Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le contrat pour une période déterminée de la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas été renouvelé, et elle a déposé un grief dans lequel elle a allégué avoir été licenciée - elle a soutenu que son licenciement était fondé sur de la discrimination, du harcèlement, une pratique d’embauche injuste, de la mauvaise gestion et des pratiques contraires à l’éthique - le défendeur a soulevé une objection préliminaire, en déclarant que l’arbitre de grief ne possédait pas la compétence pour entendre et trancher le grief parce que le non-renouvellement d’une nomination pour une période déterminée ne constitue pas un licenciement au sens de l’alinéa209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - la fonctionnaire s’estimant lésée devait prouver que, selon la prépondérance des probabilités, la mesure prise par le défendeur était en réalité une mesure disciplinaire entraînant le licenciement - l’arbitre de grief a déterminé que la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’était pas acquittée de ce fardeau - les observations et les arguments de la fonctionnaire s’estimant lésée ont porté sur les allégations de discrimination et de mauvaise foi, mais aucune mention n’a été faite d’un incident pouvant être qualifié d’inconduite ou d’une déclaration ou d’un acte du défendeur qui aurait pu être jugé comme une tentative de corriger le comportement de la fonctionnaire s’estimant lésée au moyen d’une mesure disciplinaire - un grief doit être renvoyé à bon droit à l’arbitrage avant que l’arbitre de grief obtienne le pouvoir d’interpréter et d’appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-02-04
  • Dossier:  566-20-2764
  • Référence:  2010 CRTFP 18

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LEONA WONG

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service canadien du renseignement de sécurité)

défendeur

Répertorié
Wong c. Administrateur général (Service canadien du renseignement de sécurité)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même

Pour le défendeur:
Karla Unger, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 2 et 21 décembre 2009 et le 4 janvier 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Leona Wong, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a renvoyé un grief à l’arbitrage, le 20 février 2009, en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi »). Elle a joint une copie du grief, une lettre de trois pages datée du 17 mars 2008, qu’elle avait présentée à son employeur, le Service canadien du renseignement de sécurité (le « défendeur » ou le « SCRS ») et dans lequel elle exposait ses doléances. Les passages de la lettre reproduits ci-après nous permettent d’apprécier son point de vue sur les circonstances dans lesquelles le défendeur a mis fin à son emploi :

[Traduction]

[…]

[…] Je conteste mon licenciement, que j’attribue aux pratiques d’embauche inéquitables, à la mauvaise gestion, aux pratiques contraires à l’éthique et aux manœuvres de harcèlement qui ont transformé la Gestion des installations en un lieu de travail sans joie et inhospitalier.

Bien que la mauvaise gestion, les manœuvres de harcèlement et les actes discriminatoires soient des questions connexes qui ont eu une incidence directe sur mes chances de demeurer en poste à la Gestion des installations, j’entends obtenir justice devant les instances appropriées relativement à ces manquements […]

[…] J’ai pris part à un processus de recrutement qui a duré un an et durant lequel le SCRS a notamment procédé à une vérification de mon expérience et de ma formation et à une enquête de sécurité en profondeur avant de m’attribuer une cote de sécurité. Dois-je comprendre que tous les efforts des RH et de SCRS seront réduits à néant parce que mes supérieurs immédiats m’ont prise en aversion et qu’ils ne veulent pas renouveler mon contrat? Parmi les raisons qui font qu’ils m’ont prise en aversion il y a mon sexe, mon âge apparent et mon niveau de scolarité. Or le sexisme, la jalousie et la peur de la compétition ne sont pas des raisons acceptables ni des motifs valables en droit pour ne pas renouveler mon contrat de travail […]

Les employés nouvellement embauchés par le SCRS sont généralement assujettis à une période de stage durant laquelle on évalue leur rendement et leurs compétences. Cette période ne doit pas servir à vérifier si les employés et les superviseurs en place peuvent supporter la présence d’un membre d’une minorité visible, d’une personne de sexe féminin, d’une professionnelle diplômée ou d’une personne considérée comme étant « plus jeune ».

[…]

Durant le prochain exercice, mon travail actuel sera accompli par trois personnes qui ont obtenu un poste permanent grâce à des affectations de perfectionnement alors qu’elles ne possèdent  ni l’expérience ni la formation voulues. Mes supérieurs immédiats aiment mieux promouvoir trois amis dénués d’expérience pour faire mon travail que de m’embaucher, alors que pendant un an et demi, je me suis acquittée des fonctions du poste avec compétence […]

[…]

[…] Il n’y a absolument aucune raison de ne pas renouveler mon contrat de travail, à part le fait que                      et que , avec l’appui inconditionnel de                        , m’ont prise en aversion pour les raisons susmentionnées et qu’ils veulent se servir de l’expiration de mon contrat pour mettre fin à ma carrière au SCRS.

