Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur a décidé qu’aucun employé ne travaillerait sous la direction de la fonctionnaire s’estimant lésée pendant deux ans - la fonctionnaire s’estimant lésée a contesté cette décision, la qualifiant de mesure disciplinaire injustifiée - l’arbitre de grief a conclu que, en vertu de l’alinéa209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, il n’avait pas la compétence d’entendre le grief puisque la mesure disciplinaire alléguée n’avait pas entraîné un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-02-26
  • Dossier:  566-02-1930 et 2868
  • Référence:  2010 CRTFP 34

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SAWSAN A. SHARAF

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence de la santé publique du Canada)

défendeur

Répertorié
Sharaf c. Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même

Pour le défendeur :
Stéphan Bertrand, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
le 21 avril et du 15 au 18 décembre 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Le défendeur a-t-il pris une mesure disciplinaire à l’encontre d’une employée lorsqu’il lui a retiré ses responsabilités de supervision pour une période de deux ans, ou s’agissait-il d’une mesure administrative non disciplinaire? Si la mesure prise par le défendeur était de nature disciplinaire, un arbitre de grief a-t-il compétence pour la réviser aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22? Telles sont les principales questions en litige étudiées dans la présente décision.

2 Sawsan A. Sharaf, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») était une gestionnaire exclue occupant un poste de PM-06 au Bureau régional de l’Ontario/du Nunavut de l’Agence de la santé publique du Canada (l’« ASPC ») à Toronto. Elle a reçu une lettre en date du 5 décembre 2007 de sa directrice régionale, Mauricette Howlett, qui est ainsi rédigée :

[Traduction]

[…]

Par la présente, j’aimerais faire le point sur les griefs en suspens déposés contre vous en juillet 2003 pour des allégations de harcèlement. Nous admettons que vous avez accepté un détachement à Santé Canada jusqu’au 31 mars 2008. Néanmoins, nous désirons vous informer des mesures que nous avons prises pour régler la situation.

Après examen de l’information, il a été établi qu’il n’existait pas de preuve claire de harcèlement. Et même si les allégations déposées contre vous ne constituaient pas du harcèlement aux termes de la définition de la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor, nous avons découvert de solides preuves d’un comportement inapproprié de votre part à l’endroit des fonctionnaires s’estimant lésés.

À cet égard, il a été établi que vous avez agi à plusieurs reprises de manière non professionnelle et irrespectueuse envers des employés relevant de vous. En outre, l’enquête a établi que certaines personnes ont rapporté vous avoir entendu crier, adopter un comportement brusque avec les employés, utiliser un ton imposant et critique et formuler des remarques gênantes à un employé devant d’autres collègues. D’après les faits, ce comportement a fait en sorte que les employés se sont sentis humiliés, gênés et dépréciés.

Votre comportement est manifestement inacceptable, en particulier de la part d’une gestionnaire. En outre, ce comportement va à l’encontre du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique. Pour ce motif, en octobre 2007, nous avons accueilli partiellement les 14 griefs déposés.

Dans le cadre des mesures correctives accordées dans les griefs, nous avons indiqué aux 14 fonctionnaires s’estimant lésés qu’ils ne relèveront plus jamais de vous.

Dans le cadre d’une deuxième mesure administrative, si vous deviez revenir à l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), en raison des preuves de vos difficultés à interagir avec les autres employés, il a été décidé qu’aucun employé ne relèvera de vous pendant une période de deux ans. Veuillez prendre note que vous demeurerez dans votre groupe et votre niveau actuels et que vous ne subirez aucune conséquence financière. Toutefois, de nouvelles fonctions vous seront attribuées, fonctions qui n’exigeront pas que des employés relèvent de vous. En outre, avant de pouvoir reprendre vos fonctions de supervision et si vous revenez à l’ASPC, vous devrez assister à une séance en matière de communication et de sensibilisation à l’égard du harcèlement au cours de cette période de deux ans.

Il importe de souligner que la présente lettre ne sera pas ajoutée à votre dossier personnel. Toutefois, j’en conserverai une copie pour mes dossiers et une copie sera acheminée aux Relations du travail pour leurs dossiers.

Nous espérons que le comportement décrit ci-haut ne se reproduira pas. Toutefois, si un tel comportement devait être observé à votre retour à l’ASPC, des mesures disciplinaires pourraient être imposées.

[…]

[Je souligne]

3 La fonctionnaire a contesté la lettre datée du 5 décembre 2007 dans un grief (dossier de la CRTFP 66-02-1930) (le « premier grief ») qui débutait par les affirmations suivantes :

[Traduction]

[…]

Les 14 griefs allégués ont été déposés contre moi il y a 5 ans. La haute direction n’a pas réglé les questions soulevées, malgré mes demandes répétées. On ne m’a pas donné l’occasion de prendre connaissance de ce qui était allégué contre moi. Cinq ans plus tard, la DR, contre qui j’avais un grief, m’a soudainement fait parvenir une lettre (ci-jointe), jouant ainsi, en définitive, le rôle du juge, du jury et du système judiciaire. Le contenu de la lettre montre un manque d’équité, de transparence et de justice procédurale.

Bien que, conformément à la lettre, il y avait 14 griefs, je conteste ce nombre. Bien qu’aucun grief n’était fondé, il a été conclu qu’il y a eu « inconduite ».

[…]

4 La fonctionnaire demande l’application des mesures correctives suivantes :

[Traduction]

[…]

  1. Une lettre d’excuses inconditionnelles pour la douleur et la souffrance subie au cours des cinq dernières années.
  2. Un dédommagement pour les possibilités de perfectionnement professionnel perdues en raison des griefs allégués et parce que ceux-ci n’ont pas été réglés immédiatement (exemple ci-joint).
  3. À mon retour de mon affectation actuelle (avec Santé Canada) à l’Agence, je serai réintégréeà bon droit dans mon poste, dont je serai inconditionnellement la titulaire. Je serai autorisée à diriger mon personnel de nouveau. Quels sont ceux qui, parmi nous, ont le loisir de pouvoir choisir leur propre patron?

[…]

5 La fonctionnaire a renvoyé le premier grief à l’arbitrage le 2 avril 2008 en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la LRTFP. Le 4 avril 2008, elle a ajouté le sous-alinéa 209(1)c)(ii) et l’alinéa 209(1)d). À l’audience, la fonctionnaire a fait valoir son argumentation seulement en vertu de l’alinéa 209(1)b). Comme elle n’a pas abordé les autres éléments mentionnés dans le paragraphe 209(1), j’ai seulement à me pencher sur ma compétence de statuer sur le premier grief aux termes de l’alinéa 209(1)b) dans la présente décision.

II. Questions préliminaires

6 Le 29 mai 2008, le défendeur a soulevé une objection à l’égard de la compétence d’un arbitre de grief de statuer sur le grief. Le défendeur a fait valoir que le retrait temporaire des responsabilités de supervision de la fonctionnaire ne fait pas partie des questions qui peuvent être renvoyées à l’arbitrage de grief en vertu du paragraphe 209(1) de la LRTFP. Il a demandé de rejeter le renvoi à l’arbitrage du grief sans la tenue d’une audience, faute de compétence.

7 Au cours d’une brève audience tenue le 21 avril 2009, je me suis penché sur une question préliminaire additionnelle portant sur l’article 225 de la LRTFP qui a été soulevée par le défendeur. Après certaines discussions, le défendeur a mentionné qu’il serait satisfait si, au vu du dossier, j’estimais que la fonctionnaire s’est conformée à l’article 225. J’ai accepté la thèse du défendeur.

8 Le 29 avril 2009, la fonctionnaire a renvoyé un autre grief à l’arbitrage (no de dossier 566-02-2868 de la CRTFP) (le « deuxième grief »). Elle a demandé qu’il soit laissé en suspens jusqu’à ce qu’une décision soit rendue concernant son premier grief.

9 Le 16 juillet 2009, le défendeur a demandé une prorogation de délai afin de déposer une objection quant au respect des délais du deuxième grief. Le défendeur a également soutenu que le deuxième grief portait sur la même question que le premier grief et qu’il ne relevait pas de la compétence d’un arbitre de grief. Il a demandé que le deuxième grief soit rejeté sans audience. Subsidiairement, il a demandé qu’un arbitre de grief soit saisi du premier grief et du deuxième grief ensemble.

10 Le président de la Commission a renvoyé la demande de prorogation de délai présentée par le défendeur ainsi que sa demande d’audition conjointe des deux griefs à un vice-président de la Commission.

11 Le 29 juillet 2009, la fonctionnaire a demandé que le défendeur divulgue certains documents qui seraient pertinents pour le premier grief. Après avoir étudié la thèse du défendeur relativement à la demande de divulgation et avoir entendu d’autres arguments de la fonctionnaire sur la question, j’ai convoqué une conférence préparatoire à l’audience afin de discuter des questions en suspens. Par suite de la conférence préparatoire à l’audience, j’ai ordonné au défendeur de fournir à la fonctionnaire des copies des décisions au premier palier concernant les 14 griefs mentionnées par Mme Howlett dans sa lettre du 5 décembre 2007. J’ai également ordonné aux parties de poursuivre les discussions sur un certain nombre d’autres questions de divulgation.

