Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le Conseil du Trésor (le <<demandeur>>) a déposé une demande fondée sur le paragraphe123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la <<Loi>>) relativement aux questions pouvant être incluses dans une entente de services essentiels (ESE) visant des postes du groupe CS de Sécurité publique Canada - le ministère a été créé en 2003 pour répondre à la nécessité d’instaurer à l’échelle du gouvernement une capacité davantage cohésive d’une part d’élaborer des plans en cas d’urgence et d’autre part de répondre à de telles situations d’urgence - les parties ont convenu que les titulaires de certains postes fournissaient des services essentiels et partagent des opinions généralement similaires au sujet de la nature fondamentale de la plupart des services essentiels fournis, mais ne s’entendent pas sur la manière exacte de les définir - la Commission n’a pu souscrire à ni l’une ni l’autre des définitions que les parties ont avancées - la proposition du demandeur était trop large et englobait des activités et des services qui n’étaient pas essentiels - il existe une obligation importante de tenter de rédiger la définition de services essentiels en des termes suffisamment précis pour faciliter les décisions sur les autres éléments qui doivent figurer dans une ESE - la Commission a aussi rejeté la proposition du défendeur qui consistait à lier une partie de la définition de services essentiels à des pièces d’équipement, bien qu’elle estime que rien ne l’empêche de le faire - les pièces d’équipement sont susceptibles de changement, et même s’il peut être tenu compte de tels changements au moyen des processus de modification des ESE prévus aux articles126 à 128 de la Loi, on ne doit pas encourager une telle approche qui ne servirait pas l’objectif consistant à favoriser des relations de travail efficaces - les types de pièces d’équipement énumérées n’englobaient pas les <<services>>, <<installations>> ou <<activités>> au sens du paragraphe4(1) de la Loi - du fait qu’il s’agit d’un mandat lié à des situations d’urgence, il demeure primordial de faire preuve de très grande prudence - la Commission a désigné certains services de soutien dans les cas où il existe un lien clair et direct avec les fonctions de gestion des urgences énumérées dans la définition des services essentiels. Services essentiels désignés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-01-28
  • Dossier:  593-02-11
  • Référence:  2010 CRTFP 15

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

CONSEIL DU TRÉSOR

demandeur

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une demande de règlement d’une question pouvant figurer dans une entente sur les services essentiels, prévue au paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, commissaire

Pour le demandeur:
Sean F. Kelly, avocat

Pour le défendeur:
Sarah Godwin, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 30 novembre au 3 décembre 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant la Commission

1 La présente décision est la troisième rendue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») en vertu du paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi ») relativement aux questions qui peuvent figurer dans une entente sur les services essentiels (ESE) visant les postes du groupe Systèmes d’ordinateurs (CS). Elle fait suite à une demande du Conseil du Trésor (le « demandeur ») déposée le 12 août 2008. L’agent négociateur accrédité du groupe CS, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, est le défendeur.

2 Dans ses décisions antérieures, la Commission a déterminé si et comment elle devait définir les services essentiels fournis par les titulaires des postes du groupe CS au sein d’Élections Canada et de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Mon ancien collègue, John Mooney, commissaire, a rendu des décisions respectivement dans Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 120, et Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 128 (la « décision ASFC »). Le défendeur a déposé une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette dernière décision (dossier de la CAF no A-462-09). Cette demande est en instance.

3 Le commissaire Mooney a depuis quitté la Commission pour assumer les fonctions de vice-président du Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le président de la Commission m’a donc demandé de poursuivre l’audition des questions soulevées dans le cadre de la demande et de rendre une décision à leur égard pour le compte de la Commission.

4 Dans la présente décision, je suis appelé à définir les services essentiels, le cas échéant, que fournissent les titulaires des postes du groupe CS au sein du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile (« Sécurité publique Canada »). Plus particulièrement, le demandeur propose que la Commission qualifie d’essentiels pour la sécurité du public certains services fournis ou activités accomplies par les titulaires des postes du groupe CS au Centre des opérations du gouvernement (« COG ») de Sécurité publique Canada, y compris au Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques (CCRIC), une division du COG.

II. Résumé de la preuve

5 Le demandeur a appelé à témoigner deux employés de Sécurité publique Canada : Daniel Lavoie, sous-ministre adjoint associé, Gestion des mesures d’urgence et Sécurité nationale, et Craig Oldham, directeur général associé par intérim, Direction des opérations (COG).

6 Le défendeur n’a fait témoigner personne.

7 J’ai accepté que l’on caviarde plusieurs brefs renvois dans les 22 pièces déposées au cours de l’audience. L’information ainsi caviardée consistait en des renseignements confidentiels sur des personnes-ressources pour le COG qui ne sont généralement pas accessibles au public. Cette information n’a aucune valeur probante aux fins de trancher les questions examinées dans la présente décision.

8 M. Lavoie a discuté du cadre stratégique et organisationnel dans lequel les titulaires de postes CS au sein du COG fournissent des services qui, de l’avis du demandeur, sont essentiels. Le COG mène ses activités au sein de la Direction des opérations du Secteur de la gestion des mesures d’urgence et de la sécurité nationale de Sécurité publique Canada. La création du ministère lui-même en décembre 2003 a été motivée par la nécessité d’instaurer à l’échelle du gouvernement une capacité davantage cohésive d’une part d’élaborer des plans en cas d’urgence — dans la foulée d’événements comme les attaques terroristes du 9 septembre et la panne d’électricité du mois d’août 2003 — et d’autre part de répondre à de telles situations d’urgence. La création du ministère reposait aussi sur bon nombre des considérations mêmes qui ont amené le gouvernement américain à créer le département de la Sécurité intérieure au cours de la même période.

9 La Loi sur la gestion des urgences, L.C. 2007, ch. 15, énonce la responsabilité principale du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en matière de « gestion » — expression définie à l’article 2 comme étant, « en ce qui touche les urgences, les activités en matière de prévention, d’atténuation, de préparation, d’intervention et de rétablissement ». M. Lavoie a dit du COG qu’il est l’organisme qui, au sein du ministère, est chargé d’exécuter les mandats qui sont confiés au ministre en vertu de la Loi sur la gestion des urgences :

[…]

4.(1) Dans le cadre de la mission que lui confère l’article 3, le ministre est chargé :

[…]

d) de suivre l’évolution de toute urgence — réelle, imminente ou potentielle —, et de conseiller les autres ministres en conséquence;

e) de coordonner les activités d’intervention des autorités fédérales relativement à toute urgence;

[…]

h) en cas d’urgence provinciale, de coordonner les mesures d’aide — autre que financière ou consistant dans l’intervention des Forces canadiennes visant à prêter main-forte au pouvoir civil au titre de la partie VI de la Loi sur la défense nationale — à la province intéressée;

i) de fournir une aide autre que financière à une province à la demande de celle-ci;

[…]

k) de participer, conformément à la politique étrangère du Canada, aux activités internationales concernant la gestion des urgences;

[…]

n) d’organiser des exercices et d’assurer l’éducation et la formation en matière de gestion des urgences;

[…]

r) de faciliter le partage de l’information — s’il est autorisé — en vue d’améliorer la gestion des urgences.

[…]

10 Le Rapport sur le rendement de Sécurité publique Canada pour la période se terminant le 31 mars 2009 (pièce E-3) résume dans les termes suivants l’« Activité de programme Gestion des mesures d’urgence » du ministère :

[…]

[Elle] permet d’aborder tous les risques (naturels, technologiques et anthropiques) au moyen de la mise au point d’un système intégré de gestion des urgences qui est appuyé de dispositions législatives et de stratégies pertinentes ainsi que de formations ciblées et de normes de sécurité dont le but est de protéger le Canada et les Canadiens. Cette activité de programme vise à coordonner et à mettre en œuvre efficacement les politiques et les programmes en fonction des quatre piliers de la gestion des mesures d’urgence (la prévention/l’atténuation, la préparation, l’intervention et le rétablissement) grâce à l’établissement d’étroites relations avec les homologues internationaux, les ministères fédéraux, les provinces, les territoires et les premiers intervenants.

[…]

Pour reprendre les propos de M. Lavoie, le COG est l’organisme qui offre un soutien à la plupart des activités de gestion des urgences qui sont nécessaires pour réaliser l’objectif stratégique principal d’un Canada sécuritaire et résilient.

11 M. Lavoie a dit du Plan fédéral d’intervention d’urgence (PFIU) (pièce E-4) qu’il est le plan tous risques de coordination des activités d’intervention des autorités fédérales relativement aux urgences qui requièrent une intervention intégrée du gouvernement du Canada. Le directeur général de la Direction des opérations a le pouvoir de mettre en place ces activités d’intervention. Les circonstances suivantes, énumérées à la page 4 du PFIU, peuvent elles aussi donner lieu à des activités d’intervention intégrées :

[Traduction]

[…]

  • une province/un territoire demande l’appui du gouvernement fédéral pour faire face à une urgence;
  • l’urgence est d’une telle magnitude que son impact se fait ressentir sur de multiples administrations et/ou ministères, d’où la nécessité de coordonner les activités d’intervention;
  • l’urgence met directement en cause des biens, services, employés, responsabilités ou pouvoirs législatifs fédéraux, ou ébranle la confiance du public à l’égard du gouvernement;
  • certains aspects de l’intérêt national sont compromis par l’urgence.

[…]

12 Les objectifs stratégiques du PFIU sont de sauver des vies, de protéger les biens et l’environnement, de maintenir le droit, l’ordre et la sécurité nationale, de maintenir la confiance du public et d’atténuer les pertes économiques et sociales. Parmi ces objectifs, celui qui consiste à sauver des vies constitue la priorité première, d’après M. Lavoie. Plusieurs types d’urgences peuvent entraîner directement des pertes de vie, tout comme les perturbations touchant des infrastructures essentielles (pièce E-2). M. Lavoie a déclaré que les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement « soit présent » en cas d’urgence et à ce qu’il réduise au minimum la détresse humaine associée à de telles situations. Le PFIU énonce ceci à la page 3 :

[Traduction]

[…]

L’environnement des risques du Canada réunit la gamme traditionnelle des dangers naturels et d’origine humaine (c.-à-d. les incendies en milieu périurbain, les inondations, les déversements de pétrole, l’émission de matières dangereuses, les accidents de transport, les tremblements de terre, les ouragans, les tornades, les épidémies et les pandémies, les pannes d’électricité importantes et les incidents cybernétiques) ainsi que le risque de terrorisme.

[…]

[…] les urgences sont susceptibles de toucher les vies, les infrastructures essentielles, les biens, l’environnement, l’économie et la sécurité nationale du Canada et de ses citoyens, ses alliés et la communauté internationale. Dans un tel contexte, tous les Canadiens s’attendent à ce que le gouvernement fédéral, en coopération avec les provinces/territoires, les organisations non gouvernementales et le secteur privé, soit prêt à intervenir à l’égard d’urgences qui peuvent naître au niveau local et/ou provincial/territorial, puis atteindre le niveau national.

