Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé 13griefs alléguant que l’employeur avait contrevenu aux dispositions relatives aux heures supplémentaires contenues dans la convention collective applicable en ne répartissant pas les heures supplémentaires sur une base équitable - la pratique appliquée depuis longtemps par l’employeur consistait à offrir les heures supplémentaires aux employés qui cumulaient le moins grand nombre d’heures supplémentaires d’abord aux employés qui étaient déjà au travail, ensuite aux employés qui en étaient à leur premier jour de repos et finalement aux employés qui en étaient à leur deuxième jour de repos - bref, pour toutes les dates en question, les heures supplémentaires ont été offertes à des agents correctionnels qui cumulaient un plus grand nombre d’heures supplémentaires que le fonctionnaire s’estimant lésé - toutes les fois, sauf une, le fonctionnaire s’estimant lésé en était à son deuxième jour de repos - à trois reprises, l’employeur a fait exception à sa politique en offrant les postes en heures supplémentaires à des employés qui cumulaient un plus grand nombre d’heures supplémentaires que le fonctionnaire s’estimant lésé et qui en étaient à leur deuxième jour de repos - l’employeur a soulevé une objection préliminaire, au motif que la méthode de répartition des heures supplémentaires excédait la compétence de l’arbitre de grief - l’arbitre de grief a conclu que le fait que les heures supplémentaires étaient attribuées conformément à une pratique de la direction ne faisait pas disparaître l’obligation contenue dans la convention collective de répartir ces heures sur une base équitable - la pratique de l’employeur qui consistait à attribuer les heures supplémentaires en se basant sur des considérations financières occasionnait une répartition inéquitable des heures supplémentaires et des écarts importants dans le nombre d’heures supplémentaires effectuées par les employés - l’employeur a offert uniquement des raisons hypothétiques pour expliquer le fait qu’il avait contrevenu à sa politique à trois reprises; aucune de ces raisons n’était convaincante ou utile - le fonctionnaire s’estimant lésé avait droit à une mesure de réparation, peu importe si d’autres agents cumulaient un moins grand nombre d’heures supplémentaires que le fonctionnaire s’estimant lésé aux dates en question - la méthode de répartition des heures supplémentaires étant basée sur un cycle périodique, une réparation en nature n’était pas appropriée - une indemnité pécuniaire était une mesure appropriée. Griefs accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-12-17
  • Dossier:  566-02-823 à 836
  • Référence:  2010 CRTFP 132

Devant un arbitre de grief


ENTRE

RYAN WEEKS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Weeks c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Marie-Pier Dupuis-Langis, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l'employeur:
Martin Charron, avocat

Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),
les 5 et 6 octobre 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

1  Ryan Weeks, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), travaille comme agent correctionnel (classifié CX-01) à l’établissement Matsqui situé à Abbotsford (C.-B.). Entre août et octobre 2006, il a déposé 14 griefs alléguant que le Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») avait contrevenu aux dispositions relatives aux heures supplémentaires de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur »), le 26 juin 2006 (la « convention collective »). Les griefs portent sur l’attribution de divers postes en heures supplémentaires entre le 14 juillet et le 23 septembre 2006; le fonctionnaire estime que les heures n’ont pas été réparties sur une base équitable. L’employeur a rejeté les griefs, qui ont été renvoyés à l’arbitrage le 12 février 2007. 

2 Au début de l’audience, la représentante de l’agent négociateur a indiqué qu’elle retirait le grief 566-02-834; il reste donc 13 griefs à trancher.

3 À titre préliminaire, l’employeur a soulevé une exception déclinatoire de compétence pour examiner la méthode de répartition des heures supplémentaires à l’établissement Matsqui. L’employeur a déclaré que le fonctionnaire remettait en cause la méthode utilisée pour répartir les heures supplémentaires parmi les employés qualifiés. Or, cette méthode, qui était en vigueur à l’époque où les griefs ont été déposés, ne faisait pas partie de la convention collective, mais représentait plutôt l’exercice valide du pouvoir de la direction de répartir les heures supplémentaires. 

4 Selon la clause 21.10 de la convention collective, l’employeur doit faire tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires : a) sur une base équitable et b) selon le groupe et niveau de classification, sous réserve que les sections locales conviennent d’une méthode différente. L’employeur a plaidé que les deux dispositions dans la clause 21.10 sont indépendantes et que si l’une s’applique, l’autre ne peut pas s’appliquer. L’employeur a soutenu que rien ne permettait d’affirmer que la convention collective établit une pratique locale pour la répartition équitable des heures supplémentaires. Si une pratique ou politique locale existe hors du cadre de la convention collective, l’arbitre de grief n’a pas compétence pour trancher les griefs. 

5 L’agent négociateur a défendu la position que l’exception déclinatoire de compétence soulevée par l’employeur n’est pas fondée. Il faut examiner la méthode de répartition des heures supplémentaires de l’employeur pour déterminer si la convention collective a été appliquée correctement. La représentante de l’agent négociateur a précisé que si l’on poussait l’argument de l’employeur jusqu’à sa conclusion logique, l’employeur pourrait instaurer n’importe quelle politique locale pour répartir les heures supplémentaires sans aucune conséquence.

6 J’ai différé mon jugement sur l’objection préliminaire.

7 Les dispositions pertinentes de la convention collective sont les suivantes :

21.10 Répartition des heures supplémentaires

L’Employeur fait tout effort raisonnable pour :

a) répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles,


b) attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé-e-s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. Agent correctionnel 1 (CX-1) à agent correctionnel 1 (CX-1), agent correctionnel 2 (CX-2) à agent correctionnel 2 (CX-2), etc.

