Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée, une agente correctionnelle, a été licenciée après avoir admis qu’elle avait contrefait la signature de son médecin sur neuf certificats médicaux - l’assiduité de la fonctionnaire s’estimant lésée faisait l’objet d’un suivi dans le cadre d’un programme d’assiduité au travail; elle avait reçu la consigne de produire des certificats médicaux pour justifier ses absences - durant une réunion avec sa superviseure, dans le contexte du programme d’assiduité au travail, l’employeur l’a questionnée à propos des signatures qui apparaissaient sur les certificats médicaux, et la fonctionnaire s’estimant lésée a admis qu’elle les avait contrefaites - l’année précédente, la fonctionnaire s’estimant lésée avait reçu une suspension de cinqjours parce qu’elle entretenait une relation avec un détenu - ce genre de conduite entraîne généralement le licenciement de l’employé s’il refuse de démissionner, mais le directeur de l’établissement a décidé d’accorder une autre chance à la fonctionnaire s’estimant lésée - après avoir examiné toutes les options possibles à la suite de la nouvelle infraction, l’employeur a décidé de licencier la fonctionnaire s’estimant lésée, puisque le lien de confiance était désormais rompu, qu’elle avait commis un acte criminel et que c’était sa deuxième faute de conduite grave - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait clairement détruit le lien de confiance qui constitue le fondement même de la relation employeur-employé - la contrefaçon est un acte criminel qui justifiait à lui seul le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée - en ajoutant à cela la faute de conduite antérieure, la courte période d’emploi et l’absence de preuve médicale corroborant l’état mental de la fonctionnaire s’estimant lésée au moment des faits, l’arbitre de grief s’est déclaré incapable de la réintégrer dans ses anciennes fonctions. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-02-18
  • Dossier:  566-02-1291
  • Référence:  2010 CRTFP 26

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MELISSA MCKENZIE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
D.R. Quigley, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Michel Bouchard, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour le défendeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Kingston (Ontario),
les 12 et 13 janvier 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Avant d’être licenciée, Melissa McKenzie, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était employée comme agente correctionnelle (dans le groupe et au niveau CX-01) à l’établissement Warkworth du Service correctionnel du Canada (SCC). La fonctionnaire a été licenciée le 13 décembre 2006 parce qu’elle avait contrefait la signature de son médecin sur neuf certificats médicaux (« certificat médical d’incapacité de travail »).

2 Le 14 décembre 2006, la fonctionnaire a déposé un grief, qui a été renvoyé à l’arbitrage le 4 juin 2007, dans lequel elle demandait la mesure corrective suivante :

[Traduction]

[…]

Je demande ma réintégration immédiate, le retrait de toutes les mentions de cette sanction disciplinaire de mes dossiers, le remboursement de tout l’argent que j’ai perdu, y compris les heures supplémentaires que j’aurais pu faire, ma rémunération pour les jours fériés désignés et mes primes de quart, et je réclame aussi tous mes autres droits sous le régime de la convention collective et de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ainsi que tous les dommages et intérêts réels, moraux ou exemplaires payables rétroactivement, avec l’intérêt légal couru, sans préjudice aux autres droits acquis.

[…]

3 Les deux parties ont présenté de brèves observations préliminaires. L’avocat du SCC (le « défendeur ») a appelé trois témoins et déposé 16 pièces. Le représentant de la fonctionnaire a appelé deux témoins, ainsi que la fonctionnaire, et déposé trois pièces. L’avocat du défendeur a demandé que les témoins soient exclus de l’audience jusqu’à ce qu’ils soient appelés à témoigner et j’ai accepté.

4 Sur consentement, les parties ont déposé neuf certificats médicaux (pièces E-1A à E-1I). Les parties m’ont avisé que certaines des dates que la fonctionnaire a indiqué sur les certificats médicaux en question sont erronées et que les véritables dates de ses absences sont les 2, 15, 17, 25 et 31 juillet, ainsi que les 4, 9, 18 et 21 août 2006. Il convient de noter que chaque jour d’absence équivaut à un quart de travail de huit heures.

II. Résumé de la preuve

A. Pour le défendeur

5 De mars 2005 à décembre 2009, Monty Bourke était le directeur de l’établissement Warkworth. Il a déclaré que c’est un établissement à sécurité moyenne et que, lorsqu’il en était le directeur, on y dénombrait 600 détenus masculins, 330 employés, dont 196 agents correctionnels, et 6 sous-directeurs et directeurs adjoints.

6 M. Bourke a déclaré que la fonctionnaire était arrivée à l’établissement Warkworth le 10 juin 2002, à titre d’employée nommée pour une durée déterminée et que, le 29 août 2003, elle avait accepté un poste de durée indéterminée à titre d’agente correctionnelle dans le groupe et au niveau CX-01.

7 M. Bourke a déclaré que, le 26 octobre 2006, durant une rencontre mensuelle avec la gestionnaire de sa section, Jill Clarke-Davis, et sa superviseure, Carole Desjardins, pour discuter de son assiduité au travail, la fonctionnaire a admis qu’elle avait contrefait la signature de son médecin sur un certain nombre de certificats médicaux. Mme Clarke-Davis a mis un terme à la réunion sur-le-champ et communiqué avec la sous-directrice par intérim, Michelle Bridgen,qui a informé M. Bourke de la situation.

