Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les demandeurs avaient déposé un grief pour contester une mesure disciplinaire - dans leur grief, ils n’ont fait mention que du processus qui a donné lieu à la mesure disciplinaire - dans sa réponse, l’employeur a traité à la fois du processus et de la mesure disciplinaire et a rejeté le grief - les demandeurs ont tenté d’obtenir une prorogation du délai pour déposer un grief à l’encontre de la mesure disciplinaire - l’employeur a fait valoir qu’une telle mesure serait redondante puisque le grief avait déjà été renvoyé à l’arbitrage et qu’il avait reconnu que le grief visait la mesure disciplinaire - le président a statué qu’il suffisait de modifier le grief, étant donné que l’employeur y avait consenti - il n’était pas nécessaire de déposer un autre grief et, par conséquent, les demandes de prorogation de délai ont été rejetées. Demandes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-02-05
  • Dossier:  568-02-195 et 197 à 199
  • Référence:  2010 CRTFP 21

Devant le président


ENTRE

JOHN SEALE, ED TURNER, JOHN MAAS ET STEPHEN MCCULLOUGH

demandeurs

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Seale et al. c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des demandes de prorogation de délais visées à l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, vice-président

Pour les demandeurs:
Michel Bouchard, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour le défendeur:
Maureen Harris, représentante

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 9 et 30 novembre 2009 et le 22 janvier 2010.
(Traduction de la CRTFP)

Demandes devant le président

1 Les quatre demandeurs, John Seale, Ed Turner, John Maas et Stephen McCullough, des agents correctionnels au Centre régional de traitement de Kingston (Ontario), ont fait l’objet de mesures disciplinaires au mois de mai 2009. Ils ont par la suite déposé des griefs pour contester l’omission de l’administrateur général de respecter le processus disciplinaire. Après avoir déposé leurs griefs (et après l’expiration du délai pour déposer un grief), ils ont réalisé que ceux-ci ne contestaient pas expressément la mesure disciplinaire qui leur avait été imposée. Leur agent négociateur s’est adressé au défendeur pour obtenir la prorogation du délai pour déposer ces griefs, mais le défendeur a rejeté sa demande. Les demandeurs souhaitent maintenant obtenir la prorogation du délai pour déposer des griefs à l’encontre de la mesure disciplinaire qui leur a été imposée. Le défendeur soutient que cette demande est redondante, puisque les griefs initiaux visaient effectivement les mesures disciplinaires.

2 Conformément à l’article 45 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, c. 22, le président m’a autorisé, en ma qualité de vice-président, à exercer tous ses pouvoirs ou à m’acquitter de toutes ses fonctions en application de l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le « Règlement ») pour entendre et trancher toute question relative à la prorogation de délais.

Contexte

3 Le 29 mai 2009, les demandeurs ont déposé des griefs contestant l’imposition de mesures disciplinaires. Celles-ci consistaient en des sanctions pécuniaires équivalant à un certain nombre de jours de paie (variant d’un fonctionnaire s’estimant lésé à un autre). Tous les griefs étaient libellés dans les termes suivants : « Je conteste le manquement par l’employeur aux règles de justice naturelle et à son obligation d’agir de manière équitable lorsqu’il m’a imposé une mesure disciplinaire […] ». La mesure corrective demandée par chaque fonctionnaire s’estimant lésé était la suivante :

[Traduction]

Je demande que la mesure disciplinaire soit déclarée nulle de plein droit. Je demande le retrait immédiat de la mesure disciplinaire, le remboursement de toutes les sommes dues, et tous les autres droits qui me sont conférés dans la convention collective. Je demande également les dommages-intérêts réels, moraux ou exemplaires, et ce, rétroactivement avec intérêt au taux légal, sans préjudice aux autres droits dévolus.   

4 Les parties ont convenu de sauter le premier palier de la procédure de règlement des griefs. Dans la réponse au deuxième palier aux griefs, le représentant de la direction a déclaré que la réponse faisait suite au grief [traduction] « […] dans lequel [chaque demandeur] a contesté la mesure disciplinaire […] » imposée à son égard. La réponse précisait également que la mesure disciplinaire imposée était justifiée. Dans la réponse au dernier palier (24 novembre 2009), le commissaire adjoint par intérim de la Gestion des ressources humaines a affirmé ce qui suit : [traduction] « […] après avoir pris en considération les circonstances atténuantes et aggravantes, le cas échéant, je suis d’accord pour dire qu’en raison de la gravité de votre inconduite, la sanction pécuniaire […] était justifiée ».

