Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s'estimant lésé a été avisé que son poste à temps partiel avait été déclaré excédentaire - il avait droit à une période de promotion des compétences de huit semaines, et il a indiqué son souhait d'exercer ce droit - on lui a soumis une liste de postes vacants quand son poste a été déclaré excédentaire, et l'employeur a procédé à son évaluation durant la période de préavis relativement aux postes vacants, mais il n'a pas été informé de l'évolution de la situation - il a également demandé de travailler durant la période de préavis, mais l'employeur a rejeté sa demande, car il considérait que le fonctionnaire s’estimant lésé n'avait pas fourni d'analyse de cas satisfaisante à l'appui - à l'arbitrage, le fonctionnaire s’estimant lésé n'a pas demandé qu'on le réintègre à son ancien poste, mais plutôt qu'on lui redonne son statut d'employé excédentaire de sorte que l'employeur puisse s'acquitter de ses obligations en vertu de la Politique sur le réaménagement des effectifs - l'employeur a violé la politique en n'informant pas le fonctionnaire s’estimant lésé de l'évolution de la situation et en lui faisant porter le fardeau relatif à l'établissement d'une analyse de cas en vue de lui permettre de travailler durant la période de préavis - le redressement particulier devant être accordé sera déterminé à une autre audience. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-02-16
  • Dossier:  566-09-2511
  • Référence:  2010 CRTFP 25

Devant un arbitre de grief


ENTRE

IAN POWELL

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

employeur

Répertorié
Powell c. Conseil national de recherches du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Christopher Rootham, avocat

Pour l'employeur:
Christine Diguer, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 25 au 27 janvier 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le 26 septembre 2007, Ian Powell, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief contre le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) (l’« employeur ») alléguant que celui-ci avait violé la politique sur le réaménagement des effectifs négociée entre l’employeur et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur »). Le fonctionnaire est régi par la convention collective conclue entre l’agent négociateur et l’employeur pour le groupe AR/ACR (date d’expiration : 19 juillet 2007) (la « convention collective »). Le grief a été rejeté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le 22 septembre 2008, et a été renvoyé à l’arbitrage, le 29 octobre 2008.

2 Le fonctionnaire travaillait à l’Institut Steacie des sciences moléculaires (ISSM). Il a contesté la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi dans la foulée de l’exercice de réaménagement des effectifs. Il a allégué que l’employeur n’a déployé aucun effort raisonnable pour le transférer aux autres instituts du CNRC, où il effectuait une grande partie de son travail avant le réaménagement des effectifs. Le fonctionnaire demande sa réintégration à l’ISSM ou à un autre institut où il effectuait du travail, dans la même situation et avec les mêmes avantages sociaux et conditions de travail que précédant sa mise en disponibilité.

3 Le présent grief concerne les clauses suivantes de la politique sur le réaménagement des effectifs :

[…]

3.6.1.3

Le CNRC a pour politique de s’assurer que les employés touchés par un réaménagement des effectifs sont traités équitablement et peuvent profiter de toutes les occasions possibles et raisonnables de poursuivre leur carrière à l’intérieur comme à l’extérieur du CNRC. Afin d’aider les employés dans la promotion de leur carrière, le CNRC aidera à s’assurer qu’ils sont adéquatement formés sur une base permanente dans leur domaine de travail et peuvent ainsi profiter des possibilités de carrière au CNRC ou dans d’autres organismes.

[…]

3.6.7.2

 Le CNRC déploiera tous les efforts nécessaires pour répondre à la demande de l’employé excédentaire de travailler en partie ou tout au long de la période de préavis.

[…]

3.6.8.4

 Au cours de la période de marketing, le CNRC devra déployer tous les efforts nécessaires pour trouver un poste approprié à l’employé excédentaire et devra lui fournir régulièrement des mises à jour.

3.6.8.5

 Au cours de la période de marketing, le CNRC devra aviser l’employé de tous les postes disponibles au sein du CNRC pour une nomination possible. L’employé peut être nommé à un poste pertinent, avec son approbation, pour lequel il répond aux critères de présélection et aux compétences clés.

[…]

3.6.14.1

 Si le DG décide que l’employé ne travaillera pas pendant la totalité ou une partie de la période de préavis, un paiement forfaitaire équivalent à la rémunération régulière de l’employé pour la période de préavis lui sera payé. Cette somme sera réputée satisfaire aux exigences de cette politique en matière de préavis.