8 Le 14 novembre 2006, M. Bourke a demandé à Mme Clarke-Davis et à Jennifer Guerin, superviseure correctionnelle par intérim, de mener une « enquête disciplinaire » afin de déterminer si la signature du médecin sur les certificats médicaux était authentique. Il leur a également demandé de lui soumettre leurs conclusions par écrit au plus tard le 28 novembre 2006. Le même jour, il a envoyé une note à la fonctionnaire pour l’informer qu’il avait demandé à Mme Clarke-Davis et à Mme Guerin d’effectuer une enquête. Il lui suggérait également de communiquer avec le représentant de son agent négociateur. La fonctionnaire s’étant opposée à ce que Mme Clarke-Davis participe à l’enquête parce qu’elle y voyait une possibilité de conflit d’intérêts, M. Bourke a nommé Mme Bridgen pour la remplacer.

9 M. Bourke a reçu le « rapport d’enquête » (pièce E-5), le 8 décembre 2006. Il a déclaré qu’il en avait accepté les conclusions, qui sont reproduites ci-après :

[Traduction]

CONCLUSIONS

Comme il est indiqué dans la DC 001 intitulée « Mission du Service correctionnel du Canada », tout le personnel doit respecter les :

Valeurs liées à l’éthique

  • Nous devons nous efforcer de mériter constamment la confiance du public en respectant le cadre législatif et en plaçant le bien commun au-dessus de tout avantage personnel. Ces valeurs comprennent l’intégrité, l’honnêteté, l’impartialité, l’objectivité, le courage de dire sans crainte toute la vérité aux autorités, le désintéressement, la volonté d’assumer la responsabilité et de rendre compte de nos décisions et actions, la probité, le respect de la loi et la gestion judicieuse des ressources publiques.

La DC 001 indique aussi que :

13. Les responsabilités des employés seront les suivantes :

  1. agir conformément aux comportements décrits dans les Règles de conduite professionnelle et dans le Code de discipline;
  2. prendre des décisions judicieuses fondées sur le cadre de valeurs du SCC;
  3. signaler les cas de comportement inapproprié.

Les actes de l’agente correctionnelle MCKENZIE dénotent un rejet flagrant de l’importance de mériter la confiance du public et remettent en question les valeurs qui font partie intégrante de la mission du Service correctionnel du Canada. Elle a admis qu’elle avait contrefait la signature de son médecin et, par conséquent, qu’elle avait agi de manière répréhensible.

L’agente correctionnelle MCKENZIE a admis avoir enfreint la règle suivante du Code de discipline :

Règle un « Responsabilité dans l’exécution des tâches »

Infractions

Commet une infraction l’employé qui :

cherche à obtenir ou obtient, frauduleusement, les documents nécessaires pour recevoir l'approbation d'un congé;

L’agente correctionnelle MCKENZIE a admis qu’elle avait contrefait la signature de son médecin sur les certificats médicaux :

L’agente correctionnelle MCKENZIE n’a pas été capable d’expliquer pourquoi elle avait contrefait la signature de son médecin. Elle a indiqué qu’elle laissait généralement des copies du formulaire de certificat médical chez son médecin pour qu’il en signe un chaque fois qu’elle doit justifier une absence.

L’agente correctionnelle MCKENZIE avait un rendez-vous chez le médecin en octobre; elle a cependant signé elle-même les formulaires de certificat médical parce qu’elle se sentait obligée de les remettre le plus rapidement possible. Quand on lui a demandé pourquoi elle n’avait pas expliqué à son superviseur qu’elle ne réussissait pas à voir rapidement son médecin, mais qu’elle avait un rendez-vous pour octobre, elle a répondu qu’elle n’y avait pas pensé.

La fonctionnaire a également reçu un exemplaire du rapport le 8 décembre 2006.

10 M. Bourke a ensuite informé la fonctionnaire qu’elle devait assister à une réunion disciplinaire à son bureau, à 9 heures, le 12 décembre 2006, et qu’un représentant pouvait y assister. Il lui a aussi demandé de prendre connaissance du « rapport d’enquête » et de soumettre ses commentaires, au besoin, à la réunion disciplinaire, de préférence par écrit. La réunion disciplinaire a eu lieu comme prévu. Les autres personnes présentes étaient Mme Bridgen, l’adjointe de M. Bourke, qui a pris le procès-verbal, et Mike Boyd, le représentant de la fonctionnaire.

11 M. Bourke a commencé par expliquer l’objet de la réunion disciplinaire. Il a ensuite demandé à la fonctionnaire si elle avait pris connaissance du « rapport d’enquête », ce à quoi elle a répondu par l’affirmative. Quand il lui a demandé si le rapport contenait des erreurs, elle a répondu qu’il n’en contenait pas. Elle a admis qu’elle avait eu tort de contrefaire la signature de son médecin, mais sans expliquer pourquoi elle avait agi de la sorte. À la fin de la réunion, M. Bourke a informé la fonctionnaire qu’il allait rendre sa décision dans les 48 prochaines heures.