5 Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 4 septembre 2009. Les numéros des dossiers de la CRTFP sont 566-02-3099, 566-02-3100, 566-02-3101 et 566-02-3102.

6 Le 14 septembre 2009, l’agent négociateur a conclu que les griefs ne visaient pas les mesures disciplinaires qui avaient été imposées aux fonctionnaires s’estimant lésés. Il a donc demandé la prorogation du délai pour déposer d’autres griefs. Le défendeur a refusé. Les quatre demandeurs ont déposé de nouveaux griefs auprès de l’employeur à des dates différentes entre le 5 et le 8 octobre 2009. Les griefs étaient tous libellés dans les termes suivants : [traduction] « Je conteste la mesure disciplinaire qui m’a été imposée […] ». À titre de mesure corrective, les demandeurs ont demandé que la mesure disciplinaire « soit infirmée » en plus de demander le remboursement de toutes les sommes d’argent et de tous les avantages perdus, ainsi que [traduction] « […] tous les autres droits qui me sont conférés dans la convention collective ». 

Résumé de l’argumentation

7 J’ai déterminé que la demande pouvait être tranchée par la voie d’arguments écrits. Les arguments au complet ont été versés au dossier de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP).

8 Les demandeurs ont fait valoir que leur représentant a réalisé après l’expiration des délais de prescription applicables que leurs griefs initiaux se rapportaient au processus disciplinaire, et non aux mesures disciplinaires. Les demandeurs ont déclaré qu’ils ont déposé des griefs supplémentaires parce qu’ils [traduction] « […] souhaitaient fortement contester la mesure disciplinaire ». Ils ont demandé que le président de la CRTFP exerce son pouvoir discrétionnaire aux termes du Règlement pour leur accorder une prorogation du délai pour déposer le grief.

9 Le défendeur a fait valoir dans les termes suivants que la demande de prorogation de délai se rapportait à des questions qui avaient déjà été renvoyées à l’arbitrage :

[Traduction]

[…] Les présentes demandes de prorogation du délai pour déposer un deuxième grief sur la même question, par conséquent redondant, devraient donc être rejetées.

Les fonctionnaires s’estimant lésés jugent apparemment que leurs griefs initiaux n’englobaient pas la question de la mesure disciplinaire qui avait été imposée, mais l’employeur peut confirmer que ce n’est pas le cas. Il ressort clairement des réponses au grief qui ont été données au deuxième et au dernier paliers de la procédure de règlement des griefs […] que la question de la mesure disciplinaire a été soulevée correctement au cours de l’audience sur le grief, et qu’elle a été réglée par la direction dans ses réponses.

[…] l’employeur reconnaît que les fonctionnaires s’estimant lésés ont effectivement soulevé la question de la mesure disciplinaire au cours de la procédure de règlement des griefs. […]

10 Les demandeurs ont fait valoir que la position du défendeur reposait sur sa prétention selon laquelle la première et la seconde séries de griefs étaient identiques. Or, les demandeurs sont d’avis que les griefs ne sont pas identiques, car les premiers griefs se rapportent au processus qui a mené à l’imposition des mesures disciplinaires, tandis que les seconds griefs se rapportent aux mesures disciplinaires qui ont été imposées. Les demandeurs ont fait remarquer également que le défendeur a confirmé que la question des mesures disciplinaires avait été soulevée au cours de la procédure de règlement des griefs. Les demandeurs ont dit ceci :

[Traduction]

 […] Puisque l’employeur estime aussi que les griefs initiaux visant le processus englobaient les deuxièmes griefs contestant les mesures disciplinaires, il s’ensuit que la décision d’accorder aux fonctionnaires s’estimant lésés une prorogation des délais pour déposer ces griefs ne causerait aucun préjudice à l’employeur. Une telle prorogation servirait cependant les intérêts des fonctionnaires s’estimant lésés sur le plan de l’équité en leur donnant accès à un examen sans entrave, par une tierce partie, du caractère approprié des mesures disciplinaires imposées par l’employeur […]

11 Les demandeurs ont fait valoir que, puisque les deux séries de griefs sont « étroitement liées », il serait bon de regrouper tous les griefs et de les inscrire au rôle aux fins de la tenue d’une seule audience pour ainsi régler la question touchant la redondance.   