Cependant, il est possible pour une section locale de convenir par entente écrite avec le directeur de l’établissement d’une méthode différente en ce qui a trait à l’attribution du temps supplémentaire.

[…]

21.12 Rémunération des heures supplémentaires

L’employé-e a droit à une rémunération à temps et demi (1 1/2) sous réserve du paragraphe 21.13 pour chaque heure supplémentaire de travail supplémentaire exécutée par lui.

21.13 Sous réserve du paragraphe 21.14, tout employé-e a droit au tarif double (2) pour chaque heure supplémentaire de travail effectuée par lui,

a) un deuxième (2e) jour de repos ou un (1) jour de repos subséquent (deuxième (2e) jour de repos ou jour de repos subséquent désigne le deuxième (2e) jour, ou le jour subséquent d’une série ininterrompue de jours de repos civils consécutifs et accolés […]

II. Résumé de la preuve

8 Le fonctionnaire a témoigné pour son compte. Gary Dosanjhe, gestionnaire correctionnel à l’établissement Matsqui, a témoigné pour l’employeur. Les parties ont conjointement déposé 13 documents en preuve, y compris la convention collective, des feuilles de répartition des heures supplémentaires pour les mois de juillet, d’août, de septembre et de décembre 2006, ainsi que des tableaux de service, des rapports d’heures supplémentaires et une analyse des heures supplémentaires effectuées à l’établissement Matsqui durant la période en question.

9 Les faits des griefs à trancher sont relativement simples. À 13 reprises entre le 14 juillet et le 23 septembre 2006, l’employeur a offert des heures supplémentaires à des agents correctionnels qui cumulaient un plus grand nombre d’heures supplémentaires que le fonctionnaire. Chaque fois, sauf une, le fonctionnaire en était à son deuxième jour de repos. L’employeur n’a pas contesté le fait qu’on n’ait pas offert au fonctionnaire les heures supplémentaires en question ni que des agents comptant plus d’heures supplémentaires que le fonctionnaire aient eu priorité sur ce dernier.

10 Le fonctionnaire a déclaré que des postes en heures supplémentaires lui avaient été offerts les 14, 15, 16, 22, 23, 25 et 30 juillet 2006. À la fin de juin 2006, il cumulait 44 heures supplémentaires; à la fin de juillet 2006, il en cumulait 48,25 après avoir travaillé 4,25 heures supplémentaires ce mois-là (pièce G-2). Il a ajouté qu’il était disponible pour travailler des heures supplémentaires à chaque date en question, mais qu’on ne lui en avait pas offertes.

11 Les 19, 27 et 30 août 2006, des heures supplémentaires ont de nouveau été attribuées. Aucun des postes en heures supplémentaires en question n’a été offert au fonctionnaire, même s’il était disponible pour travailler chacune de ces dates. En août 2006, il a effectué 3,25 heures supplémentaires.

12 Le fonctionnaire a indiqué que des postes en heures supplémentaires avaient été offerts les 7, 17 et 23 septembre 2006 et même s’il était disponible, on ne lui a pas offert d’heures supplémentaires. La pièce G-5 montre qu’au début de septembre, il cumulait 51,25 heures supplémentaires (pourtant les données montrent qu’il en cumulait 51,5). Il a effectué huit heures supplémentaires ce mois-là, pour un total de 59,25 heures supplémentaires à la fin du mois (pièce G-5) et à la fin de décembre 2006 (pièce G-6).

13 Les deux parties ont convenu que, durant la période visée par les griefs, il n'existait pas de système permettant aux employés d’indiquer d’avance leur disponibilité pour des heures supplémentaires, même s’ils pouvaient aviser l’employeur qu’ils ne voulaient pas être pris en considération pour les heures supplémentaires. M. Dosanjhe a cité l’exemple de quelques employés qui avaient indiqué qu’ils ne voulaient pas se faire appeler pour des heures supplémentaires. Le fonctionnaire ne faisait pas partie des employés qui ne voulaient pas travailler d’heures supplémentaires.

14 M. Dosanjhe a déclaré que les parties avaient tenté d’établir d’un commun accord une méthode locale pour la répartition des heures supplémentaires, mais que la section locale avait refusé de signer l’entente. Il a également indiqué que la section locale du syndicat avait donné instruction à ses membres, en 2006, de ne pas se porter volontaires pour faire des heures supplémentaires. Il a admis qu’il n’était pas membre du syndicat et qu’il n’avait pas de connaissance directe des négociations ou des instructions de la section locale à ses membres.

15 Comme il n’y avait de système d’inscription pour les heures supplémentaires, l’employeur devait appeler les employés à tour de rôle, conformément à la méthode établie et en fonction du nombre d’heures supplémentaires cumulatives. La preuve a révélé que des notes étaient généralement consignées sur les feuilles d’heures supplémentaires (pièces G-2 à G-6) pour indiquer qu’un employé avait refusé de faire des heures supplémentaires ou ne pouvait pas être joint par téléphone. M. Dosanjhe a toutefois précisé que les superviseurs n’annotaient pas tous les feuilles parce que cela n’était pas obligatoire.

16 Le nombre réel d’heures supplémentaires effectuées par les employés était comptabilité sur une base annuelle mais était mis à jour tous les mois. Les superviseurs correctionnels avaient également accès aux rapports mensuels d’heures supplémentaires (pièces G-2 à G-6), qu’ils mettaient à jour quotidiennement. Les superviseurs consignaient également sur les tableaux journaliers d’heures supplémentaires (pièce E-7) le nombre d’heures supplémentaires effectuées par les agents correctionnels.

