Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté son licenciement en cours de stage - l’administrateur général s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief - l’arbitre de grief a conclu que les dispositions de la nouvelle LEFP n’avaient pas modifié de façon notable les paramètres du processus traditionnellement appliqué par les arbitres de griefs pour déterminer s’ils ont compétence pour statuer sur le licenciement d’un fonctionnaire assujetti à une période de stage - l’arbitre de grief a conclu qu’il aurait compétence pour trancher le grief si la décision de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé avait été prise de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi - l’administrateur général s’est déchargé de son fardeau de preuve en établissant que le fonctionnaire s’estimant lésé était un employé assujetti à une période de stage, que sa période de stage était toujours en vigueur au moment du licenciement et qu’un préavis ou un paiement tenant lieu de préavis lui avait été fourni, conformément à l’article 62 de la nouvelle LEFP - cependant, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas établi que son licenciement était fondé de façon factice sur la nouvelle LEFP - il n’a pas établi que la décision de mettre fin à son emploi n’était pas basée sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l’égard de son aptitude à exercer les fonctions de son poste - de plus, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas établi que son licenciement était un subterfuge ou du camouflage - rien ne prouvait que la décision de mettre fin à son emploi avait été prise de mauvaise foi - l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas compétence pour trancher le grief. Objection accueillie. Dossier clos par ordonnance.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-12-21
  • Dossier:  566-02-3190
  • Référence:  2010 CRTFP 134

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ROBERT TELLO

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Michel Bouchard, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour le défendeur:
Anne-Marie Duquette, avocate

Affaire entendue à Kingston (Ontario),
du 16 au 19 août 2010;
observations écrites déposées les 20 et 22 septembre 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Robert Tello, le fonctionnaire s’estimant lésé ( le « fonctionnaire ») a contesté son licenciement alors qu’il était en cours de stage. L’administrateur général de Service correctionnel du Canada (SCC) s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief. Bien que la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ( la « nouvelle LEFP », édictée par les articles 12 et 13 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, ne fasse pas mention de « renvoi en cours de stage », cette expression de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ( l’« ancienne LEFP »), L.R.C. (1985), ch. P-33, a été utilisée pour licencier le fonctionnaire en vertu de l’article 62 de la nouvelle LEFP.

II. Audience

2 Au début de l’audience, le fonctionnaire s’est opposé à la recevabilité du témoignage des deux policiers qui devaient être convoqués comme témoins en faisant valoir un privilège d’origine législative. Le fonctionnaire a soutenu que la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée, L.R.O. 1990, ch. M.56, prévoit que de l’information peut être divulguée à un tiers seulement après en avoir obtenu l’autorisation ou dans des circonstances précises qui ne s’appliquaient pas en l’espèce. L’administrateur général a fait valoir que les témoignages des policiers seraient donnés de vive voix. En outre, il a prétendu que la loi provinciale ne relevait pas de ma compétence et que tous les recours du fonctionnaire étaient des recours à l’échelle provinciale. J’ai statué que les témoignages des policiers seraient recevables. J’ai pris en délibéré ma décision sur la recevabilité des rapports de police jusqu’à ce que ces rapports soient produits en preuve au cours de l’audience. Les rapports de police n’ont pas été produits en preuve.

3 Le fonctionnaire a présenté une lettre et une note de professionnels de la santé au sujet des problèmes de santé qui auraient découlé de son licenciement (pièces G-3 et G-4). J’ai ordonné que ces deux pièces soient mises sous scellé.

4 Au début du témoignage du gendarme Christopher Murdock (qui est policier au Service de police de Kingston), un différend est survenu relativement à la date de l’un des événements invoqué par le SCC dans sa décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage. La lettre de renvoi du fonctionnaire en cours de stage faisait mention d’un événement survenu le 26 février 2009, mais le gendarme Murdock a témoigné que l’événement s’est produit le 27 février 2009. Le fonctionnaire s’est opposé à la pertinence du témoignage, parce qu’il n’avait pas trait à la date indiquée dans la lettre de renvoi en cours de stage. L’administrateur général a fait valoir qu’une certaine confusion a régné au sujet de la date et qu’il y aurait des témoignages concernant la confusion et le fait que le fonctionnaire avait corrigé la date dans ses discussions avec le SCC. Le fonctionnaire a soutenu qu’à cette dernière date, l’administrateur général ne pouvait pas modifier la lettre le renvoyant en cours de stage. J’ai pris cette objection en délibéré en attendant la preuve sur la confusion relative à la date dont l’avocat a fait mention. J’ai traité de cette objection dans mes motifs.

A. Résumé de la preuve

5 Le fonctionnaire est entré en fonctions au SCC comme agent correctionnel classé CX-01 le 11 août 2008 (pièce E-1, onglet 1). Sa période de stage s’étalait sur 12 mois. Il travaillait au pénitencier de Kingston. Il a été renvoyé en cours de stage le 29 juillet 2009 (pièce E-1, onglet 13) et a alors reçu un mois de salaire en guise de préavis.

6 Le fonctionnaire est âgé de 43 ans et a eu un certain nombre d’emplois au cours de sa carrière, notamment ceux de conducteur de camion et de chauffeur d’autobus scolaire. Il a témoigné qu’il était impliqué activement dans la collectivité comme bénévole. L’une de ses activités bénévoles au moment de son emploi au SCC était au sein du Service de police de Kingston. Il a témoigné que le travail d’un bénévole consiste à être [traduction] « les yeux et les oreilles » de la police. Il lui appartenait de faire rapport de toutes les activités douteuses à la police et de participer à la recherche de personnes manquantes et d’éléments de preuve. Il lui incombait également de participer à des événements et à des parades, notamment à la fermeture de rues.

7 Le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage en raison de son comportement hors service. Son rendement au travail ne posait pas problème. Après avoir mené une enquête sur les faits, le SCC a établi que le fonctionnaire n’était [traduction] « […] plus apte à exercer un emploi au SCC en raison de préoccupations liées à la capacité [du fonctionnaire] de respecter les Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline du SCC […] ». (pièce E-1, onglet 13).

8 Les dispositions du Code de discipline du SCC (pièce E-1, onglet 4) invoquées par l’administrateur général se lisent comme suit :

[…]

Conduite et apparence

6. Le comportement d’une personne, qu’elle soit de service ou non, doit faire honneur au Service correctionnel du Canada et à la fonction publique. Tous les employés doivent se comporter de façon à rehausser l’image de la profession, tant en paroles que par leurs actes. De même, lorsqu'ils sont de service, leur apparence et leurs vêtements doivent refléter leur professionnalisme et être conformes aux normes de la santé et de la sécurité au travail.

Infractions

Commet une infraction l’employé qui :

  1. présente une apparence ou un comportement indigne d'un employé du Service lorsqu'il est au travail ou en uniforme;

  2. est injurieux ou offensant envers le public dans l'exercice de ses fonctions;

  3. se conduit d’une manière susceptible de ternir l’image du Service, qu’il soit de service ou non;

  4. commet un acte criminel ou une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité en vertu d’une loi du Canada ou d’un territoire ou d’une province risquant ainsi de ternir l’image du Service ou d’avoir un effet préjudiciable sur le rendement au travail;

  5. omet d’avertir son supérieur, avant de reprendre ses fonctions, qu’il a été accusé d’une infraction criminelle ou d’une infraction à une loi;

[…]

Conflits d’intérêts

9. Les membres du personnel doivent faire preuve d’honnêteté et d’intégrité dans l’accomplissement de leurs tâches au sein du gouvernement du Canada. Ils ne doivent pas s’engager dans des entreprises commerciales ou privées qui pourraient ou sembleraient les mettre en conflit avec leur fonction d’employé du Service correctionnel ou leurs responsabilités générales en tant que fonctionnaires.

Infractions

Commet une infraction l’employé qui :

[…]

  1. se sert indûment de son titre ou de ses pouvoirs pour en tirer des avantages ou des gains personnels;

[…]

9 Il était également allégué que le fonctionnaire a enfreint la Règle 2 des Règles de conduite professionnelle au Service correctionnel du Canada (pièce E-1, onglet 5) (le libellé est le même que celui de l’article 6 du Code de discipline :

[…]

CONDUITE ET APPARENCE

Le comportement d’une personne, qu’elle soit de service ou non, doit faire honneur au Service correctionnel du Canada et à la fonction publique. Tous les employés doivent se comporter de façon à rehausser l’image de la profession, tant en paroles que par leurs actes. […]

[…]

10 Il était en outre allégué que le fonctionnaire a enfreint les Lignes directrices 563-1 – Insignes du SCC (pièce E-1, onglet 6). Les dispositions pertinentes de ces lignes directrices sont ainsi rédigées :

[…]

29. L'insigne ne doit être utilisé que durant les activités approuvées par le SCC. Il ne doit pas être utilisé en d'autre temps.

30. L'usage non autorisé de l'insigne du SCC constitue une infraction, entre autres, aux Règles de conduite professionnelle du Service.

[…]

11 Dans le cadre de sa formation initiale, le fonctionnaire a signé un accusé de réception du Code de discipline et des Règles de conduite professionnelle (pièce E-1, onglet 2). Il a également signé une déclaration selon laquelle il a reçu les deux documents et selon laquelle il s’engage à appliquer les règles de professionnalisme et d’intégrité énoncées dans ces documents (pièce E-1, onglet 3). La déclaration mentionnait également que le SCC s’attendait à ce que les employés lisent les Règles de conduite professionnelle et se familiarisent avec celles-ci. On s’attendait à ce que les employés demandent des conseils à leurs superviseurs s’ils ont besoin d’une explication ou d’éclaircissements.

12 Un Rapport sur les renseignements de sécurité (RRS) a été dressé le 11 mars 2009 par M. Costa, l’agent de renseignements de sécurité au Pénitencier de Kingston (pièce E-1, onglet 8). M. Costa n’a pas témoigné. Le rapport n’identifiait pas les sources de ses renseignements. Donna Morrin, Sous-commissaire adjoint, Opérations institutionnelles (qui a signé la lettre de renvoi en cours de stage du fonctionnaire), a témoigné qu’elle croyait que M. Costa avait parlé au Service de police de Kingston. Le rapport mentionnait que le 26 février 2009, le fonctionnaire a été [traduction] « […] impliqué dans une interaction avec un agent en civil […] » du Service de police de Kingston. M. Costa a dressé un deuxième RRS le 14 avril 2009 au sujet d’un incident déclaré le 10 avril 2009 (pièce E-1, onglet 9). L’information contenue dans ce rapport provenait également d’une source non identifiée. Le rapport mentionnait que le fonctionnaire a été [traduction] « […] impliqué dans une interaction avec un membre du public au cours de laquelle il a fait une fausse déclaration quant à son identité et à son titre professionnel ».  

13 Une enquête a été instituée par le SCC le 22 juin 2009 (pièce E-1, onglet 7). La note initiale envoyée au fonctionnaire par Mike Greenham, Chef, Opérations correctionnelles, au Pénitencier de Kingston, indiquait que le 6 mars 2009 et le 10 avril 2009 constituaient les dates des incidents liés au comportement hors service (pièce E-1, onglet 7).

14 Le rapport d’enquête (pièce E-1, onglet 11) cernait les questions suivantes aux fins de l’enquête : 

  • La demande faite à un conducteur de se ranger sur l’accotement le 26 février 2009.

  • L’allégation selon laquelle M. Tello s’est servi de son titre et de son insigne du SCC pour faire arrêter la circulation et a faussement déclaré qu’il était policier.

  • L’information selon laquelle M. Tello aurait omis d’aviser son superviseur, avant de revenir en service, qu’il avait été accusé de conduite imprudente.

