Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’administrateur général a révoqué la nomination du fonctionnaire s’estimant lésé - le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la révocation au motif qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire déguisée entraînant le licenciement - l’arbitre de grief a conclu que, dans la mesure où le grief portait essentiellement sur la révocation de la nomination, le fonctionnaire s’estimant lésé pouvait se prévaloir de la procédure de plainte prévue par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) - l’arbitre de grief a donc conclu qu’il n’avait pas compétence pour trancher cet aspect du grief, puisque la procédure de plainte prévue par la LEFP est un recours administratif de réparation visé au paragraphe208(2) de la LRTFP - l’arbitre de grief a également conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas soulevé d’argument défendable à l’effet que la révocation constituait une mesure disciplinaire - compétence non assumée en vertu de l’alinéa209(1)b) de la LRTFP. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-03-05
  • Dossier:  566-02-2855
  • Référence:  2010 CRTFP 36

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JARROD GOLDSMITH

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

défendeur

Répertorié
Goldsmith c. Administrateur général
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Krista Devine, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour le défendeur :
Virginie Emiel-Wildhaber, Secrétariat du Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 29 janvier ainsi que les 9 et 26 février 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Jarrod Goldsmith, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») travaillait à Service Canada, une composante de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC). Avant que l’administrateur général de RHDCC (le « défendeur ») ne révoque sa nomination, il occupait un poste de spécialiste de la conception de la formation (PM-03) à Ottawa, en Ontario.

2 Le 9 décembre 2008, le fonctionnaire a déposé un grief contestant la révocation de sa nomination qui se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Détails du grief

Je présente un grief contestant mon licenciement de Service Canada.

Je présente un grief parce que cette décision est en fait un congédiement déguisé et une mesure disciplinaire.

Je présente un grief parce que mon employeur a violé le Code d’éthique de la fonction publique.

Je présente un grief parce que mon employeur a violé la Politique sur le harcèlement du Conseil du Trésor par ses actions, notamment en me faisant conduire à l’extérieur du bâtiment, ce qui m’humiliait devant les autres employés.

Mesures correctives

Que je sois indemnisé.

Que je sois immédiatement réintégré sans perte au titre du salaire ou des avantages.

Que je sois réintégré immédiatement à une classification et un niveau équivalents.

3 Le 22 avril 2009, le fonctionnaire a renvoyé l’affaire à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. Le dossier indique que le défendeur n’avait pas encore répondu au grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs individuels lorsque le fonctionnaire l’a renvoyé à l’arbitrage.

II. Questions préliminaires

4 Lorsqu’il a reçu copie du renvoi du grief à l’arbitrage, le défendeur a demandé qu’on lui précise en vertu de quelle disposition de la LRTFP le fonctionnaire l’avait renvoyé. Le fonctionnaire a répondu par écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’Alliance de la Fonction publique du Canada est d’avis que le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé était disciplinaire. Subsidiairement, nous nous réservons le droit de présenter des arguments que le licenciement était pour d’autres raisons qu’un manquement à la discipline ou une inconduite.

[…]

5 Le défendeur a ensuite demandé et obtenu une extension du délai de réponse au grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs individuels. Sa réponse au dernier palier, le 15 juillet 2009, se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Après avoir analysé l’information qu’on m’a donnée lorsque j’ai entendu votre grief au dernier palier, j’ai conclu que votre nomination avait été révoquée conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et que ni vous, ni votre représentant n’aviez produit le moindre élément de preuve de mesure disciplinaire ni de harcèlement à votre endroit. Vous ne m’avez également pas indiqué de lien entre votre allégation et le Code de valeurs et d’éthique.

Il est important de souligner que l’article 74 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique dispose que :

« 74. La personne dont la nomination est révoquée par la Commission en vertu du paragraphe 67(1) ou par l’administrateur général en vertu des paragraphes 15(3) ou 67(2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle la révocation n’était pas raisonnable. »

J’ai donc conclu que les allégations que vous avez faites dans votre grief ne sont pas fondées. Par conséquent, je rejette votre grief et je refuse de vous accorder les mesures correctives que vous réclamez.

[…]

6 Le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») m’a nommé à titre d’arbitre de grief pour entendre et trancher cette affaire. Après avoir pris connaissance du dossier, j’ai demandé au Greffe de la Commission d’écrire aux parties en mon nom pour leur demander de me soumettre leurs arguments écrits en réponse à la question suivante :

S’il existe une preuve prima facie que l’employeur a révoqué la nomination de M. Goldsmith conformément à la LEFP, sur quelle base un arbitre de grief a-t-il compétence pour instruire l’affaire en vertu de la LRTFP?

