Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté une suspension d’un jour qui lui a été imposée parce qu’il ne s’est pas présenté à une réunion visant à discuter de son plan de perfectionnement professionnel (PPP) et la décision de l’employeur de le licencier pour insubordination - le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas présenté à la réunion et a fait savoir à l’employeur que son chef d’équipe n’était pas autorisé à discuter de son PPP - de plus, il craignait que la réunion tourne à l’affrontement - entre sa suspension d’un jour et son licenciement, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait l’objet de 3 autres suspensions, de 3, 10 et 20jours respectivement, mais n’a pas contesté les suspensions - en ce qui a trait au licenciement, l’employeur l’a accusé d’avoir accompli du travail qu’on ne lui avait pas demandé de faire et de ne pas avoir appelé à temps pour signaler son absence - le fonctionnaire s’estimant lésé a accompli le travail soit parce qu’il estimait que celui-ci devait être fait en préparation de la tâche qu’il devait exécuter ou parce qu’il estimait que le travail était prévu dans son plan de travail - le fonctionnaire s’estimant lésé a admis s’être absenté comme le lui a reproché l’employeur et ne pas avoir prévenu de son absence à temps - l’arbitre de grief a statué que, en ce qui concerne son refus d’assister à la réunion relative à son PPP, le fonctionnaire s’estimant lésé avait fait preuve d’insubordination et que la suspension ne constituait pas une double peine - pour ce qui est de l’accomplissement par le fonctionnaire s’estimant lésé de tâches qui ne lui étaient pas assignées, l’arbitre de grief a déterminé que l’employeur n’avait pas présenté de preuve permettant de réfuter l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel le travail était lié ou nécessaire aux autres tâches qui étaient prévues dans son plan de travail - l’arbitre de grief a statué que le fonctionnaire s’estimant lésé avait commis une infraction en ne téléphonant pas dans le délai prescrit pour signaler son absence - l’arbitre de grief n’a pas été en mesure de conclure que la relation d’emploi devait être rompue - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas suffisamment défié l’autorité de la gestion - l’arbitre de grief a remplacé le licenciement par une suspension de 30jours - il a rejeté la demande de l’employeur de dommages-intérêts au lieu de la réintégration qui a été accordée - il existe une forte présomption en faveur de la réintégration - l’arbitre de grief a rejeté la demande du fonctionnaire s’estimant lésé de prolongation du délai pour le dépôt des griefs à l’égard des trois suspensions dont il a fait l’objet, puisqu’il n’a pas le pouvoir d’accueillir une telle demande. Griefs accueillis en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-02-15
  • Dossier:  566-02-2351 et 2813
  • Référence:  2010 CRTFP 24

Devant un arbitre de grief


ENTRE

TAYLOR WENTGES

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Santé)

défendeur

Répertorié
Wentges c. Administrateur général (ministère de la Santé)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour le défendeur :
Pierre Marc Champagne et Anne-Marie Duquette, avocats

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 13 et 14 octobre 2009 et les 11, 12 et 18 janvier 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Taylor Wentges, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), occupait le poste d’analyste principal à la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (DGSPNI) de Santé Canada (le « défendeur »). Son agent négociateur était l’Association canadienne des employés professionnels, mais il a décidé de se représenter lui-même.

2 Dans le premier grief (dossier de la CRTFP 566-02-2351), le fonctionnaire conteste une suspension d’un jour que le défendeur lui a imposé parce qu’il n’a pas assisté à une réunion pour discuter de son plan d’amélioration du rendement (PAR) et d’autres questions. La suspension a été subie le 26 juin 2008. Le premier grief a été renvoyé à l’arbitrage le 25 septembre 2008.

3 Dans le second grief (dossier de la CRTFP 566-02-2813), le fonctionnaire conteste la décision du défendeur de le licencier pour insubordination le 9 mars 2009. Le second grief a été renvoyé à l’arbitrage le 14 avril 2009.

II. Résumé de la preuve du défendeur

4 Le défendeur a appelé Debbie Reid, Roger Neufeld, Jeff Klassen, Jon Rogers et Michelle Kovacevic comme témoins. À l’époque où les griefs ont été déposés, les témoins travaillaient tous à la DGSPNI de Santé Canada. Mme Reid était directrice de la Division de politique et planification stratégiques (DPPS), où travaillait le fonctionnaire. Du printemps 2008 à novembre 2008, M. Neufeld était chef d’équipe à la DPPS. Durant cette période, le fonctionnaire relevait directement de lui. En novembre 2008, M. Klassen a remplacé M. Neufeld comme chef d’équipe pendant que celui-ci recevait de la formation linguistique. M. Klassen remplaçait toujours M. Neufeld lorsque le fonctionnaire a été licencié en mars 2009. M. Rogers était le directeur général par intérim de la Direction des politiques, planification et analyse stratégiques de mai à octobre 2008. Il a été remplacé par Mme Kovacevic, qui a été nommée directrice générale en novembre 2008. Mme Kovacevic occupait toujours ce poste lorsque le fonctionnaire a été licencié. Le défendeur a produit 63 documents à l’audience.

A. Dossier de la CRTFP 566-02-2351

5 Le PAR est un processus formel qui se déroule chaque année et au cours duquel l’employé discute avec son superviseur de son rendement, de ses besoins d’apprentissage et de ses projets de carrière. En avril 2008, le fonctionnaire a soumis ses commentaires pour le PAR de 2007-2008 à Mme Reid, qui l’avait supervisée pendant la majeure partie de l’année. Mme Reid n’en croyait pas ses yeux lorsqu’elle a pris connaissance des commentaires du fonctionnaire, qui contenaient une critique en 15 points du travail de Mme Reid. M. Neufeld a communiqué avec le fonctionnaire pour discuter de son PAR de 2007-2008. Le fonctionnaire a refusé de le rencontrer. Le défendeur a perçu ce refus comme un acte d’insubordination et a remis au fonctionnaire une lettre de réprimande, le 20 juin 2008. Dans la lettre disciplinaire, le défendeur prévenait le fonctionnaire que tout autre écart de conduite de ce genre pourrait lui valoir une mesure disciplinaire plus sévère pouvant aller jusqu’au licenciement.

6 M. Neufeld a reporté l’examen du PAR au 23 juin 2008, à 11 h. Le jour dit, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Reid, à 11 h 1, pour l’aviser qu’il ne voulait pas assister à la réunion parce qu’il estimait que M. Neufeld n’avait pas l’autorité pour discuter du PAR de 2007-2008. Mme Reid a jugé que le fonctionnaire ne pouvait pas refuser d’assister à la réunion. M. Neufeld a convoqué le fonctionnaire à une réunion disciplinaire, le 24 juin 2008, afin de discuter de son refus d’assister à la réunion du 23 juin 2008. Le fonctionnaire a refusé de participer à cette réunion. Par suite de son refus d’assister à la réunion du 23 juin 2008, le défendeur lui a imposé une suspension d’un jour à subir le 26 juin 2008.

B. Dossier disciplinaire du fonctionnaire

7 Entre la suspension d’un jour du 26 juin 2008 et le licenciement du 9 mars 2009, le fonctionnaire a reçu trois suspensions, qu’il n’a pas contestées. Il convient cependant d’examiner la preuve relative à ces suspensions vu que le défendeur prétend qu’elles sont généralement reliées aux genres de fautes de conduite pour lesquelles le fonctionnaire a été licencié.

8 Le 18 août 2008, le fonctionnaire a reçu une suspension de trois jours pour les raisons suivantes : il n’avait pas signalé son absence du 15 juillet 2008; il n’avait pas produit de certificat médical pour justifier son absence du 16 juillet 2008; il n’avait pas présenté de demandes formelles de congé; il n’avait pas remplacé son ancien titre par celui d’« analyste principal des politiques ». Les passages suivants de la lettre disciplinaire résument les raisons pour lesquelles la mesure disciplinaire a été imposée et l’avertissement que le défendeur a donné au fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

[…] Il a été question du fait que vous n’avez pas téléphoné pour signaler votre absence du 15 juillet 2008, que vous n’avez pas produit un certificat médical pour justifier votre absence du 16 juillet 2008, que vous n’avez pas présenté une demande de congé pour les journées où vous avez été absent du travail et que vous n’avez pas remplacé votre ancien titre par celui d’analyste principal des politiques, en dépit de la consigne qui vous avait été donnée.