12 J’ai également statué à la conférence préparatoire à l’audience que l’audience prévue en décembre 2009 se pencherait sur la preuve et sur les arguments relatifs à la compétence d’un arbitre de grief d’examiner le premier grief. J’ai avisé les parties qu’elles devraient également se préparer à la possibilité que la question de la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le deuxième grief soit aussi abordée à cette audience.

13 Le 29 septembre 2009, dans Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada) c.  Sharaf, 2009 CRTFP 115, la demande de prorogation des délais du défendeur visant à produire un avis formant opposition à une prorogation de délai applicable au deuxième grief a été rejetée. Cette décision n’a pas examiné la demande du défendeur de faire entendre ensemble le premier et le deuxième griefs par un arbitre de grief.

14 Le 2 octobre 2009, les parties ont été priées, en mon nom, de fournir leurs arguments écrits relativement à la mise en suspens des questions suivantes jusqu’à ce que j’aie statué sur ma compétence au sujet du premier grief :

[Traduction]

[…]

1) la demande initiale de la fonctionnaire de mettre le deuxième grief en suspens en attendant la décision de l’arbitre de grief dans le premier grief;

2) la thèse du défendeur selon laquelle le deuxième grief traite de la même question que celle qui a été soulevée dans le premier grief, selon laquelle la question soulevée ne relève pas de la compétence d’un arbitre de grief prévue par l’alinéa 209(1)b) ou le sous-alinéa c)(ii) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et selon laquelle le deuxième grief devrait donc être rejeté sans audience;

3) la thèse subsidiaire du défendeur selon laquelle le deuxième grief devrait être entendu avec le premier grief si l’arbitre de grief ne rejette pas le deuxième grief sans audience.

[…]

15 Le 20 octobre 2009, le défendeur s’est dit d’accord avec la demande de la fonctionnaire de mettre son deuxième grief en suspens. Le 23 octobre 2009, la fonctionnaire a déposé des arguments écrits axés surtout sur la réfutation de l’argument du défendeur selon lequel les deux griefs couvraient la même question. Elle a également formulé des observations à l’appui de son affirmation selon laquelle un arbitre de grief est compétent pour examiner son deuxième grief.

16 En me fondant sur les arguments écrits des parties, j’ai rendu la décision suivante :

[Traduction]

[…]

[…] La description détaillée que donne la fonctionnaire des circonstances qui l’ont menée à déposer son premier grief [me] laisse croire que dans les faits, les quatre jours complets prévus pour cette affaire en décembre pourraient bien être nécessaires pour entendre la preuve, les témoignages et les arguments sur l’opposition du défendeur à la compétence pour instruire ce grief. Par conséquent, [j’ai] statué que les questions concernant le deuxième grief seront mises en suspens pour l’instant. [Je] réexaminerai la façon de traiter le deuxième grief une fois que [j’aurai] décidé si [j’] ai compétence pour entendre le premier grief.

Par conséquent, la demande initiale de la fonctionnaire de mettre le deuxième grief en suspens est accueillie provisoirement.

Conformément à la décision rendue à la conférence préparatoire à l’audience tenue le 28 août 2009, l’audience prévue du 15 au 18 décembre 2009 servira seulement à recevoir la preuve et les arguments au sujet de l’opposition du défendeur à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le premier grief.

[…]

[Le passage en évidence l'est dans l’original]

III. Résumé de la preuve

17 Quatre témoins ont témoigné à l’audience, soit la fonctionnaire et trois témoins pour le défendeur.

18 Tant au cours de son propre témoignage que lors de son contre-interrogatoire des témoins du défendeur, la fonctionnaire a parfois tenté de produire des éléments de preuves qui portaient essentiellement, selon moi, sur le bien-fondé de la décision du défendeur de retirer à la fonctionnaire ses responsabilités de supervision plutôt que sur ma compétence d’instruire son grief. En outre, elle a souvent franchi la ligne qui sépare la présentation d’éléments de preuve et la formulation d’arguments. J’ai tenté à plusieurs reprises de lui donner des conseils sur le plan de la procédure et j’ai décidé plusieurs fois de rejeter des documents qui n’étaient pas, selon moi, liés à la question de la compétence ou qui posaient problème pour d’autres motifs. Néanmoins, j’ai jugé adéquat d’accorder une latitude considérable à la fonctionnaire pendant la phase de présentation de la preuve de l’audience, car il était possible que les faits qu'elle estimait importants concernant l’historique de sa situation et la façon dont le défendeur l’a traitée fassent ressortir des éléments de preuve susceptibles de clarifier le contexte de la nature de la décision du défendeur rendue le 5 décembre 2007. Le sommaire de la preuve qui suit est abrégé. J’ai omis bon nombre de détails qui ne m’aident pas à statuer sur la question de la compétence.

19 À la suite d’un concours national conçu à l’intention des fonctionnaires bilingues des groupes de l’équité en matière d’emploi, la fonctionnaire s’est jointe à la région de l’Ontario/du Nunavut de ce qui était alors Santé Canada, le 16 septembre 2002, à titre de gestionnaire de section, Développement des enfants en santé. Son poste était classé au groupe et au niveau PM-06. Sa directrice régionale par intérim était Anuradha Marisetti.

20 Mme Marisetti a retiré à la fonctionnaire ses fonctions de gestionnaire de section et l’a déplacée dans un autre bureau en septembre 2003 après que 14 employés eurent déposé des griefs contre elle. La fonctionnaire a déclaré qu’elle a ignoré la nature de leurs allégations jusqu’en 2005. Elle s’est sentie humiliée et laissée dans l’incertitude et estimait que la décision de Mme Marisetti constituait une suspension injustifiée.

21 La fonctionnaire a déposé contre Mme Marisetti un grief qui renfermait 37 allégations de conduite répréhensible ainsi qu’une plainte de harcèlement.

22 Pegeen Margaret Walsh est revenue comme directrice régionale en avril 2004. Mme Walsh a précisé que la fonctionnaire était en affectation spéciale entre septembre 2003 et septembre 2004. La fonctionnaire a déclaré que cela signifiait qu’elle ne faisait « rien de rien ». Néanmoins, elle a également affirmé que Mme Walsh l’a chargée d’élaborer un plan de continuité des opérations et lui a demandé, à compter d’avril ou de mai 2004, de diriger la Section des politiques et du développement des connaissances pendant six mois. À ce titre, la fonctionnaire supervisait des membres du personnel, disposait d’un budget, interagissait avec des intervenants et gérait des subventions et contributions. La fonctionnaire a également mentionné que Mme Walsh l’a affectée à un projet de recherche « prestigieux » concernant les immigrantes avec des gens de Santé Canada et de l’Université de Toronto.

23 Avant de reprendre son poste de directrice régionale, Mme Walsh avait rencontré Mme Marisetti, qui l’avait informée de l’existence de problèmes de rapports interpersonnels impliquant la fonctionnaire à la Section du développement des enfants en santé. Une fois de retour dans son rôle de directrice, Mme Walsh a appris l’existence des 14 griefs en suspens et a poursuivi les enquêtes entreprises par Mme Marisetti. Elle a rencontré les fonctionnaires concernés, individuellement et collectivement avec les représentants de leur agent négociateur, ainsi que la fonctionnaire. Pamela Kartinen, gestionnaire des services à la clientèle de la Section des ressources humaines de la région, assistait aux réunions avec elle et lui donnait des conseils. Lorsqu’elle a rencontré la fonctionnaire, Mme Walsh lui a fait un résumé de ce qu’elle avait entendu des fonctionnaires touchés (pièce G-1).

24 Les enquêtes faites par Mme Walsh ont permis de relever tout un éventail de problèmes impliquant la fonctionnaire, notamment des inquiétudes quant au degré de confiance qu’elle inspire, l’absence de respect dont elle fait preuve, le fait de gêner et d’humilier des employés, du harcèlement, et des problèmes de communication ainsi que des difficultés posées par son type de prise de décisions. Mme Walsh a déclaré que la fonctionnaire a réagi avec colère et frustration et qu’elle a affirmé qu’il s’agissait de faussetés. La fonctionnaire a affirmé que sa rencontre avec Mme Walsh a été la seule occasion au cours de laquelle le défendeur lui a demandé ses commentaires au sujet des allégations.

25 En se fondant sur le fruit de ses enquêtes, Mme Walsh a jugé que certaines des allégations étaient fondées et que d’autres ne l’étaient pas. Elle estimait que l’organisation avait subi de graves dommages et que les parties ne pouvaient plus travailler ensemble. Tandis que la fonctionnaire demandait d’être réintégrée dans son rôle de gestionnaire de section, l’agent négociateur qui représentait les 14 employés demandait des mesures correctives qui assureraient la non-réintégration de la fonctionnaire dans ce poste. Les membres du personnel du service des ressources humaines ont mentionné que la meilleure option consistait à donner de la formation et du soutien à la fonctionnaire. Mme Walsh a témoigné qu’elle préférait cette approche. Elle a demandé à la fonctionnaire de se joindre à elle dans le cadre de la médiation menée par un médiateur professionnel. La fonctionnaire a accepté.

26 Mme Kartinen a déclaré que Mme Walsh n’envisageait pas de mesure disciplinaire à ce moment-là. Elle a affirmé qu’une mesure disciplinaire ne constituait que l’une des nombreuses options qui s’offraient à Mme Walsh. Mme Kartinen a mentionné que Mme Walsh se concentrait plutôt sur la formation et le perfectionnement et s’attardait à trouver ce que Mme Kartinen a qualifié de solution gagnante.

