Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé trois griefs alléguant une violation de la clause anti-discrimination de la convention collective - un grief portait sur la nomination à un poste intérimaire qui lui aurait été refusée en raison de ses activités au sein de l’agent négociateur - les deux autres griefs avaient trait à un concours dont le fonctionnaire a été exclu pour défaut de participation - le fonctionnaire allègue qu’il a été exclu en raison de ses activités syndicales et de sa situation de famille - l’arbitre de grief a décidé que le premier grief n’était pas de son ressort, car le fonctionnaire avait accès à un autre recours pour régler le différend - l’arbitre a rejeté les deux autres griefs parce que le fonctionnaire n’avait pas établi que son exclusion était attribuable à une action discriminatoire de l’employeur. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-02-23
  • Dossier:  566-34-2769 à 2771
  • Référence:  2010 CRTFP 32

Devant un arbitre de grief


ENTRE

GUY VEILLETTE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Veillette c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Frédéric Durso, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Nadia Hudon, avocate

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 2 au 4 février 2010.

I. Griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

1 Le 26 février 2007, Guy Veillette, le fonctionnaire s’estimant lésé, a déposé trois griefs contre l’Agence du revenu du Canada (ARC) (l’« employeur ») alléguant que cette dernière a agi de façon discriminatoire à son égard violant ainsi l’article 43 de la convention collective. M. Veillette occupe un poste classifié au groupe et niveau AU-03. La convention collective applicable est celle conclue entre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et l’Agence du revenu du Canada pour le groupe AFS qui a expiré le 21 décembre 2007 (la « convention collective »).

2 Dans le premier grief (dossier de la CRTFP 566-34-2769), M. Veillette conteste la décision de l’employeur de ne pas lui avoir offert de nominations intérimaires au poste de chef d’équipe classifié au groupe et niveau MG-05. M. Veillette considère avoir été victime de discrimination en raison de son implication syndicale contrevenant à la clause 43.01 de la convention collective. Il demande d’être nommé de façon intérimaire à un poste de groupe et niveau MG-05 et de recevoir l’équivalent du salaire perdu depuis 2004.

3 Dans le deuxième grief (dossier de la CRTFP 566-34-2770), M. Veillette conteste la décision de l’employeur de l’exclure du concours pour un poste MG-05 qui a été mené par l’employeur en 2006. M. Veillette considère avoir été victime de discrimination en raison de son implication syndicale contrevenant à la clause 43.01 de la convention collective. Conformément à la modification apportée au grief au dernier palier de la procédure interne de règlement des griefs, il demande que l’employeur évalue sa candidature sans délai pour un poste de groupe et niveau MG-05 et, le cas échéant, qu’il soit nommé dans un tel poste rétroactivement à la date à laquelle il aurait dû être nommé.

4 Dans le troisième grief (dossier de la CRTFP 566-34-2771), M. Veillette conteste la décision de l’employeur de l’exclure du concours pour un poste MG-05 qui a été mené par l’employeur en 2006. M. Veillette considère avoir été victime de discrimination en raison de sa situation de famille contrevenant à la clause 43.01 de la convention collective. Conformément à la modification apportée au grief au dernier palier de la procédure interne de règlement des griefs, il demande la même réparation que pour le deuxième grief en plus d’une compensation financière acceptable à titre de préjudice moral et d’indemnité spéciale.

5 Le 6 janvier 2009, l’employeur a rejeté les trois griefs au dernier palier de la procédure interne de règlement des griefs. Dans sa réponse visant les trois griefs, l’employeur avance que M. Veillette avait accès au système de recours en matière de dotation qui existe à l’ARC et que, par le fait même, il ne pouvait pas présenter ces griefs. L’employeur fonde sa réponse sur le paragraphe 208(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22.

6 La clause 43.01 de la convention collective se lit ainsi :

Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique ou nationale, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son état matrimonial, son incapacité mentale ou physique, une condamnation pour laquelle l’employé a été gracié, son adhésion au syndicat ou son activité dans l’Institut.

II. Résumé de la preuve

7 Les parties ont présenté 37 documents en preuve dont 28 introduits par M. Veillette et 9 par l’employeur. En plus de M. Veillette, Guylaine Gaudreault, Jacques Morneau et Michel Gionet ont témoigné. Au moment des événements qui ont mené aux griefs, Mme Gaudreault et M. Morneau occupaient des postes de gestionnaires à l’ARC. M. Gionet était directeur adjoint à la vérification. Les quatre témoins occupaient des postes à l’ARC dans la région métropolitaine de Montréal. À part quelques éléments sur lesquels je reviendrai au besoin, la preuve présentée par l’une ou l’autre des parties n’a pas été contredite.

A. Processus de sélection 2006-5140-QUE-1208-5140

8 Une bonne partie des employés de l’ARC dont les vérificateurs de groupe et niveau AU-05 sont supervisés par des chefs d’équipe de groupe et niveau MG-05. En raison du grand nombre de postes de MG-05 qui étaient vacants dans la région métropolitaine de Montréal en 2005, l’employeur a publié en avril ou mai 2006 l’avis d’offre d’emploi du processus de sélection 2006-5140-QUE-1208-5140 amorçant ainsi le processus qui mènerait à la nomination de nouveaux MG-05. Le 12 décembre 2005, l’employeur avait informé tous les employés que l’avis d’offre d’emploi serait affiché vers avril 2006 et que les diverses étapes du processus de sélection se dérouleraient entre mai et septembre 2006.