15 L’enquêteur, M. Greenham, a rencontré le fonctionnaire et son représentant du Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur ») le 2 juillet 2009. À cette réunion, le fonctionnaire s’est fait dire que la date du premier incident sous enquête était le 26 février 2009. Le fonctionnaire a rectifié la date à la réunion.

16 M. Greenham n’a interviewé personne d’autre pendant l’enquête. Il s’est appuyé sur les deux RRS relativement à l’information contenue dans ce qu’il a appelé [traduction] « la version officielle ». Il a discuté de manière informelle avec deux agents du Service de police de Kingston qui n’avaient pas été impliqués dans les deux incidents. M. Greenham m’a montré son insigne du SCC et son identification. Il a témoigné que l’insigne ne devait être utilisé que dans le cadre de leur fonction. Il a ajouté qu’en se servant de son insigne pour s’identifier, le fonctionnaire a relié le SCC aux deux incidents en litige. Il a mentionné que l’insigne pouvait être intimidant pour les membres du public. 

17 M. Greenham a écrit dans son rapport qu’il s’était fié aux RRS dans son enquête. Il a témoigné qu’il ne s’était pas fondé sur les rapports de police qui ont été acheminés par l’inspecteur Brian Fleming, du Service de police de Kingston, à M. Greenham le 19 juin 2009 (pièce E-1, onglet 11, annexe D). M. Greenham a envoyé un courriel au Service de police de Kingston le 22 juin 2009, dans lequel il disait qu’il faisait une enquête sur le fonctionnaire qui [traduction] « […] pourrait mener à un licenciement […] » et dans lequel il demandait une autorisation de divulgation conformément à la politique sur la divulgation (pièce E-1, onglet 11, annexe D) du Service de police de Kingston. Un responsable du Service de police de Kingston a répondu le 9 juillet 2009 que la police ne pouvait pas divulguer les rapports à des « fins liées aux ressources humaines » (pièce E-1, onglet 11, annexe D). La première divulgation des rapports a été faite aux fins d’application de la loi. Leur utilisation à des fins disciplinaires n’était pas considérée par le Service de police de Kingston comme une utilisation compatible de l’information.  

1. L’incident du 27 février 2009

18 Le premier RRS renfermait la version des faits suivante (pièce E-1, onglet 8) :

[Traduction]

[…]

La source de l’information établit que le 26 février 2009, l’agent Robert TELLO, agent correctionnel au Pénitencier de Kingston, a été impliqué dans une interaction avec un agent en civil. […]

Le policier exécutait ses fonctions et conduisait une voiture de police banalisée. L’information révèle qu’une berline de couleur argent munie de phares blancs clignotants à sa vitre avant […] s’est rendue derrière l’agent. Le policier s’est rangé sur le côté de la route. Il a observé un conducteur de sexe masculin et une jeune enfant dans le siège du passager.

Le policier est sorti de son véhicule et s’est identifié comme policier à M. TELLO, le conducteur du véhicule. M. TELLO et l’agent ont engagé la conversation. M. TELLO s’est identifié comme agent correctionnel à l’agent en civil et a montré son insigne d’agent du SCC pour s’identifier.

Lorsqu’il s’est fait questionner au sujet des lumières clignotantes, M. TELLO a déclaré qu’il était bénévole à la Police de Kingston.

M. TELLO s’est fait questionner parce qu’il a fait arrêter des véhicules et au sujet de son manque d’autorité pour le faire.

[…]

19 Le gendarme Murdock a témoigné au sujet des événements du 27 février 2009. À cette date, il était au volant, en civil, pour effectuer la surveillance d’un véhicule. Il a témoigné qu’il conduisait plus rapidement que la limite de vitesse affichée et qu’il se faufilait à travers la circulation. Alors qu’il conduisait, il a vu les feux clignotants d’un véhicule se trouvant derrière lui. Les feux étaient blancs et ambres. Le gendarme Murdock s’est rangé sur l’accotement, est sorti et s’est approché de la voiture. Le fonctionnaire est sorti du véhicule et est demeuré debout à côté de la partie avant de son véhicule. Le gendarme Murdock a témoigné qu’une jeune fille âgée d’environ 10 ans était assise sur la banquette avant, du côté du passager. Le gendarme Murdock s’est identifié. Il a ensuite demandé au fonctionnaire son nom et le motif pour lequel il lui a demandé de se ranger. Il a témoigné que le fonctionnaire lui a montré son insigne du SCC et lui a demandé ce qui se passait. Le gendarme Murdock a témoigné qu’il n’avait pas demandé au fonctionnaire de s’identifier. Le fonctionnaire lui avait également dit qu’il était bénévole au Service de police de Kingston. Le gendarme Murdock a témoigné qu’il avait dit au fonctionnaire qu’il n’avait pas le droit de lui demander de se ranger sur l’accotement et qu’il soumettrait l’incident aux supérieurs hiérarchiques du fonctionnaire. Après avoir noté le numéro de plaque d’immatriculation du fonctionnaire, il est retourné à son activité de surveillance.

20 Une fois revenu au poste de police, le gendarme Murdock a vérifié le numéro de plaque d’immatriculation et a alors confirmé que le fonctionnaire était un bénévole au Service de police de Kingston. Il a parlé à son propre superviseur, puis a rédigé un rapport concernant l’incident. Il a témoigné qu’à son avis, le comportement du fonctionnaire était inhabituel. 

21 Le gendarme Murdock ne participait pas activement au programme de bénévolat et n’était pas certain du rôle d’un bénévole. Il a témoigné que les voitures utilisées par les bénévoles sont blanches et sont clairement identifiées à l’aide de l’inscription [traduction] « bénévole ». À sa connaissance, les bénévoles n’utilisent pas leurs véhicules personnels pendant qu’ils sont en service. Il a témoigné que les bénévoles ne sont définitivement pas autorisés à utiliser des feux clignotants.

22 En contre-interrogatoire, le gendarme Murdock a déclaré qu’il n’était pas certain si l’utilisation de feux clignotants était illégale et a affirmé qu’il devrait vérifier le tout dans le Code de la route, L.R.O. 1990, ch. H.8. Le gendarme Murdock a dit qu’instinctivement il croyait que les feux étaient utilisés illégalement.     

23 Le fonctionnaire a témoigné que le 27 février 2009, il n’était pas en service et conduisait avec un ami âgé de 39 ans. Il a remarqué une voiture dont la conduite était erratique et voulait le signaler à la police. Il a suivi la voiture pour noter le numéro de la plaque d’immatriculation. Lorsqu’il s’est placé derrière la voiture, celle-ci s’est placée sur l’accotement et s’est arrêtée. Le fonctionnaire est sorti de sa voiture et le conducteur de l’autre véhicule s’est approché de lui. Le conducteur lui a demandé ce qu’il faisait et s’il faisait partie de la Police provinciale de l’Ontario (PPO). Le fonctionnaire lui a dit que ce n’était pas le cas. Le conducteur lui a alors montré son insigne du Service de police de Kingston et a demandé au fonctionnaire qui il était. Le fonctionnaire a répondu qu’il était [traduction] « seulement un agent correctionnel », et lui a montré son identification du SCC. Il a également dit au policier qu’il avait l’intention de signaler la conduite erratique. Le policier lui a dit qu’il ne devrait pas le faire, puis est retourné dans sa voiture.

24 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait des feux clignotants pour exercer son rôle de bénévole auprès du Service de police de Kingston. D’autres bénévoles et lui-même se servaient de leurs véhicules personnels pour des activités policières, et les feux devaient être utilisés à cette fin. Il avait consulté des bénévoles plus expérimentés qui avaient des feux dans leurs voitures et a appris qu’il était permis de les avoir dans son véhicule. Les feux sont contrôlés au moyen d’un bouton se trouvant sur la console centrale de la voiture. Le fonctionnaire a déclaré qu’il était impossible, de l’intérieur de la voiture, de savoir si les feux étaient allumés parce qu’ils se trouvent dans un boîtier noir. Il a affirmé que c’est certainement la passagère qui était avec lui qui avait allumé les feux. Il a remarqué qu’ils étaient allumés seulement lorsqu’il est sorti de la voiture.  

25 Le fonctionnaire a témoigné qu’il ignorait les lignes directrices sur les insignes du SCC.

26 Curtis Jackson, directeur par intérim du Pénitencier de Kingston à l’époque, a été informé de l’incident le 3 mars 2009. M. Jackson a dit qu’il ne se rappelait pas qui l’avait avisé de l’incident. M. Jackson a parlé à l’inspecteur Fleming pour confirmer l’incident. Il a ensuite rencontré le fonctionnaire le même jour. Le président local de l’agent négociateur, David Sly, a accompagné le fonctionnaire.

27 M. Jackson a affirmé qu’il ne croyait pas l’explication du fonctionnaire concernant les motifs pour lesquels il s’est servi des feux, mais il a dit que ce n’était pas une question qu’il avait [traduction] « vraiment approfondi ». Il a témoigné qu’il a dit au fonctionnaire que son comportement avait été inapproprié et qu’il avait fait preuve d’un mauvais jugement. Il lui a dit que le fait d’avoir les feux dans sa voiture, de suivre le véhicule, de le faire arrêter sur l’accotement et de s’identifier comme agent correctionnel étaient tous des gestes inappropriés. M. Jackson a témoigné qu’il avait entendu que des rumeurs à propos de cet incident circulaient au Service de police de Kingston et au Pénitencier de Kingston. Il a témoigné que l’incident pouvait avoir une incidence négative sur la réputation du SCC. 

28 Le fonctionnaire a témoigné qu’après la réunion du 3 mars 2009, il s’est rendu à sa voiture avec M. Sly et qu’ils avaient retiré les feux de la voiture ensemble. Le fonctionnaire a dit qu’il n’a fallu que quelques minutes pour les enlever.  

29 Dans un courriel envoyé à Theresa Westfall, directrice du Pénitencier de Kingston, le 3 mars 2009, M. Jackson a résumé la discussion tenue à la réunion (pièce E-1, onglet 11, annexe C). Il a écrit que le fonctionnaire a été [traduction] « […] mis en garde relativement à son comportement douteux ». Il a également écrit que le fonctionnaire s’était fait dire de se débarrasser des feux clignotants dans sa voiture et de [traduction] « […] ne pas refaire ce genre de chose ». M. Jackson a écrit qu’il avait l’impression que le fonctionnaire [traduction] « […] comprenait la gravité de l’incident et l’apparence d’abus de pouvoir qu’il donnait, etc. » M. Jackson a confirmé ces points de vue dans son témoignage. Il a témoigné qu’il donnait au fonctionnaire le [traduction] « bénéfice du doute ». Il a ajouté qu’il croyait que cette rencontre avec le fonctionnaire serait suffisante pour veiller à ce que la situation ne se reproduise pas. 

30 Le 4 mars 2009, M. Jackson a reçu une copie de la déclaration du gendarme Murdock (courriel de l’inspecteur Fleming, pièce E-1, onglet 11, annexe C). Le 6 mars 2009, M. Jackson a écrit un courriel à Mme Westfall (avec copie à Michael Jensen, directeur par intérim au Pénitencier de Kingston, et à d’autres personnes (pièce E-1, onglet 11, annexe C) dans lequel il concluait :

[Traduction]

[…]

[…] Le compte rendu de M. Tello est cohérent avec le rapport de l’incident dressé par les policiers. Par conséquent, nous avons conclu que ses gestes ne constituaient pas une inconduite professionnelle en sa qualité d’agent correctionnel. J’ai discuté avec lui des questions de mauvais jugement et de son comportement inapproprié. Il a semblé très sincère et il est clair qu’il a appris de l’incident.

