des assignations de Mme McLewin. 

26 L'employeur s'est opposé aux assignations délivrées à Mme Gaumont, une conseillère en rémunération, en faisant valoir que son témoignage ne concernerait que la rémunération et qu'il n'était donc pas nécessaire ni pertinent, certainement en ce qui avait trait à l'objection préliminaire à la compétence. Sur ce point, l'avocate a fait valoir que, en général, un tribunal, ou dans ce cas, un tribunal administratif, n'autorisera pas de partir à l'aveuglette, à savoir que la preuve doit être pertinente et significative (voir Zundel (Re), 2004 C.F. 798, qui cite Jaballah (Re), 2001 CFPI 1287, et Merck & Co. c. Apotex Inc., [1998] A.C.F. no 294 (1re inst.)(QL))).

27 La fonctionnaire a indiqué que la preuve de Mme Gaumont était en fait pertinente, puisqu'elle concernait la confirmation que le congé de la fonctionnaire avait été approuvé pendant la période visée.

28 J'ai décidé que la preuve que Mme Gaumont pourrait offrir n'était pas pertinente à la question de compétence soulevée par l'employeur. J'ai conclu que la fonctionnaire était en mesure d'établir que son congé lui avait été accordé rétroactivement, sans appeler Mme Gaumont à témoigner. Par conséquent, j'ai annulé les assignations étant entendu qu'ultérieurement, au cours de la procédure, la fonctionnaire pourrait demander d'autres assignations.

E. Après l'audience

29 Le 26 octobre 2010, une personne censée parler au nom de la fonctionnaire a envoyé un courriel au personnel de la CRTFP. Par la suite, la fonctionnaire a envoyé un courriel à la CRTFP et demandé qu'on me fournisse une copie de cet envoi aux fins d'examen. Chose peu étonnante, l'avocate de l'employeur s'y est opposé et j'ai déterminé que je ne recevrais pas ce document ni ne l'examinerais. En prenant cette décision, j'ai tenu compte du fait qu'au terme de l'audience, la fonctionnaire avait confirmé qu'elle ne voulait rien ajouter. Depuis ce moment, la fonctionnaire et cette personne ont envoyé d'autres arguments par courriel, mais je n'en ai examiné aucun.

III. Faits pertinents

30 Comme il a été indiqué, l'employeur et la fonctionnaire ont admis un nombre important de documents. J'ai également admis un certain nombre de documents de la fonctionnaire. De plus, la fonctionnaire a appelé Mme Borysewicz comme son seul témoin. Malgré les preuves produites relativement à l'objection soulevée pour des motifs de compétence, l'avocate de l'employeur a fourni un très bon résumé des faits essentiels que j'ai accepté et que je résumerai. En fait, dans son argument, la fonctionnaire a remercié l'avocate de l'employeur pour son interprétation des faits.

31 Incontestablement, la fonctionnaire est une employée de longue date. Son poste d'attache est au sein de la Direction générale de la politique stratégique et de la recherche (PSR) de l'employeur. Elle est classifiée ES-07. Pendant toute la période visée, elle était sous la surveillance de Serge Bertrand.

32 En 2006, la fonctionnaire a occupé, par intérim, un poste de niveau EX­01, au sein de la Direction générale des compétences et de l'emploi (DGCE) sous la surveillance d'une autre personne que je nommerai « JA ». On ne conteste pas qu'un poste de EX-01 est considéré comme poste de niveau supérieur à un poste de ES-07. Par conséquent, lorsque la fonctionnaire a occupé le poste intérimaire, elle a touché un salaire supérieur.

33 De juin 2007 à avril 2008, la fonctionnaire a été soumise au style de gestion de son superviseur à la DGCE. La fonctionnaire a décrit ce style comme étant agressif. Elle a indiqué qu'en raison de ce style de gestion, [traduction] « sa santé s'est détériorée, elle a été victime de harcèlement et ses droits de la personne ont été mis en péril ».  

34 La fonctionnaire a rédigé un long courriel le 22 avril 2008 à l'intention de Karen Jackson, sous-ministre adjointe principale. Les deux parties ont convenu que ce courriel était important. Cependant, il importe de noter que chaque partie a sa propre interprétation de son importance et de sa signification (voir la pièce 5, onglet 1).

35 Quoi qu'il en soit, Mme Jackson a répondu le jour même et a indiqué qu'une réunion serait la meilleure façon de discuter du contenu du courriel (voir la pièce 5, onglet 1).

36 La fonctionnaire a répondu au courriel de Mme Jackson le 30 avril 2008. Elle a remercié celle-ci pour sa volonté de tenir une réunion, mais a indiqué qu'elle n'était pas à l'aise d'assister à une réunion. Elle a alors présenté plusieurs demandes, notamment que l'on s'occupe du style de gestion de son superviseur, demandant un congé compensatoire ou autre congé pour circonstances particulières de 20 jours, une formation de 10 jours en français et une nomination permanente à un poste de EX-01 (voir la pièce 5, onglet 2).

37 À la suite de l'échange d'un certain nombre de courriels entre la fonctionnaire et Mme Jackson, cette première a envoyé un nouveau courriel à Mme Jackson le 25 mai 2008. Elle faisait référence à son courriel du 22 avril 2008, et, en fait, en reformulait une partie. La partie reformulée se lisait comme suit (voir la pièce, onglet 4) :

[Traduction]

 « Je demande que la DGCE et la PSR prennent immédiatement des mesures pour assurer ma sécurité et que je sois installée dans un endroit sans danger, à l'écart de la Direction des MAE et de « JA » de manière à ce qu'on ne m'inflige plus de mal, de douleur ou de perte, et de manière qui ne me prive pas de l'occasion de servir ce ministère avec la capacité, la productivité et le respect que j'ai démontrés pendant mon service. »

38 Mme Jackson a répondu au courriel de la fonctionnaire du 25 mai 2008 par une lettre datée du 28 mai 2008. Mme Jackson faisait allusion au fait que la fonctionnaire n'avait pas accepté la médiation et indiquait que, par conséquent, elle enquêterait sur les allégations de la fonctionnaire pendant les trois semaines de congé de la fonctionnaire. Le congé découlait de l'avis du médecin de la fonctionnaire (voir la pièce 7, onglet 5).