9 L’avis d’offre d’emploi indiquait que la date limite pour la réception des candidatures était le 29 mai 2006, que les candidats seraient invités à participer à une séance d’information le 13 juin 2006, qu’un examen écrit serait administré le 20 juin et que les candidats devraient remettre un travail écrit le 11 août visant à évaluer diverses compétences organisationnelles. L’avis d’offre d’emploi précisait aussi les exigences de sélection pour le poste et les critères qui seraient utilisés pour le placement des candidats choisis.

10 Selon la délégation d’autorité en place à l’ARC, M. Gionet était le cadre autorisé pour mener ce processus de sélection. À ce titre, il a nommé Mme Gaudreault comme présidente du comité de sélection et d’autres gestionnaires, dont M. Morneau, comme membres du comité. En novembre 2006, Mme Gaudreault a quitté pour un congé d’un an. Elle a été remplacée par M. Morneau. Les décisions relatives à la gestion du processus de sélection ont été prises par la personne qui assumait la présidence du comité de sélection ou par le comité lui-même. À l’occasion, M. Gionet a été consulté selon la nature de la décision à prendre.

11 Au total, 136 employés ont posé leur candidature au processus de sélection. Une seule personne ne satisfaisait pas aux exigences de base. Parmi les 135 employés restants, 110 ont complété le processus de sélection. De ce nombre, 71 se sont qualifiés comme MG-05 et 60 ont été par la suite nommés à un poste. Des 60 candidats nommés, 6 sont des représentants syndicaux ou d’anciens représentants syndicaux. Le bassin de candidats qualifiés par ce processus de sélection n’est plus valide depuis octobre 2009.

12 Lors de la séance d’information du 13 juin 2006, Mme Gaudreault a avisé les candidats qu’ils devaient se conformer aux différentes dates proposées dans l’avis d’offre d’emploi à moins de raisons majeures qui devraient être justifiées. Elle se rappelle avoir alors dit qu’un certificat médical serait requis pour justifier toute absence pour maladie. Selon Mme Gaudreault, il y a une règle non-écrite connue de tous voulant qu’un candidat qui appelle pour aviser qu’il ne se présente pas à un examen pour raison de maladie doit par la suite appuyer sa déclaration de maladie par un certificat médical. Cette règle est confirmée par un échange de courriels entre Corrado Cianciullo, candidat à un autre processus de sélection qui se déroulait en même temps, et Serge Diotte, gestionnaire. M. Diotte a informé M. Cianciullo qu’une absence à l’examen devait être justifiée par un certificat médical.

B. Gestion des cas d’exception dans le processus de sélection

13 Mme Gaudreault a témoigné qu’en raison du grand nombre de candidats et de  l’obligation d’agir équitablement envers tous, le processus de sélection a été géré de façon assez serrée. Cependant, le comité de sélection avait décidé d’accommoder les situations d’urgence. Mme Gaudreault ou le comité de sélection ont dû gérer des demandes de quelques candidats qui, pour diverses raisons, ne pouvaient respecter les échéanciers du processus de sélection.

14 Jean Rousseau ne s’est pas présenté à l’examen du 20 juin 2006. M. Rousseau a appelé un ou deux jours plus tard pour informer Mme Gaudreault qu’il avait été malade le 20 juin 2006. Mme Gaudreault lui a dit qu’il devait produire un certificat médical pour justifier son absence s’il voulait avoir droit à une reprise de l’examen. M. Rousseau l’a informée qu’il se retirait du processus de sélection.

15 Mme Langlois-Gravel a eu un malaise peu de temps après avoir commencé l’examen du 20 juin 2006. Le comité de sélection a accepté qu’elle quitte l’examen et lui a offert de se présenter pour l’examen le 7 juillet 2006.

16 Dina Abenaim a avisé le comité de sélection à l’avance qu’elle ne pourrait se présenter à l’examen du 20 juin 2006, car elle avait un rendez-vous ce jour-là avec un spécialiste de la santé. Le comité de sélection lui a offert de se présenter pour l’examen le 22 juin 2006.

17 Le comité de sélection a aussi autorisé trois autres candidats à se présenter à l’examen à une date différente. En mai 2006, France Côté et Anh-Minh Nguyen ont toutes deux avisé le comité de sélection qu’elles seraient en congé à l’extérieur du pays le 20 juin 2006. Romano Fratarcangeli était déjà en congé de maladie avant le 20 juin 2006 et il savait qu’il ne serait pas de retour de congé le jour de l’examen. Son congé de maladie était appuyé d’un certificat syndical. Le comité de sélection a offert à ces trois candidats de se présenter pour l’examen le 8 août 2006.

18 Selon Mme Gaudreault, il y avait sept ou huit candidats qui étaient en congé tout l’été de 2006. Ils se sont tous présentés à l’examen du 20 juin 2006 et ont tous remis à temps les travaux écrits le 11 août 2006.

