Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a allégué que son agent négociateur avait manqué à son devoir de représentation équitable dans le cadre de différents griefs contre l’employeur - le plaignant avait démissionné, mais estimait avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé de la fonction publique - l’agent négociateur a mis un terme à ses services de représentation après avoir négocié un règlement avec l’employeur que le plaignant a rejeté - la Commission a conclu que l’agent négociateur n’avait pas manqué à son devoir de représenter le plaignant avec diligence. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-03-26
  • Dossier:  561-02-396
  • Référence:  2010 CRTFP 44

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

KABEER SAYEED

plaignant

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Sayeed c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Marie-Josée Bédard, vice-présidente

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour le défendeur:
Martin Ranger, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 14 et 29 octobre 2009 et les 26 et 27 janvier 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 15 avril 2009, Kabeer Sayeed (le « plaignant ») a déposé une plainte devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), contre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « défendeur »), alléguant que celui-ci s’était livré à une pratique déloyale de travail en ne s’acquittant pas de son devoir de représentation équitable.

2 Le plaignant a décrit ses allégations contre le défendeur de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

4.1. Au lieu de traiter les divers griefs au nom du plaignant conformément aux modalités de la convention collective (CC), le défendeur a exigé que le plaignant signe une entente dégageant les représentants de l’employeur (RE) et le défendeur de toute responsabilité […]

4.2. Le défendeur a menacé de ne plus fournir de services au plaignant s’il ne signait pas l’entente […]

4.3. De connivence avec les RE, on a menacé le plaignant de ne plus lui fournir de représentation pour le forcer à signer une entente visant à disculper l’employeur de toute responsabilité […]

4.4. Le défendeur n’a pris aucune mesure pour contrer la violation des droits de la personne du plaignant, même après avoir été prié d’agir […]

4.5. Le défendeur n’a pris aucune mesure relativement au harcèlement, à l’intimidation et aux menaces concernant le moyen de subsistance de la part des RE, même après avoir été prié d’agir […]

4.6. Le défendeur a finalement mis à exécution sa menace de ne plus fournir aucun service de représentation au plaignant parce qu’il ne voulait pas renoncer à ses droits légitimes en signant l’entente unidimensionnelle susmentionnée […]

[…]

10. Toute autre question pertinente ayant trait à la plainte :

Il est permis de croire que la conduite du défendeur à l’égard du plaignant est attribuable au fait que le plaignant a présenté une requête aux fins de destituer la présidente du défendeur pour avoir mis fin de manière illicite (au mépris total des statuts du défendeur) au rôle de délégué syndical du plaignant auprès du défendeur […]

[…]

3 Le plaignant demande les mesures correctives suivantes :

[Traduction]

[…]

9.1. Le refus du défendeur de protéger et de défendre les droits du plaignant a causé énormément de stress au plaignant et eu une forte incidence sur son bien-être mental et physique. C’est pourquoi le plaignant a été contraint (comme en atteste expressément l’avis de démission portant le timbre du 9 juillet 2008) de démissionner de son poste contre son gré, ce qui lui a également causé un grave préjudice financier. Afin d’éviter que cela arrive à d’autres employés, il faut imposer une sanction sévère et exemplaire au défendeur pour le manquement à son devoir, sa mauvaise foi et la collusion avec les représentants de l’employeur (organisations fédérales et leurs agents), de manière à dissuader toutes les organisations syndicales de se livrer à des actes semblables dans l’avenir. Le plaignant demande donc à la CRTFP de sévir contre le défendeur en lui imposant des amendes et des peines importantes et, si la loi l’autorise, en l’obligeant à verser une indemnité et des dommages-intérêts punitifs raisonnables.

[…]

4 Le 10 juin 2009, le défendeur a déposé une demande de renseignements complémentaires et de production de documents au motif que la plainte n’était pas suffisamment étoffée pour lui permettre de répondre et que les documents mentionnés dans la plainte n’y étaient pas annexés.

5 Le 30 septembre 2009, le plaignant a soumis les documents demandés.

6 Le 14 octobre 2009, le défendeur a déposé sa réponse à la plainte; le plaignant a soumis sa réplique le 28 octobre 2009.

7 Le 8 décembre 2009, les parties ont été informées que, conformément à l’article 41 de la Loi, la Commission avait décidé de trancher la plainte sur la base d’arguments écrits et les parties ont été invitées à soumettre les arguments et documents complémentaires qu’elles souhaitaient porter à la connaissance de la Commission.

8 Le plaignant et le défendeur ont déposé leurs arguments respectifs le 25 janvier 2009; le plaignant a déposé des arguments complémentaires le 26 janvier 2009.

II. Résumé de la preuve

9 Les événements qui ont donné lieu à la plainte sont décrits ci-après.

10 Le plaignant était employé par le ministère de la Défense nationale (l’« employeur »); à ce titre, il était membre de l’unité de négociation représentée par le défendeur. Le 6 juillet 2008, le plaignant a informé l’employeur qu’il démissionnait de son poste et qu’il prenait sa retraite. Sur l’avis de démission/départ à la retraite qu’on lui a demandé de remplir, il a déclaré qu’il démissionnait pour les raisons suivantes :

[Traduction]

[…]

Attribution de tâches inutiles non basée sur des exigences valides; problèmes attribuables à un manque flagrant de compétence en supervision et en gestion. Sous-utilisation de mes compétences et capacités; délais irréalistes fixés de manière arbitraire; manque de respect de la part du superviseur; refus de m’autoriser à participer aux activités obligatoires de formation et de perfectionnement professionnel; pratiques inéquitables et discriminatoires à mon endroit; évaluations du rendement mensongères et malveillantes; microgestion, intimidation, rejet arbitraire de demandes de congé et nombreuses autres formes d’abus, de harcèlement et d’actes répréhensibles de la part des superviseurs.

[…]

11 L’employeur s’est dit préoccupé des raisons que le plaignant a invoqué dans son avis de démission/départ à la retraite; c’est pourquoi, le 15 juillet 2008, il lui a envoyé une lettre dans laquelle il a insisté sur le fait que le plaignant n’était [traduction] « [a]bsolument pas contraint/forcé de quitter [son] emploi ». L’employeur a également demandé au plaignant de confirmer qu’il souhaitait prendre sa retraite et l’a encouragé à consulter le défendeur avant de prendre sa décision finale. Une copie de la lettre a également été envoyée au défendeur.

12 Le 16 juillet 2008, Karyn Ladurantaye, agente des relations du travail pour le défendeur, a envoyé un courriel au plaignant, dans lequel elle l’invitait à communiquer avec elle s’il voulait discuter plus en détail de sa décision de démissionner; elle indiquait également qu’elle entamerait des discussions avec l’employeur pour tenter de résoudre les griefs non réglés.

13 Le 17 juillet 2008, le plaignant a répondu au courriel de Mme Ladurantaye, lui confirmant sa décision de démissionner/prendre sa retraite pour les raisons mentionnées dans l’avis de démission/départ à la retraite. Il a également indiqué qu’il lui demandait [traduction] « de donner suite immédiatement à cette affaire, de protéger tous ses intérêts et de s’assurer que toutes les sommes qui lui étaient dues lui soient payées intégralement sans délai […] »

14 Le défendeur a eu des discussions avec les représentants de l’employeur pour résoudre les griefs non réglés du plaignant. Selon le défendeur, il y avait cinq griefs à régler; trois portaient sur des évaluations du rendement, un portait sur une lettre disciplinaire et un autre portait sur une suspension d’un jour. Du point de vue du défendeur, le seul grief arbitrable était celui qui contestait la suspension d’un jour. Le 15 septembre 2008, Mme Ladurantaye a envoyé une lettre au plaignant pour l’informer que l’employeur était disposé à retirer la lettre de suspension et à lui rembourser la rémunération et les avantages perdus pour cette journée. Un protocole d’entente (PE) était annexé à la lettre, que le plaignant était invité à signer si le règlement proposé lui convenait. Mme Ladurantaye indiquait qu’elle lui recommandait d’accepter le règlement, car l’offre de l’employeur correspondait à l’indemnité maximale que le défendeur estimait pouvoir obtenir à l’arbitrage de griefs. Elle précisait également que le défendeur cesserait de lui fournir une représentation s’il n’acceptait pas l’offre de règlement et que, dans cette éventualité, il pourrait poursuivre ses griefs à titre personnel.

