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Informations sur la décision

Résumé :

Le demandeur avait eu gain de cause dans deux décisions antérieures portant sur des plaintes contre les mesures disciplinaires imposées par son agent négociateur - dans une décision, la Commission avait ordonné la réintégration dans les fonctions syndicales, mais non dans l’autre - le demandeur voulait que cette deuxième décision soit modifiée dans le même sens que la première - la Commission a refusé de réexaminer la décision en cause, parce qu’il n’y avait aucun fait ou argument nouveau ni autre motif impérieux qui justifierait le réexamen de la décision. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-03-11
  • Dossier:  525-34-26
  • Référence:  2010 CRTFP 38

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

GUY VEILLETTE

demandeur

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une demande de réexamen prévue à l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Marie-Josée Bédard, vice-présidente

Pour le demandeur:
Lui-même

Pour le défendeur:
Robert Dury, avocat

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés le 5 novembre et le 18 décembre 2009, les 7 et 26 janvier et le 23 février 2010.

I. Demande devant la Commission

1 Le 5 novembre 2009, le demandeur, Guy Veillette, a déposé une demande de réexamen en vertu de l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch.22 (la « Loi »), de la décision rendue le 29 mai 2009 par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») dans Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Rogers, 2009 CRTFP 64.

2 Pour bien comprendre la nature de la demande, il est opportun d’exposer sommairement le contexte de la décision en cause, lequel est lié à d’autres litiges existants entre M. Veillette et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’ « Institut »).

3 M. Veillette a occupé diverses fonctions syndicales au sein de l’Institut. En janvier 2007, l’Institut l’a suspendu de ses fonctions syndicales pour une période de deux ans, laquelle se terminait le 15 janvier 2009. Le 23 mars 2007, M. Veillette a déposé une plainte de pratique déloyale contre l’Institut, invoquant qu’il avait appliqué à son endroit des normes de discipline de façon discriminatoire. Cette plainte a été accueillie par la Commission (Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 58).

4 Le 27 janvier 2009, soit après l’expiration de la suspension de deux ans imposée en janvier 2007, mais avant que la décision de la Commission ne soit rendue à l’égard de la plainte déposée par M. Veillette, l’Institut a de nouveau suspendu M. Veillette de ses fonctions syndicales. Cette deuxième suspension lui a été imposée aux termes de la Politique relative aux membres et aux plaintes à des organismes extérieurs de l’Institut parce qu’il avait déposé une plainte contre l’Institut devant la Commission. Cette suspension devait se terminer lorsque les procédures relatives à la plainte déposée le 23 mars 2007 seraient elles-mêmes terminées. Le 11 février 2009, M. Veillette a déposé auprès de la Commission une seconde plainte de pratique déloyale contre l’Institut invoquant que cette deuxième suspension était illégale (cette plainte a donné lieu à la décision 2009 CRTFP 64 qui fait l’objet de la présente demande de réexamen).

5 Le 7 mai 2009, la Commission a rendu la décision 2009 CRTFP 58 à l’égard de la plainte déposée par M. Veillette le 23 mars 2007. Dans sa décision, la Commission a accueilli la plainte de M. Veillette, annulé la mesure disciplinaire et ordonné la réintégration de M. Veillette dans ses fonctions syndicales. L’Institut a déposé une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision en Cour d’appel fédérale (dossier A-229-09). Dans le cadre des procédures de contrôle judiciaire, l’Institut a déposé une demande de sursis de la décision 2009 CRTFP 58 en attendant que la Cour d’appel fédérale se prononce sur la demande de contrôle judiciaire, mais cette demande a été rejetée dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Veillette, 2009 CAF 256. Voyant que l’Institut ne se conformait pas à l’ordonnance émise dans la décision 2009 CRTFP 58, M. Veillette a demandé à la Commission de déposer sa décision à la Cour fédérale pour fin d’exécution. Dans Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 174, rendue le 11 décembre 2009, la Commission a déclaré que l’Institut n’avait pas respecté l’ordonnance émise dans la décision 2009 CRTFP 58 et indiqué qu’elle déposerait cette décision à la Cour fédérale.