[…]

Les quatre incidents susmentionnés démontrent que vous êtes incapable de respecter les consignes de la direction et que vous remettez constamment en cause ses décisions. Nous ne pouvons tolérer plus longtemps vos écarts de conduite continuels et c’est pourquoi nous avons décidé de prendre des mesures correctives.

[…]

Nous nous attendons à ce que vous vous conformiez désormais aux directives de la direction. De nouveaux refus d’obéir aux consignes de la direction ou tout écart de conduite de votre part pourraient entraîner de nouvelles mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. J’espère que vous profiterez de l’occasion pour réfléchir à la gravité de vos actes et que ce genre d’incident ne se reproduira plus.

[…]

9 Le 29 octobre 2008, le fonctionnaire a reçu une suspension de 10 jours pour les raisons suivantes : il s’était absenté, sans permission, du 3 au 8 septembre 2008 et le 15 septembre 2008; il était arrivé en retard au travail le 10 septembre 2008; il avait accompli des tâches qui ne lui avaient pas été attribuées les 10 et 11 septembre 2008; il avait refusé d’assister à des réunions les 10 et 12 septembre 2008; il avait quitté le travail avant l’heure, sans permission, le 12 septembre 2008. Les passages suivants de la lettre disciplinaire résument les raisons pour lesquelles la mesure disciplinaire a été imposée et l’avertissement que le défendeur a donné au fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

[i]l a été question, à la réunion, du fait que vous avez été absent du travail, sans permission, du 3 au 8 septembre 2008, que vous êtes arrivé en retard au travail le 10 septembre 2008, que vous avez accompli des tâches qui ne vous avaient pas été attribuées les 10 et 11 septembre 2008, que vous avez soumis des documents à Debbie L. Reid, à moi-même et à plusieurs autres les 10 et 11 septembre 2008, que vous avez refusé d’assister à des réunions auxquelles vous deviez participer les 10 et 12 septembre 2008, que vous avez quitté le travail avant l’heure, sans permission, le 12 septembre 2008, que vous avez été absent du travail, sans permission, le 15 septembre 2008.

[…]

Nous nous attendons à ce que vous vous conformiez désormais aux directives de la direction. De nouveaux refus d’obéir aux consignes de la direction ou tout écart de conduite de votre part pourraient entraîner de nouvelles mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. J’espère que vous profiterez de l’occasion pour réfléchir à la gravité de vos actes et que ce genre d’incident ne se reproduira plus.

[…]

10 Le 3 décembre 2008, le fonctionnaire a reçu une suspension de 20 jours pour les raisons suivantes : il avait quitté le travail avant l’heure, sans permission, le 18 novembre 2008 et il avait été absent du travail, sans permission, du 21 au 25 novembre 2008. Le passage suivant de la lettre disciplinaire résume l’avertissement que le défendeur a donné au fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

Nous nous attendons à ce que vous vous conformiez désormais aux directives de la direction. De nouveaux refus d’obéir aux directives de la direction ou d’autres actes d’inconduite de votre part entraîneront l’imposition de nouvelles mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. J’espère que vous profiterez de l’occasion pour réfléchir à la gravité de vos actes et que ce genre d’incident ne se reproduira plus.

[…]

11 La suspension de 20 jours a été subie du 3 au 30 décembre 2008. Le fonctionnaire a repris le travail le 31 décembre 2008.

C. Dossier de la CRTFP 566-02-2813

12 De septembre 2007 à mars 2008, le fonctionnaire a relevé de Mme Reid. Elle lui avait demandé d’analyser des théories sur le développement international et d’examiner comment ces théories pourraient trouver une application pratique dans le programme de la division. Elle lui avait également demandé d’analyser les contributions d’autres pays aux programmes de santé destinés aux autochtones. Le fonctionnaire a fait le travail demandé et lui a remis une liste de renseignements sur les États-Unis et sur l’Australie. Mme Reid a décrit les problèmes qu’elle avait eus avec le fonctionnaire lorsqu’elle durant la période où il faisait partie de son équipe, ainsi que certains des incidents qui lui avaient valu des suspensions.

13 Mme Reid a également raconté que le fonctionnaire avait modifié un article du journal « The Hill Times » qui dressait la liste des 100 personnes les plus influentes au sein du gouvernement, en y ajoutant le nom de Mme Reid. Il avait ensuite distribué l’article à des employés et des gestionnaires de Santé Canada. Cela avait beaucoup embarrassé Mme Reid. Quand elle en avait parlé au fonctionnaire, il avait dit que c’était juste pour faire rire. Mme Reid lui avait demandé d’envoyer une lettre d’excuses aux employés et aux gestionnaires qui avaient reçu une copie de l’article et le fonctionnaire s’était exécuté.

14 Mme Reid a indiqué durant son témoignage que le taux annuel de roulement dans la division où travaillait le fonctionnaire se situe aux alentours de 40 %. Mme Reid ne travaille plus dans cette division depuis qu’elle a accepté un autre poste ailleurs en avril 2009.

15 Le 1er avril 2008, M. Neufeld est devenu le superviseur du fonctionnaire. Peu de temps après, il a établi un plan de travail pour le fonctionnaire pour définir clairement le travail qu’il avait à faire, les délais à respecter et les résultats attendus. M. Neufeld a déclaré que le fonctionnaire n’avait pas collaboré à l’établissement du plan de travail.

16 Le 3 juillet 2008, M. Neufeld a rencontré le fonctionnaire pour lui remettre une « lettre d’instruction ». Cette lettre visait à lui expliquer ses responsabilités dans l’organisation et le comportement qu’on attendait de lui en tant qu’analyste principal des politiques. Dans cette lettre, M. Neufeld indiquait notamment au fonctionnaire qu’il devait se conformer aux directives suivantes :

  • Respecter de manière responsable les consignes et directives reçues de la direction, dans les délais fixés et dans un esprit de collaboration, et accepter les décisions de la direction avec respect.
  • Respecter l’horaire de travail, de 10 h à 18 h. En cas de retard ou d’absence, pour une raison ou pour une autre, communiquer avec M. Neufeld avant 9 h.
  • Fournir un certificat médical pour justifier toutes les absences en cas de maladie ou de rendez-vous chez le médecin.
  • Durant les heures de travail, accomplir exclusivement les tâches prévues dans le plan de travail ou attribuées par la direction.
  • Ne pas envoyer à Mme Reid à M. Rogers ou à qui que ce soit d’autre une copie du travail produit conformément au plan de travail.
  • Assister aux réunions à la demande de la direction.

17 La plupart des mesures disciplinaires qui ont été imposées au fonctionnaire par le défendeur entre août 2008 et mars 2009, y compris le licenciement, découlaient du fait qu’il n’avait pas respecté les consignes contenues dans la lettre d’instruction.

18 M. Klassen, qui a supervisé le fonctionnaire de novembre 2008 à mars 2009, a déclaré durant son témoignage qu’ils n’avaient pas une relation basée sur la confiance. Le fonctionnaire voulait toujours tout faire à sa façon. C’était un tour de force, un défi de tous les instants de le superviser; il faisait obstruction à tout et à rien. M. Klassen a formulé des commentaires sur plusieurs documents produits en preuve par le défendeur pour corroborer ce témoignage.

19 Le 4 février 2009, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Klassen pour l’informer qu’il avait préparé une analyse du dernier budget fédéral, dont il disait avoir absolument besoin pour faire son travail. L’analyse en question était annexée à son courriel. Le 5 février 2009, M. Klassen a écrit au fonctionnaire pour lui dire qu’il avait pris connaissance du document, mais que cette analyse ne faisait pas partie des tâches qui lui avaient été attribuées et que personne ne lui avait demandé de travailler à ce projet. Il reprochait de nouveau au fonctionnaire d’accomplir des tâches, pendant ses heures de travail, qui prenaient beaucoup de temps et que personne ne lui avait attribuées.

20 Le 20 février 2009, le fonctionnaire a préparé des commentaires écrits sur une comparaison entre le Canada et les États-Unis aux fins d’une fiche d’information d’Affaires indiennes et du Nord Canada. Il a envoyé ces commentaires, qui faisaient 10 lignes, à l’adjointe administrative, Karoline Latreille. Or personne ne lui avait demandé de faire cette comparaison.

21 Les 24 et 25 février 2009, le fonctionnaire ne s’est pas présenté au travail pour cause de maladie. Il n’a pas appelé au bureau avant 9 h pour signaler son absence, en dépit de la consigne contenue dans la lettre d’instruction du 3 juillet 2008.