12 Le lendemain, M. Bourke a avisé la fonctionnaire qu’on mettait fin à son emploi. Pour en arriver à cette décision, il avait tenu compte des divers facteurs atténuants ou aggravants, de son dossier disciplinaire et de son dossier de rendement, y compris les mentions élogieuses ou les marques d’appréciation qu’elle avait reçues, le cas échéant. La lettre de licenciement (pièce E-7), datée du 14 décembre 2006, disait en partie ceci :

[Traduction]

[…]

Après avoir examiné minutieusement les faits et éléments du dossier, j’ai conclu, en me fondant sur les éléments de preuve et sur vos aveux, que vous aviez contrefait la signature de votre médecin sur plusieurs certificats médicaux. Vous avez de plus admis que vous l’aviez fait tout en sachant que cela n’était pas correct. Ainsi, vous avez non seulement commis une faute de conduite grave, mais vous avez également enfreint la Règle un du Code de discipline – Responsabilité dans l’exécution des tâches – qui dit que commet une infraction l’employé qui « cherche à obtenir ou obtient, frauduleusement, les documents nécessaires pour recevoir l'approbation d'un congé » et la DC 001 – Mission du Service correctionnel du Canada, qui dit que nous devons « nous efforcer de mériter constamment la confiance du public en respectant le cadre législatif et en plaçant le bien commun au-dessus de tout avantage personnel ».

Compte tenu de la nature et de la gravité de cet incident, de la faute de conduite grave que vous avez commise précédemment et de l’abus de confiance dont vous vous êtes rendu coupable l’année dernière, je dois conclure que le lien de confiance qui constitue le fondement même de la relation d’emploi est irrémédiablement détruit. De plus, le comportement que vous avez eu est incompatible avec la conduite qui est attendue d’un agent correctionnel du Service correctionnel du Canada. Pour en arriver à ma décision, j’ai tenu compte de votre dossier disciplinaire, de vos états de service ainsi que des autres facteurs pertinents.

Par conséquent, conformément aux pouvoirs qui me sont délégués par le commissaire en vertu de l’article 12 de la Loi sur la gestion des finances publiques, je vous avise, par les présentes, que votre emploi au Service correctionnel du Canada prend fin à compter du 13 décembre 2006.

[…]

13 M. Bourke a confirmé que la pièce E-8 (« Directive du commissaire - Code de discipline ») et la pièce E-9 (« Directive du commissaire 001 - Mission du Service correctionnel du Canada ») sont les documents qui sont mentionnés dans la lettre de licenciement.

14 M. Bourke a témoigné à propos d’une réunion disciplinaire qu’il avait eue avec la fonctionnaire, le 12 octobre 2005, après avoir appris qu’elle entretenait une relation avec un détenu ayant obtenu une « liberté d’office assortie d’une assignation à résidence », une condition imposée par la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il a déclaré qu’un employé ou une employée du SCC qui a une relation avec un détenu ou une détenue est prié(e) de démissionner, à défaut de quoi il ou elle sera congédié(e). La raison en est que non seulement le lien de confiance entre le SCC et l’employé ou l’employée est profondément ébranlé, mais que la sécurité de l’établissement en cause s’en trouve aussi compromise. C’est pourquoi une sanction pécuniaire équivalant à cinq jours de rémunération a été imposée à la fonctionnaire. La lettre disciplinaire (pièce E-10) était rédigée en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Pour déterminer la sévérité de la mesure disciplinaire qui s’applique dans ce cas-ci, je dois tenir compte de tous les facteurs, dont la violation de la DC 001, Mission du Service correctionnel du Canada – Valeurs liées à l’éthique, la violation du Code de discipline – Relations avec les délinquants, et la violation des Règles de conduite professionnelle – Règle quatre – Relations avec les délinquants. Je dois également tenir compte des facteurs atténuants et des efforts déployés pour corriger le comportement répréhensible.

À l’examen des facteurs atténuants, parmi lesquels figurent votre manque d’estime personnelle et vos difficultés financières, je constate que vous avez démontré que vous étiez prête à obtenir de l’aide pour régler ces problèmes et d’autres. Je reconnais que vous recevez actuellement du counselling pour surmonter votre problème de manque d’estime personnelle et que vous devez rencontrer un conseiller financier. Vous avez également commencé à participer à un programme de formation en affirmation de soi; vous travaillerez également avec Melonee Dowdall au collège d’état-major pour réapprendre à établir les limites professionnelles appropriées et nécessaires avec les détenus. Vous recevrez cette formation particulière en-dehors des heures de travail, mais nous tenterons, dans la mesure du possible, de vous procurer un véhicule de l’État.

J’ai demandé à M. Bruce Somers, sous-directeur, d’organiser deux rencontres bimensuelles avec vous pour vous aider à reprendre votre rotation habituelle comme agente correctionnelle.

Bien que les fautes de conduite que vous avez commises soient à mon avis très graves, au vu de l’ensemble des facteurs atténuants et de l’intérêt sincère que vous manifestez pour régler vos problèmes, je suis disposé à limiter la mesure disciplinaire à une sanction pécuniaire de cinq jours de rémunération.

J’espère sincèrement que vous tirerez des leçons de vos erreurs.

[…]

15 En contre-interrogatoire, M. Bourke a déclaré, à la question de savoir quels autres facteurs il avait tenu compte pour ce qui est du licenciement, qu’il avait également tenu compte du dossier personnel de la fonctionnaire, de ses rapports d’évaluation du rendement, des déclarations qu’elle avait faites à la réunion disciplinaire du 12 décembre 2006 et des arguments de son représentant. Il a observé que les rapports d’évaluation du rendement n’offraient rien de remarquable puisqu’ils ne contenaient pas de mentions élogieuses ni de marques d’appréciation. Il a déclaré qu’il avait concentré son attention sur les faux certificats médicaux plutôt que sur l’assiduité de la fonctionnaire.

