Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a été rétrogradée à la suite de plusieurs évaluations selon lesquelles son rendement était insuffisant - l’arbitre de grief a conclu que la décision de l’employeur était raisonnable, et par conséquent, aux termes de l’article 230 de la LRTFP, la rétrogradation était motivée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-02-12
  • Dossier:  566-02-2340
  • Référence:  2010 CRTFP 23

Devant un arbitre de grief


ENTRE

YANNICK RAYMOND

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Répertorié
Raymond c. Conseil du Trésor

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Marie-Josée Bédard, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Tom Louks, représentant

Pour l'employeur:
Stephan Bertrand, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
les 20 et 21 octobre 2009 et du 18 au 21 janvier 2010.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Yannick Raymond, la fonctionnaire s’estimant lésée, travaillait pour l’Agence de la fonction publique du Canada (l’ « employeur » ou l’ « administrateur général ») et elle y occupait, en 2008, le poste de directrice des opérations des programmes de la diversité (groupe et niveau EX-01). Le 24 juin 2008, l’employeur l’a rétrogradée à un poste d’agente de programme de groupe et niveau AS-06 à la Direction des langues officielles, et ce, en raison de son rendement qu’il estimait insuffisant. Mme Raymond a déposé un grief à l’encontre de sa rétrogradation, alléguant qu’il était déraisonnable que l’administrateur général estime que son rendement était insuffisant et que subsidiairement la mesure de rétrogradation constituait une mesure disciplinaire déguisée. Le 26 août 2008, la présidente de l’employeur, qui agissait au dernier palier de la procédure interne de règlement des griefs, a modifié la décision initiale et réajusté la rétrogradation de Mme Raymond au groupe et niveau AS-07.

2 Insatisfaite de cette décision, Mme Raymond a renvoyé son grief à l’arbitrage le 19 septembre 2008. L’employeur soutient que la décision de rétrograder Mme Raymond était motivée et raisonnable.

II. Résumé de la preuve

A. Pour l’employeur

3 L’Agence de la gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, qui a été renommée l’Agence de la fonction publique du Canada (l’Agence), a été créée par décret le 12 décembre 2003 sous l’égide de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, c.22. 

4 Monique Boudrias était première vice-présidente et sous-ministre déléguée de l’Agence jusqu’à sa retraite en octobre 2008. Mme Boudrias a expliqué le contexte de la création de l’Agence et l’intégration des fonctionnaires, dont Mme Raymond, au sein de l’Agence.

5 Avant la création de l’Agence, le mandat relatif à la modernisation de la fonction publique fédérale relevait de deux groupes de travail : le Secrétariat à la mise en œuvre de la modernisation de la fonction publique, qui relevait du Conseil du Trésor, et le Groupe de travail sur la modernisation de la fonction publique, qui relevait du Conseil Privé. Lors de la création de l’Agence, les fonctionnaires provenant de ces deux entités ont été intégrés. Mme Boudrias a expliqué que les fonctionnaires qui étaient intégrés à l’Agence conservaient leur groupe et niveau d’appartenance. Ainsi, lorsque Mme Raymond a été intégrée à l’Agence, elle a conservé son groupe et niveau EX-01 (poste de cadre supérieur).  

6 Mme Boudrias a expliqué qu’au moment de leur intégration au sein de l’Agence, les cadres supérieurs n’avaient pas tous des responsabilités de supervision et de gestion de ressources humaines, contrairement au rôle traditionnel des cadres supérieurs. C’était le cas de Mme Raymond qui a été intégrée à l’Agence dans un poste de directrice, Apprentissage et Changement Culturel, mais travaillait dans les faits à des projets spéciaux.

7 Mme Boudrias a expliqué le processus relatif à la gestion du rendement et de la rémunération au rendement du groupe de cadres supérieurs de la fonction publique et plus particulièrement de ceux de l’Agence. Ce processus est encadré par la Politique de gestion des cadres supérieurs (la « Politique ») et par la Directive sur le Programme de gestion du rendement (PGR) pour les cadres supérieurs (la « Directive ») adoptées par le Conseil du Trésor.

8 Au terme de la Politique et de la Directive, la rémunération des cadres supérieurs est articulée pour reconnaître leur rendement et leur contribution.

9 La Directive prévoit que tous les cadres supérieurs doivent, pour chaque année financière (du 1er avril d’une année au 31 mars de l’année suivante), convenir avec leur supérieur immédiat d’une entente de rendement. L’entente de rendement identifie des objectifs précis (engagements), et des mesures du rendement attendu. Les ententes de rendement comprennent des engagements de deux types : des engagements permanents et des engagements clés. Les engagements permanents réfèrent aux résultats attendus quant aux responsabilités de base permanentes rattachées au poste occupé par le fonctionnaire, telles la gestion des ressources humaines, la planification des activités, l’élaboration des politiques et l’exécution des programmes opérationnels. Les engagements clés, pour leur part, sont ceux sur lesquels le fonctionnaire doit se concentrer en particulier pendant l’année financière visée. Le rendement des cadres est évalué à la fin d’une année financière en fonction de l’atteinte des engagements et de la façon dont les résultats ont été atteints, le tout étant fondé sur les compétences clés en leadership (valeurs et éthique, réflexion stratégique, gestion par l’action, gestion de l’effectif, gestion des finances et engagement).

10 L’évaluation du rendement détermine l’accessibilité à la rémunération au rendement. La rémunération au rendement des cadres supérieurs comprend deux volets : la progression à l’intérieur de l’échelle salariale du niveau du poste du fonctionnaire et la prime au rendement. La progression dans l’échelle salariale est liée à l’atteinte des engagements permanents alors que l’octroi d’une prime au rendement dépend des résultats obtenus par le cadre à l’égard de ses engagements clés. La Directive prévoit ce qui suit :

[…]

4. Progression à l’intérieur de l’échelle salariale

  • La progression dans l’échelle salariale jusqu’au maximum prévu repose sur l’atteinte des engagements permanents qui ont été accomplis et de la façon dont ils l’ont été (démonstration de compétences clés en leadership; valeurs et éthique).

[…]

5. Primes au rendement : rémunération à risque et boni

  • En plus du salaire de base, le cadre supérieur peut se prévaloir des primes au rendement à chaque année. Le montant dépend de la mesure dans laquelle les engagements clés ont été accomplis.
  • Le cadre supérieur qui a obtenu une progression à l’intérieur de l’échelle salariale pour avoir accompli les engagements permanents peut également recevoir une prime au rendement pour avoir accompli les engagements clés. Il n’est pas nécessaire que le salaire du cadre supérieur soit au maximum de l’échelle pour que celui-ci reçoive une prime au rendement.
  • Pour avoir accès à la rémunération au rendement, il faut qu’au moins la plupart des attentes relatives à l’accomplissement des engagements permanents aient été rencontrées (niveau 2 et plus). Aucune prime au rendement ne peut être accordée lorsque l’évaluation du cadre supérieur par rapport aux engagements clés est au niveau 0 ou 1 (n’a pu être évalué ou n’a pas atteint).

[…]

11 La Directive prévoit également que chaque ministère doit avoir un mécanisme interne de réexamen pour revoir l’évaluation du rendement de chaque cadre supérieur et en assurer l’équité et la fiabilité.

12 Mme Boudrias a expliqué le mécanisme de gestion du rendement et de rémunération au rendement qui s’appliquait à l’Agence.

13 Au début de chaque année financière, une entente de rendement était établie pour chaque cadre supérieur. L’entente de rendement contenait des engagements permanents et des engagements clés pour l’année en cours. 

14 Les cotes de rendement et la rémunération au rendement étaient déterminées à la fin de chaque année par un comité de révision du rendement des cadres supérieurs de l’Agence (le « comité de révision »). Ce comité était composé des vice-présidents et des directeurs généraux qui relevaient directement de la présidente de l’Agence et était, jusqu’en 2006, présidé par Mme Boudrias. À compter de l’année 2007-2008, le comité de révision était co-présidé par Mme Boudrias et par la nouvelle présidente de l’Agence. Chaque vice-président ou directeur général présentait son évaluation du rendement de ses cadres supérieurs et, après discussion, des cotes d’évaluation étaient fixées collectivement par les membres du comité de révision. Les primes au rendement étaient ensuite octroyées en fonction de l’enveloppe globale allouée à cette fin et du rendement respectif des cadres visés par la Directive.

15 Mme Boudrias a témoigné sur les divers postes qu’a occupés Mme Raymond au sein de l’Agence et des évaluations de son rendement qui ont été faites pour les années 2003-2004 à 2007-2008. 

16 Lors de son intégration à l’Agence et cela jusqu’en juin 2005, Mme Raymond a occupé un poste au sein de la direction responsable de la mise en œuvre de la modernisation de la fonction publique et elle a travaillé à des projets spéciaux relatifs à l’apprentissage et le changement culturel. Elle a par ailleurs été détachée temporairement au ministère du Patrimoine canadien d’octobre 2004 à juin 2005.

17 Pour la première année financière de l’Agence, soit l’année 2003-2004, Mme Raymond a obtenu la cote « Atteint tous ses objectifs » à l’égard de ses engagements permanents et « Atteint la plupart de ses objectifs » à l’égard de ses engagements clés. Mme Raymond a progressé dans l’échelle salariale et elle a eu droit à une prime au rendement.

18 Mme Boudrias a expliqué que pour cette première année financière, le comité de révision avait décidé d’octroyer la cote « Atteint tous ses objectifs » à tous les cadres supérieurs de l’Agence même s’ils n’avaient pas tous des responsabilités de supervision.

