Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante est une gestionnaire - elle est membre du syndicat défendeur, un des éléments de l’agent négociateur - un fonctionnaire déposé un grief contre elle, et a également porté plainte auprès du syndicat - la plaignante prétend que le syndicat a manqué à son devoir de représentation équitable - la Commission a jugé que la plainte n’était pas fondée en droit, car la plaignante n’a subi aucune sanction disciplinaire de la part du syndicat. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-03-05
  • Dossier:  561-02-422
  • Référence:  2010 CRTFP 37

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

JO-ANN DUMONT

plaignante

et

SYNDICAT DE L’EMPLOI ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeur

Répertorié
Dumont c. Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, commissaire

Pour la plaignante:
Elle-même

Pour le défendeur:
Nathalie St-Louis, Alliance de la Fonction publique du Canada

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés les 13 et 22 janvier, le 8 février et le 3 mars 2010.

Plainte devant la Commission

1 Le 30 avril 2009, Jo-Ann Dumont (la « plaignante ») a déposé une plainte à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») contre le Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (le SEIC ou le « défendeur »). Le SEIC est une division administrative de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’AFPC), l’agent négociateur. La plaignante fonde sa plainte sur l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi »).

2 La plaignante formule divers reproches à l’égard du défendeur et de son rôle dans le dépôt d’une plainte de harcèlement par une employée membre du SEIC contre la plaignante, elle aussi membre du SEIC. Au moment des incidents en question, la plaignante occupait un poste de gestionnaire syndiqué. À l’origine, la présente plainte visait aussi l’employeur de la plaignante, mais cette dernière a depuis clairement indiqué à la Commission qu’elle retirait la partie de la plainte qui visait l’employeur.

3 En février 2007, une employée a déposé auprès de l’employeur un grief de harcèlement contre la plaignante. Puis, en juin 2007, la plaignante a reçu à son domicile une lettre l’avisant que cette même employée, membre du SEIC, avait déposé une plainte auprès du SEIC contre elle. La présidente nationale du SEIC, Jeannette Meunier-McKay, a alors avisé la plaignante que le SEIC avait mis sur pied un comité d’enquête pour examiner la plainte et en faire rapport par la suite.

4 Roch Laramée a été nommé par le SEIC pour siéger au comité d’enquête. M. Laramée était le représentant syndical de l’employée qui avait déposé un grief contre la plaignante. La plaignante a demandé au président national de l’AFPC d’intervenir afin que M. Laramée ne siège plus au comité d’enquête. Cette demande a été acceptée et M. Laramée n’a plus siégé au comité. L’enquête s’est par contre poursuivie. Entre-temps, le SEIC a offert des services de représentation à la plaignante, offre qui a été modifiée et retirée par la suite.

5 Le comité d’enquête a produit son rapport en novembre 2007. Le rapport recommandait la destitution de la plaignante à titre de membre du SEIC. La plaignante a accepté l’offre du défendeur de fournir ses commentaires dans les délais suggérés. Par la suite, la plaignante n’a plus jamais eu de nouvelles sur l’enquête ou sur la décision finale prise par Mme Meunier-McKay à la suite du rapport d’enquête. La plaignante prétend avoir demandé à deux reprises la décision finale prise à la suite du rapport d’enquête. Le 24 juillet 2009, la plaignante a de nouveau demandé d’obtenir la décision finale. Le vice-président national du SEIC l’a alors informée qu’aucune suspension ne serait imposée contre elle et qu’il considérait le dossier clos.

Résumé de l’argumentation

6 Selon la plaignante, les agissements du défendeur dans cette affaire constituent une pratique déloyale au sens de l’article 185 de la Loi et un manquement au devoir de représentation équitable au sens de l’article 187 de la Loi.

7 Selon la plaignante, tout au long du traitement de la plainte de harcèlement, le défendeur a agi de façon cavalière et de mauvaise foi ayant comme motivation des sentiments d’hostilité envers elle en raison de son statut de gestionnaire. Le défendeur a agi de mauvaise foi en refusant de lui fournir les explications qu’elle demandait et en prenant des mesures contraires à ses propres politiques que la plaignante m’a d’ailleurs soumises en appui de son argument De plus, la plaignante allègue que Mme Meunier-McKay a agi de façon arbitraire, capricieuse, illégale, hostile et de mauvaise foi en mettant sur pied le comité d’enquête, en y nommant M. Laramée et en négligeant de fournir à la plaignante une décision finale à la suite de l’enquête.

8 La plaignante allègue aussi que Mme Meunier-McKay n’aurait pas dû accepter la plainte de harcèlement car un grief avait déjà été déposé sur les mêmes faits. Selon elle, l’employée en question devait choisir entre les deux recours. Elle ne pouvait exercer les deux. Elle prétend également que le défendeur ne lui a jamais expliqué pourquoi il lui avait écrit à sa résidence et comment il avait pu obtenir son adresse.