22 Le 26 février 2009, Mme Kovacevic a écrit au fonctionnaire pour le convoquer à une réunion disciplinaire le 27 février 2009. Le passage suivant de la lettre résume l’objet de la réunion :

[Traduction]

[…]

La présente vise à confirmer que la réunion disciplinaire prévue pour discuter des questions décrites ci-dessous se tiendra à la salle de conférence 203A (salle de conférence de la bibliothèque, édifice Jeanne Mance, à 13 h 30, le vendredi 27 février 2009. La réunion vise à vous donner l’occasion de présenter votre version des faits sur les incidents suivants :

1- Le 4 février 2009, en dépit de la consigne écrite qui vous a été donnée de ne pas accomplir des tâches qui ne vous ont pas été attribuées, vous avez produit une analyse budgétaire de 14 pages, même si cela ne vous avait pas été demandé.

2- Le 20 février 2009, en dépit de la consigne écrite qui vous a été donnée de ne pas accomplir des tâches qui ne vous ont pas été attribuées, vous avez préparé des commentaires écrits sur une comparaison entre le Canada et les États-Unis aux fins de la fiche d’information d’AINC et les avez remis à Karoline Latreille.

3- Le 24 février 2009, vous ne vous êtes pas présenté au travail et vous n’avez pas appelé votre gestionnaire ni personne d’autre à votre bureau avant 9 h, en dépit de la consigne contenue dans la lettre d’instruction.

[…]

23 Le 9 mars 2009, le défendeur a avisé le fonctionnaire qu’il mettait fin à son emploi à compter de ce jour-là. Les passages suivants de la lettre de licenciement expliquent les raisons pour lesquelles le fonctionnaire a été licencié : 

[Traduction]

[…]

Comme il était indiqué dans l’invitation que vous avez reçue, la réunion devait porter sur le fait que vous avait accompli des tâches qui ne vous avaient pas été attribuées, notamment une analyse budgétaire de 14 pages et une comparaison entre le Canada et les États-Unis aux fins de la fiche d’information d’AINC, et sur le fait que vous n’avez pas avisé la direction de votre absence pour cause de maladie, le 24 février 2009, de la manière prévue.

J’ai examiné attentivement tous les faits au dossier, y compris les observations que vous avez formulées à l’audience du 27 février 2009, de même que les renseignements que vous avez fournis et j’ai déterminé que je disposais de suffisamment de preuve pour tirer les conclusions suivantes :

A) Le 4 février 2009, vous avez produit une analyse du budget de 14 pages; le 20 février 2009, vous avez préparé des commentaires écrits sur la comparaison entre le Canada et les États-Unis aux fins de la fiche d’information d’AINC. Aucune de ces tâches ne vous avait été attribuée. Vous avez passé outre à la consigne X de la lettre d’instruction du 3 juillet 2008 qui vous enjoignait de ne pas accomplir de tâches qui ne vous ont pas été attribuées.

B) Le 24 février 2009, vous ne vous êtes pas présenté au travail et n’avez pas signalé votre absence à votre gestionnaire ou à quiconque avant 9 h, en dépit de la consigne contenue dans la lettre d’instruction.

Ces récents incidents démontrent que vous êtes incapable de respecter les consignes et que vous ne faites aucun cas de l’autorité de la direction. Il est évident que les mesures correctives sévères qui vous ont été imposées jusqu’à maintenant n’ont pas eu d’effet sur votre comportement. Pour être plus précis, les mesures disciplinaires suivantes vous ont été imposées relativement à des actes d’inconduite :

1- Une lettre de réprimande le 20 juin 2008;

2- Une suspension de 1 jour le 25 juin 2008;

3- Une suspension de 3 jours le 18 août 2008;

4- Une suspension de 10 jours le 29 octobre 2008;

5- Une suspension de 20 jours le 3 décembre 2008.

Dans la lettre de suspension du 3 décembre 2008, on vous prévenait que de nouveaux refus d’obéir aux consignes ou d’autres actes d’inconduite de votre part pourraient entraîner de nouvelles mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement de la fonction publique.

Je dois vous dire que je considère que les actes que vous avez commis sont extrêmement graves, car ils ont irrémédiablement détruit le lien de confiance qui est essentiel à votre maintien en poste dans la fonction publique. Je suis toutefois convaincu que la direction ne peut plus vous accorder sa confiance au travail.

Compte tenu de ce qui précède, et conformément au pouvoir qui m’est conféré par l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques, je mets fin à votre emploi pour un motif suffisant à compter du 9 mars 2009, en raison de votre inconduite.

[…]

24 Mme Kovacevic a déclaré que le fonctionnaire n’avait donné aucun signe de vouloir modifier son comportement, lors de la réunion disciplinaire du 27 février 2009. Le fonctionnaire avait soutenu qu’il n’y avait rien dans son comportement qui pouvait être qualifié d’acte d’inconduite, mais il n’avait fourni aucune information pour expliquer son comportement. Mme Kovacevic a ajouté que le fonctionnaire ne faisait aucun cas de l’autorité de la direction; au terme de la réunion, elle était convaincue qu’il n’y avait pas d’autre solution que de licencier le fonctionnaire. Au cours des derniers mois, le fonctionnaire avait sollicité l’attention de M. Neufeld et M. Klassen quasiment à temps plein. Mme Kovacevic estimait que la situation avait assez duré. En contre-interrogatoire, Mme Kovacevic a déclaré que le fonctionnaire avait été licencié pour les trois motifs indiqués dans la lettre de licenciement, mais aussi pour les autres raisons qui faisaient qu’il avait reçu des mesures disciplinaires dans le passé, parce qu’elles étaient toujours valables.

25 La plupart des témoins du défendeur ont témoigné sur les conséquences probables de la réintégration du fonctionnaire au travail. Mme Reid a déclaré que cela nuirait au moral de l’équipe car les collègues du fonctionnaire désapprouvaient son comportement. M. Neufeld a déclaré que ce serait presque une catastrophe pour l’équipe. Il a ajouté qu’il se mettrait à la recherche d’un autre emploi. M. Klassen a déclaré que cela aurait un effet négatif sur les analystes subalternes qui travaillent dans la section et alourdirait la tâche du chef d’équipe chargé de superviser le fonctionnaire. Mme Kovacevic a déclaré que cela aurait un impact considérable sur l’équipe et que ses gestionnaires refuseraient d’emblée de superviser le fonctionnaire.

III. Résumé de la preuve du fonctionnaire

26 Le fonctionnaire est arrivé à la DPPS de Santé Canada en 2005. Avant cela, il occupait un poste à la Direction de l’apprentissage et de l’alphabétisation à Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Il avait travaillé auparavant à Pêches et Océans Canada et à Citoyenneté et Immigration Canada. Il a terminé sa maîtrise en sciences politiques à l’Université de Windsor en 1993. De 1995 à 1997, il était inscrit au programme de doctorat en sciences politiques à l’Université de Toronto dont il a terminé les cours et passé les examens généraux.

A. Dossier de la CRTFP 566-02-2351

27 Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait refusé d’assister à la réunion sur le PAR parce qu’il savait que M. Neufeld voulait discuter d’autres sujets et qu’il craignait que la discussion s’envenime. Il avait pris l’initiative de demander un PAR, mais la rencontre prenait l’allure d’une réunion quasi disciplinaire. De plus, le fonctionnaire avait déjà dit à Mme Reid que M. Neufeld n’avait pas l’autorité voulue pour discuter du PAR, puisque le fonctionnaire relevait directement de Mme Reid durant l’année en cause.

B. Dossier de la CRTFP 566-02-2813

28 Le fonctionnaire a produit des documents en preuve sur lesquels il a formulé des commentaires. Il a également présenté sa version des trois incidents dont il est question dans la lettre de licenciement. Il a appelé Veldon Coburn à témoigner. De janvier 2007 à janvier 2009, M. Coburn a travaillé comme analyste dans la même section que le fonctionnaire. Il est actuellement en congé d’études non payé, mais il réintégrera son poste à la fin de mai 2010.