[…]

[…] Une employée comme moi dont le rendement a été coté supérieur sur son RER et qui détient une habilitation de sécurité valide mérite qu’on lui accorde une juste chance de continuer à faire ses preuves au Service et de justifier les coûts élevés imputés aux contribuables pour son recrutement, même si elle n’a pas d’« amis » bien placés au Service […]

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

[Les noms ont été omis dans l’original]

2 Dans une lettre adressée à l’administrateur général durant la procédure de règlement des griefs, le 23 avril 2008, la fonctionnaire décrit comme suit les mesures correctives demandées :

[Traduction]

[…]

Je veux être réintégrée dans un poste de durée indéterminée de niveau 7 parce que j’ai atteint et dépassé toutes les attentes durant ma période de stage sans jamais recevoir de rétroaction négative formelle ou informelle de la part de la direction. Tous les collègues de la Gestion des installations qui sont arrivés en même temps que moi ont obtenu, en moins d’un an, des postes et des promotions à des postes de durée indéterminée de niveau 7 et 8. Je suis la seule à ne pas avoir bénéficié de chances égales […]

[…]

3 Dans une lettre au défendeur datée du 8 décembre 2008, la fonctionnaire fournit les précisions suivantes sur les mesures correctives demandées :

[Traduction]

[…]

1) Que je sois réintégrée dans un poste de durée indéterminée de niveau 8 […]

2) Que le RER de départ de la GI et la période de stage soient annulés […]

3) Qu’on me donne de la formation en langues officielles […]

4) Que j’aie accès à des programmes de formation, de perfectionnement professionnel et de mentorat […]

5) Au chapitre de la rémunération : que je sois rémunérée pour le salaire perdu et que mes cotisations syndicales me soient remboursées […]

[…]

4 En plus de renvoyer son grief devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), la fonctionnaire a parallèlement avisé la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) que son grief soulevait une question portant sur l’interprétation ou l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la « LCDP »). Dans cet avis, elle décrivait la question comme suit :

[Traduction]

[…]

Les gestionnaires de la Gestion des installations ont créé un environnement de travail hostile et inéquitable pour un membre d’une minorité visible de sexe féminin qui possède la formation professionnelle requise pour exercer les fonctions du poste. Je n’ai pas été traitée de manière juste et équitable; je n’ai pas bénéficié de chances égales de faire carrière dans l’organisation, contrairement aux collègues qui sont arrivés en même temps que moi parce que mes supérieurs m’ont prise en aversion en raison de mon âge, de mon sexe, de ma race et de la couleur de ma peau.

[…]

5 Le 9 mars 2009, la CCDP a avisé la Commission qu’elle n’avait pas l’intention de présenter des arguments dans la présente affaire.

6 Le 14 avril 2009, le défendeur a soumis sa position à la Commission. Il formulait l’opinion que l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour entendre et trancher le grief de Mme Wong pour la bonne raison que le non-renouvellement d’une nomination pour une durée indéterminée ne constitue pas un licenciement au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi.

7 Le 11 mai 2009, la fonctionnaire a répondu comme suit à la position du défendeur :

[Traduction]

[…]

Contrairement au défendeur, j’estime que l’arbitre de grief a compétence pour entendre mon grief. Le non-renouvellement de mon contrat constitue un licenciement déguisé résultant d’une décision prise de mauvaise foi par des gestionnaires qui poursuivaient un objectif secret. Une enquête interne a révélé que mes allégations de harcèlement et de discrimination contre ces gestionnaires étaient fondées.

Les actions de ces gestionnaires, qui, bien que dissimulées derrière l’écran de considérations d’ordre technique, étaient basées sur des distinctions injustes, m’ont privée au bout du compte de toute possibilité d’obtenir un emploi permanent. Tous les autres employés qui sont arrivés en même temps que moi, ou après, dans des circonstances similaires, ont obtenu des postes permanents et des promotions. J’estime que l’arbitre de grief a compétence pour examiner la conduite de l’employeur.

[…]

8 J’ai pris connaissance du dossier après que le président m’eut désigné pour entendre et trancher le grief en octobre 2009. Les arguments écrits détaillés soumis par la fonctionnaire lors du dépôt initial de son grief et au dernier palier de la procédure de règlement des griefs font partie des documents qui ont été fournis à la Commission. Ces documents contenaient les faits principaux de l’affaire du point de vue de la fonctionnaire de même que ses arguments sur leur prétendue signification. J’ai jugé à ce moment-là que les documents au dossier pourraient me suffire pour statuer sur l’objection du défendeur à ma compétence, en tenant pour acquis que les faits allégués par la fonctionnaire sont véridiques. Quoi qu’il en soit, j’ai décidé de demander aux parties de me soumettre des arguments écrits sur un point supplémentaire sur lequel je pourrais avoir à me pencher. Il m’apparaissait important de comprendre si les limites des mesures correctives ouvertes, le cas échéant, dans l’affaire qui nous occupe, pouvaient entrer en ligne de compte pour trancher l’objection du défendeur à ma compétence.

9 Le 3 novembre 2009, les Services du greffe ont adressé la lettre suivante aux parties en mon nom :

[Traduction]

[…]

La fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Tout grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) doit porter sur « […] une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire ». Le défendeur formule l’opinion, dans sa lettre du 14 avril 2009, que l’arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre le grief, pour la bonne raison que le non-renouvellement d’une nomination pour une période déterminée ne constitue pas un licenciement susceptible d’examen par un arbitre de grief pour l’application de l’alinéa 209(1)b).