27 Mme Walsh a elle-même nié en contre-interrogatoire qu’elle a utilisé l’expression « mesure disciplinaire » dans ses conversations avec la fonctionnaire. Elle se souvenait d’avoir dit qu’ils faisaient face aux conséquences des griefs, dont certaines étaient fondées, a-t-elle établi. Elle a dit avoir parlé à la fonctionnaire au sujet d’une formation en relations interpersonnelles et en particulier au sujet de l’« intelligence émotionnelle ».

28 La médiation s’est traduite par une entente établissant que la fonctionnaire acceptait un nouveau poste, soit celui de gestionnaire de section, Politique, planification et santé des Autochtones (PM-06). La fonctionnaire a commencé à occuper ce poste après la médiation. Dans un courriel envoyé aux gestionnaires de la région, Mme Walsh écrivait que la fonctionnaire [traduction] « […] poursuivra les travaux entrepris relativement à la santé des immigrantes, et m’appuiera relativement aux dossiers liés aux nouveaux travaux en santé publique sous le régime de l’agence […] » (pièce G-3). Mme Walsh a officialisé le changement dans une lettre en date du 29 novembre 2005 (pièce E-3), signée plusieurs jours plus tard comme convenu par la fonctionnaire. Relevant la volonté expresse de la fonctionnaire de superviser de nouveau des employés, Mme Walsh lui a mentionné qu’elle pourrait doter un ou deux nouveaux postes dans le cadre de son nouveau rôle et qu’ils verraient alors [traduction] « comment ça se passe ». Selon Mme Walsh, la fonctionnaire a renoncé à ses droits à son ancien poste et occupait un nouveau poste comportant de nouvelles responsabilités.

29 Mme Walsh a quitté l’ASPC en décembre 2004 pour accepter un poste à la Province de l’Ontario. Elfreda Burkholder l’a remplacée comme directrice régionale par intérim. Mme Walsh a indiqué qu’elle n’a pas dressé de rapport officiel au sujet des 14 griefs, ni rédigé de réponse formelle à ceux-ci avant de quitter son poste. Elle a laissé un résumé des incidents ainsi que ses recommandations à l’ASPC lors de son départ.

30 Mme Howlett est entrée en fonctions comme nouvelle directrice régionale en octobre 2006. Elle a témoigné qu’elle ignorait les problèmes éprouvés auparavant par la fonctionnaire lorsqu’elle est entrée en fonctions. Toutefois, quand l’agent négociateur des employés ayant déposé un grief à l’encontre de la fonctionnaire a présenté une demande d’accès à l’information environ un mois plus tard pour demander des détails sur le statut des 14 griefs, elle a eu connaissance de la situation et elle a appris qu’aucune décision formelle n’avait été rendue au premier palier. Elle a consulté les notes au dossier de Mme Marisetti, Mme Walsh et Mme Kartinen ainsi que deux rapports d’enquête présentés par un consultant de l’extérieur relativement à la plainte de harcèlement de la fonctionnaire à l’encontre de Mme Marisetti. Mme Howlett a mentionné qu’elle a également parlé à Mme Marisetti, Mme Burkholder et Mme Kartinen, mais qu’elle ne s’est pas entretenue avec Mme Walsh. En contre-interrogatoire, Mme Howlett a confirmé qu’elle n’a pas fait enquête elle-même au sujet des griefs. Elle s’en est plutôt remise aux enquêtes déjà menées par Mme Marisetti et Mme Walsh.

31 Mme Howlett a témoigné qu’elle s’est concentrée en 2007 à « clore » les questions soulevées par les 14 griefs parce que le moral des troupes au bureau était au plancher. Elle estimait qu’elle devait régler les problèmes antérieurs afin que le bureau puisse aller de l’avant. En se fondant sur les notes au dossier, sur ses discussions avec ses prédécesseures ainsi qu’avec les conseillers en relations de travail, Mme Howlett a finalement produit des réponses au premier palier aux 14 griefs le 7 novembre 2007, qu’elle a fait suivre, le 5 décembre 2007, de la lettre à la fonctionnaire qui fait l’objet de cette audience.

32 À la date de la lettre, une plainte déposée par la fonctionnaire en avril ou mai 2007 à l’encontre de Mme Howlett était au dossier. La plainte renfermait 41 allégations de conduite répréhensible contre elle. La fonctionnaire avait également écrit à l’administrateur en chef de la santé publique et au ministre responsable. Mme Howlett a témoigné que la plainte non réglée n’a pas eu d’incidence sur sa décision.

33 Mme Howlett a décrit la décision résumée dans la lettre du 5 décembre 2007 comme une mesure administrative. Elle a conclu que le « critère » de la supervision constituait pour la fonctionnaire une question qu’elle devait régler. Elle voulait le faire par la formation pour s’assurer que le milieu de travail puisse redevenir productif et que la fonctionnaire puisse recommencer à apporter une contribution efficace. Mme Howlett a affirmé avec insistance qu’elle n’a pas rédigé la lettre de manière à punir la fonctionnaire. Faisant observer que Mme Walsh avait déjà établi que la formation était nécessaire, Mme Howlett a déclaré qu’elle n’a pas envisagé une mesure disciplinaire comme option.

34 Au cours de la période ayant précédé la lettre du 5 décembre 2007, Mme Howlett a négocié deux affectations pour la fonctionnaire avec Tony Sangster, directeur général de la région de l’Ontario, Santé Canada. Une affectation débutait en mai 2007 et la seconde commençait en septembre 2007. Du point de vue de Mme Howlett, les affectations permettaient à la fonctionnaire de se trouver dans un environnement différent, « non imprégné » des problèmes présents dans son ancienne unité de travail. Mme Howlett a également fourni 3 000 $ en vue de la formation des cadres pour la fonctionnaire pendant qu’elle était en affectation pour [traduction] « […] faire en sorte qu’elle redevienne plus productive ».

35 À l’époque, Mme Howlett a envoyé la lettre datée du 5 décembre 2007 à la fonctionnaire et jusqu’en octobre 2008, la fonctionnaire est demeurée en affectation chez Santé Canada. Mme Howlett a témoigné qu’elle s’attendait à ce que la fonctionnaire continue à exercer ses fonctions de PM-06 à son retour à l’ASPC et à ce qu’elle soit en mesure d’apporter une contribution productive à son travail.

36 La fonctionnaire a témoigné concernant plusieurs incidents survenus à la fin de 2006 et au cours de la première moitié de 2007. D’abord, la fonctionnaire a préparé des documents relatifs à une demande concernant une Initiative gouvernementale de perfectionnement en leadership relatif à l'équité en matière d'emploi (l’« Initiative EE ») devant être présentée à Gary J. Ledoux, directeur général par intérim des Opérations régionales à l’ASPC (pièce G-11). Elle a déclaré que Mme Howlett lui a dit que M. Ledoux ne voulait pas approuver sa participation à l’Initiative EE. La fonctionnaire a témoigné que Mme Howlett lui a également dit que M. Ledoux ne voulait pas d’elle à l’ASPC et qu’il désirait qu’elle [traduction] « trouve autre chose ». La fonctionnaire a maintenu sa demande et l’a soumise au sous-administrateur en chef de la santé publique, qui a mentionné dans sa réponse qu’il ne souhaitait pas intervenir parce que la directrice régionale et le directeur général de la fonctionnaire n’appuyaient pas sa demande (pièce G-12). Dans son témoignage, Mme Howlett s’est opposée en affirmant qu’elle n’a jamais dit à la fonctionnaire que M. Ledoux ne voulait pas d’elle. Elle a également fait parvenir un courriel à la fonctionnaire à cet effet le 16 novembre 2006 (pièce G-13). Pour sa part, la fonctionnaire a fait observer que le courriel de Mme Howlett établissait un lien direct entre sa recommandation de non-participation à l’Initiative EE et le [traduction] « […] nombre important de problèmes de relations du travail en suspens ».

37 La fonctionnaire s’est souvenue qu’après [traduction] « [l’échange concernant l’Initiative EE] les choses n’étaient pas aussi agréables […] » et qu’elle avait remarqué qu’elle était traitée différemment. Le 12 janvier 2007, la fonctionnaire a demandé une réunion avec Mme Howlett au sujet des plans de restructuration, qui prévoyaient qu'on modifie le titre de la fonctionnaire pour le faire passer de gestionnaire de section, Politique stratégique, planification et santé des Autochtones à celui de conseillère, projets spéciaux (pièces G-14 et 15). La fonctionnaire croyait que le titre révisé — qui a été modifié de nouveau peu après — signifiait également que ses fonctions seraient considérablement modifiées. Mme Howlett a fait parvenir un courriel à la fonctionnaire en date du 26 janvier 2007 dans lequel elle l’informait que son titre et ses fonctions demeureraient les mêmes, mais qu’elle affecterait la fonctionnaire à un certain nombre d’autres projets spéciaux. Elle a également déclaré que la fonctionnaire [traduction] « […] et un autre gestionnaire ont actuellement le même numéro de poste […] », casse-tête que Mme Howlett devait régler. Quand la fonctionnaire a manifesté le désir de poursuivre la discussion au sujet de ses préoccupations, Mme Howlett aurait mentionné, au dire de la fonctionnaire, qu’elle ne voulait pas parler de « l’impasse ». La fonctionnaire a affirmé qu’elle a également tenté de discuter de la question avec M. Ledoux au début de février 2007, mais que ce dernier a lui aussi refusé.