29 Le fonctionnaire a admis qu’il avait rédigé un document, en février 2009, sur le budget fédéral et qu’il en avait envoyé une copie à son superviseur, M. Klassen, le 4 février 2009. Il a toutefois précisé que le document contenait 10 pages de texte et un résumé de 2 pages et non 14 pages comme il est indiqué dans la lettre de licenciement. Il estimait avoir besoin de l’information contenue dans le budget pour accomplir son travail attribué. Il avait commencé par faire des recherches sur l’unité de disque dur commun de la division, mais les renseignements trouvés étaient incomplets. Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait consacré peut-être une heure à cette tâche durant les heures de travail, mais qu’il avait fait le reste du travail durant ses temps libres. C’était une tâche facile pour lui, puisqu’il avait déjà analysé des budgets fédéraux dans le passé. À ce propos, il a mis en preuve un modèle qu’il avait conçu en 2007 pour analyser des budgets, modèle qu’il avait alors envoyé à son directeur, qui l’avait distribué à d’autres employés.

30 Le fonctionnaire a mis en preuve un courriel de M. Klassen à Mme Reid à propos de la réunion disciplinaire de licenciement du 27 février 2009. M. Klassen observe que, durant cette réunion, le fonctionnaire a présenté une défense plus solide que prévu pour justifier l’analyse du budget. Il avait expliqué qu’il avait besoin de renseignements pour accomplir son travail habituel et que pour obtenir l’information nécessaire, il avait analysé le budget dans ses temps libres, après les heures de travail. Il avait également établi un lien entre l’analyse du budget, les consignes reçues et le travail attribué.

31 Le fonctionnaire a admis que, le 20 février 2009, il avait préparé des commentaires écrits au sujet de la comparaison entre le Canada et les États-Unis aux fins d’une fiche d’information d’Affaires indiennes et du Nord Canada. Il a déclaré qu’il avait trouvé une autre version du même document qui ne correspondait pas aux normes requises. Ayant déjà effectué des comparaisons entre le Canada et les États-Unis dans es emplois antérieurs, il avait décidé de rédiger de nouveaux commentaires. Ces commentaires écrits faisaient 10 lignes et il les avait rédigés en quelques minutes seulement. Il les avait ensuite fait parvenir à Mme Latreille. Le fonctionnaire a déclaré que son plan de travail prévoyait des tâches de ce genre. Pendant le premier trimestre de 2009, on lui avait demandé de produire une présentation PowerPoint sur l’évolution démographique et les maladies chroniques. Le fonctionnaire a produit en preuve une diapositive tirée de cette présentation, intitulée « Priorités internationales », qui faisait référence aux grandes priorités de l’Australie, des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande.

32 Le fonctionnaire a admis qu’il avait été absent du travail les 24 et 25 février 2009 et qu'il avait reçu la consigne d’appeler son chef d’équipe et l’adjointe administrative chaque fois qu’il ne se présentait pas travail. Il a déclaré qu’il était très malade le 24 février 2009. Il a appelé son superviseur et l’adjointe administrative à midi ce jour-là pour les aviser qu’il était très malade, qu’il souffrait de maux d’estomac et de vomissements. Son état ne s’était pas amélioré le lendemain, mais il a appelé au bureau avant 9 h pour signaler qu’il serait absent encore ce jour-là. Il s’est ensuite rendu au Centre local des services communautaires pour consulter un spécialiste de la santé. De 9 h 30 à 10 h, il a rencontré Mme Beausoleil, une infirmière praticienne, qui lui a remis un certificat indiquant qu’elle l’avait reçu en consultation ce jour-là. Mme Beausoleil avait écrit que le fonctionnaire souffrait de diarrhées et de vomissements, qu’il devait se reposer et s’hydrater progressivement.

33 Le fonctionnaire est revenu au travail le 26 février 2009. Peu de temps après son arrivée, il a rencontré M. Klassen pour lui remettre le certificat signé par Mme Beausoleil. À 10 h 20, il est entré dans le système automatisé de demandes de congé et a rempli une demande de congé de maladie pour ses deux jours d’absence. M. Klassen a recommandé l’approbation de sa demande de congé le 4 mars 2009 et Mme Reid a approuvé sa demande le 9 mars 2009.

34 Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait jamais voulu défier ses supérieurs ni les offenser et qu’il s’était toujours montré respectueux envers eux. Il a également déclaré que le taux de roulement était élevé dans son ancienne division et que M. Klassen et Mme Reid travaillaient désormais ailleurs. Il estime que ses collègues de travail l’appréciaient et que les gestionnaires étaient satisfaits de son travail.

35 Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’a pas travaillé depuis qu’il a perdu son emploi en mars 2009. Il a eu droit à des prestations d’assurance-emploi. Il n’a rien fait pour se trouver un autre emploi parce qu’il croyait que ses griefs seraient rapidement réglés en arbitrage et que son emploi lui serait rendu.

36 Le fonctionnaire a appelé M. Coburn à témoigner. Le bureau de M. Coburn était situé à deux postes de travail de celui du fonctionnaire. Comme c’était un secteur tranquille, le moindre éclat de voix était facilement audible. De mai 2008 à janvier 2009, il avait eu M. Neufeld comme superviseur, mais cela ne l’avait pas empêché de travailler pour d’autres gestionnaires. Il estimait que la moitié de son travail lui avait été attribué par M. Klassen.

37 M. Coburn échangeait régulièrement avec le fonctionnaire en tant que collègue. Le fonctionnaire ne lui a jamais parlé de ses problèmes et n’a jamais dit du mal des autres employés. Il s’est toujours montré respectueux et amical envers ses collègues de travail. M. Coburn a décrit le fonctionnaire comme un « gars sympathique ». Il a déclaré qu’il serait certainement prêt à travailler de nouveau avec le fonctionnaire.

38 M. Klassen a informé M. Coburn que le fonctionnaire avait été suspendu en 2008. M. Coburn a déclaré que M. Klassen lui avait parlé plusieurs fois du cas du fonctionnaire. En avril 2008, M. Klassen lui avait dit que le fonctionnaire était convaincu que la direction voulait [traduction] « le mettre à la porte ». M. Coburn a précisé que cet échange avait eu lieu à la fin du printemps et qu’il y avait d’importantes chutes de neige. En juillet 2008, M. Klassen avait également dit à M. Coburn qu’il s’était fixé comme objectif personnel de se débarrasser du fonctionnaire.

39 M. Coburn a déclaré que les analystes de la DPPS doivent avoir une bonne connaissance du budget fédéral pour accomplir leur travail. Pour faire une bonne analyse des politiques, l’analyste doit comprendre le budget fédéral. C’est le deuxième document en importance à comprendre après le discours du Trône.

40 M. Coburn a indiqué que le taux de roulement était élevé à la DPPS où il travaillait avec le fonctionnaire.

41 Après avoir entendu le témoignage de M. Coburn, j’ai accepté d’appeler de nouveau M. Klassen afin de lui donner l’occasion de répliquer aux commentaires de M. Coburn.

42 M. Klassen a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir dit à M. Coburn que la direction voulait [traduction] « mettre le fonctionnaire à la porte ». Il ne se rappelait pas exactement ce qu’il avait dit à M. Coburn à propos du fonctionnaire. M. Coburn lui avait probablement posé des questions au sujet du fonctionnaire auxquelles il aurait répondu de façon générale.

IV. Résumé de l’argumentation du défendeur

A. Dossier de la CRTFP 566-02-2351

43 Le fonctionnaire a été convié à une réunion pour discuter de son PAR, mais il a refusé d’y assister. Cela lui a valu une réprimande écrite le 20 juin 2008. La réunion a été reportée au 23 juin 2008. Le fonctionnaire a de nouveau refusé d’y participer. Le défendeur était totalement fondé à lui imposer une suspension d’un jour pour ce refus.

44 Le défendeur m’a renvoyé à Byfield c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 119, et à Hogarth c. le Conseil du Trésor (Approvisionnement et Services), dossier de la CRTFP 166-02-15583 (19870331).

B. Dossier de la CRTFP 566-02-2813

45 Le défendeur a imposé des mesures disciplinaires progressives pour mettre un terme à l’insubordination du fonctionnaire. Entre le 20 juin et le 3 décembre 2008, le fonctionnaire a reçu une lettre de réprimande et des suspensions de 1, 3, 10 et 20 jours respectivement. Le fonctionnaire a décidé en toute connaissance de cause de ne pas obéir aux directives et de ne pas prendre au sérieux les avertissements reçus; c’est pourquoi le défendeur a mis fin à son emploi le 9 mars 2009.

46 Le 3 juillet 2008, le défendeur a remis une lettre d’instruction au fonctionnaire dans laquelle il décrivait quel comportement il attendait de lui au travail. Il indiquait également que le fonctionnaire s’exposait à des mesures disciplinaires s’il ne respectait pas les consignes et qu’il devait s’en tenir aux tâches prévues dans son plan de travail ou que la direction lui attribuait. La lettre décrivait aussi la procédure à suivre en cas d’absence.