39 Le 30 mai 2008, la fonctionnaire a envoyé un nouveau courriel à Mme Jackson. La fonctionnaire a indiqué que, même si elle avait apprécié l'offre d'une semaine de congé de direction, suivie de deux semaines de congé de formation en français, son médecin lui avait conseillé de prendre un congé de maladie. De plus, la fonctionnaire a confirmé que la médiation proposée n'était pas une option, puisque son médecin la lui avait déconseillée. La fonctionnaire a indiqué qu'après son congé de maladie, elle retournerait à sa succursale d'attache, à la PSR (voir la pièce 7, onglet 7).

40 En réponse à la décision de Mme Jackson de mener une enquête, la fonctionnaire a envoyé un courriel daté du 5 juin 2008. La fonctionnaire a souligné sous forme de points un certain nombre d'allégations décrivant le comportement de son superviseur à la PSR qui, selon elle, devaient faire l'objet d'une enquête (voir la pièce 7, ongle 8).

41 Après avoir mené l'enquête, Mme Jackson a fourni ses conclusions par écrit à la fonctionnaire le 4 juillet 2008. Sans entrer dans les détails, il est clair que les conclusions de Mme Jackson indiquaient que le superviseur de la fonctionnaire à la PSR ne s'était pas comporté de manière appropriée. En fait, Mme Jackson a conclu qu'elle prendrait des mesures correctives à l'égard du superviseur (voir la pièce 5, onglets 18 et 19).

42 Comme le prouve une série de courriels, il était évident que le rapport de Mme Jackson n'avait pas bien été reçu par la fonctionnaire. Dans trois longs courriels, la fonctionnaire a demandé des précisions ou des mesures. Le 1er août 2008, la fonctionnaire a envoyé à Mme Jackson un courriel de huit pages. Le 6 août 2008, elle a envoyé un autre courriel de deux pages, puis un autre de trois pages. Le 12 août 2008, la fonctionnaire a encore envoyé un courriel de trois pages. Chaque courriel contestait les conclusions de Mme Jackson ou soulevait d'autres problèmes (voir la pièce 5, onglets 22 à 24).

43 Ces courriels ont entraîné un autre échange de courriels entre Mme Jackson et la fonctionnaire à la mi-août 2008. Le 13 août 2008, Mme Jackson a répondu aux problèmes soulevés par la fonctionnaire les 6 et 12 août 2008. La fonctionnaire a envoyé un courriel dans lequel elle acceptait une correction à son congé de maladie commençant le 2 juin 2008, demandait une formation en français du 22 septembre au 3 octobre et demandait un nouveau lieu de travail (voir la pièce 7, onglet 9).

44 Mme Jackson a répondu le 4 septembre 2008, par courriel, et confirmé que l'affectation intérimaire de la fonctionnaire comme EX-01 au sein de la DGCE prendrait fin le 6 octobre 2008. De plus, elle a autorisé le congé du 6 juin au 6 octobre 2008 à titre d'autre congé rémunéré. La fonctionnaire a alors envoyé un courriel de quatre pages à Mme Jackson le 8 septembre 2008 dans lequel elle est revenue sur de nombreux problèmes soulevés dans des précédents courriels. Cependant, la fonctionnaire a également soulevé certains problèmes concernant les nouveaux bureaux au quatrième étage de son immeuble de bureaux, comme l'avait proposé Mme Jackson (voir la pièce 7, onglet 11).

45 Après l'échange de courriels entre Mme Jackson et la fonctionnaire en septembre 2008, cette dernière a envoyé un courriel à son superviseur à la DGPS (M. Bertrand), expliquant en termes généraux les circonstances de son retour au travail. M. Bertrand a répondu et indiqué que son bureau serait situé au troisième étage et non au quatrième (voir la pièce 6, onglet 1). La fonctionnaire n'a pas accepté l'emplacement de son bureau au troisième étage et, le 22 septembre 2008, elle a proposé qu'on lui assigne un bureau au deuxième étage (voir la pièce 6, onglet 2). 

46 Mme Jackson et la fonctionnaire ont de nouveau échangé des courriels à la fin de septembre 2008. Il était clair que la fonctionnaire ne travaillait plus pour la DGCE et qu'elle devait réintégrer la PSR (voir la pièce 7, onglets 12 et 14). La fonctionnaire a contesté la réponse de Mme Jackson le 29 septembre 2008. Dans une réponse de trois pages envoyée par courriel, la fonctionnaire alléguait que ses plaintes n'avaient pas été traitées comme il se devrait et demandait qu'un processus plus officiel soit mis en place afin de résoudre ses problèmes (voir la pièce 7, onglet 16).

47 Au début d'octobre 2008, Mme Jackson et la fonctionnaire ont commencé de nouveau à échanger des courriels. L'échange était initié par une nouvelle invitation de la part de Mme Jackson à une rencontre en personne. La fonctionnaire a répondu en suggérant un [traduction] « […] processus de médiation par un tiers indépendant par l'entremise de la CRTFP ». Ce courriel comprenait une allégation par la fonctionnaire que l'affichage du poste auquel elle avait été assignée par intérim pendant près de deux ans était [traduction] « […] un acte malveillant hostile délibéré ou un acte de non-respect public tout à fait méprisant à mon égard »(voir la pièce 7, onglet 17).

48 L'affectation intérimaire de la fonctionnaire a pris fin le 6 octobre 2008. Après son congé, elle devait retourner à son poste d'attache au sein de la PSR. Du 2 au 10 octobre 2008, la fonctionnaire a envoyé d'autres courriels à son superviseur d'attache, M. Bertrand, au sujet de l'emplacement de son bureau. La fonctionnaire a exprimé des inquiétudes concernant certaines des propositions. M. Bertrand a répondu en suggérant une [traduction] « […] réintégration progressive dans le milieu de travail ». De plus, M. Bertrand a indiqué [traduction] « […] je continuerai la recherche d'un poste de travail adéquat qui correspondra à vos besoins » (voir la pièce 6, onglets 3 et 4).