L’arbitre de grief a décidé de demander d’abord aux parties de lui soumettre des arguments écrits. En respectant les dates indiquées  ci-après, les parties sont priées de soumettre des arguments écrits sur la question de compétence suivante :

  1. Si l’arbitre de grief conclut que le non-renouvellement de la nomination de la fonctionnaire pour une période déterminée résultait d’une mesure disciplinaire ou d’actes discriminatoires, a-t-il compétence pour la réintégrer dans un poste pour une période déterminée ou à temps plein?
  2. Si l’arbitre de grief ne peut pas accorder les mesures correctives susmentionnées, cela a-t-il une incidence sur sa compétence pour trancher le grief?

L’arbitre de grief peut statuer sur l’objection du défendeur à sa compétence en se basant exclusivement sur les arguments écrits des parties. Il peut également décider de convoquer les parties à l’audience prévue provisoirement du 2 au 5 mars 2010 s’il juge nécessaire d’entendre des témoignages oraux ou des arguments complémentaires pour trancher l’objection à sa compétence ou s’il est convaincu qu’il doit également entendre la preuve et les arguments des parties sur le fond du grief comme tel à cette même occasion.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

10 Les arguments des parties sont résumés ci-après.

II. Résumé des arguments écrits

A. Pour le défendeur

11 La fonctionnaire a été nommée au SCRS pour deux périodes déterminées particulières, soit du 10 octobre 2006 au 9 octobre 2007 (recueil de documents du défendeur, onglet A-1) et du 9 octobre 2007 au 1er avril 2008 (onglet A-2).

12 Dans une lettre datée du 12 mars 2008, le défendeur rappelait à la fonctionnaire que sa période d’emploi au SCRS se terminait le 1er avril 2008, à la fermeture des bureaux (onglet A-3).

13 Le défendeur défend la position que le non-renouvellement d’une nomination pour une période déterminée ne constitue pas un « licenciement » au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. L’emploi de la fonctionnaire a pris fin conformément aux modalités de son contrat d’emploi et conformément à la politique de l’employeur sur le recrutement externe (onglet B-1), qui dit ceci :

[Traduction]

[…]

9.3 Les employés nommés pour une période déterminée reçoivent une lettre leur indiquant […] la date à laquelle leur période d’emploi commence et se termine […]

9.3.1 Rien dans la présente lettre ne doit être interprété comme une offre d’emploi pour une durée indéterminée.

[…]

Le défendeur n’a pas « licencié » la fonctionnaire, contrairement à ce que cette dernière allègue dans son grief. Rien ne l’autorise par conséquent à renvoyer son grief à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la Loi.

14 La jurisprudence de la Commission et de la Cour fédérale citée dans les arguments du défendeur au sujet du non-renouvellement de nominations pour une période déterminée est très constante. Dans Pieters c. Conseil du Trésor (Cour fédérale du Canada), 2001 CRTFP 100, l’arbitre de grief observe ceci :

[…]

45.[…] l’employeur n’a pas dû prendre de mesure précise à cette fin, alors qu’il aurait dû le faire, par exemple, pour renvoyer le fonctionnaire s’estimant lésé en période de stage ou pour le mettre à pied de façon à mettre fin à son emploi. L’emploi de M. Pieters a cessé conformément aux dispositions de son contrat d’emploi à terme […]

[…]

L’arbitre de grief poursuit en disant que les motifs pour lesquels l’employeur n’a pas reconduit le contrat d’emploi ne sont pas pertinents pour trancher la question de la compétence de l’arbitre :

[…]

46.     […] Dans Laird (supra), bien que la décision de l’employeur de mettre une fonctionnaire nommée pour une période déterminée en disponibilité avant la fin de son contrat d’emploi ait été motivée par la mauvaise foi, l’arbitre conclut que sa compétence lui permettait seulement d’accorder à l’intéressée un dédommagement pour le reste de la période visée par sa nomination pour une période déterminée. Dans la présente affaire, les motifs pour lesquels l’employeur n’a pas reconduit le contrat d’emploi de M. Pieters ne sont pas pertinents pour la détermination de la compétence de l’arbitre […]

[…]

15 Dans Monteiroc. Conseil du Trésor (Agence spatiale canadienne), 2005 CRTFP 27, l’arbitre de grief reprend le même raisonnement en ajoutant que la notion de congédiement implique la décision de l’employeur de mettre fin unilatéralement à un contrat de travail :

[…]

11.     La compétence conférée à un arbitre aux termes de l’article 92 est assez restreinte et ne peut être élargie, même par consentement des parties. Cette compétence est, d’une part, limitée à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective et, d’autre part, à un licenciement ou à [sic] rétrogradation et à une mesure disciplinaire. Selon le libellé de son grief, M. Monteiro conteste sa cessation d’emploi. Je dois donc commencer par déterminer si la décision de l’employeur de ne pas reconduire le contrat d’emploi du fonctionnaire s’estimant lésé constitue soit un « licenciement » au sens de l’alinéa 92(1)b) de la LRTFP ou, comme M. Monteiro l’exprime dans son grief, d’un [sic] congédiement déguisé. Je ne crois pas que ce soit le cas, pour les raisons qui suivent.