6 À la suite de cette décision, l’Institut a décidé de se conformer à la décision de la Commission 2009 CRTFP 58 et de réintégrer M. Veillette dans ses fonctions syndicales. Le 11 janvier 2010, le président de l’Institut a avisé M. Veillette que son statut de délégué syndical avait été réactivé en conformité avec la décision 2009 CRTFP 58. Le 25 janvier 2010, le président de l’Institut a de nouveau écrit à M. Veillette pour l’informer que le conseil d’administration de l’Institut, lors de sa réunion du 23 janvier 2010, avait décidé de le réintégrer dans toutes les fonctions syndicales qu’il occupait avant sa suspension du 11 janvier 2007, conformément à la décision 2009 CRTFP 58.

7 Revenons maintenant à la décision qui fait l’objet de la demande de réexamen. La Commission a rendu la décision 2009 CRTFP 64 le 29 mai 2009. Dans cette décision, la Commission a accueilli la plainte déposée par M. Veillette le 11 février 2007 et elle a ordonné à l’Institut de modifier sa Politique relative aux membres et aux plaintes à des organismes extérieurs en vertu de laquelle M. Veillette avait été suspendu (suspension imposée le 27 janvier 2009). La Commission n’a toutefois pas accordé la deuxième mesure corrective que recherchait M. Veillette, soit sa réintégration dans ses fonctions syndicales, estimant qu’elle n’avait pas le pouvoir d’accorder cette mesure corrective.

8 C’est cette partie de la décision de la Commission qui fait l’objet de la demande de réexamen et j’y reviendrai plus loin dans la présente décision.

9 L’Institut a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision 2009 CRTFP 64 en Cour d’appel fédérale (dossier A-266-09). M. Veillette a demandé à la Cour d’appel fédérale que les demandes de contrôle judiciaire à l’encontre des décisions 2009 CRTFP 58 (A-229-09) et 2009 CRTFP 64 (A-266-09) soient entendues en même temps et que l’audience de la Cour d’appel fédérale soit suspendue jusqu’à ce que la Commission se soit prononcée sur la présente demande de réexamen. La Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de suspension de l’audience, mais elle a ordonné que les dossiers A-229-09 et A-266-09 soient entendus ensemble le 14 avril 2010. 

10 Parallèlement aux plaintes déposées par M. Veillette, la Commission a été saisie d’une autre plainte déposée par un autre fonctionnaire contre l’Institut qui mettait en cause l’application de la même politique administrative que celle en cause dans la décision 2009 CRTFP 64. Dans Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 103, la Commission a fait droit à la plainte de la fonctionnaire, elle a ordonné à l’Institut de modifier sa politique et elle a ordonné la réintégration de la plaignante dans ses fonctions syndicales. Cette décision fait également l’objet d’une demande de contrôle judiciaire en Cour d’appel fédérale (dossier A-337-09).   

11 M. Veillette a déposé la demande de réexamen le 5 novembre 2009. L’Institut a répondu à cette demande le 18 décembre 2009. Le 7 janvier 2010, M. Veillette a répondu à son tour. Le 26 janvier 2010, la Commission a informé les parties que la demande de réexamen serait traitée sur la base d’arguments écrits et elle leur a donné la possibilité de soumettre des arguments additionnels. M. Veillette n’a pas soumis d’arguments additionnels. Le 23 février 2010, l’Institut a pour sa part informé la Commission qu’il s’était conformé aux ordonnances de la décision 2009 CRTFP 58 et qu’il avait réintégré M. Veillette dans toutes ses fonctions syndicales. L’Institut a également déposé la documentation afférente à la réintégration de M. Veillette.    

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour le demandeur

12 Dans sa demande de réexamen, M. Veillette demande à la Commission de modifier la décision 2009 CRTFP 64 afin d’ordonner sa réintégration dans ses fonctions syndicales. Rappelons que dans sa décision, la Commission a expressément refusé d’accorder cette mesure corrective, estimant qu’elle n’avait pas le pouvoir d’émettre une telle ordonnance (paragr. 43 de la décision).

13 M. Veillette exprime comme suit les motifs au soutien de sa demande de réexamen :

[…]

La décision pour laquelle une demande en vertu de l’article 43 est adressée à la Commission, Veillette c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Rogers, 2009 CRTFP 64, fut rendue en mai 2009, très peu de temps après la décision 2009 CRTFP 58 qui fut également rendue en mai 2009.

Il est important de souligner que dans la cause 2009 CRTFP 64, les parties ont procédé par écrit. La position du plaignant fut soumise à la Commission le 23 avril 2009, date à laquelle la décision 2009 CRTFP 58 n’était pas encore rendue.