16 M. Bourke a déclaré qu’il avait également envisagé d’autres mesures disciplinaires, en l’occurrence une suspension non payée de longue durée. Il s’est toutefois résolu à licencier la fonctionnaire parce qu’elle était agente de la paix, qu’elle avait commis une infraction criminelle et qu’elle en était à sa deuxième faute de conduite grave.

17 Carole Desjardins est arrivée au SCC en 1993. En avril 2005, elle a accepté le poste d’agente correctionnelle. Mme Desjardins a indiqué que ses fonctions consistaient à superviser les agents correctionnels, ainsi qu’à établir des horaires de travail et des rapports d’évaluation du rendement. Elle a déclaré qu’elle avait supervisé la fonctionnaire de novembre 2002 à décembre 2006.

18 Mme Desjardins a déclaré que, le 2 avril 2003, Yvan Thibault, le directeur de l’établissement à ce moment-là, a lancé le « programme d’assiduité au travail » (pièce E-14). Ce programme visait à sensibiliser les employés à l’importance de conserver un solde suffisant de crédits de congé de maladie et à instaurer une méthode juste et cohérente de gestion de l’assiduité.

19 Mme Desjardins a déclaré que, du 16 juillet 2004 au 23 janvier 2005, l’assiduité de la fonctionnaire avait fait l’objet d’un suivi parce qu’elle avait des problèmes à se présenter au travail. Un nouveau suivi avait été instauré le 21 novembre 2005 et la fonctionnaire avait reçu la consigne de produire un certificat médical dans les cinq jours suivant chaque quart de travail manqué.

20 Le 1er août 2006, Mme Desjardins a avisé la fonctionnaire qu’elle avait omis de produire un certain nombre de certificats médicaux et lui a rappelé qu’elle devait soumettre un certificat dans les cinq jours suivant une absence.

21 Le 26 octobre 2006, Mme Desjardins et Mme Clarke-Davis ont rencontré la fonctionnaire pour une entrevue de suivi afin de savoir pourquoi elle n’avait toujours pas produit les certificats médicaux manquants. Mme Clarke-Davis a également demandé à la fonctionnaire pourquoi la signature du médecin sur les neuf certificats (pièces E-1A à E-1I) était différente de celle qui apparaissait sur les autres certificats. La fonctionnaire a répondu qu’elle avait contrefait la signature de son médecin parce qu’elle était incapable d’obtenir un rendez-vous dans le délai de cinq jours. Mme Desjardins a mis fin à la réunion sur-le-champ, en conseillant à la fonctionnaire d’obtenir des services de représentation par un agent négociateur.

22 Le même jour, Mme Desjardins a rédigé un « rapport de suivi de l’assiduité » dans lequel elle décrivait les sujets qui avaient été abordés et le plan d’action qui avait été établi.

23 Mme Desjardins a déclaré que la fonctionnaire pouvait lui remettre les certificats médicaux ou les placer dans la boîte aux lettres du gestionnaire de la section. Elle a indiqué qu’elle avait rappelé à la fonctionnaire, à quelques reprises, qu’elle devait soumettre un certificat médical dans les cinq jours qui suivaient une absence et que, si son médecin ne pouvait pas la recevoir, elle pouvait se rendre dans une clinique ou à l’hôpital.

24 En contre-interrogatoire, Mme Desjardins a confirmé qu’elle avait rédigé les rapports d’évaluation du rendement de la fonctionnaire pour les années 2002 à 2006 (pièces G-2A à G-2E) et qu’elle avait signé le « rapport de suivi de l’assiduité ». Elle a admis que la fonctionnaire donnait un bon rendement lorsqu’elle était au travail.

25 Mme Guerin, qui a témoigné par la suite, a confirmé que M. Bourke lui avait demandé de remplacer Mme Clarke-Davis pour mener l’« enquête disciplinaire ». Elle a interviewé la fonctionnaire, le 20 novembre 2006, en présence de Mme Bridgen et de Kelly Vollans, la représentante de l’agent négociateur de la fonctionnaire. La fonctionnaire a de nouveau déclaré qu’elle avait contrefait la signature de son médecin parce qu’elle était incapable d’obtenir un rendez-vous dans le délai de cinq jours. Mme Guerin lui a demandé si elle avait discuté de ce problème avec sa superviseure et la fonctionnaire a répondu qu’elle ne lui en avait pas parlé.

26 Mme Guerin a envoyé les certificats médicaux au médecin de la fonctionnaire, qui a confirmé que ce n’était pas sa signature.

27 En contre-interrogatoire, Mme Guerin a indiqué qu’elle ne se rappelait pas si la fonctionnaire lui avait demandé d’avoir un entretien privé avec Mme Bridgen au terme de la réunion.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

28 Jack Juby occupe depuis 18 ans le poste d’agent correctionnel, dans le groupe et au niveau CX-01, à l’établissement Warkworth; il est aussi délégué syndical. Il a déclaré qu’il n’avait jamais eu de problèmes avec la fonctionnaire au travail et qu’il n’aurait aucune difficulté à travailler de nouveau avec elle.

29 Gordon McKenzie-Crowe, un gestionnaire correctionnel, a également déclaré qu’il n’aurait aucune difficulté à superviser la fonctionnaire si elle était réintégrée dans ses fonctions. En contre-interrogatoire, il a confirmé qu’il n’avait jamais eu à évaluer le rendement annuel de la fonctionnaire.