47 Après avoir reçu cinq sanctions disciplinaires, le fonctionnaire a été licencié pour avoir consacré du temps à des tâches qui ne lui avaient pas été attribuées et pour ne pas avoir signalé ses absences de la manière ordonnée. En premier lieu, le fonctionnaire a produit une analyse du budget de 14 pages et il a admis qu’il en avait rédigé une partie durant les heures de travail. Or, durant cette période, le fonctionnaire a eu de la difficulté à respecter ses échéances. En deuxième lieu, le fonctionnaire a décidé de rédiger une analyse d’un paragraphe sur une comparaison entre le Canada et les États-Unis. Personne ne lui avait demandé de faire ces deux analyses. En troisième lieu, le fonctionnaire n’a pas signalé son absence du 24 février 2009 avant 9 h, en dépit de la consigne contenue dans la lettre d’instruction. Le fonctionnaire avait été prévenu qu’il pouvait être licencié s’il continuait de ne pas respecter les consignes. Par ses actions, il a irrémédiablement détruit le lien de confiance avec le défendeur.

48 Les consignes ont été clairement communiquées au fonctionnaire, mais il a refusé de s’y conformer. Cela constitue de l’insubordination. Si le fonctionnaire trouvait que les consignes étaient déraisonnables, il aurait dû s’y conformer d’abord et les contester ensuite. Le fonctionnaire a plutôt choisi de défier l’autorité de la direction. Le comportement général du fonctionnaire dénotait un tel mépris pour l’autorité que cela justifiait son licenciement.

49 Le fonctionnaire n’a pas démontré qu’il voulait modifier son comportement, même après cinq sanctions disciplinaires. Il n’a ni admis ses fautes ni exprimé des regrets.

50 Le défendeur m’a demandé de ne pas réintégrer le fonctionnaire si j’en arrive à la conclusion que son licenciement n’était pas justifié. Tous les témoins appelés par le défendeur ont déclaré que la réintégration du fonctionnaire perturberait considérablement le climat de travail. Le fonctionnaire a fait allusion au taux élevé de roulement du personnel, mais il reste que Mme Kovacevic est toujours à la tête de la division et que le poste d’attache de M. Neufeld se trouve toujours dans l’ancienne section du fonctionnaire. Quant à Mme Reid et à M. Klassen, ils travaillent maintenant dans une section située non loin de là.

51 Subsidiairement, le défendeur m’a demandé d’accorder une compensation financière au lieu de réintégrer le fonctionnaire. Le montant de ce dédommagement devrait correspondre aux montants qui sont accordées dans des cas semblables selon la jurisprudence. 

52 Le défendeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Varzeliotis c. le Conseil du Trésor (Environnement Canada), dossier de la CRTFP 166-02-9721 à 9723, 10273 et 10879 (19831011); Duske c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 94; Focker c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 7; Desrochers c. Canada (Procureur général), 2000 CanLII 15224 (C.F.) (QL); Desrochers c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 333; Laflamme c. Garant, 2006 QCCS 5735; Lamontagne c. Climan Transportation Services (2747-7173 Québec Inc.), 2000 A.C.F. no 2063 (1e inst.) (QL); Hendrickson Spring (Stratford Operations) v. United Steelworkers, Local 8773 (2008), 175 L.A.C. (4e) 376; Calgary (City) v. Amalgamated Transit Union, Local 583 (2008) 177 L.A.C. (4e) 263; Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CRTFP 50; Lâm c. Canada (Procureur général),2009 CF 913; DeHavilland Inc. v. National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers Union of Canada, Local 112 (1999), 83 L.A.C. (4e) 157. Le défendeur m’a également renvoyé aux sections 7:3612, 7:3610, 7:3660, 7:4422 et 7:4416 de l’ouvrage de Brown et Beatty intitulé Canada Labour Arbitration, 4e édition.

V. Résumé de l’argumentation du fonctionnaire s’estimant lésé

A. Dossier de la CRTFP 566-02-2351

53 Le fonctionnaire a soutenu qu’il a agi de bonne foi avec ses supérieurs, mais qu’il se trouvait dans la ligne de mire du défendeur, qui avait décidé de s’en débarrasser. C’est dans ce contexte qu’il a été convoqué à la réunion sur le PAR en juin 2008. Il avait pris lui-même l’initiative du PAR, mais cela avait pris l’allure d’un processus quasi disciplinaire contre lui.

54 Le fonctionnaire a également soutenu que le défendeur a sévi deux fois contre lui pour la même faute, c’est-à-dire pour avoir refusé d’assister à la réunion sur le PAR.

B. Dossier de la CRTFP 566-02-2813

55 Le fonctionnaire a soutenu que les trois seuls motifs que le défendeur peut invoquer pour justifier son licenciement sont l’analyse du budget fédéral, la comparaison entre le Canada et les États-Unis et les absences signalées tardivement les 24 et 25 février 2009. L’acte d’inconduite culminant devrait se limiter à ces trois incidents, les seuls qui sont mentionnés dans la lettre de convocation à la réunion disciplinaire et dans la lettre de licenciement.

56 La lettre d’instruction précise que, durant les heures de travail, le fonctionnaire doit s’en tenir aux tâches qui sont prévues dans son plan de travail ou qui lui sont attribuées par la direction. Il est raisonnable de penser que cela comprend les tâches qui sont directement ou indirectement liées à la réalisation du plan de travail et qui sont accomplies exclusivement durant les heures de travail.

57 L’analyse du budget avait un lien avec les tâches prévues dans le plan de travail. Le fonctionnaire devait comprendre le contenu du budget pour faire son travail. Il a analysé le budget pendant ses temps libres et pour son usage personnel. Comme il avait utilisé un modèle analogue dans le passé, le travail s’est fait rapidement. Le défendeur n’a produit aucune preuve que le fonctionnaire est arrivé en retard au travail durant la période où il a fait l’analyse du budget.  

58 La comparaison entre le Canada et les États-Unis avait aussi un lien avec le plan de travail. Ses supérieurs lui avaient expressément demandé de produire une présentation PowerPoint sur l’évolution démographique et les maladies chroniques; une partie de cette présentation faisait référence aux grandes priorités de l’Australie, des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande. Le fonctionnaire avait trouvé une autre version de cette analyse, mais il trouvait qu’elle ne correspondait pas aux normes habituelles. Il avait donc décidé de rédiger de nouveaux commentaires, soit un paragraphe d’au plus 10 lignes qui lui avait pris quelques minutes seulement.

59 Le fonctionnaire a déclaré qu’il était très malade le 24 février 2009; il a appelé au bureau dès que son état le lui a permis, c’est-à-dire aux alentours de midi, même si la consigne contenue dans la lettre d’instruction était d’appeler avant 9 h. Le lendemain, son état ne s’étant pas amélioré, il a appelé à 8 h 30. Il a produit un certificat médical dès son retour au travail, conformément à la consigne contenue dans la lettre d’instruction. M. Klassen n’a pas soulevé la question de l’heure à laquelle il avait appelé au bureau. Il a d’ailleurs recommandé, le 3 mars 2009, que la demande de congé de maladie soit approuvée et Mme Reid a approuvé la demande le 9 mars 2009.

60 Le fonctionnaire a soutenu que le défendeur n’a pas démontré qu’il avait commis un acte d’inconduite culminant. Le défendeur n’avait aucune raison de lui imposer une sanction disciplinaire culminante; le licenciement est donc une mesure injuste et injustifiée.

61 Le fonctionnaire a soutenu qu’il doit être réintégré dans ses fonctions. Même si l’arbitre de grief peut accorder une indemnisation tenant lieu de réintégration, il existe un solide consensus en common law que, à tout le moins, le critère préliminaire à réfuter est très élevé pour qu’un employé qui a été licencié sans motif valable ne soit pas réintégré dans ses fonctions.

62 La division dans laquelle le fonctionnaire travaillait est suffisamment grande pour éviter que son retour éventuel ne trouble l’harmonie au travail. Il y a de plus un taux de roulement élevé dans cette division et une partie de l’équipe de l’ancienne direction n’y travaille plus.

