Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demande du fonctionnaire s’estimant lésé de reporter ses crédits de congé annuel inutilisés n’a été accueillie qu’en partie et on lui a fourni une formule de demande de congé lui enjoignant de prendre ses congés avant la fin de l’exercice - il a déposé un grief - la convention collective précisait que les employés sont censés prendre tous leurs congés annuels pendant l’exercice au cours duquel ils les acquièrent - la convention collective contenait une disposition générale sur le report des crédits de congé annuel, mais non une disposition sur le report limitée dans le temps - l’arbitre de grief a conclu que les employés ont le droit de reporter des crédits de congé annuel à l’exercice suivant seulement lorsque l’employeur a refusé une demande de congé précise d’un employé. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la
fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-01-05
  • Dossier:  566-02-1171
  • Référence:  2010 CRTFP 3

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JEROME A. CLOUTHIER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Clouthier c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michel Paquette, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Krista Devine, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Virginie Emiel-Wildhaber, Secrétariat du Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 4 et 27 mai et le 4 juin 2009.
(Traduction de la CRTFP.)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Les fonctionnaires s'estimant lésés (les « fonctionnaires ») Jerome Clouthier, Richard Wayne Nieradka (dossier de la CRTFP 166-02-37400), Marcel St. Amand (dossier de la CRTFP 166-02-34054), Mark Walsh (dossier de la CRTFP 166-02-36580), Shirley Miller (dossier de la CRTFP 566-02-574), Glen Johnston (dossier de la CRTFP 566-02-2121), Brian D. Mann (dossier de la CRTFP 566-02-2122) et Randy Walker (dossier de la CRTFP 566-02-2299), tous des employés du ministère de la Défense nationale (l’« employeur »), ont déposé huit griefs entre février 2003 et février 2007. Les huit griefs portent sur l’interprétation et l’application des dispositions sur le congé annuel des conventions collectives du groupe Services techniques (TC), qui ont expiré le 21 juin 2003 et le 21 juin 2007, du groupe Services de l’exploitation (SV), qui ont expiré le 4 août 2003 et le 4 août 2007, de même que de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration (PA), qui a expiré le 20 juin 2003. Les parties ont accepté de soumettre un exposé conjoint des faits et des arguments écrits aux fins de la présente instance.

II. Résumé de la preuve

2 Dans cette partie de la décision, je reproduis intégralement les paragraphes pertinents de l’exposé conjoint des faits concernant le fonctionnaire, qui sont libellés comme suit :

[Traduction]

[…]

b)      Jerome Clouthier

La convention collective applicable [dossier de la CRTFP 566-02-1171] est celle qui a été conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada à l’égard du groupe Services de l’exploitation et qui a expiré le 4 août 2007 (pièce 34).

Le fonctionnaire occupe le poste de mécanicien industriel (GL-MAM-09) à la BFC Petawawa. La convention collective a préséance sur l’application d’une politique. La convention collective confère à l’employeur le droit de déterminer les périodes de congés annuels selon les modalités décrites aux clauses 35.05 i), ii), iii) et iv). La convention collective reconnaît aussi à l’employé le droit de faire reporter ses crédits de congé annuel conformément à la clause 35.11. Afin de faciliter l’application des dispositions de la convention collective, l’employeur a établi une politique datée du 23 février 2005, signée par le lieutenant colonel D.A. Rundle, commandant de la BFC Petawawa, et intitulée « [traduction] Administration des congés annuels — employés civils » (pièce 35).

Le 7 septembre 2005, le fonctionnaire s’est fait offrir à titre temporaire le poste d’inspecteur des marchés de services par intérim (C 01) pour la période allant du 19 septembre au 10 novembre 2005 (pièce 36).

Le 23 février 2006, le fonctionnaire a présenté une demande de report de crédits de congé annuel (pièces 37(a) et 37(b)).