30 La fonctionnaire a ensuite été appelée à témoigner. Elle a déclaré qu’après s’être fait imposer la suspension de cinq jours non payée en octobre 2005, elle avait commencé à consulter un psychologue parce qu’elle vivait beaucoup de stress à cause de sa relation difficile avec son petit ami. Elle souffrait d’un manque de confiance en elle-même, et son médecin lui avait prescrit des antidépresseurs, mais elle avait cessé de les prendre parce qu’ils lui donnaient la nausée. Elle a déclaré qu’elle avait été affectée à des postes mobiles après octobre 2005; comme ces postes sont convoités par les agents correctionnels, elle avait l’impression que ses collègues la regardaient de haut, ce qui aggravait son stress.

31 La fonctionnaire s’est souvenue qu’elle a eu un entretien privé avec Mme Bridgen, après la réunion du 26 octobre 2006, pour la mettre au courant de la situation stressante qu’elle vivait.

32 C’est ce jour-là qu’elle a contrefait la signature de son médecin, mais elle ne se souvient pas de la date. Elle a agi de la sorte, a-t-elle expliqué, parce qu’elle devait souvent attendre trois mois avant de voir son médecin. Une fois le rendez-vous obtenu, a-t-elle précisé, le médecin signait toujours ses certificats médicaux.

33 La fonctionnaire a déclaré qu’elle croyait que la réunion du 26 octobre 2006 avec Mme Desjardins et Mme Clarke-Davies avait pour but de discuter de son assiduité. Elle était nerveuse et mal à l’aise durant la réunion et elle se sentait prise au piège. Elle avait continué de faire ses quarts habituels après la réunion, jusqu’au jour où le SCC l’avait licenciée.

34 La fonctionnaire a mentionné qu’elle regrette amèrement ce qu’elle a fait. Elle a déclaré qu’elle n’est pas une criminelle et jamais plus elle ne contrefera la signature de quelqu’un. Elle a rompu avec son petit ami et elle affiche maintenant une plus grande assurance. À ce propos, elle a déclaré ceci : [traduction] « Avant, je refoulais toutes mes émotions. J’avais peur de demander de l’aide ou de parler à mon superviseur. » Elle a reconnu qu’elle a fait une grave erreur en contrefaisant la signature de son médecin, mais elle a expliqué qu’elle a agi de la sorte parce qu’elle souffrait d’une dépression à ce moment-là. Il y avait aussi sa superviseure qui insistait pour avoir les certificats médicaux et c’était un moyen pour qu’elle [traduction] « [lui] fiche la paix ».

35 La fonctionnaire a observé que si on lui demandait aujourd’hui de soumettre un certificat médical, elle expliquerait franchement à son superviseur qu’elle a de la difficulté à obtenir un rendez-vous avec son médecin. Elle a répété qu’elle avait fait une grave erreur en contrefaisant la signature de son médecin, mais qu’elle n’était [traduction] « pas une criminelle ».

36 La fonctionnaire a déclaré qu'elle avait présenté ses excuses à son médecin et qu’il lui accordait toute sa compréhension.

37 Depuis son licenciement, la fonctionnaire n’a occupé que des emplois mal payés; elle a été contrainte de déclarer faillite, ce qui a occasionné la perte de sa cote de crédit; elle a aussi perdu sa voiture et elle vit maintenant avec ses parents.

38 Quand son représentant lui a demandé si le SCC pouvait lui faire confiance, elle a répondu que c’était possible parce qu’elle est une bonne employée, qu’elle s’entend bien avec ses collègues et ses superviseurs et qu’elle veut prouver qu’elle est une personne honnête et digne de confiance.

39 En contre-interrogatoire, elle a confirmé qu’elle avait reçu des exemplaires du « Code de discipline » et des « Règles de conduite professionnelle » du SCC. Elle a également admis avoir signé la déclaration suivante :

[Traduction]

[…]

Vous devez prendre connaissance des Règles de conduite professionnelle et vous familiariser avec celles-ci. Il vous appartient d’obtenir auprès de votre superviseur des précisions ou des explications sur les points qui vous paraissent obscurs.

Accusé de réception et engagement de l’employé : J’ai reçu les Règles de conduite professionnelle et le Code de discipline et je m’engage à respecter les règles de conduite professionnelle et d’intégrité qui y sont énoncées pendant la durée de mon emploi.

[…]

40 Quand on a demandé à la fonctionnaire de se reporter à la clause 5c) de la « Directive du commissaire - Code de discipline » (pièce E-8), qui dit que « [c]ommet une infraction l’employé qui cherche à obtenir ou obtient, frauduleusement, les documents nécessaires pour recevoir l'approbation d'un congé », elle a déclaré qu’elle n’avait jamais nié avoir contrefait la signature de son médecin sur les certificats médicaux.

41 La fonctionnaire a admis qu’elle avait enfreint la « Directive du commissaire 001 - Mission du Service correctionnel du Canada ». Sous la rubrique « Valeurs liées à l’éthique », il est écrit ceci (pièce E-9) :

[…]

  • Nous devons nous efforcer de mériter constamment la confiance du public en respectant le cadre législatif et en plaçant le bien commun au-dessus de tout avantage personnel. Ces valeurs comprennent l’intégrité, l’honnêteté, l’impartialité, l’objectivité, le courage de dire sans crainte toute la vérité aux autorités, le désintéressement, la volonté d’assumer la responsabilité et de rendre compte de nos décisions et actions, la probité, le respect de la loi et la gestion judicieuse des ressources publiques.