[…]

D’après le PFIU, à la page 7, le COG est le [traduction] « […] lieu principal où les experts du domaine et les agents de liaison des ministères, des organisations non gouvernementales et du secteur privé […] » interagissent en vue de concevoir les activités d’intervention intégrées que le gouvernement du Canada doit mener.

13 En contre-interrogatoire, M. Lavoie a décrit le mandat du Comité des sous-ministres sur la sécurité nationale et celui du Comité de gestion des urgences des sous-ministres adjoints (CGU-SMA). Le premier comité offre une rétroaction sur les idées concernant la rationalisation et une meilleure coordination des activités de sécurité nationale, notamment la gestion des urgences. Il peut être appelé à agir en cas d’urgence s’il y a lieu de prendre des décisions à l’échelle du gouvernement ou de faire appel à des ministres. Le CGU-SMA se réunit une fois par mois, offre une direction et des conseils opérationnels à l’égard du travail exécuté par le COG, et peut constituer des groupes plus petits pour régler certaines situations ou certains problèmes (comme la sécurité des Jeux olympiques d’hiver de 2010).

14 M. Lavoie a décrit également le rôle de gestion financière que joue le COG. En situation d’urgence, ce dernier assure le suivi des coûts d’une intervention du gouvernement fédéral — pour pouvoir ensuite déterminer « qui paie quoi ». Les dépenses d’urgence peuvent être assumées par les ministères puis recouvrées par la voie d’une présentation au Conseil du Trésor, ou relever directement du COG dans certains cas. Celui-ci joue aussi un rôle clé dans l’achat de biens et de services en situation d’urgence.

15 M. Lavoie a indiqué au cours de son témoignage que le COG compte 120 ETP (équivalents à temps plein) et qu’à l’heure actuelle, 75 à 85 de ces postes sont dotés. Les titulaires de ces postes travaillent par quarts de travail au sein de cinq équipes. D’autres employés, de 45 à 50, travaillent « à l’extérieur de la pièce », à la planification et à l’évaluation des risques.

16 M. Oldham a passé en revue les organigrammes dans lesquels figurent les postes CS du COG (pièce E-6). Il a déclaré qu’au mois de novembre 2009, Sécurité publique Canada comptait 136 postes CS, et que le demandeur a proposé de désigner 29 de ces postes comme étant nécessaires à la prestation de services essentiels au sein du COG et de sa division du CCRIC. Le COG a entrepris ses activités le 1er mai 2004. Jusqu’alors, aucun ministère ou organisme n’avait les compétences ou le mandat requis pour coordonner efficacement à l’échelle du gouvernement les activités d’intervention en cas d’urgence. Les processus décisionnels étaient de nature ponctuelle. D’après M. Oldham, le COG confère maintenant au Canada un [traduction] « avantage énorme ». Peu de pays jouissent du même type de point de contact unique au chapitre de la coordination des activités de gestion des urgences pour les entités publiques et privées, à l’échelle nationale et à l’échelle internationale.

17 Les différentes divisions du COG, dont le CCRIC, sont réunies en un seul lieu de travail spacieux qui permet au personnel d’interagir au sein d’équipes souples. Le CCRIC a à sa disposition également un laboratoire adjacent séparé qu’il utilise pour accomplir certaines activités. Le lieu de travail est complètement protégé et il est doté de capacités de communications en double reliant le COG aux ministères et organismes fédéraux, aux ministères provinciaux et à des gouvernements étrangers, ainsi qu’à des organisations non gouvernementales. Il arrive de plus en plus souvent que les communications soient menées par la voie de réseaux de bavardage en direct. Le COG peut compter sur le même nombre d’employés jour et nuit, sans interruption, lesquels sont secondés au besoin par des employés sur appel. Il jouit de l’appui des CS qui travaillent au sein de la composante ministérielle du ministère en plus d’obtenir le soutien des CS qui travaillent directement au sein du COG à la maintenance, à l’opération et à l’activation de l’équipement.

18 M. Oldham a recouru aux « statistiques » suivantes (pièce E-7) pour décrire les activités du COG :

  • le COG surveille et évalue en moyenne 3 500 incidents par année pour déterminer si ceux-ci risquent de nécessiter une coordination à l’échelle nationale;
  • en 2007, 2008 et 2009 (jusqu’au 24 novembre), il a assuré la coordination nationale d’activités 56, 68 et 73 fois respectivement (pièce E-8);
  • séparément, en 2008, le CCRIC a diffusé plus de 145 produits liés à la connaissance de la situation dans le contexte cybernétique;
  • en 2008, le CCRIC a traité et coordonné 167 incidents liés à l’infrastructure cybernétique dans les secteurs publics et privés.

19 Le personnel du COG assume directement la responsabilité de déterminer, sur le fondement de critères établis, le moment où un « incident » (un élément d’information signalé comme étant susceptible de « mal tourner » et de compromettre l’intérêt national) force le gouvernement fédéral à jouer un rôle de coordination nationale (un « événement »). Il est rare que le COG ne traite qu’un seul événement actif à la fois. Chaque événement peut être géré pendant des périodes allant de quelques minutes à plusieurs mois.

20 En sa qualité d’« […] organe infaillible ultime dont tout le monde dépend », le COG accomplit les sept fonctions fondamentales de gestion des urgences qui sont énumérées à la page 13 du PFIU — gestion, opérations, connaissance de la situation, évaluation des risques, planification, logistique, finance et administration. L’organisation de ses divisions internes reflète ces fonctions. Lorsqu’un événement met en cause ou inclut un volet cybernétique, le COG fait appel au CCRIC.

21 M. Oldham a illustré la nature des risques auxquels doivent faire face les Canadiens et le rôle que le COG joue dans la coordination de la réponse du gouvernement fédéral à ces risques au moyen des exemples suivants : 1) l’évacuation de Canadiens du Liban au cours du conflit opposant ce pays à l’Israël à l’été de 2006 (pièce E-9); 2) l’incident de sécurité aérienne qui a mené à l’imposition de restrictions sur les liquides et les gels dans les bagages à main (pièce E-10); 3) l’explosion causée par du propane à Toronto en août 2008 (pièce E-8); 4) l’inondation dans la vallée de la rivière St. John en 2008 (pièce E-14); 5) le tremblement de terre en Colombie-Britannique le 17 novembre 2009 (pièce E-15); 6) la rentrée d’un corps de roquette SL-4 le 13 novembre 2009 (pièce E-16). M. Oldham a décrit certains événements terroristes concernant le Canada ou les Canadiens qui ont été divulgués dans des renseignements non classifiés généralement accessibles au public (pièces E-11 et 12). Il a passé en revue également une récente « Mise à jour semestrielle sur la menace des terroristes et des extrémistes », préparée par le Centre intégré d’évaluation des menaces du gouvernement fédéral et distribuée par le COG aux ministères et organismes fédéraux, aux provinces/territoires et aux organismes municipaux d’application de la loi (pièce E-13).

22 Pour plusieurs des événements décrits, M. Oldham a exposé dans leurs grandes lignes les contributions des titulaires des postes CS au sein du COG et du CCRIC. Ainsi, dans le cas de l’inondation de la rivière St. John, les CS ont largement contribué à la préparation et à la communication de produits d’information géomatique et satellitaire qui ont permis d’évaluer la nature et la portée de la menace pour la vie et les biens. Certains de ces produits ont été conçus et distribués au moyen d’ordinateurs, d’applications et d’installations de télécommunications uniques au sein du COG, appuyés par les CS. Dans le cas de la rentrée du corps de roquette, les CS ont appuyé l’équipement qui a servi à estimer et cartographier son point d’impact probable à la surface ainsi que l’équipement requis pour communiquer cette information numériquement aux partenaires concernés. De l’avis de M. Oldham, le gouvernement fédéral n’aurait pu gérer une intervention intégrée à l’égard de ces événements et d’autres événements sans le concours du COG qui, lui, ne peut effectuer son travail sans l’équipement et les capacités appuyés par les employés CS.

23 M. Oldham a ensuite discuté des postes CS au sein du CCRIC, qui a été formé en février 2005 pour agir à titre de point de convergence afin d’accroître la sensibilisation au nombre croissant de menaces cybernétiques et la capacité d’y faire face. Le CCRIC est doté principalement d’employés CS engagés en raison de leurs connaissances sur la manière d’identifier les menaces cybernétiques et sur la manière d’y répondre. Les CS du CCRIC utilisent l’équipement plutôt que de l’appuyer. Des organisations du secteur privé et du secteur parapublic signalent les menaces cybernétiques au CCRIC. Les CS analysent ces menaces, puis créent et diffusent des produits d’information conseillant aux partenaires la manière d’y répondre. Ces produits peuvent fournir des « rustines » pour certains types de logiciels ou d’autres stratégies d’atténuation. La pièce E-17 donne le résumé suivant de la fonction générale du CCRIC :

[Traduction]

[…]

[…] Le CCRIC surveille, analyse et coordonne les activités d’intervention du gouvernement du Canada relativement aux menaces et aux attaques cybernétiques qui compromettent l’information et les infrastructures essentielles du Canada. À cette fin, il partage une connaissance situationnelle commune de l’environnement cybernétique avec les ministères et organismes fédéraux, les homologues internationaux, les partenaires provinciaux et territoriaux, les organisations non gouvernementales et la collectivité canadienne des infrastructures essentielles.

Le travail du COG s’effectue surtout au niveau de l’intervention stratégique (l’ensemble du gouvernement) à l’égard d’incidents tous risques, tandis que le CCRIC travaille au niveau de l’intervention opérationnelle du gouvernement dans son ensemble en matière cybernétique seulement. Certains incidents cybernétiques importants peuvent devenir stratégiques, dans lequel cas le COG aidera le CCRIC (et d’autres partenaires) à gérer l’intervention nationale.

[…]

24 Le CCRIC effectue son travail au niveau secret et dispose de capacités de niveau très secret au besoin. Il utilise un équipement unique pour surveiller, analyser et trier les « vecteurs de menace » sur Internet. Si les pirates présentent une part importante de la menace, celle-ci provient également d’attaques criminelles et terroristes qui visent à porter préjudice au pays et à ses citoyens. D’après M. Oldham, les attaques cybernétiques peuvent être les précurseurs d’une attaque matérielle, et les menaces risquent de causer en bout de ligne des pertes de vie. Il a signalé que le CCRIC ne joue aucun rôle dans la collecte de renseignements, mais qu’il s’intéresse plutôt aux aspects techniques des menaces cybernétiques. Il travaille en étroite collaboration avec des organisations analogues du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.