38 La fonctionnaire a ensuite déposé un grief à l’encontre de Mme Howlett le 16 février 2007. La fonctionnaire a témoigné qu’elle a dit à M. Ledoux et à Michelle Laframboise, directrice, Division des politiques ministérielles et relations de travail de l’ASPC, que son seul objectif dans le cadre du dépôt du grief consistait à apaiser ses préoccupations de manière informelle. Trois jours après le dépôt de son grief, M. Ledoux l’a appelée. Il lui a dit qu’elle devait quitter les lieux dans l’heure suivante et qu’elle était « suspendue » pendant une période indéterminée (description de la fonctionnaire) en attendant une enquête sur son grief contre Mme Howlett. La fonctionnaire a déclaré que M. Ledoux lui a dit de ne pas informer ses collègues de son absence du travail. La fonctionnaire a affirmé qu’elle [traduction] « […] est disparue pendant sept semaines et qu’elle ne pouvait en expliquer les motifs à personne ».

39 Pendant son absence, la fonctionnaire a appris que Mme Howlett avait demandé et obtenu l’accès à son compte de courrier électronique. Dans son témoignage, Mme Howlett a affirmé qu’elle a découvert que la fonctionnaire n’avait pas mis de message indiquant qu’elle était à l’extérieur du bureau dans son compte de courrier électronique. L’administration centrale a informé Mme Howlett que la fonctionnaire n’a pas respecté l’échéance du dépôt d’un rapport sur les langues officielles et qu’elle ne répondait pas aux demandes de renseignements faites par courriel au sujet du rapport. Mme Howlett a mentionné qu’elle a demandé d’avoir accès au compte de courrier électronique de la fonctionnaire parce qu’elle craignait que le bureau ignore les courriels reçus pour la fonctionnaire et que d’autres échéances ne soient pas respectées. En contre-interrogatoire, Mme Howlett a expliqué qu’elle n’a pas téléphoné à la fonctionnaire à la maison relativement à la situation parce qu’il était inconvenant de le faire pendant qu’elle était en congé administratif, en particulier parce que la fonctionnaire avait fait valoir dans son grief qu’elle ne se sentait pas en sécurité dans son milieu de travail en raison des gestes posés par Mme Howlett.

40 Dans son courriel envoyé à M. Ledoux, la fonctionnaire a soulevé la question de l’accès à son compte de courrier électronique. Elle a également abordé ses inquiétudes d’avoir été contrainte de demeurer à la maison et soutient qu’elle s’est sentie punie pour s’être plainte au sujet de Mme Howlett (pièce G-22). La fonctionnaire est revenue au travail le 10 avril 2009 après avoir rencontré M. Ledoux et Mme Laframboise. Elle est revenue dans ce qu’elle a appelé un « environnement restrictif », selon une lettre de Mme Laframboise (pièce G-24). Parmi les conditions qui lui étaient imposées, la fonctionnaire devait [traduction] « [c]ommuniquer par courriel le plus possible […] » et un tiers devait être présent à toute rencontre avec Mme Howlett. En outre, tout [traduction] « […] éclaircissement d’une politique ou d’une pratique de l’Agence […] » qui était nécessaire devait être demandé soit à M. Ledoux soit à Mme Laframboise.

41 Le 27 avril 2007, la fonctionnaire a reçu une réprimande écrite de M. Ledoux (pièce G-25). La réprimande portait sur deux incidents. Le premier avait trait à la réponse donnée par la fonctionnaire à la lettre d’un avocat au sujet d’un « dossier de Windsor » qui ne lui avait pas été attribué. Le deuxième concernait une demande faite par la fonctionnaire à l’adjointe de Mme Howlett d’effectuer une recherche dans tous les courriels de Mme Howlett et de fournir à la fonctionnaire des [traduction] « […] copies de sa correspondance sans qu’elle ait été avertie ou qu'elle ait donné son autorisation au préalable ». La fonctionnaire a déclaré qu’elle a tenté d’expliquer les situations à maintes reprises à M. Ledoux, mais qu’il ne lui a jamais dit pourquoi il rejetait ses explications. Elle a affirmé qu’il n’y a eu ni audience ni enquête disciplinaire avant que M. Ledoux n’envoie la lettre de réprimande.

42 Plus tard, au printemps 2007, Mme Howlett a inclus la fonctionnaire dans une demande adressée à tous les gestionnaires pour obtenir leurs commentaires sur le processus annuel d’établissement des engagements. La fonctionnaire a soumis des renseignements en vue de son rapport sur le processus de discussion sur le rendement (PDR) (pièce G-26) et a demandé une réunion avec Mme Howlett afin de discuter de la façon dont les engagements de la fonctionnaire pourraient s’intégrer aux engagements de Mme Howlett. Après avoir d’abord accepté une rencontre, Mme Howlett l’a annulée par l’intermédiaire de son adjointe (pièce G-27). La fonctionnaire a affirmé que l’annulation coïncidait avec l’envoi par la fonctionnaire de son grief à l’encontre de Mme Howlett au dernier palier.

43 La fonctionnaire a ajouté qu’elle a appris l’existence d’un avis affiché sur le babillard électronique annonçant l’emplacement d’une réunion du personnel sur les griefs de harcèlement déposés contre la fonctionnaire. La fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Howlett pour lui demander [traduction] « […] pourquoi cette façon de faire avait été utilisée ». Mme Howlett lui a répondu qu’elle donnerait instruction à son adjointe de [traduction] « ne pas faire cela » la prochaine fois. Ultérieurement, la fonctionnaire a reconnu que Mme Howlett a répondu au courriel de la fonctionnaire en quelque huit minutes. Toutefois, d’après la fonctionnaire, Mme Howlett a répondu sans faire preuve de sensibilité et ne s’est pas excusée de ce qui s’est produit.

44 Revenant à la lettre du 5 décembre 2007, la fonctionnaire a posé une série de questions à Mme Howlett au sujet du ton et du contenu de la missive. Mme Howlett a maintes fois nié que certaines mentions dans la lettre s’apparentaient à une mesure disciplinaire et a affirmé avec insistance avoir nettement précisé que la mesure prise était une mesure « administrative ». En réponse à la question de savoir si elle avait rencontré la fonctionnaire pour prendre connaissance de sa version de l’histoire, Mme Howlett a affirmé qu’elle n’a rencontré ni les employés ayant déposé des griefs ni la fonctionnaire parce qu’elle [traduction] « […] ne voulait pas relancer ce qui avait constitué une situation difficile et pénible pour tous ». En ce qui concerne sa mention dans la lettre qu’il [traduction] « […] n’y avait pas de preuve claire de harcèlement […] », Mme Howlett a affirmé que les documents qu’elle a examinés n’établissaient pas suffisamment de [traduction] « harcèlement pur et simple » mais qu’il existait des preuves de comportement inadéquat. Elle a déclaré qu’elle décrirait les comportements de la fonctionnaire relevés dans la lettre comme « non professionnels », mais elle a fait observer qu’elle n’a pas utilisé le mot « inconduite ». Après s’être fait dire qu’elle avait effectivement parlé d’inconduite dans une lettre subséquente envoyée à la fonctionnaire le 7 janvier 2008 (pièce G-9), Mme Howlett a soutenu que [traduction] « […] l’essentiel était qu’il y a eu comportement non professionnel ».

45 Au cours de son interrogatoire principal, la fonctionnaire a témoigné qu’à son avis, le ton de la lettre n’était pas un ton de conciliation. Elle a perçu que sa relation avec Mme Howlett était dans une impasse et a constaté que la lettre ne comportait pas d’excuses pour le retard de traitement des 14 griefs déposés contre elle. Elle a déclaré que la lettre a eu des répercussions défavorables sur elle, tant du point de vue personnel que du point de vue professionnel. On lui a imposé un [traduction] « retrait injuste, long et d’une durée indéterminée » de ses fonctions de supervision, lesquelles représentaient « la majeure partie » de ses responsabilités de gestionnaire. Elle a également qualifié de sanction l’exigence de suivre une formation.

46 Pendant le contre-interrogatoire de la fonctionnaire par le défendeur, la fonctionnaire a confirmé que deux employés ont déposé des griefs contre elle pendant que Mme Burkholder était la directrice par intérim et que Mme Burkholder a soustrait des responsabilités de la fonctionnaire les programmes dans lesquels les deux employés travaillaient.

IV. Résumé de l’argumentation

47 À la conférence préparatoire à l’audience, j’ai demandé au défendeur de présenter des preuves et de faire valoir ses arguments en premier pour des motifs essentiellement pratiques. Toutefois, j’ai bien précisé aux parties qu’elles ne devraient pas considérer que mes directives au sujet du déroulement des procédures signifient que le défendeur a le fardeau de la preuve.

A. Pour le défendeur

48 D’après le défendeur, je dois répondre aux deux questions suivantes : 1) La fonctionnaire a-t-elle établi que, selon la prépondérance des probabilités, la lettre du 5 décembre 2007 constituait une mesure disciplinaire? 2) La fonctionnaire a-t-elle établi que la lettre s’est traduite par un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire? Le défendeur prétend que je dois répondre aux deux questions par la négative.