[…]

31 Dans son témoignage, M. Jackson a déclaré qu’il a conclu que le fonctionnaire n’avait pas commis d’inconduite professionnelle.

2. L’incident du 10 avril 2009

32  Le deuxième RRS renfermait la version des faits suivante (pièce E-1, onglet 9) :

[Traduction]

[…]

Un membre du public conduisait un véhicule […] quand une voiture conduite par un homme s’est approchée à haute vitesse en klaxonnant. L’homme semblait agité. L’homme conduisait une Oldsmobile 2002 de couleur argentée.

Le conducteur de l’Oldsmobile s’est ensuite placé devant la voiture du membre du public et a freiné rapidement, ce qui a contraint le membre du public à prendre des mesures évasives pour éviter une collision. Le membre du public a poursuivi sa route vers sa destination. Après s’être arrêté, le conducteur de l’Oldsmobile est sorti de son véhicule et s’est approché de l’autre conducteur. Il a alors montré un insigne et s’est identifié comme policier. Lorsque son identité a été remise en question, il a affirmé qu’il était un agent fédéral.

Cet homme a été identifié comme étant Robert TELLO, CX-1 au Pénitencier de Kingston.

Le membre du public a contacté la police.

D’autres renseignements révèlent que TELLO s’était fait conseiller par la police au sujet d’une enquête criminelle possible concernant le fait de se faire passer pour un policier. Tello a également été accusé de conduite imprudente.

[…]

33 Le fonctionnaire a reçu un « procès-verbal d’infraction » pour conduite imprudente en vertu du Code de la route (pièce E-1, onglet 10). Par la suite, il s’est reconnu coupable et a acquitté une amende de 325 $.

34 Brent White est un gendarme du Service de police de Kingston. Le 10 avril 2009, il a répondu à l’appel d’une femme ayant fait une plainte en matière de conduite. Le gendarme White a témoigné que la conductrice était énervée et fâchée. Elle lui a dit qu’un homme dans une voiture argentée l’avait klaxonnée et avait fait un geste pour qu’elle se range sur l’accotement. L’homme dans la voiture argentée s’est ensuite placé devant elle et a zigzagué, l’arrêtant sur la chaussée. Il s’est arrêté devant elle, lui a mentionné en criant l’existence d’un panneau d’arrêt, puis s’est présenté comme policier et lui a montré rapidement ce qui ressemblait à un insigne. Il a continué à la ridiculiser, et elle lui a demandé une pièce d’identité. Il lui a dit qu’il était un agent fédéral.

35 Le gendarme White a témoigné qu’il croyait que la déclaration de la conductrice était digne de foi. Elle lui a dit qu’elle n’était pas intéressée à porter des accusations au criminel. Le gendarme White s’est rendu au domicile du fonctionnaire, mais ce dernier n’y était pas. Le gendarme White commençait à dresser son rapport quand le fonctionnaire s’est approché de lui. Le gendarme White a prévenu le fonctionnaire qu’il menait une enquête sur l’usurpation d’identité d’un policier et sur la conduite dangereuse. Il a informé le fonctionnaire qu’il pourrait être arrêté. Le gendarme White a dit qu’il a reconnu le fonctionnaire comme bénévole du Service de police de Kingston et a témoigné que le fonctionnaire obtenait [traduction] « […] une chance, en quelque sorte […] » parce que le gendarme White aurait pu porter des accusations au criminel d’usurpation d’identité d’un policier et de conduite dangereuse. Le gendarme White a affirmé que le fonctionnaire a reconnu être la personne qui suivait le véhicule et qui l’avait fait arrêter. Il ne se souvenait pas des mots utilisés par le fonctionnaire pour décrire son rôle dans l’événement. En contre-interrogatoire, le gendarme White ne pouvait se souvenir si le fonctionnaire avait donné sa perception des événements. En réinterrogatoire, il a témoigné qu’il n’avait pas empêché le fonctionnaire de donner sa version du récit. Le gendarme White a ensuite témoigné que le fonctionnaire lui avait seulement dit qu’il avait stoppé le véhicule.

36 Le fonctionnaire a témoigné qu’il conduisait sa fille et l’amie de celle-ci dans le voisinage et qu’un autre véhicule a brûlé un feu rouge, ce qui l’a contraint à freiner brusquement et à tourner à gauche. Il a klaxonné au même moment. La conductrice de l’autre véhicule a ralenti et le fonctionnaire a vu que les feux de freinage de son véhicule étaient allumés. Le fonctionnaire a replacé son véhicule et s’est placé près d’elle. Il a haussé les épaules et le passager de l’autre véhicule lui a présenté le majeur. Le fonctionnaire a poursuivi sa route vers sa destination initiale et a déposé l’amie de sa fille. Comme il retournait chez lui avec sa fille, il a remarqué la voiture de la conductrice qui était stationnée sur une rue secondaire. Le fonctionnaire a affirmé qu’il était inquiet, parce que l’autre conductrice l’avait presque frappé et qu’il avait deux jeunes filles avec lui dans sa voiture. Il était également préoccupé par le fait qu’elle ne s’était pas arrêtée. Lorsqu’il s’est approché de son véhicule, il lui a demandé si elle s’était rendue compte qu’elle l’avait presque frappé et qu’il avait deux jeunes filles dans sa voiture. Elle lui a dit qu’elle livrait des fleurs à des patients atteints du cancer et qu’elle n’était pas du voisinage. La conductrice a demandé au fonctionnaire s’il était un policier. Il a répondu négativement. Elle lui a ensuite demandé s’il était un agent de police de la ville, question à laquelle il a encore répondu négativement. Elle a inscrit son numéro de plaque d’immatriculation et lui a demandé s’il faisait partie de la PPO. Le fonctionnaire a encore répondu négativement. La conductrice a demandé au fonctionnaire qui il était. Le fonctionnaire a témoigné qu’il ne lui a pas dit qu’il était un agent fédéral. Il avait d’abord dit qu’il était un parent inquiet, mais elle a insisté pour savoir qui il était. Le fonctionnaire lui a dit qu’il était [traduction] « seulement un agent correctionnel » et a montré à la conductrice son identification du SCC (dont son insigne). Elle lui a dit qu’elle appellerait la police. Le fonctionnaire est alors parti.

37 Le fonctionnaire est retourné chez lui, puis a quitté presque aussitôt pour revenir environ 15 minutes plus tard. Un voisin lui a dit qu’un policier le cherchait. Le fonctionnaire avait remarqué qu’une voiture de police était stationnée à proximité et il s’est approché du gendarme White. Le gendarme White lui a demandé s’il était Robert Tello et s’il avait été impliqué dans un incident. Le gendarme White a ensuite dit au fonctionnaire ce que la conductrice lui avait rapporté. Le fonctionnaire lui a dit [traduction] « laissez-moi vous dire ce qui s’est vraiment produit ». Il a ensuite demandé au gendarme White si elle lui avait dit qu’elle avait brûlé un feu rouge et si le gendarme White porterait une accusation à son endroit. Le fonctionnaire a témoigné que le gendarme White lui avait dit qu’il ne porterait pas d’accusation parce qu’elle était bien connue dans la communauté. Le gendarme White a dit au fonctionnaire qu’il pourrait l’accuser de s’être fait passer pour un policier, mais qu’il donnerait plutôt au fonctionnaire une contravention pour conduite imprudente. Il a dit au fonctionnaire de [traduction] « régler la contravention », sinon le gendarme White l’arrêterait. Le fonctionnaire a témoigné qu’il s’était senti menacé et qu’il avait payé la contravention. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a témoigné qu’il ne s’était pas plaint au Service de police de Kingston.

3. Conclusions du SCC

38 Le SCC s’est appuyé sur les conclusions du rapport d’enquête pour étayer sa décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage. Le rapport a tiré les conclusions suivantes :

[Traduction]

[…]

a) Infraction au […] Code de discipline, article 6 e. — Conduite et apparence : M. Tello a omis d’avertir son superviseur, avant de reprendre ses fonctions, qu’il a été accusé d’une infraction criminelle ou d’une autre infraction à une loi pour conduite imprudente […] le 10 avril 2009.

b) Infraction au […] Code de discipline — Conduite et apparence, article 6 c. : Le 26 février 2009, M. Tello a agi, alors qu’il n’était pas en service, de manière à discréditer le Service en demandant à un véhicule de se ranger sur l’accotement en se servant de son insigne du SCC à des fins d’identification. Le 10 avril 2009, M. Tello a agi, alors qu’il n’était pas en service, de manière à discréditer le Service en demandant à un véhicule de se ranger sur l’accotement et s’est d’abord identifié comme policier, puis, après s’être fait poser des questions, s’est identifié comme agent fédéral, et a ensuite utilisé son insigne du SCC à des fins d’identification.

c) Infraction au […] Code de discipline — Conduite et apparence, article 6 d. : M. Tello a commis une infraction punissable par procédure sommaire en vertu d’une loi du Canada, qui peut discréditer le Service parce qu’il a été accusé de conduite imprudente.

d) Infraction au […] Code de conduite — Conflit d’intérêts, article 9 b. : M. Tello s’est servi indûment de son titre ou de ses pouvoirs pour en tirer des avantages personnels lorsqu’il a présenté son insigne du SCC à des fins d’identification à des gens de la communauté pour stopper la circulation.

e) Infraction au […] Code de discipline — Lorsqu’il a été interviewé par l’agent chargé d’enquêter sur les faits, M. Tello a fait des déclarations qui, en majorité, ne correspondaient pas avec ce que l’agent enquêteur avait confirmé comme véritable version des faits. À cet égard, la conduite de M. Tello ne reflète pas les normes de conduite auxquelles on s’attend d’un agent correctionnel. 

[…]

39 M. Jensen était le directeur par intérim du Pénitencier de Kingston quand le rapport d’enquête a été achevé. Il a convoqué une réunion avec le fonctionnaire et le représentant de son agent négociateur le 27 juillet 2009 pour étudier les conclusions du rapport et pour entendre la réponse du fonctionnaire. Un enregistrement audio de la réunion a été fait et une transcription partielle a été préparée (pièce E-1, onglet 12). L’administrateur général a fourni une copie de l’enregistrement au fonctionnaire à l’audience pour déterminer l’exactitude de la transcription. Cet enregistrement portait le numéro de pièce E-2; toutefois, aucune des deux parties n’a fait référence à l’enregistrement présenté en preuve et je n’en ai pas tenu compte dans la présente décision.

40 Le fonctionnaire a dit qu’à la suite de la réunion du 27 juillet 2009, il avait l’impression que l’accusation de conduite imprudente n’était [traduction] « pas si grave » pour M. Jensen. Le fonctionnaire a témoigné qu’il ne savait pas qu’il devait divulguer qu’il avait été accusé d’une infraction prévue au Code de la route

41 M. Jensen a conclu qu’il devrait être mis fin à l’emploi du fonctionnaire conformément à l’article 62 de la nouvelle LEFP. Toutefois, à ce moment-là, il ne possédait pas le pouvoir délégué approprié. Par conséquent, il a fait une recommandation à Mme Morrin, qui était sous-commissaire adjointe des Opérations en établissement à ce moment-là. M. Jensen a témoigné qu’il était préoccupé par le fait que le fonctionnaire avait été mis en garde par M. Jackson, mais avait continué à avoir le même comportement. M. Jensen a témoigné qu’il était d’accord avec les conclusions du rapport d’enquête. Il a également affirmé qu’il s’en remettait aux Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage du Conseil du Trésor pour en venir à cette décision. En contre-interrogatoire, il s’est fait demander si les contraventions données en vertu du Code de la route lui ont été signalées. Il a affirmé qu’il n’avait pas entendu dire que ces contraventions avaient été signalées par des employés avant le cas du fonctionnaire.