9 Puisque la plainte porte sur des événements qui se sont produits en 2007, le défendeur allègue qu’elle devrait être rejetée car elle a été déposée en dehors des délais prévus au paragraphe 190(2) de la Loi. Sur ce point, le défendeur me renvoie aux décisions suivantes : Walters c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2008 CRTFP 106; Panula c. Agence du revenu du Canada et Bannon, 2008 CRTFP 4; Hérold c. Alliance de la Fonction publique du Canada et Gritti, 2009 CRTFP 132.

10 Le défendeur allègue aussi que la plainte porte essentiellement sur des affaires syndicales internes et que le défendeur ne lui a imposé aucune mesure disciplinaire. La Commission n’a donc pas compétence pour entendre la plainte. Sur ce point, le défendeur me renvoie à Shutiak c. Syndicat des employé-e-s de l’Impôt et Bannon, 2008 CRTFP 103.

11 En réplique, la plaignante prétend que sa plainte ne constitue pas une affaire syndicale interne, mais fait plutôt partie d’une série d’actions concertées prises par le défendeur dans le but de faire de la pression au sujet du grief de harcèlement déposé contre la plaignante. Quant à la question des délais pour déposer la plainte, la plaignante prétend qu’ils doivent être calculés à partir du moment où elle a obtenu la décision du défendeur sur les recommandations du comité d’enquête.

Motifs

12 La plaignante fonde sa plainte sur l’alinéa 190(1)g) de la Loi. Cet alinéa renvoie à l’article 185 de la Loi. Cet article fait état de diverses pratiques déloyales dont les manquements au devoir de représentation et les interdictions dont il est question aux articles 187 et 188 de la Loi. Les dispositions de la Loi pertinentes à la présente affaire se lisent comme suit :

190. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

g) l’employeur, l’organisation syndicale ou toute personne s’est livré à une pratique déloyale au sens de l’article 185.

[…]

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

[…]

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

[…]

188. Il est interdit à l’organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu’aux autres personnes agissant pour son compte :

[…]

c) de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer une sanction quelconque en appliquant d’une manière discriminatoire les normes de discipline de l’organisation syndicale;

[…]

13 Le défendeur prétend qu’il n’a pas enfreint ces dispositions de la Loi. Il prétend aussi que la plainte est hors délai. Le paragraphe 190(2) de la Loi prescrit qu’une plainte visée au paragraphe 190(1) doit être déposée dans un délai de 90 jours :

190.(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

14 Il est clair en lisant la plainte et les documents soumis subséquemment que la plaignante est insatisfaite des agissements du défendeur eu égard à un grief de harcèlement déposé contre elle par une autre employée et, par la suite, à une plainte de cette même employée soumise au défendeur. Les dispositions de la Loi citées ci-dessus balisent le champ d’intervention de la Commission dans ce type d’affaire. Ce champ se limite au devoir de représentation (article 187) et aux mesures disciplinaires prises par le syndicat contre un de ses membres (alinéa 188 c)).   

15 Sur la question du devoir de représentation, la plainte ne contient rien d’autre que la phrase suivante : « Entre-temps, le syndicat m’a offert une représentation, offre qui a été modifiée et retirée par la suite ». À quoi la plaignante fait-elle référence? Quand cela s’est-il produit? Dans quel contexte le syndicat a-t-il modifié ou retiré son offre de représentation? La représentation dont il est ici question est celle qu’une organisation syndicale offre à ses membres pour faire valoir leurs droits face à l’employeur. Elle ne s’applique aucunement aux affaires syndicales internes. La plaignante ne m’a rien présenté qui, même une fois prouvé, pourrait me convaincre que le défendeur a manqué au devoir de représentation qui lui incombe selon l’article 187 de la Loi

16 À la suite de la réception en 2007 d’une plainte de harcèlement contre la plaignante déposée par une autre employée, le défendeur a mis en place un comité d’enquête. La plaignante n’a été informée qu’en juillet 2009 de la décision du défendeur de ne prendre aucune mesure disciplinaire contre elle. L’alinéa 188 c) de la Loi ne me donne compétence que pour intervenir dans des situations où l’organisation syndicale aurait agi d’une manière discriminatoire en imposant une mesure disciplinaire. Or, dans la présente affaire, aucune mesure disciplinaire n’a été imposée. Je n’ai donc pas la compétence pour examiner les allégations de la plaignante.

17 Le défendeur prétend que la plainte est hors délai. Je ne traiterai pas de cette question, ayant rejeté la plainte sur le fond.

18 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

19 La plainte est rejetée.

Le 5 mars 2010.

Renaud Paquet,
commissaire

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.