15 Le projet de PE annexé à la lettre faisait mention de cinq griefs non réglés et renfermait les paragraphes suivants :

[Traduction]

[…]

3.   En signant le présent protocole d’entente, les parties conviennent que tous les griefs susmentionnés sont considérés comme retirés.

4.   En signant le présent protocole d’entente, le fonctionnaire s’estimant lésé convient, en son nom ainsi qu’au nom de ses héritiers, liquidateurs, administrateurs, successeurs et ayants droits, de libérer et de décharger à jamais Sa Majesté la Reine du chef du Canada, ses fonctionnaires, préposés, mandataires et employés de tous dommages, obligations, coûts, frais, réclamations, plaintes, griefs, causes d’action et de toute autre affaire ou procédure de quelque nature que ce soit en droit, en equity ou autrement qui existaient à la présente date ou qui sont aujourd’hui connus, prévus ou inconnus, mais qui pourraient survenir à l’avenir relativement à son emploi actuel au ministère de la Défense nationale.

[…]

Aucune partie n’admet avoir commis un acte répréhensible ou avoir une responsabilité. Les modalités de la présente entente sont établies à titre confidentiel entre les parties et ne peuvent pas être divulguées publiquement. La présente entente ne crée pas de précédent ni ne cause de préjudice à l’une ou l’autre des parties.

[…]

Les parties conviennent que la présente entente constitue le règlement complet et final de toutes les affaires mentionnées dans les présentes.

16 Le plaignant n’était pas satisfait du PE et il a refusé de le signer. Le 2 octobre 2008, il a envoyé un courriel qui contenait le passage suivant :

[Traduction]

[…]

2. Je suis incapable d’accepter la proposition que vous me faites pour régler les problèmes irrésolus liés au travail mentionnés dans les doc. 2 et 3. Le doc. 3 exige que je renonce à mes droits légitimes dans la présente affaire pour obtenir un dédommagement auquel j’ai actuellement droit en vertu des lois du Canada. Cette exigence est totalement injustifiée et n’a pas sa place dans une société respectueuse des lois. Ces conditions inéquitables et unidimensionnelles font que je juge votre proposition inacceptable.

[…]

17 Le 6 octobre 2008, Danielle Auclair, gestionnaire, Services de représentation régionale pour le défendeur, a répondu au plaignant qu’elle avait examiné le projet de PE et qu’elle souscrivait à la position de Mme Ladurantaye. Elle l’informait également qu’il pouvait interjeter appel de sa décision devant la présidente du défendeur.

18 Le plaignant a porté la décision de Mme Auclair en appel. Le 7 novembre 2008, Michèle Demers, présidente du défendeur, a répondu au plaignant. La lettre contient entre autres ce qui suit :

[Traduction]

[…]

          Jusqu’à ce que vous démissionniez et preniez votre retraite, nous avions pris toutes les mesures que notre mandat nous autorisait de prendre relativement à toutes les questions non réglées pour lesquelles vous nous aviez demandé de vous fournir une représentation. Nous avons déposé des griefs pour contester vos évaluations du rendement et donné suite à vos demandes de mesures d’adaptation et de formation; nous avons également déposé des griefs pour contester votre suspension et votre lettre disciplinaire. Il était essentiel que nous vous fournissions une représentation relativement aux évaluations du rendement puisqu’elles auraient pu conduire à une rétrogradation, car le ministère était convaincu que votre rendement ne correspondait pas à celui d’un employé de niveau CS 3. Le fait que vous ayez démissionné change considérablement le caractère raisonnable de notre représentation et la nécessité de nos interventions en ce qui concerne les évaluations du rendement et la lettre disciplinaire, puisque ces questions sont devenues théoriques et qu’elles ne peuvent pas être soumises à l’arbitrage de griefs. Nous avons poursuivi nos efforts, après votre départ à la retraite, pour régler le grief qui avait des conséquences pécuniaires pour vous et nous avons obtenu le versement de la rémunération et des avantages perdus.

          Dans le but de répondre à certaines de vos préoccupations au sujet de ce que vous considérez comme le contenu unidimensionnel du projet de règlement, j’ai déterminé que la seule amélioration que nous pourrions tenter d’apporter au protocole de règlement serait l’ajout de l’annulation des évaluations du rendement et de la lettre disciplinaire du 13 août en échange du retrait de ces griefs, et cela, bien que vous avez pris votre retraite. Le reste demeurerait inchangé. Si le ministère refuse d’apporter les modifications proposées, je confirmerai la décision de Mme Auclair, car je crois que nous aurons fait de notre mieux pour vous représenter et que nous nous serons acquittés de nos responsabilités dans la mesure du possible […]

[…]

19 Dans une lettre datée du 28 novembre 2008, Mme Ladurantaye a informé le plaignant que l’employeur était disposé à poursuivre les discussions en vue de résoudre les griefs non réglés. Elle lui demandait en outre de confirmer que les modifications proposées lui convenaient.

20 Le 2 décembre 2008, le plaignant a répondu à Mme Ladurantaye et l’a informé qu’il refusait le règlement proposé. Son courriel se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

2. Vous avez déjà été informée de ma position sur cette question dans les doc. 6 et 7, qui ont été rédigés en réponse aux doc. 4 et 5.

3. La position que vous défendez dans les doc. 8 et 9 est sensiblement la même que celle que vous preniez dans votre correspondance antérieure. Le moins que je puisse dire c’est que je considère que votre position constitue un « abus de pouvoir ».

4. Voici quelques-unes des nombreuses questions qui ont été portées à votre connaissance et que vous devez régler :

4.1. Les violations de mes droits, y compris, mais non exclusivement, les droits de la personne.

4.2. Le harcèlement.

4.3. Les évaluations du rendement mensongères.

4.4. L’indemnisation des heures supplémentaires.

4.5. La démission et la mise à la retraite forcées.

4.6. L’indemnisation des dommages et pertes que j’ai subis, y compris, mais non exclusivement, en ce qui concerne ma santé physique et mentale.

5. Je répète que vous avez le devoir de me protéger, de me représenter et de défendre mes droits. Je répète également que vous essayez de me contraindre, par les doc. 1, 3, 4, 5 et 8, de signer une entente unidimensionnelle qui n’est pas légalement justifiée dans le contexte de la procédure de règlement des griefs et qui a clairement été concoctée pour annuler tous mes droits légitimes à obtenir une réparation en vertu des lois applicables.

6. Je vous demande encore une fois de prendre immédiatement TOUTES les mesures permises par la loi afin que je sois dédommagé intégralement, sur le plan pécuniaire et autrement, du préjudice, des souffrances et de tout autre dommage qui m’ont été infligés par un ou plusieurs représentants sans scrupule de mon employeur, la population canadienne.

[…]

21 Le 8 janvier 2009, Mme Demers a répondu à la lettre du fonctionnaire datée du 2 décembre 2008. Elle a indiqué que le défendeur prenait acte du fait que le plaignant [traduction] « [n]e voulait pas continuer à négocier les modalités du PE proposé en vue de régler les griefs non réglés » et que, de ce fait, le défendeur cessait de lui fournir une représentation relativement aux cinq griefs.

22 Le plaignant a répondu à Mme Demers le jour même dans un courriel qui disait notamment ceci :

[Traduction]

[…]

2.1. Il est absolument inacceptable et répréhensible de votre part d’exiger que je signe quelque prétendu « protocole d’entente ».

2.2. Vous avez le devoir et la responsabilité, puisque vous me représentez, de vous conformer à la procédure établie par la législation, ses règlements d’application, les ententes applicables, etc. pour résoudre tout problème lié au travail, y compris, mais non exclusivement, les griefs.