49  Le 9 octobre 2008, la fonctionnaire a demandé que son autre congé (circonstances particulières) soit prolongé jusqu'au 12 décembre 2008 (voir la pièce 6, onglet 6). Le médecin de la fonctionnaire a expliqué l'absence de la fonctionnaire dans un certain nombre de notes. Dans chaque note, le médecin a indiqué que la fonctionnaire serait probablement en mesure de retourner au travail, initialement le 3 novembre 2008, puis le 5 janvier 2009 (voir la pièce 4, onglets 3 et 4).

50 Cependant, incontestablement, la fonctionnaire n'est pas retournée au travail lorsqu'elle a déposé son grief le 2 décembre 2008. En fait, la fonctionnaire n'était pas retournée au travail à la date de la présente audience.

51 Toutes les plaintes ont été déposées conformément à l'article 133 de la LRTFP et, par conséquent, invoquent certaines dispositions du Code canadien du travail. Elles ont été déposées en 2009, à une période où la fonctionnaire n'était pas au travail.

IV. L'objection préliminaire

A. Pour l'employeur

1. Le grief

52 L’employeur a fait valoir que le grief avait été renvoyé à l’arbitrage aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP. Par conséquent, l’employeur a fait remarquer que la fonctionnaire alléguait qu’elle avait fait l’objet de mesures disciplinaires. L'avocate de l'employeur a soutenu qu'il incombait à la fonctionnaire d'établir la preuve que les mesures prises par l'employeur étaient des mesures disciplinaires (voir Wong c. Administrateur général (Service canadien du renseignement de sécurité), 2010 CRTFP 18).

53 L'employeur a maintenu que le grief n'était pas admissible à l'arbitrage, puisqu'il s'agit en réalité d’une contestation de l’enquête de harcèlement menée à l’interne par Mme Jackson. L'employeur a fait valoir que, en ce qui concerne le grief, aucune allégation n’avait été faite relativement à une mesure disciplinaire.

54 L'avocate de l'employeur a également fait remarquer qu’il était bien établi qu’un fonctionnaire s’estimant lésé ne pouvait pas modifier la nature du grief dans son renvoi à l'arbitrage. Par conséquent, on a prétendu que je n’avais pas compétence en la matière. L'employeur a allégué que la fonctionnaire avait eu l'occasion de solliciter un contrôle judiciaire de l'enquête et qu'il ne s'agissait pas d'un recours sans précédent (voir Burchill c. Canada (Procureur général) [1981] 1 C.F. 109 (C.A), et Thibault c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada — Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-26613 (19960909).

55 L'employeur a fait valoir que je devais examiner s'il y avait des raisons sous-jacentes qui soutiendraient l’allégation qu’une mesure disciplinaire a été prise. Sur ce point, l'employeur a prétendu que, malgré les allégations de la fonctionnaire, le rapport d'enquête de Mme Jackson n'était pas un rapport disciplinaire (voir Stevenson c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 89).

56 L'avocate de l'employeur a allégué que la preuve que la fonctionnaire était coupable d'une forme quelconque d'agissement coupable ou d'inconduite de quelque sorte devait être faite. L'employeur a posé la question de pure forme : « Qu'est-ce que la fonctionnaire a fait? ». Plus particulièrement, l'employeur a allégué qu'il n'y avait pas de preuve de comportement coupable sous-jacent de la part de la fonctionnaire. Il n'y avait pas non plus de preuve que les actions de l’employeur visaient à avoir un caractère disciplinaire (voir Brown et Beatty, 7:4210, Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 C.F. 1176, et Robertson c. ministère de la Défense nationale, dossier de la CRTFP 166-02-454 (19710628)).

57 L'avocate de l'employeur a également fait valoir que, même si je devais conclure que les mesures prises par l'employeur étaient à caractère disciplinaire, j'étais tenu de déterminer si l'employeur avait l'intention de punir la fonctionnaire (voir Canada (Procureur général) c. Basra, 2008 C.F. 606, (confirmée par 2010 CAF 24); Sharaf c. Administrateur général (Agence de la santé et de la sécurité du Canada) 2010 CRTFP 34 et 2010 CRTFP 79).

58 On a fait valoir qu'une décision de ne pas donner suite à une formation en langue seconde d'un employé ne constituait pas une mesure disciplinaire (voir Wong c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 133). De surcroît, l'avocate de l'employeur a prétendu que l'exigence voulant que la fonctionnaire utilise ses prestations de congé de maladie ne serait pas considérée comme une mesure disciplinaire, mais plutôt comme une mesure inévitable (voir Rogers c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 94, confirmée par 2009 C.F. 1093 et 2010 CAF 116).

59 Finalement, l'avocate de l'employeur a allégué que, pour que la fonctionnaire ait gain de cause, elle devait me convaincre que l'employeur avait l'intention de lui imposer une sanction et qu'il avait pris des mesures disciplinaires après l'enquête de harcèlement, dont les résultats lui avaient été favorables. On a prétendu que la fonctionnaire ne s’était pas acquittée de ce fardeau de la preuve (voir Synowski c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2007 CRTFP 6).

60 Par conséquent, l'avocate de l'employeur a allégué que le grief ne correspondait pas aux paramètres de l'alinéa 209(1)b) de la LRTFP. L’avocate de l’employeur a suggéré que les mesures de l’employeur n’entraînaient pas de sanction pécuniaire pour la fonctionnaire. Même si la fonctionnaire a subi des pertes financières, il n'y a pas eu de mesure disciplinaire.

2. Les plaintes

61 L'employeur a allégué qu'une plainte visée aux dispositions du CCT ne constituait pas un moyen de résoudre tous les problèmes liés au milieu de travail (voir Boivin c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 94).

62 L'employeur a également allégué que, pendant la période où la fonctionnaire était au travail, soit jusqu'au 30 mai 2008, aucune preuve n'a été faite de l'existence d'un danger (voir Boivin)

63 L'employeur a prétendu que le droit de refuser de travailler est prévu aux alinéas 128(1)b) et c) du CCT. Il a attiré mon attention sur la jurisprudence où l'on avait conclu que, pour qu'un employé puisse exercer ce droit, il doit satisfaire à la condition énoncée dans la loi, qui indique que l'employé doit présenter la plainte lorsqu'il est au travail (« while at work » en anglais) (voir Saumier c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2008 CRTFP 1; Gaskin c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 96; Vallée c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2007 CRTFP 52).