19 Pour l’année 2004-2005, Mme Raymond a obtenu la cote « Rencontré la plupart » à l’égard de ses engagements permanents. Puisqu’elle avait déjà atteint le maximum de l’échelle salariale, elle ne pouvait recevoir d’augmentation salariale. Relativement aux engagements clés, elle a obtenu la cote « Rencontré la plupart », ce qui lui a donné droit à une prime au rendement.

20 Mme Boudrias a déclaré que le rendement de Mme Raymond n’était pas aussi satisfaisant que celui des autres cadres supérieurs de l’Agence. Elle a expliqué qu’une cote « Rencontré la plupart » constituait un niveau de rendement acceptable pour un nouveau cadre, mais qu’un tel niveau de rendement signalait des difficultés chez un fonctionnaire qui occupait des fonctions de cadre supérieur depuis plus de deux ans. Mme Boudrias a précisé que le niveau moyen de rendement des cadres était « Rencontré tous ». Selon Mme Boudrias, les résultats obtenus par Mme Raymond signalaient donc des difficultés.

21 Mme Boudrias a indiqué qu’à un certain moment, la directrice de Mme Raymond, Lynn Brown, l’a rencontrée pour lui faire part de ses préoccupations quant aux difficultés que Mme Raymond éprouvait à satisfaire aux objectifs contrairement aux autres cadres supérieurs de sa direction. Mme Boudrias a déclaré que Mme Brown lui a alors demandé s’il était possible de trouver un autre poste à Mme Raymond à son retour du ministère du Patrimoine canadien.

22 Mme Boudrias a indiqué avoir alors demandé à Raymond Crête, qui venait d’être nommé directeur général de la Direction de la planification des ressources humaines, responsabilisation et diversité, de prendre Mme Raymond dans sa direction. Mme Boudrias a expliqué son choix parce qu’elle savait que Mme Raymond connaissait M. Crête depuis de nombreuses années et qu’elle avait déjà travaillé dans le domaine de la gestion des ressources humaines et de l’équité dans l’emploi. Elle estimait que M. Crête serait à même d’offrir à Mme Raymond un milieu susceptible de lui permettre d’améliorer son rendement.  

23 Mme Boudrias a indiqué avoir demandé à M. Crête d’intégrer Mme Raymond dans son équipe en lui confiant des projets définis avec un encadrement serré et des objectifs clairs de façon à assurer un suivi serré de son rendement.

24 Mme Raymond a travaillé sous la direction de M. Crête durant toute l’année financière 2005-2006 et elle a été affectée à des projets spécifiques. M. Crête a expliqué que sa direction était en évolution et qu’il avait recommandé une réorganisation de la direction et notamment la création de postes de directeurs supplémentaires pour assurer le mandat de l’équité et de la diversité. M. Crête a intégré Mme Raymond dans la perspective de la nommer éventuellement dans un véritable poste de direction responsable d’un centre d’activité.

25 M. Crête a indiqué qu’il a rencontré Mme Raymond dès son arrivée pour discuter avec elle des projets sur lesquels elle devrait travailler. Après discussion, il lui a attribué des engagements permanents, mais pas d’engagements clés puisqu’elle n’avait pas encore la responsabilité d’un centre d’activité. Mme Raymond a travaillé sur quatre projets particuliers.  

26 M. Crête a indiqué qu’au début de l’année, une entente de rendement a été convenue avec Mme Raymond. Il a également indiqué avoir eu des rencontres et discussions avec Mme Raymond sur une base régulière au cours de l’année, soit toutes les semaines ou deux semaines, au cours desquelles ils discutaient du suivi des dossiers.

27 M. Crête a indiqué que dès le premier tiers de l’année financière, il a constaté que le rendement de Mme Raymond n’était pas au niveau auquel il s’attendait d’une personne de groupe et niveau EX-01. Les lacunes qu’il constatait se manifestaient notamment par une difficulté chez Mme Raymond à traduire les attentes en résultats concrets et à produire des plans d’action, des cadres d’évaluation des projets et des études de type avantages-coûts. M. Crête a indiqué qu’il a, au départ, attribué les difficultés de Mme Raymond au fait qu’elle était nouvelle dans la direction et qu’elle avait besoin d’une période d’intégration et de familiarisation avec les dossiers et les projets.

28 M. Crête a indiqué que le rendement de Mme Raymond ne s’est pas amélioré au cours de l’année. Il a déclaré que dans plusieurs dossiers, il avait demandé des résultats spécifiques qui ne se concrétisaient pas.

29 M. Crête a indiqué avoir rencontré Mme Raymond en décembre 2005 pour faire le point avec elle. Il a déclaré avoir senti de la part de Mme Raymond une prise de conscience et il a indiqué qu’elle l’avait rassuré en précisant qu’elle produirait des plans d’action au retour des fêtes. M. Crête a indiqué avoir senti une revitalisation dans l’attitude de Mme Raymond au retour des fêtes, mais que ce fut de courte durée.

30 M. Crête a indiqué qu’à la fin de l’année financière 2005-2006, il n’était toujours pas satisfait du rendement de Mme Raymond. Il a déclaré avoir demandé à Mme Raymond de faire sa propre évaluation de ses réalisations au cours de l’année. Il a précisé que Mme Raymond lui a fourni un narratif comprenant une série d’activités qu’elle avait réalisées, mais qui n’avaient pas abouti à des résultats concrets. Il a, pour sa part, jugé insatisfaisant le rendement de Mme Raymond relativement aux quatre projets qui lui avaient été attribués.

31 M. Crête a expliqué qu’entre temps, la réorganisation de sa direction se matérialisait et qu’une direction dédiée à la diversité et l’équité dans l’emploi avait été créée et qu’il avait recommandé que Mme Raymond y soit affectée dans un des postes de directeur. Il a précisé que malgré les lacunes dans le rendement de Mme Raymond, il n’avait pas abandonné et croyait que Mme Raymond pourrait améliorer son rendement avec un bon plan de redressement et un bon encadrement.

32 Le formulaire d’évaluation de rendement rempli par M. Crête pour l’année 2005-2006 fait état du rendement insatisfaisant et contient les commentaires suivants :

[Traduction]

Ce fut une année de transition difficile pour Yannick. À son retour d’une affectation au CNMV, elle a été affectée au sein du groupe d’EE à quatre grands dossiers de projets, en plus de son propre dossier portant sur l’établissement d’une initiative de mentorat. Bien qu’aucun document officiel n’ait été établi au titre de la responsabilisation, Yannick a rencontré son DG à plusieurs occasions pour discuter des dossiers de projets et examiner les progrès au cours de l’année. Yannick n’a pas été en mesure de mener entièrement à bien ses dossiers. Les préoccupations au sujet de son rendement et des dossiers de projets sont survenues le [espace] Yannick a été informée de sa mutation au poste nouvellement créé de directeur des programmes et des partenariats dans le secteur de la diversité. Elle est parfaitement au courant que cette nouvelle responsabilité sera régie par un accord de responsabilisation et que son rendement devra s’améliorer de manière notable. Il serait recommandé qu’elle rencontre son DG tous les trois mois pour un examen de son rendement.

33 Pour l’année 2005-2006, le comité de révision a attribué à Mme Raymond la cote « N’a pas atteint la plupart » pour ses engagements permanents pour l’année 2005-2006. La cote « Ne requis pas » [sic] lui a été attribuée relativement aux engagements clés puisque aucun engagement clé ne lui avait été attribué pour cette année financière. Mme Raymond n’a pas eu droit à une prime au rendement.

34 Mme Raymond a été mutée au poste de directrice des opérations à la Direction des programmes de la diversité à compter du 15 mai 2006. Elle a, à compter de cette date, assumé toutes les responsabilités inhérentes à la direction d’un centre d’activité. À cette même époque, M. Crête a quitté ses fonctions. Il a d’abord été affecté à un projet spécial pour ensuite être nommé directeur général des ressources humaines de l’Agence.

35 Kami Ramcharan a été nommée directrice de cette nouvelle direction en juin 2006. Mme Ramcharan a indiqué qu’elle avait obtenu la responsabilité de cette direction en mai 2006, en plus d’assumer d’autres responsabilités, mais qu’elle s’était dédiée à la nouvelle direction à compter de juin 2006.

36 Une entente de rendement a été convenue entre Mme Ramcharan et Mme Raymond pour l’année financière 2006-2007 et a été signée le 31 octobre 2006. Mme Ramcharan a indiqué que bien que l’entente écrite ait été signée en octobre 2006, et ce pour des raisons administratives, elle avait discuté avec Mme Raymond des engagements de rendement de cette dernière à compter de juillet 2006. Mme Ramcharan a déclaré que les objectifs de travail de Mme Raymond et ses attentes à son endroit avaient été clairement exprimés en juillet 2006.   

37 Mme Ramcharan a déclaré que le rendement de Mme Raymond n’était pas satisfaisant et ne correspondait pas au rendement attendu d’une personne d’un groupe et niveau EX-01. Elle a précisé notamment que Mme Raymond avait de la difficulté à produire des plans de travail, à traduire ses attentes en activités concrètes, à travailler de façon autonome, à respecter les échéanciers et qu’elle ne semblait pas toujours bien comprendre ce qu’on attendait d’elle.

38 Mme Ramcharan a indiqué avoir rencontré Mme Raymond régulièrement pour faire le suivi de ses dossiers et discuter de son rendement.

39 En novembre 2006, Mme Ramcharan a décidé de faire une revue formelle du rendement de Mme Raymond pour la période du 1er juillet 2006 au 31 octobre 2006 parce qu’elle avait des préoccupations quant aux compétences clés en leadership de Mme Raymond et voulait lui en faire part. Mme Ramcharan a déclaré avoir demandé à Mme Raymond, dans le cadre de son processus d’évaluation, de faire sa propre évaluation de rendement pour la période de juillet à octobre. Elle a précisé que Mme Raymond lui a fourni une liste d’activités sur lesquelles elle avait travaillé ou travaillait encore, sans toutefois formuler une appréciation de son rendement.