[…]

3.6.20.1

 Un employé qui se sent injustement traité en raison d’une infraction présumée à cette politique a le droit de présenter un grief à chaque étape de la procédure de règlement des griefs jusque et y compris l’étape finale.

3.6.20.2

 Les employés représentés par un agent négociateur accrédité ont aussi accès à la procédure d’arbitrage conformément à la convention collective ou au régime de rémunération (pour les employés non représentés) pour tous les processus mentionnés dans la présente politique.

[…]

4 Le 18 novembre 2004, l’agent négociateur et l’employeur ont signé un protocole d’accord en vertu duquel ils acceptaient que la politique sur le réaménagement des effectifs fasse partie de la convention collective. Le fonctionnaire a allégué que les clauses 3.6.1.3, 3.6.7.2, 3.6.8.4 et 3.6.8.5 de la politique ont été violées. Il lui incombe de démontrer que l’employeur a violé ces clauses.

II. Résumé de la preuve

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

5 Le fonctionnaire a témoigné et a déposé 17 documents en preuve.

6 Le fonctionnaire a obtenu sa maîtrise en optique appliquée et moderne, en 1970, et son doctorat en physique (optique appliquée), en 1973. Il a commencé sa carrière dans le secteur privé et s’est joint au CNRC en 1976. Il travaillait comme agent de recherche principal au sein du groupe AR. Le fonctionnaire a déclaré que l’atmosphère de travail est devenue malsaine dans les années 90. En 2000, il a demandé un an de congé non payé pour travailler ailleurs, mais l’employeur a refusé. Le fonctionnaire a décidé de quitter le CNRC pour se joindre à JDS Uniphase comme conseiller technique principal. Cependant, le président du CNRC lui a présenté une offre d’emploi ouverte étant valide pour deux ans, à compter du 22 août 2000.

7 En 2002, comme JDS Uniphase connaissait des difficultés, le fonctionnaire a décidé de retourner travailler au CNRC. Le 14 août 2002, il a écrit au président du CNRC afin de lui signifier qu’il acceptait l’offre d’emploi du 22 août 2000. Le fonctionnaire n’a pas reçu de réponse à sa lettre du 14 août. Il a envoyé des lettres de suivi le 9 octobre et le 19 novembre 2002.  Le 31 janvier 2003, le président du CNRC a écrit au fonctionnaire pour lui fournir les noms de quelques personnes au CNRC et à l’extérieur de celui-ci qui pourraient être intéressées à l’employer. La mise en contact avec ces personnes n’a donné rien de concret. En mai 2003, le fonctionnaire a rencontré le président du CNRC pour discuter de sa situation d’emploi. Le président l’a renvoyé à l’un des instituts du CNRC, mais celui-ci n’avait pas de travail à lui offrir. En octobre 2003, le fonctionnaire a rencontré de nouveau le président. Le 16 octobre 2003, le fonctionnaire s’est fait offrir un poste à temps partiel à trois jours par semaine pour travailler à des projets pour l’ISSM et l’Institut Herzberg d’astrophysique (IHA). Le fonctionnaire a accepté le poste. Il a occupé ce poste jusqu’à sa mise en disponibilité, le 1er novembre 2007.

8 Le fonctionnaire a déclaré que son travail provenait en grande partie de l’IHA, de 2003 jusqu’à sa mise en disponibilité. Selon son estimation, environ 5 à 10 % de son travail émanait de l’ISSM, 10 à 15 % de l’Institut des sciences de microstructures, 5 % de l’Institut des étalons nationaux de mesure et 60 à 70 % de l’IHA.

9 Le 6 septembre 2007, l’employeur a annoncé au fonctionnaire par écrit que son poste avait été déclaré excédentaire en vertu des dispositions de la politique sur le réaménagement des effectifs. Le fonctionnaire a ensuite été informé qu’il serait mis en disponibilité à compter du 1er novembre 2007, qu’il avait droit à une période de marketing de huit semaines et qu’il devait remplir un document sur le profil de l’employé. Le fonctionnaire a indiqué qu’il souhaitait se prévaloir de la période de marketing et a rempli le document. Le fonctionnaire a aussi été informé des autres droits que lui conférait la politique sur le réaménagement des effectifs, à savoir, une période de préavis de 20 semaines, plus une semaine pour chaque année de service continu, des services de consultation aux fins du replacement d’une valeur de 8 000 $ et une indemnité de départ telle que prévue par la convention collective.