19 Une candidate a appelé Mme Gaudreault le lundi 14 août 2006 pour l’informer qu’elle avait oublié de soumettre le travail écrit qui devait être remis le vendredi 11 août 2006. Mme Gaudreault lui a demandé de lui soumettre des explications par écrit afin qu’elle étudie la situation. La candidate a plutôt choisi de retirer sa candidature.

20 Sylvie Côté était enceinte lors du processus de sélection et elle risquait de perdre son futur enfant si elle se déplaçait trop pendant sa grossesse. Le comité de sélection a répondu à ses besoins en se rendant à sa résidence pour lui faire passer l’examen.

C. Participation de M. Veillette au processus de sélection

21 M. Veillette a soumis sa candidature au poste de MG-05 à la suite de la parution de l’avis d’offre d’emploi en avril ou mai 2006. Le 13 juin 2006, M. Veillette n’a pas participé à la séance visant à informer les candidats sur le déroulement du processus. Le 20 juin 2006, jour de l’examen écrit, M. Veillette a téléphoné à son chef d’équipe, Serge Cléroux, pour l’informer qu’il ne se présenterait pas à l’examen écrit car il était malade. À 8 h 45, M. Cléroux a transmis cette information à M. Morneau qui était son gestionnaire et aussi membre du comité de sélection. M. Morneau en a immédiatement avisé Mme Gaudreault. Cette dernière a demandé à M. Morneau d’appeler M. Veillette et de l’aviser qu’il devait fournir un certificat médical pour justifier son absence à l’examen écrit. M. Morneau a appelé M. Veillette au numéro du téléphone cellulaire qui lui avait été fourni par l’ARC pour son travail. Compte tenu que M. Veillette ne répondait pas, M. Morneau lui a laissé un message l’informant de l’obligation de fournir un certificat médical pour justifier son absence à l’examen.

22 M. Veillette a rappelé M. Morneau le 21 juin 2006 alors qu’il était en route vers le Lac St-Jean pour une réunion syndicale d’une durée de quelques jours. M. Veillette et M. Morneau ont alors discuté de la demande de Mme Gaudreault pour un certificat médical. M. Veillette a répondu qu’il n’avait pas de certificat médical. Il a alors demandé que le coaching et les travaux écrits à remettre le 11 août soient cédulés à une date subséquente à son retour de congé d’étalement du revenu, soit après le 25 août 2006. M. Morneau a transmis la position et les demandes de M. Veillette à Mme Gaudreault.

23 Le 19 juin 2006, M. Veillette a informé Mme Gaudreault qu’il serait en congé d’étalement du revenu en juillet et août 2006. M. Veillette prenait ce congé pour pouvoir s’occuper de son enfant pendant l’été. Mme Gaudreault l’a avisé le même jour qu’il devrait quand même soumettre les travaux requis pour le processus de sélection le 11 août 2006.

24 Le 30 juin 2006, Mme Gaudreault a écrit à M. Veillette pour l’informer qu’il devait justifier son absence à l’examen du 20 juin 2006 par un certificat médical et de communiquer avec elle pour prendre un arrangement quant à la date de reprise de l’examen. Mme Gaudreault a aussi informé M. Veillette que s’il décidait de ne pas se conformer à ces directives, sa candidature ne serait plus considérée. Enfin, Mme Gaudreault a rappelé à M. Veillette l’exigence de remise du travail écrit le 11 août 2006.

25 Le 18 juillet 2006, M. Veillette a écrit à Mme Gaudreault pour porter à son attention qu’il était en congé tout l’été et qu’il lui demandait de reporter les différentes étapes auxquelles il devait se soumettre à septembre 2006. Il a aussi informé Mme Gaudreault que M. Gionet lui aurait dit le 25 mai 2006 que, compte tenu de son absence estivale, il pourrait remettre les écrits demandés en septembre 2006. Dans son témoignage, M. Gionet a dit que ce n’est pas ce qu’il a dit à M. Veillette, mais plutôt que les entrevues n’auraient pas lieu pendant l’été. Pour sa part, M. Veillette a témoigné que M. Gionet lui aurait dit que ce serait possible de tout faire reporter à l’automne.

26 Le 31 juillet 2006, Mme Gaudreault a répondu à la lettre de M. Veillette du 18 juillet 2006 et a réitéré ce qu’elle lui avait écrit le 30 juin 2006. Elle l’a aussi informé des dates des autres étapes du processus prévues pour septembre et octobre 2006. Le 26 octobre 2006, Mme Gaudreault a réécrit à M. Veillette pour l’aviser qu’elle considérait qu’il s’était désisté du processus MG-05 compte tenu qu’il n’avait pas soumis le travail écrit requis le 11 août 2006. M. Veillette lui a répondu le 24 novembre 2006 qu’il n’avait jamais avisé qu’il se désistait du processus de sélection, mais plutôt qu’il était en congé tout l’été.