40 Mme Ramcharan a préparé un document d’examen du rendement qu’elle dit avoir remis à Mme Raymond le 14 novembre 2006. Le document fait état de diverses lacunes, dont la difficulté de Mme Raymond à transposer en plans d’action les attentes à l’égard de son centre d’activité et la  difficulté à élaborer des plans d’action et faire la distinction entre les objectifs, les activités et les résultats attendus. Mme Ramcharan mentionne également la difficulté de Mme Raymond à communiquer efficacement la vision et les plans de son équipe et à préparer des présentations de façon autonome. Le rapport indique également que Mme Raymond devrait développer une meilleure compréhension du contexte politique dans lequel s’inscrit la réalisation de ses dossiers. Il indique également que Mme Raymond éprouve des difficultés à respecter les échéanciers et atteindre les attentes. Mme Ramcharan y indique également que Mme Raymond n’a pas démontré d’habiletés au niveau de la planification des ressources humaines et qu’elle n’est pas convaincue que Mme Raymond serait à même d’intervenir auprès d’employés présentant un rendement insatisfaisant.

41 Quant au compte rendu des activités préparé par Mme Raymond, Mme Ramcharan écrit ceci :

[Traduction]

[…]

Autres observations générales :

Lors de la préparation de l’examen, j’avais demandé à Yannick d’évaluer son rendement des trois derniers mois. Elle m’a fourni une liste des produits à livrer, sans pour autant faire une évaluation critique de son rendement. Elle a également soumis une liste de produits à livrer futurs n’ayant pas été terminés. Ceci est un exemple de son incapacité à exécuter directement une tâche lui étant assignée sans modifier les attentes. Je lui ai très clairement demandé d’évaluer son rendement entre le 1er juillet et le 31 octobre, mais elle a inclus des projets antérieurs à juillet et des projets n’ayant pas encore été achevés.

42 Mme Ramcharan a déclaré que, outre le rendement de Mme Raymond qu’elle jugeait insatisfaisant, deux événements qui s’étaient produits en novembre 2006 l’avaient amenée à ne plus vouloir maintenir Mme Raymond dans son poste. 

43 D’abord, Mme Raymond lui avait fait un commentaire lors d’une conférence sur les autochtones qu’elle avait jugé déplacé et inapproprié. Mme Ramcharan a toutefois reconnu en contre-interrogatoire n’avoir jamais fait part de sa perception de ce commentaire à Mme Raymond. Mme Ramcharan a également fait état d’un incident dans le cadre duquel Mme Raymond aurait omis de retourner un appel fait par un sous-ministre relativement à un projet que Mme Raymond dirigeait, ce qui avait nécessité l’intervention de sa vice-présidente.

44 Mme Ramcharan a déclaré qu’elle savait que Mme Raymond vivait certains éléments de stress dans sa vie personnelle. Elle a indiqué avoir eu une discussion avec Mme Raymond au cours de laquelle elle lui a indiqué qu’elle devrait prendre un congé si elle avait besoin de temps et qu’elle l’appuierait dans cette démarche puisque son rendement actuel nuirait à sa carrière.

45 Mme Raymond s’est absentée du travail de décembre 2006 à octobre 2007.

46 Pour l’année 2006-2007, le comité de révision a déterminé que Mme Raymond n’avait pas satisfait à la plupart de ses engagements permanents et clés et elle n’a pas reçu de rémunération au rendement. 

47 Mme Ramcharan a déclaré qu’elle n’entrevoyait pas que Mme Raymond puisse retourner dans son poste de directeur à son retour de congé et qu’elle estimait qu’il serait très difficile pour Mme Raymond de revenir dans sa direction avec des responsabilités de niveau inférieur à celles qu’elle occupait avant son congé.

48 Mme Ramcharan a déclaré avoir discuté du rendement de Mme Raymond et de ses préoccupations avec M. Crête, en sa qualité de directeur des ressources humaines de l’Agence.

49 M. Crête a déclaré que le rendement de Mme Raymond avait fait l’objet de discussions au comité de révision du rendement pour les cadres supérieurs et que le constat du comité était que Mme Raymond ne performait pas bien au groupe et niveau EX-01. M. Crête a déclaré avoir recommandé à la présidente de l’Agence de mettre en place un plan de redressement pour identifier un groupe et niveau auquel Mme Raymond pourrait avoir un rendement satisfaisant. Mme Boudrias et la directrice des relations de travail, Monique Lacroix-Labelle, ont également participé au processus.

50 Mme Boudrias et M. Crête ont témoigné relativement au plan de redressement qui était envisagé pour Mme Raymond. Ils ont tous les deux indiqué que la décision avait été prise de trouver une affectation temporaire à Mme Raymond dans une autre unité de travail où elle assumerait les responsabilités propres à un poste de groupe et au niveau PE-06, tout en maintenant sa classification et sa rémunération au groupe et au niveau EX-01. Mme Boudrias a déclaré que le but visé était de réduire le niveau de stress imposé à Mme Raymond en réduisant les attentes à son endroit, et ce en lui confiant des responsabilités moins exigeantes qui lui permettraient de performer à un niveau satisfaisant. Elle a ajouté qu’il était envisagé que Mme Raymond puisse être réintégrée dans un poste de groupe et niveau EX-01 si son rendement au groupe et niveau PE-06 était pleinement satisfaisant. Un plan de redressement en ce sens a été élaboré par M. Crête en collaboration avec Mme Ramcharan, Mme Lacroix-Labelle et la directrice qui allait accueillir Mme Raymond, Carole Lacroix. 

51 Le plan de redressement qui a été signé par M. Crête, Mme Ramcharan et Mme Raymond a été déposé en preuve. Il contient notamment les éléments suivants :

Cette lettre vise à confirmer les propos tenus lors de vos récentes conversations avec Madame Monique Boudrias, Monsieur Raymond Crête, ainsi que moi-même concernant votre rendement et la mise en œuvre d’un plan afin d’identifier et de confirmer le niveau auquel vous êtes en mesure de produire un rendement pleinement satisfaisant ainsi que pour vous aider à rencontrer le niveau de rendement requis dans les fonctions d’un poste de votre groupe et niveau.

[…]

D’autre part, afin de vous aider à combler ces écarts de rendement et de trouver un environnement de travail propice à votre réussite, il a été convenu de ce qui suit :

  • vous serez affectée à des tâches de PE-06 sous la gouverne de Madame Carole Lacroix, Directrice générale, Programme des ES et secrétariat des SMA, au Secteur du leadership et gestion du talent et ce, pour une période de six mois avec possibilité de prolongation jusqu’à un an, si votre rendement est pleinement satisfaisant;
  • votre accord de rendement comprendra des objectifs clairs et des mesures de rendement réalisables, vérifiables et mesurables qui seront utilisés pour déterminer votre niveau de rendement;
  • les services d’un coach vous seront offerts afin de vous aider à identifier les compétences pour lesquelles vous éprouvez le plus de difficulté et à orienter vos efforts pour pallier à ces écarts;
  • un plan de formation ciblé en fonction de vos tâches et des déficits de rendement à combler sera élaboré en collaboration avec votre gestionnaire dans les trente jours suivant votre entrée en fonction dans votre nouveau poste;
  • vous recevrez votre rétroaction verbale mensuelle et une rétroaction écrite trimestrielle concernant votre niveau de rendement. Il est aussi conseillé que vous ayez une rencontre bi-latérale hebdomadaire avec votre gestionnaire.
  • vous conserverez votre niveau de rémunération actuel de EX-01 durant les six premiers mois. Puisque votre accord de rendement ne comprendra pas d’engagements clés, vous n’aurez pas droit à la prime au rendement;
  • si, après six mois, votre rendement est pleinement satisfaisant ou plus, cette entente ainsi que votre niveau de rémunération actuel se poursuivront jusqu’au terme de l’affectation afin de solidifier vos assises. Au terme de l’affectation, nous réévaluerons la possibilité de vous réintégrer dans un poste à votre groupe et niveau et nous vous appuierons dans vos démarches pour trouver le poste qui vous conviendra.
  • si après six mois, votre rendement est inférieur à pleinement satisfaisant, l’affectation pourra prendre fin et les démarches nécessaires seront entreprises en vue de votre rétrogradation à un groupe et niveau convenant à vos capacités.

[…]

52 Une entente confirmant l’affectation de Mme Raymond a également été signée par Mme Raymond et sa nouvelle directrice, Mme Lacroix.

53 Mme Boudrias a déclaré avoir rencontré Mme Raymond à quelques reprises, notamment à son retour au travail en octobre 2007, pour lui faire part du plan de redressement envisagé. Mme Boudrias a également indiqué avoir discuté, à la demande de Mme Raymond, avec Alain Forget, psychologue industriel, qui a fait une évaluation du profil de gestion de Mme Raymond. Mme Boudrias a déclaré que Mme Raymond souhaitait qu’elle s’entretienne avec M. Forget parce que les résultats de son profil de gestion étaient bons et ne concordaient pas avec l’évaluation que l’on faisait de son rendement. Mme Boudrias a reconnu que les résultats obtenus par Mme Raymond dans l’évaluation de son profil de gestion étaient bons et elle a déclaré qu’elle avait indiqué à M. Forget qu’elle ne contestait nullement ces résultats, mais qu’ils ne s’étaient pas traduits dans la réalité du rendement de Mme Raymond.

54 Mme Lacroix n’a pas été en mesure de témoigner en raison d’une absence prolongée du travail. Toutefois, l’entente de rendement qu’elle a conclue avec Mme Raymond et les rapports d’évaluation qu’elle a faits du rendement de Mme Raymond ont été déposés en preuve et M. Crête, qui a participé aux rencontres de rétroaction sur le rendement de Mme Raymond, a témoigné sur leur contenu.