17 M. Dosanjhe a déclaré que, selon la pratique de longue date à l’établissement Matsqui, on offrait d’abord les heures supplémentaires aux employés sur place qui cumulaient le moins d’heures supplémentaires, puis à ceux qui en étaient à leur premier jour de repos et qui cumulaient le moins d’heures supplémentaires, et finalement à ceux à leur deuxième jour de repos qui cumulaient le moins d’heures supplémentaires. Il a déclaré qu’on avait tenté de conclure une entente avec la section locale sur la méthode d’attribution des heures supplémentaires, mais qu’elle avait refusé de signer l’entente. La méthode utilisée pour la répartition des heures supplémentaires était donc une pratique non écrite de l’employeur.

18  M. Dosanjhe a ajouté que la pratique procédait du souci de responsabilité financière, puisque les employés travaillant des heures supplémentaires après leur poste ou durant leur premier jour de repos étaient rémunérés au tarif et demi, alors que les employés qui en étaient à leur deuxième jour de repos étaient rémunérés au tarif double. Il a également expliqué que l’employeur devait verser des indemnités de kilométrage et de repas aux employés qui accomplissaient des heures supplémentaires un jour de repos; c’est pourquoi il préférait offrir les heures supplémentaires aux employés sur place après leur poste habituel.

19 Le fonctionnaire et M. Dosanjhe ont tous deux convenu que l’établissement Matsqui avait pour pratique de ne pas autoriser les employés à travailler plus de 16,5 heures sur une période de 24 heures. Les employés de l’établissement Matsqui pouvaient être affectés soit à un poste de 8 heures, soit à un poste de 12,75 heures. Le fonctionnaire a précisé qu’il était affecté à un poste de 12,75 heures par choix.

20 M. Dosanjhe a expliqué que, pour 10 des 13 postes en heures supplémentaires en cause, les heures supplémentaires ont été offertes à des employés qui cumulaient plus d’heures supplémentaires que le fonctionnaire pour deux raisons : soit parce qu’ils étaient déjà au travail et ont effectué les heures supplémentaires à la suite de leur poste, soit parce qu’ils en étaient à leur premier jour de repos. Chaque fois, le fonctionnaire en était à son deuxième jour de repos; il aurait donc été rémunéré au tarif double. 

21 Cependant, l’explication de l’employeur pour justifier le fait que le fonctionnaire ne s’est pas fait offrir les trois autres postes en heures supplémentaires diffère quelque peu. Les 15 et 23 juillet 2006, deux agents comptant plus d’heures supplémentaires que le fonctionnaire et qui en étaient à leur deuxième jour de repos se sont fait offrir les heures supplémentaires. Le 30 juillet 2006, les heures supplémentaires ont de nouveau été offertes à un agent qui en était à son deuxième jour de repos et qui cumulait plus d’heures supplémentaires que le fonctionnaire qui prenait un premier jour de repos. Même si M. Dosanjhe n’était pas de service et qu’il n’a pas attribué les heures supplémentaires en question, il a offert des explications possibles, notamment le niveau d’expérience des agents appelés pour travailler, la nécessité d’avoir quelqu’un sur place rapidement ou une erreur d’interprétation possible du tableau de service.

22 L’employeur a produit une preuve qu’une autre agente correctionnelle cumulant moins  d’heures supplémentaires que le fonctionnaire avait déposé des griefs alléguant qu’elle aurait dû se faire offrir les postes en heures supplémentaires les 15 et 23 juillet 2006 (pièce E-10). Ces griefs ont été renvoyés à l’arbitrage et n’ont pas encore été mis au rôle (pièces E-11 et E-12).

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

23 La représentante de l’agent négociateur a rappelé au début de l’audience que les griefs portaient sur l’application de la clause 21.10 de la convention collective qui prévoit que l’employeur doit faire tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable parmi les employés qualifiés facilement disponibles. Elle a répété que l’agent négociateur considère que les dispositions de la clause 21.10 sont cumulatives et non mutuellement exclusives.

24 La représentante de l’agent négociateur a noté que le fonctionnaire et le témoin de l’employeur avaient convenu qu’il n’y avait pas de politique institutionnelle écrite régissant les heures supplémentaires durant la période pertinente. L’employeur avait plutôt instauré une pratique qui consistait à attribuer les heures supplémentaires aux agents qui cumulaient moins d’heures supplémentaires dans l’ordre suivant : les agents sur place, puis ceux qui en étaient à leur premier jour de repos et enfin ceux à leur deuxième jour de repos. La représentante a précisé que l’employeur avait instauré cette pratique d’attribution des heures supplémentaires par souci de responsabilité financière.

25 Durant la période où sont survenues les circonstances donnant lieu aux griefs, les employés ne disposaient pas de système pour indiquer à quels moments ils n’étaient pas disponibles pour des heures supplémentaires. Plutôt, les superviseurs correctionnels devaient appeler les employés à tour de rôle pour voir s’ils étaient disponibles pour travailler un jour donné. La représentante de l’agent négociateur a indiqué que le témoin de l’employeur avait également confirmé que les employés pouvaient demander de ne pas les appeler pour les heures supplémentaires et a donné l’exemple de quelques employés qui l’avaient fait. Ce n’était pas le cas du fonctionnaire.

26 La représentante de l’agent négociateur a soutenu que les heures supplémentaires n’étaient pas réparties sur une base équitable parmi les employés qualifiés facilement disponibles. La pratique de l’employeur pourrait se diviser en deux parties : les heures supplémentaires étaient attribuées : 1) aux employés cumulant moins d’heures supplémentaires; 2) en les classant par ordre de priorité, selon qu’ils étaient au travail, à leur premier jour de repos ou à leur deuxième jour de repos ou à un jour de repos subséquent. La première partie de la pratique, c’est-à-dire l’attribution des heures supplémentaires aux employés comptant moins d’heures, pourrait être qualifiée d’équitable, mais la seconde partie, c’est-à-dire le classement des employés par ordre de priorité selon qu’ils étaient au travail ou à leur premier ou deuxième jour de repos, contrevenait à la convention collective.