12.     Premièrement, l’employeur n’a pas dû prendre de mesure précise à cette fin, alors qu’il aurait dû le faire, par exemple, pour renvoyer le fonctionnaire s’estimant lésé en période de stage ou pour le mettre à pied de façon à mettre fin à son emploi. La preuve est à l’effet que l’emploi de M. Monteiro a cessé conformément aux dispositions de son contrat d’emploi à terme et en application de l’article 25 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. J’estime que les arrêts de la Cour d’appel fédérale dans Dansereau c. Office national du film [1979] 1 C.F. 100 et Eskasoni School Board/Eskasoni Band Council c. MacIsaac, [1986] A.C.F. no. 263 (C.A.) étayent cette conclusion. La notion de congédiement implique une décision prise par un employeur de mettre fin unilatéralement à un contrat de travail qui, autrement, aurait continué à exister.

[…]

16 Le défendeur a signalé à mon attention les décisions suivantes : Zhou c. Conseil national de recherches du Canada, 2008 CRTFP 51; Kerr-Alich c. Conseil du Trésor (ministère du Développement social), 2007 CRTFP33; Savic c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2001 CRTFP 104; Lecompte c. le Conseil du Trésor (Santé Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28452 (19990721); Hanna c. le Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26983 (19960624); Beaulieu c. le Conseil du Trésor (Justice Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27313 (19970110); Laird c. le Conseil du Trésor (Emploi et Immigration), dossier de la CRTFP 166-02-19981 (19901207); Dansereau c. Office national du film et Lachapelle, [1979] 1 C.F. 100 (C.A.); Eskasoni School Board/Eskasoni Band Council v. MacIsaac, [1986] F.C.J. no 263 (C.A.)(QL).

17 Le défendeur mentionne Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68, dans laquelle l’arbitre de grief observe ceci à propos de la Loi :

[…]

14.     […] la nouvelle Loi, en particulier l’alinéa 226(1)g), habilite un arbitre de grief à entendre sur le fond un grief portant sur la décision de ne pas renouveler une période d’emploi déterminée lorsqu’il est allégué que cette décision repose sur une pratique discriminatoire interdite de la part de l’employeur.

[…]

Le défendeur exprime l’avis que l’analyse contenue dans Gibson est mal fondée. De plus, la déclaration de l’arbitre de grief constitue une remarque incidente (obiter dictum)plutôt que le fondement de sa décision. La décision Gibson indique que l’article 209 de la Loi doit être lu de pair avec l’article 226 et qu’ensemble ils énoncent les pouvoirs de l’arbitre de grief. Le défendeur croit plutôt que l’article 226 découle de l’article 209. Les pouvoirs décrits à l’article 226 ne sont pas conférés à l’arbitre de grief, à moins que sa compétence ait été établie conformément à l’article 209. Le pouvoir d’interpréter et d’appliquer la LCDP ne s’applique qu’à une question qui est renvoyée régulièrement à l’arbitrage après que l’arbitre de grief s’est déclaré compétent pour entendre le grief en vertu de l’article 209.

18 Dans Procureur général v. Amos, 2009 FC 1181, la Cour fédérale a confirmé que les pouvoirs décrits à l’article 226 de la Loi n’accroissaient ni n’élargissaient la compétence de l’arbitre de grief. À ce propos, la Cour a observé ceci :

[Traduction]

[…]

[39]   La Cour estime qu’il n’existe aucune différence importante entre l’article 92 de l’ancienne LRTFP et l’article 209 de la nouvelle LRTFP. Il n’est donc pas nécessaire d’exclure la jurisprudence portant sur l’interprétation de l’article 92 de l’ancienne LRTFP, comme on le propose. Cela dit, la Cour reconnaît également que la nouvelle LRTFP a introduit divers changements, dont le nouveau paragraphe 226(2) et l’article 236, comme nous le verrons plus loin.

[…]

[46]    À l’audience, le défendeur et les intervenants ont défendu la position que le paragraphe 226(2) conjugué au préambule de la nouvelle LRTFP, à la politique générale en matière de relations de travail, à l’interprétation libérale de la loi et au fait que la nouvelle LRTFP constitue un régime exhaustif montre clairement que l’intention du législateur était d’accroître la compétence de l’arbitre de grief. Cela dit, l’interprétation que fait la Cour du paragraphe 226(2) de la LRTFP, des pouvoirs de l’arbitre de grief et surtout de la compétence conférée au tribunal par la nouvelle LRTFP ne correspond pas à celle du défendeur et des intervenants.

[…]

19 La jurisprudence nous autorise à conclure que la fonctionnaire n’a pas été « licenciée » conformément à l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Il s’ensuit que l’arbitre de grief n’a pas compétence pour trancher le grief et, partant, qu’il n’a pas le pouvoir en vertu de l’alinéa 226(1)g) de déterminer si le non-renouvellement de la nomination de la fonctionnaire résulte d’actes discriminatoires.