63 Le fonctionnaire estime qu’il doit réintégrer le poste qu’il occupait à la DGSPNI. Il a 46 ans et ce serait difficile pour lui de retourner sur le marché du travail. Il n’a jamais travaillé ailleurs que dans la fonction publique. Les témoins du défendeur ont déclaré que sa réintégration perturberait considérablement le climat de travail, mais ils n’ont pas appelé d’employés pour corroborer cet argument. Au contraire, M. Coburn a déclaré qu’il était certainement prêt à travailler de nouveau avec le fonctionnaire. Une fois réintégré dans ses fonctions, le fonctionnaire envisage d’entreprendre des démarches pour se trouver un autre emploi dans la fonction publique, que ce soit à Santé Canada ou dans un autre ministère.

64 À titre de réparation, le fonctionnaire a demandé également que le délai prescrit pour la présentation de griefs soit prorogé afin de pouvoir contester ses suspensions de 3, 10 et 20 jours. Il a demandé aussi un salaire rétroactif, le paiement rétroactif de la prime au bilinguisme, le paiement de tous ses congés, de ses frais de médicaments et de ses cotisations professionnelles et un dédommagement pour les possibilités d’emploi perdues et pour ses difficultés financières, avec l’intérêt couru sur tous les montants. Si l’arbitre de grief décide de ne pas le réintégrer, il a demandé un dédommagement équivalant à quatre années de salaire plus toutes les sommes susmentionnées.

65 Le fonctionnaire m’a renvoyé aux décisions suivantes : Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 141; Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489; Doucette c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2003 CRTFP 66; Gannon c. Procureur général du Canada, 2004 CAF 417; Lâm c. Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada), 2008 CRTFP 61; Maan c. Conseil du Trésor (Transports Canada), 2003 CRTFP 100; Matthews c. Canada (Procureur général), [1997] A.C.F. no 1691 (1e inst.).

VI. Motifs

A. Dossier de la CRTFP 566-02-2351

66 Le défendeur a imposé une suspension d’un jour au fonctionnaire parce qu’il avait refusé d’assister à une réunion pour discuter de son PAR le 23 juin 2008. Le fonctionnaire a admis qu’il avait refusé d’assister à la réunion. Il avait déjà reçu une réprimande écrite pour avoir refusé de participer à la première réunion.

67 Pour justifier son refus, le fonctionnaire a expliqué que M. Neufeld n’avait pas l’autorité pour discuter du PAR, puisqu’il ne l’avait pas supervisé pendant la période en cause. Il a également déclaré qu’il craignait que la discussion s’envenime et que la rencontre prenait l’allure d’une réunion quasi disciplinaire. Voyant cela, le fonctionnaire a décidé de ne pas assister à la réunion.

68 Je suis convaincu que le fonctionnaire a fait preuve d’insubordination. Peut-être avait-il de bonnes raisons de ne pas vouloir assister à la réunion sur le PAR et peut-être était-il fondé à craindre que la discussion s’envenime. Il aurait pu exposer clairement ses préoccupations à M. Neufeld et à Mme Reid bien avant la date de la réunion et demander que la situation soit corrigée. Rien ne l’empêchait non plus d’assister à la réunion et de déposer un grief par la suite. Mais il n’a rien fait de tout cela. Il a simplement refusé de se conformer à la consigne qui lui avait été donnée.

69 Le fonctionnaire avait déjà reçu une réprimande écrite pour ne pas avoir assisté à la réunion du 13 juin 2008. La sanction disciplinaire qu’il a reçue pour ne pas avoir assisté à la réunion du 23 juin 2008 se rapportait à un incident différent, même si les deux incidents avaient un point un commun, en l’occurrence le fait de ne pas assister à une réunion. Donc, le défendeur était totalement fondé à imposer une suspension d’un jour, le 25 juin 2008, pour le second refus du fonctionnaire d’assister à une réunion sur le PAR et cette suspension ne constitue d’aucune façon une double sanction disciplinaire.

B. Dossier de la CRTFP 566-02-2813

70 Le fonctionnaire a reçu cinq sanctions disciplinaires entre juin et décembre 2008 pour ne pas avoir assisté à des réunions, pour ne pas avoir signalé ses absences, pour ne pas avoir fourni un certificat médical relativement à ses absences, pour avoir quitté le travail avant l’heure et pour avoir travaillé, pendant deux jours consécutifs, à des projets qui ne lui avaient pas été attribués. Le 9 mars 2009, le fonctionnaire a été licencié pour avoir travaillé à deux projets qui ne lui avaient pas été attribués, en l’occurrence une analyse du budget fédéral et une comparaison entre le Canada et les États-Unis, et pour ne pas avoir signalé qu’il était malade avant 9 h, le 24 février 2009. Dans son témoignage, le défendeur a fait allusion à plusieurs autres incidents où le fonctionnaire avait eu un comportement insatisfaisant, sauf qu’il n’a pas été question de ces incidents durant la réunion disciplinaire et qu’ils ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement.

71 Pour trancher le présent grief, je dois répondre aux questions suivantes :

1) Le fonctionnaire est-il coupable des trois incidents mentionnés dans la lettre de licenciement et, le cas échéant, s’agit-il d’actes d’insubordination?

2)  Si la réponse à la question précédente est oui, le licenciement était-il la mesure disciplinaire qui s’imposait dans ce cas-là, compte tenu des circonstances et du dossier disciplinaire du fonctionnaire?

3)  Si le congédiement était une mesure trop sévère, le fonctionnaire doit-il être réintégré dans ses fonctions au vu de l’ensemble des circonstances?

1. Le fonctionnaire est-il coupable des trois incidents mentionnés dans la lettre de licenciement et, le cas échéant, s’agit-il d’actes d’insubordination?

72 Les deux premiers incidents qui sont reprochés au fonctionnaire sont les tâches qu’il a accomplies de sa propre initiative. Dans son témoignage, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait préparé l’analyse du budget surtout dans ses temps libres. Il a admis qu’il avait probablement travaillé au projet une heure pendant ses heures de travail. Il a aussi déclaré qu’il avait rédigé le paragraphe de 10 lignes sur la comparaison entre le Canada et les États-Unis en quelques minutes seulement parce qu’il avait de l’expérience en la matière. Le défendeur n’a pas contredit ce témoignage; c’est pourquoi j’accorde foi au témoignage du fonctionnaire lorsqu’il dit qu’il a consacré une heure, durant les heures de travail, aux tâches qui ne lui avaient pas été attribuées.

73 Le fonctionnaire a soutenu que ces tâches avaient un lien avec les autres tâches prévues dans son plan de travail et qu’il devait comprendre tous les détails du budget pour bien accomplir son travail. M. Coburn a déclaré qu’il est essentiel pour un analyste de la DPPS de comprendre le budget pour bien analyser les politiques. Le défendeur n’a pas produit de preuve du contraire. En ce qui concerne la comparaison entre le Canada et les États-Unis, le fonctionnaire a déclaré que cela avait un lien avec la présentation PowerPoint qu’on lui avait demandé de préparer et qui faisait référence aux grandes priorités d’autres pays, dont les États-Unis. Le défendeur n’a pas démontré le contraire.

74 Le défendeur avait le fardeau de prouver que le fonctionnaire s’est rendu coupable d’insubordination en effectuant des tâches qui ne lui avaient pas été attribuées, malgré la consigne contenue dans la lettre d’instruction du 3 juillet 2009. J’estime qu’il ne s’est pas déchargé de ce fardeau.

75 J’accorde foi aux témoignages du fonctionnaire et de M. Coburn lorsqu’ils affirment qu’un analyste, comme le fonctionnaire, doit absolument comprendre tous les détails du budget. Le fonctionnaire a poussé l’initiative jusqu’à mettre son analyse par écrit. Il l’a fait principalement dans ses temps libres. En ce qui concerne la comparaison entre le Canada et les États-Unis, j’accorde foi au témoignage du fonctionnaire lorsqu’il dit que cette analyse de 10 lignes avait un rapport avec la tâche qui lui avait été attribuée.

76 Je conviens avec le défendeur que ces deux tâches n’étaient pas explicitement mentionnées dans le plan de travail du fonctionnaire. Mais je conviens aussi avec le fonctionnaire qu’il serait raisonnable de penser que la consigne qui lui est donnée dans la lettre d’instruction de s’en tenir aux tâches prévues dans le plan de travail englobe les tâches qui sont directement ou indirectement reliées à la réalisation du plan de travail. Le défendeur n’a pas réfuté le témoignage du fonctionnaire selon lequel ces tâches étaient reliées à celles qui lui avaient été attribuées. De plus, le défendeur n’a pas réfuté le témoignage de M. Coburn selon lequel l’analyste doit comprendre le budget pour bien accomplir son travail, en dépit du fait qu’il a avancé l’argument contraire. J’ajouterai que le défendeur n’a pas démontré de manière irréfutable que le fonctionnaire a eu de la difficulté à respecter ses échéances en février 2009.