49 La preuve, qui remonte aussi loin que 2004 et 2005, ne révèle aucune intention de la part des représentants du défendeur de prendre une mesure disciplinaire à l’égard de la fonctionnaire. Mme Walsh a tenté de rectifier une situation et d’améliorer ce qui était devenu un milieu de travail malsain. Son témoignage, auquel Mme Kartinen a donné son appui, révélait qu’elle a mis l’accent sur la formation plutôt que sur des mesures disciplinaires. Quand Mme Howlett a fait ses débuts comme directrice régionale, elle n’a pas adopté une approche différente. Elle désirait régler des problèmes qui avaient traîné en longueur. Elle a nié catégoriquement avoir envisagé une mesure disciplinaire. Pour mettre fin à un problème persistant et récurrent, elle a décidé de supprimer temporairement la source du problème, à savoir les fonctions de supervision de la fonctionnaire. Elle n’avait pas à l’esprit de prendre une mesure disciplinaire à l’égard de la fonctionnaire. Même s’il n’incombe pas au défendeur de s’acquitter de la charge de la preuve, il importe de prendre note que le témoignage de Mme Howlett concernant son état d’esprit constitue une preuve digne de foi et contraignante de l’absence d’intention de prendre une mesure disciplinaire, et rien de moins.

50 Pendant son interrogatoire principal et son contre-interrogatoire, Mme Howlett a donné des explications légitimes des mesures qu’elle a prises, dont aucune ne constituait une mesure disciplinaire. Elle a pris une mesure administrative qui s’inscrit dans la prérogative de la direction et qu’un arbitre de grief ne devrait pas approfondir. L’ASPC doit être autorisée à gérer ses opérations, à attribuer et réattribuer des fonctions comme elle le juge indiqué, et à prendre les mesures qui, selon elle, sont nécessaires pour régler des problèmes : Schofield c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2002 CRTFP 47, au paragraphe 18.

51 Le défendeur m’a mentionné Garcia Marin c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2006 CRTFP 16, au paragraphe 85, relativement à la proposition selon laquelle le fait que la fonctionnaire se soit sentie traitée injustement ne constitue pas une preuve de mesure disciplinaire. Garcia Marin soutient également le principe selon lequel un arbitre de grief ne devrait pas intervenir dans des questions relatives à l’organisation du travail ou à l’attribution de fonctions, sauf s’il existe des preuves claires et fortes de mesure disciplinaire déguisée, ce que la fonctionnaire n’a pas établi dans cette affaire.

52 La décision Gingras c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2004 CRTFP 7, reconfirme que le fardeau de la preuve incombe au fonctionnaire. Dans la situation à l’étude dans Gingras, un arbitre de grief a conclu que le retrait d’un diplomate d’une affectation à l’étranger et sa réaffectation à des fonctions à l’administration centrale à Ottawa ne constituaient pas une mesure disciplinaire et ne le privaient pas des avantages rattachés à son affectation à l’étranger. Les mesures prises étaient de nature administrative et ont résulté d’une conduite ou d’un comportement répréhensible (Gingras, aux paragraphes 44 à 46).

53 Le défendeur n’avait rien à gagner en se retranchant derrière une mesure administrative. Il aurait pu facilement avoir recours à une mesure disciplinaire et invoquer la réprimande formulée par M. Ledoux le 27 avril 2007 pour imposer une mesure disciplinaire progressive. Pour les motifs expliqués par Mme Howlett dans son témoignage et dans ses lettres, elle n’a pas opté pour cette possibilité. La dernière phrase de sa lettre datée du 5 décembre 2007 est claire. Il n’y est pas dit que d’« autres » mesures disciplinaires pourraient être prises. Il y est indiqué que [traduction] « […] des mesures disciplinaires pourraient être imposées ». Les préoccupations fondées du défendeur concernant le comportement de la fonctionnaire justifiaient une mesure administrative réfléchie et adéquate qui s’inscrivait dans les pouvoirs du défendeur.

54 Comme la lettre n’est pas de nature disciplinaire, la question de savoir si la fonctionnaire a subi une rétrogradation, une suspension ou une perte ou sanction pécuniaire ne se pose pas. Subsidiairement, même si j’acceptais que la mesure prise par le défendeur est de nature disciplinaire, je devrais être persuadé par la fonctionnaire qu’elle a entraîné l’un des quatre résultats mentionnés à l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP. Il est clair que le licenciement n’est pas un enjeu. Le retrait d’une fonction n’équivaut pas à une suspension. Rien n’établit que le défendeur a rétrogradé la fonctionnaire — au contraire, il a maintenu sa rémunération et son niveau de classification. Enfin, la fonctionnaire n’a pas apporté la moindre preuve pour établir une perte financière ou une sanction pécuniaire.

55 Le fait que les gestes de la fonctionnaire puissent ou non être considérés comme une inconduite ou puissent avoir justifié une mesure disciplinaire ne change rien aux véritables motifs et objectifs du défendeur. Mme Howlett a pris une mesure pour protéger le personnel et pour que le milieu de travail redevienne positif et productif dans l’intérêt du bureau régional. Au bout du compte, la fonctionnaire n’a pas prouvé que les gestes de Mme Howlett équivalaient à une mesure disciplinaire ou que sa décision a entraîné un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire. Par conséquent, je dois conclure que je n’ai pas compétence pour examiner le grief et que je dois donc le rejeter.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

56 La fonctionnaire a contesté la pertinence des décisions invoquées par le défendeur. D’après son argumentation, Schofield devrait être distinguée parce que dans cette affaire, le fonctionnaire était permutant et n’avait pas été nommé « […] à un poste particulier ». Le fonctionnaire dans Garcia Marin n’a jamais fait valoir au cours de la procédure de règlement de grief qu’il était privé de sa rémunération au rendement pour des motifs disciplinaires ou que l’absence de rémunération au rendement constituait une mesure disciplinaire au sens de la loi. En outre, rien ne prouvait qu’une inconduite a joué quelque rôle que ce soit dans la décision de l’employeur. La décision Gingras portait sur des questions d’incompétence et d’incapacité. Il n’y avait pas de « faute de conduite volontaire » –l’élément distinctif de la mesure disciplinaire d’après Evans c. Conseil du Trésor (ministère du Solliciteur général), dossier de la CRTFP 166-02-10226 (19821223).

57 La fonctionnaire soutenait que j’ai compétence pour me pencher sur son grief parce qu’il concerne une suspension ou une sanction pécuniaire au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

58 La fonctionnaire a contesté le défaut de la haute direction d’observer les procédures internes de traitement des griefs. Elle prétendait avoir subi une exclusion et de la diffamation. Le défaut de l’ASPC de régler les griefs en temps opportun a laissé une tache sur sa réputation professionnelle et a causé du tort à ses relations avec ses collègues. Ces dommages ont été amplifiés par l’enquête déficiente et par la sanction qui en a résulté. La fonctionnaire a soutenu que le fait de ne pas entendre le fond de son argumentation constituerait une nuisance.

59 La fonctionnaire m’a renvoyé : 1) aux définitions de « suspend » (suspendre) et de « suspension » (suspension) que renferme la sixième édition du Black’s Law Dictionary, telles qu’elles sont citées dans Marchand et Segall c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-25869 et 25870 (19950120), paragr. 24-25; 2) à la définition de « bad faith » (mauvaise foi) du Black’s Law Dictionary; 3) à un passage de Canadian Labour Arbitration, de Brown et Beatty, au paragraphe 7:4210, qui décrit la nature de la mesure disciplinaire, comme le cite Marchand et Segall, aux paragraphes 20 et 21.

60 Selon la fonctionnaire, la meilleure preuve des motifs du défendeur se trouve dans ses propos et dans ses gestes. La mesure disciplinaire qui lui a été imposée par la lettre du 5 décembre 2007 a constitué le point culminant d’une situation qui durait depuis longtemps et d’une séquence d’événements. La fonctionnaire a soutenu que les éléments suivants situent la lettre en contexte et, considérés comme une tendance, révèlent que les motifs du défendeur sont de nature disciplinaire : 1) sa suspension des fonctions du poste de gestionnaire de section, Développement de l’enfant en santé, en septembre 2003 à la suite d’allégations formulées contre elle par 14 employés; 2) la décision de ne pas permettre à la fonctionnaire de prendre part à l’Initiative EE à la suite de la recommandation de M. Ledoux et de Mme Howlett, directement liée au [traduction] « […] nombre important de problèmes de relations de travail non réglés […] »; 3) les tentatives de Mme Howlett faites en janvier et en février 2007 de modifier le titre de l’emploi et les fonctions de la fonctionnaire; 4) la décision prise par M. Ledoux en février 2007 de suspendre la fonctionnaire pour une période de sept semaines, accompagnée d’une ordonnance imposant le silence, après que la fonctionnaire a déposé un grief à l’encontre de Mme Howlett; 5) l’obtention par Mme Howlett d’un accès au compte de courrier électronique de la fonctionnaire pendant la suspension; 6) les conditions restrictives imposées à la fonctionnaire lorsqu’elle est revenue au travail après la suspension; 7) la réception par la fonctionnaire d’une lettre de réprimande de M. Ledoux trois ou quatre jours après son retour; 8) la décision de Mme Howlett d’annuler une réunion concernant le PDR de la fonctionnaire au même moment où la fonctionnaire a envoyé son grief à l’encontre de Mme Howlett au dernier palier; 9) l’incident de l’affichage sur le babillard électronique d’un avis d’une réunion concernant les griefs de harcèlement à l’encontre de la fonctionnaire, et le défaut de présenter des excuses de la part de Mme Howlett. La fonctionnaire a décrit chacune des situations ci-dessus en détail en faisant ressortir ses propres efforts en vue de trouver des solutions volontaires (qui ont essuyé un refus), l’omission répétée par le défendeur de permettre à la fonctionnaire de bénéficier de l’application régulière de la loi et d’une audition juste, sa mauvaise foi continue, et les conséquences défavorables pour elle pendant la séquence des événements, tant sur le plan personnel que professionnel.