Le 7 mars 2006, le fonctionnaire a reçu un courriel du sergent D. Maclnnis (pièce 38) l’informant que le report de 40 heures de congé annuel était autorisé mais que le report des 80 autres heures ne l’était pas. Il a également reçu une formule de demande de congé signée par l’adjum Sutton lui enjoignant de prendre 80 heures de congé durant la période du 14 au 24 mars 2006 (pièce 39). Le fonctionnaire a également pris huit (8) heures de congé annuel le 31 mars 2006 (pièce 40).

Le fonctionnaire a déposé un grief le 29 mars 2006 (pièce 42).

La réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs a été rendue le 18 avril 2006 par le capitaine B.R. Mumford (pièce 43).

La réponse au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs a été rendue le 16 mai 2006 par le major K.T. Taylor (pièce 44).

La réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, rejetant le grief, a été rendue le 8 mars 2007 par Susan Harrison, directrice générale par intérim des Relations de travail et de la rémunération (pièce 45).

[…]

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

3 La représentante des fonctionnaires indique que chaque fonctionnaire a demandé que ses crédits de congé annuel accumulés soient reportés à l’année de congé annuel suivante. Dans chaque cas, l’employeur a refusé de reporter les congés ou une portion de ceux-ci; il a ensuite fixé unilatéralement les dates et la durée du congé annuel.

4 Les fonctionnaires contestent le refus de l’employeur de les autoriser à reporter leurs crédits de congé annuel ainsi que sa décision ultérieure de déterminer unilatéralement leurs périodes de congés. Il est important de signaler que le nombre de crédits de congé annuel dont chaque fonctionnaire demande le report ne dépasse pas le nombre maximal prévu par chaque convention collective applicable.

5 Les griefs ont été déposés aux termes de diverses conventions collectives, mais ont été instruits ensemble, puisqu’ils portent tous sur le conflit entre le droit de l’employeur de déterminer les périodes de congés annuels et le droit des fonctionnaires de reporter leurs crédits de congé annuel accumulés, et puisqu’ils sont basés sur des dispositions similaires ou identiques des conventions collectives en question.

6 La représentante des fonctionnaires aborde en premier lieu la question du droit des fonctionnaires de faire reporter leurs crédits de congé. Le congé annuel est un avantage acquis en fonction de la durée du service du fonctionnaire, qui devrait dès lors en bénéficier soit en le prenant, soit en se le faisant payer en argent. Les conventions collectives sur lesquelles les griefs sont fondés le reconnaissent, puisqu’elles prévoient toutes l’accumulation, l’attribution, le report et, finalement, l’épuisement des crédits de congé annuel.

7 Chaque partie reconnaît l’importance du congé annuel pour les employés et chaque partie les encourage à utiliser leurs crédits de congé annuel accumulés. La possibilité pour les employés de prendre un congé annuel au moment et de la durée qu’ils préfèrent est d’une grande importance pour eux et leur permet de se prévaloir de cet avantage comme bon leur semble. La possibilité de reporter des crédits de congé peut servir plusieurs fins, puisque l’employé peut avoir été incapable de prendre ces congés durant l’exercice écoulé.

8 Chaque convention collective stipule que l’année de congé annuel s’étend du 1er avril au 31 mars de l’année suivante et renferme des dispositions autorisant l’avance de crédits de congé. Exiger qu’aucun crédit de congé annuel ne soit reporté oblige les employés à utiliser leurs crédits de congé soit à l’avance, soit très peu de temps après les avoir acquis. Les faits des présents griefs révèlent que l’employeur n’a pas respecté l’obligation qui lui est faite par les dispositions des conventions collectives sur le report de crédits de congé annuel. Il n’a pas autorisé les fonctionnaires à reporter leurs crédits de congé annuel inutilisés sur demande à la fin de l’exercice. Au lieu de tenter de répondre favorablement à leurs demandes individuelles, l’employeur semble avoir adopté une approche générale consistant à rejeter systématiquement toutes les demandes parce qu’il est tout simplement en désaccord avec le principe du report de congés, et cela en dépit du fait que les conventions collectives autorisent le report de la portion inutilisée des crédits de congé annuel.