2.3. Vous avez le devoir et la responsabilité d’assurer le suivi de toutes les questions liées au travail avec toute la rigueur de la législation, de ses règlements d’application, des ententes applicables, etc.

2.4. Rien ne m’oblige à signer un prétendu « protocole d’entente » ou de participer à un processus qui N’est PAS exigé par la législation, ses règlements d’application, les ententes applicables, etc. Je NE crois PAS que la législation, ses règlements d’application, les ententes applicables, etc. m’obligent à signer le prétendu « protocole d’entente » ou à participer de quelque manière que ce soit à cette affaire.

2.5. Par conséquent, je ne signerai pas le prétendu « protocole d’entente » ni ne participerai à cette affaire avec les représentants de l’employeur.

3. Vous êtes prié, par les présentes, de poursuivre sans plus tarder tous les griefs, jusqu’aux limites permises par la législation, de ses règlements d’application, des ententes applicables, etc.

4. Vous êtes prié, par les présentes, de donner suite sans plus tarder à toutes les questions suivantes, jusqu’aux limites permises par la législation, de ses règlements d’application, des ententes applicables, etc.

4.1. Les violations de mes droits, y compris, mais non exclusivement, les droits de la personne (y compris, mais non exclusivement, le refus catégorique et éhonté de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à mon égard).

4.2. Le harcèlement au travail.

4.3. Les évaluations du rendement tout à fait mensongères.

4.4. L’indemnisation des heures supplémentaires.

4.5. La démission et la mise à la retraite forcées.

4.6. L’indemnisation des dommages et pertes que j’ai subis, y compris, mais non exclusivement, en ce qui concerne ma santé physique et mentale.

4.7. Toute autre question que j’ai portée à votre connaissance.

[…]

23 Le 5 février 2009, Mme Demers a répondu à la lettre du plaignant dans les termes suivants :

[Traduction]

[…]

          Veuillez noter qu’il est vrai, comme vous le dites, que vous n’êtes pas obligé de signer le protocole d’entente. Puisque vous rejetez l’idée de poursuivre les discussions pour régler toutes les questions non résolues, la plupart desquelles ne peuvent pas être soumises à l’arbitrage de griefs, nous estimons que nous avons représenté vos intérêts dans toute la mesure du possible. Nous croyons que nous pouvons obtenir une bien meilleure réparation que celle que vous pourriez obtenir, à notre avis, par la procédure interne de règlement des griefs dans le cas des questions qui ne peuvent pas être soumises à l’arbitrage de griefs et la mesure corrective intégrale qui pourrait vous être accordée par un arbitre de grief dans le cas du grief arbitrable.

          Le fait que vous rejetiez l’idée de poursuivre les négociations relativement au PE nous empêche de tenter d’obtenir le retrait complet des évaluations du rendement de votre dossier, la meilleure issue que vous puissiez espérer. Nous croyons que nous pourrions obtenir cela si nous reprenions les négociations, mais votre refus a fait en sorte d’éliminer cette possibilité.

          Quant aux questions spécifiques que vous soulevez de nouveau dans votre dernière lettre, je tiens à vous rappeler notre position :

4.1    Nous estimons que nous vous représenterons relativement à la question des mesures d’adaptation avant que vous ne preniez volontairement votre retraite.

4.2   Vous poursuiviez une plainte de harcèlement dans laquelle nous ne jouions aucun rôle; puisque vous avez pris votre retraite, nous estimons que la question est devenue théorique.

4.3    Avant que vous ne preniez votre retraite, nous vous fournissions une représentation relativement à ces questions et nous avions entamé des discussions afin de les faire retirer de votre dossier par le biais du PE; vous avez toutefois rejeté l’idée d’avoir ces discussions avec nous.

4.4    Heures supplémentaires – vous n’avez jamais porté cette question à notre connaissance.

4.5    Nous estimons que vous avez pris volontairement votre retraite.

4.6    Vous ne nous avez jamais demandé de vous fournir une représentation relativement à une question touchant la santé mentale ou physique, sauf en qui concerne la question des mesures d’adaptation. Vous n’avez jamais demandé que nous vous fournissions une représentation pour obtenir une indemnisation à cet égard.

          Comme je vous l’indiquais dans ma lettre du 8 janvier 2009, nous aviserons le ministère que nous ne vous fournirons plus de représentation relativement à ces questions. Vous êtes libre de poursuivre ces questions à vos risques et frais.

24 Le 19 février 2009, Mme Ladurantaye a écrit à l’employeur pour l’aviser de la décision du défendeur de ne plus représenter le plaignant. Le 15 avril 2009, le plaignant a déposé la présente plainte contre le défendeur.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le plaignant

25 Le plaignant a blâmé le défendeur à plusieurs égards. Il a affirmé que le défendeur avait failli de plusieurs façons à son devoir de représentation équitable concernant diverses questions liées au travail relativement auxquelles il prétend n’avoir demandé au défendeur de lui fournir une représentation.

26 Le plaignant a étayé ses arguments dans un courriel daté du 28 octobre 2009, qu’il a envoyé en réplique à la réponse du défendeur à la plainte. Le passage suivant donne un aperçu de ses principales allégations :

[Traduction]

[…]

3.3. CHANTAGE DE LA PART DU DÉFENDEUR :

3.3.1. Le chantage a été défini comme suit :

« FORCER OU CONTRAINDRE À FAIRE, À DIRE QUELQUE CHOSE »

3.3.2. L’une des violations les plus flagrantes commises par le défendeur (syndicat, IPFPC) est sa tentative pour me forcer, par des manœuvres de CHANTAGE, à signer une entente qui, non seulement me privait de tout recours contre les représentants de l’employeur qui m’ont infligé de mauvais traitements, mais m’ENLEVAIT totalement le droit de déposer une plainte contre le défendeur (syndicat, IPFPC) devant un organisme d’enquête comme le vôtre. Le défendeur a tenté d’EXERCER ce chantage en MENAÇANT de ne plus me fournir de représentation si je ne signais pas l’entente telle qu’il me la PRÉSENTAIT. Si la tentative de chantage du défendeur avait réussi, je n’aurais pas eu le moindre motif de même déposer une plainte contre lui. La nature de la violation commise par le défendeur ressortira encore plus clairement dans l’analyse suivante :

3.3.3. L’entente, doc. 5, dit ceci :

3.3.3.1. « En signant le présent protocole d’entente, le fonctionnaire s’estimant lésé convient, en son nom ainsi qu’au nom de ses héritiers, liquidateurs, administrateurs, successeurs et ayants droits, de libérer et de décharger à jamais Sa Majesté la Reine du chef du Canada, ses fonctionnaires, préposés, mandataires et employés de tous dommages, obligations, coûts, frais, réclamations, plaintes, griefs, causes d’action et de toute autre affaire ou procédure de quelque nature que ce soit en droit, en equity ou autrement qui existaient à la présente date ou qui sont aujourd’hui connus, prévus ou inconnus, mais qui pourraient survenir à l’avenir relativement à son emploi actuel au ministère de la Défense nationale. »

3.3.3.2. « Aucune partie n’admet avoir commis un acte répréhensible ou avoir une responsabilité. »

3.3.3.3. « Les parties conviennent que la présente entente constitue le règlement complet et final de toutes les affaires mentionnées dans les présentes. »

3.3.3.4. Les stipulations susmentionnées ont pour effet de disculper les représentants sans scrupule de mon ancien employeur, la population canadienne, pour les mauvais traitements qu’ils m’ont infligé et de décharger le défendeur (syndicat, IPFPC) de son obligation SACRÉE de défendre ceux qui reçoivent de mauvais traitements au travail, comme ce fut mon cas, jusqu’aux limites permises par la loi.