64 Par conséquent, l'employeur a fait valoir que les dates auxquelles les plaintes ont été déposées sont pertinentes. La première plainte a été renvoyée à l'arbitrage le 23 avril 2009, la deuxième, le 13 octobre 2009, la troisième, le 30 octobre 2009, et la quatrième, le 10 décembre 2009.

65 L'employeur a fait remarquer que la fonctionnaire avait allégué qu'elle avait exercé son droit de refuser de travailler le 22 avril 2008 (pièce 5, onglet 1). L’employeur défend la position que, à cette date et pendant environ cinq à six autres semaines, la fonctionnaire était au travail. De plus, le 30 mai 2008, lorsque la fonctionnaire a présenté une demande de congé, elle a indiqué qu’elle reviendrait au travail (voir la pièce 10, onglet 7). L'employeur a fait valoir que ces faits ne concordaient pas avec l'argument de la fonctionnaire qu'elle avait refusé de travailler le 22 avril 2008.

66 Quant aux plaintes déposées auprès de la CRTFP aux termes de l’article 133 du CCT, l’employeur a soutenu que la preuve démontrait que, le 30 mai 2008, la fonctionnaire avait présenté une demande de congé et qu'à partir de cette date, elle n’était pas retournée au travail (voir la pièce 5, onglet 3). L’employeur estimait que la fonctionnaire n’était pas au travail aux dates auxquelles elle a déposé ses quatre plaintes et que je n’avais pas compétence pour les entendre.

67 Finalement, l’avocate de l’employeur a fait valoir qu'en l’absence d’une preuve de représailles, sous forme de congédiement, suspension, mise à pied ou rétrogradation comme il est prévu à l’article 147 du CCT, je n’avais pas compétence pour examiner les plaintes.

B. Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

1. Le grief

68 La fonctionnaire a prétendu que, puisque ma compétence relevait de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, je devais déterminer que l’employeur lui avait imposé une mesure disciplinaire ou une sanction pécuniaire. La fonctionnaire a soutenu que le 22 avril (voir la pièce 5, onglet 1) ou le 25 mai 2008 (voir la pièce 7, onglet 4), elle avait exercé son droit de refuser de travailler et que, par conséquent, l’employeur lui avait imposé des mesures disciplinaires déguisées.

69 La fonctionnaire a prétendu que son affectation intérimaire au poste de EX-01 avait pris fin le 6 octobre 2008 et que, parce que cette affectation n'avait pas été prolongée ni ne lui avait été par ailleurs offerte sur une base permanente, l'employeur lui avait imposé une sanction financière, parce qu'elle avait exercé son droit de refuser de travailler plus tôt cette année-là. Lorsque j’ai interrogé la fonctionnaire, elle a attiré mon attention sur les paragraphes 5 et 7 des détails du grief (voir la preuve 3, onglet A-1) comme preuve qu’elle avait allégué des mesures disciplinaires dans son grief. 

70 La fonctionnaire a fait remarquer qu’au paragraphe 5 des détails de son grief, elle avait mentionné que l’employeur avait décidé de [traduction] « […] choisir de ne pas prendre de mesures proactives concernant mon salaire de EX qui avait été continu pendant près de 30 mois et de ne pas m’embaucher ni même communiquer avec moi ». La fonctionnaire a prétendu que cette phase constituait une allégation de mesures disciplinaires déguisées. 

71 En outre, la fonctionnaire a fait remarquer que le paragraphe 7 des détails de son grief se lit comme suit :

[Traduction]

7) N’a pas tenu compte des préjudices à mon cheminement professionnel établi causés par le DG, qui m’a activement induite en erreur relativement à une nomination permanente à un poste de EX, et par son exploitation de mon admissibilité à un poste de EX-01 afin de doter un poste vacant crucial au sein de la DGCE et son exploitation de moi personnellement par des pressions afin que j’accepte des fonctions supplémentaires liées aux politiques à long terme et d’autres formes démontrées de « comportements de gestion discutables ». J’allègue que ces actions m’ont fait perdre ma confiance en mon milieu de travail et mon niveau de français, que j’ai été traitée avec un mépris total, qu’on m’a empêchée de profiter des occasions de perfectionnement professionnel normales, que ces actions m’ont fait perdre mon salaire intérimaire le 3 octobre 2008 et qu’elles ont causé mon exclusion des offres d’emploi (affichées le 30 septembre 2008 par le DG qui m’a agressée et harcelée) pour le poste de EX, qui prévoit maintenant un ensemble de S et C et des responsabilités stratégiques moindres et plus simples. (Un chèque de rendement de EX (pour avoir atteint les objectifs) m’a été envoyé à la fin août 2008 sans préavis.)

72 La fonctionnaire estime que le paragraphe alléguait qu’elle avait été victime de mesures disciplinaires déguisées et d’une sanction pécuniaire.

73 À l’appui de sa position, la fonctionnaire m’a renvoyé aux cas suivants : Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé) 2008 CRTFP 68; Thibault; Peters c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CRTFP 7; Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39; Gill c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CRTFP 19; Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70.

2. Les plaintes

74 La fonctionnaire a soutenu que ma compétence pour entendre ses plaintes était visée à l’article 240 de la LRTFP

75 La fonctionnaire a alors invoqué les différentes dispositions du CCT et de son règlement. Elle a fait remarquer, plus particulièrement, que plusieurs obligations incombaient à l’employeur. Elle a soutenu que le paragraphe 122(1) définissait le « danger » et que le paragraphe 122.1 décrivait l’objet de la partie II. La fonctionnaire a décrit l’article 124 comme définissant l’obligation de l’employeur à assurer un milieu de travail sain et sécuritaire.

76 La fonctionnaire a alors fait remarquer que le paragraphe 125(1) du CCT, plus particulièrement les alinéas y) et z.16), obligeait l’employeur à assurer un lieu de travail sain et sécuritaire. Si un employeur ne s’acquitte pas de ses obligations législatives, la fonctionnaire a soutenu qu’un employé peut le signaler à son employeur, conformément au paragraphe 126(1), ou adresser une plainte à son supérieur hiérarchique aux termes de l’article 127.1. Dans les deux cas, l’employeur et l’employé doivent collaborer afin de remédier à la situation, à défaut de quoi l’employé peut refuser de travailler, conformément à l’article 128.