9 Le libellé des conventions collectives est limpide. Chacune stipule que la portion inutilisée des crédits de congé annuel « sera reportée ». Il s’agit là d’une obligation et non pas d’une mesure discrétionnaire.

10 Cependant, dans ses documents de principe, l’employeur semble prétendre que les employés n’ont pas le droit de faire reporter leurs crédits de congé annuel inutilisés. Il réitère en outre dans ses réponses aux demandes individuelles de report des crédits de congé annuel qu’aucun report n’est autorisé. Un solde de zéro crédit de congé annuel à la fin de l’exercice semble être son objectif.

11 Cette optique fait en sorte qu’aucun employé n’accumule de « banque » de crédits de congé et encore moins des crédits jusqu’à concurrence du maximum prévu par les conventions collectives. Elle équivaut à un refus général et n’est pas compatible avec l’obligation qui est imposée à l’employeur de faire tout effort raisonnable pour accorder le congé annuel conformément aux désirs des employés. Les fonctionnaires soutiennent que cette optique contrevient aux dispositions de la convention collective. Ils demandent que leurs désirs soient respectés et que le report des crédits de congé annuel soit autorisé jusqu’à concurrence des maximums prévus par leurs conventions collectives respectives.

12 Le libellé de chaque convention collective est le même pour toutes les dispositions sur le report des crédits de congé annuel, sauf quant au maximum des crédits pouvant être reportés. Les mots « auquel il ou elle a droit » sont employés dans chaque convention. Par exemple, la clause 38.08a) de la convention du groupe TC dit ceci :

[…]

          38.08

a) Lorsqu’au cours d’une année de congé annuel, un employé n’a pas épuisé tous les crédits de congé annuel auquel il ou elle a droit, la portion inutilisée des crédits de congés annuels jusqu’à concurrence de deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures sera reportée à l’année de congé annuel suivante […]

[…]

13 La représentante des fonctionnaires fait valoir que la clause générale autorisant le report des crédits de congé ne confère pas à l’employeur un pouvoir discrétionnaire additionnel lui permettant de déterminer unilatéralement les périodes de congés annuels et que, si elle le fait, elle ne l’autorise pas à refuser de reporter la portion inutilisée des crédits de congé annuel.

14 La représentante des fonctionnaires indique aussi qu’il est important de tenir compte de l’article 3 de chaque convention collective pour interpréter les dispositions sur le report de crédits de congé. Cette disposition est libellée de la même manière dans chaque convention collective, et la clause 3.02 dit ceci :

[…]

3.02 Le libellé anglais ainsi que le libellé français de la présente convention revêtent tous deux un caractère officiel.

[…]

15 Au vu des divers sens qui sont attribués aux mots « auquel il ou elle a droit » dans les dispositions des conventions collectives sur le report de la portion inutilisée des crédits de congé annuel, l’examen des versions françaises des conventions collective nous aide à mieux comprendre le sens des dispositions. Par exemple, la clause 35.11a) de la convention collective du groupe SV est libellée comme suit :

[…]

a)  Lorsque, au cours d’une année de congé annuel, un employé-e-s n’a pas épuisé tous les crédits de congé annuel auquel il ou elle a droit, la portion inutilisée des crédits de congés annuels jusqu’à concurrence de deux cent quatre-vingts (280) heures sera reportée à l’année de congé annuel suivante. Tous les crédits de congé annuel en sus de deux cent quatre-vingts (280) heures seront automatiquement payés en argent au taux de rémunération journalier de l’employé-e-s calculé selon la classification indiquée dans son certificat de nomination à son poste d’attache le dernier jour de l’année de congé annuel.

[…]

16 Les mots « épuisé » et « épuisement » figurent également dans les conventions collectives des groupes PA et TC. Cela semble indiquer que l’employeur doit autoriser les employés à reporter leurs crédits de congé lorsqu’ils ne les ont pas utilisés au complet.