3.3.3.5. Le message d’accompagnement, à savoir le doc. 4, auquel était annexée l’entente inqualifiable susmentionnée, à savoir le doc. 5, dit ceci :

3.3.3.6. « […] vous avez le droit de vous représenter vous-même; si vous ne répondez pas et que vous rejetez la présente offre de règlement, je tiendrai pour acquis que c’est votre décision et je classerai nos dossiers […] J’aviserai également l’employeur que vous vous représenterez vous-même dans ces affaires et qu’il doit communiquer directement avec vous. »

3.3.3.7. Il est indéniable que la déclaration ci-dessus est une MENACE à peine voilée de me retirer TOUS les services de représentation si je ne me plie pas à la demande du défendeur (syndicat, IPFPC) de signer l’entente qu’il m’a présentée comme un « fait accompli ». Il devrait sembler évident à n’importe quel observateur que le défendeur a rédigé l’entente et tenté de me CONTRAINDRE à la signer de connivence avec certains représentants sans scrupule de l’employeur. Il va sans dire que l’entente unidimensionnelle avait pour effet de me priver de TOUS les droits qui me sont accordés par les lois applicables.

3.4 OMISSION DU DÉFENDEUR D’APPLIQUER LA CONVENTION COLLECTIVE (CC) :

3.4.1. Une autre violation flagrante commise par le défendeur (syndicat, IPFPC) est le fait qu’il a contrevenu aux modalités de la convention collective (CC) qu’il était tenu d’observer, d’appliquer et de mettre à exécution au lieu de travail. Le défendeur devrait parfaitement savoir que la CC contient une procédure pour régler les griefs portant sur des questions liées au travail. Les griefs doivent tous franchir plusieurs paliers, dont le dernier, qui est le renvoi à l’arbitrage de griefs devant vous, lorsqu’il y a lieu. Le défendeur n’avait pas le droit d’ABANDONNER la procédure prévue par la CC sans le consentement de la partie lésée et de tenter, plutôt, de forcer la partie lésée à signer une entente contre sa volonté en utilisant la menace du retrait des services de représentation. Le défendeur a ainsi violé les modalités de la CC.

3.5. RETRAIT INÉQUITABLE ET ARBITRAIRE DES SERVICES DE REPRÉSENTATION :

3.5.1. Le retrait inéquitable et arbitraire des services de représentation relativement aux griefs non réglés constitue une autre violation, d’autant plus que ces griefs portaient sur une suspension ILLICITE imposée par des représentants sans scrupule de mon ancien employeur, la population canadienne, et sur leur refus de verser un dédommagement. Le défendeur devrait aussi parfaitement savoir que ces griefs peuvent être soumis à votre arbitrage. Bref, le défendeur a omis de se conformer aux modalités de la CC de plus d’une façon. Il convient de noter que les fonds du défendeur proviennent de ressources qui appartiennent à la population canadienne et qu’il ne peut pas dépenser ces ressources de manière arbitraire. Il doit démontrer de façon très rigoureuse que ces ressources sont utilisées de manière équitable. Le refus arbitraire et inéquitable du défendeur de me fournir des services de représentation constitue un grave manquement à son devoir aux termes de la loi et des principes de justice naturelle.

[…]

3.7. OMISSION DU DÉFENDEUR DE FOURNIR UNE REPRÉSENTATION ÉQUITABLE :

3.7.1. Au paragr. 4 du doc. 3, le défendeur (syndicat, IPFPC) prétend qu’il m’a fourni une représentation équitable. L’analyse ci-dessus devrait démontrer très clairement que le défendeur a tout particulièrement manqué à son devoir de me fournir une représentation équitable. Exception faite de documents non pertinents et de fausses déclarations, le défendeur n’a produit AUCUNE preuve pour démontrer qu’il s’est acquitté de son devoir à mon égard. Sa prétention est donc manifestement FAUSSE.

3.8.    FAUSSE PRÉTENTION DE LA PART DU DÉFENDEUR QUE LE DÉPART À LA RETRAITE EST VOLONTAIRE :

3.8.1. Au paragr. 5 du doc. 3, le défendeur (syndicat, IPFPC) fait une FAUSSE déclaration lorsqu’il dit que j’ai pris volontairement ma retraite de la fonction publique du Canada. Je n’ai jamais dit que je démissionnais « volontairement ».

3.8.2. On peut d’ailleurs constater la FAUSSETÉ flagrante de cette déclaration à la lecture des documents contenus dans le prétendu « appendice » au doc. 3 fourni par le défendeur. L’un de ces documents, en l’occurrence l’« Avis de démission/départ à la retraite », indique expressément que j’ai été FORCÉ de QUITTER mon emploi. Les raisons sont clairement expliquées dans les présentes et comprennent le traitement inéquitable et discriminatoire auquel j’étais soumis, l’intimidation, le refus de m’autoriser à participer à des activités obligatoires de formation, le rejet arbitraire de demandes de congé, le harcèlement et d’autres mauvais traitements infligés au travail. L’avis en question a également été signé par un représentant autorisé de mon employeur. Je n’ai jamais retiré cet avis.

3.8.3. Ma cessation d’emploi forcée est en grande partie attribuable au manque de soutien et de représentation du défendeur pour me défendre contre les divers abus dont j’étais victime et qui lui avaient tous été signalés sans délai. Au lieu de m’apporter son appui, le défendeur a visiblement fait cause commune avec certains représentants sans scrupule de mon ancien employeur, la population canadienne, et tenté, par des manœuvres de chantage, de m’obliger à signer une entente unidimensionnelle qui visait simplement à le protéger et à protéger les représentants sans scrupule de mon employeur.

3.8.4. J’estime que j’ai été congédié de manière déguisée de mon emploi dans la fonction publique du Canada.

[…]

3.9. LA POSITION DU DÉFENDEUR SUR LA DÉMISSION/LE DÉPART À LA RETRAITE CONSTITUE UNE VIOLATION DES DROITS DES FONCTIONNAIRES :

3.9.1. Au paragr. 5, de nouveau, du doc. 3, le défendeur (syndicat, IPFPC) tente manifestement de se disculper de sa responsabilité de fournir une représentation équitable en avançant l’argument plutôt spécieux que j’ai pris ma retraite volontairement « sans avoir discuté avec le défendeur ou sollicité son avis au préalable. »

3.9.2. Aucune disposition de la convention collective (CC) ni aucune loi du pays n’oblige le fonctionnaire à discuter avec le syndicat, ou un autre organisme, ou à solliciter son avis avant de démissionner. Il est évident que la position du défendeur constitue une violation des droits des fonctionnaires. Cette position constitue clairement un « abus de pouvoir ».

3.10.   OMISSION DU DÉFENDEUR DE PRENDRE DES MESURES APRÈS AVOIR ÉTÉ AVISÉ DE LA CESSATION D’EMPLOI FORCÉE :

3.10.1. Encore une fois, il est évident que la déclaration du défendeur (syndicat, IPFPC), au paragr. 5 du doc. 3, selon laquelle j’ai volontairement pris ma retraite « sans avoir discuté avec le défendeur ou sollicité son avis au préalable » lui a été inspirée après coup. Le défendeur a été informé en même temps que l’employeur […] de ma démission. Pourtant, après avoir reçu mon avis, le défendeur n’a jamais mentionné que j’avais pris ma retraite « sans avoir discuté avec [lui] ou sollicité son avis au préalable ».

3.10.2. De même, le défendeur ne m’a jamais dit, après avoir été informé de ma démission forcée, que c’était prématuré; il ne m’a pas offert de solution de rechange ni proposé d’agir contre les représentants sans scrupule de mon ancien employeur, la population canadienne.

3.10.3. J’ajouterai à cela que c’est la responsabilité du défendeur de me fournir une représentation équitable et de protéger mes droits, peu importe que j’aie été congédié ou forcé de démissionner ou congédié de manière déguisée. Le fait d’utiliser ma situation d’emploi pour tenter de se disculper de ses responsabilités aux termes de la CC, de la législation connexe et des principes de justice naturelle dénote une attitude éminemment irresponsable, immorale et contraire à l’éthique de la part du défendeur.