61 La fonctionnaire a fait valoir la pertinence des décisions suivantes : Bédirian c. Conseil du Trésor (Justice Canada), 2002 CRTFP 89; Tse c. Federal Express Canada Ltd., 2005 CF 599; Canada (Procureur général) c. Bédirian, 2007 CAF 221; Marchand et Segall; Nolan c. Conseil du Trésor (Santé et Bien-être Canada), dossier de la CRTFP 166-02-25229 (19940908); Gaw c. Conseil du Trésor (Service national de libération conditionnelle), dossier de la CRTFP166-02-3292 (19780220); Guay c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Impôt), dossier de la CRTFP 166-02-24899 (19950217); Canada (Procureur général) c. Grover,2007 CF 28; Canada (Procureur général) c. O’Leary, 2008 CF 212; Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176.

62 La fonctionnaire a soutenu que je devrais appliquer la formule en six points de Bédirian, 2002 CRTFP 89, au paragraphe 401, pour déterminer s’il y a eu conduite répréhensible dans une décision disciplinaire relative à la décision de M. Ledoux de lui donner une réprimande écrite.

63 D’après la fonctionnaire, Tse établit, aux paragraphes 19 à 22, trois critères d’équité procédurale qui s’appliquent à toute enquête. Comme l’ASPC a omis pendant une longue période d’enquêter adéquatement sur les faits qui entourent les 14 griefs contre la fonctionnaire, sa décision « administrative » devrait être considérée comme une mesure disciplinaire.

64 La décision Bédirian, 2007 CAF 221, au paragraphe 23, citant Bédirian c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1239, appuie la proposition selon laquelle la mesure disciplinaire qui résulte d’une enquête et d’une procédure déficientes ne peut satisfaire au critère de la conduite juste d’un employé. Dans le cas de la fonctionnaire, il n’était pas approprié pour Mme Howlett d’entendre les 14 griefs « au deuxième palier » et elle ne peut non plus être considérée comme impartiale dans ses rapports avec la fonctionnaire. La fonctionnaire a déposé un grief contre elle, et elle [traduction] « […] a répliqué par une mesure disciplinaire et une affectation ». Le défendeur a refusé de s’acquitter de son obligation ou de « certaines obligations contractuelles » pour régler son grief. Il n’y a eu ni enquête, ni date d’audience, ni décision.

65 La fonctionnaire a relevé de nombreuses phrases et mentions dans la lettre du 5 décembre 2007 qui, selon elle, présentent les caractéristiques d’une mesure disciplinaire imposée sur la base d’une inconduite, d’une faute de conduite volontaire et d’un comportement ou de pratiques inacceptables.

66 La fonctionnaire a fait valoir qu’un retrait de ses fonctions peut constituer une mesure disciplinaire qui s’inscrit dans la compétence d’un arbitre de grief même si la suspension est une suspension avec rémunération : voir Nolan et Gaw. Si des responsabilités professionnelles importantes sont retirées, un arbitre de grief peut conclure à l’existence d’une suspension : Guay et Evans. Le concept de la suspension englobe également la substitution des fonctions régulières d’un employé par des fonctions de niveau inférieur : Guay et Nolan. L’élément central devrait être l’existence de la faute de conduite volontaire. Si un employé se voit refuser la possibilité d’exercer l’ensemble de ses fonctions en raison d’une faute de conduite volontaire, le retrait de ses fonctions représente une mesure disciplinaire : Evans.

67 La fonctionnaire a soutenu qu’il n’est pas loisible au défendeur de faire valoir qu’il n’y avait pas de mesure disciplinaire parce qu’il n’a pas utilisé l’expression « mesure disciplinaire » dans la lettre du 5 décembre 2007 : Nolan et Gaw. Elle a prétendu que le concept de « mesure disciplinaire déguisée » est un facteur nécessaire et bien connu qui permet à un arbitre de grief de regarder au-delà du geste pour déterminer l’intention réelle.

68 Dans Grover, l’analyse de la Cour fédéralerévèle qu’un arbitre de grief doit examiner les faits et les circonstances connexes et l’objet ainsi que l’effet des gestes de l’employeur. L’arbitre de grief doit évaluer le fond d’une décision plutôt que sa forme.

69 La décision O’Leary révèle qu’il importe d’examiner les motifs ou les raisons qui sous-tendent les gestes des parties avant qu’une mesure disciplinaire ne soit prise. La bonne foi doit être appliquée et la façon d’exercer le pouvoir discrétionnaire représente un indicateur important à cet égard. Il est également pertinent de se pencher sur les effets des gestes posés par un employeur sur un employé, notamment sur les effets préjudiciables immédiats et les effets sur les perspectives professionnelles.

70 La décision Frazee souligne également l’importance d’évaluer l’objet et l’effet d’une décision. La caractéristique essentielle d’une mesure disciplinaire est l’intention de corriger le comportement répréhensible d’un employé.

C. Réfutation du défendeur

71 Le défendeur a soutenu que le retrait d’une fonction en particulier n’équivaut pas à une suspension.

72 Le défendeur a fait observer que la fonctionnaire n’a présenté aucune preuve sur la façon dont la suspension a eu impact sur elle et sur le moment de cet impact. Mme Howlett a déclaré que le poste de la fonctionnaire comportait toujours des fonctions et des responsabilités importantes et qu’elle s’attendait à ce que la fonctionnaire revienne, s’acquitte de ces fonctions et apporte une contribution productive. La fonctionnaire n’était même pas à l’ASPC en 2007. Elle était plutôt en affectation à Santé Canada jusqu’en octobre 2008.

73 En ce qui concerne certains des incidents survenus au cours de la séquence des événements décrite par la fonctionnaire, le défendeur a fait valoir les arguments suivants : 1) Mme Howlett a nié catégoriquement sous serment la proposition selon laquelle M. Ledoux voulait voir la fonctionnaire quitter l’ASPC; 2) les fonctions de la fonctionnaire n’ont pas été modifiées en janvier et en février 2007, et le changement de titre de l’emploi était seulement temporaire; 3) il n’y a pas de preuve que le défendeur ait même envisagé la soi-disant suspension de 7 semaines de la fonctionnaire comme une suspension disciplinaire avec rémunération; 4) quoi qu’il en soit, je ne suis pas saisi de la mesure prise par M. Ledoux; 5) Mme Howlett a expliqué la décision de M. Ledoux en mentionnant que la crainte de la fonctionnaire d’être au travail en la présence de Mme Howlett constituait le fondement de 1 des 41 allégations formulées par la fonctionnaire contre Mme Howlett; 6) rien ne repose sur le temps qu’il a fallu au défendeur pour répondre aux 14 griefs déposés contre la fonctionnaire.

74 Le défendeur a établi des distinctions relativement à plusieurs des décisions invoquées par la fonctionnaire de la façon suivante : 1) les exigences procédurales décrites dans Tse s’appliquent à un enquêteur impartial et non à un employeur; 2) les circonstances dans Marchand et Segall différaient en ce sens que l’employeur a retiré toutes les fonctions au fonctionnaire et l’a suspendu avec rémunération; 3) la décision Nolan porte sur une véritable suspension; 4) il n’y a pas de preuve que le défendeur a attribué des fonctions de niveau inférieur à la fonctionnaire comme dans Guay; 5) O’Leary est une décision sur le bien-fondé d’une mesure disciplinaire, et non sur la compétence d’un arbitre de grief; 6) Frazee règle la question soulevée dans Guay et Evans en concluant que l’analyse devrait être centrée sur la nature des fonctions qui restent, tandis que d’autres sont retirées, plutôt que sur les fonctions retirées.

V. Motifs

75 Dans la mesure où le fardeau de la preuve incombe au défendeur dans cette affaire, il faut d’abord justifier sa prétention selon laquelle la lettre du 5 décembre 2007 de Mme Howlett constituait, à première vue, une mesure administrative plutôt qu’une mesure disciplinaire. Je conclus que le défendeur a produit une preuve adéquate à cet effet, constituée essentiellement de la lettre elle-même. L’auteure n’utilise pas l’expression « mesure disciplinaire ». Elle relève un comportement inacceptable de la part de la fonctionnaire, mais ne conclut pas formellement qu’il y a eu inconduite. La lettre fait état de plusieurs mesures visant à corriger les gestes « non professionnels et irrespectueux » qui auraient été posés par la fonctionnaire, mais n’impose pas ce qui serait normalement reconnu comme une sanction disciplinaire. Au-delà du contenu de la lettre, Mme Howlett a affirmé clairement qu’elle n’entendait pas imposer de mesure disciplinaire lorsqu’elle a envoyé la lettre et qu’elle la considérait plutôt comme une mesure administrative.