25 M. Oldham a décrit deux cas de menaces cybernétiques pour illustrer le rôle que jouent le CCRIC et ses employés CS. Dans le premier exemple, le personnel a diffusé à l’intention des utilisateurs techniques au Canada une série de produits techniques conçus pour contrer le « ver Conficker » — un virus qui, s’il était activé, risquait d’interrompre d’importantes fonctions informatiques, principalement dans les secteurs de la défense et de la santé (pièce E-18). Si aucun des effets de la menace n’a été ressenti au Canada en bout de ligne, dans plusieurs autres pays, les services de la défense ont été paralysés par le virus, et les appareils de résonance magnétique ont été mis hors ligne dans les hôpitaux. Dans le deuxième exemple, la menace cybernétique portait principalement sur un type particulier d’appareil SCADA (acquisition et contrôle des données), utilisé surtout dans les secteurs de l’énergie pétrolière, nucléaire et du gaz (pièce E-19). Dans ce cas également, les CS ont élaboré des documents techniques sur la manière de répondre à la menace qui ont été distribués par l’intermédiaire du COG aux partenaires d’infrastructures dans les secteurs concernés.

26 Avant de mettre un terme à son interrogatoire principal, M. Oldham a discuté d’un document produit par le demandeur, dans lequel ce dernier a dressé une liste des pièces d’équipement utilisées par les CS dans le COG et le CCRIC (pièce E-20). L’avocat du demandeur a expliqué que son client est d’avis qu’il ne devrait pas être obligé de produire une telle preuve au motif qu’il a le droit exclusif de choisir l’équipement qu’il utilise et que la Commission n’a pas la compétence pour limiter ce choix. Le demandeur a néanmoins produit la liste, puisque la Commission a antérieurement requis la production d’une telle preuve.

27 M. Oldham a décrit la liste comme étant un « instantané dans le temps ». L’équipement utilisé par les CS évolue et change constamment, et la liste peut ne pas être exacte même d’un mois à l’autre. M. Oldham a cité plusieurs des éléments figurant sur la liste (éléments 9, 13, 33 et 36) comme exemples de pièces d’équipement qui soit ont été récemment ajoutées, soit seront modifiées ou remplacées bientôt.

28 Le défendeur a longuement contre-interrogé M. Oldham. Il a posé à ce dernier des questions notamment sur un certain nombre de « propositions de postes et formulaires d’analyse » pour les postes CS désignés par le demandeur — à une étape antérieure dans le cadre de ses discussions préalables à l’audience avec le défendeur — comme exécutant des services essentiels. Si elle établit le fait général qu’il existe des liens entre les fonctions décrites dans les divers formulaires de postes et les articles figurant dans la liste des pièces d’équipement dont il a été question précédemment (pièce E-20), j’estime que la preuve ne m’aide que dans une faible mesure à rendre ma décision. À cette étape-ci, je ne tente pas de déterminer quels postes CS en particulier au sein de Sécurité publique Canada sont assortis de fonctions essentielles. Cette décision doit être prise par les parties ou par la Commission à une date ultérieure. Jusqu’à ce que les services essentiels fournis par les CS (le cas échéant) soient définis au premier chef, il demeure possible que tous les postes mentionnés par le défendeur ou une partie de ceux-ci soient en bout de ligne désignés dans une ESE, ou encore qu’aucun de ces postes n’y soit désigné. Lorsque je rendrai ma décision dans la présente affaire, un certain nombre d’autres décisions suivront, conformément au cheminement analytique énoncé dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 97 (la « décision Parcs »). Il se peut que ma décision rendue au premier chef dans la présente affaire mène les parties à se pencher sur d’autres postes ou à examiner les 29 postes sous un angle différent.

29 Parmi les autres sujets passés en revue au cours du contre-interrogatoire, j’ai déterminé que les points suivants m’ont aidé à comprendre la situation :

  • Les fonctions de services ministériels exécutées par les CS incluent la mise à l’essai de matériel et de logiciels, l’installation et la maintenance de logiciels, la réparation d’appareils, l’identification et l’examen de problèmes de compatibilité et la résolution de ceux-ci, et la direction du soutien technique. Les CS affectés aux services ministériels offrent un soutien au ministère dans son ensemble pour tous les mandats, y compris celui du COG.
  • Chaque type d’équipement (pièce E-20) est assorti d’un calendrier de maintenance différent, et certaines activités de maintenance sont dictées par le contexte des menaces. Il ne peut y avoir de temps d’arrêt. La maintenance et les réparations ne peuvent être retardées s’il existe un risque que l’équipement soit défectueux. Pour reprendre les propos de M. Oldham, l’on ne fait preuve [traduction] « d’aucune tolérance pour les défectuosités ».
  • M. Oldham a confirmé de nouveau que les CS du CCRIC surveillent, analysent et évaluent les risques à la sécurité cybernétique, appuient les processus de production de rapports sur les urgences cybernétiques, répondent aux menaces et aux attaques cybernétiques, examinent et dressent des rapports d’incidents et techniques, et exécutent (à titre préventif et de manière réactive) des programmes de sécurité pour les organisations qui doivent faire face à des menaces à la sécurité.
  • Les activités des CS ne sont pas toutes essentielles. Autrement, le demandeur proposerait que tous les postes CS fournissent des services essentiels.
  • À l’exception possible d’éléments comme la passerelle interne, le soutien au câblage d’Internet et le soutien à la file d’attente de l’imprimante, tout l’équipement associé aux services essentiels fournis par les titulaires de postes CS figure dans la pièce E-20.
  • Les CS utilisent d’autres pièces d’équipement qui ne figurent pas dans la pièce E-20, comme des microphones et des projecteurs, lequel équipement n’est lié cependant à aucun service essentiel.
  • Chaque pièce d’équipement figurant dans la pièce E-20 change ou évolue.
  • Certains des éléments figurant dans la liste d’équipement changent moins souvent, comme les articles 14 (télévision par câble), 16 (services de courrier électronique et de Blackberry), 21 (Portail du Bureau de la traduction) et 23 (Microsoft Office Suite).
  • D’autres nouveaux articles en sont à l’étape de la planification ou du déploiement, comme le « PICS », un nouveau système de traitement de l’information classifiée pour utilisation à l’échelle du gouvernement.
  • Le SAP est l’outil que le COG utilise pour gérer le financement de ses activités essentielles lorsqu’il y a une situation d’intérêt national.

III. Résumé de l’argumentation

30 Le demandeur propose que la Commission se prononce dans les termes suivants :

[Traduction]

Tous les services fournis ou activités accomplies par les titulaires de certains postes du groupe CS du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile à l’appui de la gestion des activités d’intervention intégrées du gouvernement du Canada relativement à des urgences sont nécessaires à la sécurité du public canadien.

31 Le défendeur propose la définition suivante :

[Traduction]

Les services et les activités suivants sont essentiels :

  1. En ce qui concerne le CCRIC et le COG ainsi que ses directions, les services de soutien (notamment a) l’installation, la mise à l’essai et la maintenance, b) l’identification et l’examen de problèmes de compatibilité et de mauvais fonctionnement, et la résolution de ces problèmes, et c) l’aide technique directe) pour 34 des 35 fonctions exécutées par des logiciels, des systèmes, des applications et des appareils présentés par l’employeur (pièce E-20), dans la mesure où ces tâches sont déjà accomplies par les CS. Les services et les activités qui, le cas échéant, sont liés aux applications SAP, ne sont pas essentiels.
  2. En association avec le CCRIC, l’analyse et l’évaluation du risque, la planification de la réponse cybernétique, le traitement de rapports sur des urgences cybernétiques, les interventions à l’égard des menaces et des attaques cybernétiques, l’examen et la rédaction de rapports d’incidents et techniques, et l’exécution de programmes de sécurité en réponse à des menaces cybernétiques.

A. Pour le demandeur

32 Le demandeur soutient qu’il ne doit pas obligatoirement produire une preuve empirique pour établir l’existence de menaces à l’endroit du Canada et des Canadiens. La Commission peut reconnaître l’existence de telles menaces en faisant simplement preuve de bon sens et de jugement : Tobin c. Canada (procureur général), 2009 CAF 254, paragraphes 60 et 62. Cela n’a pas empêché les témoins de fournir des exemples concrets d’urgences et de menaces survenues récemment. De l’avis du demandeur, la preuve non contestée établit que le Canada doit faire face à un certain nombre de dangers ou de désastres naturels, technologiques et anthropiques. Que l’on pense notamment aux incendies en milieu périurbain, aux inondations, aux déversements de pétrole, aux émissions de produits dangereux, aux accidents de transport, aux tremblements de terre, aux ouragans, aux tornades, aux épidémies ou aux pandémies, aux pannes d’électricité importantes, aux attaques cybernétiques et aux attaques terroristes.

33 Ce sont le COG et le CCRIC qui, pour le gouvernement du Canada, gèrent les activités d’intervention intégrées à l’égard de ces dangers et désastres.

34 Le COG agit de manière proactive pour assurer jour et nuit, sans interruption, la surveillance, la validation, l’évaluation et l’analyse des risques et des urgences ainsi que la planification d’activités et la rédaction de rapports à leur égard. Pour le compte du gouvernement, il coordonne les interventions à l’égard d’incidents d’intérêt national, tant au Canada qu’à l’étranger, ce qui permet au gouvernement d’utiliser tous ses biens et ses capacités. Le COG est le point de contact unique — le « 911 » et le « 411 » du gouvernement — qui ne peut se permettre de faillir.

35 Le CCRIC a pour tâche également, jour et nuit, d’assurer proactivement la surveillance, la validation, l’évaluation et l’analyse des diverses menaces, attaques et vulnérabilités cybernétiques qui concernent le Canada et les Canadiens, de planifier des activités, de rédiger des rapports et de publier des alertes, des avis et des renseignements sur ces menaces, attaques et vulnérabilités, et de gérer les activités d’intervention intégrées à leur égard.

36 Les titulaires des postes du groupe CS jouent un rôle de premier plan dans la gestion intégrée des urgences par le gouvernement. Ils assurent directement la prestation des services fournis par le CCRIC, ainsi qu’ils ont été décrits précédemment. Ils assurent également la prestation de services de soutien à l’équipement essentiel qui permet au COG et au CCRIC de mener leurs activités. Si cet équipement ne fonctionne pas, le COG et le CCRIC sont tous deux incapables d’exécuter leurs mandats essentiels.

37 Si, en situation d’urgence, le COG et le CCRIC n’étaient pas opérationnels en raison de l’absence des CS, il en découlerait d’importants risques potentiels pour la santé et la sécurité des Canadiens. Dans de telles circonstances, ces derniers seraient en effet exposés à des préjudices et à la perte de vies, toutes des conséquences qui peuvent être évitées. Ces mêmes circonstances pourraient également engendrer des perturbations ou causer des dommages évitables aux infrastructures essentielles du Canada, ce qui serait susceptible de causer des préjudices et la perte de vies.