Les parties ont été informées que je pourrais trancher le grief en me fondant sur leurs arguments écrits.

III. Arguments écrits

A. Pour le défendeur

7 Le défendeur a déposé ses arguments écrits le 29 janvier 2010.

8 Le défendeur a déclaré avoir révoqué la nomination du fonctionnaire le 20 novembre 2008 en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »), édictée par les articles 12 et 13 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Il a joint le texte de la lettre de révocation signée par Line Chandonnet, chef, Enquêtes et plaintes ministérielles, RHDCC, qui se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

La présente lettre fait suite à une enquête menée en vertu de l’article 15 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sur le processus de sélection CSD IA NHQ SC 29510, pour un poste de spécialiste de la conception de la formation du groupe et niveau PM-03 au ministère des Ressources humaines et du Développement social à Ottawa (Ontario), à la suite d’allégations qu’un candidat avait été admis dans le processus de sélection alors qu’il n’était pas dans la zone de sélection.

L’enquête a conclu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière avait influé sur le choix de la personne nommée. L’allégation était donc fondée, et l’intervention de l’administrateur général du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada était justifiée.

Vous êtes la personne qui a été admise dans le processus alors que vous n’étiez pas dans la zone de sélection; par conséquent, l’administrateur général a maintenant décidé de révoquer votre nomination.

[…]

9 Mme Chandonnet a joint à sa lettre une copie du compte rendu de décision final signé par le défendeur le 20 novembre 2008, lequel se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Le Ministère a mené une enquête après avoir été informé qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière aurait pu mener à la nomination de M. Jarrod Goldsmith à un poste de spécialiste de la conception de la formation du groupe et niveau PM-03 au ministère des Ressources humaines et du Développement social – Service Canada, Ottawa.

Les « Fonctionnaires occupant un poste dans la Région de la capitale nationale » étaient admissibles au processus de sélection.

M. Goldsmith avait été embauché comme consultant externe dans un autre ministère à l’époque; il n’était donc pas fonctionnaire. Par conséquent, il n’était pas dans la zone de sélection. Il s’ensuit qu’il a été admis par erreur dans le processus de sélection et que sa nomination au poste était due à une erreur, une omission ou une conduite irrégulière qui avait sapé le processus de sélection.

L’administrateur général s’est donc prévalu de ses pouvoirs en révoquant par la présente décision la nomination de Jarrod Goldsmith […]

[…]

10 Selon le défendeur, le fonctionnaire a déposé au Tribunal de la dotation de la fonction publique (TDFP) une plainte qui doit être entendue en avril 2010.

11 Le défendeur m’a renvoyé au paragraphe 208(2) de la LRTFP, qui prévoit que :

208. (2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

12 Le défendeur a fait valoir que le fonctionnaire peut se prévaloir d’un autre recours administratif de réparation. Il a donc maintenu qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre le grief en vertu de la LRTFP.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

13 Le fonctionnaire a répondu aux arguments du défendeur le 9 février 2010. Il ne s’est pas opposé à la production de la lettre de Mme Chandonnet ni au compte rendu de la décision datée du 20 novembre 2008. Ses arguments se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été nommé à un poste à Ressources humaines et Développement des compétences Canada en mai 2009. En novembre 2009, il a été informé que, à la suite d’une enquête, « une erreur, une omission ou une conduite irrégulière avait influé sur le choix de la personne nommée ». Le fonctionnaire s’estimant lésé est d’avis qu’il a été licencié pour une prétendue inconduite et que son licenciement était donc disciplinaire.

Comme le licenciement était disciplinaire, la Commission des relations de travail dans la fonction publique a compétence pour entendre et trancher le grief au fond en vertu de l’alinéa 209(1)b). Il s’ensuit que le paragraphe 208(2) de la LRTFP ne s’applique pas puisque la LEFP n’offre pas au fonctionnaire s’estimant lésé un recours administratif de réparation.

[…]

C. Réfutation du défendeur

14 Le défendeur a souligné que le compte rendu de sa décision datée du 20 novembre 2008 ne renfermait aucune allégation d’inconduite de la part du fonctionnaire. Les mots « […] une erreur, une omission ou une conduite irrégulière […] » figurant dans le compte rendu de la décision avaient clairement trait au processus de nomination. On ne saurait les interpréter dans le sens allégué par le fonctionnaire.