[…]

3.15. AUTRES OMISSIONS ET IRRÉGULARITÉS DU DÉFENDEUR :

3.15.1. Le défendeur a sérieusement failli à son devoir de protéger mes droits dans plusieurs autres dossiers, y compris ceux ayant trait à la violation des droits de la personne, au traitement discriminatoire au travail et à d’autres questions, et ce, malgré les demandes écrites qui lui ont été faites pour qu’il intervienne. J’ai des documents pour le prouver et je me réserve le droit de les produire au moment opportun durant l’enquête sur le défendeur.

3.15.2. J’estime que la conduite du défendeur cachait un but secret. Il existe des documents pour en établir les causes et ils seront également produits au moment opportun.

[…]

27 Le plaignant a apporté des preuves du prétendu « but secret » du défendeur dans ses arguments du 25 janvier 2010. Il a établi un lien avec des événements survenus en 2005, alors qu’il était délégué syndical du défendeur. Il a expliqué qu’il était intervenu à titre de délégué syndical et qu’il avait entrepris des recours en vertu du Code canadien du travail au nom de membres de l’unité de négociation. Il a affirmé que son intervention avait amené l’employeur à déposer une plainte contre lui. Il a ensuite indiqué que [traduction] « [l]a présidente du défendeur, Mme Michèle Demers, a alors concocté une fausse plainte contre le plaignant […] » Il a déclaré que la plainte a fait l’objet d’une enquête et qu’il a été disculpé, mais que, en dépit du fait que la plainte ait été jugée sans fondement, Mme Demers l’a relevé de ses fonctions comme délégué syndical. Le plaignant a indiqué qu'il a alors déposé une plainte contre Mme Demers devant le conseil d’administration du défendeur, dans laquelle il demandait la tenue d’une enquête sur la conduite de Mme Demers. Il a également déposé une résolution à l’assemblée générale annuelle du défendeur, en novembre 2007, afin de soumettre la conduite de Mme Demers à une enquête indépendante.

28 Dans ses arguments, le défendeur affirmait ceci :

[Traduction]

[…]

INDÉPENDAMMENT de l’issue de la plainte et de la résolution à l’encontre la conduite de la présidente du défendeur, il devrait ne faire aucun doute que le refus de fournir des services de représentation au défendeur N’était PAS une simple COÏNCIDENCE, puisque ce refus est survenu durant le mandat de la présidente, Mme M. Demers, contre laquelle le plaignant avait déposé des plaintes.

[…]

29 Le plaignant déclarait également ceci :

[Traduction]

[…]

18. Compte tenu de ce qui précède, il devrait être évident :

18.1. Que la décision du défendeur de ne plus fournir de services de représentation au plaignant a manifestement été prise de MAUVAISE FOI.

18.2. Que cela cachait un but secret.

[…]

B. Pour le défendeur

30 Le défendeur a fait valoir que le plaignant avait le fardeau de prouver que le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable; or, le plaignant ne s’est pas déchargé de ce fardeau.

31 Le défendeur a soutenu qu’il s’est acquitté de son devoir de représentation équitable relativement à toutes les questions liées au travail soulevées par le plaignant, y compris ses griefs.

32 Le défendeur a indiqué que le plaignant avait pris volontairement sa retraite de la fonction publique et qu’il n’avait pas consulté ses représentants avant de prendre sa décision. Le défendeur a affirmé qu’il avait donné suite à plusieurs griefs au nom du plaignant avant sa démission et qu’il avait continué de défendre ces griefs après avoir été avisé de son départ à la retraite.

33 Le défendeur a affirmé que le PE négocié avec l’employeur constituait un bon règlement, qu’il avait même réussi à convaincre l’employeur de bonifier l’offre de règlement et que sa décision de ne plus fournir de représentation avait été prise [traduction] « [a]près un examen et un réexamen minutieux du dossier [du plaignant] par divers représentants de l’Institut ». Le défendeur a de plus soutenu que ses représentants avaient [traduction] « [a]gi de manière équitable et raisonnable compte tenu de la jurisprudence actuelle et des circonstances particulières de la cause du plaignant ». Le défendeur a également affirmé que, même s’il ne lui fournissait plus de représentation, le plaignant était libre de poursuivre ses griefs à titre personnel.

34 Dans ses arguments complémentaires déposés le 25 janvier 2010, le défendeur a ajouté ceci :

[Traduction]

[…]

Comme nous l’indiquions dans nos arguments du 14 octobre 2009, le plaignant a le fardeau d’établir que l’agent négociateur a agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. La Commission a toujours fait sienne cette position, aussi bien sous le régime de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (voir Miller et AFPC, 2003 CRTFP 85) que sous le régime de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (voir Ouellett c. St-Georges et AFPC, 2009 CRTFP 107; Hayes c. Tuffin, 2009 CRTFP 131; Tench c. ACEP, 2009 CRTFP 154).

La Commission a aussi statué dans Paulik et IPFPC, dossier de la Commission 161-2-792, que l’agent négociateur ne manque pas à son devoir de représentation équitable du fait qu’il recommande d’accepter une offre de règlement qu’il juge raisonnable dans les circonstances de fait.

De plus, la décision de l’agent négociateur de ne pas poursuivre un grief ne constitue pas un manquement au devoir de représentation équitable si la décision est prise de manière non arbitraire, de bonne foi et sans faire de discrimination : Kowallsky c. AFPC et al., 2007 CRTFP 30.

Comme nous l’indiquions dans nos arguments du 14 octobre 2009, l’agent négociateur a présenté plusieurs griefs au nom du plaignant et il a continué de défendre ces griefs après avoir été avisé de son départ à la retraite; la décision de ne plus lui fournir de représentation a été prise après un examen et un réexamen minutieux de son dossier par divers représentants de l’Institut. Le défendeur estime que les employés n’ont pas le droit absolu d’être représentés par l’agent négociateur durant la procédure de règlement des griefs : Richard c. AFPC, 2000 CRTFP 61.

Le défendeur estime également que le plaignant aurait pu poursuivre les griefs à titre personnel, puisqu’ils ne nécessitent pas l’appui du défendeur.

[…]

IV. Motifs

35 Le défendeur est tenu de représenter tous ses membres de manière équitable. L’article 187 de la Loi décrit ce devoir dans les termes suivants :

     187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

36 En définissant ce qu’est un manquement au devoir de représentation équitable, l’article 187 de la Loi établit également les limites de la compétence de la Commission pour statuer sur une allégation de représentation inéquitable. La Commission doit déterminer si l’agent négociateur a agi de mauvaise foi ou d’une manière par ailleurs arbitraire ou discriminatoire en matière de représentation du membre concerné. La Commission ne siège pas en appel des décisions prises par l’agent négociateur ni n’a pour mandat de déterminer si les décisions de l’agent négociateur sont fondées. La compétence de la Commission se limite à déterminer si l’agent négociateur a respecté les paramètres établis par l’article 187 de la Loi.

37 Le devoir de représentation équitable n’est pas exclusif aux agents négociateurs dans le milieu des relations de travail de la fonction publique. C’est un principe fondamental commun à toutes les lois régissant les relations du travail au Canada. Le devoir de représentation équitable ne confère pas aux membres de l’agent négociateur le droit absolu d’être représentés ni ne les autorise à décider de la manière dont l’agent négociateur s’acquitte de ses obligations dans leurs causes. L’agent négociateur jouit d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour décider s’il doit déposer un grief, le renvoyer à l’arbitrage de griefs ou à l’arbitrage de différends ou représenter un membre durant la procédure de règlement des griefs. Il possède également un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer comment un grief sera traité et quand le moment est venu de conclure un règlement. Les paramètres qui délimitent le devoir de représentation équitable de l’agent négociateur ont été clairement formulés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autres, [1984] 1 S.C.R. 509, à la page 527 :

[…]

De la jurisprudence et de la doctrine consultées se dégagent les principes suivants, en ce qui touche le devoir de représentation d’un syndicat relativement à un grief.