10 Le fonctionnaire a déclaré que, pendant la période de marketing, il n’a reçu des avis que pour trois ou quatre possibilités d’emploi et que les emplois n’étaient pas reliés à son champ de compétence. Le fonctionnaire a demandé à l’employeur s’il pouvait travailler pendant sa période de préavis au lieu de recevoir un paiement forfaitaire de 20 semaines. Le 19 septembre 2007, John Pazder, chef de l’équipe d’optique à l’IHA, a envoyé un courriel au fonctionnaire, l’informant qu’il acceptait que le fonctionnaire poursuive son travail avec l’IHA pendant sa période de préavis. M. Pazder a ajouté que cela assurerait une transition harmonieuse en vue de son départ du CNRC.

11 Le 22 octobre 2007, Peter Byrnes, un ingénieur en mécanique de l’IHA a envoyé un courriel au fonctionnaire lui demandant s’il pouvait l’aider dans le cadre d’un projet en [traduction] « évaluant les valeurs préliminaires pour l’alignement et peut-être la stabilité des modèles et des données des MOSFIRE/IRMS que nous avons ». Le fonctionnaire a répondu à M. Byrnes qu’il prévoyait être licencié sous peu et qu’il n’était pas certain d’avoir le temps de terminer le travail.

12 Au printemps 2008, le fonctionnaire a été informé d’une possibilité d’emploi dans son domaine à l’IHA, à Victoria (C.-B.). Il a refusé le poste parce qu’il était à Victoria. Au terme de la période de marketing, le fonctionnaire a demandé de travailler une journée par semaine à Ottawa à un projet de l’IHA ou à d’autres projets. L’employeur n’a jamais répondu.

B. Pour l’employeur

13 L’employeur a déposé 12 documents en preuve. Il a appelé Danial Wayner, John Pazder et Kendra Kehoe à témoigner. Au moment du grief, M. Wayner était directeur général de l’ISSM, M. Pazder était chef d’équipe de génie optique à l’IHA et Mme Kehoe était conseillère en embauche pour le CNRC.

14 En 2003, lorsque M. Wayner est devenu directeur général de l’ISSM, le président lui a demandé d’embaucher le fonctionnaire. M. Wayner a acquiescé à la demande même s’il estimait que les compétences du fonctionnaire n’étaient pas des plus compatibles avec le programme de recherche et les priorités de l’ISSM. Lors de son embauche à l’ISSM en 2003, le fonctionnaire travaillait trois jours par semaine. La moitié de son temps était consacré aux projets de l’ISSM et l’autre moitié aux projets de l’IHA.

15 En 2007, le CNRC a entrepris un examen stratégique de ses activités afin de mettre davantage l’accent sur les priorités de recherche nationales urgentes, à savoir la santé et le mieux-être, l’énergie durable et l’environnement. Le 10 août 2007, le président du CNRC a écrit à tous les employés pour les informer que, à la suite d’un examen des activités du CNRC, certains programmes et certaines activités seraient abandonnés, alors que d’autres seraient réorientés. Dans la foulée de cet examen, 88 postes du CNRC ont été déclarés excédentaires, ce qui comprend 8 postes à l’ISSM. Le fonctionnaire occupait l’un de ces postes.

16 Pour aider le fonctionnaire, M. Wayner a appelé le directeur de l’IHA, en mai ou juin 2007, afin de savoir si celui-ci pouvait utiliser les services du fonctionnaire. Le directeur de l’IHA a répondu qu’un poste était ouvert à Victoria, mais il ne pensait pas que le fonctionnaire accepterait de déménager.

17 Aucune discussion n’a eu lieu avec les employés avant que leurs postes soient déclarés excédentaires. Cependant, peu après, ils ont été convoqués à une séance d’information au cours de laquelle l’employeur les a informés de ce qui se passerait et de leurs droits en vertu de la politique sur le réaménagement des effectifs.

18 Le fonctionnaire a demandé à l’employeur s’il pouvait continuer de travailler pendant sa période de préavis afin de maximiser ses avantages. Le conseiller en ressources humaines a expliqué à M. Wayner qu’il fallait un motif opérationnel suffisant pour accepter une telle demande. Comme aucun motif opérationnel ne lui a été présenté, M. Wayner a rejeté la demande du fonctionnaire. Par ailleurs, M. Wayner ne se souvient pas d’avoir eu des discussions particulières avec l’IHA au cours de la période de marketing du fonctionnaire.