77 Bref, je conclus que le fonctionnaire ne s’est pas rendu coupable d’insubordination en consacrant du temps à ces deux tâches. Le fonctionnaire et M. Coburn ont déclaré que ces tâches avaient un lien avec le travail du fonctionnaire. Le défendeur ne partage pas ce point de vue. Le fonctionnaire a consacré à peine plus d’une heure durant ses heures de travail à ces tâches qui avaient un lien avec celles décrites dans son plan de travail. De plus, le fonctionnaire n’a pas distribué les résultats de son travail à Mme Reid ou M. Rogers, contrairement à ce qu’on lui reproche dans la lettre disciplinaire du 29 octobre 2008. Il a envoyé un des documents à M. Klassen et l’autre à l’adjointe administrative de la section.

78 Le troisième incident a un rapport avec les absences des 24 et 25 février 2009. À en juger par le contenu de la lettre de licenciement et les arguments du défendeur, il m’apparaît évident que l’acte d’insubordination qui est reproché au fonctionnaire est de ne pas avoir appelé au bureau avant 9 h, le 24 février 2009, pour signaler son absence plutôt que de ne pas s’être présenté au travail.

79 Le fonctionnaire a avancé que la direction a approuvé sa demande de congé de maladie pour ces deux jours. Cela signifie simplement que la direction a jugé que le fonctionnaire satisfaisait aux conditions pour obtenir un congé de maladie payé et qu’il était vraiment malade pendant les deux jours en question. J’estime que l’approbation de la demande de congé n’est d’aucun intérêt pour déterminer si le fonctionnaire s’est rendu coupable d’insubordination de la manière alléguée. Je crois plutôt que l’insubordination alléguée est reliée au fait que le fonctionnaire n’a pas signalé son absence avant 9 h, le 24 février 2009.

80 La lettre d’instruction du 3 juillet 2008 est claire : s’il est en retard ou s’il ne peut se présenter au travail pour une raison ou pour une autre, le fonctionnaire doit communiquer avec M. Neufeld avant 9 h le jour en question. Le 24 février 2009, le fonctionnaire était absent; or il a appelé au bureau aux alentours de midi. Il s’ensuit qu’il n’a pas respecté la consigne, puisqu’il devait appeler avant 9 h.

81 Le fonctionnaire a déclaré qu’il était très malade le 24 février 2009. Il a appelé son superviseur et l’adjointe administrative, à midi, pour leur dire qu’il était très malade, qu’il souffrait de maux d’estomac et de vomissements. Il n’a cependant pas indiqué dans son témoignage qu’il avait été dans l’impossibilité d’appeler au bureau avant 9 h. S’il était trop malade pour appeler ou s’il était incapable d’appeler pour une raison ou pour une autre, il aurait dû le dire à l’audience. Puisqu’il n’a pas appelé au bureau avant 9 h et qu’il n’a pas expliqué pourquoi, je conclus que le fonctionnaire a enfreint les règles contenues dans la lettre d’instruction.

82 Je dois dire qu’il semble impossible de toujours respecter ces consignes à la lettre. Les formules de grief et de renvoi à l’arbitrage indiquent que le fonctionnaire réside à Wakefield, une petite communauté rurale située à une trentaine de kilomètres du lieu de travail. Compte tenu du fait que, durant la période en question, la journée de travail du fonctionnaire commençait à 10 h et qu’il quittait probablement la maison un peu avant ou après 9 h, il suffirait qu’un problème de circulation occasionne un retard pour que le fonctionnaire soit incapable d’appeler au bureau avant l’heure précisée pour prévenir qu’il sera en retard. Si, un bon matin, le fonctionnaire est très malade ou est victime d’un accident ou se trouve dans l’impossibilité d’appeler au bureau avant 9 h, il pourrait être accusé d’insubordination.

83 Même si le défendeur n’a pas produit de preuve pour établir que l’appel tardif du fonctionnaire a créé des problèmes opérationnels dans la section, il n’en demeure pas moins que le fonctionnaire a commis une faute. Il n’a pas démontré qu’il avait été dans l’impossibilité d’appeler avant 9 h le matin en question. Il a eu un comportement négligent en n’appelant au bureau qu’aux alentours de midi. Le défendeur lui avait expressément dit qu’il devait appeler avant 9 h s’il ne pouvait pas se présenter au travail, mais le fonctionnaire n’a pas respecté cette consigne.

84 Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les éléments essentiels de ce qui constitue de l’insubordination selon l’ouvrage de Brown et Beatty (section 7:3612) étaient présents dans le cas de l’appel tardif du 24 février 2009.

2. Le licenciement était-il la mesure disciplinaire qui s’imposait dans ce cas-là, compte tenu des circonstances et du dossier disciplinaire du fonctionnaire?

85 Selon l’ouvrage de Brown et Beatty (section 7:3660), l’employeur peut être fondé à licencier un employé lorsque l’ensemble de sa conduite dénote un tel mépris pour l’autorité que la seule conclusion possible est que la relation d’emploi doit être rompue. Il est donc nécessaire, dans ce cas-ci, d’examiner la conduite et le dossier disciplinaire passés du fonctionnaire. Cependant, même en tenant compte du dossier disciplinaire du fonctionnaire, je ne peux pas conclure qu’en signalant son absence quelques heures plus tard que prévu, le fonctionnaire a suffisamment défié l’autorité de la direction pour que cela justifie de le licencier.

86 Entre juin et décembre 2008, le fonctionnaire a reçu les sanctions disciplinaires suivantes :

- le 20 juin : une lettre de réprimande pour ne pas avoir assisté à une réunion;

- le 26 juin : une suspension d’un jour pour ne pas avoir assisté à une réunion;

- le 18 août : une suspension de trois jours pour ne pas avoir appelé pour signaler une absence, pour ne pas avoir produit un certificat médical relativement à une absence, pour ne pas avoir présenté une demande de congé et pour ne pas avoir modifié son titre;

- le 29 octobre : une suspension de 10 jours pour avoir été absent du travail du 3 au 8 septembre, pour être arrivé en retard le 10 septembre, pour avoir consacré du temps à des tâches non prévues dans le plan de travail les 10 et 11 septembre, pour avoir soumis du travail à Mme Reid et à plusieurs autres les 10 et 11 septembre, pour avoir refusé d’assister à des réunions les 10 et 12 septembre, pour avoir quitté le travail avant l’heure le 12 septembre et pour ne pas s’être présenté au travail le 15 septembre.

- le 3 décembre : une suspension de 20 jours pour avoir quitté le travail avant l’heure le 18 novembre et pour ne pas s’être présenté au travail du 21 au 25 novembre.

87 Le dossier disciplinaire du fonctionnaire montre que son comportement a empiré entre juin et octobre 2008 et que les actes d’inconduite sont devenus plus graves. Le fonctionnaire a pris un autre congé non autorisé de cinq jours en novembre, ce qui lui a valu une suspension de 20 jours en décembre. Son comportement, eu égard à ses absences et à l’obligation de signaler ces absences, ne s’est pas amélioré.

88 Le fonctionnaire est revenu au travail à la fin de décembre 2008 au terme de sa dernière suspension. Les témoins du défendeur ont déclaré que le fonctionnaire ne semblait pas vouloir modifier son comportement et qu’il ne restait plus qu’une solution, le licencier. J’estime que le reste de la preuve et les faits de l’affaire ne corroborent pas cette prétention. Le fonctionnaire ne s’est pas absenté sans permission, contrairement aux trois autres fois où il a reçu une suspension; il a produit un certificat médial pour justifier une absence; il a présenté une demande de congé et il a appelé au bureau pour dire qu’il était malade. Sa seule faute est d’avoir appelé quelques heures après l’heure indiquée dans la lettre d’instruction pour signaler qu’il était malade. En fait, il n’avait encore jamais reçu de sanction disciplinaire pour une faute comme celle-là. Après la suspension du 3 décembre 2008, le comportement du fonctionnaire s’est amélioré et il a démontré qu’il comprenait les consignes reçues et qu'il avait décidé de s’y conformer, sauf le 24 février 2009, lorsqu’il a appelé après l’heure prévue.  