On note également que la décision 2009 CRTFP 64 ne réfère aucunement aux ordonnances de la décision 2009 CRTFP 58. Ce qui laisse supposé [sic], compte tenu de la publication presque simultanée de ces deux décisions au mois de mai 2009, que la décision 2009 CRTFP 58 constitue un nouvel argument, une jurisprudence majeure que le plaignant ne pouvait présenter dans le cadre de la cause originale.

[…]

14 M. Veillette invoque également Bremsak au soutien de sa demande et soutient ce qui suit :

[…]

En 2009, l’Institut professionnel fut reconnu coupable de pratique déloyale par la Commission à deux reprises suite à l’application de sa « Politique relative aux membres et aux plaintes à des organismes extérieurs », soit dans les décisions 2009 CRTFP 64 et 2009 CRTFP 103 [Bremsak].

Le 23 avril 2009, au moment de soumettre les arguments écrits à la Commission dans la cause 2009 CRTFP 64, monsieur Guy Veillette et madame Irene Bremsak avaient déjà déposé leurs plaintes de pratique déloyale contre l’Institut relativement aux dossiers 2009 CRTFP 58 et 103 et ce, depuis plusieurs mois.  

Au paragraphe 13 de la décision Francine Bouchard c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 31, i lest [sic] indiqué :

« Les faits nouveaux qui seraient susceptibles de donner ouverture à une demande de réexamen doivent être des faits qui existaient à la date d’audience, mais que la partie demanderesse ne pouvait raisonnablement présenter. »

Il est clair que la décision 2009 CRTFP 103 rendue en août 2009, est postérieure à la décision 2009 CRTFP 64. Il s’agit à nouveau d’un nouvel argument, d’une jurisprudence importante que le plaignant ne pouvait présenter dans le cadre de la cause 2009 CRTFP 64.

[…]

15 M. Veillette exprime comme suit la mesure corrective qu’il recherche par le biais de sa demande de réexamen :

Hormis le fait que cette plainte soit accueillie en partie, le paragraphe 46 constitue l’unique ordonnance de cette décision. Aucune mesure réparatrice n’est accordée au plaignant et ce malgré la pratique déloyale commise par l’Institut.

J’allègue respectueusement qu’en omettant d’émettre les ordonnances prévues à l’article 192(1), aux alinéas 192(1) (e) ou (f) de la Loi, la Commission commet une erreur de droit.

La décision 2009 CRTFP 64 fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire par l’Institut devant la Cour d’appel fédérale (# de dossier A-266-09).

Ce réexamen entraînera des conséquences importantes et déterminantes sur les décisions 2009 CRTFP 58, 64 et 103 devant la Cour d’appel fédérale.

[…]

Dans ces circonstances, avec respect, je crois impératif que la Commission prenne l’opportunité de réexaminer les ordonnances de la décision 2009 CRTFP 64 pour les rendre conformes au [sic] deux autres [2009 CRTFP 58 et 103].

[…]

B. Pour le défendeur

16 L’Institut soumet pour sa part que la demande de réexamen ne satisfait pas aux paramètres d’intervention reconnus par la Commission, qu’elle ne mentionne aucun fait nouveau et qu’elle ne constitue en fait qu’une tentative d’obtenir de nouvelles ordonnances réparatrices. L’Institut s’exprime comme suit :

[…]

[…] nous soumettons que le seul élément invoqué par monsieur Veillette à son soutien est la décision rendue par la Commission dans l’affaire Bremsak portant le numéro 2009 CRTFP 103. Cette décision concerne une autre membre de l’Institue et porte sur des faits et arguments différents de ceux qui ont donné lieu à la décision 2009 CRTFP 58.    

La Commission a développé par sa jurisprudence des critères d’intervention en lien avec l’application de l’article 43 de la Loi. […]

[…]

Ainsi, non seulement la demande de réexamen nécessite la présentation de changement de circonstances ou de faits nouveaux qui n’ont pu être présentés à l’audition, ces nouveaux faits doivent de plus avoir des conséquences importantes et déterminantes sur la décision de la Commission.