42 Mme Morrin a dit qu’elle avait été informée de la recommandation de M. Jensen de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire et qu’elle y souscrivait. Elle a lu le rapport d’enquête et convenait de ses conclusions. En contre-interrogatoire, Mme Morrin a mentionné qu’elle avait initialement remis en question la conclusion selon laquelle le fonctionnaire avait enfreint le Code de discipline parce que sa version des événements était contredite par la [traduction] « version officielle ». Elle a dit qu’une fois que la conclusion lui a été expliquée, elle l’a appuyée. Elle a témoigné que le recours, par le fonctionnaire, à son insigne du SCC était particulièrement préoccupant. Elle a également témoigné que le fonctionnaire n’était plus apte à être employé parce qu’après avoir été informé du caractère inapproprié de son comportement, il l’a répété. Mme Morrin a déclaré qu’elle ne croyait pas qu’il ne se servirait pas de son autorité de manière inappropriée dans le futur.

43 M. Jensen a rencontré le fonctionnaire et le représentant de son agent négociateur à la réunion du 29 juillet 2009 pour lui présenter sa lettre de renvoi en cours de stage. Il a déclaré que ni le fonctionnaire ni son représentant n’ont relevé l’erreur dans la date du premier incident.

44 Matthew Daigneault est un agent des griefs au service de l’agent négociateur. Il a déclaré qu’il avait été agent correctionnel pendant quatre ans et demie et qu’il n’avait pas eu connaissance que les employés étaient tenus de déclarer les contraventions reçues en vertu du Code de la route. Il a également témoigné qu’il avait été informé seulement à cette audience des lignes directrices sur l’utilisation de l’insigne du SCC. M. Sly a témoigné qu’au cours de ses 10 ans au Pénitencier de Kingston, il n’y avait jamais eu comme pratique de déclarer les infractions à la circulation. Bon nombre des employés du Pénitencier de Kingston ont commis des infractions à la circulation et aucun ne croyait qu’il était tenu de déclarer ces contraventions. M. Sly a également témoigné qu’il ignorait l’existence des lignes directrices sur les insignes du SCC.

45 Le fonctionnaire a témoigné que la cessation de son emploi avait été difficile financièrement, émotivement et physiquement. Il a produit des déclarations signées de professionnels de la santé à l’appui de ses allégations à cet égard. Le fonctionnaire a témoigné qu’il lui était difficile de trouver du travail parce que les employeurs voulaient savoir pourquoi il avait quitté son emploi précédent.

46 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s’est fait demander s’il avait eu des [traduction] « problèmes personnels » avec l’un ou l’autre des témoins de l’administrateur général au cours de son emploi. Il a répondu que non.            

B. Résumé de l’argumentation

47 Les parties ont présenté des arguments de vive voix à l’audience. À la fin des arguments, j’ai demandé que d’autres arguments soient présentés par écrit sur un point qui n’avait pas été soulevé par les parties. J’ai d’abord résumé les arguments présentés de vive voix, puis les arguments sur la question de compétence additionnelle.

1. Pour l’administrateur général

48 L’administrateur général a fait valoir qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre un grief à l’encontre d’un renvoi en cours de stage en vertu des articles 209 et 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Il est clair que le fonctionnaire était en stage lorsqu’il a été licencié. Un administrateur général doit bénéficier d’une certaine souplesse lorsqu’il examine si un employé en stage est apte à l’emploi : voir Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529; Kagimbi c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 67.

49 L’administrateur général a soutenu que le défaut de compétence ne signifiait pas qu’un employé renvoyé en cours de stage n’avait pas de recours. Après le dernier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employé peut présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale conformément à la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.  

50 Le Code de discipline a force de loi. Par conséquent, un employé du SCC qui est lié par les normes de conduite établies peut être licencié pour un motif valable ou renvoyé en cours de stage en raison de sa conduite hors service. On m’a renvoyé à Canada (Procureur général) c. Tobin, 2008 CF 740; Dionne c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel du Canada), 2003 CRTFP 69; Simoneau c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 57.

51 L’administrateur général n’a pas à établir que la mesure prise était appropriée dans les circonstances ou qu’il existait un motif valable de renvoi d’un employé en cours de stage : voir Leonarduzzi, au paragraphe 37; Kagimbi, au paragraphe 63; Rousseau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 91, au paragraphe 95; Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2009 CRTFP 175, au paragraphe 37. L’administrateur général doit simplement produire des éléments de preuve établissant minimalement que le renvoi en cours de stage se fondait sur un motif lié à l’emploi, et rien d’autre. En d’autres termes, l’administrateur général doit prouver qu’il a choisi le renvoi en cours de stage parce qu’il a été établi que l’employé n’était pas apte à occuper le poste en raison de son rendement ou de son comportement : voir Penner, au paragraphe 18; Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2007 CF 389, au paragraphe 51; Leonarduzzi, au paragraphe 45; Kagimbi, au paragraphe 63; Rousseau, aux paragraphes 95 et 96. L’administrateur général doit seulement soumettre un motif lié à l’emploi; voir Maqsood, au paragraphe 37.

52 L’administrateur général a fait valoir qu’il avait établi qu’il avait renvoyé le fonctionnaire en cours de stage pour les motifs liés à l’emploi qui suivent :

  • Il a commis une infraction punissable par procédure sommaire en vertu d’une loi provinciale, ce qui peut discréditer le Service (alinéa 6d) du Code de discipline et Règle 2 des Règles de conduite professionnelle).

  • Il a omis d’informer son superviseur, avant de reprendre ses fonctions, qu’il avait été accusé d’une infraction à une loi (alinéa 6e) du Code de discipline et Règle 2 des Règles de conduite professionnelle).

  • À deux reprises (soit le 27 février et le 10 avril 2009), il a agi de manière à discréditer le SCC et s’est servi indûment de son titre et de son autorité pour en tirer des avantages ou des gains personnels en demandant à un véhicule de se ranger sur l’accotement et en utilisant son insigne du SCC pour s’identifier (alinéa 6c) du Code de discipline, Règle 2 des Règles de conduite professionnelle, et articles 29 et 30 des lignes directrices sur les insignes du SCC).

53 Le fonctionnaire a été accusé de conduite imprudente, accusation à laquelle il a plaidé coupable. Son explication selon laquelle il s’est senti menacé par le gendarme White n’était pas crédible. Le gendarme White ne se souvenait pas que le fonctionnaire ait contesté la contravention. Quoi qu’il en soit, le fonctionnaire ne peut plus contester l’accusation de conduite imprudente, car il a accepté la contravention et ne l’a pas contestée. On m’a cité Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63.

54 Le fonctionnaire a accusé réception d’une copie du Code de discipline, qui renfermait l’exigence d’informer son superviseur d’une infraction à la loi. Le fonctionnaire connaissait ou aurait dû connaître cette exigence de rapport. Le fait que les autres employés l’ignoraient n’est pas pertinent, tout comme le fait que d’autres employés n’ont pas fait rapport d’infractions visées par le Code de la route. Le fonctionnaire aurait pu demander à son superviseur des conseils sur les dispositions du Code de discipline. Il est très important que ces infractions soient déclarées, en particulier en ce qui concerne la conduite imprudente. Les employés pourraient devoir conduire des véhicules dans le cadre de leur travail, et la conduite imprudente est l’infraction la plus grave du Code de la route.

55 L’usage indû de l’insigne du SCC constituait la préoccupation principale de M. Jensen et de Mme Morrin. Le fonctionnaire a utilisé son insigne en deux occasions : le 27 février et le 10 avril 2009.

56 En ce qui concerne l’incident du 27 février 2009, l’administrateur général a fait valoir que la version fournie par le gendarme Murdock était la plus crédible. Il est clair que le gendarme Murdock s’est arrêté seulement parce que les feux dans la voiture du fonctionnaire clignotaient. Qu’ils aient été mis en fonction par le fonctionnaire ou par son passager n’est pas pertinent. C’est la voiture du fonctionnaire, et il aurait dû en avoir la maîtrise. Le fonctionnaire a reconnu qu’il n’avait pas le droit de faire immobiliser des gens sur l’accotement et de les arrêter. Il a montré au gendarme Murdock son insigne du SCC même si le gendarme Murdock n’avait pas demandé de le voir. Il utilisait son insigne du SCC pour obtenir un avantage dans le cadre de la situation. Bien qu’il n’existe pas de preuve directe de son intention, les circonstances établissent clairement qu’il avait pour but d’obtenir un avantage. L’arbitre de grief dans Simoneau a tiré une conclusion similaire (au paragraphe 50). En se servant de son insigne du SCC pour s’identifier, il a jeté le discrédit sur le SCC, contrevenant ainsi au Code de discipline. Le SCC était justifié de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire uniquement pour cet incident.

57 Quelques semaines après le 27 février 2009, le fonctionnaire a été impliqué dans une altercation avec un membre du public, au cours de laquelle il s’est de nouveau servi de son insigne du SCC pour s’identifier alors qu’il n’était pas de service. D’après les faits non contredits, il a pris l’initiative de se stationner derrière la conductrice et d’engager la conversation avec elle. Il s’est approché, à pied, de la fenêtre de son véhicule, comme un policier. En réaction aux questions répétées de la conductrice visant à déterminer si le fonctionnaire était un policier, il lui a dit qu’il était un agent correctionnel et lui a montré son insigne du SCC. Il est clair que la conductrice croyait que le fonctionnaire était lié aux services de police. Un insigne du SCC ressemble à un insigne de police.

58 L’administrateur général a déclaré que l’on pouvait difficilement comprendre pourquoi quelqu’un appellerait la police si la version des faits donnée par le fonctionnaire était véridique. La seule raison pour laquelle la conductrice aurait pu appeler la police était qu’elle était d’avis que le fonctionnaire se servait indûment de son poste d’autorité. En outre, si le fonctionnaire n’avait rien fait de mal, sa décision de partir après que la conductrice l’a informé qu’elle appellerait la police était étrange. Il s’agissait d’une occasion idéale pour lui de donner sa version des faits.

59 Le SCC doit se préoccuper particulièrement des employés qui se servent de leur autorité d’agent correctionnel auprès des membres du public. Le fonctionnaire était formé et savait ou aurait dû savoir qu’il était inapproprié d’utiliser son identification du SCC alors qu’il n’était pas de service. C’est particulièrement vrai dans le présent cas, car il a interrogé un membre du public comme s’il était un policier. Il avait également été prévenu par M. Jackson que ce comportement était inacceptable.       

60 L’administrateur général a fait valoir que la preuve établit clairement que le fonctionnaire a été renvoyé pour aucun autre motif que celui lié à l’emploi. De fait, l’administrateur général est allé au-delà de son fardeau de la preuve et a établi que la mesure prise était raisonnable.

61 Le fonctionnaire a le fardeau de prouver que le renvoi en cours de stage a été fait de mauvaise foi et qu’il n’était pas lié à son emploi. Il devait établir qu’il s’agissait d’un subterfuge ou d’un camouflage : voir Penner, au paragraphe 17; Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi (1997), 127 F.T.R. 60 (1re inst.), au paragraphe 17. Il est difficile de s’acquitter du fardeau, comme l’illustrent Kagimbi, au paragraphe 64, et Maqsood, au paragraphe 38. Le fonctionnaire n’a produit absolument aucune preuve de mauvaise foi, de subterfuge ou de camouflage. Il n’y avait pas de liens personnels ou de problèmes personnels entre le fonctionnaire et les personnes impliquées dans cette affaire, et rien n’établissait l’existence de motifs déguisés de la part de l’administrateur général.