76 Pour contrer cette preuve, il incombe à la fonctionnaire d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, le défendeur a effectivement imposé une mesure disciplinaire dans sa lettre du 5 décembre 2007 et que la nature de la mesure disciplinaire en fait une question qui pourrait être renvoyée à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP

77 Il s’agit donc, pour l’essentiel, d’un argument fondé sur l’existence d’une mesure disciplinaire déguisée. La fonctionnaire a fait valoir que je dois regarder au-delà de la représentation, par le défendeur, de la lettre du 5 décembre 2007 comme mesure administrative pour découvrir sa véritable nature. Son argumentation repose dans une large mesure sur la proposition selon laquelle le caractère disciplinaire de la lettre devient apparent lorsqu’il est considéré en regard de l’historique de son dossier au cours des quatre années précédentes. À compter de 2003, lorsque 14 employés ont déposé des griefs contre elle, la fonctionnaire soutient que l’ASPC l’a constamment traitée de manière inéquitable, a laissé non résolues des accusations non fondées, lui a nié ses droits procéduraux fondamentaux et lui a imposé des sanctions disciplinaires non justifiées. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, elle a soutenu que les gestes du défendeur ont constitué une campagne concertée pour miner son rôle et son autorité comme gestionnaire et, finalement, pour la retirer de son lieu de travail. Le retrait de ses responsabilités de supervision en décembre 2007 s’inscrivait dans cette campagne. D’après la fonctionnaire, il s’agissait d’une mesure disciplinaire injustifiée qui a résulté d’une enquête viciée sur les griefs déposés contre elle.

78 Mon analyse de ma compétence d’examiner le premier grief repose entièrement sur l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP. Cette disposition est ainsi rédigée :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

En vertu de cet alinéa, je dois être persuadé, selon la prépondérance des probabilités, que la lettre du 5 décembre 2007 constituait « une mesure disciplinaire » et qu’elle a entraîné « […] le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire […] » pour accepter que j’ai compétence pour régler le premier grief. Si je conclus que la lettre n’était pas une mesure disciplinaire, il n’y a pas lieu d’aller plus loin. Si je conclus que la lettre n’a pas entraîné un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire, l’affaire se termine également. Dans l’un ou l’autre cas, je n’aurais pas compétence pour continuer, et le premier grief ne serait pas accueilli.

79 La preuve qui m’a été présentée illustre certes une relation trouble entre la fonctionnaire et les représentants du défendeur. Certains éléments de cette preuve soulèvent raisonnablement certaines préoccupations concernant, par exemple, le temps qu’il a fallu à l’ASPC pour tirer des conclusions au sujet des 14 griefs déposés contre la fonctionnaire en 2003 et de la façon dont cette enquête a été menée. Toutefois, la question de la compétence ne repose pas sur ces genres de préoccupations. Avec égards pour l’affirmation de la fonctionnaire selon laquelle elle a été traitée injustement pendant une longue période et selon laquelle elle n’a pu bénéficier de l’équité procédurale, son récit ne modifie pas une réalité essentielle. Même si je devais statuer que la lettre du 5 décembre 2007 constituait une mesure de nature disciplinaire plutôt qu’administrative, la preuve ne me permet pas de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la lettre a entraîné un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire. Elle pourrait tout au plus être considérée comme une lettre de réprimande, et je n’ai pas compétence sur cette question.

80 En termes plus précis, la preuve a établi que la fonctionnaire a continué pendant la période en question d’être employée à l’ASPC, quoiqu’elle ait parfois été en détachement dans d’autres organisations. La fonctionnaire n’a jamais été licenciée et n’a pas formulé une telle allégation.

81 Le défendeur n’a jamais rétrogradé la fonctionnaire. Bien que celle-ci ait manifestement considéré que le retrait de ses responsabilités de gestion ou de supervision à plusieurs reprises a porté atteinte à son statut dans son milieu de travail, la preuve a établi clairement que l’ASPC ne l’a jamais nommée à un poste officiellement classifié à un niveau inférieur. Le pouvoir d’un administrateur général de rétrograder un employé lui est conféré par l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (la « LGFP ») dans les termes suivants :

12.(1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable,

[…]

c) établir des normes de discipline et prescrire des mesures disciplinaires, y compris le licenciement, la suspension, la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur et les sanctions pécuniaires;

[…]

Par définition, une décision de rétrograder un employé doit placer cet employé dans « […] un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur […] ». En l’espèce, la preuve établissait que la fonctionnaire est demeurée au groupe et au niveau PM-06 après la lettre du 5 décembre 2007. La lettre elle-même mentionne explicitement que la fonctionnaire [traduction] « […] demeurera à [ses] groupe et niveau actuels […] ». Elle ne peut prétendre avoir été rétrogradée.

82 Le défendeur a-t-il suspendu la fonctionnaire? La fonctionnaire m’a renvoyé aux définitions de « suspend » (suspendre) et « suspension » (suspension) du Black’s Law Dictionary, citées dans Marchand et Segall, aux pages 24 et 25 :

[Traduction]

[…]

[Le] Black’s Law Dictionary, sixième édition, définit comme suit le verbe anglais « suspend » :

Interrompre, faire cesser pour un certain temps; remettre; surseoir, retarder ou entraver; cesser temporairement mais dans l’attente ou en vue d’une reprise. Comme forme de blâme ou de mesure disciplinaire, interdire à un fonctionnaire, un avocat, un employé ou un ecclésiastique d’exercer ses fonctions pendant une période plus ou moins définie.

Remettre à plus tard (une sentence judiciaire). Causer un arrêt temporaire (du travail d’un employé); mettre à pied.

Le même dictionnaire définit comme suit le substantif « suspension » :

Un arrêt temporaire, un retard temporaire, une interruption ou une cessation. Ainsi, on parle de la suspension du bref d’habeas corpus, d’une loi, du pouvoir d’aliéner une propriété, d’une personne dans l’exercice de ses fonctions, etc.

Une coupure ou une interdiction temporaire (des privilèges de sa profession).

Le retrait ou la cessation temporaire d’emploi, à distinguer de la séparation permanente réalisée par destitution; la « destitution » est toutefois un terme plus général qui peut à l’occasion comprendre la suspension.

[…]

La fonctionnaire m’a également mentionné des décisions comme les décisions Nolan, Gaw, Guay et Evans censément parce qu’elles appuient les deux propositions suivantes : 1) un retrait de fonctions ou de responsabilités professionnelles importantes peut constituer une mesure disciplinaire qui s’inscrirait dans la compétence d’un arbitre de grief; 2) la substitution des fonctions régulières d’un employé par des fonctions de niveau inférieur est une suspension. D’après la fonctionnaire, je devrais conclure que le défendeur l’a suspendue au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP parce qu’il lui a refusé la possibilité d’exercer tout l’éventail de ses fonctions en raison d’une « faute de conduite volontaire » de sa part.

83 Rien dans la preuve n’établit que le défendeur a destitué la fonctionnaire de son milieu de travail à la suite de la lettre du 5 décembre 2007. Il n’y a pas eu d’interruption temporaire de l’exigence selon laquelle elle devait exercer ses fonctions pour l’ASPC de la façon habituellement associée à une suspension. Il n’y a pas eu d’arrêt, de retard, d’interruption ou de cessation de travail. En ce sens, je conclus que les gestes posés par le défendeur en l’espèce s’inscrivent dans les définitions offertes dans le Black’s Law Dictionary. De fait, la lettre mentionne que [traduction] « […] de nouvelles fonctions seront attribuées à [la fonctionnaire] […] ». Pour que l’argumentation de la fonctionnaire soit retenue, je dois plutôt accepter que le geste de retirer certaines fonctions — ses responsabilités de supervision — équivalait à une suspension.

84 J’ai étudié la jurisprudence citée par la fonctionnaire pour appuyer son argumentation sur ce point. J’estime que Nolan peut être distinguée facilement. Dans cette décision, l’arbitre de grief a qualifié le geste de l’employeur dans cette affaire de suspension de nature disciplinaire plutôt que de mesure administrative, mais il l’a fait en se fondant sur des faits qui étaient très différents de ce qui est arrivé à la fonctionnaire le 5 décembre 2007 ou après cette date. L’arbitre de grief a résumé ce qui s’est produit de la façon suivante (aux pages 26 et 27) :

[…]

[…] le fonctionnaire s’estimant lésé a été, sans ménagement, relevé de ses fonctions, a reçu l’ordre de quitter son bureau sur-le-champ, de remettre les clés de son bureau, de ne communiquer avec aucun employé du bureau ou client de l’industrie, de ne pas se présenter au bureau sans autorisation expresse et a été informé qu’une « enquête » le concernant était en cours, mais sans pouvoir obtenir des précisions sur la nature ou l’origine des « plaintes » formulées à son endroit. Au moment de l’audience, cela faisait déjà quelque onze mois qu’il était tenu éloigné de son travail. À la lumière de la preuve produite, je suis convaincu que les motifs de l’employeur étaient de nature punitive et je ne puis qualifier autrement que de disciplinaire la mesure prise à l’égard du fonctionnaire s’estimant lésé.  