Or, en l’espèce, il n’existe aucune raison d’intervenir puisque monsieur Veillette n’a introduit aucun fait nouveau ou circonstance susceptible d’avoir des conséquences importantes et déterminantes sur la décision rendue par la Commission. De la même façon, la demande de réexamen ne se fonde pas sur des allégations d’erreurs de droit, des principes qui remettent en question l’interprétation de la Loi retenue par la Commission ni sur un prétendu non respect d’un principe de justice naturelle (Luc Beaulne c. Alliance de la fonction oublique du Canada, 2009 CRTFP 105 ; Alain Laferrière c. Stanislaus Hogan, 2008 CRTFP 48).

En toute déférence, l’Institut soumet que la demande de réexamen n’a rien à voir avec les motifs de la décision de la Commission et ne constitue qu’une tentative d’obtenir de nouvelles ordonnance réparatrices sans toutefois invoquer des faits ou arguments autres que ceux déjà évalués par la Commission au moment de rendre sa décision originale. L’une des demandes d’ordonnances de monsieur Veillette est même contraire à ce qui a été décidé par la Commission, soit l’absence de compétence pour ordonner la réintégration dans ses fonctions syndicales. Monsieur Veillette n’a soumis aucun argument valable pour justifier l’intervention de la Commission à cet égard.

De plus, la Commission a déjà conclu que les faits nouveaux qui sont postérieurs à la date d’audience ne peuvent servir de fondement à une demande de réexamen (Francine Bouchard 2009 CRTFP 31). La décision de la Commission dans Bremsak (2009 CRTFP 103) ainsi que les actes ou propos tenus par l’Institut sont postérieurs à la décision de la Commission (2009 CRTFP 58) et, par conséquent, ils sont irrecevables et non pertinents aux fins de la demande de réexamen.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

17 L’Institut a également invoqué le caractère tardif de la demande de réexamen. Il a soutenu à cet égard ce qui suit :

[…]

Enfin la demande de réexamen devrait être rejetée au motif de sa présentation tardive. Tel qu’énoncé dans la décision Mohamed Aslam Chandhry [sic] (2009 CRTFP 39) :

« Aucune échéance n’est prescrite pour la présentation d’une demande de réexamen en vertu de l’article 43 de la LRTFP. Cependant, pour assurer le caractère définitif du règlement des conflits de travail, les demandes de réexamen devraient être présentées le plus tôt possible, c’est-à-dire à l’intérieur d’un délai raisonnable à compter du moment où le demandeur obtient l’information ou la preuve sur laquelle il entend fonder sa demande. »

La décision Bremsak a été rendue en août 2009 et la demande de réexamen n’a été présentée en l’espèce que le 5 novembre 2009. Il ne s’agit pas là d’un délai raisonnable et la demande devrait être rejetée pour sa tardivité.

[…]

18 M. Veillette n’a pas répondu à l’argument invoqué par l’Institut relativement à la tardivité de la demande. 

III. Motifs

19 La demande de réexamen est fondée sur le paragraphe 43(1) de la Loi qui prévoit ce qui suit :

43.(1) La Commission peut réexaminer, annuler ou modifier ses décisions ou ordonnances, ou réentendre toute demande avant de rendre une ordonnance à son sujet.

20 Cette disposition n’est pas assortie d’un délai pour déposer une demande de réexamen. La Commission a par ailleurs jugé dans Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) qu’une demande de réexamen devait être présentée « […] le plus tôt possible, c’est-à-dire à l’intérieur d’un délai raisonnable à compter du moment où le demandeur obtient l’information ou la preuve sur laquelle il entend fonder sa demande ».

21 L’Institut soutient que la demande de M. Veillette n’a pas été déposée dans un délai raisonnable. Il soutient à cet égard que M. Veillette invoque Bremsak au soutien de sa demande et que cette décision a été rendue en août 2009 alors que la demande de réexamen a été déposée le 5 novembre 2009.

22 M. Veillette soutient que les décisions Veillette (2009 CRTFP 58) et Bremsak (2009 CRTFP 103) constituent les nouveaux arguments donnant ouverture à sa demande de réexamen. La décision Veillette a été rendue le 7 mai 2009 et Bremsak le 26 août 2009 soit, dans le cas de Bremsak, un peu plus de 60 jours avant le dépôt de la demande de réexamen. Comme M. Veillette n’a pas rétorqué à l’argument de l’Institut quant au caractère tardif de la demande et qu’il n’a pas précisé à quel moment et dans quelles circonstances il a pris connaissance de Bremsak, il est difficile de déterminer en l’espèce quel était le point de départ du délai raisonnable pour déposer la demande de réexamen. Je considère toutefois qu’il n’est pas nécessaire que je tranche l’argument de l’Institut quant au caractère tardif de la demande puisque j’estime que les motifs invoqués par M. Veillette ne peuvent donner ouverture à une demande de réexamen. 