27 La représentante a noté que les employés auxquels on offre des heures supplémentaires après leur poste sont rémunérés au tarif et demi, tandis que les employés qui en sont à leur premier jour de repos et rémunérés au tarif et demi reçoivent une indemnité de kilométrage et de repas, et les agents qui en sont à leur deuxième jour de repos ou à un jour de repos subséquent sont rémunérés au tarif double et touchent une indemnité de kilométrage et de repas. Le témoin de l’employeur a affirmé à plusieurs reprises que l’employeur devait faire preuve de responsabilité financière et que la meilleure méthode de répartition des heures supplémentaires était la moins coûteuse. 

28 La représentante a soutenu qu’une méthode équitable de répartition des heures supplémentaires ne devrait pas être basée sur le taux applicable des heures supplémentaires, car cela pourrait entraîner une répartition inéquitable des heures. Les répercussions financières pour l’employeur ne devraient pas entrer en ligne de compte pour déterminer ce qui est équitable pour les employés.

29 Lors de l’examen des faits des présents griefs, la représentante a soutenu qu’il était évident que la répartition des heures supplémentaires était inéquitable. Commençant par les griefs 566-02-824, 827 et 829, elle a fait valoir que l’employeur avait initialement admis au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs qu’une erreur avait été commise dans la répartition des heures supplémentaires. Or, à l’audience, le témoin de l’employeur, M. Dosanjhe, a laissé entendre que dans ces cas particuliers, il était possible que certains agents aient été appelés avant le fonctionnaire en raison de leur expérience. Sauf que, selon la représentante de l’agent négociateur, tous les agents qui ont été appelés pour travailler des heures supplémentaires aux dates en question étaient des CX-01, comme le fonctionnaire. Cela étant, l’expérience n’était pas un facteur, pas plus que dans la convention collective.

30 En ce qui concerne les faits des autres griefs, la représentante de l’agent négociateur a observé que pour chaque poste en heures supplémentaires en cause, les heures supplémentaires ont été offertes à des agents correctionnels cumulant plus d’heures supplémentaires que le fonctionnaire plutôt qu’à ce dernier. Le fonctionnaire a déclaré qu’il était disponible à chaque date en question. De plus, comme l’a souligné la représentante, en l’absence de système d’inscription, il fallait présumer que chaque employé était disponible pour accomplir des heures supplémentaires tant qu’il n’avait pas refusé d’en faire. Le témoin de l’employeur a expliqué ce que signifiaient les lettres inscrites sur les feuilles d’heures supplémentaires (pièces G2 à G6), notamment un refus ou une indisponibilité à côté du nom d’employés après que le superviseur correctionnel leur ait téléphoné. Aucune lettre sur les feuilles se rapportant aux postes en question ne figure à côté du nom du fonctionnaire pour signaler qu’il avait refusé des heures supplémentaires. De fait, l’employeur n’a pas appelé le fonctionnaire pour lui offrir les postes en heures supplémentaires en question.

31 La représentante de l’agent négociateur a terminé en disant qu’au vu de la violation de la convention collective, le fonctionnaire a droit à une indemnité au taux applicable des heures supplémentaires pour chaque occasion ratée d’accomplir des heures supplémentaires ainsi qu’à une indemnité pour les autres paiements qu’il aurait reçus aux titre des repas, du kilométrage et des primes de poste, notamment.

32 La représentante de l’agent négociateur a cité les cas suivants : Mungham c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 106, et Hunt et Shaw c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 65.

B. Pour l’employeur

33 L’avocat de l’employeur a soutenu que la seule question à trancher est celle de savoir si le fonctionnaire a été traité de manière équitable lorsque les heures supplémentaires ont été réparties durant la période en question, soit du 1er janvier au 31 décembre 2006, conformément à la clause 21.10a) de la convention collective. Le fonctionnaire a la charge de démontrer qu’il n’a pas été traité de manière équitable.

34 L’avocat de l’employeur a noté qu’en 2006, il n’y avait pas de politique ou d’entente écrite avec la section locale sur la méthode de répartir les heures supplémentaires parce que le syndicat avait refusé de signer une entente. L’employeur attribuait les heures supplémentaires suivant la pratique établie, qui consistait à offrir d’abord les heures aux agents au travail cumulant le moins d’heures supplémentaires et rémunérés au tarif et demi, puis aux agents qui en étaient à leur premier jour de repos, aussi rémunérés au tarif et demi, et enfin aux agents qui prenaient un deuxième jour de repos et rémunérés au tarif double. Durant la période en question, les agents correctionnels avaient refusé de fournir de l’information à l’employeur sur leur disponibilité pour des heures supplémentaires. Par conséquent, l’employeur devait appeler les agents à tour de rôle pour leur offrir les heures supplémentaires, selon l’ordre de priorité établi.

35 L’avocat a soutenu que la méthode de répartition des heures supplémentaires n’est pas un critère déterminant pour trancher la question de l’équitabilité. La convention collective ne renferme pas de méthode ou politique à appliquer pour déterminer si les heures supplémentaires sont offertes de manière équitable. Quelle que soit la méthode utilisée, c’est le résultat factuel calculé sur une période raisonnable qui permet de déterminer si un employé est désavantagé par rapport à ses collègues. Le simple fait que les employés rémunérés au tarif et demi se voient offrir les heures supplémentaires avant les employés rémunérés au tarif double est dénué d’intérêt et cela ne prouve nullement que les heures supplémentaires ne sont pas réparties de façon équitable. De plus, le fonctionnaire n’a pas produit de preuve que la méthode était incompatible avec la convention collective ou qu’elle était inéquitable.