17 La représentante des fonctionnaires aborde ensuite la question du droit de l’employeur de déterminer les périodes de congés annuels. L’employeur insiste beaucoup sur les articles des conventions collectives applicables qui stipulent que les employés sont censés prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent, et qu’il a le droit de déterminer les périodes de congés annuels de l’employé. Selon la représentante des fonctionnaires, aucune de ces dispositions n’est absolue.

18 Si l’on examine d’abord l’attente voulant que les employés prennent leurs congés annuels au cours de l’année dans laquelle ils les acquièrent, on voit bien qu’il ne s’agit pas d’une obligation. Sauf dans le cas de la convention collective du groupe TC, les dispositions sur le congé annuel formulent une attente. Si l’objectif avait été d’obliger les employés à prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année dans laquelle ils les acquièrent, on aurait employé un mot comme « doivent ». Ces dispositions n’autorisent pas l’employeur à déterminer unilatéralement quand les employés doivent prendre les congés annuels inutilisés à la fin de l’exercice.

19 La représentante des fonctionnaires cite Bozek et al. c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 60, aux paragr. 35 et 36 :

[…]

[35] La sous-clause 15.05a) impose une obligation aux employés, puisqu’ils doivent normalement prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent. L’avocat des fonctionnaires s’estimant lésés a soutenu que cela signifiait que les employés étaient encouragés à utiliser leurs crédits de congé annuel au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent. Je souscris à son interprétation du mot « expected », car j’estime qu’il signifie que les employés sont encouragés à prendre leurs congés annuels de cette façon plutôt que d’être obligés à le faire. Si les parties voulaient préciser que les employés avaient l’obligation d’utiliser tous leurs crédits de congé annuel au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent, elles auraient dû employer le mot « should » plutôt que l’expression « are expected to » dans la version anglaise de la sous-clause 15.05a).

[36] La sous-clause 15.05b), elle, stipule que l’employeur se réserve le droit de fixer le congé annuel de l’employé afin de répondre aux nécessités du service, mais qu’il doit faire tout effort raisonnable pour lui accorder le congé annuel dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de l’employé. Prise isolément, cette clause peut être interprétée comme si elle donnait à l’employeur le droit de fixer unilatéralement les congés annuels, comme le président suppléant d’alors J.W. Potter a conclu dans Ladouceur c. Le Conseil du Trésor (Défense nationale), (supra). Or, le raisonnement du président suppléant Potter ne peut pas s’appliquer en l’espèce parce que l’interprétation du mot « expected » dans la version anglaise de la sous-clause 15.05a) et celle de la sous-clause 15.07(AU)a) — qui prévoit le report automatique des crédits de congé annuel non utilisés à l’année de congé annuel suivante — ne se posaient pas dans l’affaire Ladouceur (supra). Pour les mêmes motifs, la décision rendue dans Low et Duggan, (supra) ne peut pas non plus s’appliquer dans cette affaire-ci.

[…]

20 La représentante des fonctionnaires reconnaît que toutes les conventions collectives applicables accordent à l’employeur le droit de déterminer les périodes de congés annuels, mais elle estime que ce droit est limité. Chaque convention collective exige que l’employeur fasse tout effort raisonnable pour accorder aux employés des congés annuels dont la durée et le moment sont conformes à leur demande. La représentante des fonctionnaires renvoie aux décisions suivantes au soutien de sa position sur ce point : Pinard c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-15381 (19860304), Lawson c. Conseil du Trésor (Statistique Canada), dossier de la CRTFP 166-02-5883 (19800220), et Brown c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada), 2002 CRTFP 59.

