Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont contesté la décision de l’employeur de leur imposer une suspension de 10jours - les griefs ont été renvoyés au troisième palier de la procédure de règlement des griefs après l’expiration des délais prescrits par la convention collective - l’employeur a contesté la compétence d’un arbitre de grief d’entendre et de trancher les griefs, ceux-ci ayant été soumis en dehors des délais prescrits - les fonctionnaires s’estimant lésés ont répondu que, même si l’employeur a soulevé la question du respect des délais prescrits au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, il n’a pas rejeté les griefs pour ce motif, comme il convenait de le faire, mais a plutôt choisi de juger les griefs sur leur fond - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait considéré les griefs comme abandonnés après qu’ils ont été déposés en retard au troisième palier de la procédure de règlement des griefs - l’article63 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique s’appliquait, et l’employeur avait en fait rejeté les griefs pour cause de non-respect des délais prescrits, même s’il s’était également penché sur le fond des griefs. Objection accueillie. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-02-25
  • Dossier:  566-02-1459 et 1472
  • Référence:  2010 CRTFP 33

Devant un arbitre de grief


ENTRE

KEITH PAYNE ET TRACY OHL

fonctionnaires s'estimant lésés

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Payne et Ohl c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Michel Bouchard, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour le défendeur:
Eric Daoust et Maureen Harris, Secrétariat du Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 2 et 20 novembre 2007, le 7 décembre 2007, et les 2, 4 et 18 février 2010.
(Traduction de la CRTFP)

Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Le 20 février 2007, Keith Payne et Tracy Ohl, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), ont chacun déposé un grief pour contester la décision de Service correctionnel du Canada (le « défendeur ») de leur imposer 10 jours de suspension. Le 5 septembre 2007, le défendeur a rejeté les griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 18 septembre 2007. La convention collective applicable a été conclue entre le Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN et le Conseil du Trésor pour le groupe Services correctionnels; elle vient à échéance le 31 mai 2010 (la « convention collective »).

2      Le 2 novembre 2007, le défendeur a avisé le greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») qu’il contestait la compétence de l’arbitre de grief pour entendre les griefs, étant donné que ceux-ci ont été déposés hors délais au dernier palier et qu’ils ont, de ce fait, été rejetés à ce même palier. Les fonctionnaires ont réagi à l’objection du défendeur le 20 novembre 2007. Le défendeur a déposé sa contre-preuve le 7 décembre 2007. Le 14 décembre 2007, la Commission a écrit aux parties afin de les aviser que la question de la compétence devrait être soumise à l’attention de l’arbitre de grief au début de l’audition.

3      En janvier 2010, j’ai appris que le greffe de la Commission avait fixé l’audition des griefs du 25 au 28 mai 2010 et que j’étais l’arbitre de grief assigné. Après avoir passé en revue l’objection du défendeur et la réponse des fonctionnaires, j’ai décidé qu’il vaudrait mieux examiner l’objection du défendeur à partir des arguments écrits par les parties, plutôt que d’attendre la tenue de l’audition. Le 12 janvier 2010, les parties ont été avisées en conséquence.

4      La présente décision a pour but de donner suite à l’objection du défendeur et de déterminer si j’ai la compétence voulue pour entendre les griefs.

Résumé des arguments relatifs à l’objection

5      Dans sa décision du 5 septembre 2007, le défendeur a rejeté les deux griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Ses deux réponses sont identiques. Les lignes qui suivent fournissent un résumé de ces réponses qu’il importe de prendre en considération pour résoudre l’objection du défendeur :

[Traduction]

La présente fait suite au grief que vous avez déposé pour contester la suspension de dix (10) jours qui vous a été imposée le 6 février 2007.

Au sujet d’une question préliminaire, votre transmission au dernier palier n’est pas parvenue dans les délais prescrits par la clause 20.12 de la convention collective des CX, et elle est donc réputée abandonnée en vertu de la clause 20.21 de la convention collective des CX. Cependant, j’évaluerai le fond de votre grief.