1. La compétence pour réintégrer la fonctionnaire pour une période déterminée ou à temps plein 

20 L’arbitre de grief n’a pas compétence pour réintégrer la fonctionnaire pour une période déterminée ou à temps plein. La réintégration d’un employé suppose nécessairement sa nomination à un poste. En vertu de l’alinéa 8(1)a) de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, seul le directeur a le pouvoir de nommer les employés et de déterminer leurs conditions d’emploi. Il est un fait bien établi que, dans les cas où le pouvoir exclusif de nommer des employés est accordé par la loi, l’arbitre de grief n’a pas le pouvoir de réintégrer un employé pour quelque motif ou de lui accorder une indemnité de réintégration; voir les décisions Foreman c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada), 2003 CRTFP 73; Laird; Zhou; Dansereau et Monteiro.

2. L’arbitre de grief n’ayant pas le pouvoir d’accorder les mesures correctives susmentionnées, a-t-il compétence pour trancher le grief en question?  

21 Le fait que l’arbitre de grief ne puisse pas accorder une mesure corrective particulière ne le prive pas nécessairement de sa compétence pour trancher le grief. La compétence de l’arbitre de grief et son pouvoir d’accorder des mesures correctives sont deux choses différentes. Pour accorder une mesure corrective, l’arbitre de grief doit d’abord établir qu’il a compétence.

22 Subsidiairement, le défendeur avance que l’arbitre de grief pourrait excéder sa compétence en se déclarant compétent pour trancher une question relativement à laquelle il ne peut pas accorder de réparation. S’il est bien établi en droit que l’arbitre de grief ne peut pas réintégrer un employé ni lui adjuger une indemnité de réintégration, quelle mesure de réparation peut-il alors lui accorder? Dans la décision Laird, l’arbitre de grief a déclaré ceci :

[…]

Si, d’après la preuve, je suis d’avis que Mme Laird méritait plus que Mme Burningham ou Mme Banks de voir son contrat renouvelé, il est clair que je n’ai pas le pouvoir de faire une déclaration à cet effet, car cela équivaudrait à faire une nomination.  Je suis porté à croire que Mme Laird a moralement le droit d’être rémunérée jusqu’au 30 juin 1989, peut-être même pour jusqu’à une année au-delà de cette date, mais je ne rends aucune ordonnance en ce sens faute de compétence.

[…]

23 Le statut d’emploi et les actes discriminatoires sont deux questions distinctes. La question du statut d’emploi peut être tranchée de manière définitive, comme il ressort de la jurisprudence citée précédemment. La question des actes discriminatoires ne peut pas être tranchée par la Commission, faute de compétence. Les allégations de discrimination ont déjà été examinées dans le cadre d’une plainte antérieure de la fonctionnaire. Il ne fait aucun doute que d’autres voies de recours s’offrent ou s’offraient à elle.

24 Le défendeur termine en disant que l’arbitre de grief n’a pas compétence pour statuer sur les allégations de la fonctionnaire ni pour lui accorder les mesures correctives demandées. Conformément à l’article 227 de la Loi, l’arbitre de grief devrait trancher le grief en se basant exclusivement sur les arguments écrits des parties. Dans l’éventualité où l’arbitre de grief déciderait de tenir d’audience, le défendeur demande que l’audience se limite en premier lieu à la question de la compétence.

B. Pour la fonctionnaire

25 La fonctionnaire avance les arguments suivants :

[Traduction]

[…]

J’estime que les décisions de la CRTFP auxquelles renvoie l’employeur n’ont rien en commun avec ma situation et qu’elles ne sont pas pertinentes. La jurisprudence citée n’indique pas expressément que les organisations appliquaient des méthodes de recrutement analogues à celles qui avaient cours au Service canadien du renseignement de sécurité à l’époque où j’y travaillais et avaient licencié les employés en cause pour les mêmes raisons. 

Dans mon cas, le non-renouvellement de ma nomination équivaut à un licenciement. Les services du personnel du SCRS m’avaient dit que l’employeur embauchait habituellement les nouveaux employés pour une période déterminée et qu’ils obtenaient ensuite un poste de durée indéterminée généralement dans l’année qui suit. C’est effectivement le cas, puisque tous les tous les nouveaux employés qui ont été embauchés en même temps que moi ont obtenu des postes de durée indéterminée et même des promotions durant la période où j’étais en poste. L’employeur investit beaucoup de temps et d’efforts pour s’assurer que les nouvelles recrues possèdent les compétences et les habilitations de sécurité nécessaires. C’est un long processus qui dure plusieurs mois et qui, dans mon cas, a pris presque une année. On peut présumer que si l’employeur déploie autant d’efforts, parfois pendant toute une année, pour recruter de nouveaux employés pour une période déterminée, ce n’est pas d’ordinaire pour laisser leur emploi prendre fin simplement pour ne pas renouveler leur contrat.

Je maintiens ma position que j’ai été licenciée délibérément par des gestionnaires qui ont fait des distinctions injustes à mon égard et qui ont abusé de leurs pouvoirs pour me licencier en prétextant le non-renouvellement de mon contrat. J’ai perdu mon emploi parce qu’on a fait des distinctions injustes à mon égard. Cela va au-delà de la mauvaise foi de l’employeur dans l’affaire Pieters; l’employeur a plutôt agi au mépris de ses politiques et pratiques en matière de ressources humaines et en violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne. J’estime, par conséquent, que l’arbitre de grief a compétence pour examiner les motifs du licenciement.