B. Pour l’employeur

21 La représentante de l’employeur avance que l’interprétation à donner aux dispositions en cause mène aux conclusions suivantes :

  • Les parties aux conventions collectives reconnaissent l’importance du congé annuel.
  • Les employés acquièrent des crédits de congé annuel conformément aux modalités décrites dans leurs conventions collectives respectives.
  • L’employeur possède le droit résiduel, sous réserve de la convention collective applicable, de déterminer les périodes de congés annuels et d’attribuer ces congés aux employés. Sous réserve des nécessités du service, l’employeur a le droit, lorsqu’il exerce ce droit résiduel, de tenir compte de divers facteurs, notamment les demandes des employés.
  • Les employés sont censés prendre leurs congés annuels au cours de l’année de congé annuel pendant laquelle ils les acquièrent.
  • Lorsque les congés annuels acquis au cours d’une année de congé n’ont pas été utilisés, les parties conviennent que l’employé peut être autorisé à reporter les crédits inutilisés jusqu’à concurrence d’un maximum. Les crédits de congé annuel en sus de ce maximum doivent être payés en argent.

22 Dans des observations datées du 27 mai 2009, la représentante de l’employeur a écrit ceci :

[Traduction]

[…]

Dispositions pertinentes de la convention collective

Les griefs de J Cloutier, G. Johnston et B. D. Mann sont déposés aux termes de la convention collective du groupe SV, expirée le 4 août 2007. Les dispositions qui s’appliquent sont les suivantes :

35.01 L’année de congé s’étend du 1er avril au 31 mars inclusivement de l’année civile suivante.

a) Les employé-e-s sont censés prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année pendant laquelle ils ou elles les acquièrent.

b) L’Employeur se réserve le droit de déterminer les périodes de congés annuels de l’employé-e-s. Lorsqu’il accorde un congé annuel payé à l’employé-e-s, l’Employeur doit faire tout effort raisonnable pour :

(i) lui accorder un congé annuel dont la durée et le moment sont conformes à la demande de l’employé-e-s;

(ii) ne pas rappeler l’employé-e-s au travail après son départ en congé annuel;

(iii) ne pas annuler ni modifier une période de congé annuel qu’il a précédemment approuvée par écrit;

(iv) s’assurer que les congés annuels pris en périodes de deux (2) semaines ou plus, demandés par l’employé-e-s, commencent après une période de jours de repos prévue a l’horaire.

c) Les représentants de l’Alliance se verront accorder l’occasion d’avoir des consultations avec les représentants de l’Employeur concernant les calendriers de congé.

[…]

35.07 Si, au cours d’une période quelconque de congé annuel, un employé-e obtient :

a) un congé de deuil,

ou

b) un congé payé pour cause de maladie dans la proche famille,

or

c) un congé de maladie sur production d’un certificat médical,

la période de congé annuel ainsi remplacée est, soit ajoutée à la période de congé annuel si l’employé-e le demande et si l’Employeur l’approuve, soit réinscrite pour utilisation ultérieure.

[…]

35.11 Report et épuisement des congés annuels

La disposition 35.11 sur le report et l’épuisement des congés annuels entrera en vigueur le 1er avril 2005.

a) Lorsque, au cours d’une année de congé annuel, un employé-e-s n’a pas épuisé tous les crédits de congé annuel auquel il ou elle a droit, la portion inutilisée des crédits de congés annuels jusqu’à concurrence de deux cent quatre-vingts (280) heures sera reportée à l’année de congé annuel suivante. Tous les crédits de congé annuel en sus de deux cent quatre-vingts (280) heures seront automatiquement payés en argent au taux de rémunération journalier de l’employé-e-s calculé selon la classification indiquée dans son certificat de nomination à son poste d’attache le dernier jour de l’année de congé annuel.

[…]

23 La représentante de l’employeur avance que je devrais procéder à une analyse téléologique et contextuelle pour interpréter les dispositions sur le congé annuel afin de donner effet à leur sens. L’analyse téléologique consiste à déterminer l’objet des dispositions sur le congé annuel, y compris celles autorisant le report de crédits. Les dispositions sur le report entrent en jeu lorsque l’employeur refuse à l’employé le droit de prendre tous les congés annuels qu’il a acquis durant l’année de congé et qu’il y a par conséquent des congés inutilisés. Les conventions collectives ne prévoient pas qu’il y aura toujours une portion inutilisée de crédits de congé annuel à la seule fin de leur report. Elles prévoient au contraire que l’employeur autorisera les employés à prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année pendant laquelle ils les acquièrent et que les employés prendront tous leurs congés cette année-là.