1. Le pouvoir exclusif reconnu à un syndicat d’agir à titre de porte-parole des employés faisant partie d’une unité de négociation comporte en contrepartie l’obligation de la part du syndicat d’une juste représentation de tous les salariés compris dans l’unité.

2. Lorsque, comme en l’espèce et comme c’est généralement le cas, le droit de porter un grief à l’arbitrage est réservé au syndicat, le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage et le syndicat jouit d’une discrétion appréciable.

3. Cette discrétion doit être exercée de bonne foi, de façon objective et honnête, après une étude sérieuse du grief et du dossier, tout en tenant compte de l’importance du grief et des conséquences pour le salarié, d’une part, et des intérêts légitimes du syndicat d’autre part.

4. La décision du syndicat ne doit pas être arbitraire, capricieuse, discriminatoire, ni abusive.

5. La représentation par le syndicat doit être juste, réelle et non pas seulement apparente, faite avec intégrité et compétence, sans négligence grave ou majeure, et sans hostilité envers le salarié.

[…]

38 Bien que ces principes aient été énoncés dans le contexte du pouvoir discrétionnaire que possède l’agent négociateur de déposer un grief et de le renvoyer à l’arbitrage, ils servent de guide relativement à tous les aspects du devoir de représentation équitable de l’agent négociateur.

39 La Commission a appliqué ces critères dans de nombreux cas. Dans Ouellet c. Luce St-Georges et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 107, la Commission a décrit son rôle de la façon suivante :

[…]

30.     […] Ainsi, le rôle de la Commission n’est pas d’examiner en appel la décision du syndicat de déposer ou non un grief ou de le porter à l’arbitrage, mais plutôt d’évaluer sa manière de traiter le grief. Autrement dit, la Commission se prononce sur le processus décisionnel du syndicat et non sur le bien-fondé d’un grief ou d’une plainte. Cela dit, pour déterminer si le processus décisionnel du syndicat reflète la valeur et le sérieux d’un cas donné, il faut souvent aussi en regarder les faits.

31.     Dans une plainte fondée sur l’article 187, c’est le fonctionnaire qui a le fardeau de présenter des faits suffisants pour établir que le syndicat a manqué à son devoir de représentation équitable.

32.     D’autre part, le devoir de représentation équitable du syndicat suppose que le fonctionnaire prenne les démarches nécessaires pour protéger ses propres intérêts. Il doit informer le syndicat de sa volonté de déposer un grief et agir dans les délais prescrits par la convention collective. Il doit collaborer avec le syndicat en fournissant les renseignements nécessaires à la préparation de son dossier et suivre les conseils du syndicat sur la façon de se comporter durant la procédure de règlement des griefs. Si le fonctionnaire néglige l’une ou l’autre de ces consignes, la plainte risque d’être rejetée par la Commission. En règle générale, la Commission n’accueille pas une plainte lorsque le syndicat a obtenu un règlement raisonnable que le plaignant rejette ultérieurement.

[…]

39.     Bref, le devoir du syndicat est de s’acquitter de son devoir de représentation de façon raisonnable, en tenant compte de tous les faits qui l’entourent, en enquêtant sur la situation, en pesant les intérêts contradictoires du fonctionnaire, en tirant des conclusions réfléchies quant aux résultats envisageables du grief, puis en informant le fonctionnaire de sa décision de donner suite ou non au grief.

[…]

40 La Commission a souvent réaffirmé que les employés n’ont pas le droit absolu d’être représentés par leur agent négociateur et qu’ils ne peuvent pas lui dicter jusqu’où il doit fournir une représentation ni comment il doit traiter un grief. Dans le même ordre d’idées, une divergence de vues avec l’agent négociateur ne constitue pas un manquement au devoir de représentation équitable (voir Martel et al. c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 16 et Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 100). Dans Bahniuk c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 13, la Commission a formulé les observations suivantes quant à la mesure avec laquelle un membre peut dicter la conduite de l’agent négociateur :

[…]

[69]    En résumé, M. Bahniuk fait un certain nombre d’allégations extrêmes contre l’agent négociateur, y compris quant à une collusion avec l’employeur visant à le miner, soit des allégations qui ne sont pas étayées par la preuve. De plus, le devoir de représentation équitable n’exige pas que l’agent négociateur agisse sous la direction de membres individuels quand il détermine quels griefs poursuivre, quand négocier des prolongations de délai et quels griefs régler. Enfin, un membre individuel d’un agent négociateur a le droit à une représentation, mais ce n’est pas un droit absolu ou illimité. Cela ne signifie pas, par exemple, que le membre peut insister que l’agent négociateur lui assure un représentant chaque fois qu’il le veut. Pourvu que l’agent négociateur n’agisse pas de façon arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi quand il exerce son jugement à cet égard, il est en droit de distribuer les ressources limitées de l’organisation d’une manière raisonnée.

[…]

41 En ce qui concerne la décision de ne pas renvoyer un grief à l’arbitrage de griefs ou de régler un grief, les principes dont devrait s’inspirer la Commission ont été bien résumés comme suit dans Nowen et al. c. UCCO-SACC-CSN, 2003 CRTFP 98 :

[…]

[68]    Les agents négociateurs et leurs représentants disposent d'une grande marge de manœuvre lorsqu'il s'agit de régler les griefs (Richard et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 61 et Lipscomb et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 66. Dans Trade Union Law in Canada (MacNeil, Lynk et Engelmann), ce principe est résumé de la façon suivante :

[Traduction]

Un syndicat qui se penche vraiment sur un grief après avoir fait une enquête exhaustive et conclut qu'il ne devrait pas être porté à l'arbitrage parce qu'il estime n'avoir guère de chances de succès s'est acquitté de ses obligations, même si une commission aurait pu arriver à une autre conclusion. [Paragr. 7.480]

[69]    La question que je dois trancher ne consiste pas à savoir si je souscris au raisonnement de l'agent négociateur, qui estime que le règlement des griefs qu'il a négocié était préférable à ce qu'il aurait pu obtenir à l'arbitrage, mais plutôt à déterminer s'il a agi de mauvaise foi ou de façon discriminatoire ou arbitraire en raisonnant ainsi […]

[…]

42 Dans International Longshore and Wharehouse Union, Ship and Dock Foremen, section locale 514 c. Empire International Stevedores Ltd., [2000] A.C.F. no 1929 (C.A.) (QL), la Cour fédérale a déclaré que, pour faire la preuve d’un manquement au devoir de représentation équitable, « […] le plaignant doit convaincre le Conseil que les investigations faites par le syndicat au sujet du grief étaient sommaires et superficielles ».

43 Appliquant ces principes à la présente affaire, je conclus que le plaignant n’a pas établi que le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable.

44 Je formulerai d’abord des commentaires sur la démission du plaignant, qui a joué un rôle déterminant dans la ligne de conduite adoptée par le défendeur.

45 Le plaignant a décidé, en juillet 2008, de démissionner de son poste. Il a prétendu par la suite que c’était un congédiement déguisé et il a demandé au défendeur de prendre des mesures relativement à cette question (courriels du 2 décembre 2008 et du 8 janvier 2009).

46 Lorsqu’il a décidé de démissionner, le plaignant n’a pas jugé bon de demander l’avis ou l’appui du défendeur. La preuve documentaire révèle que l’employeur était préoccupé par les raisons invoquées dans l’avis de démission et qu’il a exhorté le plaignant à revenir sur sa décision de démissionner et à consulter son agent négociateur. Dans un courriel envoyé au plaignant le 16 juillet 2008, Mme Ladurantaye l’invitait à discuter plus en détail de sa décision de démissionner. Dans sa réponse à l’employeur et au défendeur, le 17 juillet 2008, le plaignant a clairement réitéré sa décision de démissionner.

47 Le plaignant a indiqué, dans son avis, que sa démission était attribuable à ce qu’il estimait être des lacunes en gestion et un traitement inéquitable de la part de l’employeur; or, il n’a pas déposé de grief et ne s’est prévalu d’autre recours contre l’employeur relativement à sa démission et il n’a pas demandé au défendeur d’intervenir en son nom à cet égard.