77 La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait exprimé ses craintes relativement au style de gestion de son superviseur dans son courriel daté du 22 avril 2008 (voir le paragraphe 34 de la présente décision et la pièce 5, onglet 1). La fonctionnaire a estimé que le courriel constituait l’invocation de son droit de refuser de travailler comme le stipulent les alinéas 128(1)b) et c) du CCT. Elle a reconnu que le courriel ne contenait pas, selon ses mots, les « mots magiques » et qu’elle avait continué de se présenter au travail jusqu’au 30 mai 2008.

78 De plus, la fonctionnaire a fait remarquer que son courriel du 25 mai 2008 (pièce 7, onglet 4) constituait une autre invocation de son droit de refuser de travailler, comme le prévoit le CCT. Ici encore, elle a reconnu que les mots magiques ne figuraient pas non plus dans ce courriel et qu’elle s’était présentée au travail pendant au moins une autre semaine.

79 La fonctionnaire est alors revenue sur la preuve qu’elle avait soumise relativement aux mesures disciplinaires déguisées contrevenant au CCT qui avaient fait l’objet de ses quatre plaintes. Elle a décrit les actions de l’employeur dans les termes généraux suivants : manque d’équité procédurale, manque de transparence et manque de bonne foi. Elle a allégué que la sanction pécuniaire qu’elle avait subie était la fin de son affectation intérimaire le 6 octobre 2008. Elle a reconnu que la date était en fait la date à laquelle son affectation intérimaire aurait pris fin de toute manière. 

80 Plus particulièrement, la fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait reconnu qu’elle avait subi de la violence en milieu de travail et qu’il n’y avait pas donné suite (elle m’a invité à voir la pièce 3, onglet B-2, et la pièce 19). Dans ses arguments, la fonctionnaire a indiqué que les efforts de l’employeur afin de la réinstaller dans l’édifice n’avaient pas répondu à ses préoccupations. Elle a également fait valoir que le « plan de réintégration », finalisé le 30 septembre 2009 (voir la pièce 13, onglet 14), n’était pas un plan de gestion des locaux et qu’il aurait dû être offert au printemps 2008. La fonctionnaire a considéré le défaut de fournir un tel plan en temps opportun comme une sanction et une mesure disciplinaire déguisée.

81 Au terme de ses arguments, la fonctionnaire a retiré ses allégations que la décision de l’employeur de la laisser dans un poste exclu se soit soldée par une sanction pécuniaire ou qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée. Ces allégations étaient énoncées dans son grief et dans ses plaintes. Cependant, lorsqu’elle a fait sa concession, la fonctionnaire a fait valoir que les représailles prévues à l’article 147 du CCT avaient une portée plus large que de simples sanctions disciplinaires.

82 La fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait omis de se conformer au CCT et à son règlement et que, par conséquent, j’avais compétence pour examiner ses plaintes. À l'appui de ses arguments, la fonctionnaire m'a renvoyé à la jurisprudence suivante : Gaskin; Boivin; Pruyn c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 17; Sainte-Marie c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 35; Leclair c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 49; Tench c. Défense nationale — Forces maritimes de l'Atllantique, Nouvelle­Écosse, 2009 LN OHSTC 1. De plus, la fonctionnaire m'a renvoyé au Code canadien du travail, annoté par Ronald M. Snyder (Carswell).

V. Motifs

A. Questions en litige

83 Tout d’abord, est-ce que le grief allègue que l’employeur a imposé une sanction disciplinaire à la fonctionnaire ou qu’il a par ailleurs fait en sorte que celle-ci subisse une sanction pécuniaire? Le cas échéant, est-ce que la fonctionnaire a fourni une preuve prima facie que des mesures disciplinaires ont été imposées ou qu’elle a subi une sanction pécuniaire?

84 Deuxièmement, est-ce qu’il est de mon ressort d’examiner les quatre plaintes?

B. Compétence

1. Le grief

85 Le pouvoir de trancher le grief m’est conféré par l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, qui dit ceci :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire

86 La loi est claire : un fonctionnaire s'estimant lésée ne peut modifier son grief lorsqu'il le renvoie à l'arbitrage (voir Burchill). 

87 Compte tenu de la clarté du droit, la première chose que je dois faire est de déterminer si le grief allègue une mesure disciplinaire ou une sanction pécuniaire. Après avoir examiné tous les détails du grief, je ne suis pas convaincu que la fonctionnaire a allégué qu’elle avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire ou qu’elle avait subi une sanction pécuniaire (voir la pièce 3, onglet A­1).

88 Afin de m'assurer de la position de la fonctionnaire, je lui ai demandé d'indiquer avec précision les parties du grief qui allèguent une mesure disciplinaire ou une sanction financière. Elle a indiqué les paragraphes 5 et 7 des détails du grief et j'ai exposé les dispositions pertinentes de ces paragraphes aux paragraphes 70 et 71 de la présente décision.

89 Je suis d'avis que ces paragraphes, bien qu'ils portent quelque peu à confusion, n'exposent pas une prétention que la fonctionnaire a fait l'objet d'une mesure disciplinaire ou qu'elle a subi une sanction financière. Les paragraphes, de même qu'en fait le grief en soi, soutiennent que la fonctionnaire devrait continuer de toucher un salaire de EX-01. La preuve est incontestée que la fonctionnaire occupait un poste intérimaire de EX-01 qui prenait fin le 6 octobre 2008, et que, jusqu'à cette date, elle avait été rémunérée à l'échelon EX-01. 

90 Le 30 septembre 2008, comme la fonctionnaire l'a reconnu au paragraphe 7 des détails de son grief, son poste a été affiché comme poste devant être doté et elle a décidé de ne pas poser sa candidature. Bien que la fonctionnaire ait allégué dans son grief qu'elle avait été [traduction] « exclue des offres d'emploi », aucune preuve qui me permettrait d'accepter la véracité de cette allégation ne m'a été fournie. Par conséquent, je conclus que le grief n'allègue ni une mesure disciplinaire ni une sanction pécuniaire.