19 En juin 2007, un poste d’agent de recherche relevant de A. Stolow, dans le domaine des sciences optiques, s’est ouvert. Après avoir parlé à A. Stolow, M. Wayner a conclu que l’emploi ne correspondait pas au champ de compétence du fonctionnaire. Il s’agissait d’un poste de chercheur scientifique dans le domaine du laser, et le fonctionnaire n’était pas ce type de scientifique.

20 M. Pazder a déclaré que le fonctionnaire travaillait à un projet pour lui pendant l’équivalent de 30 heures par mois ou d’une heure et quart par semaine. Cependant, il n’approuvait pas les demandes de congé ni les feuilles de temps du fonctionnaire. Il était seulement chargé de lui fournir du travail. M. Pazder s’est rappelé qu’en juin 2007 le fonctionnaire lui a téléphoné pour lui demander de travailler davantage. M. Pazder lui a alors confié l’examen d’un rapport.

21 Lorsque M. Pazder a appris du fonctionnaire que celui-ci serait licencié sous peu, il a demandé à ses collègues de l’IHA s’ils avaient du travail pour lui. Selon M. Pazder, il aurait été logique de demander au fonctionnaire de terminer le travail qu’il avait commencé avant de quitter le CNRC. M. Pazder a affirmé que M. Wayner ne l’a pas appelé pendant la période de marketing ou la période de préavis. Il a aussi admis qu’en ce moment il n’y aurait pas de travail pour le fonctionnaire.

22 Mme Kehoe a expliqué que, pendant la période de marketing de huit semaines, l’employeur a tenté de placer les employés excédentaires dans d’autres postes au CNRC. Les employés pouvaient choisir s’ils voulaient ou non qu’on fasse la promotion de leurs compétences. S’ils souhaitaient que l’on fasse la promotion de leurs compétences, ils devaient remplir un formulaire de profil de l’employé. Sur le formulaire, le fonctionnaire a indiqué qu’il n’était intéressé qu’aux postes à Ottawa et qu’il n’était pas intéressé aux postes de niveaux inférieurs ou différents de sa classification courante. Pour Mme Kehoe, cela signifiait que le fonctionnaire ne serait pas considéré pour les postes d’agent du conseil de recherche (ACR) parce qu’il était un agent de recherche (AR). Elle a expliqué que les AR ne font que de la science pure et que la catégorie des ACR est beaucoup plus générale, même si la rémunération est la même pour les AR et les ACR. Mme Kehoe ne se souvenait pas avec certitude si elle avait expliqué, lors d’une réunion de groupe pour les employés excédentaires, que les AR devaient clairement indiquer leur intérêt pour des postes d’ACR ou pour des postes de classifications différentes si les postes d’ACR les intéressaient.

23 Mme Kehoe a précisé qu’au moment de l’avis de mise en disponibilité, une liste des postes vacants disponibles a été envoyée aux employés. Cependant, aucune mise à jour de la liste n’a été envoyée aux employés. D’après le rapport informatisé de jumelages prioritaires préparé par le CNRC, au cours de la période de marketing, la candidature du fonctionnaire a été évaluée pour 20 postes vacants. Dans 16 cas, le fonctionnaire ne satisfaisait pas aux exigences relatives aux études, dans un des cas, aux exigences linguistiques et dans un autre cas, à l’exigence relative à l’expérience. Toujours selon le rapport informatisé, le fonctionnaire satisfaisait aux exigences de deux postes, mais ces postes ne l’intéressaient pas.

24 Mme Kehoe a expliqué que, en vertu de la politique sur le réaménagement des effectifs, les employés pouvaient demander de travailler pendant leur période de préavis. L’approbation de la demande de l’employé est à la discrétion de l’employeur.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

25 Le fonctionnaire a argué que l’employeur avait violé la clause 3.6.7.2 de la politique sur le réaménagement des effectifs en ne faisant pas d’effort raisonnable pour accepter sa demande de travailler pendant la période de préavis de 20 semaines. L’employeur a plutôt interprété la convention collective comme lui conférant le droit d’accepter la demande à sa propre discrétion ou si le fonctionnaire démontrait l’existence d’un motif opérationnel pour travailler pendant la  période de préavis. La décision de l’employeur a été prise sans consulter l’IHA, où le fonctionnaire effectuait une grande partie de son travail, et la preuve démontre qu’il y avait du travail pour le fonctionnaire à l’IHA pendant sa période de préavis.