Dans le contexte de l’examen de la motivation de l’employeur et de ses pratiques d’embauche courantes, le non-renouvellement de mon contrat dans ce cas-ci équivaut au licenciement d’un employé nommé pour une durée indéterminée. J’aurais normalement dû obtenir un poste de durée indéterminée à la fin de la période de stage qui est imposée à tous les nouveaux employés. Or dans mon cas, la haine qu’a engendrée la discrimination est devenue la raison de mon licenciement. Une enquête interne instituée par l’employeur a révélé que les allégations de harcèlement et de discrimination que j’ai formulées contre les personnes qui ont pris la décision de ne pas renouveler mon contrat étaient fondées en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

J’espère de la Commission se penchera sur mon cas unique, c’est-à-dire un licenciement découlant des distinctions injustes et des manœuvres de harcèlement auxquelles j’ai été soumise durant ma période d’emploi, ainsi que sur les pratiques de gestion des ressources humaines contraires à l’éthique de la Gestion des installations du SCRS et que mon grief sera tranché à l’arbitrage.

[…]

C. Réfutation du défendeur

26 Le défendeur réitère sa position que le non-renouvellement d’une nomination pour une période déterminée ne constitue pas un licenciement, en renvoyant au passage suivant de Zhou :

[…]

108 Ainsi, la jurisprudence de la Cour fédérale, de l’ancienne CRTFP et de l’actuelle CRTFP a établi assez clairement que le non-renouvellement d’une nomination d’emploi pour une période déterminée ne constitue pas un licenciement. En l’espèce, le contrat du fonctionnaire s’estimant lésé a expiré à la fin de son mandat, et l’employeur a décidé de ne pas renouveler la nomination. Il n’y avait pas de licenciement au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

[…]

27 À propos de la prétendue pratique du défendeur de nommer les nouveaux employés embauchés pour une période déterminée à des postes de durée indéterminée durant l’année qui suit leur recrutement, le défendeur indique qu’il est expressément indiqué dans la lettre de nomination dont la fonctionnaire a accusé réception par écrit que : [traduction] « […] [r]ien dans la présente lettre ne doit être interprété comme une offre d’emploi pour une durée indéterminée ».

28 Le défendeur signale que la fonctionnaire fait erreur lorsqu’elle dit que [traduction] « [s]on cas [est] unique ». Il s’agit plutôt d’un cas où une nomination pour une période déterminée a pris fin. Quant aux autres allégations de la fonctionnaire, elles doivent ou elles auraient dû être examinées par d’autres tribunaux compétents.

29 La fonctionnaire n’a pas répondu aux questions de l’arbitre de grief ni produit d’éléments de preuve relativement à ces questions. Le défendeur termine en disant qu’il n’y a pas de raisons impérieuses de tenir une audience dans ce cas-ci.

III. Motifs

30 La fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, qui est libellé comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

31 Je suis convaincu que les documents au dossier et les arguments écrits des parties me permettent de statuer sur l’objection du défendeur à ma compétence sans tenir d’audience. Le pouvoir de l’arbitre de grief de rendre une décision sans tenir d’audience lui est conféré par l’article 227 de la Loi, qui dit ceci :

227. L’arbitre de grief peut trancher toute affaire dont il est saisi sans tenir d’audience.

32 La preuve essentielle dont je dispose dans ce cas-ci est simple. Dans sa lettre du 20 septembre 2007 (onglet A-2), le défendeur a offert à la fonctionnaire une nomination pour une période déterminée de six mois, du 9 octobre 2007 au 1er avril 2008. La lettre indiquait explicitement que [traduction] « […] [r]ien dans la présente lettre ne doit être interprété comme une offre d’emploi pour une durée indéterminée ». Le défendeur a signé la lettre d’offre immédiatement en-dessous de la phrase suivante : [traduction] « J’accepte cette offre et les conditions d’emploi décrites ci-dessus. » Le 12 mars 2008, le défendeur a écrit à la fonctionnaire pour lui rappeler que : [traduction] « […] votre période d’emploi au Service prendra fin le 1er avril 2008, à la fermeture des bureaux » (onglet A-3). L’emploi de la fonctionnaire s’est terminé le jour où sa nomination pour une période déterminé a expiré. En me basant sur les deux documents que m’a fournis le défendeur, et que la fonctionnaire n’a pas contestés, je conclus que le défendeur s’est déchargé du fardeau initial d’établir que la fonctionnaire contestait, à première vue, le non-renouvellement d’une nomination pour une période déterminée.

33 Le pouvoir du défendeur de nommer des employés lui est conféré par l’alinéa 8(1)a) de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité :

8. (1) Par dérogation à la Loi sur la gestion des finances publiques et à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, le directeur a le pouvoir exclusif de nommer les employés et, en matière de gestion des ressources humaines du Service, à l’exception des personnes affectées au Service ou détachées auprès de lui à titre d’employé :

a) de déterminer leurs conditions d’emploi;

[…]

Aucune preuve ni aucun argument n’a été présenté selon lequel le défendeur a excédé les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi dans ce cas-ci.