55 Mme Raymond a travaillé sur quatre principaux projets et Mme Lacroix a rédigé deux rapports d’évaluation au cours de l’affectation.

56 Le premier rapport d’évaluation, couvrant la période du 16 octobre 2007 au 31 janvier 2008, fait état d’un rendement insatisfaisant à l’égard des quatre projets confiés à Mme Raymond. Le rapport mentionne plusieurs éléments d’insatisfaction dont les suivants :

[…]

[…] Malgré maintes discussions et explications fournies ainsi que les connaissances acquises lors du cours de gestion de projets, Yannick n’a pu proposer un plan de projet complet, bien structuré et clair. […] Yannick éprouve de la difficulté à élaborer un plan de travail de projet, à relier l’information afin de présenter une vue globale pour ensuite faire le focus sur les points importants à soulever et de façon logique. […]

[…] Par contre, la difficulté principale que Yannick éprouve ici est la définition claire des publics cibles qui serviront aux fins de ce projet pilote, plusieurs discussions ont eu lieu […] mais cela s’avère difficile pour Yannick d’arriver à une proposition complète et précise au niveau des participants de ce projet. […]

[…] Yannick éprouve de la difficulté à analyser l’information provenant de différentes sources, d’en faire la synthèse et arriver avec des solutions et produits tangibles. […]

[…] Yannick gère ses projets de façon instinctive, étape par étape. Elle a de la difficulté à déterminer les interdépendances entre les projets du secteur. Yannick ne semble pas reconnaître l’importance des suivis, des échéances et des impacts causés par les retards. Elle ne semble pas non plus être en mesure de discerner la vision et le mandat de notre unité, de là la difficulté à faire les liens et avoir une vue d’ensemble. Par conséquent, ses actions sont fractionnées et ne forment pas un tout. […]

[…]

57 Le rapport comprend également les commentaires suivants :

[…]

Le plan de redressement accompagnant l’entente d’affectation de Yannick est clair. Puisque son rendement en tant que EX-01 a été insatisfaisant durant les dernières années, nous l’avons affectée à des tâches PE-06 (EX moins 1) afin de confirmer le niveau auquel elle pourrait être en mesure afin de produire un rendement pleinement satisfaisant. Les six premiers mois étant cruciaux à la prolongation de l’affectation pour six mois additionnels. Le rendement des trois derniers mois est insatisfaisant et sème le doute quant au rendement des trois mois suivants. Afin d’obtenir un rendement pleinement satisfaisant pour une période de six mois, Yannick devait obtenir une cote allant de supérieur à exceptionnel. Il est évident à ce stade-ci que Yannick ne pourra pas réintégrer le niveau EX-01. Les trois prochains mois seront donc déterminants quant à l’éventuelle prolongation de l’affectation jusqu’à 12 mois et à la détermination du groupe et niveau approprié à la rétrogradation. Son plan d’apprentissage sera revu en fonction des lacunes décelées. Également, les conseils d’un coach aideront sûrement à Yannick à mettre l’accent sur les éléments à améliorer. […]

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

58 Le deuxième rapport d’évaluation, couvrant la période du 1er février 2008 au 30 avril 2008, a également été déposé en preuve et indique un rendement satisfaisant pour le premier projet, mais un rendement insatisfaisant pour les trois autres projets. Le rapport contient entre autres les commentaires suivants :

[…]

[…] Yannick éprouve de la difficulté à communiquer avec clarté et détermination ainsi qu’à gérer plusieurs projets à la fois.

[…] Un document d’une page a été présenté et ce par le biais de l’aide d’un consultant et suite à plusieurs discussions et réunions pour expliquer notre projet sur les normes de services. Yannick éprouve de la difficulté à analyser l’information provenant de différentes sources, d’en faire la synthèse et arriver avec des solutions et produits tangibles. Un projet comme celui-ci aurait normalement pris environ 2 mois à réaliser.

[…] Ces trois derniers mois étaient déterminants quant à l’éventuelle prolongation de l’affectation jusqu’à 12 mois et à la détermination du groupe et niveau approprié à la rétrogradation; la prolongation de cette affectation n’aura pas lieu. Quant à la détermination du groupe et niveau appropriés, les résultats des outils d’évaluation utilisés afin de rediriger Yannick au niveau carrière.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

59 M. Crête a déclaré que des rencontres de rétroaction avaient eu lieu avec Mme Raymond après chaque période d’évaluation. Il a indiqué que ces rencontres avaient duré de deux heures à deux heures trente chacune, que chaque élément contenu dans les évaluations de rendement avait été discuté en détails et que Mme Raymond avait eu l’occasion de donner son propre point de vue.  

60 M. Crête a déclaré qu’après la période de six mois, les intervenants reconnaissaient que Mme Raymond ne parviendrait pas à atteindre un rendement pleinement satisfaisant et qu’il était inutile de prolonger l’affectation pour une deuxième période de six mois.

61 L’affectation de Mme Raymond a donc pris fin et elle a été rétrogradée à un poste d’agente de programme (groupe et niveau AS-06) à la Direction des langues officielles de l’Agence et ce à compter du 5 août 2008. La lettre informant Mme Raymond de sa nomination à ce poste a été signée par Marc O’Sullivan, directeur exécutif, Langues officielles.

62 Nicole Jauvin, qui était la présidente de l’Agence lors de la rétrogradation de Mme Raymond, a aussi témoigné.

63 Elle a déclaré connaître les difficultés relativement au rendement de Mme Raymond et avoir été tenue à jour quant à l’évolution du dossier. Elle a également co-présidé le comité de révision pour l’année 2006-2007 et elle a confirmé que Mme Raymond était alors la seule cadre supérieure à ne pas avoir obtenu des cotes de rendement satisfaisantes. Mme Jauvin a déclaré ne pas avoir participé directement à la décision de rétrograder Mme Raymond, mais elle a indiqué qu’elle avait agi à titre de dernier palier d’appel à l’égard du grief déposé par Mme Raymond. Mme Jauvin a déclaré qu’avant de rendre sa décision relativement au grief de Mme Raymond, elle avait lu l’ensemble des documents afférents au rendement de celle-ci et rencontré Mme Raymond à deux reprises. Elle a indiqué avoir décidé, après avoir analysé le dossier et rencontré Mme Raymond, de modifier la rétrogradation de Mme Raymond en la réduisant d’un niveau, la faisant passer du groupe et niveau AS-06 au groupe et niveau AS-07.

64 Mme Jauvin a indiqué que sa décision avait été motivée par le fait qu’elle était convaincue que le rendement de Mme Raymond était insuffisant et qu’elle ne pouvait la maintenir dans son poste de directrice, mais qu’elle avait voulu limiter les conséquences financière de la rétrogradation pour Mme Raymond. Elle a également déclaré qu’elle croyait que ce compromis allait satisfaire Mme Raymond. Elle a confirmé sa décision dans une lettre qu’elle a adressée à Mme Raymond le 26 août 2008.      

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

65 Mme Raymond a expliqué avoir obtenu un poste de groupe et niveau EX-01 en 2002 alors qu’elle travaillait à la Commission de la fonction publique du Canada. Elle a indiqué que six mois après avoir obtenu un poste de ce groupe et niveau, la direction dans laquelle elle travaillait a été démantelée et elle a joint le Secrétariat à la mise en œuvre de la modernisation de la fonction publique dans une fonction d’analyste supérieure pour ensuite être intégrée à l’Agence en 2003. Mme Raymond a déclaré occuper, depuis novembre 2009, le poste de directrice pour l’Ontario à Condition féminine Canada.

66 Mme Raymond a témoigné sur son désaccord relativement au traitement que lui a réservé l’Agence.

67 Mme Raymond a déposé un rapport d’évaluation de ses compétences fait en 1998 par le Centre d’évaluation pour la nomination des cadres de direction de la Commission de la fonction publique, mais qui était valide pour une durée indéterminée. Ce rapport d’évaluation fait état de résultats qui démontrent que Mme Raymond avait été « généralement efficace dans l’ensemble des compétences ». Mme Raymond a déclaré que ce rapport démontre qu’elle possède les compétences pour occuper un poste de groupe et niveau EX-01.

68 Mme Raymond a témoigné relativement à son expérience au sein de l’Agence et à l’évaluation qui a été faite de son rendement pour chacune des années financières.

69 Relativement aux années financières 2003-2004 et 2004-2005, Mme Raymond a indiqué qu’elle n’avait jamais reçu de commentaires négatifs relativement à son rendement et qu’on ne l’avait jamais informé que son rendement était jugé insatisfaisant.

70 Relativement à l’année 2005-2006, qu’elle a passée sous la supervision de M. Crête, Mme Raymond a émis les commentaires suivants. Dans un premier temps, elle a indiqué, contrairement à la version de M. Crête, qu’aucune entente de rendement n’avait été convenue entre eux au début de l’année. Elle a également indiqué qu’elle n’avait pas vu, avant 2007, le formulaire d’évaluation de rendement rédigé par M. Crête et déposé en preuve, cela même si la première page contient sa signature. Elle a par ailleurs reconnu avoir travaillé sur les projets mentionnés par M. Crête et elle a reconnu que celui-ci lui avait fait part de certaines insatisfactions au niveau de son rendement.