26 Cette violation de la clause 3.6.7.2 de la politique sur le réaménagement des effectifs a eu des conséquences négatives pour le fonctionnaire. En raison de la décision de l’employeur, le fonctionnaire a perdu ses prestations de maladie et son indemnité provisoire. De plus, ces 20 semaines n’ont pas été calculées dans son service ouvrant droit à pension, et la promotion des compétences du fonctionnaire n’a pas été faite pour lui obtenir un autre emploi au CNRC. Il s’agit de droits fondamentaux pour le fonctionnaire.

27 La clause 3.6.1.3 de la politique sur le réaménagement des effectifs oblige l’employeur à traiter les employés touchés équitablement. Un traitement équitable ne signifie pas un traitement égal pour l’ensemble des employés, mais bien un traitement juste qui tient compte du contexte et des circonstances de chaque cas. Lorsque le fonctionnaire a quitté le CNRC en 2000, on lui a présenté une offre d’emploi ouverte qui devait être valide pour deux ans. Cette promesse d’emploi n’a pas été respectée. Le CNRC lui a plutôt offert un emploi de trois jours par semaine ne correspondant pas aux priorités de l’ISSM. Même si le fonctionnaire effectuait une grande partie de son travail pour l’IHA, M. Wayner n’a pas consulté l’IHA lorsqu’il a pris la décision de déclaré le poste du fonctionnaire excédentaire.

28 Pendant la période de marketing, l’employeur a soumis au fonctionnaire trois ou quatre possibilités d’emploi ne correspondant pas à ses compétences. Cela ne signifie pas qu’il n’y avait aucune possibilité dans le champ de compétence du fonctionnaire pendant cette période. En juin 2007, il y avait une possibilité d’emploi dans le domaine des sciences optiques, mais le fonctionnaire n’en a pas été avisé. À ce moment, l’employeur a violé la clause 3.6.8.5 de la politique sur le réaménagement des effectifs.

29 Il ne suffisait pas à l’employeur d’envoyer une liste instantanée des postes vacants au moment où les employés ont été déclarés excédentaires. La politique sur le réaménagement des effectifs prévoit que l’employeur doit fournir régulièrement des mises à jour pendant la période de marketing. Aucune mise à jour n’a été envoyée au fonctionnaire.

30 L’arbitre de grief a la compétence pour instruire le présent grief même s’il ne peut pas se prononcer sur la pertinence de la décision de l’employeur de mettre le fonctionnaire en disponibilité. Le fonctionnaire demande d’être placé où il travaillait immédiatement après avoir été déclaré excédentaire. Le fonctionnaire demande également une indemnisation pour le salaire et les avantages sociaux perdus, sous réserve de leur atténuation. Si le grief est accueilli, les parties se rencontreront pour déterminer ce que l’employeur devrait payer au fonctionnaire. Le fonctionnaire demande à l’arbitre de grief de demeurer saisi de l’affaire afin d’intervenir si les parties ne parviennent pas à une entente.

31 Le fonctionnaire a invoqué Olson c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2009 CRTFP 6; Morhart c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 36; Bunyan et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 85; Community Nursing Home - Port Perry v. Ontario Nurses’ Association, 2008 CLB 2844.

B. Pour l’employeur

32 L’employeur a argué qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour trancher le présent grief. La politique sur le réaménagement des effectifs ne limite pas le pouvoir de l’employeur en matière de licenciement des employés. Elle établit plutôt le processus qui suit la décision de l’employeur de déclarer un poste excédentaire. Par ailleurs, le CNRC n’est pas une organisation visée par le paragraphe 209(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») aux fins de l’alinéa 209(1)d). L’employeur m’a renvoyé à l’article suivant de la Loi :

[…]

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale,

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct).

[…]

33 L’employeur a reconnu qu’un arbitre de grief a la compétence nécessaire pour déterminer s’il y a eu violation de la politique sur le réaménagement des effectifs. Cette politique s’applique après que l’employeur a décidé de déclarer un poste excédentaire.