24 Sur la question du droit des employés de reporter des crédits de congé annuel, la plupart des conventions collectives prévoient expressément ce qui suit :

  • les employés acquièrent des crédits de congé annuel chaque mois de chaque exercice;
  • les crédits de congé annuel doivent normalement être utilisés au cours de l’année pendant laquelle ils sont acquis;
  • pour utiliser leurs crédits de congé annuel, les employés doivent présenter une demande à leur gestionnaire;
  • si une demande de congé annuel est rejetée en raison des nécessités du service, le report des crédits inutilisés peut alors être autorisé.

25 Le report de crédits de congé annuel n’est possible que dans les cas où l’employeur rejette la demande de congé de l’employé. Or, l’employeur ne trouve aucune preuve dans ses dossiers qu’une demande de congé a été rejetée au cours des exercices indiqués dans chaque grief. Les crédits de congé annuel sont acquis, mais leur report n’est pas un droit; c’est une protection pour les employés, dans l’éventualité où l’employeur se verrait dans l’impossibilité d’approuver une demande de congé annuel au cours d’un exercice donné, en raison des nécessités du service.

26 Dans Ladouceur c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 89, l’arbitre de grief a observé ce qui suit :

[…]

[29]    Le report de crédits de congé annuel n’est pas une pratique d’attribution de congé, mais plutôt la conséquence de l’impossibilité d’accorder les congés demandés par le fonctionnaire. La stricte obligation de l’employeur est de respecter les vœux du fonctionnaire […] Ainsi, le fonctionnaire s’estimant lésé doit spécifier une durée (ex. cinq jours) et un moment (ex. du 4 au 8 juin).

[…]

[33] […] le report de crédits inutilisés de congé annuel n’est pas un droit, mais une conséquence de l’impossibilité d’utiliser tous les crédits de congé annuel […]

[…]

27 L’argument de l’employeur vaut aussi pour la version française de la clause prévoyant le report des crédits de congé annuel. Pour épuiser tous ses crédits de congé annuel, l’employé doit demander un congé à son gestionnaire, qui décide ensuite d’approuver ou non la demande. Si le gestionnaire rejette la demande, l’employé peut alors faire reporter le congé.

28 En ce qui concerne le droit de l’employeur de déterminer les périodes de congés annuels, les deux conventions collectives du groupe SV stipulent expressément que : « [l]es employé-e-s sont censés prendre tous leurs congés annuels au cours de l’année pendant laquelle il ou elles les acquièrent ». Ils sont « censés » plutôt qu’ils « doivent » les prendre parce que les nécessités du service peuvent contraindre l’employeur à rejeter les demandes de congé.

29 Dans Ladouceur c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2000 CRTFP 51, l’arbitre de grief observe ceci au paragraphe 66 :

[…]

[66] Je conclus que le libellé de la convention collective accorde à l'employeur le droit de fixer le congé annuel, mais qu'il doit faire tout effort raisonnable pour accorder le congé annuel dont la durée et le moment sont conformes aux vœux de l’employé.

[…]

30 Les fonctionnaires défendent la position que le droit de l’employeur est limité par son obligation de respecter les désirs de l’employé. L’employeur ne partage pas ce point de vue. Son obligation consiste expressément à « […] faire tout effort raisonnable […] pour  établir le calendrier des congés annuels […] conformément aux désirs de l’employé-e ». Cela ne limite pas le droit de l’employeur, mais lui sert de guide pour accorder les avantages aux employés. Ce libellé ne permet pas de retenir comme interprétation que les préférences de l’employé quant à la durée et au moment du congé annuel doivent toujours prévaloir. Ces préférences ne constituent que des facteurs dont l’employeur doit tenir compte pour accorder un congé annuel.