23 L’article 43 de la Loi est entré en vigueur le 1er avril 2005. Cette disposition est identique à l’article 27 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, qui était applicable avant le 1er avril 2005. La jurisprudence, tant de l’ancienne Commission que de la nouvelle Commission, a interprété ces dispositions et développé des paramètres d’intervention. La décision Danyluk et al. c. Union des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce section locale nº 832, 2005 CRTFP 179, illustre bien les critères développés par la Commission :

[…]

[14] […] L’ancienne Commission a longtemps interprété l’article 27 de l’ancienne LRTFP en concluant qu’il n’avait pas pour objet de permettre à une partie déboutée de faire valoir à nouveau sa thèse, mais plutôt de permettre à la Commission de réexaminer une décision en tenant compte d’un changement des circonstances ou de permettre à une partie de présenter de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments qu’elle ne pouvait pas raisonnablement présenter à l’audition originale, ou encore de permettre à la Commission de rouvrir le dossier lorsqu’il existait d’autres motifs de réexamen impérieux. Qui plus est, la jurisprudence de la Commission a établi que les nouveaux éléments de preuve ou nouveaux arguments soulevés par une partie dans une demande de réexamen doivent avoir des conséquences importantes et déterminantes sur sa décision. Je souscris à la position de l’ancienne Commission quant à l’interprétation à donner à l’article 27 de l’ancienne LRTFP et je ne vois aucune raison pour qu’on n’interprète pas la nouvelle Loi de la même façon. […]

[…]

24 Relativement aux faits nouveaux pouvant être invoqués au soutien d’une demande de réexamen, j’ai exprimé ce qui suit dans Bouchard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 31 :

[…]

13      Quant aux nouveaux faits invoqués par la demanderesse, ils sont tous postérieurs à la date d’audience et ils ne peuvent, dans les circonstances, servir de fondement à une demande de réexamen en vertu de l’article 43 de la Loi. Les faits nouveaux qui seraient susceptibles de donner ouverture à une demande de réexamen doivent être des faits qui existaient à la date d’audience, mais que la partie demanderesse ne pouvait raisonnablement présenter. Une demande de réexamen, de par sa nature, présuppose que la Commission réexamine un dossier tel qu’il aurait dû être constitué à l’audience originale n’eut été des circonstances particulières ayant empêché une partie de les présenter à l’audience.

[…]

25 Appliquant ces critères en l’espèce, je ne vois aucune raison d’intervenir puisque aucun des motifs invoqué par M. Veillette ne satisfait aux critères établis par la Commission.

26 La section de la décision 2009 CRTFP 64 qui est visée par la demande de réexamen est le paragraphe 43. La Commission a traité comme suit de sa compétence à l’égard de l’ordonnance de réintégration recherchée par M. Veillette :

43      Même si j’accueille la plainte, je n’ai pas le pouvoir d’ordonner que le plaignant soit nommé délégué syndical, ni qu’il retrouve ses fonctions syndicales car ce serait clairement m’immiscer dans les affaires syndicales, ce que je ne suis pas en droit de faire. […]

27 M. Veillette estime que cette conclusion est erronée et qu’elle constitue une erreur de droit. Il demande donc à la Commission de modifier les conclusions et d’émettre une ordonnance enjoignant à l’Institut de le réintégrer dans ses fonctions syndicales. Au soutien de sa demande, M. Veillette déclare que la décision de la Commission n’est pas conforme aux ordonnances émises par la Commission dans les décisions 2009 CRTFP 58 (Veillette) et 2009 CRTFP 103 (Bremsak), et il soutient que ces dernières n’avaient pas été rendues lorsqu’il a soumis ses arguments écrits en avril 2009, constituent des nouveaux arguments donnant ouverture à une demande de réexamen. Avec respect, je ne partage pas l’avis de M. Veillette.  

28 Par le biais de sa demande de réexamen, M. Veillette exprime son désaccord avec la conclusion de la Commission et il demande à la Commission de modifier la décision initiale pour accorder l’ordonnance recherchée. À mon avis, il s’agit clairement d’une demande d’appel de la décision 2009 CRTFP 64. Or, la Commission saisie d’une demande de réexamen ne siège pas en appel de la décision initiale.