34 À la fin de 2007, un poste est devenu vacant à l’IHA à Victoria à la suite du départ à la retraite d’un scientifique. Le fonctionnaire avait les compétences requises, mais refusait de déménager à Victoria. L’employeur a fait ce que prévoit la politique sur le réaménagement des effectifs. Le fonctionnaire a été traité équitablement. Il a eu droit à une période de marketing de huit semaines. À cet égard, le fonctionnaire doit porter une part de la responsabilité du fait qu’il refusait de déménager à l’extérieur d’Ottawa et qu’il n’a fait aucun effort pour se conformer à un autre emploi. Le fonctionnaire aurait pu manifester son intérêt pour certains postes.

35 Le fonctionnaire a prétendu qu’il travaillait la plupart du temps pour l’IHA. M. Wayner a communiqué avec le directeur général de l’IHA. Il n’y avait pas de poste vacant pour le fonctionnaire.

36 Avant sa période de préavis, le fonctionnaire a communiqué avec M. Pazder pour obtenir son appui. M. Pazder a répondu qu’il pourrait aider et que le fonctionnaire pourrait terminer le travail qu’il avait déjà commencé. Cependant, il n’y avait pas de nouveau travail. Il incombait au fonctionnaire de démontrer la pertinence de travailler pendant sa période de préavis. Le fonctionnaire n’a pas dit à M. Wayner qu’il avait communiqué avec M. Pazder. M. Wayner n’avait aucun motif opérationnel d’employer le fonctionnaire pendant la période de préavis, et le fonctionnaire ne lui a pas présenté un tel motif. M. Wayner a ensuite décidé que le fonctionnaire ne travaillerait pas pendant sa période de préavis.

IV. Motifs

37 L’employeur a contesté ma compétence en ce qui a trait à la réintégration du fonctionnaire à son ancien poste. Contrairement à sa demande dans le grief, lors de l’arbitrage, le fonctionnaire n’a pas demandé de réintégrer son ancien poste et n’a pas argué que j’avais la compétence nécessaire pour le réintégrer. Il a plutôt demandé le rétablissement de sa situation d’excédentaire, de sorte que l’employeur puisse s’acquitter de son obligation aux termes de la politique sur le réaménagement des effectifs. L’employeur admet que j’ai la compétence pour déterminer s’il y a eu violation de la politique sur le réaménagement des effectifs, mais remet en question le type de réparation que je peux ordonner. J’ai statué que l’employeur a violé les modalités de la politique sur le réaménagement des effectifs, mais j’ai décidé de ne pas me prononcer sur la question de la réparation, en espérant que les parties puissent en arriver à une entente.

38 La politique sur le réaménagement des effectifs comporte 22 clauses, numérotées de 3.6.1 à 3.6.22. Les violations alléguées de la politique sur le réaménagement des effectifs concernent les clauses 1, 7 et 8. La clause 1 est une introduction générale expliquant les principes de la politique. La clause 7 traite de son administration et de certaines obligations de l’employeur. La clause 8 concerne la période de marketing.

39 Le fonctionnaire a prétendu qu’il fallait tenir compte du contexte dans lequel il a laissé le CNRC en 2000 et des conditions dans lesquelles il y est revenu en 2003, afin de décider s’il a été traité équitablement, comme le prévoit la clause 3.6.1.3 de la politique sur le réaménagement des effectifs. Je ne suis pas d’accord. Si le fonctionnaire estimait ne pas avoir été traité justement en 2000 et en 2003, il aurait dû présenter des griefs alors. Étant donné qu’il ne l’a pas fait, il ne peut plus maintenant contester les mesures prises par l’employeur parce que la convention collective prévoit qu’un grief doit être déposé dans une période de 25 jours. De plus, la politique sur le réaménagement des effectifs s’applique seulement au moment d’une situation de réaménagement des effectifs et ne peut pas s’appliquer de manière rétrospective.

40 En vertu de la clause 3.6.7.2, l’employeur est tenu de déployer tous les efforts raisonnables pour répondre à la demande de l’employé excédentaire de travailler en partie ou tout au long de la période de préavis. Le fonctionnaire a prétendu en avoir fait la demande. L’employeur n’a produit aucune preuve démontrant que le fonctionnaire n’a pas présenté une telle demande. M. Wayner a rejeté la demande parce qu’on ne lui a pas présenté de motif opérationnel justifiant qu’il l’approuve. Avant de rejeter la demande du fonctionnaire, M. Wayner n’a pas vérifié auprès de l’IHA s’il y avait du travail pour le fonctionnaire pendant sa période de préavis. Mme Kehoe a témoigné que la décision d’approuver la demande d’un employé de travailler pendant la période de préavis est laissée à la discrétion de l’employeur.