48 Le devoir de représentation équitable imposé à l’agent négociateur ne va pas jusqu’à lui imposer l’obligation de présumer qu’un membre qui a démissionné ou qui a pris sa retraite veut engager ultérieurement des procédures de recours contre l’employeur au motif qu’il aurait été l’objet d’un congédiement déguisé. L’employé a la responsabilité d’aviser le défendeur qu’il veut déposer un grief ou engager une autre procédure de recours. Il faut également dire que le plaignant aurait pu déposer un grief relativement à cette question, de sa propre initiative, sans l’appui ou l’autorisation de l’agent négociateur. La Commission a observé dans Ouellet :

[…]

32.     […] le devoir de représentation équitable du syndicat suppose que le fonctionnaire prenne les démarches nécessaires pour protéger ses propres intérêts. Il doit informer le syndicat de sa volonté de déposer un grief et agir dans les délais prescrits par la convention collective […]

[…]

49 Le plaignant a également allégué que sa [traduction] « cessation d’emploi forcée était en grande partie attribuable au manque de soutien et de représentation du défendeur pour me défendre contre les divers abus dont il était victime […] » Sauf respect, la preuve ne permet pas de conclure à un manque d’appui de la part du défendeur. Bien au contraire, lorsque le plaignant a démissionné, le défendeur était très occupé à défendre des griefs et d’autres questions liées à l’emploi en son nom.

50 J’en viens maintenant à la conduite et aux décisions du défendeur concernant la négociation d’une entente de règlement des griefs non réglés du plaignant et le refus ultérieur de fournir des services de représentation.

51 Lorsque le plaignant a démissionné de son poste, le défendeur lui fournissait une représentation relativement à plusieurs questions, dont cinq griefs. Trois griefs portaient sur des évaluations du rendement; les deux autres portaient respectivement sur une lettre disciplinaire et sur une suspension d’un jour. Le défendeur lui fournissait également une représentation relativement à des questions portant sur des mesures d’adaptation.

52 La démission du plaignant a amené le défendeur à réévaluer le bien-fondé des griefs et de la question des mesures d’adaptation. Le défendeur a jugé que la question des mesures d’adaptation était devenue théorique, puisque le plaignant avait quitté le lieu de travail. Pour ce qui est des griefs, dans sa lettre du 7 novembre 2008 au plaignant, Mme Demers décrivait brièvement comment le défendeur en évaluait le bien-fondé, dans les termes suivants :

[Traduction]

[…]

          Jusqu’à ce que vous démissionniez et preniez votre retraite, nous avions pris toutes les mesures que notre mandat nous autorisait de prendre relativement à toutes les questions non réglées pour lesquelles vous nous aviez demandé de vous fournir une représentation. Nous avons déposé des griefs pour contester vos évaluations du rendement et donné suite à vos demandes de mesures d’adaptation et de formation; nous avons également déposé des griefs pour contester votre suspension et votre lettre disciplinaire. Il était essentiel que nous vous fournissions une représentation relativement aux évaluations du rendement puisqu’elles auraient pu conduire à une rétrogradation, car le ministère était convaincu que votre rendement ne correspondait pas à celui d’un employé de niveau CS 3. Le fait que vous ayez démissionné change considérablement le caractère raisonnable de notre représentation et la nécessité de nos interventions en ce qui concerne les évaluations du rendement et la lettre disciplinaire, puisque ces questions sont devenues théoriques et qu’elles ne peuvent pas être soumises à l’arbitrage de griefs. Nous avons poursuivi nos efforts, après votre départ à la retraite, pour régler le grief qui avait des conséquences pécuniaires pour vous et nous avons obtenu le versement de la rémunération et des avantages perdus.

[…]

53 S’appuyant sur son évaluation de la situation, le défendeur a discuté avec l’employeur du grief contestant la suspension d’un jour et obtenu une solution qui correspondait, à son avis, à l’indemnité maximale que le plaignant aurait pu recevoir à l’arbitrage de griefs. C’est pourquoi le défendeur a recommandé au plaignant de signer un PE qui prévoyait l’annulation de la suspension d’un jour et le versement de la rémunération pour cette journée. Le projet de PE indiquait de plus que les cinq griefs non réglés étaient considérés comme retirés; il renfermait également des clauses de libération qui éliminaient toute possibilité de nouveaux différends entre les parties à propos de l’emploi du plaignant chez l’employeur.

54 Le plaignant n’était pas satisfait du règlement proposé. Tout d’abord, il estimait que le PE ne constituait pas un règlement satisfaisant des griefs non réglés et il refusait de signer un PE qui l’empêcherait de se prévaloir d’autres procédures de recours contre l’employeur et le défendeur. Le plaignant estimait également que le défendeur n’avait pas donné suite à toutes les questions auxquelles il aurait dû donner suite afin de protéger ses intérêts et d’obtenir un dédommagement pour les fautes commises par l’employeur.

55 Reconnaissant que le plaignant n’était pas satisfait du PE proposé, la présidente du défendeur a offert de poursuivre les discussions avec l’employeur afin de faire bonifier l’offre de règlement. Dans sa lettre du 7 novembre 2008 au plaignant, Mme Demers décrivait brièvement comme suit les améliorations qu’elle était disposée à demander :

[Traduction]

[…]

          Dans le but de répondre à certaines de vos préoccupations concernant ce que vous considérez comme le contenu unidimensionnel du projet de règlement, j’ai déterminé que la seule amélioration que nous pourrions tenter d’apporter au protocole de règlement serait l’ajout de l’annulation des évaluations du rendement et de la lettre disciplinaire du 13 août en échange du retrait de ces griefs, et cela, même si vous avez pris votre retraite. Le reste demeurerait inchangé. Si le ministère refuse d’apporter les modifications proposées, je confirmerai la décision de Mme Auclair, car je crois que nous aurons fait de notre mieux pour vous représenter et que nous nous serons acquittés de nos responsabilités dans la mesure du possible […]

[…]

56 Le 28 novembre 2008, Mme Ladurantaye a informé le plaignant que l’employeur était prêt à poursuivre les discussions; elle lui demandait également d’indiquer si les améliorations proposées lui convenaient. Le 2 décembre 2008, le plaignant a répondu que les améliorations proposées ne lui convenaient pas. Il demandait en outre au défendeur de lui fournir une représentation relativement à des questions supplémentaires.

57 Le 8 janvier 2009, Mme Demers a informé le plaignant que, en raison de sa position, le défendeur avait décidé de ne plus lui fournir de représentation relativement aux griefs non réglés. Le plaignant a répondu à Mme Demers, le 8 janvier 2009. Il exprimait de nouveau son désaccord avec la position du défendeur et lui demandait de continuer à lui fournir une représentation relativement aux griefs non réglés et à d’autres questions :

[Traduction]

[…]

3. Vous êtes prié, par les présentes, de poursuivre sans plus tarder tous les griefs, jusqu’aux limites permises par la législation, de ses règlements d’application, des ententes applicables, etc.

4. Vous êtes prié, par les présentes, de donner suite sans plus tarder à toutes les questions suivantes, jusqu’aux limites permises par la législation, de ses règlements d’application, des ententes applicables, etc.

4.1. Les violations de mes droits, y compris, mais non exclusivement, les droits de la personne (y compris, mais non exclusivement, le refus catégorique et éhonté de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à mon égard).

4.2. Le harcèlement au travail.

4.3. Les évaluations du rendement tout à fait mensongères.

4.4. L’indemnisation des heures supplémentaires.

4.5. La démission et la mise à la retraite forcées.

4.6. L’indemnisation des dommages et pertes que j’ai subis, y compris, mais non exclusivement, en ce qui concerne ma santé physique et mentale.