91 Au cas où je ferais erreur quant à la nature du grief, afin que j'aie compétence, la fonctionnaire doit fournir une preuve prima facie que l'employeur lui a imposé des mesures disciplinaires, directement ou sous forme de mesures disciplinaires déguisées, ou qu'elle a encouru une sanction pécuniaire. 

92 Afin de m'assurer de bien avoir compris la position de la fonctionnaire, je lui ai demandé d'identifier tous les documents antérieurs au grief sur lesquels elle s'appuyait afin de soutenir son assertion qu'elle avait fait l'objet de mesures disciplinaires ou qu'elle avait subi une sanction pécuniaire. Aux fins de la présente décision, il convient que je passe en revue chaque document comme suit :

  1. Pièce 4, onglet 8 — Il s'agit d'une copie de la lettre du Dr. J. Goldstein, le médecin de la fonctionnaire, datée du 3 juin 2009. Cette lettre ne précède pas le grief et ne permet aucunement de déterminer si la fonctionnaire a fait l'objet de mesures disciplinaires ou subi une sanction pécuniaire. De plus, la lettre ne fournit qu'une opinion de certains besoins de locaux pour la fonctionnaire à cette date; son contenu ne permet pas à la fonctionnaire d'établir qu'elle a fait l'objet de mesures disciplinaires ou subi une sanction pécuniaire.
  2. Pièce 12 — Cette pièce contient des courriels échangés entre la fonctionnaire et l'employeur datés des 11 et 12 août 2009. Mis à part le fait que leur date est ultérieure à la date du dépôt du grief et qu'ils ne peuvent donc pas être liés à une prétendue mesure disciplinaire, leur contenu porte sur l'exigence de remplir certains formulaires. Je suis d'avis que, même si les courriels avaient été rédigés avant la date du grief, ce qui n'est pas le cas, ils n'établissent pas qu'une mesure disciplinaire a été imposée ni que la fonctionnaire a subi une sanction pécuniaire.
  3. Pièce 16 — Il s'agit d'un courriel de Mme Jackson à la fonctionnaire daté du 13 août 2008. Bien que la fonctionnaire ait prétendu que ce courriel constituait une mesure disciplinaire déguisée, il représente, selon moi, une réponse aux requêtes de la fonctionnaire. Mme Jackson a conclu que son enquête était terminée. La fonctionnaire a soutenu que ce courriel prouvait qu'elle avait été pénalisée financièrement, parce qu'à ce moment, elle ne connaissait pas le statut de son congé. Cependant, il était évident qu'il avait été établi que, jusqu'au 15 septembre 2008, l'employeur considérait qu'elle était en congé payé. À ce moment, la fonctionnaire était encore rémunérée. De plus, je remarque que, le 15 septembre 2008, le congé de la fonctionnaire a été « corrigé » (pour reprendre ses mots) comme congé pour circonstances particulières plutôt que congé de maladie.
  4. Pièce 17 — Ce document contient des courriels échangés entre la fonctionnaire et Marilyn Dingwall du 17 au 22 octobre 2008 portant sur la demande de la fonctionnaire d'avoir « […] une partie externe neutre pour obtenir une résolution neutre et une conclusion favorable […]  me répondre concernant la transition et les obstacles que je dois maintenant surmonter ». Selon moi, en dépit des arguments de la fonctionnaire, cette série de courriels ne démontre pas l'inaction de la part de l'employeur, mais montre plutôt la volonté de celui-ci à s'engager dans un processus que la fonctionnaire avait demandé. Ce qui est plus évident, selon moi, c'est que ces courriels n'établissent pas que la fonctionnaire a fait l'objet d'une mesure disciplinaire ni qu'elle a subi une sanction pécuniaire.
  5. Pièces 14, 18 et 19 — La pièce 14 contient des courriels échangés entre la fonctionnaire et Lina Berro, conseillère en santé et sécurité pour Service Canada, du 16 au 29 avril 2009. La pièce 18 est un document intitulé « Aménagement en milieu de travail » et la pièce 19 est un document intitulé « Commission canadienne des droits de la personne – Ressources ». Ma première conclusion est que la pièce 14 n'est pas antérieure au grief et, par conséquent, ne m'aide pas à déterminer si la fonctionnaire a fait l'objet d'une mesure disciplinaire ou subi une sanction pécuniaire. Cela dit, la fonctionnaire a prétendu que la pièce 14 n'était pas un plan de gestion des locaux et que, par conséquent, il s'agissait probablement d'une mesure disciplinaire. Après avoir examiné la pièce 14, je n'ai pu tirer les conclusions que la fonctionnaire avait présentées. Cette pièce peut mieux être décrite comme une réponse à une requête de la fonctionnaire concernant la rédaction d'un formulaire de demande de remboursement.
  6. Pièce 21 — Il s'agit d'un courriel de M. Bertrand demandant des commentaires relativement à la formulation d'une communication possible destinée à la fonctionnaire. Ici encore, ce courriel, daté du 2 avril 2009, n'est d'aucune utilité dans mes efforts afin de déterminer si la fonctionnaire a fait l'objet d'une mesure disciplinaire ou subi une sanction pécuniaire. De surcroît, bien que la communication proposée ne soit qu'une ébauche, elle semble indiquer que la direction était disposée à acquiescer à une partie, voire à la totalité des requêtes de la fonctionnaire. Je poserais la question rhétorique suivante : Comment peut­on considérer qu'il s'agit d'une mesure disciplinaire?
  7. Pièces 22 et 24 — Ces documents contiennent un échange de courriels entre plusieurs membres de la direction concernant la demande de la fonctionnaire de congé pour circonstances particulières du 7 octobre au 5 décembre 2008. Les courriels ont été échangés du 23 octobre 2008 au 12 novembre 2008. La fonctionnaire a soutenu que l'échange confirme qu'on a tardé à lui accorder son congé et qu'il s'agissait d'une forme de mesure disciplinaire déguisée. Après avoir examiné les courriels échangés, il m'apparaît clair que les représentants de la direction étudiaient la demande, mais je ne peux pas conclure qu'il s'agit d'une preuve d'un retard. La demande de congé pour circonstances particulières de la fonctionnaire a nécessité un examen diligent de l'employeur. Les parties conviennent que le congé a fini par être accordé, mais dans l'intervalle, la fonctionnaire était quand même rémunérée. Je ne peux pas voir comment on peut considérer qu'il s'agissait d'une mesure disciplinaire.
  8. Pièces 23 et 25 — La pièce 23 contient des demandes de congé de la fonctionnaire. La première est datée du 25 février 2010 et signée par Stephen Johnson. Elle montre que, du 19 octobre 2009 au 19 octobre 2010, la fonctionnaire était en congé de maladie non payé.  La pièce 25 contient des courriels échangés entre les représentants de la direction qui semblent avoir mené à l'ébauche et à la rédaction des demandes de congé mentionnées à la pièce 23. Comme il a été mentionné plus tôt dans la présente décision au sujet des nombreux documents de renvoi présentés par la fonctionnaire, les courriels ne sont pas antérieurs au grief et ne me sont d'aucune utilité dans le cadre de mon examen des allégations de la fonctionnaire. 
  9. Pièces 26 et 27 — Ces documents sont datés d'octobre et de novembre 2009. Mis à part le fait qu'ils ne datent pas d'avant le dépôt du grief et qu'ils ne m'aident donc pas à examiner les allégations de mesures disciplinaires de la fonctionnaire, il est intéressant de noter que ces documents portent sur la réintégration de la fonctionnaire dans le milieu de travail, notamment l'emplacement d'un nouveau poste de travail pour la fonctionnaire à son retour à son poste d'attache.
  10. Pièce 31 — Ce document consiste en plusieurs courriels datés de 2010 qui portent tous sur ce qui semble être un trop-payé considérable à la fonctionnaire en 2009 et une demande de remboursement. Ici encore, aucun des courriels n'est antérieur au grief et ils me sont tous inutiles pour déterminer si la fonctionnaire a fait l'objet d'une mesure disciplinaire ou subi une sanction pécuniaire. 