36 L’avocat de l’employeur a également soutenu qu’en vertu de l’article 7 et du paragraphe 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, l’employeur doit faire preuve de responsabilité financière et a ajouté qu’il est raisonnable de se soucier de la responsabilité financière et que cela est conforme à l’obligation énoncée à la clause 21.10 de la convention collective de « fai[re] tout effort raisonnable » pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable. 

37 L’avocat de l’employeur a avancé que le fonctionnaire a fondé son argument exclusivement sur le fait que des agents cumulant plus d’heures supplémentaires s’étaient fait offrir des heures supplémentaires et qu’il n’avait pas été appelé. L’employeur n’a pas contesté ce fait parce que c’est le résultat de l’application de sa pratique. L’équité n’est pas synonyme d’égalité. Il serait pratiquement impossible pour l’employeur ou d’autres employeurs semblables d’attribuer à tous les employés le même nombre d’heures supplémentaires. Ce n’est pas non plus obligatoire, a-t-il plaidé.

38 L’avocat a indiqué que la seule façon de déterminer l’équitabilité est de comparer des choses comparables. Il serait illogique de comparer un employé comptant très peu d’heures supplémentaires parce qu’il a refusé d’en faire avec un employé toujours disponible. Par conséquent, il ne suffit pas de présenter une série de chiffres pour établir des comparaisons si l’on ne tient pas compte de toutes les variables qui permettraient d’expliquer pourquoi certains employés ont travaillé plus d’heures supplémentaires que d’autres, telles que la disponibilité, la durée des postes, les congés, la nature volontaire des heures supplémentaires ou des circonstances exceptionnelles.

39 Lorsqu’on applique ces critères à la présente affaire, selon l’avocat, il est impossible de déterminer la disponibilité du fonctionnaire. S’il affirme qu’il était disponible, il est impossible de le vérifier, puisque cette affirmation a été faite après le fait et il n’y avait pas de listes des employés disponibles. De plus, le fonctionnaire était affecté à un poste de 12,75 heures. Donc le nombre d’heures supplémentaires qu’il pouvait effectuer une fois son poste terminé était limité, ce qui expliquerait pourquoi il comptait moins d’heures supplémentaires que les autres employés. Il faut également tenir compte des congés approuvés et des urgences pour expliquer les différences entre les employés. M. Dosanjhe a donné comme exemple des situations où on peut devoir faire appel à des employés plus chevronnés pour travailler les heures supplémentaires ou remplacer rapidement des employés. Ces situations peuvent avoir une incidence sur l’équitabilité.

40 L’avocat de l’employeur a indiqué que dans le cas des griefs 566-02-823, 825, 826, 828 et 830 à 836, l’employeur avait appliqué judicieusement et correctement sa méthode de répartition des heures supplémentaires. Si le fonctionnaire a le sentiment de ne pas avoir été traité de manière équitable, le fait est que chaque fois il en était à son deuxième jour de repos et qu’il n’était pas admissible aux heures supplémentaires en priorité avant les agents correctionnels qui étaient au travail ou à leur premier jour de repos.

41 Pour ce qui est des griefs 566-02-824, 827 et 829, qui se rapportent aux postes en heures supplémentaires les 15, 23 et 30 juillet 2006, certaines anomalies ont été relevées. Ces anomalies ont-elles entraîné de l’iniquité? L’avocat a plaidé que ce n’était pas le cas. Pour déterminer si les heures supplémentaires ont été réparties de façon équitable, il faut se fonder sur une période raisonnable. À l’établissement Matsqui, la pratique consistait à comptabiliser les heures supplémentaires sur une année civile. À la fin de 2006, l’année en question, le fonctionnaire cumulait 59,25 heures supplémentaires. La moyenne à l’établissement s’élevait à 52,61 heures, établie en additionnant toutes les heures supplémentaires effectuées et en divisant le total par le nombre de CX-01. En outre, précisons que l’employeur est seulement tenu de faire un effort raisonnable pour répartir équitablement les heures supplémentaires, obligation qui a été remplie à l’établissement Matsqui.

42 L’avocat de l’employeur a plaidé que, pour l’ensemble des motifs précités, les griefs devaient être rejetés. Cependant, au cas où il serait déterminé que les heures supplémentaires n’ont pas été réparties sur une base équitable, l’avocat a soutenu que le fonctionnaire ne devait pas bénéficier de réparation parce qu’il n’a pas démontré sa disponibilité pour faire des heures supplémentaires aux dates en question et que d’autres agents correctionnels qui cumulaient encore moins d’heures supplémentaires étaient disponibles, parmi lesquels au moins une agente a déposé des griefs. L’avocat a fait valoir que, pour ces motifs, le fonctionnaire n’avait pas droit à une indemnisation.

43 L’avocat de l’employeur a attiré mon attention sur les cas suivants : Brescia c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CAF 236; Canada (Procureur général) c. Nitschmann, 2009 CAF 263; Archer c. Canada (Conseil du Trésor), [1984] A.C.F. no 352 (C.A.) (QL); Archer et al. c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-13812 à 13817 (19830811); P.S.A.C. v. Canada (Canadian Grain Commission), [1986] F.C.J. No. 498 (T.D.) (QL); Peck c. Parcs Canada, 2009 CF 686; Sumanik c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossier de la CRTFP 166-02-395 (19710927); Lay c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14889 (19861124); Evans c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-17195 (19881007); Armand c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel) dossier de la CRTFP 166-02-19560 (19900629); Farcey c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-21050 (19920212); Bérubé c. Conseil du Trésor (Transports Canada) dossier de la CRTFP 166-02-22187 (19930215); Roireau et Gamache c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 85; Hunt et Shaw; Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 85; et Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e éd., paragr. 5:3220 et 5:3224.