[…]

85 Dans Gaw, la principale question en litige consistait à déterminer si une suspension avec rémunération constituait une mesure disciplinaire. La question de savoir s’il y avait effectivement une suspension n’était pas contestée. Aux termes du libellé explicite de la lettre de l’employeur au fonctionnaire dans Gaw, le fonctionnaire a été « […] suspen[du] de [ses] fonctions […] » et s’est fait « […] interdi[re] l’accès au bureau […] pour y mener toute affaire […] » (page 8). La fonctionnaire n’a pas fait face à cette situation dans la présente affaire.

86 Dans Guay, la question soumise à l’arbitre de grief consistait à déterminer si « […] la notion de suspension […] comprend le remplacement des fonctions ordinaires du fonctionnaire par les fonctions d’un poste de niveau inférieur sans diminution concomitante de la rémunération […] » (page 16). Encore une fois, la situation factuelle dans la présente affaire est sensiblement différente. Selon moi, la fonctionnaire n’a pas établi que les fonctions qui lui ont été attribuées par le défendeur dans la foulée de la lettre du 5 décembre 2007 étaient les « […] fonctions d’un poste de niveau inférieur […] ».

87 Dans Evans, l’employeur a démis l’employé « […] de toutes ses fonctions d’agent des services correctionnels […] » qui « […] [à] partir de ce moment […] n’a jamais exécuté les tâches d’un agent correctionnel à l’intérieur du pénitencier […] » (paragraphe 31). Sur cette base, il convient également d’établir une distinction d’avec Evans.

88 Bien que l’on puisse imaginer qu’il peut y avoir des circonstances dans lesquelles le retrait des fonctions d’un employé est tellement considérable ou mine de manière si fondamentale le statut de l’employé en milieu de travail qu’il a un effet qui se compare étroitement à une suspension, les faits de la présente affaire ne m’ont pas convaincu qu’un tel seuil a été franchi. Le défendeur possédait le pouvoir d’attribuer ou de réattribuer des fonctions. Il a retiré certaines fonctions à la fonctionnaire – la preuve ne montre pas dans quelle proportion –, mais la fonctionnaire a continué d’exercer des fonctions du même groupe et du même niveau dans la foulée de la lettre du 5 décembre 2007. En l’absence d’autres preuves claires de la manière dont la lettre a affecté la fonctionnaire d’une façon qui en fait l’équivalent d’une suspension de ses fonctions, je dois conclure que la fonctionnaire n’a pas prouvé qu’elle a été suspendue au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

89 La fonctionnaire n’a pas établi qu’elle a subi une sanction pécuniaire. La lettre du 5 décembre 2007 établit directement que la fonctionnaire [traduction] « […] ne subira pas de conséquences financières […] ». La fonctionnaire croit à n’en pas douter que les gestes du défendeur ont porté préjudice, peut-être de manière irrévocable, à sa carrière. Elle a peut-être des motifs de le croire. Toutefois, il ne suffit pas de spéculer sur l’impact de la lettre du 5 décembre 2007 sur sa carrière pour établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a subi une sanction pécuniaire au sens de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP. Il faut au moins que des preuves claires et tangibles d’une sanction pécuniaire ou d’une perte financière quantifiable, actuelle ou future, aient été fournies. Tel n’a pas été le cas.

90 Bref, je conclus que la fonctionnaire n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités que la lettre du 5 décembre 2007 du défendeur a entraîné un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire. Par conséquent, si je devais conclure que la lettre du 5 décembre 2007 était de nature disciplinaire, elle ne pourrait s’inscrire dans le type de mesure disciplinaire sur laquelle un arbitre de grief a compétence en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP. Je pourrais peut-être être fondé de caractériser la lettre du 5 décembre 2007 comme une réprimande écrite, mais pas plus.

91 Cette conclusion suffit pour accueillir l’objection du défendeur à l’exercice de ma compétence. L’objet du grief ne tombe pas sous le coup de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

92 La fonctionnaire a cité un certain nombre d’autres décisions pour me convaincre que l’historique de son dossier établit clairement que le défendeur avait l’intention de lui imposer une mesure disciplinaire lorsqu’il a envoyé la lettre du 5 décembre 2007. Bien que ce ne soit pas nécessaire dans le cadre de ma décision, j’aimerais traiter brièvement de certaines de ces décisions.

93 La fonctionnaire prétend que je devrais appliquer la formule en six points énoncée dans Bédirian, 2002 CRTFP 89, à la décision de M. Ledoux de lui adresser une réprimande écrite. D’abord, et bien évidemment, je ne décide rien en l’espèce au sujet de quelque mesure que ce soit prise par M. Ledoux. La preuve révèle que la décision communiquée dans la lettre datée du 5 décembre 2007 était celle de Mme Howlett. Il s’agissait d’une décision séparée et distincte des décisions prises par M. Ledoux en février 2007 de mettre la fonctionnaire en « congé administratif » et de lui adresser une réprimande écrite le 27 avril 2007. Même si je devais accepter qu’il existe un lien direct entre les gestes de M. Ledoux et la lettre du 5 décembre 2007 de Mme Howlett, la formule en six points appliquée dans Bédirian n’est guère pertinente. Cette formule était conçue à une fin spécifique et différente. Tel qu’il est indiqué clairement aux paragraphes 366 et 367 de cette décision, où ont d’abord figuré les six points, la formule est soulevée dans une affaire portant sur la crédibilité d’une enquête en matière de harcèlement sexuel. Ces points sont les suivants :

[…]

a) Est-ce que la totalité de la preuve entourant la conduite reprochée a été obtenue, considérée et évaluée?

b) Est-ce que la preuve a démontré de façon claire, concise, solide et convaincante que les actes reprochés ont bel et bien été commis?

c) Est-ce que la conduite reprochée consistait en des gestes ou paroles persistants et répétitifs ou est-ce que l’on parle d’un acte grave?

d) Est-ce que la version respective de la victime alléguée et celle de la personne visée par la plainte est croyable en soi ayant apprécié tous les faits, et si oui, quelle version est la plus croyable d’après la prépondérance des probabilités?

e) Est-ce que la version est compatible avec ce que reconnaîtrait d’emblée une personne pratique et informée qui se trouverait dans ce lieu et dans ces conditions?

f) En examinant tous les faits entourant la conduite reprochée, est-ce que la personne raisonnable ressentirait que la conduite visée est reprochable, non désirée, et de nature sexuelle?

[…]

94 La fonctionnaire a fait valoir que les trois critères d’équité procédurale établis dans Tse devraient être appliqués pour juger l’enquête du défendeur sur les 14 griefs déposés contre elle. La décision de la Cour fédérale dans Tse avait trait aux critères d’équité procédurale auxquels une instance décisionnelle quasi judiciaire – dans ce cas, la Commission canadienne des droits de la personne – doit satisfaire pour statuer sur une plainte. Les mêmes critères ne s’appliquent pas nécessairement, ou ne s’appliquent peut-être pas dans la même mesure, à une enquête disciplinaire menée par un employeur. Quoi qu’il en soit, il m’incombe en l’espèce de statuer sur la question préliminaire de la compétence. À cette fin, la nature de l’enquête disciplinaire menée par le défendeur relativement aux 14 griefs n’est pas directement pertinente.

95 Des décisions comme Grover, O’Leary et Frazee comportent des éléments d’orientation importants. Elles soulignent de différentes façons qu’une instance décisionnelle devrait procéder à un examen général du contexte dans lequel une décision est prise pour établir la preuve d’une intention disciplinaire et de ses effets disciplinaires. Comme j’ai statué que je n’ai pas compétence en l’espèce parce que la fonctionnaire n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la lettre du 5 décembre 2007 a entraîné un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire, je ne suis pas tenu de répondre à ce qui constitue souvent la question préalable : le défendeur a-t-il pris une mesure disciplinaire à l’égard de la fonctionnaire? Par conséquent, les décisions Grover, O’Leary, Frazee et autres décisions semblables n’ont pas joué un rôle important dans mon analyse.

96 En attendant de rendre mon jugement dans la présente décision, j’ai mis en suspens le deuxième grief. Ce faisant, je mets aussi de côté temporairement l’argument du défendeur selon lequel le deuxième grief traite de la même question que celle qui a été soulevée dans le premier grief, selon lequel le sujet du grief ne s’inscrit pas dans la compétence d’un arbitre de grief et selon lequel il devrait, par conséquent, être rejeté sans audience.

97 En vertu du pouvoir conféré à un arbitre de grief par l’article 227 de la LRTFP, j’ai décidé de me pencher sur l’objection du défendeur à ma compétence relativement au deuxième grief en procédant au moyen d’arguments écrits. Si je conclus que ces arguments ne suffisent pas pour me permettre de trancher la question, ou s’ils révèlent un désaccord sur les faits qui s’appliquent de façon pertinente à ma décision et qui ne peut être réglé sans entendre des témoignages, je pourrais ordonner la tenue d’une audience.

98  Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

99 Je déclare que je n’ai pas compétence pour entendre le premier grief et j’ordonne que le dossier de la CRTFP 566-02-1930 soit fermé.

100 Les parties seront contactées au sujet du calendrier de présentation des arguments écrits sur la compétence d’un arbitre de grief de se saisir du deuxième grief (dossier de la CRTFP 566-02-2868).

Le 26 février 2010.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
arbitre de grief

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