93 Dans la poursuite du traitement des arguments de la fonctionnaire, je ne conclus pas que la décision de l'employeur de ne pas prolonger l'affectation intérimaire de la fonctionnaire à un poste de EX-01 à la fin du terme était une mesure disciplinaire. Dans le même esprit, je suis d'avis que la décision de l'employeur d'afficher le poste EX-01 afin de le doter de manière permanente ne peut être considérée comme une mesure disciplinaire.

94 Il incombe à la fonctionnaire de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle a fait l'objet de mesures disciplinaires ou subi une sanction pécuniaire (voir Wong). Je suis d'avis qu'elle ne s'est pas acquittée de ce fardeau de la preuve.

95 La jurisprudence confirme que la rédaction d'un rapport d'enquête ne constitue pas une mesure disciplinaire (voir Stevenson). En outre, la fonctionnaire n'a pas réussi à établir l'existence d'un comportement coupable sous-jacent, comme on le lui a demandé de faire (voir Frazee et Robertson). 

96 De plus, la preuve, dont le fardeau repose sur la fonctionnaire, ne m'a pas convaincu que l'employeur avait l'intention de punir la fonctionnaire (voir Basraet Sharaf). La fonctionnaire n'a pas non plus établi, selon la prépondérance des probabilités, que l'employeur avait l'intention de lui imposer des mesures disciplinaires, comme on le lui a demandé de faire (voir Synowski, supra).

97 Je suis également convaincu que le fait de demander à un employé d'utiliser ses journées de congé de maladie ne constitue pas une mesure disciplinaire (voir Rogers). De plus, le refus de permettre à un employé de participer à un programme de formation en langue seconde, sans autre preuve, ne constitue pas une mesure disciplinaire (voir Wong).

98 En résumé, je conclus qu'il n'est pas de mon ressort d'entendre le grief. Je réitère que, selon moi, le grief renvoyé à l'arbitrage n'alléguait pas une mesure disciplinaire ni une sanction pécuniaire. La jurisprudence est claire : un fonctionnaire s'estimant lésé ne peut modifier son grief lorsqu'il le renvoie à l'arbitrage (voir Burchill). Même si je suis dans l'erreur, je conclus qu'on ne m'a pas fourni de preuve prima facie de mesures disciplinaires qui me donnerait compétence pour recevoir le grief.

2. Les plaintes

99 Ma compétence d'examiner les plaintes en vertu du CCT est prévue à l'article 240 de la LRTFP, qui dit ceci :

240. La partie II du Code canadien du travail s'applique à la fonction publique et aux personnes qui y sont employées comme si la fonction publique était une entreprise fédérale visée par cette partie, sous réserve de ce qui suit :

a) en ce qui concerne la terminologie

(i) « arbitrage » renvoie à l’arbitrage des griefs sous le régime de la partie 2;

(ii) « Conseil » s’entend de la Commission des relations de travail dans la fonction publique;

(iii) « convention collective » s’entend au sens du paragraphe 2(1);

(iv) « employé » s’entend d’une personne employée dans la fonction publique;

(v) « syndicat » s’entend de l’organisation syndicale au sens du paragraphe 2(1);

b) l’article 156 de cette loi ne s’applique pas à la Commission des relations de travail dans la fonction publique;

c) les dispositions de la présente loi s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux affaires instruites par la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

100 L'article 133 du CCT cite ceci :

Plainte au Conseil

133.(1) L’employé — ou la personne qu’il désigne à cette fin — peut, sous réserve du paragraphe (3) présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l'article 147.

101 L'article 147 interdit à l'employeur d'user de représailles à l'endroit d'un employé :

Interdiction générale à l'employeur

147. Il est interdit à l'employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s'il ne s'était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou  de prendre— ou menacer de prendre — des mesures disciplinaires contre lui parce que :

a) soit il a témoigné – ou est sur le point de le faire – dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

b) soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

102 La jurisprudence de la CRTFP précise ce qu'elle considère comme des mesures en guise de représailles, comme l'indiquent les exemples suivants. Le défaut de rémunérer des heures supplémentaires effectuées pour aider un agent de sécurité ne constitue pas une infraction à l’alinéa 147a) du CCT (voir O’Neil et. al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada -Service correctionnel), dossier de la CRTFP 160-02-55 à 60 (19980714)). Le maintien de l'isolement d'un plaignant de ses collègues constituait une sanction et lui avait imposé beaucoup de stress, ce qui a contraint le plaignant à utiliser ses crédits de congé de maladie et de congé annuel (voir Pruyn). Un refus de payer des frais de déplacement engagés par un employé pour participer à une réunion d'un comité de santé et sécurité au travail n'est pas considéré comme une sanction ni des représailles (voir Tanguay c. Opérations des enquêtes statistiques, 2005 CRTFP 43). Finalement, les mesures prises par un employeur ne doivent pas nécessairement être des mesures financières pour être considérées comme des représailles (voir Chaves c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 45).