62 La Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée ne s’applique pas à ce grief parce qu’un arbitre de grief dans cette affaire n’a pas compétence en vertu de cette loi, et que la loi ne traite pas de la recevabilité de la preuve soumise à un arbitre de grief.

63 Les documents médicaux produits par le fonctionnaire ne sont pas pertinents à la question de compétence devant l’arbitre de grief. De plus, les auteurs des documents n’ont pas témoigné; il ne convient donc pas de s’appuyer sur le contenu de ces documents.

64 L’erreur dans la date du premier incident contenue dans la lettre de renvoi en cours de stage était malheureuse, mais non déterminante. La preuve établissait clairement qu’il n’y avait aucune confusion au sujet des événements en question.

65 La décision rendue dans Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL), confirme qu’il s’agit d’une audience de novo et qu’ainsi toutes les lacunes du processus d’enquête sont corrigées.

2. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

66 Le fonctionnaire a fait valoir que l’administrateur général n’a pas présenté de motif de renvoi en cours de stage lié à l’emploi. Subsidiairement, il a soutenu que l’administrateur général a agi de mauvaise foi.

67 Le fonctionnaire a soutenu que le SCC faisait valoir dans la lettre de renvoi que le premier incident était survenu le 26 février 2009. Il ne s’est rien produit ce jour-là. En fait, la déclaration du fonctionnaire selon laquelle les événements se sont produits le 27 février était considérée par l’enquêteur comme l’une des incohérences dans le compte rendu du fonctionnaire. Deux jours avant de recevoir la lettre de renvoi en cours de stage, le fonctionnaire a dit à M. Jensen que la date était erronée. Toutefois, le SCC a maintenu que l’incident s’était produit le 26 février. Ce n’était pas simplement une [traduction] « coquille ». La date importait peu au SCC. L’administrateur général devrait s’en tenir rigoureusement aux motifs allégués dans sa lettre, et peut modifier ces motifs seulement en cas d’erreur de bonne foi, ce qui n’était pas le cas. L’administrateur général n’a pas demandé de modifier la lettre, et il est légalement lié par la date qu’il a choisie.

68 Subsidiairement, le fonctionnaire a soutenu que le SCC ne pouvait faire valoir l’incident du 27 février 2009 parce qu’il avait déjà conclu qu’il n’y avait pas de violation du Code de discipline. M. Jackson a conclu dans un courriel à Mme Westfall et à d’autres personnes daté du 6 mars 2009 qu’il n’y avait pas eu d’inconduite professionnelle de la part du fonctionnaire. Dans la lettre de renvoi du fonctionnaire en cours de stage et au cours de la présente audience, le SCC a déclaré que son comportement constituait une violation du Code de discipline. Après avoir conclu qu’il n’y avait pas d’infraction, le SCC ne peut pas changer d’avis. C’est une preuve de mauvaise foi de la part du SCC.

69 Subsidiairement, le fonctionnaire a soutenu que son comportement du 27 février 2009 n’était pas de l’inconduite. Il a témoigné qu’il avait l’obligation expresse de faire rapport de la conduite erratique. Rien ne prouvait qu’il veuille obtenir un avantage dans sa rencontre avec le gendarme Murdock, et il n’existe aucune preuve d’intention malveillante. Le fonctionnaire a déclaré qu’il croyait que les feux dans sa voiture étaient légaux, et le gendarme Murdock a affirmé qu’il ne savait pas s’ils étaient légaux. Le fonctionnaire n’avait pas l’intention de demander au gendarme Murdock de s’arrêter; il voulait seulement obtenir son numéro de plaque d’immatriculation pour pouvoir faire rapport.

70 Le SCC ne s’est pas appuyé sur le rapport de police, mais plutôt sur un rapport de M. Costa, qui n’avait aucune connaissance personnelle de l’incident, n’avait pas évalué la fiabilité de sa source et n’avait pas dit si la source avait une connaissance personnelle de l’incident. Le SCC a dit qu’il ne s’était pas fié au rapport de police, mais qu’il l’avait en sa possession. Le SCC ne devrait pas être autorisé à recevoir le rapport de police.

71 La tenue de l’enquête par M. Greenham illustre la mauvaise foi de la part du SCC. M. Greenham n’était pas intéressé sérieusement à entendre la version des faits du fonctionnaire.

72 Un certain nombre de témoins ne connaissaient pas les lignes directrices sur l’utilisation des insignes. Si des employés ayant de l’ancienneté ne connaissent pas des lignes directrices, un nouvel employé ne peut être blâmé d’en ignorer l’existence. Il n’existe aucune preuve que M. Jackson a parlé au fonctionnaire des lignes directrices à leur réunion à propos de l’incident du 27 février 2009.

73 En ce qui concerne l’incident du 10 avril 2009, le SCC s’appuie sur de la preuve par ouï-dire (témoignage du gendarme White sur ce que la conductrice lui a dit). À l’opposé, le fonctionnaire a fourni une preuve directe des événements. La preuve directe est préférée à la preuve par ouï-dire. La règle de la meilleure preuve s’applique toujours, et l’administrateur général n’a pas expliqué pourquoi il n’a pas pu obtenir de preuve directe de la part de la conductrice. Le fonctionnaire n’a pas pu vérifier la crédibilité de son compte rendu en contre-interrogatoire.

74 Le témoignage du gendarme White n’était pas crédible. Le fonctionnaire a déclaré qu’il s’était senti intimidé par le gendarme White. La conductrice a dit au gendarme White qu’elle ne voulait pas porter d’accusations au criminel; néanmoins, le gendarme White a dit au fonctionnaire qu’il menait une enquête criminelle. Le gendarme White a mis en garde le fonctionnaire au sujet d’une contestation éventuelle de l’accusation de conduite imprudente et lui a dit qu’il serait arrêté et accusé s’il contestait la contravention. La version des faits du fonctionnaire était crédible, et le fait qu’il ait reconnu avoir montré à la conductrice son insigne donne une bonne indication de son intégrité. Il n’y avait pas de preuve directe de sa conduite imprudente. En fait, il n’a pas conduit imprudemment. Il a payé la contravention seulement parce qu’il se sentait menacé.

75 La politique du SCC selon laquelle les agents correctionnels doivent signaler les infractions au Code de la route n’était pas connue des employés. M. Sly et M. Daigneault ignoraient l’existence de la politique. M. Jensen a déclaré qu’il ne connaissait pas la politique avant la cause du fonctionnaire. L’enregistrement audio de la réunion avec M. Jensen est une preuve concluante sur les rapports concernant les infractions à la circulation. L’interprétation faite par l’administrateur général de la politique est abusive et de mauvaise foi parce que la norme n’a été appliquée à personne d’autre.

76 Le fonctionnaire a reconnu avoir montré son insigne du SCC à des fins d’identification. Ses motifs semblent légitimes. Il ignorait les lignes directrices en ce qui a trait à l’insigne, qui sont généralement inconnues. Le fonctionnaire a indiqué pourquoi il a montré l’insigne. Il a fait valoir que c’était la meilleure preuve disponible de son intention. Il n’a pas tenté de se faire passer pour un policier. Il a été statué que l’utilisation de son insigne au cours de l’incident du 27 février 2009 n’était pas une inconduite professionnelle. Le fonctionnaire a souligné le fait qu’il a utilisé son insigne au cours du second incident. Ce seul motif constitue un subterfuge.

77 M. Greenham prétend qu’il n’a pas utilisé le rapport de police dans son enquête et qu’il n’a pas parlé au gendarme White. Toutefois, sans bénéficier d’aucun de ces renseignements, le SCC a décidé de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage. C’est de la mauvaise foi. Le fonctionnaire s’est vu refuser la possibilité de répondre aux allégations formulées contre lui. La décision Tipple ne s’applique pas parce que la conduite du SCC au moment du renvoi en cours de stage détermine s’il y a de la mauvaise foi. Le fait que l’enquête reposait sur une mince preuve par ouï-dire établit encore davantage la mauvaise foi. L’enquête était une parodie de la justice. Le fait que le SCC a fondé sa décision sur de l’information qu’il n’était pas autorisé à utiliser (les rapports de police) constitue également une preuve de mauvaise foi.

78 Le fonctionnaire a soutenu que je devrais accueillir le grief. Il a également demandé d’être réintégré et d’être dédommagé pour l’ensemble des pertes de salaire et d’avantages sociaux, y compris les possibilités d’heures supplémentaires perdues. Il a également demandé 25 000 $ pour préjudices physiques et émotifs subis en conséquence des gestes du SCC. Les rapports médicaux présentés appuient ses prétentions de souffrance morale. La présentation de dossiers médicaux représente une exception à la règle du ouï-dire, et un arbitre de grief devrait simplement décider quelle valeur probante y accorder. À l’appui de la demande de dommages-intérêts, on m’a cité Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39.

79 La décision Simoneau porte sur une situation tout à fait différente de celle du fonctionnaire. Dans cette affaire, le fonctionnaire s’était nettement servi de son statut d’agent correctionnel pour obtenir un traitement clément. 

80 La décision Toronto (Ville) portait sur une infraction criminelle. Cette affaire porte sur une contravention pour une infraction aux règles de la circulation qui ne s’est pas rendue devant le tribunal. Ce serait un déni de justice si le témoignage du fonctionnaire sur cette question n’était pas accepté. On m’a cité Ontario Nurses’ Association v. Extendicare (Canada) Inc. (Kirkland Lake) (2007), 159 L.A.C. (4e) 30.

81 L’administrateur général a déclaré que le gendarme White n’avait aucun intérêt personnel dans cette affaire. Sa réputation serait sérieusement entachée si la version des faits du fonctionnaire se révélait véridique. Le gendarme White pourrait faire l’objet d’accusations pour ses gestes, ce qui lui donne une solide motivation pour façonner son histoire. L’administrateur général a déclaré que si le fonctionnaire s’était senti menacé, il aurait pu appeler la police. L’administrateur général a convenu que la police était en position d’autorité. Si c’est le cas, cela expliquerait que le gendarme White s’est servi de son pouvoir à l’endroit du fonctionnaire. Personne n’a présenté de preuve établissant que la conductrice croyait que le fonctionnaire était un policier. Le fonctionnaire a cherché le gendarme White lorsqu’il a appris que ce dernier le cherchait.

82 On m’a mentionné Dalen c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 73, comme exemple de conduite hors service qui n’était pas liée à l’emploi.

3. Réfutation de l’administrateur général

83 L’administrateur général a fait valoir que l’erreur dans la date du premier incident n’a jamais été soulevée par le fonctionnaire à aucun niveau de la procédure de règlement des griefs. Il était clair que le rapport et la lettre renvoyaient au même incident. Subsidiairement, l’administrateur général a demandé que je modifie la lettre.

84 Quand M. Jackson a témoigné, il a affirmé qu’il ne croyait pas le récit du fonctionnaire au sujet des feux clignotants, mais qu’il a décidé de ne pas aller plus loin et de ne pas prendre de mesure disciplinaire à son égard. Aucune preuve n’a été produite pour établir que M. Jackson a dit au fonctionnaire à la réunion du 3 mars 2009 qu’il n’y a eu ni inconduite ni violation du Code de discipline. En ce qui concerne le courriel rédigé ultérieurement par M. Jackson, le fonctionnaire n’en a pas reçu copie, ce qui fait qu’il ne peut affirmer qu’il était clair qu’il n’y avait pas d’inconduite. Tout ce qui est clair, c’est que le SCC a décidé de ne pas prendre de mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire. Il existe un lien net entre les événements du 27 février et ceux du 10 avril 2009. La décision de ne pas prendre de mesure disciplinaire ne fait pas pour ainsi dire table rase en ce qui concerne le dossier du fonctionnaire. Le vocabulaire utilisé par M. Jackson représentait un choix malheureux. M. Jackson n’était plus au Pénitencier de Kingston et n’avait plus d’autorité sur le fonctionnaire. M. Jackson n’est pas le décideur, et M. Jensen et Mme Morrin ne sont pas liés par son avis.