IV. Motifs

15 En vertu du paragraphe 15(3) de la LEFP, l’administrateur général investi du pouvoir délégué peut enquêter sur une nomination et la révoquer :

15. (3) Dans les cas où la Commission autorise un administrateur général à exercer le pouvoir de faire des nominations dans le cadre d’un processus de nomination interne, l’autorisation doit comprendre le pouvoir de révoquer ces nominations — et de prendre des mesures correctives à leur égard — dans les cas où, après avoir mené une enquête, il est convaincu qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée.

16 Le compte rendu de la décision laisse entendre que le défendeur s’est prévalu de ce pouvoir pour mener une enquête sur le processus de nomination du fonctionnaire à son poste de spécialiste de la conception de la formation et qu’il a conclu qu’une « […] erreur, une omission ou une conduite irrégulière avait influé sur le choix de la personne nommée », au sens du paragraphe 15(3) de la LEFP. Il appert que c’est sur cette base qu’il a révoqué la nomination.

17 En vertu de l’article 74 de la LEFP, un fonctionnaire dont la nomination a été révoquée par un administrateur général peut porter plainte au TDFP :

74.La personne dont la nomination est révoquée par la Commission en vertu du paragraphe 67(1) ou par l’administrateur général en vertu des paragraphes 15(3) ou 67(2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle la révocation n’était pas raisonnable.

18 Nul ne conteste que la procédure de plainte au TDFP est « […] un recours administratif de réparation […] sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne […] », au sens du paragraphe 208(2) de la LRTFP. Si ce grief consiste fondamentalement à contester la décision du défendeur de révoquer la nomination du fonctionnaire en vertu de la LEFP, l’affaire ne saurait faire l’objet d’un grief fondé sur la LRTFP et le grief ne peut pas être renvoyé à l’arbitrage.

19 Le fonctionnaire a déclaré que son licenciement était plutôt de nature disciplinaire, ce qui signifie qu’il aurait le droit de renvoyer son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire […]

20 À mon avis, le fonctionnaire n’a toutefois pas avancé d’argument sérieux pouvant démontrer que la mesure prise par le défendeur ait quoi que ce soit à voir avec un des objets de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP. Le seul argument de fond qu’il a avancé est le suivant :

[Traduction]

[…]

[…] le fonctionnaire s’estimant lésé a été informé que, à la suite d’une enquête, « une erreur, une omission ou une conduite irrégulière avait influé sur le choix de la personne nommée ». Le fonctionnaire s’estimant lésé est d’avis qu’il a été licencié pour une inconduite irrégulière alléguée et que son licenciement était donc disciplinaire.

[…]

[Je souligne]

21 La proposition « […] une erreur, une omission ou une conduite irrégulière avait influé sur le choix de la personne nommée […] [je souligne] » est simplement une répétition du paragraphe 15(3) de la LEFP. J’estime entièrement déraisonnable de conclure en se basant exclusivement sur le renvoi du défendeur au dispositif de ce paragraphe de la LEFP, qui renferme également les mots « erreur » et « omission », que le défendeur aurait agi dans une intention ou un esprit disciplinaire en réagissant à une « conduite irrégulière », ou même qu’une conduite irrégulière quelconque qui aurait pu être en cause aurait été associée au comportement du fonctionnaire plutôt qu’aux actions des responsables du processus de sélection.

22 Sans quoi que ce soit d’autre qui puisse laisser entrevoir la possibilité qu’il ait fait quelque chose qui puisse être interprété comme une inconduite qui lui aurait valu une réaction disciplinaire ou une indication susceptible de laisser même entrevoir la possibilité que le défendeur aurait pu agir pour d’autres raisons que celles qu’il a déclarées, le fonctionnaire n’a pas réussi à soulever un argument qui puisse lui donner des chances raisonnables d’avoir gain de cause en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP.

23 Je prends note que le fonctionnaire s’est déjà réservé le droit de [traduction] « […]présenter des arguments que le licenciement était pour d’autres raisons qu’un manquement à la discipline ou une inconduite ». Toutefois, il n’a pas avancé ces arguments dans ses arguments écrits, alors que c’était l’occasion de le faire. Il n’a donc pas d’arguments valables à faire valoir pour démontrer que l’objet de son grief relève du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la LRTFP.

24 Je conclus que le fond du grief était la révocation de la nomination du fonctionnaire en vertu de la LEFP et que la LEFP prévoit un recours administratif de réparation pour une telle plainte. Un arbitre de grief nommé en vertu de la LRTFP n’a pas compétence pour entendre ce grief, dont le renvoi à l’arbitrage est injustifié.

25 Je le répète, le fonctionnaire a porté plainte au TDFP.

26 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

27 Le grief est rejeté.

Le 5 mars 2010.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
arbitre de grief

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