27 Le 29 janvier 2007, M. Morneau, en remplacement de Mme Gaudreault en congé depuis novembre 2006, a informé M. Veillette que puisqu’il qu’il ne s’était pas conformé aux exigences du processus de sélection, cela équivalait à un désistement de sa part. Il a ajouté qu’il n’était pas admissible au recours offert par l’ARC à ses employés en matière de dotation.

28 En janvier et février 2007, il y a eu échange de courriels entre la Direction des ressources humaines de la région du Québec et le bureau central de l’ARC sur les recours relatifs à la candidature de M. Veillette. Cet échange a engendré un changement de position qui a été communiqué à la région du Québec le 12 février 2007. Le 16 avril 2007, M. Morneau a envoyé une lettre à M. Veillette l’informant qu’il avait maintenant droit à un recours eu égard au processus de MG-05. Le 25 avril 2007, M. Veillette s’est prévalu de ce recours.

29 M. Gionet a témoigné que M. Veillette, à titre de représentant syndical, lui avait demandé dans le passé de ne pas tenir de processus de sélection pendant l’été, mais plutôt d’amorcer les processus à l’automne. M. Veillette l’avait d’ailleurs avisé qu’il ne participerait pas à un processus l’été puisqu’il était en congé d’étalement du revenu. M. Gionet avait alors avisé M. Veillette de ne pas en faire une bataille syndicale et de collaborer avec le comité de sélection s’il voulait accéder à un poste de MG-05.

30 M. Gionet a témoigné qu’il entretenait d’assez bonnes relations avec M. Veillette dans son rôle de représentant syndical. Certes, il y a eu des enjeux sur lesquels ils ne se sont pas entendus comme la question de la dotation des postes à l’externe, l’interprétation de la politique des voyages et une plainte déposée par le syndicat sur le respect des dispositions juridiques en matière de langues officielles. M. Gionet considère qu’il s’agissait de mésententes normales dans le cadre de relations patronales-syndicales. M. Veillette a témoigné qu’il a eu plusieurs discussions houleuses avec les représentants de l’employeur à titre de représentant syndical. Il a confirmé qu’en général ses relations avec M. Gionet étaient bonnes, mais que l’employeur était agacé des représentations syndicales et des pressions exercées. M. Veillette a affirmé qu’il aurait été traité différemment et de façon plus flexible dans le processus de sélection de MG-05 s’il n’avait pas été un représentant syndical.

D. Nominations intérimaires au groupe et niveau MG-05

31 La preuve présentée démontre qu’il y a eu un très grand nombre de nominations intérimaires à des postes de groupe et niveau MG-05 aux bureaux de l’ARC de la région métropolitaine de Montréal depuis 2004. Lorsque la nomination était de courte durée, l’employeur nommait habituellement un employé de la section de travail où se trouvait le poste à combler. Quand la nomination était de plus longue durée, l’employeur pouvait décider de faire appel à des employés d’autres sections et les nommer pour combler le poste vacant. Les employés de groupe et niveau AU-03 sont ceux auxquels on faisait appel la plupart du temps pour de telles nominations.

32 M. Veillette occupe un poste de groupe et niveau AU-03 depuis plusieurs années. Il est considéré comme un bon vérificateur. En 2003, la qualité de son travail a d’ailleurs été soulignée par écrit par M. Gionet qui rappelait qu’il s’était mérité une note de dépassement dans son évaluation du rendement pour l’année 2002-2003. Pourtant, contrairement à ses collègues vérificateurs, M. Veillette n’a jamais été nommé à un poste intérimaire de MG-05. En 1999, M. Veillette a été nommé délégué syndical. Graduellement, il a assumé des responsabilités syndicales croissantes, et à partir de 2004, il a été élu président syndical local pour l’unité de négociation dont il fait partie. À ce titre, il vaque à ses occupations syndicales à temps plein, mais continue d’être rémunéré par l’employeur.

33 M. Gionet a expliqué que l’exigence linguistique des postes de MG-05 est au niveau BBA dans la langue seconde. M. Veillette a admis qu’il ne satisfaisait pas à cette exigence linguistique. M. Gionet a témoigné qu’il avait conseillé à M. Veillette d’augmenter son niveau de compétence linguistique pour améliorer ses chances de promotion.

34 Les parties ont aussi présenté des éléments de preuve voulant qu’il y ait eu des discussions entre M. Veillette et M. Gionet, ainsi qu’avec la directrice de l’ARC pour la région du Québec au sujet de la nomination intérimaire de M. Veillette à un poste de MG-05. Il a alors été question de la difficulté pour l’employeur de nommer, sur une base intérimaire, M. Veillette comme chef d’équipe MG-05 puisqu’il était occupé à temps plein avec ses responsabilités syndicales. Il a aussi été question de la possibilité de nommer M. Veillette à un poste de MG-05 assigné à la formation des employés. Dans ce poste, l’employeur pourrait s’accommoder des absences syndicales de M. Veillette à condition qu’il puisse consacrer une partie substantielle de son temps à ses fonctions de MG-05. Cette dernière possibilité de nomination ne s’est jamais concrétisée.