89 À la lumière de ces faits, il est évident que le licenciement n’est pas justifié. Cependant, vu que le fonctionnaire aurait pu appeler plus tôt le 24 février 2009 et compte tenu de son dossier disciplinaire, le fonctionnaire doit recevoir une sanction disciplinaire pour cette faute mineure. Suivant la logique des mesures disciplinaires progressives, je remplacerai le licenciement par une suspension de 30 jours. Cela peut sembler excessif d’imposer une peine aussi sévère, qui représente une perte pécuniaire d’une dizaine de milliers de dollars pour le fonctionnaire, dont le poste était classifié dans le groupe et au niveau ES-05. Je dois cependant tenir compte du fait qu’une suspension de 20 jours lui a été imposée le 3 décembre 2008 et que la faute pour laquelle j’impose la suspension est reliée, dans l’ensemble, aux absences non autorisées et au refus de respecter les consignes qui lui ont déjà valu des sanctions disciplinaires.

3. Si le congédiement était une mesure trop sévère, le fonctionnaire doit-il être réintégré dans ses fonctions au vu de l’ensemble des circonstances?

90 Le défendeur a fait valoir, subsidiairement, que si le grief est accueilli, je dois accorder une compensation financière en guise de réintégration. Le défendeur a basé son argument sur le fait que tous les témoins ont déclaré que la réintégration du fonctionnaire perturberait considérablement le climat de travail. Le fonctionnaire veut ravoir son emploi.

91 Dans Lâm, la Cour fédérale a déclaré qu’il existe nettement une présomption en faveur de la réintégration. Même si la réintégration n’est pas un droit systématique, la jurisprudence et la doctrine confirment que la réintégration est la règle et que payer un dédommagement en guise de réintégration est l’exception.

92 Dans DeHavilland, l’arbitre a indiqué qu’il faut tenir compte des facteurs suivants pour déterminer si un dédommagement doit être accordé en guise de réintégration : le refus des collègues de travailler avec le fonctionnaire s’estimant lésé, la rupture du lien de confiance entre le fonctionnaire s’estimant lésé et l’employeur, l’incapacité ou le refus du fonctionnaire s’estimant lésé d’accepter la responsabilité de ses fautes, le comportement et l’attitude du fonctionnaire s’estimant lésé à l’audience, l’animosité que le fonctionnaire s’estimant lésé nourrit à l’égard de la direction ou de ses collègues et le risque de créer un climat de travail malsain.

93 Le défendeur n’a pas appelé d’anciens collègues du fonctionnaire à témoigner. Le fonctionnaire a appelé M. Coburn, qui a déclaré qu’il avait régulièrement des échanges avec le fonctionnaire au travail. Il a dit que le fonctionnaire se montrait toujours respectueux et amical et que c’est un « gars sympathique ». M. Coburn a également déclaré qu’il voudrait certainement travailler de nouveau avec le fonctionnaire. Les témoins du défendeur, eux, ont tous affirmé le contraire.

94 C’est clair pour moi que Mme Kovacevic, M. Neufeld, Mme Reid et M. Klassen ne veulent pas voir le fonctionnaire revenir au lieu de travail. Ils courent le risque de perdre la face devant les autres employés ou leurs collègues gestionnaires si le fonctionnaire revient au travail. Chacun d’eux lui a imposé une mesure disciplinaire ou a contribué à lui faire imposer une mesure disciplinaire, si bien qu’à cet égard, on peut dire que leurs témoignages étaient intéressés. Je les crois lorsqu’ils disent que M. Wentges n’était pas quelqu’un de facile à encadrer. Son dossier disciplinaire le prouve de manière éloquente. J’accorde toutefois une grande importance a ce que M. Coburn a raconté à propos de la manière dont le fonctionnaire se comportait au travail. M. Coburn n’avait absolument aucun intérêt personnel ni professionnel, à ce que je sache, à dire ce qu’il a dit. En fait, il pourrait en venir à regretter son témoignage lorsqu’il retournera travailler à la DGSPNI.

95 Je n’hésiterais pas à dire que, dans la grande majorité des cas de licenciement, le seul fait de perdre son emploi a des effets très néfastes sur la relation et crée de l’animosité envers la direction. Cependant, dans ce cas-ci, je crois qu’avec un peu d’effort et de bonne foi de part et d’autre, les parties parviendront à recréer une relation de travail harmonieuse axée sur la confiance. 

96 Pour en revenir aux critères mentionnés dans DeHavilland, je ne dispose d’aucune preuve que les collègues du fonctionnaire refuseraient de travailler avec lui. Le fonctionnaire a eu une attitude positive à l’audience. Durant le contre-interrogatoire des témoins du défendeur, il n’a manifesté aucune animosité à l’égard de ses anciens gestionnaires ou directeurs et il s’est montré très poli et très courtois envers eux. Il n’a pas parlé en mal de ses anciens collègues, sauf peut-être pour dire qu’il y avait beaucoup d’absentéisme et qu’on arrivait souvent en retard au travail. J’ai déclaré que ces commentaires n’étaient d’aucun intérêt pour trancher la présente affaire, et il a accepté ma décision. Le fonctionnaire a admis qu’il avait tardé à appeler au bureau le 24 février 2009. Les témoins du défendeur, eux, ont dit que le lien de confiance avec le fonctionnaire était rompu et que son retour perturberait considérablement le climat de travail.

97 Quand je mets tous ces éléments en balance avec les observations de la Cour dans Lâm à propos de la nette présomption en faveur de la réintégration, il m’apparaît évident que c’est la règle de la réintégration qui doit s’appliquer dans ce cas-ci, plutôt que l’exception, c’est-à-dire le dédommagement en guise de réintégration.

98 La DPPS est une assez grande division, qui affiche un taux de roulement élevé. Je ne crois pas que la réintégration du fonctionnaire aura un tel effet négatif sur l’effectif. Il pourrait y avoir un certain malaise au début, mais avec un peu de bonne volonté, tout reviendra à la normale. Le fonctionnaire s’est d’ailleurs dit ouvert à l’idée de demander une mutation dans une autre division ou dans un autre ministère. Peut-être que le défendeur pourrait l’aider à obtenir cette mutation.

99 Après le retour du fonctionnaire, le défendeur pourra sévir contre lui si son comportement suscite de graves problèmes. Dans la pire des éventualités, il pourrait de nouveau être licencié, puisque sa suspension de 30 jours et les autres suspensions qui lui ont été imposées figureront encore dans son dossier. 

100 Le fonctionnaire a demandé que le délai prescrit pour le dépôt de griefs soit prorogé afin de pouvoir contester ses suspensions de 3, 10 et 20 jours. Je n’ai pas le pouvoir de statuer sur cette demande. En vertu de l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, c’est le président de la Commission qui peut, par souci d’équité et à la demande d’une partie, entendre et trancher une demande de prorogation de délai. Conformément à l’article 45 de la Loi, le président autorise généralement un vice-président à exercer ses pouvoirs à cet égard. Il faudrait donc que le fonctionnaire présente une demande séparée à la Commission en vue d’obtenir une prorogation de délai pour déposer de nouveaux griefs.

101 En ce qui concerne les autres mesures correctives, le fonctionnaire a demandé le paiement de ses frais de médicaments et de ses cotisations professionnelles, un dédommagement pour les possibilités d’emploi perdues et ses difficultés financières, avec l’intérêt couru sur tous ces montants. Le fonctionnaire ne m’a pas présenté de preuve pour établir le bien-fondé de ces demandes. L’employeur ne m’a pas soumis d’observations sur la rémunération et les avantages qui devraient être payés rétroactivement au fonctionnaire en cas de réintégration. Compte tenu de ce qui précède, je dois entendre les arguments des parties avant de prendre une décision sur les autres mesures correctives demandées.

102 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

103 Dossier de la CRTFP 566-02-2351 : le grief est rejeté.

104 Dossier de la CRTFP 566-02-2813 : le grief est accueilli en partie. Le licenciement est remplacé par une suspension de 30 jours réputée commencer le 9 mars 2009.

105 J’ordonne au défendeur de réintégrer le fonctionnaire dans son ancien poste dans les trois semaines suivant la date de la présente décision et à commencer dès maintenant à lui payer son salaire et ses avantages.

106 Si les parties sont incapables de s’entendre sur la question du dédommagement rétroactif dans les 60 jours suivant la date de la présente décision, une date d’audience sera fixée pour trancher cette question.

107 Je demeure saisi de l’affaire pour une période de 90 jours au cas où les parties auraient de la difficulté à mettre la présente décision à exécution.

Le 15 février 2010.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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