4.7. Toute autre question que j’ai portée à votre connaissance.

[…]

58 La réponse de Mme Demers datée du 5 février 2009 montre que le défendeur ne partageait pas le même point de vue sur ses obligations quant à ces questions :

[Traduction]

[…]

Quant aux questions spécifiques que vous soulevez de nouveau dans votre dernière lettre, je tiens à vous rappeler notre position :

4.1     Nous estimons que nous vous représenterons relativement à la question des mesures d’adaptation avant que vous ne preniez volontairement votre retraite.

4.2     Vous poursuiviez une plainte de harcèlement dans laquelle nous ne jouions aucun rôle; puisque vous avez pris votre retraite, nous estimons que la question est devenue théorique.

4.3     Avant que vous ne preniez votre retraite, nous vous fournissions une représentation relativement à ces questions et nous avions entamé des discussions afin de les faire retirer de votre dossier par le biais du PE; vous avez toutefois rejeté l’idée d’avoir ces discussions avec nous.

4.4     Heures supplémentaires – vous n’avez jamais porté cette question à notre connaissance.

4.5     Nous estimons que vous avez pris volontairement votre retraite.

4.6     Vous ne nous avez jamais demandé de vous fournir une représentation relativement à une question touchant la santé mentale ou physique, sauf en qui concerne la question des mesures d’adaptation. Vous n’avez jamais demandé que nous vous fournissions une représentation pour obtenir une indemnisation à cet égard.

          Comme je vous l’indiquais dans ma lettre du 8 janvier 2009, nous aviserons le ministère que nous ne vous fournirons plus de représentation relativement à ces questions. Vous êtes libre de poursuivre ces questions à vos risques et frais.

59 Il ressort très clairement de cet échange de correspondance que les points de vue des parties étaient irréconciliables. Cependant, le fait qu’il y avait un profond désaccord entre les parties ne veut pas dire que le défendeur a manqué à son devoir de représentation équitable. Je rappelle que le rôle de la Commission n’est pas de décider si elle est en accord ou non avec les décisions de l’agent négociateur, mais de déterminer si la preuve permet de conclure que l’agent négociateur a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire.

60 Le défendeur a pris diverses mesures pour régler les griefs et les questions liées à l’emploi du plaignant. En voici une liste partielle :

  • le défendeur a réexaminé les griefs du plaignant et d’autres questions connexes dans le contexte de sa démission et a tenté de régler les griefs qu’il croyait arbitrables;
  • il a conclu un règlement avec l’employeur qui prévoyait le retrait de la lettre de suspension d’un jour et le versement de la rémunération et des avantages pour cette journée en échange du retrait des griefs non réglés et d’une clause de libération éliminant toute possibilité de nouveaux différends entre le plaignant et l’employeur;
  • il a recommandé au plaignant d’accepter le règlement proposé et de signer un PE exposant les grandes lignes du règlement; il a également indiqué au plaignant qu’il cesserait de le représenter s’il n’acceptait pas de signer le PE;
  • il a poursuivi les discussions avec l’employeur afin de faire apporter des améliorations au PE, à savoir le retrait des évaluations de rendement contestées;
  • il a informé le plaignant qu’il ne lui fournirait pas de représentation relativement aux questions supplémentaires qu’il lui avait soumises, à savoir les allégations de harcèlement, l’indemnisation des heures supplémentaires, les questions relatives à la santé mentale et physique et la prétendue démission forcée;
  • pour finir, il a décidé de ne plus fournir de représentation relativement aux cinq griefs non réglés.

61 Je ne vois rien qui puisse mener à la conclusion que le défendeur a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire en ce qui concerne le traitement des causes du plaignant.

62 Je vais débuter en disant que la preuve n’étaye aucune assertion selon laquelle la décision du défendeur était entachée de mauvaise foi ou était motivée par des considérations discriminatoires, de l’animosité ou de l’hostilité à l’égard du plaignant ou par toute autre considération non pertinente. Le plaignant a prétendu que la conduite du défendeur cachait un but secret lié au désaccord avec le plaignant à propos de la conduite de Mme Demers; il s’agit là de graves allégations qui ne sont tout simplement pas étayées par la preuve.

63 Je ne crois pas non plus que le défendeur a agi de manière arbitraire. Après la démission du plaignant, le défendeur a réévalué les griefs et leur issue possible à la lumière de la rupture du lien d’emploi. Rien ne me permet de conclure que le défendeur a évalué les griefs de façon « sommaire et superficielle » ou que ses représentants n’ont pas analysé la situation en profondeur.

64 Les représentants du défendeur ont négocié un règlement avec les représentants de l’employeur et ont recommandé au plaignant d’accepter le règlement proposé. Le fait que le plaignant n’était pas satisfait de ce règlement ne signifie pas que la recommandation du défendeur était arbitraire. Avant de conclure le PE proposé et d’en recommander l’acceptation, le défendeur a analysé la situation et soupesé tous les éléments pertinents, y compris le bien-fondé des griefs, dans le contexte de la démission du plaignant. Les griefs et le PE proposé ont été analysés par trois représentants, y compris la gestionnaire des Services de représentation régionale et la présidente du défendeur. Voyant que le plaignant était insatisfait du PE proposé, le défendeur a même poursuivi les discussions avec l’employeur. Le plaignant peut bien croire que le règlement proposé n’était pas satisfaisant, mais on ne saurait affirmer que le défendeur a pris ses intérêts à la légère ou qu’il n’était pas résolu à trouver une solution acceptable aux questions non réglées. J’irai jusqu’à dire que je ne trouve rien de déraisonnable dans le PE proposé. Le plaignant était en profond désaccord avec les clauses de libération qu’il renfermait. Il était libre de refuser de le signer et je ne veux pas émettre d’opinion sur sa décision. Je dirai cependant qu’il est assez courant et standard d’inclure des clauses de libération lorsqu’une relation d’emploi prend fin et que les parties tentent de résoudre toutes les questions en litige et d’éliminer parallèlement toute possibilité de nouveau différend.

65 J’en viens maintenant aux questions spécifiques auxquelles le plaignant voulait que le défendeur lui fournisse une représentation. Je me suis déjà penchée sur l’allégation au sujet de la démission forcée. La preuve n’a pas établi que le défendeur fournissait une représentation au plaignant relativement aux questions portant sur le harcèlement au travail, l’indemnisation des heures supplémentaires ou la santé et sécurité, sauf relativement à la question des mesures d’adaptation. Par conséquent, on ne peut pas dire que le défendeur a agi de manière arbitraire ou discriminatoire ou de bonne foi quant à ces questions.

66 Je veux maintenant dire un mot sur la décision du défendeur de ne plus fournir de représentation. Il ressort clairement de l’échange de correspondance entre le plaignant et Mme Demers que les positions des parties étaient irréconciliables. Le plaignant n’avait pas le droit absolu à une représentation et le défendeur estimait qu’il avait représenté le plaignant dans toute la mesure du possible. Rien ne me permet de conclure que, dans les circonstances, la décision de ne plus fournir de représentation a été prise à la légère par le défendeur ou que c’était une décision arbitraire ou même déraisonnable.

67 Un dernier mot en terminant. Même si le défendeur a décidé de ne plus fournir de représentation, le plaignant n’était pas dépourvu de tout recours et il était libre de poursuivre ses griefs à titre personnel.

68 Bref, je conclus que le défendeur n’a pas manqué à son devoir de représentation équitable et qu’il n’a pas traité les griefs du plaignant de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi. La même conclusion s’applique à la décision du défendeur de ne plus fournir de représentation. Cette décision a été prise après des efforts considérables pour résoudre les griefs non réglés à la satisfaction du plaignant et après une analyse minutieuse de l’issue possible des griefs à l’arbitrage. Il est devenu évident que les perspectives et les points de vue des parties quant au règlement proposé et aux limites des obligations du défendeur étaient irréconciliables; dans les circonstances, la décision du défendeur de ne plus fournir de représentation était loin d’être déraisonnable.

69 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

70 La plainte est rejetée.

Le 26 mars 2010.

Traduction de la CRTFP

Marie-Josée Bédard,
vice-présidente

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.