35 M. Veillette a admis qu’il ne s’était jamais prévalu des recours qui lui étaient offerts lors des nominations intérimaires qui ont été faites entre 2004 et 2007.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour M. Veillette

36 La position rigide prise par Mme Gaudreault à l’endroit de M. Veillette résulte du fait qu’il était un représentant syndical. En agissant comme elle l’a fait, Mme Gaudreault n’a pas tenu compte des besoins particuliers de M. Veillette et elle a refusé de l’accommoder, contrairement à ce qu’elle a fait avec d’autres employés. À cet égard, elle a accepté dès le 13 juin de reporter l’examen de deux employés. Elle a aussi autorisé une employée à quitter l’examen car celle-ci ne se sentait pas bien. Il y a bien peu de différence entre quitter un examen pour cause de maladie et ne pas s’y présenter pour la même raison. Pourtant, cette employée a eu droit à un report d’examen. Tel que le démontre la preuve, d’autres employés ont aussi eu droit à des mesures d’adaptation pour diverses raisons. Pour sa part, M. Veillette n’a pas été accommodé simplement parce qu’il était un représentant syndical.

37 Lorsque M. Veillette a appelé pour aviser qu’il était malade et qu’il ne se présenterait pas à l’examen du 20 juin 2006, on ne lui a pas demandé de certificat médical. C’est plutôt Mme Gaudreault qui en a décidé ainsi et a demandé à M. Morneau d’en aviser M. Veillette. Il n’y avait aucune obligation sur l’avis d’offre d’emploi voulant qu’un candidat absent pour maladie lors de l’examen devrait produire un certificat médical. L’employeur a affirmé que la consigne du certificat médical avait été annoncée aux candidats lors de la séance d’information du 13 juin 2006. Or, M. Veillette n’a pas assisté à cette séance.

38 Puis, le 30 juin 2006, Mme Gaudreault demandait encore à M. Veillette de soumettre un certificat médical. Il était alors impossible d’obtenir un tel certificat 10 jours après l’absence du 20 juin. Plus tard, M. Gionet a dit que la condition du certificat médical aurait pu être assouplie si M. Veillette s’était conformé aux autres conditions du processus de sélection.

39 Contrairement à ce que M. Morneau a écrit à M. Veillette, ce dernier ne s’est jamais retiré du processus de sélection. C’est l’employeur qui l’en a exclu. Puis, l’employeur a avisé M. Veillette qu’il ne pouvait pas exercer le recours offert aux employés de l’ARC en matière de dotation. M. Veillette a alors déposé des griefs. En réaction, l’employeur a changé sa position et a avisé M. Veillette qu’il pouvait exercer un recours. Puis, l’employeur a argumenté que les griefs de M. Veillette n’étaient pas valides car M. Veillette pouvait exercer un autre recours.

40 À cause de l’implication syndicale de M. Veillette, l’employeur n’a pas tenu compte de sa situation de famille et a refusé de l’accommoder. M. Veillette avait pris un congé d’étalement du revenu à l’été 2006 pour s’occuper de son enfant. L’employeur le savait, mais il a refusé de l’accommoder en reportant le processus de sélection à son retour de congé. Par contre, comme la preuve l’a démontré, plusieurs autres employés ont été accommodés.

41  M. Veillette n’a jamais été nommé de façon intérimaire à un poste de MG-05. Pourtant, les autres vérificateurs l’ont été. M. Veillette était prêt à réduire le temps de ses activités syndicales afin de pouvoir être nommé à un tel poste. La preuve a démontré qu’il y a eu de nombreuses nominations intérimaires au niveau MG-05 de 2004 à 2007.

42 Même si les trois griefs traitent des actions ou pratiques de dotation de l’employeur, l’arbitre de grief a compétence pour les entendre, car l’employeur a enfreint la disposition de non-discrimination de la convention collective. Ces griefs doivent être traités comme des griefs sur l’application ou l’interprétation d’une convention collective.

43  La clause 43.01 de la convention collective, qui porte sur la non-discrimination, fournit des droits substantifs aux employés. Pour que les dispositions de la clause 43.01 s’appliquent, il n’est pas nécessaire d’alléguer l’application discriminatoire d’une autre disposition de la convention collective. La clause 43.01 s’applique à toute action ou décision de l’employeur visant les conditions de travail en général.

44 Enfin, lorsque M. Veillette a déposé les deux griefs relatifs au processus de sélection MG-05, l’employeur lui avait clairement indiqué par écrit qu’il n’avait pas le droit d’exercer un recours en vertu de la politique de l’employeur à cet égard. Compte tenu qu’il ne pouvait exercer un recours, il était en plein droit de déposer des griefs.

45  M. Veillette m’a renvoyé aux décisions suivantes : Gibson c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2008 CRTFP 68; Johal et Stasiewski c. Agence du revenu du Canada et Mao, 2009 CFA 276; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital de Montréal, 2007 CSC 4; Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3.

B. Pour l’employeur

46 L’employeur s’oppose à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre les trois griefs. Le paragraphe 208(2) de la Loi stipule qu’un fonctionnaire ne peut présenter un grief si un recours de réparation lui est ouvert sous une autre loi fédérale. Les trois griefs portent sur des processus de dotation. Le paragraphe 53(1) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, L.C. 1999, ch. 17 (LARC), stipule que l’ARC a compétence exclusive pour nommer son personnel. Les paragraphes 54(1) et 54(2) de cette même loi prévoient que l’ARC élabore un programme de dotation qui régit notamment les recours offerts aux employés et que les matières régies par ce programme de dotation sont exclues du champ des conventions collectives.