31 La représentante de l’employeur avance que les trois décisions citées par les fonctionnaires à l’appui de leur argument à propos de l’effort raisonnable n’établissent pas de définition type de cette notion. La question de savoir si l’employeur a fait « tout effort raisonnable » doit être déterminée dans chaque cas, en se fondant sur les faits. Cela dit, il vaut la peine de souligner que ces décisions-là portaient sur l’attribution de congés à des moments précis plutôt que sur le droit de reporter des crédits de congé annuel non utilisés.

32 L’employeur indique que si je devais donner raison au fonctionnaire, une déclaration serait la mesure de réparation appropriée puisqu’il a déjà pris le congé. Une ordonnance lui rendant les crédits utilisés équivaudrait à lui accorder des avantages en sus de ceux auxquels il a droit aux termes de la convention collective, ce qui constituerait un enrichissement injuste.

33 La représentante de l’employeur renvoie aux décisions suivantes : Marin c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 109; Rosekat c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2005 CRTFP 149: Higgs c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2004 CRTFP 32; Pronovost c. Conseil du Trésor (ministères des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 93; et Shaw c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2009 CRTFP 63.

IV. Motifs

34 La question que je dois trancher est la suivante :

  • Le fonctionnaire a-t-il le droit de reporter des crédits de congé annuel et, dans l’affirmative, dans quels cas?

35 Le régime de congé annuel établi par la convention collective en question peut se résumer comme suit :

  • le congé annuel est un avantage acquis en fonction de la durée du service de l’employé, et ce à chaque mois de chaque exercice;
  • l’année de congé s’étend du 1er avril au 31 mars de l’année civile suivante;
  • le congé annuel peut être accumulé, attribué, reporté et épuisé;
  • l’employeur a une certaine obligation de tenir compte des désirs de l’employé quant au moment et à la durée du congé annuel;
  • les employés sont censés prendre tous leurs congés annuels au cours de l’exercice pendant lequel ils les acquièrent;
  • l’employeur se réserve le droit de déterminer les périodes de congés annuels de l’employé.

36 La convention collective applicable aux unités de négociation des groupes TC et PA contient une disposition générale sur le report des crédits de congé annuel, alors que la convention collective du groupe SV expirée le 4 août 2003 n’en contient pas mais que celle qui a été conclue par la suite et qui s’applique au fonctionnaire contient une disposition semblable. Il est par ailleurs intéressant de noter que les conventions collectives du groupe TC renferment elles aussi une clause accordant aux employés qui en font la demande avant le 31 janvier la permission d’utiliser dans l’exercice qui suit toute période de congé annuel de quatre jours ou plus acquis dans l’exercice courant. La partie de la convention collective de 2003 du groupe SV qui s’appliquait à la classification des pompiers (Marcel St. Amand) stipule la même chose. Cette clause ne figure pas dans la convention collective applicable au fonctionnaire.

37 Tout cela, combiné avec l’examen de la jurisprudence qui m’a été citée, m’amène à conclure que les employés ont le droit de reporter à l’exercice qui suit les congés annuels acquis dans un exercice donné, mais seulement lorsque l’employeur a rejeté une demande d’autorisation de prendre un congé à un moment précis et d’une durée précise.

38 L’affaire Bozek est la seule décision de la nouvelle ou de l’ancienne CRTFP qui valide l’interprétation des fonctionnaires voulant qu’ils puissent reporter des crédits de congé annuel dans n’importe quelle circonstance. Toutes les autres décisions indiquent que le report de crédits n’est possible que si l’employeur a rejeté une demande de congé annuel.

39 Les paragraphes 33 à 35 de la décision rendue dans Higgs disent ceci :

[…]

[33]  Le terme « censés » utilisé dans l’alinéa 34.05a) s’emboîte dans les alinéas 34.05b) et 34.11a). Le fonctionnaire s’estimant lésé était censé prendre tous ses congés annuels au cours de l’année, conformément à l’alinéa 34.05a) de la convention collective. L’employeur a le droit d’établir l’horaire des congés annuels de l’employé. Cependant, il incombe à l’employeur de s’assurer que le calendrier des congés annuels établi soit raisonnable et à ce qu’il respecte les dispositions suivantes :

  1. le congé annuel accordé doit être d’une durée et au moment qui sont conformes à la demande de l’employé-e;
  2. l’employé-e ne doit pas être rappelé-e au travail après son départ en congé annuel;
  3. la période de congé annuel ne doit pas être annulée ni modifiée si elle a été précédemment approuvée par écrit.