34 Afin d’établir ma compétence pour trancher le grief, la fonctionnaire doit prouver que, selon la prépondérance des probabilités, la mesure prise par l’employeur n’est pas ce qu’elle paraît être à première vue. Autrement dit, après avoir renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, la fonctionnaire a la charge de prouver que le défendeur lui a en fait imposé une mesure disciplinaire ayant entraîné son licenciement.

35 Je suis d’avis que la fonctionnaire ne s’est pas déchargée de ce fardeau. Ce que je trouve de plus remarquable en fait dans les observations écrites soumises par la fonctionnaire durant la procédure de règlement des griefs ainsi que dans les arguments qu’elle a déposés devant la Commission le 21 décembre 2009, c’est que jamais elle ne fait allusion à une mesure disciplinaire ou ne présente la décision de l’employeur comme une tentative de lui imposer une mesure disciplinaire, sauf dans une unique phrase courte et obscure.

36 Dans l’exposé initial de son grief, daté du 17 mars 2008, la fonctionnaire décrit la nature de son grief comme suit au premier paragraphe :

[Traduction]

[…]

[…] Je conteste mon licenciement, que j’attribue aux pratiques d’embauche inéquitables, à la mauvaise gestion, aux pratiques contraires à l’éthique et aux manœuvres de harcèlement qui ont transformé la Gestion des installations en un lieu de travail sans joie et inhospitalier.

[…]

La fonctionnaire consacre le reste de la lettre à étoffer ses allégations que le défendeur l’a traitée de manière inéquitable, l’a harcelée et a fait des distinctions injustes à son égard, qu’il a dérogé à ses procédures de dotation habituelles et que les gestionnaires l’avaient prise en aversion. Aucun incident n’est mentionné qui pourrait être qualifié d’écart de conduite; aucuns propos ni aucune action du défendeur ne sont rapportés qui pourraient être considérés comme une tentative de corriger le comportement de la fonctionnaire en lui imposant une mesure disciplinaire.

37 La lettre de la fonctionnaire du 23 avril 2008 à l’administrateur général dit sensiblement la même chose. La fonctionnaire introduit son argument en reprenant les thèmes de la discrimination et du harcèlement, comme en témoigne le passage suivant :

[Traduction]

[…]

[…] Par ses actes discriminatoires et ses manœuvres de harcèlement, la direction de la Gestion des installations avait délibérément rendu le lieu de travail inhospitalier; elle a finalement utilisé le prétexte de l’expiration de ma nomination pour une période déterminée pour me licencier […] Ma carrière à la Gestion des installations a été délibérément interrompue pour une considération d’ordre technique par ceux qui ont pris la décision d’y mettre un terme du fait de leurs actes discriminatoires, de leur intolérance et de leurs préjugés.

[…]

Encore une fois, rien dans le reste de lettre n’indique que la fonctionnaire s’est fait imposer une mesure disciplinaire, exception faite de la phrase suivante :

[Traduction]

[…]

J’estime que ces actions de plusieurs gestionnaires et superviseurs incompétents débordent le cadre de simples mesures disciplinaires internes possibles en attendant les conclusions d’une enquête formelle […]

[…]

Je n’ai pas la moindre idée à quelles [traduction] « mesures disciplinaires internes possibles » la fonctionnaire fait allusion ci-dessus. Il est impossible, à mon sens, de considérer la lettre de la fonctionnaire comme un grief contestant une mesure disciplinaire déguisée à partir de l’utilisation unique et ambiguë du mot « disciplinaire ». Je juge par ailleurs beaucoup plus révélateur l’aveu contenu au début de sa lettre :

[Traduction]

[…]

Les considérations d’ordre technique liées à l’expiration de ma nomination pour une période déterminée ont peut-être amené [nom omis] à décider de mettre fin à mon emploiau SCRS; il se peut également que les mots « licenciement injustifié » ne soient pas les termes appropriés sur les plans technique et juridique […]

[…]

38 Dans les arguments qu’elle m’a soumis le 21 décembre 2009, la fonctionnaire ne laisse finalement subsister aucun doute sur la nature de son grief, comme en témoigne le passage suivant :

[Traduction]

[…]

Je maintiens ma position que j’ai été licenciée délibérément par des gestionnaires qui ont fait des distinctions injustes à mon égard et qui ont abusé de leurs pouvoirs pour me licencier en prétextant le non-renouvellement de mon contrat. J’ai perdu mon emploi parce qu’on a fait des distinctions injustes à mon égard. Cela va au-delà de la mauvaise foi de l’employeur dans l’affaire Pieters; l’employeur a plutôt agi au mépris de ses politiques et pratiques en matière de ressources humaines et en violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne […]

[…]

La fonctionnaire admet elle-même que son grief porte sur de présumées distinctions injustes et des mesures prises de mauvaise foi, non pas sur une mesure disciplinaire déguisée. Pour ces seules raisons, je conclus que son renvoi à l’arbitrage n’est pas visé à l’alinéa 209(1)b) de la Loi.