[…]

42 L’avocat du défendeur a ensuite demandé à la fonctionnaire comment elle pourrait s’assurer que les détenus dont elle avait la responsabilité à l’établissement Warkworth respectent la loi quand elle-même ne la respectait pas. La fonctionnaire a déclaré ceci :

[Traduction]

Mis à part cet écart de conduire, j’ai toujours respecté la loi. Je sais que j’ai enfreint la loi, mais je n’avais jamais commis d’acte criminel avant et je n’ai aucunement l’intention de récidiver. Je n’étais pas dans mon état normal. Je n’avais pas toute ma tête. Je ne suis pas une criminelle, mais je comprends que j’ai commis un acte criminel.

43 Quand on lui a demandé si elle avait informé Mme Desjardins qu’elle avait de la difficulté à obtenir un rendez-vous avec son médecin, elle a répondu ceci : [traduction] « Je n’ai jamais dit que je n’étais pas capable d’obtenir un rendez-vous. Je ne sais pas vraiment pourquoi. »

44 Même si elle ne se rappelait pas que Mme Desjardins lui avait dit qu’elle pouvait se rendre à l’hôpital ou dans une clinique pour faire signer les certificats médicaux, la fonctionnaire a admis que c’était une possibilité. À une autre question, elle a répondu ceci : [traduction] « La clinique demande 20 $ par certificat tandis que mon médecin n’exige rien. Je serais aussi obligée d’attendre pendant cinq heures parfois, pour consulter un médecin dans une clinique ou à l’hôpital. »

45 L’avocat du défendeur a renvoyé aux pièces E-1A et E-1B et attiré l’attention sur le fait que la partie A (qui doit être remplie par l’employé) a été signée le 1er août 2006 et que les pièces E-1C à E-1I ont été signées le 21 août 2006. Quand il a rappelé à la fonctionnaire qu’elle avait déclaré avoir signé les neuf certificats médicaux le même jour, elle a répondu ceci : [traduction] « L’idée m’a traversé l’esprit et je les ai tous signés, mais je ne me rappelle pas quand. »

46 Quand on a demandé à la fonctionnaire si, durant une réunion avec Mmes Bridgen, Desjardins et Guerin ou avec M. Bourke, elle avait mentionné qu’elle prenait des antidépresseurs ou qu’elle avait de la difficulté à obtenir un rendez-vous avec son médecin pour faire signer ses certificats médicaux, elle a d’abord répondu qu’elle n’avait rien dit, puis elle s’est rétractée et a déclaré qu’elle en avait informé Mme Bridgen, mais qu’elle ne se rappelait pas quand.

47 En réfutation, la fonctionnaire a déclaré, en réponse à une question de son représentant, que Mme Bridgen ne lui avait jamais demandé de soumettre un certificat médical.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

48 L’avocat du défendeur a déclaré que les faits en l’espèce ne sont pas contestés, puisque la fonctionnaire a admis qu’elle avait contrefait la signature de son médecin sur les neuf certificats médicaux.

49 L’avocat du défendeur a soutenu que la décision de la fonctionnaire était préméditée, puisque la fonctionnaire a déclaré qu’elle aurait été obligée d’attendre pendant cinq heures parfois pour consulter un médecin dans une clinique ou à l’hôpital, et de débourser 20 $ par certificat. La fonctionnaire a décidé en toute connaissance de cause de contrefaire la signature de son médecin en espérant que sa superviseure ne s'en aperçoive pas. Elle a aussi délibérément choisi de ne pas discuter de ses problèmes avec sa superviseure.

50 La fonctionnaire a déclaré qu’elle souffrait de dépression et qu’elle prenait des antidépresseurs, mais elle n’a produit aucune preuve — rapports médicaux ou note de son médecin — pour corroborer son témoignage.

51 L’avocat du défendeur a noté que M. Bourke a déclaré, durant son témoignage, que la fonctionnaire avait commis une grave infraction, en octobre 2005, en contrevenant aux politiques du SCC. Il aurait pu la licencier à ce moment-là, mais il a plutôt décidé de lui imposer une suspension de cinq jours non payée. En l’espace de quatre ans, la fonctionnaire a commis deux fautes de conduite graves. Elle ne mérite pas qu’on lui accorde une autre chance. Le lien de confiance essentiel entre le défendeur et la fonctionnaire a été irrémédiablement détruit; la réintégration n’est pas une option.

52 Au soutien de ses arguments, l’avocat du défendeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Flewwelling c. Canada (C.A.F.), [1985] A.C.F. no 1129 (C.A.) (QL); Gagnon c. le Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-16679 (19870810); Juneau c. le Conseil du Trésor (Revenu Canada, douanes et accise), dossier de la CRTFP 166-02-13118 (19820922); Moore c. le Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-23658 (19930527); Morrow c. le Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 43; Health Employers Association of British Columbia (Peace Arch Hospital) v. Hospital Employee’s Union (1996), 60 L.A.C. (4e) 93; Sauvageau c. le Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14870 (19850129).

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

53 Le représentant de la fonctionnaire a soutenu que je devrais exercer mon jugement et remplacer le licenciement par une peine moindre, car la fonctionnaire a éprouvé de graves difficultés depuis son licenciement.

54 Le représentant de la fonctionnaire a déclaré que le nombre de décisions qui peuvent nous fournir des indications utiles pour trancher le présent cas est plutôt limité. Les éléments dont je dois tenir compte sont l’intention de la fonctionnaire, la franchise de ses réponses durant la présente audience et lors des réunions disciplinaires antérieures et le risque de récidive.