71 Mme Raymond a également commenté la période qu’elle a passée dans la Direction de la diversité sous la direction de Mme Ramcharan au cours de l’année 2006-2007. D’abord, contrairement à la version de Mme Ramcharan, Mme Raymond a déclaré que son entente de rendement n’avait pas été conclue en juillet 2006, mais bien le 31 octobre 2006, date à laquelle elle a été signée. Mme Raymond a indiqué que les ententes de rendement des cadres supérieurs de la direction n’avaient pas été conclues avant cette date parce que tout le monde attendait les orientations qui seraient données par la nouvelle vice-présidente, arrivée en poste en septembre 2006.    

72 Mme Raymond a déclaré que la période au cours de laquelle Mme Ramcharan avait véritablement été en mesure de l’évaluer avait été bien courte, soit entre le 31 octobre 2006 et le 14 novembre 2006, date de leur rencontre. Elle a d’ailleurs indiqué ne pas avoir été informée, ni avoir compris pourquoi Mme Ramcharan tenait à évaluer son rendement en cours d’année et non à la fin de l’année financière comme c’est normalement le cas. 

73 Mme Raymond a également déclaré avoir soumis à Mme Ramcharan un plan d’apprentissage et de développement pour l’année 2006-2007. Elle a déposé ce plan en preuve. Mme Raymond a indiqué que plusieurs activités d’apprentissage mentionnées dans le plan lui avaient été refusées. Elle a par ailleurs reconnu en contre-interrogatoire avoir participé à certaines activités de formation au cours de l’année.  

74 Mme Raymond a également exprimé son désaccord à l’égard de plusieurs éléments contenus dans le rapport d’évaluation préparé par Mme Ramcharan.

75 D’abord, relativement au commentaire de Mme Ramcharan selon lequel elle n’avait pas suivi ses instructions quant à son autoévaluation, elle a indiqué que Mme Ramcharan lui avait demandé de préparer une liste des projets sur lesquels elle travaillait, ce qu’elle a fait en incluant une mise à jour de tous les dossiers sur lesquels elle travaillait depuis son arrivée dans cette direction. Mme Raymond a indiqué qu’elle estimait approprié et légitime de lui fournir un compte rendu mentionnant tous les dossiers sur lesquels elle avait travaillé depuis le début de l’année, de même que ceux qui étaient toujours en cours.

76 Mme Raymond a également réfuté certains éléments contenus dans le rapport d’évaluation.

77 Relativement au commentaire de Mme Ramcharan selon lequel elle n’avait pas constaté chez Mme Raymond des habiletés au niveau de la planification des ressources humaines, Mme Raymond a indiqué qu’elle n’avait aucune responsabilité de planification des ressources humaines durant la période visée par l’évaluation.

78 Quant aux commentaires de Mme Ramcharan relativement au volet « pensée stratégique », Mme Raymond a rétorqué que tous les cadres supérieurs de la direction s’afféraient, à cette époque, à des activités opérationnelles et qu’ils n’étaient pas rendus à l’étape de travailler au niveau stratégique, alors que la nouvelle vice-présidente n’était en poste que depuis septembre 2006. Elle a également précisé qu’elle n’avait reçu aucune orientation quant au contexte organisationnel de la nouvelle direction de la part de Mme Ramcharan qui était elle-même nouvelle dans la direction.

79 Mme Raymond a réfuté avoir éprouvé quelques difficultés à préparer des présentations et elle a indiqué qu’elle avait fait avec succès plusieurs présentations dans sa carrière. Elle a commenté l’appréciation de Mme Ramcharan de ses habiletés en communication et elle a indiqué que Mme Ramcharan ne lui avait donné aucun exemple de lacune à cet égard et que c’était la première fois qu’on mettait en doute ses habiletés en communication.

80 Quant au commentaire de Mme Ramcharan relativement à son questionnement quant à la capacité de Mme Raymond d’intervenir à l’égard d’employés dont le rendement n’était pas satisfaisant, elle a indiqué ne pas avoir été confrontée à une telle situation alors qu’elle travaillait sous la direction de Mme Ramcharan.

81 Mme Raymond a également témoigné relativement aux deux événements spécifiques survenus en novembre 2006 que Mme Ramcharan lui a reprochés. D’abord, elle a indiqué n’avoir jamais été informée avant l’audience que Mme Ramcharan lui reprochait d’avoir fait un commentaire déplacé lors de la conférence des autochtones.

82 Quant à l’omission alléguée de retourner l’appel d’un sous-ministre, Mme Raymond l’a réfutée et a expliqué, documents à l’appui, ce qui s’était passé. Elle a indiqué qu’elle avait été appelée à répondre à des demandes d’information au nom du sous-ministre en question et qu’elle avait communiqué avec les personnes en cause à la satisfaction de la vice-présidente.

83 Mme Raymond a déclaré avoir été informée des cotes de rendement que le comité de révision lui avait attribuées pour l’année 2006-2007 alors qu’elle était en congé prolongé et qu’elle avait demandé des précisions qu’elle n’avait pas obtenues.

84 Mme Raymond a également déclaré qu’à son retour de congé en octobre 2007, elle a eu des rencontres avec M. Crête et Mme Boudrias. Cette dernière l’a informée qu’elle serait affectée dans une autre direction parce que les employés de la Direction de la diversité ne voulaient plus qu’elle fasse partie de l’équipe.

85 Elle a expliqué que son environnement de travail lors de son affectation dans la direction de Mme Lacroix était difficile. Elle a précisé ne pas avoir reçu de description de tâches et elle a indiqué qu’elle travaillait de façon complètement isolée de l’équipe de travail et qu’elle ne faisait partie d’aucun comité.

86 Elle a déclaré que Mme Lacroix avait refusé qu’elle participe à un forum, qui lui aurait permis de reprendre contact avec la réalité de la fonction publique après sa longue période d’absence et de bénéficier d’un réseau de contacts pour tenter de se replacer dans un autre ministère.   

87 Elle a également indiqué n’avoir bénéficié des services d’un coach, Pierre Lanoix, qu’à compter de la fin du mois de février 2007, alors que son affectation était en cours depuis la fin décembre 2006. Elle a ajouté que même son coach trouvait que l’environnement dans lequel elle travaillait n’était pas propice à la réussite. 

88 Mme Raymond a déposé en preuve la liste de ses réalisations pour la période d’octobre 2007 à mars 2008, de même que la réponse écrite qu’elle a fournie à l’employeur en réaction aux évaluations de son rendement faites par Mme Lacroix. Dans sa réponse écrite, Mme Raymond a exprimé son désaccord à l’égard de certains éléments de l’évaluation de Mme Lacroix et elle a expliqué le contexte de réalisation de certaines activités. Elle y a également expliqué pourquoi certains dossiers n’avaient pas donné tous les résultats escomptés ou avaient été difficiles à réaliser. À cet égard, Mme Raymond y a mentionné certains éléments hors de son contrôle et elle a indiqué que le fait qu’elle travaillait de façon isolée ne facilitait pas sa tâche.

89 M. Lanoix, qui avait été embauché comme coach de Mme Raymond, a témoigné. Il a déclaré avoir préparé un plan d’intervention avec Mme Raymond et avoir eu quelques rencontres avec elle. M. Lanoix a fait état de son constat que Mme Raymond semblait présenter de grandes forces, mais également certaines zones où elle était moins confortable. Il a également déclaré avoir recommandé que le profil de gestion de Mme Raymond soit évalué par un psychologue industriel pour mieux orienter son intervention. Mme Raymond a effectivement fait l’objet d’une évaluation de son profil de gestion par le psychologue industriel M. Forget, qui a émis un rapport d’évaluation. J’ai permis le dépôt en preuve du rapport de M. Forget, et ce malgré l’objection de l’employeur. J’ai offert à l’employeur d’ajourner l’audience avant que les parties ne déclarent la preuve close pour permettre à l’avocat de l’employeur de contre-interroger M. Forget. L’avocat de l’employeur a déclaré renoncer à son droit de contre-interroger M. Forget. Le rapport d’évaluation fait états de grandes forces et de certaines zones de vigilance. 

90 M. Lanoix a déclaré que le profil de gestion de Mme Raymond concordait avec ses propres observations. Il a également indiqué qu’il estimait que l’environnement dans lequel Mme Raymond travaillait dans le cadre de son affectation n’était pas propice à la réussite. L’avocat de l’employeur s’est objecté à ce que M. Lanoix émette son opinion à cet égard au motif qu’il n’avait pas été qualifié d’expert. J’ai rejeté cette objection et permis à M. Lanoix de témoigner sur son opinion quant à l’environnement dans lequel Mme Raymond devait évoluer parce sa perception de la situation avait influencé son plan de travail avec Mme Raymond et parce qu’il a relaté des rencontres avec la directrice de Mme Raymond au cours desquelles il lui avait fait part de son évaluation de la situation. M. Lanoix a indiqué que c’était la première fois qu’il voyait un plan de redressement où la personne qui devait démontrer ses capacités pour un poste d’un niveau donné était affectée à des fonctions de niveau inférieur. Il a trouvé inhabituel le processus auquel Mme Raymond avait été assujettie et estimait que son environnement de travail la plaçait dans toutes ses zones d’inconfort et n’offrait pas de chances de réussite.   

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

91 L’employeur soutient que le champ d’intervention d’un arbitre de grief à l’égard d’une rétrogradation imposée en raison d’un rendement insatisfaisant est circonscrit par la Loi sur la gestion des finances publiques, L.C. (1985), c. F-11 (LGFP), et par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), L.C., 2003, ch. 22.

92 D’abord, il a indiqué qu’aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la LGFP, le législateur a octroyé à l’administrateur général le pouvoir de rétrograder un fonctionnaire lorsqu’il est d’avis que son rendement est insuffisant. Il a ajouté que le paragraphe 12(3) de la LGFP exige par ailleurs qu’une telle mesure soit motivée.  