38 Le demandeur a la charge de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les services fournis et les activités accomplies par les titulaires des postes CS qu’il a désignés sont essentiels pour la sécurité du public. Ainsi que la Cour suprême du Canada l’a confirmé, la norme de la « prépondérance des probabilités » est la seule norme applicable : F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, paragraphe 49. Dans ses décisions antérieures sur les ESE, la Commission y a souscrit explicitement : voir, par exemple, la décision Parcs, au paragraphe 180, et Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 55 (la « décision Service Canada »), au paragraphe 70.

39 La décision Parcs — la première affaire dont la Commission a été saisie sous le régime du paragraphe 123(1) de la Loi — a aussi établi deux principes fondamentaux. Premièrement, la protection de l’intérêt public est la préoccupation première de la Commission lorsqu’elle détermine les questions à inclure dans une ESE : paragraphe 176. Deuxièmement, la Commission doit faire preuve de prudence lorsqu’elle détermine les services essentiels : paragraphe 179.

40 La Commission a adhéré à l’obligation de faire preuve de prudence lorsqu’elle a dit ceci dans la décision Service Canada, au paragraphe 102 :

102 Même si la Commission n’est pas en mesure de quantifier l’ampleur ou le caractère immédiat du risque possible pour la sécurité économique du public d’après la preuve qui lui est présentée, elle ne peut conclure sans risque de se tromper qu’il n’existe pas de tel risque ou que le risque est trop mineur pour justifier une décision favorisant le défendeur. Bien qu’elle soit limitée et en grande partie indirecte, la preuve produite par le défendeur est suffisante pour établir une possibilité raisonnable que l’aide fournie par les ACS à certains membres au moins du public qui se rendent aux CSC soit nécessaire à leur sécurité économique […]

Le demandeur soutient que, dans la présente affaire, il y a lieu d’adopter le même type de démarche.

41 Le demandeur renvoie la Commission également à la décision ASFC, au paragraphe 167, où la Commission a conclu à l’existence d’une « preuve abondante et non contestée » de l’existence de risques pour la sécurité du public. Le demandeur affirme que la preuve produite dans la présente affaire sur l’existence des risques pour la sécurité du public devrait être considérée comme étant analogue à celle que la Commission a acceptée dans la décision ASFC.

42 Dans Conseil des métiers et du travail des chantiers maritimes du gouvernement fédéral (Esquimalt, C.-B.) c. Conseil du Trésor (Groupe de la réparation des navires – côte ouest), dossier de la CRTFP 181-02-182 (19850109), l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a reconnu que les employés qui appuient l’équipement peuvent être désignés comme étant essentiels pour la sécurité du public. La nécessité que le COG et le CCRIC demeurent opérationnels dans la présente affaire illustre le même besoin [traduction] « de maintenir […] un état de préparation […] », sur lequel l’ancienne Commission a fondé sa décision : paragraphe 43.

43 La décision ASFC confirme également qu’il est possible de conclure que les postes qui appuient l’équipement sont assortis d’activités ou de services essentiels.

44 Le demandeur affirme que les parties s’entendent pour dire que le travail accompli par certains des CS au sein de Sécurité publique Canada est essentiel. Le demandeur s’est acquitté de sa charge de preuve. Les parties sont en désaccord uniquement sur la manière de définir les services ou les activités essentiels.

45 Le demandeur soutient que la définition devrait reposer sur les services mêmes qui sont appuyés par l’équipement que les employés CS utilisent, et non sur l’équipement lui-même. Il adopte cette position pour les raisons suivantes.

46 Premièrement, lorsqu’elle définit les services essentiels, la Commission ne peut faire entrave au pouvoir exclusif du demandeur, prévu dans la loi, de déterminer les pièces d’équipement qu’il utilise pour accomplir ses activités. Les pouvoirs de la Commission sont spécifiquement limités sous le régime de la Loi. Les alinéas 121(2)b) et 123(6)b), par exemple, sont libellés dans les termes suivants :

121.(2) Pour l’application du paragraphe (1), le nombre de fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture d’un service essentiel est calculé :

[…]

b) compte tenu du fait que l’employeur n’est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations afin de fournir ce service essentiel pendant une grève, notamment en ce qui concerne les heures normales de travail, la mesure dans laquelle l’employeur a recours aux heures supplémentaires et le matériel que celui-ci utilise dans le cadre de ses opérations.

[…]

123.(6) Pour l’application du paragraphe (5), le nombre des fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture du service essentiel est calculé :

[…]

b) compte tenu du fait que l’employeur n’est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations afin de fournir ce service essentiel pendant une grève, notamment en ce qui concerne les heures normales de travail, la mesure dans laquelle l’employeur a recours aux heures supplémentaires et le matériel que celui-ci utilise dans le cadre de ses opérations.

47 Sur le droit, le demandeur est en désaccord avec la conclusion de la Commission dans les décisions Parcs et ASFC, suivant laquelle des dispositions comme les alinéas 121(2)b) et 123(6)b) de la Loi ne limitent pas son pouvoir de définir les services essentiels. De l’avis du demandeur, la définition de services essentiels qui repose sur l’équipement est contraire au régime de la Loi et à son objet, ainsi qu’à l’intention du législateur. Si la Commission devait lier la définition de services essentiels aux pièces d’équipement, contrairement au régime législatif, elle entacherait ainsi les déterminations subséquentes sur les types des postes qui sont nécessaires pour fournir les services essentiels identifiés, le nombre de ces postes qui sont nécessaires, et les postes en question.

48 Deuxièmement, les pièces d’équipement ne sont pas des « services, installations ou activités » au sens du paragraphe 4(1) de la Loi. Dans la décision ASFC, la Commission a conclu que des articles figurant dans une liste équivalente à la liste des pièces d’équipement produite sous la cote E-20 dans la présente affaire n’étaient pas des services ni des activités. La Commission a écrit ceci au paragraphe 158 :

158    Je ne crois pas non plus que les 38 éléments dont la pièce E-9 dresse la liste soient des services ou des activités au sens du paragraphe 4(1) de la LRTFP. Il s’agit de systèmes, d’applications ou de pièces d’équipement informatique. Le SSMAEC, premier article de la pièce E-9, par exemple, est un système informatique qui recueille et traite de l’information provenant de plusieurs bases de données sur des personnes et des biens qui entrent au Canada. CANPASS (la composante système, article 6 de la pièce E-9) est un système informatique qui recourt à la technologie biométrique de reconnaissance d’iris pour vérifier l’identité des personnes dans les aéroports. Le SGR, élément 10 de la pièce E-9, est un système informatisé de partage du renseignement et de gestion des risques qui permet de partager et d’analyser des données sur la circulation des personnes et des marchandises à la frontière. La même chose s’applique au « Soutien général au réseau de TI », élément 34 de la pièce E-9, qui, comme le décrit la pièce B-5, est essentiellement un serveur, ainsi que l’a affirmé le demandeur.

49 Troisièmement, la méthode fondée sur les services que préconise le demandeur est conforme aux décisions rendues antérieurement par la Commission dans les affaires Parcs, Service Canada et « Agent des services frontaliers » (Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 155). La définition proposée par le demandeur reflète « la méthode simplifiée » énoncée par la Commission dans la décision Service Canada, plus particulièrement, dans les termes suivants :

[…]

106    Cependant, une ESE ne doit pas comporter le même niveau de détails qu’une description de travail […] Dans une ESE, un service essentiel est décrit pour un motif assez différent. La description doit être assez précise pour que l’on puisse déterminer quelles fonctions principales devraient être maintenues dans l’éventualité d’une grève et décider plus facilement des autres éléments de contenu requis dans une ESE, soit essentiellement le nombre final de postes qui seront nécessaires pour offrir le service essentiel advenant une grève. À cette fin, la Commission ne s’attend pas à ce que les ESE ressemblent nécessairement à un ensemble d’extraits de documents de classification.

[…]

La même méthode simplifiée est énoncée clairement dans la décision ASFC, au paragraphe 170, et dans la décision Agent des services frontaliers, au paragraphe 51. La définition du défendeur, qui repose sur l’équipement, n’est pas conforme à cette méthode.

50 Quatrièmement, la démarche que propose le demandeur est pratique. Elle repose sur les services qui sont appuyés par les pièces d’équipement, et non sur l’équipement lui-même. La preuve montre clairement que l’équipement utilisé par le COG et le CCRIC évolue constamment, même sur une base mensuelle. La liste qui figure dans la pièce E-20 est un « instantané », rien de plus. M. Oldham a témoigné de manière concluante que nombre des articles dont la pièce E-20 dresse la liste ont été modifiés récemment ou ont récemment incorporé de nouvelles fonctions et capacités (voir les articles 13 à 16, 22, 24, 25, 27 et 33 à 36). D’autres pièces d’équipement nouvelles, comme le PICS, s’ajouteront bientôt à l’éventail des pièces. Une définition des services essentiels qui dépend d’une liste « instantanée » des pièces d’équipement n’est simplement pas pratique, comme on l’a reconnu dans la décision ASFC, dans les termes suivants :

[…]

160    Le défendeur affirme que les services essentiels sont les activités accomplies par les employés CS à l’appui des systèmes informatiques énumérés dans la pièce E-9. Plus précisément, la fourniture d’un soutien à chacun des 38 systèmes informatiques par les employés CS représente une activité ou un service essentiel distinct. Je ne trouve pas que cette approche soit raisonnable. Un service essentiel ne devrait pas être aussi étroitement lié à une pièce d’équipement ou à un système qui ne constitue qu’une partie d’un vaste réseau informatique qui gère l’information. Retenir une telle définition obligerait les parties à modifier l’ESE chaque fois qu’elles remplacent l’un de ces 38 systèmes informatiques ou en ajoutent un nouveau. Une ESE doit pouvoir soutenir les changements de composantes d’un réseau d’information composé de différents systèmes informatiques sans que les parties aient à modifier l’entente chaque fois qu’un nouveau système informatique fait son apparition.

[…]

165    Il est possible, me semble-t-il, de définir les services essentiels d’une manière qui tienne compte du fait que le demandeur et le défendeur conviennent tous deux qu’il est nécessaire de protéger les Canadiens contre les personnes et les marchandises qui posent un risque pour la sûreté et à la sécurité du public, qui ne retiendrait que les services ou activités liés à ces fins, qui ne serait pas étroitement liée au matériel et qui permettrait aux parties de définir les autres éléments de l’ESE. On pourrait atteindre ces buts en définissant les services essentiels de la façon suivante :

La fourniture de services et de systèmes informatiques liés à la sécurisation de la frontière par la gestion de l’accès des personnes et des marchandises (y compris les aliments, les plantes et les animaux) qui entrent au Canada ou en sortent dans le but d’assurer la protection de la sûreté ou de la sécurité du public.