41 La preuve est non équivoque : l’employeur a fait une interprétation erronée de la clause 3.6.7.2. En l’espèce, l’effort raisonnable pour répondre à la demande de l’employé excédentaire de travailler lors de la période de préavis faisait appel à un effort plus grand de la part de l’employeur qu’un simple exercice de son pouvoir discrétionnaire. Il exigeait également davantage qu’un simple refus fondé sur le fait que la personne présentant la demande n’avait pas étayé celle-ci d’un motif opérationnel. À tout le moins, l’effort raisonnable pour répondre à la demande de l’employé s’entendait d’un effort de sa part pour recueillir l’information nécessaire afin de prendre une décision éclairée. La preuve démontre qu’il y avait du travail pendant au moins quelques semaines à l’IHA pendant la période de préavis. M. Wayner ne le savait pas parce qu’il n’a pas posé la question. En ne posant pas de question, il n’a pas fait tous les efforts raisonnables pour répondre à la demande du fonctionnaire. De plus, il ressort de la preuve que personne d’autre au CNRC n’a déployé ces efforts.

42 La deuxième violation alléguée de la politique sur le réaménagement des effectifs concerne la période de marketing. Le libellé de la convention collective prévoit clairement que pendant la période de marketing, qui a commencé en l’espèce le 6 septembre 2007 et s’est terminée le 30 octobre 2007, l’employeur est tenu de déployer tous les efforts raisonnables pour trouver un poste approprié au fonctionnaire, de lui fournir régulièrement des mises à jour et de l’aviser de tous les postes disponibles pour une nomination possible. Selon Mme Kehoe, l’employeur a fourni au fonctionnaire une liste de tous les postes vacants au CNRC au moment de l’avis de mise en disponibilité, c’est-à-dire au début septembre 2007, mais aucune mise à jour ne lui a été fournie par la suite. On a évalué le fonctionnaire pour 20 postes, mais on a jugé qu’il n’avait pas les compétences requises. En juin 2007, un poste s’est ouvert dans le domaine des sciences optiques. M. Wayner a conclu que le poste ne correspondait pas au champ de compétence du fonctionnaire. Comme cette situation s’est produite avant la période de marketing, elle n’est pas pertinente pour déterminer si l’employeur s’est acquitté de son obligation pendant cette période.

43 Il ressort clairement de la preuve que l’employeur a déployé des efforts pour trouver un poste au fonctionnaire. Cependant, l’employeur a admis dans sa propre preuve qu’il n’avait pas fourni de mises à jour régulières au fonctionnaire pendant la période de marketing et qu’il ne l’avait pas avisé de tous les postes disponibles pour une nomination possible. En agissant ainsi, l’employeur a violé les clauses 3.6.8.4 et 3.6.8.5 de la politique sur le réaménagement des effectifs.

44 Je ne sais pas avec certitude si le résultat ultime aurait été différent pour le fonctionnaire si l’employeur l’avait informé en tout temps des postes disponibles. Il aurait peut-être été mis en disponibilité de toute manière. Cependant, l’employeur ne peut pas, pour s’acquitter de son obligation en vertu de la politique sur le réaménagement des effectifs, limiter ses efforts à la simple opération d’un système de jumelage des emplois. Même s’il est efficace, ce système ne libère pas l’employeur de son obligation de fournir des mises à jour aux employés et de les aviser des postes vacants pendant les périodes de marketing.

45 Le fonctionnaire a demandé le rétablissement de sa situation d’excédentaire et il établit une distinction entre sa demande et une demande de réintégration à son ancien poste. Je ne suis pas certain de l’incidence que pourrait avoir une telle ordonnance. Comme les parties n’ont pas produit d’arguments concrets et détaillés en ce qui a trait à la réparation et à son incidence potentielle, je préfère ne pas proposer de réparation et entendre les parties sur la question lors d’une audience avant de prendre une décision.

46 J’encourage fortement les parties à discuter de la réparation, avec l’aide d’un médiateur si nécessaire, pour tenter de régler la question. 

47 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

48 Le grief est accueilli en partie.

49 Une audience sera fixée pour statuer sur la réparation.

Le 16 février 2010.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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