47 L’employeur émet des réserves sur la portée de la clause 43.01 de la convention collective qui traite de la discrimination. Cette clause ne peut s’appliquer à toutes les situations et sa portée doit donc nécessairement être limitée. La présence de cette clause dans la convention collective ne signifie pas nécessairement que l’accès à l’arbitrage de grief est élargi.

48 Peu importe ces considérations préliminaires, l’employeur prétend qu’il n’y a eu aucune discrimination à l’égard de M. Veillette et que par le fait même, la clause 43.01 de la convention collective a été respectée.

49 L’employeur a mené le processus de sélection MG-05 de façon sérieuse. Dès décembre 2005, les employés ont été avisés que l’avis annonçant le début du processus serait affiché en avril 2006. Puis, l’avis en question a été publié. Il informait les intéressés que les demandes devaient être reçues avant le 29 mai, qu’un examen écrit aurait lieu le 20 juin et que les travaux écrits visant à mesurer certaines compétences devaient être reçus le 11 août. Par souci d’équité pour tous, et compte tenu du très grand nombre d’intéressés, l’employeur se devait d’être rigoureux dans sa gestion du processus. Tout report de date d’une étape pour une personne devait donc être une mesure d’exception.

50 M. Veillette n’était pas intéressé à participer au processus de sélection pendant les mois de juin et juillet. Il en avait déjà informé M. Gionet. M. Gionet l’avait quand même encouragé à participer. La veille de l’examen écrit du 20 juin 2006, M. Veillette a écrit à Mme Gaudreault pour l’informer qu’il serait en congé en juillet et en août. M. Veillette n’a jamais soumis une demande détaillée et justifiée pour être accommodé pour l’été parce qu’il était en congé d’étalement du revenu et que ce congé justifiait un accommodement. Il a plutôt exprimé qu’il n’était pas intéressé à se soumettre aux étapes du processus pendant les mois de juillet et d’août.

51 Chaque employé doit assumer ses responsabilités dans le cadre d’un processus de sélection. Une de ces responsabilités est de se présenter aux différentes étapes du processus. En plus de M. Veillette, quelques employés ne se sont pas présentés à l’examen du 20 juin 2006. Les circonstances entourant l’absence de ces employés étaient différentes de celles entourant l’absence de M. Veillette. Qui plus est, ces employés avaient pris des arrangements préalables avec le comité de sélection. Il était clair qu’une absence pour raison de maladie le jour de l’examen devait être justifiée par un certificat médical. M. Veillette n’a pas produit un tel certificat.

52 M. Veillette a aussi refusé de remettre le travail écrit le 11 août 2006 sous prétexte qu’il était en congé pour l’été. Il s’est alors lui-même exclu du processus de sélection. Il aurait été injuste pour les autres candidats que le comité de sélection accepte que les échéances pour M. Veillette soient différentes, d’autant plus que plusieurs autres employés étaient en congé à l’été 2006.

53 Il n’y a eu aucune discrimination à l’égard de M. Veillette. Aucune des décisions prises par l’employeur dans la gestion du processus de sélection de MG-05 n’a été motivée par le fait qu’il était représentant syndical ou en congé d’étalement du revenu.

54  Il est vrai que l’employeur n’a pas offert de nominations intérimaires à M. Veillette. Cependant, la preuve démontre qu’il ne s’agissait pas là d’une mesure discriminatoire. Tout d’abord, M. Veillette ne satisfaisait pas à l’exigence linguistique des postes. Il était aussi difficile de le nommer sur une base intérimaire s’il ne pouvait consacrer de temps à occuper le poste compte tenu de ses fonctions syndicales à temps plein.

55 L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Pepper c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 71; Brown c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 127; Souaker c. Commission canadienne de sûreté nucléaire, 2009 CRTFP 145.

IV. Motifs

A. Compétence de l’arbitre de grief pour entendre les griefs

56 L’employeur s’est opposé à ma compétence pour entendre les griefs parce que selon le paragraphe 208(2) de la Loi, M. Veillette ne pouvait présenter de griefs car un recours de réparation lui était offert sous la LARC, et plus particulièrement les recours offerts aux employés de l’ARC en matière de dotation. M. Veillette prétend plutôt que ses trois griefs visent l’interprétation ou l’application de la clause 43.01 de la convention collective.

57 Un examen des articles suivants de la Loi est nécessaire pour disposer de l’objection de l’employeur :                  

208. (2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d'une autre loi fédérale, à l'exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[…]

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

[…]

58 Les paragraphes 53(1), 54(1) et 54(2) de la LARC doivent aussi être examinés. Ces paragraphes se lisent ainsi :

53. (1) L’Agence a compétence exclusive pour nommer le personnel qu’elle estime nécessaire à l’exercice de ses activités.

[…]

54. (1) L’Agence élabore un programme de dotation en personnel régissant notamment les nominations et les recours offerts aux employés.