[…] Elle permettrait aussi au demandeur de changer au besoin son matériel ou ses systèmes informatiques, puisque la définition ne se rapporte pas étroitement aux matériel et systèmes informatiques […]

[…]

51 Cinquièmement, les faits qui ont été établis n’appuient pas l’adoption d’une définition des services essentiels qui repose sur les pièces d’équipement. Les titulaires des postes CS désignés comme fournissant des services essentiels ne se contentent pas d’appuyer les pièces d’équipement. Au sein du CCRIC, les titulaires des postes CS sont directement chargés de fournir des services. La définition qui repose sur l’équipement néglige cette réalité.

52 Pour ces raisons, le demandeur soutient que la Commission doit fonder sa définition de services essentiels sur les services qui sont effectivement fournis au moyen des pièces d’équipement, et non sur l’équipement même. Il prie la Commission d’accepter la définition qu’il propose.

B. Pour le défendeur

53 Le défendeur ne conteste pas la preuve produite par le demandeur sur les types de risques auxquels le COG et le CCRIC doivent faire face. Il fait valoir cependant que cette preuve ne permet pas de déterminer ce que les CS devraient faire dans l’éventualité d’une grève.

54 La preuve établit qu’au sein de Sécurité publique Canada, seul le travail de gestion des urgences exécuté par l’intermédiaire du COG et du CCRIC constitue un service essentiel. Certains des aspects du programme « Gestion des urgences », identifiés dans le Rapport sur le rendement de Sécurité publique Canada (pièce E-3, page 9), ne sont pas essentiels. Parmi ces éléments non essentiels, l’on compte les activités quotidiennes du Comité des sous-ministres sur la sécurité nationale et du CGU-SMA, et les activités de gestion financière nécessaires pour assurer le suivi des coûts et pour attribuer les responsabilités financières après un événement. Tous les CS exécutent un travail non essentiel plus généralement à l’appui du COG, du CCRIC et de Sécurité publique Canada.

55 En ce qui concerne la partie du travail accompli par les CS qui est essentielle, le défendeur soutient qu’elle peut être divisée en deux groupes. Les fonctions plus traditionnelles que les CS exécutent à l’appui des logiciels, des systèmes, des applications et des appareils dont la liste figure dans la pièce E-20 (autres que le SAP), telles qu’elles sont exécutées par les CS dans le cadre des services de TI ministériels et au sein du COG, relèvent du premier groupe. Ces services de soutien comprennent une liste exhaustive d’activités : installation, mise à l’essai, maintenance et réparation des logiciels, systèmes, applications et appareils; identification, examen et résolution des problèmes de compatibilité; soutien technique direct.

56 La preuve produite par M. Oldham sur le premier groupe établit que les fonctions exécutées par « les pièces d’équipement » dont la pièce E-20 dresse la liste sont les seules fonctions qui peuvent être liées à des services essentiels. La preuve établit également que les articles numéros 5 à 35 de la liste produite dans la pièce E-20 ne peuvent être modifiés que légèrement. À l’exception de l’article 13, qui se rapporte à une fonction ajoutée récemment, le défendeur a soutenu que les autres articles soit étaient stables, soit avaient incorporé des capacités élargies tout en maintenant des fonctions centrales stables.

57 Le deuxième groupe de services essentiels ressortit au travail exécuté par les CS au sein du CCRIC. Pour ce travail, la définition de services essentiels du défendeur est similaire à la description proposée par le demandeur. Les CS du CCRIC effectuent un travail unique. La preuve établit qu’ils prennent part aux activités suivantes : analyse et évaluation des risques; planification des activités d’intervention cybernétique; rédaction de rapports sur le processus d’intervention en cas d’urgence cybernétique; réponses aux menaces et aux attaques cybernétiques; examen et rédaction de rapports d’incidents et techniques; exécution de programmes de sécurité pour les menaces cybernétiques.

58 Fondamentalement, le défendeur est d’accord avec le demandeur sur les détails touchant les deux groupes d’activités essentielles accomplies au sein du COG et du CCRIC. Le problème tient au fait que le demandeur ne veut pas s’engager relativement à ces détails de manière qu’ils soient inclus dans la définition de services essentiels. L’approche du demandeur est générale, tandis que celle du défendeur est beaucoup plus spécifique.

59 Il faut absolument définir les services essentiels spécifiquement pour réaliser le principal objectif de la Loi — identifier les travailleurs qui sont essentiels et ce qu’ils feront dans l’éventualité d’une grève. Ainsi qu’il ressort de la décision Parcs, il faut atteindre un équilibre délicat entre la protection de la sécurité du public et la protection du droit de grève des employés : paragraphe 179. La définition d’un service essentiel doit être suffisamment précise pour permettre cet équilibre et, en particulier, pour éviter le retrait inutile du droit de grève. Elle doit faciliter l’identification des types des postes qui sont nécessaires pour fournir les services essentiels, du nombre de ces postes nécessaires et des postes en question : décision Service Canada, paragraphe 106. Elle doit permettre le « regroupement » d’activités essentielles conformément au paragraphe 121(1) de la Loi, libellé dans les termes suivants :

121. (1) Pour le calcul du nombre des postes nécessaires à la fourniture d’un service essentiel, l’employeur et l’agent négociateur peuvent convenir que l’employeur pourra exiger de certains fonctionnaires de l’unité de négociation, lors d’une grève, qu’ils accomplissent leurs fonctions liées à la fourniture d’un service essentiel dans une proportion plus grande qu’à l’habitude.

La définition précise de services essentiels permet également d’atteindre l’objectif qui consiste à faire en sorte que les gestionnaires et autres employés ne fournissent pas les services essentiels, comme le prévoit l’alinéa 121(2)a), dont voici le libellé :

121. (2) Pour l’application du paragraphe (1), le nombre de fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture d’un service essentiel est calculé :

a) compte non tenu de la disponibilité d’autres personnes pour fournir ce service essentiel durant une grève; […]

60 La décision ASFC fait ressortir également le fait que la définition de services essentiels doit faciliter la prise des autres mesures requises pour déterminer le contenu d’une ESE : paragraphe 155.

61 Dans la décision Service Canada, la Commission a conclu qu’il ne convenait pas de définir un programme général comme étant essentiel, ce que le demandeur tente de faire à son avis. Elle a dit ceci au paragraphe 76 :

76 La Commission conclut, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas déclarer que les programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG dans leur intégralité — ou l’exécution de ces programmes dans leur intégralité — constituent un service essentiel. Outre le fait que la Commission n’est pas saisie d’éléments de preuve détaillés au sujet de tous les aspects des trois programmes, la Commission croit qu’une telle déclaration serait de portée trop large pour faciliter les autres décisions qui seront nécessaires pour compléter l’ESE, y compris le « niveau de service », les types et les numéros de postes et les postes précis qui sont nécessaires pour offrir les services essentiels au niveau de service fixé par le défendeur. De plus, de l’avis de la Commission, une déclaration générale selon laquelle les programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG sont essentiels risquerait de refuser à davantage d’employés le droit de faire la grève qu’il est raisonnable de le faire pour protéger la sécurité du public advenant une grève légale. La Commission croit que la « quête d’un équilibre » envisagée dans Agence Parcs Canada nécessite une définition plus précise des services essentiels dans la présente affaire. Bien que la Commission continue de privilégier la prudence pour préserver l’intérêt public, la Commission doit décider spécifiquement quels services ou activités sont nécessaires pour la sécurité du public dans le contexte général des programmes d’a.-e., de RPC et de SV/SRG - et ainsi aborder le rôle joué par les ASC dans les CSC.

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

La Commission a déterminé qu’elle doit définir les services essentiels en des termes spécifiques pour satisfaire aux objectifs de la Loi. Elle a dit ceci au paragraphe 106 :

106 […] Dans une ESE, un service essentiel est décrit pour un motif assez différent. La description doit être assez précise pour que l’on puisse déterminer quelles fonctions principales devraient être maintenues dans l’éventualité d’une grève et décider plus facilement des autres éléments de contenu requis dans une ESE, soit essentiellement le nombre final de postes qui seront nécessaires pour offrir le service essentiel advenant une grève […]

62 Le défendeur est en désaccord avec la prétention du demandeur selon laquelle une définition axée sur l’équipement nécessiterait que l’on modifie l’ESE chaque fois que l’on apporterait des modifications à l’équipement utilisé par les CS au sein du COG et du CCRIC. De l’avis du défendeur, il ne serait pas nécessaire de modifier l’ESE pour chaque mise à jour, mais si le demandeur ajoutait une nouvelle fonction, le défendeur devrait en être informé. Au besoin, un tel changement au niveau des fonctions pourrait nécessiter la modification de l’ESE. La Loi même prévoit clairement la modification d’une ESE et énonce le processus particulier de modification ainsi que la participation de la Commission en cas de mésentente : aux articles 126 à 128.

63 Contrairement à la présente affaire, le demandeur dans la décision ASFC a donné son accord à une liste d’équipement informatique : paragraphe 104. Sur l’accord des parties, la Commission a joint cette liste à sa décision. Pour cette raison, la Commission n’a pas expressément renvoyé à l’équipement figurant sur la liste dans sa définition des services essentiels fournis par les CS au sein de l’ASFC. La décision ASFC se distingue donc par ses faits. Elle ne peut être citée à l’appui de la proposition selon laquelle la Commission soutient l’approche du demandeur plutôt que celle du défendeur.

64 Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles la Commission n’accepte pas la définition de services essentiels proposée par le demandeur. Cette définition n’offre pas suffisamment de direction aux employés sur les fonctions qu’ils devraient accomplir pendant une grève. Elle inclut des activités non essentielles. Elle n’énonce même pas clairement ce que l’on entend par « gestion » des urgences. Elle ne permet pas non plus aux parties de passer aux étapes suivantes aux fins de définir le contenu détaillé de leur ESE.

65 La proposition du défendeur reflète la réalité du domaine de la TI, dont les activités sont inévitablement liées à des logiciels, des systèmes, des applications et des appareils. Il n’y a aucune raison de ne pas énoncer les activités essentielles que les CS accomplissent au sein du COG en renvoyant aux fonctions que les logiciels, les systèmes, les applications et les appareils accomplissent. C’est exactement ce que M. Oldham a fait dans son témoignage. Le fait est que les CS — autres que ceux qui travaillent au CCRIC — fournissent un soutien à l’équipement. La définition de services essentiels doit tenir compte de ce qu’ils font réellement.

66 En ce qui a trait à l’argument du demandeur selon lequel la Commission n’est pas habilitée à limiter son choix de l’équipement qu’il utilise, le défendeur précise qu’il ne demande d’aucune manière à la Commission d’exiger des changements dans la façon dont l’équipement est utilisé et au niveau de l’équipement qui est utilisé. Il demande simplement que la définition de services essentiels renvoie spécifiquement aux fonctions accomplies par l’équipement que le demandeur choisit d’utiliser.