Motifs

12 Les demandeurs et le défendeur ne peuvent s’entendre sur la question de savoir si les mesures disciplinaires imposées aux demandeurs font partie des griefs initiaux. Le défendeur insiste sur le fait que les mesures disciplinaires sont visées par ces griefs et qu’il y a répondu sur ce fondement. Les demandeurs insistent sur le fait que les griefs initiaux n’abordent pas la question des mesures disciplinaires, mais qu’ils se rapportent uniquement au processus disciplinaire.

13 Ainsi que la Cour d’appel fédérale l’a fait remarquer dans les termes suivants dans Shneidman c. Canada (procureur général), 2007 CAF 192, pour renvoyer un grief à l’arbitrage, le fonctionnaire s’estimant lésé doit avoir donné à son employeur un avis de la nature exacte du grief tout au long de la procédure interne de règlement des griefs :                     

[…]

[27]    Lorsque le grief est suffisamment détaillé à première vue, l’employeur sera au courant de la nature de celui-ci à tous les paliers. Par contre, lorsque, comme en l’espèce, le grief n’indique pas clairement à première vue les motifs d’illégalité sur lesquels elle s’appuiera, l’employée doit préciser, à chaque étape de la procédure interne de grief, la nature exacte de sa plainte si elle entend renvoyer l’affaire à l’arbitrage.

[…]

14 Il est clair, compte tenu des réponses du défendeur aux griefs et des arguments déposés dans la présente demande, que l’administrateur général a obtenu un avis suffisant de la « nature exacte » des griefs initiaux qui ont été déposés. Il ne pourrait, à l’étape de l’arbitrage de ces griefs, soutenir qu’il n’a pas obtenu un avis suivant lequel les mesures disciplinaires étaient contestées ainsi que le processus disciplinaire.    

15 À mon avis, les parties ont abordé la question sous le mauvais angle. En l’espèce, il s’agit essentiellement d’une demande visant à modifier les griefs initiaux de manière qu’ils incluent — peut-être pour une certitude accrue — les mesures disciplinaires imposées aux fonctionnaires s’estimant lésés. Ces derniers souhaitent contester les mesures disciplinaires, ce qui, selon le défendeur, a déjà été fait par la voie des griefs initiaux. En fait, le défendeur a répondu aux griefs initiaux comme si les mesures disciplinaires en faisaient partie. La réponse constitue une reconnaissance implicite que les griefs initiaux ont été modifiés par la voie de la procédure de règlement des griefs. Il ressort des arguments que les fonctionnaires s’estimant lésés et leur agent négociateur ne sont pas convaincus. Plutôt que de formuler leurs préoccupations sous la forme d’une demande de modification des griefs initiaux, les demandeurs ont décidé de présenter des griefs supplémentaires se rapportant à la même question.

16 L’option consistant à modifier les griefs initiaux est plus efficace que celle qui consiste à proroger le délai prescrit pour déposer quatre griefs supplémentaires. À la lumière de la position de l’administrateur général selon laquelle les mesures disciplinaires sont abordées dans les griefs initiaux, il ne peut y avoir de conflit en ce qui concerne la modification des griefs. En conséquence, je rejetterai les demandes de prorogation de délai et j’ordonnerai la modification des griefs initiaux de manière qu’ils incluent les mesures disciplinaires. Je dois noter que l’ordonnance modifiant les griefs n’est rendue que pour plus de certitude. Sans cette modification, l’arbitre de grief serait tout de même saisi correctement de la question des mesures disciplinaires dans le cadre d’une audience sur les griefs initiaux.

17 Les détails du grief sont modifiés pour y inclure « la mesure disciplinaire imposée » à chaque fonctionnaire s’estimant lésé. La mesure corrective demandée dans le grief initial englobe la mesure corrective demandée dans les griefs subséquents, de sorte qu’elle ne nécessite aucune modification.

18 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

19 Les demandes de prorogation de délai sont rejetées.

20 Les griefs des dossiers de la CRTFP 566-02-3099, 566-02-3100, 566-02-3101 et 566-02-3102 sont modifiés pour inclure la « mesure disciplinaire imposée » à chaque fonctionnaire s’estimant lésé. 

Le 5 février 2010.

Traduction de la CRTFP

Ian R. Mackenzie,
vice-président

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