39 La fonctionnaire dit espérer que [traduction] « […] la Commission se penchera sur [s]on cas unique, c’est-à-dire un licenciement découlant des distinctions injustes et des manœuvres de harcèlement […] ». S’il y avait une raison pour que je me déclare compétent pour trancher le grief, ce serait que les allégations de discrimination qui sont l’essence du grief m’investissent de l’autorité nécessaire même s’il ne semble exister aucune preuve que la fonctionnaire a été l’objet d’une mesure disciplinaire déguisée. À ce propos, le défendeur a cité, puis contesté, la conclusion suivante de l’arbitre de grief dans la décision Gibson :

[…]

14 […] la nouvelle Loi, en particulier l’alinéa 226(1)g), habilite un arbitre de grief à entendre sur le fond un grief portant sur la décision de ne pas renouveler une période d’emploi déterminée lorsqu’il est allégué que cette décision repose sur une pratique discriminatoire interdite de la part de l’employeur.

[…]

L’alinéa 226(1)g) de la Loi est libellé comme suit :

226. (1) Pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut :

[…]

g) interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle-ci sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, ainsi que toute autre loi fédérale relative à l’emploi, même si la loi en cause entre en conflit avec une convention collective;

[…]

40 Il existe au moins une différence importante entre la situation examinée dans Gibson et celle de la fonctionnaire. Dans cette affaire, la fonctionnaire s’estimant lésée alléguait que l’employeur avait contrevenu à l’article de la convention collective interdisant la discrimination; elle avait renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la Loi au motif qu’il portait sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention collective. Ce n’est pas le cas ici.

41 Avec tout le respect que je dois à l’arbitre de grief qui a rendu Gibson, je dois souscrire à l’argument du défendeur selon lequel le grief doit être renvoyé régulièrement à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la Loi pour que l’arbitre de grief puisse se déclarer compétent pour interpréter et appliquer la LCDP; voir, par exemple, Wong c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 133, au paragraphe 35. Selon moi, le pouvoir qui est conféré à l’arbitre de grief par l’alinéa 226(1)g) ne lui permet pas d’exercer sa compétence pour trancher un grief portant sur une allégation d’actes discriminatoires interdits par la LCDP. Le pouvoir en question ne peut être exercé que pour trancher des griefs visés à l’un ou l’autre des alinéas du paragraphe 209(1). Ainsi donc, dans la décision Gibson, l’arbitre de grief aurait probablement eu compétence pour examiner les allégations de discrimination au motif que le grief portait à première vue sur une question ayant trait à l’interprétation de la convention collective en vertu de l’alinéa 209(1)a) — la violation présumée de la disposition de la convention collective applicable interdisant la discrimination — mais pas au motif que l’alinéa 226(1)g) lui conférait le pouvoir d’interpréter la LCDP. Dans ce cas-ci, j’ai conclu que rien ne me permettait de croire que le grief porte sur un licenciement résultant d’une mesure disciplinaire au sens de l’alinéa 209(1)b). Le fait que la fonctionnaire allègue que le défendeur a fait des distinctions injustes à son égard en mettant fin à son emploi au mépris de la LCDP ne modifie en rien cette conclusion ni ne me justifie d’exercer ma compétence séparément.

42 J’ai pris acte de la volumineuse jurisprudence citée par le défendeur au soutien de son argument que le non-renouvellement d’une nomination pour une période déterminée ne constitue pas un « licenciement » résultant d’une mesure disciplinaire au sens de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. Pour reprendre l’argument du défendeur, la jurisprudence établie en vertu de la Loi actuelle et de la loi précédente est cohérente et va dans le sens contraire des arguments de la fonctionnaire. Je ne crois pas qu’il me soit nécessaire de l’analyser en détail ici.

43 J’en viens finalement aux questions que j’ai posées aux parties à propos des limites des mesures correctives dans le contexte du non-renouvellement d’une nomination pour une période déterminée. Le défendeur a formulé de brèves observations, mais la fonctionnaire est demeurée muette sur ces questions. Après mûre réflexion, je conclus qu’il n’est pas nécessaire de tenir compte du pouvoir que je possède ou non d’accorder des mesures correctives pour trancher la question de ma compétence dans ce cas-ci. La déclaration non contestée du défendeur selon laquelle l’arbitre de grief ne peut pas réintégrer une employée dont la nomination pour une période déterminée a pris fin me semble tout à fait justifiée. Cela n’exclut toutefois pas la possibilité que l’arbitre de grief puisse accorder une autre mesure corrective s’il décide à bon droit de se déclarer compétent pour trancher un grief qui porte à première vue sur le non-renouvellement d’une nomination pour une période déterminée. Si on venait à constater dans ce cas-là que d’autres types de mesures correctives ne conviennent pas ou ne peuvent pas être accordés, l’arbitre de grief pourrait alors être fondé à s’interroger sur la possibilité ou la nécessité de tenir une audience, mais cette décision ne me semble pas avoir un rapport avec la compétence de l’arbitre de grief.

44 En rétrospective, il n’était probablement pas nécessaire de demander aux parties de me soumettre des arguments sur les questions que j’ai posées. Quoi qu’il en soit, j’ai conclu que les arguments des parties corroboraient ma conclusion que je n’ai pas compétence pour trancher le grief.

45 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

46 Le grief est rejeté.

Le 4 février 2010.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
arbitre de grief

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