85 Dans le Code de discipline, il n’est nullement fait mention de l’intention quant au défaut de signaler une infraction à un superviseur. L’administrateur général n’a pas à prouver une intention, il doit seulement établir l’existence d’un motif lié à l’emploi. L’administrateur général n’était pas d’accord pour affirmer qu’il n’existait pas de preuve que le fonctionnaire s’était servi de son insigne à des fins de gains personnels. L’administrateur général ne peut pas fournir de preuve directe d’une intention. La preuve sera toujours circonstancielle. Les circonstances révèlent que le fonctionnaire s’est servi de l’insigne pour en tirer des gains personnels. Le Code de discipline ne traite pas de l’intention, et il n’est pas nécessaire de prouver l’intention de réaliser des gains personnels.

86 Le SCC ne s’est pas servi des rapports de police pour faire enquête. Aucune preuve n’a été produite voulant que le SCC ait reçu illégalement les rapports de police. Après mon interrogatoire, l’avocate de l’administrateur général a reconnu que le SCC avait reçu les rapports de police, mais qu’il ne s’en était pas servi.

87 M. Greenham a utilisé l’information obtenue du fonctionnaire pour décrire les événements, et le rapport d’enquête n’était pas unilatéral. Quoi qu’il en soit, M. Greenham n’est pas le décideur.

88 Le fonctionnaire a laissé entendre dans son argumentation que l’enregistrement audio de la réunion du 27 juillet 2009 établissait la mauvaise foi du SCC. Le fonctionnaire n’a pas fait entendre l’enregistrement à l’audience, et il n’y a pas eu d’occasion d’interroger M. Jensen sur ce qu’il a dit dans l’enregistrement.

89 L’administrateur général a fourni le meilleur témoignage possible sur le deuxième incident par l’intermédiaire du gendarme White. L’administrateur général a appris le nom de la conductrice seulement à cette audience. Le Service de police de Kingston ne peut divulguer de renseignements personnels en vertu de la loi provinciale sur la protection des renseignements personnels. Par conséquent, la preuve par ouï-dire du gendarme White est la meilleure preuve disponible.

90 Le gendarme White contredisait clairement l’affirmation du fonctionnaire selon laquelle celui-ci avait été menacé. Un policier peut poursuivre une enquête criminelle même si une victime ne souhaite pas porter d’accusations. Le gendarme White a témoigné que le fonctionnaire n’avait pas contesté les faits qui lui ont été communiqués. Le gendarme White aurait évité de témoigner s’il avait eu quelque chose à cacher. En réponse à ma question, l’avocate de l’administrateur général a reconnu que le gendarme White a été assigné à témoigner.

91 La décision Ontario Nurses’ Association, sur laquelle s’appuie le fonctionnaire, repose sur un ensemble de faits très différent. En l’espèce, le fonctionnaire a plaidé coupable. Ce fait ne peut être révisé.

92 Aucune preuve n’a été produite pour établir que le SCC savait que des employés ne rapportaient pas des infractions à la circulation et que leur infraction à la politique était tolérée par le SCC. M. Jensen parlait seulement de sa connaissance immédiate de son propre groupe.

93 L’administrateur général a été étonné d’une réclamation en dommages-intérêts dans une affaire qui porte sur la compétence. Les auteurs des rapports médicaux présentés n’ont pas été soumis à un contre-interrogatoire. Les rapports médicaux ne sont pas concluants. La décision Honda Canada Inc. portait sur un ensemble de faits très différent. Les dommages-intérêts sont clairement inappropriés. 

III. Autres arguments

94 À la fin de l’audience, j’ai demandé d’autres arguments écrits sur la question suivante :

[Traduction]

Le changement apporté au libellé de la disposition législative de la [nouvelle] LEFP sur le renvoi des employés en cours de stage a-t-il un impact sur la jurisprudence établie qui porte sur la compétence d’un arbitre de grief sur le renvoi en cours de stage? Plus particulièrement, le retrait du passage « renvoyer [l’employé] […] pour un motif déterminé » (contenu dans l’ancien paragraphe 28(2)) et son remplacement par « aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi » (dans le nouveau paragraphe 62(1)) modifie-t-il le critère de détermination de la compétence?

L’administrateur général a répondu que le libellé de la nouvelle LEFP n’avait pas d’effet sur la jurisprudence actuelle sur le renvoi en cours de stage, et le fonctionnaire était d’accord.

IV. Motifs

95 La jurisprudence d’un arbitre de grief sur le renvoi en cours de stage a été bien établie par les tribunaux fédéraux et dans des décisions rendues en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), L.R.C. (1985), ch. P-35. En 2005, la disposition régissant le renvoi en cours de stage dans l’ancienne LEFP a été abrogée et remplacée par une nouvelle dans la nouvelle LEFP. Les parties ont fait valoir que la modification à cette disposition n’a eu aucun effet sur la compétence d’un arbitre de grief sur les griefs en matière de renvoi en cours de stage. Comme il s’agit d’une question de compétence, l’entente des parties n’est pas déterminante; je dois établir si la modification du libellé de la loi a eu un impact sur ma compétence. Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que le changement apporté à la nouvelle LEFP n’a pas modifié considérablement la substance de l’approche que doit adopter un arbitre de grief lorsqu’il détermine s’il a compétence sur le licenciement d’un employé en stage. 

A. Compétence et changements apportés à la nouvelle LEFP

96 Jusqu’à l’abrogation de l’ancienne LEFP en 2005, la disposition sur le renvoi en cours de stage de cette Loi se lisait comme suit :

28. (2) À tout moment au cours du stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de le renvoyer, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis fixé par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de cette période.

En 2005, cette disposition de l’ancienne LEFP sur les employés en stage a été abrogée et remplacée par la disposition suivante de la nouvelle LEFP :

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

La différence importante entre les deux dispositions est le retrait du passage « pour un motif déterminé ». L’administrateur général doit toujours prendre une mesure pour licencier un employé avant la fin de sa période de stage, même si le verbe « renvoyer » ne fait plus partie de la disposition.

97 Les dispositions pertinentes qui portent sur la compétence d’un arbitre de grief n’ont pas beaucoup changé, et la LRTFP prévoit actuellement ce qui suit :

[…]

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique; […]

[…]

98 La Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), L.R.C. (1985), ch. F-11, quant à elle, énonce le pouvoir d’un administrateur général en matière de licenciements autres que les licenciements effectués en vertu de la nouvelle LEFP :

12.  (1) […] chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

[…]

c) établir des normes de discipline et prescrire des mesures disciplinaires, y compris le licenciement […]

d) prévoir le licenciement […] de toute personne employée dans la fonction publique dans les cas où il est d’avis que son rendement est insuffisant;

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement […] d’une personne employée dans la fonction publique;

[…]

(3) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation découlant de l’application des alinéas (1)c), d) ou e) ou (2)c) ou d) doivent être motivés.

99 La jurisprudence sur le renvoi en cours de stage (antérieure à 2005) est bien connue. Tel qu’il est énoncé comme suit dans Penner,aux pages 440-441 :

[…]

…un arbitre de grief saisi d’un grief déposé par un employé renvoyé en cours de stage a le droit d’examiner les circonstances de l’affaire pour s’assurer qu’elle soit réellement ce qu’elle semble être. Cet examen serait effectué en application du principe selon lequel la forme ne devrait pas l’emporter sur le fond. L’on ne peut tolérer que, par l’effet d’un camouflage, une personne soit privée de la protection que lui accorde une loi. En fait, la question qui entre alors en jeu est celle de la bonne foi, l’exigence légale qui est la plus fondamentale lorsqu’il s’agit de défendre la validité juridique de toute forme d’activité […]

[…] un arbitre […] est sans compétence à l’égard d’un renvoi en cours de stage lorsque la preuve présentée le convainc que les représentants de l’employeur ont agi de bonne foi au motif qu’ils ne considéraient pas que l’employé possédait les aptitudes requises pour occuper le poste visé. […]

[…]

100 Dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada traitait du cas du renvoi d’un titulaire de charge publique. Dans cette cause, l’employé n’était pas syndiqué. La Cour a statué que le droit applicable qui régissait les renvois était le droit des contrats, et non les principes généraux découlant du droit public :

[…]

[103] […] Si la Couronne se confond avec tout employeur du secteur privé lorsqu’elle engage ses employés, il devrait donc en être de même lorsqu’elle les congédie.

[…]

[105] De plus […] lorsque l’employeur du secteur public agit de mauvaise foi ou de manière inéquitable, le droit privé offre un type de recours plus approprié, et il n’y a pas lieu de le traiter différemment de l’employeur du secteur privé qui agit de même.

[…]

101 Tel qu’il est mentionné par la Cour suprême du Canada dans Wallace c. United Grain Growers Ltd., [1997] 3 R.C.S. 701 (au paragraphe 94), le travail est l’une des caractéristiques déterminantes de la vie d’une personne et « […] tout changement survenant dans la situation professionnelle d’une personne aura sûrement de graves répercussions […] ». La rupture du lien d’emploi est le moment où l’employé est le plus vulnérable et a donc besoin de protection. La Cour a déclaré que pour assurer une protection adéquate, les employeurs devraient assumer « une obligation de bonne foi et de traitement équitable dans le mode de congédiement […] » (paragraphe 95). L’arrêt Wallace était un cas de congédiement injustifié. Toutefois, l’obligation d’un employeur d’agir de bonne foi subsiste. Il n’existe aucun motif de principe justifiant qu’un administrateur général n’ait pas la même obligation qu’un employeur du secteur privé. En fait, les arbitres de grief ont appliqué les principes élaborés dans l’arrêt Wallace à des affaires entendues en vertu de l’ancienne et de la nouvelle LRTFP : Matthews c. Service canadien du renseignement de sécurité, dossier de la CRTFP 166-20-27336 (19990218); Bédirian c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2006 CRTFP 4; Rousseau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 91; Tipple c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2010 CRTFP 83.

102 En l’espèce, l’interdiction de la Cour suprême du Canada de s’abstenir d’avoir recours aux approches de droit public pour régler des congédiements de fonctionnaires subsiste. Tel qu’il est mentionné dans ce qui suit, la Cour suprême du Canada a longtemps reconnu que les principes qui s’appliquent aux employés en stage dans le secteur privé s’appliquent également à ceux de la fonction publique (voir Jacmain c. Procureur général (Can.) et al., [1978] 2 R.C.S. 15, aux pages 38 et 39).

103 Il importe de reconnaître que les restrictions législatives qui s’appliquent à un pouvoir public demeurent applicables (Dunsmuir) :

[…]

[106]            Un organisme public doit évidemment respecter les limites légales fixées à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à titre d’employeur, quelles que soient les conditions du contrat d’emploi, faute de quoi il s’expose à un recours en droit public. Il ne peut se soustraire par contrat à ses obligations légales. Cependant, lorsqu’il prend la décision de congédier une personne conformément à ses pouvoirs et à un contrat d’emploi, nulle considération supérieure du droit public ne justifie l’imposition d’une obligation d’équité.