103 Tout d'abord, quels sont les droits invoqués par la fonctionnaire en vertu du CCT? Elle a allégué qu'elle avait refusé de travailler au titre de ses courriels du 22 avril (pièce 5, onglet 1) et du 25 mai 2008 (pièce 7, onglet 4). L'examen de ces deux courriels démontre clairement que la fonctionnaire ne refuse pas précisément de travailler ni ne fait référence au CCT

104 La fonctionnaire a confirmé qu'elle avait continué de se présenter au travail jusqu'au 30 mai 2008, au moment où elle a débuté son congé de maladie (voir la pièce 7, onglet 7). 

105 Pour ces motifs, je conclus que les courriels sur lesquels la fonctionnaire s'appuyait afin de soutenir son assertion qu'elle avait invoqué le droit de refuser de travailler n'ont pas fourni à l'employeur l'avis nécessaire à cet égard. Par conséquent, je conclus que ces deux courriels ne peuvent pas être considérés comme un avis aux termes de l'article 128 du CCT

106 Peut-être que les courriels du 22 avril et du 25 mai 2008 ont servi à fournir à l'employeur un avis de la part de la fonctionnaire aux termes de l'article 124 du CCT. Cet article prévoit que l'employeur doit assurer un milieu de travail sain et sécuritaire.

107 Mais la question suivante demeure : Ai-je compétence pour examiner les plaintes déposées en 2009, même si elles ont été déposées aux termes de l'article 124 du CCT? Pour répondre à cette question, je dois réexaminer l'article 133 du CCT et l'article 240 de la LRTFP, qui définissent ma compétence. Comme il a été mentionné, la fonctionnaire doit établir qu'une forme de représailles a été imposée. 

108 Dans mon argumentation énoncée aux paragraphes 94 à 99 de la présente décision, j'ai conclu que l'employeur n'avait pas imposé de mesures disciplinaires à la fonctionnaire et qu'elle n'avait pas subi une sanction financière. La fonctionnaire n'a pas fait d'autres arguments relativement à son allégation que l'employeur avait exercé des représailles à son endroit. Par conséquent, je tire la même conclusion à savoir qu'il n'y a aucune preuve prima facie de représailles qui renverrait aux courriels de la fonctionnaire des 22 avril et 25 mai 2008, au moins jusqu'à la date du grief. Pour ce motif seulement, je rejetterais les quatre plaintes, qui renvoient à ces deux courriels.

109 De plus, je remarque que les plaintes ont été déposées bien après le délai de 90 jours prévu à l'article 133 du CCT, puisque la première plainte était datée du 23 avril 2009, soit une année complète et un jour après le courriel du 22 avril 2008 et près de 11 mois suivant le courriel du 25 mai 2008.

110 Par conséquent, je n'ai pas compétence pour examiner les quatre plaintes, puisqu'elles renvoient aux prétendues mesures prises par l'employeur avant le 23 janvier 2009 en réponse au prétendu refus de travailler que la fonctionnaire énonce dans ses courriels des 22 avril et 25 mai 2008.

111 Cependant, cet argument ne répond pas entièrement à la question concernant ma compétence pour examiner les quatre plaintes. Elles sont rédigées très maladroitement et sont alambiquées. En fait, selon moi, elles contiennent de nombreuses phrases portant à confusion, voire contradictoires. Par conséquent, il est très difficile de comprendre parfaitement ce que la fonctionnaire énonce dans chaque plainte.

112 Cela dit, je conclus que les plaintes ne peuvent pas alléguer une violation de l'article 126 ou de l'article 128 du CCT. La fonctionnaire devait être au travail pour pouvoir invoquer son droit de refuser de travailler ou faire une réclamation aux termes de l'article 126. La preuve est claire que la fonctionnaire n'était pas présente au travail depuis le 30 mai 2008.

113 Cependant, la fonctionnaire semble alléguer des représailles dans, entre autres, le prétendu refus de l'employeur de satisfaire à ses besoins en matière de santé.

114 Je suis d'avis que ma compétence pour entendre les quatre plaintes est fort limitée. Je conclus que je peux les entendre, mais seulement dans le cadre des allégations de représailles pour l'exercice de la fonctionnaire de ses droits aux termes du CCT avancées 90 jours précédant le dépôt de la première plainte. Autrement dit, je n'ai pas compétence pour examiner les plaintes relatives à des prétendues représailles exercées avant le 23 janvier 2009, soit 90 jours précédant le 23 avril 2009.

115 Pour être clair, la fonctionnaire pourra produire une preuve et des arguments concernant les allégations de représailles commises à compter du 23 janvier 2009 aux termes des paragraphes 133 et 147 du CCT. Elle pourra présenter son cas, mais seulement en ce qui a trait à ses allégations que l'employeur, comme il est précisé au paragraphe 133(1), « a pris, à son endroit, des mesures contraires à l'article 147 » le ou après le 23 janvier 2009.

116 Pour conclure, je désire rappeler aux parties que la Commission a déterminé qu'une plainte prise en application du CCT n'est pas moyen de résoudre tous les problèmes liés au milieu de travail (voir Boivin).En tirant cette conclusion, j'ai déterminé que ma compétence était relativement restreinte, comme il est précisé au paragraphe 114 de la présente décision.

117 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

118 Le grief est rejeté faute de compétence.

119 La CRTFP planifiera une poursuite de l'audience aux fins d'examen des quatre plaintes déposées aux termes de l'article 133 du CCT, mais seulement dans le cadre des allégations de mesures prises en guise de représailles par l'employeur le ou après le 23 janvier 2009 par suite de l'exercice de la fonctionnaire de ses droits aux termes du CCT.

Le 13 décembre 2010.

Traduction de la CRTFP

George Filliter,
arbitre de grief et commissaire

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