[34]  Bien que l’employé soit censé prendre ses congés annuels au cours de l’année au cours de laquelle ils sont acquis, dans la réalité, cela n’est pas toujours possible. Il peut arriver que les nécessités du service exigent qu’un employé soit rappelé au travail ou qu’un congé annuel soit annulé ou modifié, ou encore qu’un employé demande de changer un congé annuel pour un congé de deuil, un congé de maladie ou un congé pour obligations familiales (paragraphe 34.07). Par conséquent, les parties se sont entendues sur le paragraphe 34.11 portant sur le report et l’épuisement des congés annuels.

[35]  Les parties ont décidé de ne pas prévoir des motifs supplémentaires pour justifier le report de congés annuels, comme le temps nécessaire à la construction d’une maison ou des plans de vacances de longue durée. Il est clair, compte tenu de l’absence de telles dispositions dans la présente convention collective, que l’intention était de s’attendre à ce que les employés utilisent leurs crédits de congés annuels pendant l’année au cours de laquelle ils sont acquis.

[…]

[Le passage en évidence l’est l’original]

40 Le paragraphe 51 de la décision rendue dans Rosekat dit ceci :

[…]

[51]  Au 3 janvier 2003, le fonctionnaire s’estimant lésé avait seulement utilisé sept jours de congés annuels. La représentante du fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que les mots « doivent normalement » n’imposaient pas une obligation et a invoqué l’affaire Bozek (supra). Dans cette décision, l’arbitre de grief a conclu que si l’employeur avait voulu imposer une obligation, il aurait fallu utiliser le mot « should » (devraient) dans la version anglaise des dispositions de la convention collective. J’estime que le mot « should » (devraient) exprime en l’espèce ce qui est probable et attendu, conformément à la définition du dictionnaire Webster’s Ninth New Collegiate.

[…]

41 Le paragraphe 33 de la décision rendue dans Ladouceur, 2006 CRTFP 89, est libellé comme suit :

[…]

[33]  Comme je l’ai indiqué précédemment, le report de crédits inutilisés de congé annuel n’est pas un droit, mais une conséquence de l’impossibilité d’utiliser tous les crédits de congé annuel. Il n’y a donc d’autre choix que de les payer ou de les reporter.

[…]

42 Enfin, le paragraphe 31 de la décision rendue dans Shaw est libellé comme suit :

[…]

[31]    Le congé annuel représente une condition d’emploi négociée entre l’employeur et l’agent négociateur. La convention collective prévoit que le congé annuel est un droit annuel. Les employés sont autorisés à reporter de tels congés lorsqu’ils ne sont pas attribués. Il n’y a, dans la clause B11.07(a) de la convention collective, aucune disposition qui accorde à l’employé le pouvoir discrétionnaire de faire fi du droit de l’employeur de fixer le congé annuel selon la clause B11.05. L’employeur peut fixer le congé annuel conformément à la clause B11.05 dans la mesure des limitations de celle-ci. La clause B11.07(a) ne restreint pas le pouvoir de l’employeur à cet égard, et, aux termes de cette clause, l’employé ne peut, pour accumuler une quantité illimitée de crédits de congé annuel, passer outre à la décision de l’employeur de fixer le congé annuel (clause B11.05).

[…]

43 En l’absence de preuve qu’une demande expresse de congé a été rejetée, la disposition sur le report de crédits de congé annuel ne peut pas s’appliquer.

44 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V.Ordonnance

45 Le grief est rejeté.

Le 5 janvier 2010.

Traduction de la CRTFP.

Michel Paquette,
arbitre de grief

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