[…]

104 Le lien d’emploi des fonctionnaires comme le fonctionnaire s’estimant lésé est régi par le cadre législatif de la LRTFP, de la nouvelle LEFP et de la LGFP (Penner). J’ai énoncé les dispositions pertinentes aux paragraphes 96 à 98.

105 L’interprétation franche de la LRTFP et de la nouvelle LEFP est qu’un employé en stage peut être licencié avec préavis pour tout motif (ou sans motif) et n’a pas accès à l’arbitrage de grief. En vertu de la nouvelle LEFP, la seule restriction qui s’applique à l’administrateur général est que l’employé doit être dans sa période de stage et qu’un préavis (ou une indemnité de préavis) doit être donné. Toutefois, « [l’]interprétation du droit est toujours contextuelle […] » (Dunsmuir, paragraphe 74). Les restrictions imposées par la loi au pouvoir de l’administrateur général continuent de s’appliquer et l’administrateur général doit se conformer au régime de la nouvelle LEFP en ce qui touche le renvoi d’un employé en stage afin que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’administrateur général soit valide

106 Dans Penner, la Cour d’appel fédérale a abordé l’interprétation de la disposition pertinente de l’ancienne LEFP (qui était alors l’article 28) en examinant la structure de la loi et la fonction d’une période de stage. Le contexte externe constitue une facette importante de l’interprétation législative. Tel qu’il est mentionné dans A.G. v. Prince Ernst Augustus of Hanover, [1957] A.C. 436 (H.L.), à la page 461, (et cité dans Sullivan and Dreidger on the Construction of Statutes, Quatrième édition, page 259) : [traduction] « […] les termes, en particulier les termes généraux, ne peuvent être lus isolément : leur couleur et leur contenu découlent de leur contexte […] ». L’acception courante de « stage » et son objet jouent un rôle important pour déterminer si le SCC a licencié le fonctionnaire en stage conformément à la nouvelle LEFP.

107 Dans Jacmain, le juge de Grandpre, au nom de quatre des juges de la Cour suprême du Canada, a écrit ce qui suit sur la nature du statut de stagiaire aux pages 38 et 39 :

[…]

Notre cas n’en est pas un de mesure disciplinaire. Le mauvais comportement de l’employé, son attitude acerbe, son ajustement défectueux à son entourage constituent pour son chef des raisons valables de ne pas vouloir lui accorder un emploi permanent dans son Service. Cela me semble évident mais je m’appuierai quand même sur l’opinion unanime des arbitres dans l’affaire Re United Electrical Workers & Square D Co., Ltd. [(1956), 6 Lab. Arb. Cas. 289], à la page 292 :

[TRADUCTION] Il est clair qu’un employé « en stage », jouit de moins de sécurité d’emploi qu’un employé titularisé. L’un est une période d’essai, de démonstration ou d’examen de ses qualifications et de son aptitude à remplir un emploi régulier en tant qu’employé permanent, alors que l’autre a satisfait à l’essai. Les normes établies par la compagnie ne sont pas nécessairement limitées à la qualité et au rendement; elles peuvent s’étendre au caractère de l’employé, à sa capacité de travailler en harmonie avec d’autres, à ses possibilités d’avancement et à son aptitude générale à rester dans l’entreprise. Bien qu’évidemment tout employé régi par la convention puisse être congédié pour cause n’importe quand, on peut mettre fin à l’emploi d’un stagiaire si, avant la fin du stage, la compagnie juge que celui-ci ne répond pas aux normes établies par elle et qu’elle n’est pas satisfaite.

Il s’agit là d’un renvoi dans le secteur privé. L’arbitre, en l’espèce, a voulu établir une distinction entre ce secteur et le secteur public. Cette proposition n’a pas été défendue devant nous et je ne puis voir sur quoi elle repose. D’autant plus que le texte de l’art. 28 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique, comme je l’ai noté, est fort large. Dans le secteur public, tout comme dans le secteur privé, l’employé qui veut améliorer son sort doit encore, je l’espère, prendre des risques.

[…]

108 Les Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage du Conseil du Trésor (modifiées le 1er avril 2005) prévoient que l’employeur : « […] se sert d'une période de stage afin d'évaluer le rendement et la conduite des personnes recrutées à l'extérieur de la fonction publique. » Elles prévoient que le gestionnaire doit être convaincu que l’employé « ne convenait pas pour le poste ».

109  Conformément aux directives de la Cour suprême du Canada de considérer le gouvernement comme un employeur au même titre qu’un employeur du secteur privé (Dunsmuir), un arbitre de grief devrait considérer le renvoi en cours de stage du point de vue du droit du travail (Jacmain). Dans le secteur privé, une période de stage est une période pendant laquelle un employeur a l’occasion d’évaluer si un employé convient pour un emploi continu. Ce n’est pas différent de l’objet d’une période de stage dans la fonction publique. Dans Penner, à la page 438, la Cour fédérale du Canada faisait référence à « […] une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé ». Les arbitres de grief ont généralement statué qu’un employeur du secteur privé doit avoir un pouvoir discrétionnaire important pour effectuer cette évaluation et un arbitre de grief ne doit pas annuler la décision d’un employeur sauf si la décision est arbitraire, discriminatoire ou rendue de mauvaise foi (p. ex., voir Canadian Forest Products Ltd. v. Pulp Paper and Woodworkers of Canada, Local 25 (2002), 108 L.A.C. (4e) 399, à la page 413).

110 Si un administrateur général renvoie un employé en cours de stage sans égard à l’objet de la période de stage — autrement dit, si la décision ne repose pas sur l’aptitude de l’employé à occuper un emploi de façon continue — cette décision est arbitraire et peut également être prise de mauvaise foi. Dans un tel cas, le licenciement n’est pas conforme à la nouvelle LEFP.

111 Selon moi, le changement entre l’ancienne LEFP et la nouvelle LEFP, considéré dans le contexte de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada sur l’approche adéquate à adopter en matière d’emploi dans le secteur public, ne modifie pas considérablement la substance de l’approche que les arbitres de grief devraient prendre à l’égard des griefs sur le renvoi d’un employé en cours de stage. Toutefois, l’omission des mots « pour un motif déterminé » dans l’article 62 de la nouvelle LEFP modifie les exigences du fardeau de la preuve. Le fardeau de la preuve qui incombe à l’administrateur général a été allégé. L’administrateur général n’a maintenant qu’à établir que l’employé était en stage, que la période de stage était encore en vigueur au moment du licenciement et qu’un préavis ou une indemnité en guise de préavis a été donné. L’administrateur général n’est plus tenu de prouver « un motif déterminé » pour le renvoi en cours de stage. En d’autres termes, l’administrateur général n’a pas à établir, selon la prépondérance des probabilités, un motif légitime lié à l’emploi pour le licenciement. Toutefois, les Lignes directrices sur le renvoi en cours de stage du Conseil du Trésor exigent que la lettre de licenciement d’un employé en stage énonce le motif de la décision de licenciement. L’administrateur général demeure tenu de produire la lettre de licenciement comme pièce (généralement par l’intermédiaire d’un témoin) pour prouver qu’il a rencontré les exigences législatives du préavis et du statut de stagiaire. Cette lettre énonce habituellement le motif de la décision de licencier l’employé qui est en cours de stage. Le fardeau de la preuve devient alors celui du fonctionnaire. Il incombe au fonctionnaire de prouver que le licenciement reposait artificiellement sur la nouvelle LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Si le fonctionnaire établit qu’il n’y avait pas de « motifs liés à l’emploi » légitimes justifiant le licenciement (autrement dit, si la décision ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé : Penner, à la page 438), le fonctionnaire se sera acquitté de son fardeau de la preuve. Outre ce changement au niveau du fardeau de la preuve, la jurisprudence rendue sous l’ancienne LEFP demeure pertinente pour déterminer la compétence sur les griefs à l’encontre du licenciement d’un employé en stage.

B. Compétence

112 Comme j’ai conclu plus tôt dans la présente décision, les dispositions de la nouvelle LEFP ont modifié le fardeau de la preuve pour les cas de licenciement des employés en stage probatoire. L’administrateur général n’est plus tenu de prouver l’existence d’un motif légitime lié à l’emploi pour le licenciement, si ce n’est qu’il doit fournir la lettre de licenciement qui expose le motif de sa décision. Il incombe au fonctionnaire d’établir que l’administrateur général s’est appuyé de façon factice sur la nouvelle LEFP ou que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. Un licenciement qui ne repose pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé (ni sur un motif lié à l’emploi légitime) s’appuierait artificiellement sur la nouvelle LEFP, ou constituerait un subterfuge ou un camouflage.

113 Les parties ont abordé ce grief comme elles ont toujours abordé ces cas. Elles ont également fait valoir que dans le cadre du grief, l’administrateur général avait le fardeau de prouver que le licenciement avait été fait pour des motifs liés à l’emploi. Toutefois, dans les circonstances de la présente affaire, il n’y a aucune incidence sur le résultat.   

114 Nul ne conteste que le fonctionnaire était en stage au moment de son licenciement et a reçu une indemnité en guise de préavis de son licenciement, comme le permet l’article 62 de la nouvelle LEFP.

115 Après examen de l’ensemble de la preuve, je dois conclure que le fonctionnaire n’a pas établi que l’administrateur général se soit appuyé artificiellement sur la nouvelle LEFP, ou a eu recours à un subterfuge ou à un camouflage. Il n’a pas établi que le licenciement ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé. Les deux motifs d’inaptitude que j’ai jugés légitimes sont le défaut de déclarer une infraction à la loi et l’utilisation d’un insigne du SCC en étant hors service. Le fonctionnaire a reconnu librement ces deux gestes et il n’est pas établi que le SCC a fait preuve de mauvaise foi en les invoquant. 

116 Le SCC ne pouvait pas de manière appropriée faire valoir un soi-disant premier incident qui serait survenu le 26 février 2009 à l’appui de sa décision; il est clair que le 27 février, et non le 26 février, était la date correcte de l’incident et l’administrateur général n’a fourni aucun motif raisonnable de ne pas corriger la date jusqu’à cette audience. M. Jackson, une personne possédant l’autorité d’examiner le comportement du fonctionnaire, a nettement conclu qu’il n’y avait pas eu d’infraction au Code de discipline ou aux Règles de conduite professionnelle (pièce E-1, onglet 11). Contrairement aux arguments de l’administrateur général, cette conclusion n’était pas une [traduction] « opinion » de M. Jackson — il s’agissait d’une constatation. De plus, l’absence de communication de la constatation au fonctionnaire ou à son agent négociateur n’est pas pertinente. M. Jackson a donné au fonctionnaire un avertissement verbal au sujet de son comportement. Tel qu’il est mentionné dans Penner, l’insatisfaction quant aux aptitudes de l’employé à occuper un emploi de façon continue peut découler d’une conduite qui pourrait également entraîner une sanction disciplinaire. Un choix s’offrait au SCC : une mesure disciplinaire ou le renvoi en cours de stage. Toutefois, une fois qu’une conclusion a été tirée quant à l’inconduite — en l’espèce, donner au fonctionnaire une mise en garde verbale qui s’apparente à une réprimande de vive voix —, l’administrateur général ne peut pas faire valoir cette conduite pour appuyer le renvoi en cours de stage. 