93 Il a ensuite renvoyé à l’article 230 de la Loi qui circonscrit clairement le champ d’intervention de l’arbitre de grief. Cet article se lit comme suit :

230. L’arbitre de grief saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3) doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

94 L’employeur a souligné que l’article 230 de la Loi est une nouvelle disposition qui n’existait pas dans l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’ « ancienne Loi »). L’employeur soutient qu’en introduisant cette disposition, le législateur a voulu baliser et limiter la compétence de l’arbitre de grief relativement aux licenciements et rétrogradations imposés en raison du rendement insuffisant d’un fonctionnaire.

95 Ainsi, aux termes de l’article 230 de la Loi, l’appréciation de l’arbitre de grief se limite à déterminer si le jugement de l’administrateur général quant au caractère insuffisant du rendement d’un fonctionnaire était raisonnable. S’il conclut que l’avis de l’administrateur général était raisonnable, l’arbitre de grief a épuisé sa compétence et il doit conclure que la rétrogradation était motivée. L’arbitre de grief n’a pas la compétence pour déterminer si la rétrogradation constituait la mesure appropriée et, selon le cas, substituer sa propre appréciation à celle de l’employeur.  

96 L’employeur soutient qu’en adoptant cette disposition, le législateur a consciemment accordé à l’arbitre de grief une compétence moins étendue que celle dont il dispose en matière de licenciement ou de rétrogradation imposé pour des motifs autres que ceux liés au rendement par exemple, en matière disciplinaire, où l’arbitre de grief peut substituer sa propre appréciation de la situation et du caractère approprié de la mesure à celle de l’employeur. 

97 De plus, l’employeur soumet que le législateur avait certainement à l’esprit que l’employeur qui supervise un employé, et qui le voit fonctionner dans la réalité de son milieu de travail, est dans une meilleure position qu’un arbitre de grief pour juger du rendement de ce fonctionnaire et de sa capacité à mettre en pratique ses habiletés et ses connaissances.

98 L’employeur soutient qu’en choisissant le critère du caractère raisonnable de l’évaluation que fait l’administrateur général du rendement du fonctionnaire, le législateur impose à l’arbitre de grief un devoir de déférence à l’égard de la décision de l’administrateur général. L’employeur a d’ailleurs dressé un parallèle entre le rôle de l’arbitre de grief et celui d’un tribunal supérieur qui siège en révision judiciaire; l’arbitre de grief ne devrait intervenir que si la décision de l’administrateur général était déraisonnable au sens où ce concept s’entend en matière de révision judiciaire. À cet égard, l’employeur a cité Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, où la Cour suprême a retenu la définition suivante :

[…]

[47] La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[…]

99 L’employeur m’a également renvoyé à la définition suivante de « raisonnable » que l’on trouve dans le Black’s Law Dictionary : [Traduction] « Équitable, approprié, juste, modéré […] ».

100 L’employeur soumet que rien dans la preuve ne permet de conclure que l’appréciation du rendement de Mme Raymond faite par l’administrateur général était déraisonnable, qu’elle était absurde, arbitraire, discriminatoire ou empreinte de mauvaise foi. L’employeur soutient avoir démontré que le rendement de Mme Raymond était insuffisant, et ce pendant une longue période. À cet égard, l’employeur a insisté sur le fait que toutes les personnes qui ont supervisé Mme Raymond entre 2003 et 2008 ont constaté que son rendement était insuffisant. L’employeur soutient également que Mme Raymond n’a pas été en mesure de réfuter la preuve de l’employeur quant à l’insuffisance de son rendement.

101 L’employeur soutient enfin que la preuve ne permet pas de conclure que l’employeur a agi pour des raisons autres que celles liés à son appréciation véritable du rendement de Mme Raymond, que la décision de l’employeur ne pouvait aucunement être qualifiée d’arbitraire ou empreinte de mauvaise foi.

102 L’employeur soumet également que le nouveau critère d’intervention de l’arbitre de grief imposé par le législateur a eu pour effet d’écarter les critères que les arbitres de grief avaient développés en matière de licenciement ou de rétrogradation pour incompétence sous l’ancienne Loi et il m’a renvoyé à Nnagbo c. Conseil du Trésor, 2001 CRTFP 1, pour un exemple d’application de ces critères. L’employeur soutient de façon subsidiaire que l’employeur a respecté les paramètres de sa Directive.      

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

103 Contrairement aux prétentions de l’employeur, Mme Raymond soutient que l’adoption de l’article 230 de la Loi n’a pas écarté les paramètres développés par la jurisprudence en matière de licenciement ou de rétrogradation pour rendement insuffisant. Elle m’a renvoyé à Morissette c. Conseil du Trésor (Ministère de la justice), 2006 CRTFP 10 et O’ Leary c. Conseil du Trésor (Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canadien), 2007 CRTFP 10, pour une énonciation de ces critères. Dans O’Leary, l’arbitre de grief a repris comme suit les paramètres applicables :

[…]

[286] L’article 11 de la LGFP, qui confère à l’employeur le pouvoir de rétrograder un fonctionnaire pour un comportement exempt de faute, exige que l’employeur établisse un motif pour justifier cette mesure.

[287] Le président de la Commission a résumé dans Nnagbo ce que l’employeur devait montrer pour établir un motif de licenciement d’un fonctionnaire. L’employeur doit montrer qu’il a agi de bonne foi, qu’il a fixé des normes de rendement appropriées qui ont été clairement communiquées au fonctionnaire, qu’il a donné à ce dernier les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour qu’il puisse atteindre les normes fixées dans un délai raisonnable, qu’il a averti le fonctionnaire par écrit que s’il n’atteignait pas les normes fixées dans le délai – qui doit être raisonnable – fixé, il serait licencié, et que le fonctionnaire n’a pas satisfait à ces normes.

[…]

104 Mme Raymond soutient que l’article 230 de la Loi qui exige que le jugement et la décision de l’employeur soient raisonnables est compatible avec les paramètres développés sous l’ancienne Loi et que pour être qualifiée de raisonnable, la décision de l’employeur de rétrograder un fonctionnaire pour rendement insatisfaisant doit respecter les critères reconnus par la jurisprudence.

105 Mme Raymond a insisté sur le fait que le Conseil du Trésor a intégré ces paramètres dans sesLignes directrices sur la rétrogradation ou le licenciement pour rendement insatisfaisant (les « Lignes directrices ») et qu’il est tenu de les respecter.  Les Lignes directrices prévoient entre autres ce qui suit :

[…]

Avant de décider de rétrograder ou de licencier un employé en raison d'un rendement insatisfaisant, le gestionnaire délégataire doit s'assurer ce que qui [sic] suit :

  • Le niveau de rendement exigé de l'employé a été déterminé;
  • Le niveau de rendement requis a été communiqué à l'employé;
  • L'employé a reçu des niveaux de supervision et d'instruction raisonnables;
  • L'employé s'est vu accorder une période raisonnable pour atteindre le niveau de rendement requis;
  • L'employé a reçu des avertissements raisonnables et savait ce qui se passerait s'il continuait de ne pas fournir le niveau de rendement requis;
  • Après avoir établi que l'employé n'était pas capable de fournir le niveau de rendement requis, des efforts raisonnables ont été faits pour lui trouver un autre emploi pour lequel il possède les compétences voulues.

[…]

106 Mme Raymond soutient que la preuve démontre que l’employeur a agi de mauvaise foi à son égard, qu’il n’a pas respecté ses propres lignes directrices et qu’il l’a traitée de façon injuste et arbitraire. Le représentant de Mme Raymond a soulevé plusieurs éléments au soutien de l’assertion de Mme Raymond.

107 D’abord, Mme Raymond soutient que dans les faits, sa rétrogradation n’est pas survenue en juin 2008, mais bien en novembre 2006 lorsque Mme Ramcharan a décidé qu’elle ne la voulait plus dans sa direction. Mme Raymond soutient que c’est à ce moment que l’employeur a décidé de la rétrograder bien qu’elle n’en ait été informée qu’en octobre 2007, à son retour au travail.

108 Mme Raymond prétend qu’au cours des années 2005-2006 et 2006-2007, l’employeur ne lui a pas clairement communiqué ses attentes, il ne lui a pas donné une véritable occasion de démontrer qu’elle pouvait satisfaire à ces attentes, il ne lui a pas fourni un soutien adéquat et il ne l’a pas clairement informé qu’elle serait rétrogradée si elle n’améliorait pas son rendement. Mme Raymond a insisté sur plusieurs éléments.

109 D’abord, elle a indiqué que pour l’année 2005-2006, M. Crête ne lui avait pas communiqué clairement ses attentes et qu’il ne lui avait donné ni entente de rendement en bonne et due forme, ni engagement permanent.    

110 Mme Raymond a également insisté sur le fait que pour l’année 2006-2007, Mme Ramcharan ne lui avait pas communiqué d’objectifs précis et de résultats à atteindre avant le 31 octobre 2006, soit sept mois après le début de l’année financière et cinq semaines avant qu’elle ne s’absente du travail pour une période prolongée. Elle a soutenu que pour la période d’avril à juin 2006, elle n’avait aucune idée des résultats qu’on attendait d’elle et qu’elle bénéficiait tout au plus d’indications quant aux projets sur lesquels elle devait travailler. 

111 Mme Raymond a soutenu qu’en 2006-2007, elle n’a pas bénéficié d’une période raisonnable pour satisfaire aux attentes de l’employeur, alors qu’elle n’a travaillé que six mois dans la Direction de la diversité qui était une nouvelle direction en plein développement et où l’environnement et les attentes n’étaient pas clairs. Mme Raymond a ajouté qu’elle n’avait été informée des attentes à son endroit qu’à la fin du mois d’octobre 2006, alors qu’elle s’était absentée à compter de décembre 2006.