(2) Sont exclus du champ des conventions collectives toutes les matières régies par le programme de dotation en personnel.     

59 La preuve présentée est claire à savoir que le 26 février 2007, lorsqu’il a déposé ses deux griefs relatifs au processus de sélection MG-05, M. Veillette ne disposait d’aucun recours pour contester les décisions de l’employeur. Les recours ne lui ont été offerts que le 16 avril 2007 à la suite d’un changement de position de la direction. L’objection de l’employeur ne tient donc pas, car M. Veillette ne disposait d’aucun recours en vertu d’une autre loi, en l’occurrence en vertu de la LARC, lorsqu’il a déposé ses deux griefs relatifs au processus de sélection MG-05. Sur ce, les faits diffèrent de ceux dans Brown où le fonctionnaire s’estimant lésé disposait d’un recours administratif de réparation. Ils se comparent plutôt aux faits dans Gibson où le fonctionnaire ne disposait pas d’un recours.

60 Certes, l’employeur a accordé un recours à M. Veillette le 16 avril 2007 mais, au moment du dépôt des griefs, M. Veillette ne disposait d’aucun recours administratif de réparation. En janvier 2007, lorsqu’il a avisé M. Veillette qu’il ne disposait pas de recours offerts par le programme de dotation de l’ARC, l’employeur avait décidé des règles qui s’appliquaient. Il doit assumer ces règles et non pas les changer plus tard, de sorte que M. Veillette soit privé du droit de déposer des griefs.

61 La situation est cependant différente pour le grief portant sur les nominations intérimaires. L’employeur n’a jamais avisé M. Veillette qu’il ne disposait pas de recours pour contester ces nominations lorsque l’employeur les a faites. Je n’ai aucun doute que M. Veillette connaissait la directive de l’employeur sur les recours en matière de dotation. Il était un employé expérimenté en plus d’avoir exercé des fonctions syndicales depuis 1999. Il a choisi de ne pas exercer de recours à l’encontre des nominations intérimaires alors qu’il aurait pu le faire. Il doit accepter les conséquences de ses choix. Le paragraphe 208(2) de la Loi prévoit qu’il ne peut déposer de grief pour contester ces nominations, car un recours administratif de réparation lui était ouvert. M. Veillette aurait pu alléguer qu’il avait été traité de façon discriminatoire en n’étant pas considéré pour des nominations intérimaires s’il avait utilisé ce recours.

62 Même si la convention collective contient une disposition sur la non-discrimination, en l’occurrence la clause 43.01, cette dernière ne peut avoir pour effet de donner un droit de grief qui contrecarrerait l’application du paragraphe 208(2) de la Loi. En l’espèce, la clause 43.01 ne donne droit à un grief que s’il n’existe pas un autre recours de réparation. Pour les deux griefs portant sur le processus de sélection MG-05, la clause 43.01 donne un droit de grief car M. Veillette ne disposait pas d’un autre recours. Pour le grief portant sur les nominations intérimaires, la clause 43.01 ne peut donner droit à un grief car il existait un autre recours.

63 L’autre question de compétence a trait à la portée de la clause 43.01 de la convention collective. M. Veillette allègue qu’il a été victime de discrimination pendant le processus de sélection MG-05. Les motifs de discrimination sont les activités syndicales et la situation de famille. Ces motifs font partie des motifs mentionnés à la clause 43.01. Cependant, la discrimination n’a pas trait à l’application ou à l’interprétation de la convention collective, mais plutôt à des actions ou décisions de l’employeur en matière de dotation.

64 La clause 43.01 crée un droit substantif parce qu’elle fait partie de la convention collective. Si un employé allègue une violation de cette clause, il s’agit bien de l’interprétation ou de l’application de la convention collective. La clause impose une obligation à l’employeur de traiter tous ses employés sans discrimination, peu importe qu’il s’agisse ou non d’une situation ou d’un sujet couvert dans une convention collective. Comme l’arbitre de grief l’a fait dans Souaker, je conclus que la clause de non-discrimination de la convention collective est un droit substantif pouvant faire l’objet d’un grief qui peut être renvoyé à l’arbitrage.

B. Bien-fondé des griefs

65 Pour que je donne droit aux griefs, il faudrait que je conclue que les décisions prises par l’employeur ont eu pour effet d’exclure M. Veillette du processus de sélection MG-05 à cause de son implication syndicale ou de sa situation de famille. La preuve démontre que M. Veillette était représentant syndical pendant le processus de sélection et qu’il avait pris un congé d’étalement du revenu pour s’occuper de son enfant pendant l’été 2006. La preuve démontre aussi qu’il a été exclu du processus de sélection parce qu’il ne s’est pas présenté à l’examen du 20 juin 2006 et qu’il n’a pas remis les travaux requis le 11 août 2006.

66 Comme l’explique la Cour suprême du Canada dans Centre universitaire de santé McGill, l’appartenance à un groupe protégé, dans le cas de M. Veillette par la convention collective, ne suffit pas pour garantir l’accès à une réparation. C’est plutôt le lien entre l’appartenance au groupe et le caractère arbitraire de la décision ou de son effet qui donne accès à la réparation. Cette preuve de discrimination appartient à M. Veillette.