C. Réfutation du demandeur

67 Le demandeur soutient que le passage « […] dans la mesure où ce travail est déjà accompli par les CS » qui paraît dans la proposition du demandeur est incorrect. Selon la preuve non contredite, les CS accomplissent effectivement le travail.

68 Le défendeur a exclu le SAP des pièces d’équipement dont la liste figure dans la pièce E-20. M. Oldham a témoigné que le SAP est le seul outil dont le COG dispose pour gérer les finances des activités essentielles menées dans le cadre d’un événement d’intérêt national.

69 L’allégation du défendeur selon laquelle les pièces d’équipement dont la pièce E-20 dresse la liste ont « changé […] légèrement » seulement est inexacte. M. Oldham a expliqué clairement et de manière très détaillée les changements fondamentaux qui ont été apportés, et il a affirmé qu’il y aura encore des changements.

70 En ce qui concerne le refus allégué du demandeur de s’engager relativement aux détails, la décision ASFC a permis d’établir que la définition de services essentiels ne doit pas nécessairement mentionner une pièce d’équipement en particulier. De même, la Commission a déterminé dans les décisions Parcs et Service Canada qu’elle ne doit pas nécessairement fournir tous les détails dans une définition. Dans les faits, le défendeur tente de débattre d’une question — le niveau de détail requis — que la Commission a déjà tranchée.

71 La proposition du demandeur n’est pas excessivement générale. Le demandeur ne propose pas que l’on qualifie un programme entier d’essentiel. Son approche ne tient pas à la « gestion » des urgences dans le sens du programme en général, mais plutôt aux activités spécifiques qui font partie de ce programme.

IV. Motifs

72 Si je suis le cheminement analytique tracé par la Commission dans la décision Parcs, ma tâche dans la présente affaire est limitée mais fondamentale, et consiste notamment à répondre à la question suivante : quels sont les services essentiels, le cas échéant, que les titulaires de postes CS fournissent au sein de Sécurité publique Canada?

73 Le paragraphe 4(1) de la Loi définit les « services essentiels » dans les termes suivants :

« services essentiels » Services, installations ou activités du gouvernement du Canada qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public.

74 Les parties s’entendent apparemment pour dire que certains des postes CS qui, au sein de Sécurité publique Canada, relèvent du COG et du CCRIC, fournissent des services essentiels au sens de la Loi. J’accepte sans réserve la preuve selon laquelle il existe des menaces sérieuses pour la sécurité publique, que ces menaces nécessitent une capacité d’intervention coordonnée en cas d’urgence, et que l’absence d’une telle capacité fonctionnelle pourrait compromettre la santé et la vie des Canadiens, la sécurité de leurs biens et l’intégrité des infrastructures essentielles. Le gouvernement a choisi de répondre à la gamme des menaces actuelles et imminentes en créant le COG — et en assurant son fonctionnement au sein de Sécurité publique Canada — comme centre unique de gestion des mesures d’intervention « du gouvernement dans son ensemble ». Cette décision stratégique ne peut ni ne doit être remise en cause par la Commission.

75 Dans ce contexte, je crois également que les parties partagent des opinions généralement similaires au sujet de la nature fondamentale de la plupart des services essentiels qui sont fournis par les CS au sein du COG. Elles ne peuvent s’entendre sur la manière exacte de définir ces services essentiels. Ce désaccord, quant à lui, tient surtout à deux questions centrales : la définition peut-elle être exprimée en des termes assez généraux, comme le propose le demandeur, ou faut-il une définition plus spécifique, comme le fait valoir le défendeur? S’ajoute à cette divergence d’opinions le litige entre les parties sur la question de savoir s’il doit exister un lien direct entre la définition de services essentiels et une liste d’équipement (pièce E-20). Le demandeur rejette cette option sur le fondement du droit et pour des raisons pratiques. Le défendeur soutient quant à lui qu’une définition de services essentiels liée à l’équipement offre le niveau de certitude requis pour établir les tâches que les titulaires de postes CS doivent continuer d’exécuter en cas de grève.

76 Le niveau de détail requis dans une définition de services essentiels est une question que la Commission aborde explicitement ou implicitement dans pour ainsi dire tous les dossiers d’ESE. Si certaines des décisions antérieures de la Commission offrent des conseils généraux sur la question, la détermination du niveau de détail approprié dépendra toujours dans une certaine mesure des faits propres à l’affaire et du contexte organisationnel de celle-ci. La présente affaire ne fait pas exception.

77 La décision ASFC a déjà examiné la seconde des deux questions — celle du lien entre la définition de services essentiels et l’équipement spécifique — quoique dans un contexte organisationnel différent. Les parties demeurent clairement en désaccord sur ses conclusions et sur la question de savoir si celles-ci s’appliquent en l’espèce. Je ne suis pas lié par la décision ASFC ni, en fait, par les conclusions tirées dans l’une ou l’autre des autres décisions antérieures en matière d’ESE avancées par les parties, mais je suis d’avis que je dois avoir une très bonne raison de m’écarter des décisions déjà rendues par la Commission dans ce domaine. Tout bien considéré et pour les motifs qui suivent, j’en arrive à la conclusion qu’il convient — compte tenu des circonstances factuelles de la présente affaire — de suivre à peu près la direction générale qu’a privilégiée la Commission dans la décision ASFC, et que cela est conforme aux exigences de la Loi.

78 Ce faisant, je ne peux souscrire à ni l’une ni l’autre définition de services essentiels que les parties avancent pour Sécurité publique Canada. À mon avis, certains aspects des deux propositions conflictuelles prêtent le flanc à la critique.

79 Le demandeur propose la définition suivante :

[Traduction]

Tous les services fournis ou activités accomplies par les titulaires de certains postes du groupe CS du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile à l’appui de la gestion des activités d’intervention intégrées du gouvernement du Canada relativement à des urgences sont nécessaires à la sécurité du public canadien.

80 Pour trois motifs au moins, j’en arrive à la conclusion que la proposition du demandeur est déficiente. Premièrement, suivant la définition proposée par le demandeur, tous les services fournis par les titulaires des postes en question sont essentiels. À mon avis, il n’existe dans la preuve aucun fondement reconnu qui permette une proposition à ce point générale. Il faut plutôt comprendre de la preuve dont j’ai été saisi qu’il est possible que certaines activités accomplies ou certains services fournis par les CS du COG et du CCRIC ne soient pas essentiels. Un simple exemple suffit pour illustrer ce point. M. Oldham a reconnu dans son témoignage que certains types limités de pièces d’équipement utilisées par les CS au sein du COG et du CCRIC ne sont pas associés à la prestation de services essentiels. Cela signifie qu’à tout le moins, les CS peuvent exécuter des tâches non essentielles lorsqu’ils utilisent ces pièces d’équipement ou fournissent un soutien à leur égard. L’expérience nous enseigne que presque tous les postes sont assortis de tâches courantes ou périodiques qui sont non essentielles, sans égard au type de travail ou du contexte organisationnel. En outre, l’architecture de la Loi illustre le fait que les postes sont normalement assortis de tâches essentielles et de tâches non essentielles. Ainsi, le paragraphe 123(5) — que certaines parties qualifient de disposition de regroupement — prévoit que les tâches non essentielles dont certains postes sont assortis peuvent être déplacées en « regroupant » un plus grand nombre de tâches essentielles dans ces postes et en libérant ainsi d’autres titulaires pour qu’ils puissent participer à une grève légale. Le paragraphe 123(5) est libellé dans les termes suivants :

123. (5) Pour le calcul du nombre des postes nécessaires à la fourniture d’un service essentiel, la Commission peut prendre en compte le fait que l’employeur pourra exiger de certains fonctionnaires de l’unité de négociation, lors d’une grève, qu’ils accomplissent leurs fonctions liées à la fourniture d’un service essentiel dans une proportion plus grande qu’à l’habitude.

Pour conclure dans la présente affaire que tous les services fournis à l’appui de la gestion des activités d’intervention intégrées du gouvernement du Canada en cas d’urgence sont essentiels, il faut prouver selon la prépondérance des probabilités qu’en effet, toutes les tâches du poste d’attache relèvent de la définition de « services essentiels » au sens de la Loi.Je ne crois pas que le demandeur se soit acquitté de cette charge de la preuve, ni que la preuve produite décrive de manière exhaustive toutes les fonctions que les CS exécutent. En fait, l’utilisation par le demandeur de l’expression tous les services pourrait très bien avoir l’effet de lui imposer une lourde charge de la preuve, à laquelle il est rare que l’on puisse satisfaire. D’un point de vue réaliste, il me semble que l’on doive normalement éviter d’utiliser l’expression tous les services.

81 Deuxièmement, l’application pratique de la définition proposée par le demandeur suppose la connaissance des « certains postes » auxquels elle renvoie. Les parties pourraient savoir quels sont ces « certains postes » grâce à leurs discussions antérieures, mais ceux-ci ne sont certainement pas officiellement identifiés aux fins de la présente audience. À cette étape-ci, le renvoi à « certains postes » dans la définition n’a essentiellement aucune signification pour la Commission. Compte tenu du cheminement logique et analytique énoncé dans la décision Parcs, cela revient à mettre la charrue devant les bœufs, comme le dit le proverbe. La Commission ne peut être liée à l’égard de n’importe quel poste — encore mois à l’égard de « certains postes » non identifiés — lorsqu’elle définit les services essentiels, car la définition qu’elle énonce en premier lieu établit les paramètres qui serviront ensuite à déterminer les types des postes qui sont nécessaires pour fournir les services essentiels établis, le nombre de ces postes et les postes en question. La preuve produite d’entrée de jeu sur les fonctions exécutées par des postes spécifiques pourrait aider la Commission à comprendre la nature des services essentiels sous-jacents, mais d’autres types de preuve peuvent aussi jouer un rôle important. La question de savoir quels sont ces « certains postes » demeure nécessairement ouverte.

82 Troisièmement, et élément encore plus important, la proposition du demandeur souffre à mon avis du problème même qui a été cerné dans la décision Service Canada, et que le défendeur a mentionné, au paragraphe 61 de cette décision. « [L]a gestion des activités d’intervention intégrées du gouvernement du Canada relativement à des urgences […] » est un énoncé qui décrit le service essentiel à un niveau du programme que j’estime excessivement général. Dans la décision Service Canada, la Commission a décrit les problèmes associés à une définition fondée sur le programme dans les termes suivants :

74 […] Si un programme doit être déclaré essentiel dans son intégralité, l’employeur doit établir de manière exhaustive que la totalité des services, activités ou installations qui forment le programme sont nécessaires pour assurer la sécurité du public. Selon la nature du programme examiné, la preuve exigée pour s’acquitter de ce fardeau pourrait être très complète et/ou très détaillée, ce qui mènerait à de longues audiences et à des décisions complexes. Outre le défi évident que représenterait la gestion efficace des demandes de services essentiels, il subsiste certaines préoccupations plus importantes. Les programmes comprennent habituellement divers éléments qui, soutient-on, ont une incidence plus ou moins directe — ou plus ou moins immédiate — sur les objectifs du programme. Tous les programmes, pour ainsi dire, comportent des activités auxiliaires qui peuvent être cruciales ou non pour la réalisation des objectifs de programme souhaités.