55 La fonctionnaire a fait preuve de franchise et d'honnêteté lors de la réunion du 26 octobre 2006; elle a admis d’emblée qu’elle avait contrefait la signature de son médecin. Elle a accepté la responsabilité de ses actes; elle a exprimé des regrets et elle a présenté des excuses à son médecin. De plus, M. Juby et M. Crowe-McKenzie ont déclaré qu’ils étaient prêts à travailler de nouveau avec la fonctionnaire.

56 Le représentant de la fonctionnaire a soutenu que la décision de contrefaire la signature du médecin n’était pas préméditée; il s’agit plutôt d’un incident isolé. Puisque le SCC a pour mandat d’aider à la réadaptation des détenus; je devrais pareillement tenir compte des possibilités de réadaptation de la fonctionnaire.

57 La fonctionnaire a continué de s’acquitter de ses fonctions après la réunion du 26 octobre 2006, et cela jusqu’à son licenciement, le 13 décembre 2006. Le SCC estimait, de toute évidence, qu’il pouvait lui faire confiance. Comment peut-il affirmer aujourd’hui que le lien de confiance a été irrémédiablement détruit?

58 Le représentant de la fonctionnaire a également soutenu que le présent cas est différent de l’incident qui a donné lieu à la mesure disciplinaire précédente. Par conséquent, suivant les principes des mesures disciplinaires progressives, les conséquences de la sanction devraient être minimales pour la fonctionnaire. Il serait plus approprié de lui imposer une suspension d’un mois non payée, de la réintégrer dans ses fonctions antérieures et de lui verser un dédommagement au titre de la rémunération, des avantages et des heures supplémentaires perdus, avec intérêt. Subsidiairement, la fonctionnaire pourrait être rétrogradée à un poste de soutien administratif à l’établissement Warkworth.

59 En conclusion, le représentant de la fonctionnaire m’a renvoyé aux décisions suivantes : Twiddy c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada), 2005 CRTFP 37; Canada Post Corp. v. Canadian Union of Postal Workers, [2004] C.L.A.D. No. 422 (QL); Spawn c. Agence Parcs Canada, 2004 CRTFP 25.

IV. Motifs

60 Le 13 décembre 2006, la fonctionnaire a été licenciée parce qu’elle avait contrefait la signature de son médecin sur neuf certificats médicaux (pièces E-1A à E-1I). Il s’ensuit que la fonctionnaire a commis une faute de conduite grave et qu’elle a enfreint le « Code de discipline » et la « Directive du commissaire 001 - Mission du Service correctionnel du Canada ».

61 Le représentant de la fonctionnaire a convenu qu’une sanction disciplinaire s’impose, mais il estime que le licenciement est une mesure excessive.

62 Il convient de résumé les faits.

63 Le 10 juin 2002, la fonctionnaire a été embauchée pour une durée déterminée. Le 29 août 2003, elle a accepté un poste de durée indéterminée dans le groupe et au niveau CX-01.

64 Du 16 juillet 2004 au 23 janvier 2005, l’assiduité de la fonctionnaire a fait l’objet d’un suivi parce que la fonctionnaire avait des problèmes à se présenter au travail.

65 Le 12 octobre 2005, la fonctionnaire a reçu une suspension de cinq jours non payée pour avoir enfreint le « Code de discipline » (Relations avec les délinquants), la « Directive du commissaire 001 - Mission du Service correctionnel du Canada » (Valeurs liées à l’éthique), et les « Règles de conduite professionnelle – Règle quatre » (Relations avec les délinquants) (pièce E-10). M. Bourke a déclaré qu’il s’agissait d’une faute grave qui aurait normalement entraîné le licenciement de la fonctionnaire, sauf qu’il avait décidé de lui imposer une suspension de cinq jours non payée.

66 Le 21 novembre 2005, l’assiduité de la fonctionnaire faisait de nouveau l’objet d’un suivi; la fonctionnaire avait reçu la consigne, à ce moment-là, de soumettre un certificat médical dans les cinq jours suivant chaque quart de travail manqué.

67 Le 26 octobre 2006, Mme Desjardins et Mme Clarke-Davis ont rencontré la fonctionnaire pour savoir pourquoi elle ne fournissait pas les certificats médicaux; elles ont également mentionné qu’elles avaient relevé quelques différences dans la signature du médecin sur les neuf certificats médicaux.

68 Le 14 novembre 2006, M. Bourke a ordonné la tenue d’une « enquête disciplinaire » pour déterminer si la signature du médecin sur les certificats médicaux était authentique.

69 M. Bourke a reçu le « rapport d’enquête » le 8 décembre 2006.

70 Le 12 décembre 2006, M. Bourke a tenu une réunion disciplinaire avec la fonctionnaire et le représentant de l’agent négociateur.

71 Le 13 décembre 2006, la fonctionnaire a été avisée qu’elle était licenciée.

72 Pour déterminer si le licenciement était la sanction appropriée, je dois examiner divers éléments ayant trait à la nature de la faute de conduite et établir si la confiance de l’employeur, qui est le fondement même de toute relation d’emploi, peut être restaurée.