112 Mme Raymond a soutenu qu’avant son retour au travail en octobre 2007, l’employeur ne l’a jamais informé qu’elle serait rétrogradée si son rendement ne s’améliorait pas. Elle a souligné à cet égard que l’employeur l’a nommée au poste de directrice dans la Direction de la diversité en mai 2006 et ne lui a jamais signifié qu’elle risquait d’être rétrogradée. Or, à son retour au travail, en octobre 2007, elle a été informée qu’elle ne pouvait reprendre son poste, et ce, sans que son rendement ait été évalué sur une année financière complète.

113 Mme Raymond soutient que l’employeur aurait dû attendre deux cycles complets d’évaluation de son rendement avant de lui imposer une rétrogradation.

114 Mme Raymond soutient également que l’employeur a omis de lui fournir les outils qui l’auraient aidé à améliorer son rendement. Elle a insisté à cet égard sur le fait qu’elle n’avait bénéficié du soutien d’un coach que pour une période de quatre mois, ce qui était nettement insuffisant.

115 Mme Raymond soutient également que l’employeur a agi de façon déraisonnable en l’affectant à des fonctions de PE-06 pour mesurer sa capacité de fonctionner adéquatement dans un poste de groupe et niveau EX-01.

116 Mme Raymond soutient enfin que l’employeur a agi de façon arbitraire en lui imposant une rétrogradation de deux niveaux, la faisant passer d’un groupe et niveau EX-01 à un groupe et niveau PE-06, alors que rien ne justifiait une rétrogradation de deux niveaux.

117 Pour ce qui est des mesures correctives, Mme Raymond a soutenu qu’elle reconnaissait qu’il pouvait s’avérer impossible d’ordonner la réintégration dans le poste qu’elle occupait avant sa rétrogradation et que je pourrais limiter les mesures de redressement à une compensation financière. À cet égard, Mme Raymond me demande d’ordonner à l’employeur de lui verser la différence entre son salaire actuel et celui qu’elle aurait reçu comme EX-01, et ce, depuis le 15 mai 2006 en plus d’ordonner le remboursement de ses frais de représentation.  

IV. Motifs

118 La première question que je dois trancher dans le présent dossier a trait à l’étendue de mon champ d’intervention à l’endroit de la décision de l’employeur de rétrograder Mme Raymond.

119 La LGFP octroie à l’administrateur général le pouvoir de rétrograder un fonctionnaire dont il estime le rendement insuffisant, mais sa décision doit être motivée.

120 Le fonctionnaire qui fait l’objet d’une rétrogradation pour rendement insuffisant peut déposer un grief à l’encontre de cette mesure et peut renvoyer ce grief à l’arbitrage en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi. Le législateur a toutefois imposé un cadre d’intervention strict à l’arbitre de grief saisi d’un tel grief. J’estime utile de reproduire à nouveau l’article 230 de la Loi :

230. L’arbitre de grief saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3) doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

121 Je comprends de cette disposition que l’arbitre saisi d’un grief à l’encontre d’un licenciement ou d’une rétrogradation pour rendement insuffisant doit trancher la question suivante : Était-il raisonnable, à la lumière de la preuve, que l’administrateur estime que le rendement du fonctionnaire en cause était insuffisant?

122 Si l’arbitre de grief conclut que le jugement porté par l’administrateur quant au rendement du fonctionnaire était raisonnable, il a épuisé sa compétence et il doit décider que la rétrogradation était motivée. Il est important de noter qu’en vertu de l’article 230 de la Loi, l’évaluation de l’arbitre de grief doit porter non pas sur le caractère raisonnable de la décision prise par l’employeur de rétrograder le fonctionnaire, mais plutôt sur le caractère raisonnable de son appréciation du rendement du fonctionnaire. Ce n’est donc pas la décision de rétrograder qui est en cause, mais bien le jugement formulé quant à la suffisance du rendement du fonctionnaire. Ces paramètres sont beaucoup plus restrictifs qu’auparavant sous le régime de l’ancienne Loi, et s’appliquent toujours à l’égard des rétrogradations et licenciements pour des motifs autres que l’insuffisance de rendement.

123 À mon sens, en introduisant l’article 230 dans la Loi, le législateur a clairement voulu limiter le champ d’intervention de l’arbitre de grief, et ce à deux égards. Premièrement, il a voulu éviter que l’arbitre de grief ne substitue son opinion à celle de l’employeur quant à l’appréciation du rendement du fonctionnaire en ne lui permettant d’intervenir qu’en présence d’une preuve que le jugement posé par l’administrateur était déraisonnable. Je vois dans cet encadrement législatif une reconnaissance de la part du législateur que l’employeur est dans une meilleure position qu’un arbitre de grief pour apprécier la qualité du rendement d’un fonctionnaire qu’il voit fonctionner au quotidien.

124 Deuxièmement, l’arbitre de grief n’a pas le mandat d’apprécier le caractère approprié de la mesure de rétrogradation ou de licenciement s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur estime le rendement insuffisant. Ainsi, ou bien il était raisonnable que l’administrateur estime le rendement du fonctionnaire insuffisant, auquel cas la rétrogradation est maintenue, ou bien le jugement de l’administrateur est jugé déraisonnable et la rétrogradation est cassée. L’arbitre de grief ne peut substituer une sanction qu’il juge plus appropriée.  

125 Il reste à déterminer les critères qui devraient guider l’arbitre de grief dans son appréciation du caractère raisonnable ou non du jugement posé par l’administrateur général. En d’autres mots, comment doit-on définir le terme « raisonnable » dans le présent contexte ?

126 J’estime à cet égard que plusieurs références peuvent être utiles.

127 Le Black’s Law Dictionary définit « raisonnable » comme suit : [Traduction] « Équitable, approprié, juste, modéré […] »

128 Le concept de la raisonnabilité au sens où l’entend la Cour suprême en matière de révision judiciaire peut également s’avérer utile et, à cet égard, je reprends la définition donnée dans Dunsmuir :

[…]

[47]    Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[…]

129 Ces définitions se rejoignent toutes à mon avis en ce qu’elles s’attardent à la rigueur et l’équité dans le processus décisionnel ou dans l’appréciation faite par l’employeur de la situation. J’ajouterais à ces facteurs, qu’un jugement posé de mauvaise foi, de façon arbitraire ou encore, posé sur la foi de considérations discriminatoires ou n’ayant aucun lien avec l’emploi, ne saurait être qualifié de raisonnable.

130 L’employeur a soutenu que les paramètres qui avaient été développés en matière de licenciement ou de rétrogradation pour incompétence sous l’ancienne Loi ne pouvaient plus trouver application dans le cadre de l’article 230 de la Loi. Je pense que cette assertion doit être nuancée. Dans Nnagbo, le président de la Commission a énoncé comme suit les paramètres que devait respecter l’employeur :

[…]

[53] Lorsque l’employeur veut licencier un fonctionnaire pour incompétence, il doit montrer

– qu’il a agi de bonne foi;

– qu’il a fixé des normes de rendement appropriées qui ont été clairement communiquées au fonctionnaire;

– qu’il a donné au fonctionnaire les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour qu’il puisse atteindre les normes fixées dans un délai raisonnable;

– qu’il a averti le fonctionnaire par écrit que s’il n’atteignait pas les normes fixées dans le délai- qui doit être raisonnable – fixé, il serait licencié;

– que le fonctionnaire n’a pas satisfait à ces normes.

[…]

131 Je conviens que, sous l’ancienne Loi, l’arbitre de grief n’était pas limité dans son appréciation de la décision prise par l’employeur et que les paramètres ci-haut énoncés ont été développés pour juger de la validité de la décision prise par l’employeur de rétrograder ou de licencier le fonctionnaire. Ainsi, certains facteurs se rapportent davantage à l’équité du processus décisionnel et ne peuvent être transposés intégralement lorsque ce qui fait l’objet de l’examen de l’arbitre de grief se limite au caractère raisonnable du jugement porté par l’administrateur général relativement à la suffisance ou à l’insuffisance du rendement du fonctionnaire. J’estime par ailleurs que certains éléments se recoupent. Ainsi, je ne vois pas comment on pourrait conclure qu’il était raisonnable qu’un administrateur général estime le rendement de l’un de ses fonctionnaires insuffisant, si preuve est faite que :

  • L’administrateur général ou les superviseurs qui ont apprécié le rendement du fonctionnaire se sont livrés à un exercice empreint de mauvaise foi;
  • Le fonctionnaire n’était pas assujetti à des normes de rendement appropriées;
  • L’employeur n’avait pas communiqué clairement au fonctionnaire les normes de rendement qu’il devait satisfaire; ou
  • Le fonctionnaire n’avait pas reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai jugé raisonnable.

132 Je vais maintenant revenir aux faits du présent dossier pour apprécier le caractère raisonnable du jugement porté par l’administrateur général que le rendement de Mme Raymond était insuffisant.

133 À la lumière de la preuve, je considère qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime que le rendement de Mme Raymond était insuffisant et ce pour les motifs qui suivent. 

134 La preuve prépondérante a démontré que les directeurs qui ont successivement supervisé Mme Raymond pour les années 2005-2006, 2006-2007 et 2007-2008 ont tous constaté des lacunes dans son rendement. La preuve démontre au surplus que les lacunes observées par chacun d’eux étaient de même nature et avaient trait à certaines compétences en leadership. Or, rien dans la preuve ne me permet de conclure que le constat fait par les différents supérieurs de Mme Raymond était arbitraire, non objectif, qu’il était dénué de bon sens ou appuyé sur des éléments n’ayant rien à voir avec les responsabilités de Mme Raymond. M. Crête et Mme Ramcharan ont témoigné de leur appréciation du rendement de Mme Raymond et en ont livré une appréciation articulée et fondée sur des exemples concrets. Le rapport d’évaluation préparé par Mme Lacroix est également bien circonstancié et il exprime clairement les éléments d’insatisfaction et les lacunes observées dans le rendement de Mme Raymond. De plus, le processus suivi par le comité de révision pour attribuer des cotes de rendement à tous les cadres supérieurs de l’Agence offrait un gage d’objectivité et d’impartialité au processus d’évaluation du rendement. Or, le comité de révision a octroyé des cotes de rendement insuffisant à Mme Raymond pour les exercices 2005-2006 et 2006-2007. Rien dans la preuve ne me permet de conclure que le processus suivi par le comité pour attribué les cotes de rendement était injuste, inéquitable, qu’il manquait de rigueur ou qu’il était autrement déraisonnable.