[…]

Vous continuez de nier toute responsabilité pour vos gestes et refusez de reconnaître la gravité de l’action fautive. Par conséquent, je ne vois aucune autre solution que de rejeter votre grief.

6      Dans les deux argumentations présentées à la Commission, les fonctionnaires n’ont pas contredit la déclaration du défendeur selon laquelle leurs griefs n’ont pas été soumis dans les délais prescrits au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. En fait, les parties s’entendent sur les dates auxquelles les fonctionnaires ont reçu les réponses de l’employeur et sur la date de la transmission au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Les fonctionnaires ont plutôt soutenu que, même si le défendeur a souligné le non-respect des délais prescrits au dernier palier, il n’a pas rejeté les griefs pour cette raison et avait plutôt choisi d’en évaluer le fond. Le défendeur a réfuté les arguments des fonctionnaires et plaidé que les griefs ont en fait été rejetés en raison de la question préliminaire, et que, en plus de les avoir rejetés pour cause de non-respect des délais prescrits, le gestionnaire délégué a évalué le fond des griefs et refusé la mesure corrective exigée.

7      De l’avis des fonctionnaires, le défendeur ne peut pas prétendre à l’arbitrage qu’il a rejeté ou refusé les griefs en raison du non-respect des délais prescrits, puisqu’il a choisi d’évaluer le fond des griefs au dernier palier. Dans le dernier paragraphe de la réponse qu’il a fournie au dernier palier, l’employeur a rejeté les griefs, non pas en raison du non-respect des délais prescrits, mais sur le fond. Puisque les griefs n’ont pas été rejetés au troisième palier de la procédure de règlement des griefs pour cause de non-respect des délais prescrits, ils ne peuvent pas être déboutés à l’arbitrage pour cette raison. À ce sujet, les fonctionnaires m’ont signalé l’article 63 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, DORS/2005-79 (le « Règlement »).

8      Le défendeur a reconnu qu’il avait évalué le fond des griefs dans sa réponse au dernier palier, malgré le défaut des fonctionnaires de respecter les délais prescrits. Cependant, le défendeur a soutenu que les griefs ont été rejetés en réponse à la question préliminaire. Selon le défendeur, ses réponses concernant le fond des griefs ne faisaient que témoigner de l’importance qu’il accorde à sa responsabilité de procéder à un examen complet des conflits et des problèmes qui surgissent en milieu de travail.

Motifs

9      Conformément à la clause 20.11 de la convention collective, un employé qui n’est pas satisfait de la réponse obtenue à l’issue d’un grief peut soumettre son grief au prochain palier de la procédure de règlement des griefs dans les 10 jours qui suivent la réception de la décision de l’employeur. En vertu de la clause 20.21, un grief est réputé avoir été abandonné s’il n’est pas soumis dans les délais prescrits, à moins que l’employé n’ait pas pu se conformer à ces délais. Les dispositions pertinentes de la convention collective se lisent comme suit :

[…]

20.11 L’Employeur répond normalement au grief d’un employé-e, à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs sauf au dernier, dans les dix (10) jours qui suivent la date de présentation du grief audit palier. Si la décision ou le règlement du grief ne donne pas satisfaction à l’employé-e, il ou elle peut présenter un grief au palier suivant de la procédure dans les dix (10) jours qui suivent la date à laquelle il ou elle reçoit la décision ou le règlement par écrit.

[…]

20.16 Lorsqu’il s’agit de calculer le délai au cours duquel une mesure quelconque doit être prise ainsi qu’il est stipulé dans la présente procédure, les samedis, les dimanches et les jours fériés désignés payés sont exclus.

[…]

20.21 L’employé-e qui néglige de présenter son grief au palier suivant dans les délais prescrits est réputé avoir renoncé à son grief, à moins qu’il ou elle ne puisse invoquer des circonstances indépendantes de sa volonté qui l’ont empêché de respecter les délais prescrits.