[Le passage souligné l’est dans l’original]

Le demandeur soutient que son approche ne tient pas à la gestion des urgences dans le sens du programme général, mais plutôt aux activités mêmes qui forment ce programme. Peut-être, mais ce n’est pas ainsi que la définition proposée se lit. Le demandeur a pu véritablement souhaiter que le renvoi à la gestion des urgences soit maintenu pour une série d’activités spécifiques, mais il importe que ces activités spécifiques soient identifiées de manière plus détaillée dans la définition. La précision est importante, dans la mesure possible, pour en arriver à l’équilibre requis entre la protection de l’intérêt public d’une part et le maintien du droit de grève sous le régime de la Loi d’autre part. Je crois que le point de vue avancé dans la décision Service Canada dans les termes suivants s’applique généralement à la présente affaire :

[…]

76 […] de l’avis de la Commission, une déclaration générale selon laquelle les programmes […] sont essentiels risquerait de refuser à davantage d’employés le droit de faire la grève qu’il est raisonnable de le faire pour protéger la sécurité du public advenant une grève légale. La Commission croit que la « quête d’un équilibre » envisagée dans Agence Parcs Canada nécessite une définition plus précise des services essentiels dans la présente affaire. Bien que la Commission continue de privilégier la prudence pour préserver l’intérêt public, la Commission doit décider spécifiquement quels services ou activités sont nécessaires pour la sécurité du public dans le contexte général des programmes […]

[…]

[Les passages soulignés le sont dans l’original]

83 Ainsi que le défendeur l’a fait valoir et que la Commission l’a confirmé dans ses décisions antérieures, il existe également une importante obligation de tenter de rédiger la définition de services essentiels en des termes suffisamment précis pour faciliter les décisions sur les autres éléments qui doivent figurer dans une ESE. Je renvoie plus particulièrement aux propos de la Commission au paragraphe 106 de la décision Service Canada, citée précédemment par le défendeur :

106 […] Dans une ESE, un service essentiel est décrit pour un motif assez différent. La description doit être assez précise pour que l’on puisse déterminer quelles fonctions principales devraient être maintenues dans l’éventualité d’une grève et décider plus facilement des autres éléments de contenu requis dans une ESE, soit essentiellement le nombre final de postes qui seront nécessaires pour offrir le service essentiel advenant une grève […]

84 Pour sa part, le défendeur propose une définition de services essentiels qui établit dans les termes suivants une distinction entre la situation au COG et celle qui prévaut au CCRIC :

[Traduction]

Les activités et services suivants sont essentiels :

  1. En ce qui concerne le CCRIC et le COG ainsi que ses directions, les services de soutien (notamment a) l’installation, la mise à l’essai et la maintenance, b) l’identification et l’examen de problèmes de compatibilité et de mauvais fonctionnement, et la résolution de ces problèmes, c) l’aide technique directe) pour 34 des 35 fonctions exécutées par des logiciels, des systèmes, des applications et des appareils présentés par l’employeur (pièce E-20), dans la mesure où ces tâches sont déjà accomplies par les CS. Les services et les activités qui, le cas échéant, sont liés aux applications SAP, ne sont pas essentiels.
  2. En association avec le CCRIC, l’analyse et l’évaluation du risque, la planification de la réponse cybernétique, le traitement de rapports sur des urgences cybernétiques, les interventions à l’égard des menaces et des attaques cybernétiques, l’examen et la rédaction de rapports d’incidents et techniques, et l’exécution de programmes de sécurité en réponse à des menaces cybernétiques.

85 Compte tenu de la preuve, le fait d’établir une distinction entre le COG et le CCRIC dans la définition relève du bon sens. Ainsi que M. Oldham l’a résumé, les CS du CCRIC utilisent l’équipement, tandis que les CS du COG fournissent un soutien à cet équipement. Il s’ensuit que la définition de services essentiels devrait tenir compte de cette différence fondamentale, ainsi que le défendeur a tenté de le faire. L’importante mise en garde tient au fait que ce que je qualifie dans la présente décision de services essentiels pour le « volet COG » qui inclut un soutien à l’équipement s’applique également aux activités accomplies à l’appui de l’équipement au sein de la division du CCRIC du COG. Lorsque je renvoie au « volet CCRIC », j’entends les activités essentielles accomplies dans cette division par les CS en tant qu’utilisateurs de l’équipement.

86 L’approche du défendeur à l’égard du « volet COG » rouvre évidemment la question contestée du lien entre les services essentiels et les pièces d’équipement en particulier. Ainsi qu’il a été mentionné plus tôt, la Commission a abordé cette question dans la décision ASFC. Dans cette affaire, le défendeur a dit de l’appui fourni par les employés CS à certains systèmes informatiques (énumérés dans cette affaire dans la pièce E-9 — analogue à la pièce E-20 dans la présente affaire) qu’il était le service essentiel. Les passages suivants de la décision ASFC résument le point de vue de la Commission :

[…]

158    Je ne crois pas non plus que les 38 éléments dont la pièce E-9 dresse la liste soient des services ou des activités au sens du paragraphe 4(1) de la LRTFP. Il s’agit de systèmes, d’applications ou de pièces d’équipement informatique […]

159    Je suis également d’avis que les éléments énumérés dans la pièce E-9 ne sont pas des « installations » au sens où on les mentionne dans la définition de « services essentiels » que donne le paragraphe 4(1) de la LRTFP. Une « installation » est davantage qu’un système ou une pièce d’équipement. À mon sens, ce terme évoque l’idée d’un bâtiment ou d’une aire. Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme anglais « facility » (installation) comme [traduction] « un bâtiment conçu pour répondre à des fins précises ». À mon avis, un aéroport ou un hôpital est une installation, mais pas un système ou du matériel informatique.

160    Le défendeur affirme que les services essentiels sont les activités accomplies par les employés CS à l’appui des systèmes informatiques énumérés dans la pièce E-9. Plus précisément, la fourniture d’un soutien à chacun des 38 systèmes informatiques par les employés CS représente une activité ou un service essentiel distinct. Je ne trouve pas que cette approche soit raisonnable. Un service essentiel ne devrait pas être aussi étroitement lié à une pièce d’équipement ou à un système qui ne constitue qu’une partie d’un vaste réseau informatique qui gère l’information. Retenir une telle définition obligerait les parties à modifier l’ESE chaque fois qu’elles remplacent l’un de ces 38 systèmes informatiques ou en ajoutent un nouveau. Une ESE doit pouvoir soutenir les changements de composantes d’un réseau d’information composé de différents systèmes informatiques sans que les parties aient à modifier l’entente chaque fois qu’un nouveau système informatique fait son apparition.

[…]

163.   Si je crois que l’on ne devrait pas lier la définition d’un service essentiel à du matériel ou des systèmes, ce n’est pas parce que la LRTFP m’empêche d’établir un tel lien, ainsi que l’affirme le demandeur. L’alinéa 123(6)b) de la LRTFP stipule que le nombre d’employés requis pour fournir un service essentiel doit être calculé sur la base que l’employeur ne soit pas obligé de changer son équipement. À mon sens, cette disposition ne s’applique pas à la demande en instance, puisque je ne calcule pas le nombre d’employés nécessaires à la prestation de services essentiels, mais détermine plutôt les services essentiels. Ces deux déterminations arrivent à des étapes différentes de la conclusion d’une ESE.

87 Premièrement, en ce qui concerne la preuve, je suis convaincu que, par son témoignage, M. Oldham établit selon la prépondérance que certains, voire la plupart des systèmes ou applications énumérés dans la pièce E-20, sont susceptibles d’être modifiés. Par souci de brièveté, je n’ai pas reproduit dans le résumé de la preuve les commentaires qu’il a formulés en contre-interrogatoire sur chacun des articles qui figurent dans la pièce E-20. Il suffit de dire que ces commentaires n’ont laissé planer aucun doute dans mon esprit que l’environnement technologique dans lequel les CS travaillent évolue constamment et qu’il subit parfois des modifications profondes. L’instauration à l’heure actuelle du PICS est un exemple parmi tant d’autres exemples qui illustrent clairement qu’une liste comme celle que l’on dresse dans la pièce E-20 se retrouve inévitablement désuète, parfois très rapidement. Bien que le défendeur ait tenté de contester le témoignage de M. Oldham sur la nature et la portée des changements qui surviennent effectivement, le témoin n’a jamais cessé d’insister sur le fait que la pièce E-20 ne pourrait être davantage qu’un « instantané ». J’ai trouvé son témoignage — que le défendeur n’a pas tenté de contredire en appelant un témoin lui-même — fort crédible.

88 Faisant valoir néanmoins qu’il y a lieu de maintenir le lien avec la pièce E-20, le défendeur soutient qu’il peut être tenu compte des modifications que subissent les pièces d’équipement au moyen des processus de modification des ESE prévus aux articles 126 à 128 de la Loi. Je ne puis faire droit à ce point de vue. À mon avis, lorsque cela est possible, la Commission devrait chercher à rendre des décisions, particulièrement des décisions de premier chef sur la définition des services essentiels, qui tendront à demeurer pertinentes au-delà des circonstances actuelles. Élaborer une définition en des termes qui garantissent essentiellement la nécessité d’y apporter des modifications dans chacune des rondes de négociations à venir ne sert certainement pas l’objectif consistant à favoriser des relations de travail efficaces. Nous n’avons à ce jour aucune expérience qui nous aide à prédire à quelle fréquence les articles 126 à 128 devront être invoqués à l’avenir et dans quelles circonstances. Néanmoins, le fait de s’attendre dès le départ à ce que ces dispositions soient invoquées couramment pour modifier la définition des services essentiels afin de tenir compte des changements apportés à certaines pièces d’équipement ne me semble pas tout à fait raisonnable.

89 Je me range donc du côté des conclusions exprimées dans la décision ASFC sur les problèmes que provoque le fait de lier la définition de services essentiels à une liste de pièces d’équipement comme la pièce E-20. À mon avis, les lacunes que présente cette approche sont suffisantes pour privilégier une approche différente sur le fond.