29 Je considère également que les décisions 2009 CRTFP 58 (Veillette) et 2009 CRTFP 103 (Bremsak) que M. Veillette invoque comme étant « de nouveaux arguments » ne sont pas des nouveaux faits ou arguments pouvant donner lieu à une demande de réexamen.

30 D’abord, la décision 2009 CRTFP 58 traitait de la plainte déposée à l’égard de la suspension imposée en janvier 2007 qui était distincte de la plainte déposée relativement à la suspension de janvier 2009 qui était en cause dans 2009 CRTFP 64 et elle a été rendue avant la décision 2009 CRTFP 64. Cela laisse présumer que la Commission avait connaissance de la décision 2009 CRTFP 58 lorsqu’elle a rendu sa décision 2009 CRTFP 64. De plus, bien que la plainte déposée à l’égard de la suspension imposée à M. Veillette en janvier 2007 ait été la cause de la suspension qui lui a été imposée en janvier 2009, les ordonnances émises dans la décision 2009 CRTFP 58 (plainte relative à la suspension de janvier 2007) ne liaient aucunement la Commission saisie de la plainte relative à la suspension de janvier 2009 et n’avaient aucune incidence sur les mesures correctives recherchées et émises dans la décision 2009 CRTFP 64. Dans 2009 CRTFP 58 la Commission a ordonné l’annulation de la suspension imposée à M. Veillette en janvier 2007. Dans 2009 CRTFP 64, les mesures correctives recherchées visaient à invalider la politique en vertu de laquelle la suspension de janvier 2009 avait été imposée à M. Veillette et l’annulation de cette suspension imposée en janvier 2009. Par conséquent, même si la décision 2009 CRTFP 58 pouvait être considérée comme un nouvel argument pouvant donner lieu à une demande de réexamen, ce nouvel argument n’aurait pas eu de conséquence sur la décision de la Commission dans 2009 CRTFP 64.

31 Le même commentaire vaut pour la décision 2009 CRTFP 103 (Bremsak). Cette décision a été rendue à l’égard d’une plainte concernant un autre membre de l’Institut, dans un contexte factuel qui lui était propre et elle a été rendue en août 2009, soit après la décision 2009 CRTFP 64. Elle constitue donc au surplus un « fait » ou un « argument » postérieur qui ne pourrait donner ouverture à une demande d’examen tel qu’exprimé dans Bouchard.

32 Je conviens que la Commission a ordonné la réintégration de M. Veillette dans ses fonctions syndicales dans les décisions 2009 CRTFP 58 et 103, ce qu’elle a refusé de faire dans la décision 2009 CRTFP 64 parce que le commissaire saisi de la plainte estimait qu’il n’avait pas la compétence pour émettre cette ordonnance. À cet égard, il est utile de rappeler que chaque décision a été rendue dans un contexte factuel qui lui était propre. De plus, le fait que des décisions de la Commission expriment des opinions différentes et émettent des conclusions différentes à l’égard de certaines dispositions de la Loi ne serait pas suffisant en soi pour justifier que la Commission réexamine une de ces décisions. Si une partie estime que la Commission a commis une erreur de droit, comme c’est la cas pour M. Veillette en l’espèce, le recours approprié est la demande de contrôle judiciaire et non une demande de réexamen en vertu de l’article 43 de la Loi.        

33 Je considère donc que M. Veillette n’a avancé aucun fait ou argument nouveau qui justifierait que je réexamine la décision 2009 CRTFP 64.

34 De plus, l’objectif recherché par M. Veillette dans sa demande de réexamen réside dans l’obtention d’une ordonnance de réintégration dans ses fonctions syndicales. Or, l’Institut allègue que le 23 janvier 2010 elle a réintégré M. Veillette dans toutes les fonctions syndicales qu’il occupait avant sa suspension de janvier 2007. Bien que cette réintégration ait été effectuée en application de l’ordonnance rendue dans la décision 2009 CRTFP 58, elle a pour effet de rendre moins « utile » au sens pratique l’ordonnance recherchée par M. Veillette dans le cadre de sa demande de réexamen.  

35 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

36 La demande de réexamen de la décision rendue le 25 mai 2009 dans le dossier 561-34-384 (2009 CRTFP 64) est rejetée. 

Le 11 mars 2010.

Marie-Josée Bédard,
vice-présidente

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