C. Réplique

44 Après avoir reconnu l’absence de politique écrite, la représentante de l’agent négociateur a plaidé que les raisons pour lesquelles il n’y avait pas de politique écrite étaient dénuées d’intérêt. De plus, les hypothèses formulées par le témoin de l’employeur quant aux raisons pour lesquelles la section locale a refusé de signer une entente sur la répartition des heures supplémentaires étaient de simples conjectures, puisqu’il n’était pas membre de l’unité de négociation, qu’il n’avait pas participé aux négociations et qu’il n’était donc pas en mesure de témoigner quant aux intentions de la section locale.

45 La représentante a réitéré que la méthode de répartition des heures supplémentaires avait une incidence directe sur l’équitabilité. Elle a noté qu’une bonne partie des décisions citées par l’avocat de l’employeur étaient anciennes, mais que la décision dans Hunt et Shaw était plus convaincante parce que le même employeur, le même agent négociateur et la même convention collective étaient en cause et qu’elle datait de 2009. Même si l’employeur s’est appuyé sur Hunt et Shaw au soutien de l’argument que la répartition des heures supplémentaires en fonction du taux de rémunération des heures supplémentaires n’était pas nécessairement inéquitable, la représentante de l’agent négociateur estime avoir démontré que les heures supplémentaires ont été réparties de manière inéquitable sur une base journalière, mensuelle et annuelle. Elle a plaidé que la pratique de l’employeur avait donné lieu à de l’iniquité.

46 En réponse à l’argument de l’employeur qu’il faut tenir compte d’un nombre de critères pour déterminer si les heures supplémentaires ont été réparties sur une base équitable, la représentante de l’agent négociateur a indiqué que la preuve ne permettait pas de tirer de conclusion négative de l’analyse des critères. Le fonctionnaire a déclaré qu’il était disponible mais qu’on ne l’avait pas appelé. Les congés n’étaient pas un critère parce qu’il n’était pas en congé. Aucune preuve n’a été produite pour établir que la durée des postes était un critère ou que des situations urgentes imprévues étaient survenues.

47 À propos de l’argument de l’employeur que d’autres agents avaient droit avant le fonctionnaire aux heures supplémentaires, la représentante de l’agent négociateur a reconnu que c’était probablement vrai, mais que cela était dénué d’intérêt. De plus, en ce qui concerne l’agente qui a déposé des griefs, l’agent négociateur a noté que plusieurs postes étaient disponibles aux dates en question, et donc, que la cause de cette agente n’aura pas d’incidence sur l’issue des prétentions du fonctionnaire. 

48 La représentante de l’agent négociateur a réitéré son argument que le fonctionnaire devrait être rémunéré pour les heures supplémentaires qu’il aurait effectuées, dans la mesure où la convention collective avait été appliquée correctement.

IV. Motifs

49 Selon les 13 autres griefs, l’employeur n’a pas réparti les heures supplémentaires sur une base équitable en application de la clause 21.10 de la convention collective, qui prévoit ceci :

21.10 Répartition des heures supplémentaires

L’Employeur fait tout effort raisonnable pour :

a) répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles,


b) attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé-e-s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. Agent correctionnel 1 (CX-1) à agent correctionnel 1 (CX-1), agent correctionnel 2 (CX-2) à agent correctionnel 2 (CX-2), etc.

Cependant, il est possible pour une section locale de convenir par entente écrite avec le directeur de l’établissement d’une méthode différente en ce qui a trait à l’attribution du temps supplémentaire.

[…]

50 Au début de l’audience, l’avocat de l’employeur a soulevé une objection déclinatoire de compétence au motif que le fonctionnaire remettait en cause la méthode de répartition des heures supplémentaires, pratique locale conforme à l’exercice valide des droits de la direction. Cependant, cette pratique ne fait pas partie de la convention collective et excède la compétence de l’arbitre de grief.

51 Je rejette l’objection préliminaire. Il est évident que les présents griefs portent essentiellement sur l’allégation que l’employeur n’a pas réparti les heures supplémentaires de façon équitable en application de la clause 21.10 de la convention collective. Le fait que, durant la période en question, les heures supplémentaires à l’établissement Matsqui ont été réparties conformément à une pratique de la direction ne supprime pas ni ne peut supprimer l’obligation énoncée dans la convention collective de répartir ces heures sur une base équitable. Cela étant, la question relève incontestablement de la compétence de l’arbitre de grief.

52 À l’audience, l’agent négociateur et l’avocat de l’employeur ont tous deux longuement débattu de la question de savoir si la pratique de l’employeur pour faire preuve de responsabilité financière, qui consiste à attribuer les heures supplémentaires en fonction du taux applicable des heures supplémentaires, contrevenait à la convention collective. Il existe un assez grand nombre de décisions arbitrales à ce sujet, qui sont judicieusement résumées dans Hunt et Shaw. Je partage le point de vue de l’arbitre de grief dans cette cause que le critère déterminant n’est pas la méthode, mais bien le résultat. Il faut produire une preuve que la méthode d’attribution des heures supplémentaires est inéquitable. Les décisions telles que Hunt et Shaw ou Mungham indiquent clairement qu’il est possible d’établir une méthode de répartition des heures supplémentaires basée sur le taux applicable des heures supplémentaires qui n’est pas inéquitable. Cependant, malgré que la preuve révèle que les mesures d’économie entraînent une répartition inéquitable des heures supplémentaires, le fait que les gestionnaires sont généralement tenus par la loi de gérer les ressources de manière responsable ne l’emporte pas sur les dispositions particulières de la convention collective.