67 Absolument rien dans la preuve ne peut m’amener à conclure que le fait que M. Veillette ait été un représentant syndical a eu un effet quelconque, direct ou indirect, explicite ou implicite, dans la décision de l’employeur de l’exclure du processus de sélection MG-05. M. Veillette a été exclu du processus car il ne s’est pas présenté à l’examen du 20 juin et qu’il n’a pas remis les travaux requis le 11 août. M. Veillette n’a présenté aucun élément de preuve à l’effet qu’il n’a pu se conformer à ces exigences à cause de son implication syndicale. La preuve révèle plutôt qu’il ne s’est pas présenté à l’examen du 20 juin parce qu’il était malade et qu’il a décidé de ne pas remettre les travaux écrits le 11 août parce qu’il était en congé.

68 La preuve présentée me convainc que les décisions de l’employeur de demander un certificat médical pour l’absence de M. Veillette le 20 juin 2006 et de refuser de reporter à septembre 2006 la date de remise des travaux écrits n’ont pas été motivées par l’implication syndicale de M. Veillette. Il était tout à fait justifié pour l’employeur d’établir des règles relativement rigides dans la gestion du processus de dotation compte tenu du très grand nombre de candidatures et de la nécessité de ne pas créer des avantages indus pour certains. Il n’y avait rien d’abusif pour l’employeur de demander à M. Veillette de justifier son absence du 20 juin par un certificat médical. Il s’agissait d’une règle qui s’appliquait à tous.

69 La preuve démontre que l’employeur a permis à des employés de reporter l’examen du 20 juin 2006. Il ne s’agit cependant pas de situations comparables à celle de M. Veillette. En effet, ces employés avaient pris des arrangements préalables avec le comité de sélection qui avait accepté le report de l’examen, car il jugeait que le report était justifié par un motif valable. Le comité de sélection a aussi accepté le report de l’examen d’une employée qui s’était présentée à l’examen, mais qui, peu de temps après le début de l’examen, était visiblement malade et ne pouvait continuer l’examen. Le seul cas comparable à celui de M. Veillette est celui de M. Rousseau qui a appelé pour dire qu’il n’avait pu se présenter à l’examen car il était malade. Comme elle l’avait fait pour M. Veillette, Mme Gaudreault a demandé à M. Rousseau de produire un certificat médical pour justifier son absence.

70 Selon la preuve soumise, le comité de sélection n’a accepté aucun report pour ce qui est de la date pour remettre les travaux écrits. Toutes les personnes se sont conformées à cette échéance du 11 août 2006. Comme M. Veillette, sept ou huit autres candidats étaient en congé à l’été 2006, mais ils ont remis leurs travaux pour le 11 août 2006. M. Veillette a pour sa part demandé le report de cette échéance à l’automne. La seule justification qu’il a fournie pour appuyer sa demande a été qu’il était en congé.

71 Aucune preuve ne m’a été présentée qui pourrait m’amener à conclure à de la discrimination basée sur le statut de famille. M. Veillette n’a pas dit, ni à l’employeur, ni à l’arbitre lors de l’audience, qu’il ne pouvait compléter les travaux écrits pour le 11 août parce que le fait de s’occuper de son enfant l’en empêchait. Il n’a pas non plus demandé à l’employeur de l’accommoder pour une telle raison. Il a plutôt demandé le report de l’échéance du 11 août parce qu’il était en congé. Si M. Veillette avait pu justifier l’impossibilité de satisfaire à l’échéance à cause de sa situation de famille, le comité de sélection aurait alors dû faire des efforts pour l’accommoder sans quoi j’en aurais sans doute conclu qu’il avait été victime de discrimination.

72 J’ajouterai sur la question du report de l’échéance du 11 août 2006 qu’aucun élément de preuve ne me laisse croire que les autres candidats au processus de sélection MG-05 étaient autorisés par l’employeur à faire leur travail écrit pendant les heures de travail. Certains ont peut-être complété ces travaux le soir ou les fins de semaine. D’autres ont peut-être utilisé des congés annuels pour le faire. Chaque candidat avait la même responsabilité, soit de celle de satisfaire l’échéance du 11 août 2006. À moins de motifs valables, comme par exemple une situation familiale particulière qui empêche de satisfaire l’échéance, l’employeur était tout à fait en droit de maintenir la ligne dure et de refuser les demandes de report comme il l’a fait dans le cas de M. Veillette.

73 Il n’y avait rien de discriminatoire dans la réponse du comité de sélection de refuser la demande de M. Veillette de reporter l’échéance du 11 août 2006. M. Veillette n’a pas établi de lien entre son exclusion du processus de sélection MG-05 et son implication syndicale ou sa situation de famille. Ce lien n’ayant pas été établi, il n’y a pas de preuve prima facie de discrimination.

74 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

75 Je n’ai pas compétence pour entendre le premier grief (dossier de la CRTFP 566-34-2769).

76 Le deuxième grief (dossier de la CRTFP 566-34-2770) est rejeté.

77 Le troisième grief (dossier de la CRTFP 566-34-2771) est rejeté.

Le 23 février 2010.

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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