90 En ce qui concerne l’argument du demandeur selon lequel je ne peux légalement définir les services essentiels d’une manière qui limite le droit exclusif du demandeur de déterminer l’équipement utilisé pour fournir les services essentiels, je ne propose pas de le faire. Néanmoins, je suis parfaitement d’accord avec la décision rendue dans la décision ASFC, selon laquelle les dispositions comme l’alinéa 123(6)b) de la Loi ne contraignent pas le pouvoir de la Commission de définir les services essentiels. Sur ce point, la décision ASFC fait écho à la décision rendue antérieurement par la Commission dans la décision Service Canada :

[…]

96 La Commission fait observer que des limites précises sont imposées par la Loi à son pouvoir de désigner le nombre d’employés qui sont nécessaires pour fournir un service essentiel. Ces limites peuvent s’appliquer ultérieurement pour restreindre la liberté de la Commission de considérer la possibilité que les clients servis en personne par des ASC dans un CSC puissent avoir recours à d’autres modes d’accès aux services dont ils ont besoin. Les paragraphes 123(5) et (6) se lisent comme suit :

          (5) Pour le calcul du nombre des postes nécessaires à la fourniture d’un service essentiel, la Commission peut prendre en compte le fait que l’employeur pourra exiger de certains fonctionnaires de l’unité de négociation, lors d’une grève, qu’ils accomplissent leurs fonctions liées à la fourniture d’un service essentiel dans une proportion plus grande qu’à l’habitude.

          (6) Pour l’application du paragraphe (5), le nombre des fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture du service essentiel est calculé

a) compte non tenu de la disponibilité d’autres personnes pour fournir ce service essentiel durant une grève; et

b) compte tenu du fait que l’employeur n’est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations afin de fournir ce service essentiel pendant une grève, notamment en ce qui concerne les heures normales de travail, la mesure dans laquelle l’employeur a recours aux heures supplémentaires et le matériel que celui-ci utilise dans le cadre de ses opérations.

Toutefois, la Commission juge que la Loi ne prévoit pas que la Commission a les mêmes limites lorsqu’elle établit au premier chef quels sont les services essentiels.

[…]

91 La Commission a conclu également dans la décision ASFC que des articles analogues à ceux qui figurent dans la liste produite dans la pièce E-20 ne comprennent pas les « services », les « installations » ou les « activités » au sens du paragraphe 4(1) de la Loi. Rien dans la preuve produite dans la présente affaire ou dans les décisions citées ne m’amène à adopter un point de vue différent. Je demeure ouvert à la possibilité qu’un système informatique ou une installation puisse constituer une « installation » aux fins du paragraphe 4(1) sur le fondement d’une preuve appropriée, mais je me rallie à la déclaration faite dans la décision ASFC que les types d’articles énumérés ici dans la pièce E-20 sont essentiellement des biens matériels et intellectuels qui permettent l’accomplissement de certaines activités. Ce sont ces activités, et non l’équipement, que doit viser la définition de services essentiels.

92 Pour le volet COG, la proposition du défendeur tente d’accomplir cet objectif en identifiant les activités suivantes accomplies par les CS au soutien des logiciels, des systèmes, des applications et des appareils utilisés au COG : l’installation, la mise à l’essai et la maintenance, l’identification et l’examen de problèmes de compatibilité et de mauvais fonctionnement et la résolution de ces problèmes, et une aide technique directe. Compte tenu de la preuve produite, confirmée dans le cadre du contre-interrogatoire de M. Oldham mené par le défendeur, cette liste d’activités est généralement valable. La difficulté consiste à déterminer la manière dont il faut circonscrire les circonstances essentielles dans lesquelles ces activités sont accomplies sans renvoyer à une liste de pièces d’équipement spécifiques, tout en évitant les problèmes que pose la proposition du demandeur.

93 Dans la décision qu’elle a rendue dans ASFC, la Commission a surmonté cette difficulté en définissant les services essentiels dans les termes suivants :

[…]

La fourniture de services et de systèmes informatiques liés à la sécurisation de la frontière par la gestion de l’accès des personnes et des marchandises (y compris les aliments, les plantes et les animaux) qui entrent au Canada ou en sortent dans le but d’assurer la protection de la sûreté ou de la sécurité du public.

[…]

Dans sa demande de contrôle judiciaire, le défendeur a contesté la décision pour plusieurs motifs. Il ne m’appartient certainement pas de formuler des commentaires, quels qu’ils soient, sur les arguments qu’il fait valoir dans ce contexte. La décision rendue dans la décision ASFC subsiste tant et aussi longtemps que la Cour fédérale n’en aura pas décidé autrement.

94 Néanmoins, dans les circonstances de la présente affaire, je conclus qu’il convient d’adopter une optique quelque peu différente tout en adhérant aux principales conclusions tirées dans la décision ASFC. La preuve me permet à mon avis d’être quelque peu spécifique au sujet du contexte dans lequel les services essentiels identifiés sont fournis. Tout de même, du fait qu’il s’agit d’un mandat lié à des situations d’urgence, il demeure primordial de faire preuve de très grande prudence.

95 Me fondant sur des documents comme le Rapport sur le rendement de Sécurité publique Canada (pièce E-3) et le PFIU (pièce E-4), et sur les témoignages rendus de vive voix, j’ai modifié la proposition du défendeur concernant le volet COG dans les termes suivants :

[Traduction]

Pour le Centre des opérations du gouvernement, y compris le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques, les services suivants sont essentiels :

a)       installation, mise à l’essai, maintenance et réparation,

b)       identification, examen et résolution des problèmes de compatibilité et de mauvais fonctionnement à l’égard, 

c)       aide technique directe à l’égard,

des logiciels, systèmes, applications et appareils utilisés directement pour cerner et analyser les risques ou menaces qui peuvent nécessiter une intervention coordonnée par le COG, pour communiquer des renseignements aux partenaires sur ces risques et ces menaces, et pour prendre des mesures en vue de l’affectation immédiate de fonds d’urgence afin de prévenir et d’atténuer ces risques et menaces, de s’y préparer et d’y répondre, et d’assurer un rétablissement par la suite de celles-ci.

96 J’ai inclus le passage « en vue de l’affectation immédiate de fonds d’urgence » dans la définition en dépit de l’argument du défendeur selon lequel le logiciel SAP n’est pas essentiel. Je n’ai été saisi d’aucune preuve détaillée sur le logiciel SAP ou sur les processus utilisés pour faciliter les dépenses et en rendre compte, mais il est clair que les activités d’intervention que le COG doit coordonner dans les types de situations décrites de manière détaillée dans le témoignage de M. Oldham nécessitent des dépenses, parfois dans des délais très courts. Dans la mesure où ils sont utilisés pour faciliter ces dépenses, les systèmes informatiques appuient un service essentiel. Cependant, je n’ai pas été convaincu par la preuve limitée dont j’ai été saisi sur la question qu’il serait nécessairement essentiel au cours d’une grève d’appuyer des activités qui entraînent des dépenses après une urgence ou qui viennent soutenir les présentations au Conseil du Trésor qui en résultent ou d’autres processus d’approbation. Il est vrai que cette distinction peut se révéler sans importance si toutes les activités de gestion des dépenses sont appuyées par les mêmes logiciels — une question sur laquelle je ne peux me prononcer sur le fondement de la preuve.

97 J’admets d’emblée qu’une interprétation très libérale de cette définition pourrait soutenir l’existence de limites plus larges que cela peut être strictement nécessaire au droit des CS du COG de retirer des services dans l’éventualité d’une grève. Dans le contexte spécifique de la gestion des urgences, il ne convient pas de prendre un tel risque. Une application équilibrée de la définition nécessitera néanmoins que la direction du COG comprenne et accepte que l’intention de la définition est de restreindre les services de soutien identifiés aux alinéas a), b) et c) aux circonstances où il existe un lien clair et direct avec les fonctions de gestion d’urgence énumérées à la suite de l’alinéa c). Si la Commission est appelée à l’avenir à résoudre des litiges portant sur le type de postes nécessaires pour fournir les services essentiels, sur le nombre de ces postes qui sont nécessaires ou sur les postes spécifiques qui fournissent de tels services, tels qu’ils sont définis précédemment, je devrai faire preuve de suffisamment de diligence pour que l’esprit de la définition soit respecté.

98 En ce qui concerne le volet CCRIC, je crois que la preuve, à laquelle les deux parties ont souscrit en grande partie, appuie la proposition du défendeur, modifiée sur le plan rédactionnel comme ceci :

[Traduction]

Pour le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques, les services suivants sont essentiels : analyse et évaluation des risques et des menaces cybernétiques, planification des réponses aux risques et aux menaces cybernétiques et réponses à celles-ci, notamment rédaction et traitement de rapports sur des urgences cybernétiques, examen et rédaction de rapports d’incidents et techniques, et exécution de programmes de sécurité en réponse à des menaces cybernétiques.

99 Conformément à l’article 120 de la Loi, il incombe au demandeur de déterminer le niveau auquel les services essentiels décrits précédemment seront fournis au public au cours d’une grève. La détermination du « niveau de service » est l’étape suivante dans le cheminement analytique que la Commission a suivi dans la décision Parcs pour déterminer le contenu d’une ESE.

100 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

101 Pour Sécurité publique Canada, les services suivants fournis par les membres du groupe Systèmes d’ordinateur sont essentiels :

[Traduction]

Pour le Centre des opérations du gouvernement, y compris le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques, les services suivants sont essentiels :

a)       installation, mise à l’essai, maintenance et réparation,

b)       identification, examen et résolution des problèmes de compatibilité et de mauvais fonctionnement à l’égard, 

c)       aide technique directe à l’égard,

des logiciels, systèmes, applications et appareils utilisés directement pour cerner et analyser les risques ou menaces qui peuvent nécessiter une intervention coordonnée par le COG, pour communiquer des renseignements aux partenaires sur ces risques et ces menaces, et pour prendre des mesures en vue de l’affectation immédiate de fonds d’urgence afin de prévenir et d’atténuer ces risques et menaces, de s’y préparer et d’y répondre, et d’assurer un rétablissement par la suite de celles-ci.

Pour le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques, les services suivants sont essentiels : analyse et évaluation des risques et des menaces cybernétiques, planification des réponses aux risques et aux menaces cybernétiques et réponses à celles-ci, notamment rédaction et traitement de rapports sur des urgences cybernétiques, examen et rédaction de rapports d’incidents et techniques, et exécution de programmes de sécurité en réponse à des menaces cybernétiques.

102 La Commission ordonne au demandeur de déterminer le niveau auquel les services essentiels susmentionnés seront fournis au public dans l’éventualité d’une grève, conformément à l’article 120 de la Loi, et d’en informer le défendeur et la Commission dans un délai de 30 jours de la date de la présente décision.

103 La Commission ordonne également aux parties de reprendre les négociations et de faire tout effort raisonnable pour négocier le reste du contenu de l’ESE visant les postes CS au sein de Sécurité publique Canada.

104 La Commission demeure saisie de toutes les autres questions se rapportant aux postes CS au sein de Sécurité publique Canada qui peuvent figurer dans l’ESE et qui ne sont pas réglées par les parties.

105 La Commission demeure saisie de toutes les questions non réglées relativement aux postes CS au sein d’autres ministères et organismes.

Le 28 janvier 2010.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
commissaire

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