53 J’estime que, faute d’entente avec la section locale quant à la méthode de répartition des heures supplémentaires, l’employeur était libre d’appliquer la méthode de son choix à l’établissement Matsqui, dans la mesure où les heures supplémentaires étaient réparties sur une base équitable parmi les employés qualifiés facilement disponibles, conformément à la clause 21.10 de la convention collective. La méthode appliquée à l’établissement Matsqui durant la période en question a-t-elle favorisé la répartition équitable des heures supplémentaires? Je ne le crois pas.

54 Peu importe que les données soient analysées sur une base mensuelle, trimestrielle ou annuelle, la preuve dont je dispose (pièces G-2, G-4, G-5 et G-6) montre clairement que le nombre d’heures supplémentaires accumulées variait considérablement d’un employé à l’autre. Par exemple, à la fin de juillet 2006, parmi la centaine d’employés qui figuraient sur la feuille des heures supplémentaires, une douzaine n’avaient pas fait d’heures supplémentaires, 35 environ en comptaient entre 20 et 50 et sept environ plus de 100, dont deux avec plus de 150. À la fin de décembre 2006, soit la fin de l’année pour la comptabilisation des heures supplémentaires, le nombre d’employés comptant plus de 100 heures supplémentaires était de 13 environ et comprenait deux employés avec plus de 200 heures supplémentaires. Environ le quart des employés avaient accumulé entre 20 et 50 heures supplémentaires. À la fin de juillet 2006, le fonctionnaire avait accumulé 48,25 heures supplémentaires et à la fin de décembre 2006, il en avait accumulé 59,25. Sur la foi de ces chiffres uniquement, on ne peut prétendre que les heures supplémentaires ont été réparties de manière équitable.

55 S’appuyant sur Sumanik et Roireau et Gamache, l’avocat de l’employeur a fait valoir qu’équité n’était pas nécessairement synonyme d’égalité. Il a déclaré qu’il ne suffisait pas d’examiner les données, que l’analyse de l’équitabilité doit tenir compte d’un certain nombre de variables, telles que la disponibilité des employés et la nature des postes, entre autres choses. 

56 Or, l’analyse de ces variables pour expliquer les écarts importants dans le nombre d’heures supplémentaires attribuées n’aide pas la cause de l’employeur. Par exemple, comme les employés n’ont pas fourni de renseignements à l’employeur sur leur disponibilité pour des heures supplémentaires durant la période en question, il n’existe aucune preuve qu’un grand nombre d’employés ne voulaient tout simplement pas faire d’heures supplémentaires. Par conséquent, le critère de la disponibilité ne peut pas être utilisé pour expliquer les écarts importants dans le nombre d’heures supplémentaires effectuées. L’existence de postes de durées différentes à l’établissement Matsqui ne peut pas non plus expliquer les écarts notables dans les heures supplémentaires, car cette question serait uniquement soulevée parce que l’employeur a attribué les heures supplémentaires en priorité aux employés qui étaient déjà au travail, par mesure d’économie, ce qui faisait partie du problème selon l’agent négociateur. Quoi qu’il en soit, l’incidence des postes différents est purement hypothétique, puisqu’aucune preuve n’a établi que les agents affectés à un poste de huit heures avaient accumulé plus d’heures supplémentaires que les autres agents.

57 En fin de compte, je dois m’en tenir aux données, lesquelles indiquent clairement que les heures supplémentaires n’ont pas été réparties sur une base équitable dans la période de trois mois en question ou durant l’année. L’avocat de l’employeur a cité Sumanik au soutien de son argument qu’équitable n’est pas synonyme d’égal, mais il a omis de lire le passage au complet, aux pages 18 et 19 :

[…]

[…] Ce qui peut être équitable n'est pas nécessairement égal. Toutefois, les heures supplémentaires devraient être réparties équitablement dans ce sens que sur une période de 28 jours il n'y aurait pas de différence très marquée entre le nombre d'heures faites par chacun des employés, respectivement. Sur une période d'une année, les totaux devraient être approximativement égaux (j'attire l'attention sur le mot « approximativement »).

[…]

En l’espèce, il y a des écarts notables dans le nombre d’heures supplémentaires effectuées par les employés, et ces écarts se perpétuent toute l’année. Prenons le cas du fonctionnaire, par exemple. À la fin de l’année, il cumulait 59,25 heures supplémentaires alors que l’employé ayant le plus grand nombre d’heures en cumulait 289,25. On ne peut dire que, à la fin de l’année, les totaux étaient « approximativement égaux ». C’est précisément parce qu’il y a des écarts importants dans le nombre d’heures supplémentaires effectuées que je rejette l’argument de l’employeur que le nombre d’heures supplémentaires effectuées par le fonctionnaire était supérieur au nombre moyen d’heures supplémentaires accumulées et qu’il n’a pas été traité de manière inéquitable.

58 L’employeur a clairement démontré que les heures supplémentaires étaient comptabilisées tous les jours et que les superviseurs correctionnels avaient accès aux données à jour sur les heures supplémentaires lorsqu’ils offraient des heures supplémentaires. Cela étant, on ne peut pas dire que tout effort raisonnable a été fait pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable. L’employeur a appliqué obstinément sa politique sur les heures supplémentaires même s’il était évident qu’elle produirait des écarts considérables dans le nombre d’heures attribuées.