117 En ce qui concerne l’incident du 10 avril 2009, l’administrateur général n’a pas été en mesure de fournir de preuves directes étayant les allégations contestées par le fonctionnaire. L’administrateur général a dit qu’il ignorait le nom de la conductrice jusqu’au témoignage du gendarme White. Il a soutenu que le SCC ne pouvait pas obtenir cette information parce que le Service de police de Kingston ne divulguerait pas le rapport de police. Toutefois, l’administrateur général n’a fourni aucune preuve que le SCC avait demandé le nom de la conductrice. L’administrateur général ne m’a cité aucune disposition législative précise empêchant le SCC de demander cette information. Enfin, l’administrateur général pouvait demander un ajournement après avoir appris le nom de la conductrice. Une preuve directe est toujours préférable à une preuve par ouï-dire. En l’espèce, le témoignage direct du fonctionnaire est la meilleure preuve de ce qui s’est produit ce jour-là. Son compte rendu n’a pas été ébranlé au contre-interrogatoire, et je conclus que son compte rendu est celui qui doit être cru.

118 Le témoignage du gendarme White avait peu de valeur et, par conséquent, je n’ai pas à établir sa crédibilité. Contrairement à ce qu’affirme l’administrateur général, le gendarme White était tenu de témoigner à cette audience — il a été assigné à témoigner. La preuve de ce que la conductrice lui a dit est du ouï-dire et est contredite par la preuve directe du fonctionnaire. Les questions de savoir si le fonctionnaire a donné sa version de l’histoire (le gendarme White a affirmé qu’il ne s’en souvenait pas) et si le gendarme White a dit au fonctionnaire qu’il [traduction] « était mieux de régler » la contravention sans quoi il ferait l’objet d’une accusation au criminel ne sont pas pertinentes en l’espèce.   

119 La conclusion de l’administrateur général selon laquelle le fonctionnaire se faisait passer pour un policier ne repose pas sur des éléments de preuve. L’administrateur général a affirmé que le fonctionnaire s’est approché de la voiture de la conductrice [traduction] « comme un policier ». On s’attendrait à ce qu’un conducteur qui voudrait parler à quelqu’un après un quasi accident se range derrière l’autre voiture et s’approche de la portière du conducteur. Le fonctionnaire n’a pas bloqué la voie de la conductrice. Il ne lui a pas montré son insigne initialement, et il ne lui a pas dit qu’il était un policier. L’administrateur général a présumé qu’elle a cru qu’il était policier parce qu’elle a appelé la police. Aucune preuve n’a été produite pour étayer cette supposition. L’administrateur général a laissé entendre que le fait que le fonctionnaire ne soit pas demeuré avec la conductrice jusqu’à l’arrivée de la police constituait une forme quelconque d’aveu de culpabilité. Aucun accident de voiture n’est survenu. Le fonctionnaire savait que la conductrice avait son numéro de plaque d’immatriculation, et la preuve n’établissait pas clairement si elle avait dit qu’elle appellerait la police tout de suite. Aucun sentiment d’urgence n’exigeait de demeurer sur les lieux.

120 En outre, la preuve n’appuyait pas la déclaration de l’administrateur général selon laquelle l’insigne du SCC ressemble à un insigne de policier. On m’a montré l’insigne du SCC à l’audience, mais on ne m’a pas montré d’insigne de policier ou d’image d’un tel insigne. Dans les circonstances, il ne sied pas que je prenne connaissance d’office de ce à quoi ressemble un insigne de policier, car ce serait une conclusion de fait critique.    

121 L’administrateur général a décrit la contravention donnée au fonctionnaire comme une « infraction punissable par déclaration sommaire de culpabilité ». J’ai passé en revue le Code de la route, et il n’y est pas fait mention de « déclaration de culpabilité par procédure sommaire ». La contravention donnée au fonctionnaire est appelée « procès-verbal d’infraction ». La procédure de déclaration de culpabilité par procédure sommaire dans les cas de poursuite d’infractions provinciales a été remplacée par la Loi sur les infractions provinciales, L.R.O. 1990, chap. P.33. L’infraction dont le fonctionnaire a été accusé aurait pu entraîner une amende ou une peine d’emprisonnement. Il s’agit sans l’ombre d’un doute d’une infraction créée par la loi. Toutefois, ce n’est pas, à sa face même, une infraction punissable par déclaration sommaire de culpabilité. L’administrateur général n’est donc pas fondé de faire valoir la déclaration de culpabilité par procédure sommaire du fonctionnaire.

122 À l’audience, l’administrateur général a fait valoir que l’infraction de conduite imprudente était particulièrement préoccupante parce que la conduite de véhicule est parfois une condition d’emploi pour les agents correctionnels. Outre le fait que l’administrateur général n’a pas présenté de preuve sur ce point, il ne peut ajouter de motifs supplémentaires après le licenciement.   

123 L’administrateur général a également fait valoir que le fonctionnaire avait enfreint le Code de discipline en ne convenant pas de la « version officielle » des incidents. Le réflexe instinctif de Mme Morrin de remettre en question ce motif était correct. Rien ne prouvait que le fonctionnaire avait menti au sujet de l’un ou l’autre des incidents. Il avait manifestement une interprétation différente des événements, ce qui ne signifie pas qu’il s’agit d’une infraction au Code de discipline. Il ne s’agissait pas d’un motif légitime à partir duquel évaluer la capacité du fonctionnaire à occuper un emploi continu.

124 Le fonctionnaire a reconnu qu’il a montré son insigne du SCC à la conductrice. Ce geste contrevenait aux lignes directrices du SCC sur l’utilisation des insignes. La preuve établissait clairement que le fonctionnaire et d’autres agents correctionnels ne connaissaient pas ces lignes directrices. Toutefois, le recours à une identification officielle d’agent de la paix, en particulier un insigne, pour des activités non liées au travail pourrait être perçu par un membre du public comme un abus de pouvoir. Je conclus qu’il s’agit nettement d’un motif légitime pour évaluer la capacité du fonctionnaire à occuper un emploi continu. 

125 Il y a eu un différend entre les parties au sujet de la contravention reçue par le fonctionnaire et pour laquelle il s’est reconnu coupable. L’administrateur général a déclaré que je ne pourrais pas prendre en compte le bien-fondé de la contravention, alors que le fonctionnaire a dit le contraire. Je n’ai pas à décider si le fonctionnaire aurait dû ou non recevoir une contravention — il demeure qu’il en a reçu une et qu’il ne l’a pas contestée. L’administrateur général s’appuie sur le fait que le fonctionnaire a reçu une contravention et qu’il n’a pas déclaré une infraction créée par la loi à son superviseur, en violation du Code de discipline. En conséquence, que le fonctionnaire ait mérité la contravention ou non n’est pas pertinent pour cette conclusion de fait. Toutefois, le défaut du fonctionnaire de signaler la contravention à son superviseur a un rapport clair avec l’emploi, car il s’agit d’une violation du Code de discipline qui avait trait à ses capacités comme agent correctionnel.  

126 L’administrateur général a fait valoir deux motifs ayant trait à la capacité du fonctionnaire d’occuper un emploi : le défaut de signaler à son superviseur une contravention pour une infraction créée par la loi et l’utilisation de son insigne du SCC pendant qu’il n’était pas de service. Ces gestes ont été reconnus par le fonctionnaire. Le fonctionnaire n’a pas prouvé que le SCC a pris une décision pour des motifs liés à sa capacité à occuper l’emploi, que la nouvelle LEFP avait été invoquée de façon factice.

127 Comme le fonctionnaire a été incapable d’établir que la décision de le renvoyer en cours de stage était arbitraire, il lui incombe de prouver que le licenciement est un supterfuge ou du camouflage. Tel qu’il a été mentionné par la Cour d’appel fédérale dans un autre contexte (Dansereau c. Canada (1990), [1991] 1 C.F. 444 (CA), à la page 462, on ne peut présumer de la mauvaise foi et un employé qui tente de fournir une preuve de mauvaise foi « […] a une tâche particulièrement difficile à accomplir. […] ». Dans McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants), dossier de la CRTFP 166–02–23967 (19931119), un arbitre de grief a mentionné, à la page 14, qu’à son avis :

[…]

[…] si on peut démontrer que l’employeur a tiré une conclusion arbitraire sur les faits lorsqu’il a décidé effectivement de renvoyer la personne en cours de stage, alors cette décision est nulle. […]

[…] Il est banal d’affirmer que pour établir s’il y a eu ou non bonne foi il faut examiner toutes les circonstances entourant l’affaire. Les faits qui peuvent justifier une conclusion de mauvaise foi peuvent se présenter de multiples façons […] en tenant pour acquis, bien sûr, que l’on doit toujours, en partant, présumer de la bonne foi de l’employeur. […]

[…]

128 L’administrateur général a invoqué Tipple pour étayer sa position selon laquelle cette audience remédie à tout vice dans le processus d’enquête. La décision Tipple s’applique aux griefs tranchés au fond. Elle ne s’applique pas aux différends en matière de compétence comme celui-ci. C’est particulièrement le cas lorsqu’un fonctionnaire allègue qu’il y a eu mauvaise foi de la part de l’administrateur général. Cette audience ne remédie pas aux erreurs qui auraient été commises par l’administrateur général de mauvaise foi.

129 J’aimerais maintenant commenter l’utilisation des rapports de police. La preuve établit clairement que le SCC a reçu les rapports de police des deux incidents. Le Service de police de Kingston n’a pas autorisé la divulgation des rapports à des fins autres que l’application de la loi. Il semble bizarre que le SCC ait obtenu les rapports de police alors qu’il était clair dès le début que les rapports ne seraient pas utilisés à des fins d’application de la loi. Le SCC entendait consulter les rapports uniquement à des fins liées à l’emploi. Il est difficile de déterminer si le défaut du SCC d’exprimer clairement pourquoi il entendait utiliser les rapports faisait double emploi ou s’il a procédé ainsi par ignorance. Quel que soit le motif, la mauvaise utilisation par le SCC des rapports de police constitue un embarras pour le SCC. Je ne possède pas suffisamment d’éléments de preuve sur les circonstances entourant l’obtention des rapports de police pour conclure à la mauvaise foi. M. Costa n’a pas été convoqué comme témoin pour dire si l’information qu’il a inséré dans son RRS provenait directement des rapports de police ou d’une autre source.  

130 La conduite de l’enquête comportait également d’importantes imperfections. Les seules parties fiables du rapport d’enquête sont les déclarations faites par le fonctionnaire. L’enquêteur a conclu à l’inconduite du fonctionnaire en s’appuyant sur une preuve par ouï-dire non contestée et n’a pas pris la peine d’interviewer le gendarme White ou la conductrice concernant le second incident. Le fonctionnaire a eu l’occasion de répondre aux allégations qui contribuent largement à régler le déséquilibre du rapport d’enquête. Je n’ai pas à traiter des conclusions du rapport sur l’allégation d’incident du 26 février 2009, car j’ai déjà statué que le SCC n’avait pas le droit de se fonder sur ces conclusions dans sa décision de licencier le fonctionnaire.

131 Compte tenu de l’ensemble de la preuve, la conduite de l’enquête n’équivaut pas à de la mauvaise foi de la part du SCC.

132 Le fait que l’administrateur général s’est appuyé sur le Code de discipline pour faire rapport d’infractions d’origine législative que ne connaissaient pas les agents correctionnels au Pénitencier de Kingston ne constitue pas de la mauvaise foi. Le fonctionnaire a été informé de son obligation de respecter le Code de discipline.

133 Par conséquent, je conclus que je n’ai pas compétence pour entendre ce grief. Compte tenu de mes conclusions relativement à la compétence, je n’ai pas à statuer sur la demande de dommages-intérêts présentée par le fonctionnaire.

134 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

135 Je déclare que je n’ai pas compétence pour entendre le grief.

136 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 21 décembre 2010.

Traduction de la CRTFP

Ian R. Mackenzie,
arbitre de grief

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