73 Cela dit, voici la liste, non exhaustive et non définitive, des éléments qu’il faut prendre en considération pour déterminer si la mesure disciplinaire doit être atténuée ou modifiée :

  • le dossier d’emploi de la fonctionnaire;
  • les états de service de la fonctionnaire;
  • si la faute de conduite était un incident isolé;
  • s’il y a eu provocation;
  • si la faute de conduite a été commise de manière impulsive, dans un moment d’égarement, ou si c’était un acte prémédité;
  • si la peine imposée a causé des difficultés financières à la fonctionnaire;
  • des preuves que les politiques du SCC n’étaient pas appliquées de manière uniforme, ce qui constituerait une forme de discrimination;
  • la probabilité que la fonctionnaire se soit méprise sur la nature ou sur l’objet d’une exigence du SCC;
  • si la fonctionnaire s’est excusée de sa faute de conduite;
  • si la sanction a été imposée au moment opportun;
  • si la fonctionnaire occupait un poste de confiance;
  • les possibilités de réadaptation de la fonctionnaire;
  • le manque de clarté possible des politiques du SCC;
  • l’âge de la fonctionnaire;
  • les facteurs médicaux qui pourraient avoir une incidence sur les questions en litige;
  • si on a manqué au devoir de tenir compte des besoins de la fonctionnaire;
  • si la fonctionnaire est désormais incapable de s’acquitter de ses fonctions de manière satisfaisante en raison de sa faute de conduite;
  • si la faute de conduite de la fonctionnaire constitue une violation du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 et si cette faute a porté atteinte à la réputation du SCC;
  • si les autres employés ou la direction refusent ou sont incapables de travailler avec la fonctionnaire ou ont des réserves à cet égard du fait de sa faute de conduite.

74 Après un examen minutieux et attentif des critères énumérés ci-dessus, je conclus que la fonctionnaire a clairement détruit le lien de confiance qui constitue le fondement même de la relation employeur-employé.

75 En contrefaisant la signature de son médecin sur les certificats médicaux, la fonctionnaire a commis un acte criminel; cela constituait déjà un motif suffisant pour mettre fin à son emploi. Cependant, si on ajoute à cela sa courte période d’emploi et le fait qu’elle avait déjà reçu une suspension de cinq jours non payée pour une faute de conduite grave, cela appuie la décision du SCC. À titre d’agente de la paix, la fonctionnaire devait veiller à ce que les détenus respectent les lois du Canada. Quand je pense à la possibilité de réintégrer la fonctionnaire, il me vient à l’esprit le vieil adage suivant : Qui surveillera le poulailler?

76 La fonctionnaire a admis qu’elle avait contrefait la signature de son médecin sur les certificats médicaux. Son représentant a défendu la position qu’elle n’avait jamais nié sa faute et, donc, qu’elle avait fait preuve de franchise. Je ne suis pas de cet avis.

77 La fonctionnaire ne se rappelle pas de la date à laquelle elle a contrefait les signatures sur les neuf certificats médicaux. La preuve nous montre qu’à la partie A (celle que l’employé doit remplir), deux signatures portent la date du 1er août 2006 et sept celle du 21 août 2006. À la partie B (celle que le médecin était censé remplir), deux signatures contrefaites portent la date du 2 août 2006, quatre celle du 22 août 2006 et trois la date du 27 août 2006. Peu importe la date à laquelle les signatures ont été contrefaites, la fonctionnaire a eu amplement le temps, avant la réunion du 26 octobre 2006, d’avouer son écart de conduite à son superviseur. Ce n’est pas ce que j’appelle faire preuve de franchise. C’est seulement lorsque Mme Desjardins et Mme Clarke-Davis l’ont placée devant les faits, le 26 octobre 2006, qu’elle a admis sa transgression.

78 La fonctionnaire n’a produit aucune preuve médicale pour établir qu’elle consultait un psychologue ou qu’elle souffrait de dépression ou qu’elle prenait des antidépresseurs. Elle n’a pas non plus soumis de rapport médical attestant son état mental. Je note également que je n’ai pas de preuve qu’elle a présenté des excuses, de vive voix ou par écrit, au SCC ou qu’elle a offert de rembourser les neuf jours de congé de maladie obtenus de manière frauduleuse.

79 Quant aux facteurs atténuants, rien ne me permet de croire que la fonctionnaire constituerait un atout pour le SCC pour la prestation de ses services.

80 Il est bien connu en droit que la confiance et l’honnêteté sont les pierres angulaires d’une relation employeur-employé solide, surtout lorsque l’employé occupe un poste de confiance. Les agents correctionnels sont soumis à des règles de conduite plus rigoureuses que les autres fonctionnaires. Ils sont les garants de l’intégrité et de la protection des lois du Canada, de l’établissement correctionnel, des détenus et du personnel. Toute érosion de la confiance qu’on leur porte ne pourra que saper les bases de l’organisation et avoir un effet négatif sur ceux qui s’en remettent à cette organisation. Les agents correctionnels qui travaillent dans les établissements correctionnels sont plongés dans des situations où leur vie est souvent en danger. L’agent correctionnel doit avoir la certitude que son collègue observe les règles de conduite et qu’il applique et respecte les lois du Canada avec beaucoup d’intégrité et de confiance.

81 Je ne peux pas, en toute bonne foi, réintégrer la fonctionnaire dans ses anciennes fonctions ou dans un autre poste à l’établissement Warkworth, puisque ce sont des fonctions qui exigent, de toute évidence, un minimum de confiance, d’honnêteté et d’intégrité. Par ses actes, la fonctionnaire a choisi de rejeter ces valeurs.

82 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

83 Le grief est rejeté.

Le 18 février 2010.

Traduction de la CRTFP

D.R. Quigley,
arbitre de grief

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