59 Étant donné que l’employeur n’a pas fait tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable durant la période en question, je dois examiner les circonstances particulières des griefs. L’employeur a présenté une analyse des postes en heures supplémentaires indiqués dans les griefs (pièce E-8). Le document indique clairement que pour chacun des postes en question, des employés qui cumulaient un bien plus grand nombre d’heures supplémentaires se sont fait offrir les heures supplémentaires à la place du fonctionnaire. L’employeur n’a pas contesté ce fait; il a plutôt soutenu qu’il avait appliqué judicieusement sa politique sur les heures supplémentaires. J’ai déjà déterminé que cette politique ne dérogeait pas à l’obligation dans la convention collective de répartir les heures supplémentaires sur une base équitable. Je conclus donc que le fonctionnaire a été ignoré sans raison valable à chaque date mentionnée dans les griefs. Il aurait dû se faire offrir les postes en heures supplémentaires en question.

60 Trois postes en heures supplémentaires se démarquent particulièrement du fait que l’employeur n’a pas appliqué sa politique dans ces cas-là. Les 15, 23 et 30 juillet 2006, des postes en heures supplémentaires ont été offerts à des employés qui en étaient à leur deuxième jour de repos et qui cumulaient un plus grand nombre d’heures supplémentaires que le fonctionnaire. Dans la réponse aux griefs relatifs à ces postes (566-02-824, 827 et 829) au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a admis que le fonctionnaire aurait dû être appelé, mais a soutenu que, sur une période d’un an, les heures supplémentaires avaient été réparties équitablement et que, par conséquent, une réparation n’était pas nécessaire. Or, la preuve démontre clairement la répartition inéquitable des heures supplémentaires au cours de l’année.

61 À l’audience, l’avocat de l’employeur a défendu une position différente, faisant valoir qu’en raison de circonstances extraordinaires, on avait dû appeler d’autres employés que le fonctionnaire. Or la seule preuve produite par l’employeur pour établir ces circonstances extraordinaires est le témoignage de M. Dosanjhe, qui a avancé des hypothèses quant aux raisons pour lesquelles le fonctionnaire n’a pas été appelé. M. Dosanjhe n’était pas de service durant les postes en question; il n’a pas non plus pris les décisions relatives à l’attribution des heures supplémentaires. Son témoignage sur ce point était basé sur des hypothèses personnelles quant aux situations qui seraient survenues et sur son expérience institutionnelle. Cela étant, les explications ne me paraissent ni convaincantes ni utiles. Elles ne changent aucunement ma conclusion que le fonctionnaire a été ignoré sans raison valable pour chacun des postes en heures supplémentaires visé par les griefs.

62 L’avocat de l’employeur a soutenu que, même si je concluais que le fonctionnaire aurait dû se faire offrir les heures supplémentaires en question, il n’a pas droit à une réparation parce qu’autres agents correctionnels cumulaient moins d’heures supplémentaires que lui, dont agente avait également déposé des griefs. L’avocat de l’employeur a également fait valoir que le fonctionnaire n’avait pas fait connaître sa disponibilité pour les postes en question.

63 En commençant par le dernier point, je conclus que le fonctionnaire était disponible. Il a déclaré qu’il était disponible. Son témoignage sur ce point n’a pas été contredit directement et aucun autre élément de preuve n’a été produit pour infirmer sa déclaration qu’il était disponible et qu’il voulait faire des heures supplémentaires à chaque date indiquée dans les griefs.

64 Quant à la question de savoir si le fonctionnaire a droit à une réparation parce que d’autres agents correctionnels comptaient moins d’heures supplémentaires que lui, je crois pouvoir me prononcer sur les griefs dont je suis saisie. Je ne suis pas au courant de la situation des autres agents correctionnels qui cumulaient moins d’heures supplémentaires que le fonctionnaire, mais je constate toutefois qu’une seule agente semble avoir contesté les occasions ratées de faire des heures supplémentaires (pièce E-10). Je ne suis pas saisie des griefs de cette agente et je ne crois pas qu’ils portent atteinte au droit du fonctionnaire à une réparation. Quoi qu’il en soit, je note qu’il y avait plusieurs possibilités de faire des heures supplémentaires à chaque date indiquée dans la pièce E-10, de sorte que les griefs de l’agente ne modifieraient pas de quelque manière essentielle les faits des présents griefs. J’ai conclu que le fonctionnaire avait été ignoré sans raison valable. Il s’ensuit qu’il a droit à une indemnisation.

65 Dans un cas comme celui-ci, où les heures supplémentaires sont réparties selon une méthode basée sur un cycle périodique, il n’est pas indiqué d’accorder une réparation en nature parce que cela perturberait le cycle actuel des heures supplémentaires. Il s’ensuit que la mesure réparatrice qui s’applique en l’espèce est une indemnité pécuniaire. J’ordonne que le fonctionnaire soit indemnisé au taux applicable des heures supplémentaires pour chaque occasion ratée d’accomplir des heures supplémentaires visée par un grief et qu’il reçoive tout autre paiement applicable, tel que les indemnités de kilométrage et de repas et les primes de poste.

66 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

67 Les 13 griefs sont accueillis. Je laisse aux parties le soin de déterminer le nombre d’heures supplémentaires que l’employeur doit payer au fonctionnaire, ainsi que toute autre indemnité applicable.

68 Je demeure saisie des griefs pendant une période de 90 jours au cas où les parties auraient besoin d’aide pour déterminer le nombre d’heures supplémentaires qui doivent être rémunérées ou pour résoudre toute autre question découlant de l’exécution de la présente décision.

Le 17 décembre 2010.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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