[…]

10 Les arguments des deux parties indiquent que les fonctionnaires n’ont pas déposé leurs griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs dans les délais prescrits par la clause 20.11 de la convention collective. De plus, les fonctionnaires n’ont pas prétendu que des circonstances indépendantes de leur volonté les ont empêchés de soumettre à temps leur grief au dernier palier. Compte tenu de ces faits et du libellé de la clause 20.21, il me paraît clair que l’employeur a jugé que les griefs avaient été abandonnés après leur dépôt tardif au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

11  L’article 225 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») L.C. 2003, ch. 22, art. 2, stipule qu’un arbitre de grief ne peut pas se prononcer sur un grief si celui-ci n’a pas été soumis à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable. L’article 225 se lit comme suit :

225. Le renvoi d’un grief à l’arbitrage de même que son audition et la décision de l’arbitre de grief à son sujet ne peuvent avoir lieu qu’après la présentation du grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable.

12 La procédure applicable dont il est fait mention à l’article 225 de la Loi est la procédure de règlement des griefs stipulée dans la convention collective et, dans la présente affaire, les délais sont prescrits par la clause 20.11. Les fonctionnaires n’ont pas respecté ces délais prescrits et, ce faisant, ils n’ont pas soumis leurs griefs conformément à la procédure applicable. Par conséquent, l’article 225 de la Loi m’empêche d’entendre les griefs et de rendre une décision.

13 J’ajouterais que, même sans les arguments des parties, le défaut de respecter les délais applicables à la procédure de règlement des griefs ne peut pas être considéré comme un vice de forme ou de procédure, aux termes du paragraphe 241(1) de la Loi. À ce sujet, le paragraphe 241(2) est sans équivoque et se lit comme suit :

241. (2) Pour l'application du paragraphe (1), l'omission de présenter le grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable ne constitue pas un vice de forme ou de procédure.

14 Les fonctionnaires ont soutenu que, puisque les griefs n’avaient pas été rejetés pour cause de non-respect des délais prescrits, ils ne peuvent pas être rejetés à l’arbitrage pour ce motif. À ce sujet, les fonctionnaires m’ont signalé l’article 63 du Règlement, qui se lit comme suit :

63. Le grief ne peut être rejeté pour non-respect du délai de présentation à un palier inférieur que s’il a été rejeté au palier inférieur pour cette raison.

15 Dans la présente affaire, la question des délais s’est posée lorsque les fonctionnaires ont soumis leurs griefs en retard au troisième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Au tout début de ses réponses, qui sont reproduites au paragraphe 5 de la présente décision, le défendeur a clairement déclaré que les griefs avaient été déposés en retard et qu’ils étaient donc réputés avoir été abandonnés. Même si le défendeur a écrit que les griefs étaient rejetés seulement à la fin de ses réponses et après avoir abordé leur fond, cela ne signifie pas qu’il n’a pas rejeté les griefs pour cause de non-respect des délais prescrits. Comme je l’ai signalé plus tôt, le défendeur a d’abord conclu que les griefs étaient réputés avoir été abandonnés. Puis, il a écrit ce qui suit : [Traduction] « Cependant, j’étudierai le fond de votre grief. » À la fin de ses réponses, le défendeur a également rejeté les griefs sur leur fond.

16 La situation aurait peut-être été plus claire si le défendeur n’avait pas évalué le fond des griefs et s’il avait simplement écrit que les griefs étaient rejetés pour cause de non-respect des délais prescrits. Elle aurait également été plus claire si le défendeur s’était montré plus explicite et avait déclaré que les griefs étaient rejetés pour cause de non-respect des délais prescrits, avant de fournir une explication sur le fond. Cependant, même si la réponse du défendeur au dernier palier peut semer une légère confusion, elle est suffisamment claire pour me permettre de conclure que le défendeur s’est acquitté de l’obligation que lui confère l’article 63 du Règlement et qu’il a rejeté les griefs non seulement sur leur fond, mais aussi pour cause de non-respect des délais prescrits. Par conséquent, je n’ai pas la compétence voulue pour entendre ces griefs et pour rendre des décisions.

17 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

18 J’accueille l’objection soulevée par le défendeur.

19 Les griefs sont rejetés.

Le 25 février 2010.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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