135 Rien dans la preuve ne me permet non plus de conclure que M. Crête et Mmes Ramcharan, Lacroix, Boudrias ou Jauvin étaient animés de quelque mauvaise foi ou même d’animosité à l’endroit de Mme Raymond.  

136 Mme Raymond a exprimé son désaccord avec l’évaluation qu’ont fait ses supérieurs à l’égard de son rendement et dans certains cas elle a tenté d’expliquer ses contre-performances par le contexte dans lequel elle devait travailler. Elle a aussi cherché à réfuter le jugement porté par les témoins de l’employeur en déposant des rapports de son profil de gestion et de ses compétences pour démontrer qu’elle avait les compétences pour assumer adéquatement ses responsabilités.

137 Il est important de bien comprendre le contexte d’intervention d’un arbitre de grief dans les circonstances du présent dossier. Je ne siège pas en appel de la décision de l’employeur et je n’ai pas à faire ma propre appréciation du rendement de Mme Raymond. Ma compétence se limite à la question de savoir si l’appréciation du jugement faite par l’employeur était déraisonnable.

138 Or, j’estime que l’employeur a satisfait à son fardeau de démontrer que l’appréciation du rendement faite par tous les représentants de l’employeur était raisonnable et Mme Raymond n’a pas réussi à renverser cette preuve. Je ne doute absolument pas que Mme Raymond possède de grandes forces et un profil de compétences de haut niveau, mais ces éléments ne suffisent pas pour contrecarrer les constats faits par ses supérieurs immédiats relativement à son rendement dans le contexte des postes qu’elle a occupé à l’Agence. Je retiens de la preuve que, dans le contexte propre à celui qui prévalait à l’Agence, Mme Raymond n’a pas réussi à fournir un rendement qui satisfaisait aux attentes de l’employeur. Ceci ne veut pas dire que Mme Raymond est incompétente ou qu’elle ne peut pas bien fournir un rendement pleinement satisfaisant dans un autre milieu de travail.  

139 Je conviens avec Mme Raymond que tout n’était pas parfait. Mme Raymond n’a pas eu d’engagements permanents pour l’année 2004-2005, mais M. Crête a expliqué que c’était parce que Mme Raymond n’avait pas la responsabilité d’un centre d’activité au cours de l’année 2004-2005. Mme Raymond n’a peut-être pas reçu une entente formelle de rendement pour cette même année avec des mesures de rendement précises, mais la preuve prépondérante a démontré qu’elle savait très bien sur quels dossiers elle devait travailler et rien ne me permet de croire que les attentes de M. Crête n’étaient pas claires. Mme Raymond a d’ailleurs reconnu avoir eu plusieurs rencontres de suivi avec M. Crête. Rien ne laisse croire que M. Crête était animé d’une quelconque malveillance à l’endroit de Mme Raymond. Au contraire, il a recommandé sa nomination au poste de directeur dans la nouvelle Direction de la diversité malgré ses préoccupations quant au rendement de Mme Raymond parce qu’il estimait qu’elle pourrait satisfaire aux attentes de l’employeur avec un bon plan de redressement.     

140 Je conviens aussi que le passage de Mme Raymond dans la direction de Mme Ramcharan ne s’est pas fait dans un contexte idéal. Il s’agissait d’une nouvelle direction, dirigée par une nouvelle directrice et une nouvelle vice-présidente. Rien ne me permet de conclure que malgré le contexte, Mme Raymond ne connaissait pas les attentes de Mme Ramcharan ou que les attentes étaient déraisonnables. Dans un premier temps, Mme Raymond avait été nommée dans un poste de cadre supérieur de directrice, ce qui à mon avis présuppose qu’elle pouvait fonctionner avec autonomie dans un environnement incertain et instable. Je n’estime pas nécessaire de déterminer si l’entente de rendement de Mme Raymond a été conclue avec Mme Ramcharan en juillet ou en octobre 2006 puisque je considère, à la lumière des témoignages de Mme Raymond et Mme Ramcharan et du compte rendu d’activités présenté par Mme Raymond à Mme Ramcharan, que Mme Raymond savait sur quel dossiers elle devait travailler et avait une idée suffisante des attentes de Mme Ramcharan. Je ne retiens toutefois pas les deux incidents que Mme Ramcharan a reprochés à Mme Raymond. D’abord, Mme Ramcharan n’a jamais fait part de sa perception de ce commentaire à Mme Raymond et ne lui a pas donné l’occasion de commenter cet incident. Quant à l’incident dans le cadre duquel Mme Raymond aurait omis de retourner l’appel d’un sous-ministre, je retiens la version de Mme Raymond qui a été appuyée de courriels et qui démontre qu’elle n’avait rien à se reprocher. J’estime toutefois qu’outre ses éléments, et malgré le fait que Mme Raymond n’a travaillé que sept mois sous la supervision de Mme Ramcharan, l’évaluation du rendement qu’a faite Mme Ramcharan était objective et appuyée. Mme Raymond a réfuté certains éléments contenus dans le rapport d’évaluation préparé par Mme Ramcharan et elle a exprimé son désaccord quant à l’appréciation faite par Mme Ramcharan, mais elle ne m’a pas convaincue que l’appréciation que Mme Ramcharan a faite de son rendement était déraisonnable. Mme Raymond a allégué que certaines activités de formation lui avaient été refusées. Elle a par ailleurs convenu avoir bénéficié de certaines activités de formation au cours de l’année 2006-2007.  

141 Ces constats ne me permettent toutefois pas de soutenir une conclusion que l’appréciation du rendement de Mme Raymond serait déraisonnable parce qu’elle aurait été assujettie à des normes de rendement inappropriées ou à des normes qu’on ne lui aurait pas communiqué clairement ou encore que l’employeur aurait omis de lui fournir les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour lui permettre de satisfaire aux attentes de l’employeur. En l’espèce et tel que l’ai déjà indiqué tout n’était pas parfait, mais les faits doivent être appréciés en tenant compte du poste qu’occupait Mme Raymond, soit celui d’un cadre supérieur qui travaillait dans un environnement en évolution.

142 Un mot maintenant sur l’affectation de Mme Raymond dans la direction de Mme Lacroix au secteur du leadership et de la gestion du talent. Lorsque l’employeur a décidé de mettre en place un plan de redressement, le constat de l’insuffisance du rendement de Mme Raymond avait déjà été fait par le comité de révision, par M. Crête et par Mmes Boudrias et Ramcharan. Le plan de redressement précise comme suit l’objectif poursuivi : « […] la mise en œuvre d’un plan afin d’identifier et de confirmer le niveau auquel vous êtes en mesure de produire un rendement pleinement satisfaisant ainsi que vous aider à rencontrer le niveau de rendement requis dans les fonctions d’un poste de votre groupe et niveau». Mon rôle n’est pas d’évaluer le bien fondé ou le caractère approprié du plan de redressement mis en place par l’employeur et de la décision qu’il a pris d’affecter Mme Raymond à des tâches de groupe et niveau PE-06. Mon mandat consiste à statuer sur le caractère raisonnable du jugement sur la qualité du rendement de Mme Raymond. Or, les rapports d’évaluation rédigés par Mme Lacroix font état de lacunes dans le rendement de Mme Raymond qui sont bien circonstanciées et objectivées. Les constats de Mme Lacroix rejoignent d’ailleurs ceux faits par M. Crête et Mme Ramcharan. Mme Raymond a réfuté plusieurs éléments de ces rapports dans un document qu’elle a soumis à l’employeur en juin 2008, mais les éléments relevés ne permettent pas de soutenir une conclusion que l’évaluation de Mme Lacroix était déraisonnable. 

143 Un mot enfin sur le témoignage de Mme Jauvin qui était, à l’époque pertinente, l’administrateur général de l’Agence au sens de la LGFP. Mme Jauvin a expliqué qu’elle n’a pas elle-même pris la décision de rétrograder Mme Raymond parce que cette responsabilité avait été déléguée et qu’elle devait garder une certaine distance puisqu’elle était le dernier palier d’appel en cas de grief. Elle a toutefois co-présidé le comité de révision pour les évaluations de rendement des cadres pour les années 2006-2007 et 2007-2008 et elle a été tenue au fait du dossier de Mme Raymond. Mme Jauvin a par ailleurs procédé à une analyse complète du dossier de Mme Raymond dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs et elle a rencontré celle-ci à deux reprises. Cet exercice l’a amené à maintenir une mesure de rétrogradation parce que, a-t-elle dit, elle était convaincue que le rendement de Mme Raymond était insuffisant et qu’elle ne pouvait la maintenir dans son poste de directeur, mais elle a décidé de réduire l’impact de la rétrogradation en l’allégeant à un niveau AS-07. Rien dans la preuve ne me permet de conclure que l’appréciation faite par Mme Jauvin du rendement de Mme Raymond manquait de rigueur ou qu’elle était autrement déraisonnable.

144 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

145 Le grief est rejeté.

Le 12 février 2010.

Marie-Josée Bédard,
arbitre de grief

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