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Informations sur la décision

Résumé :

L’Association professionnelle des agents du service extérieur (l’<<agent négociateur>>) a déposé contre le Conseil du Trésor (l’<<employeur>>) un grief de principe dans lequel il a allégué que la conversion des employés FS-02 au nouveau niveau FS-03 à la suite de l’adoption de la nouvelle norme de classification n’a pas été effectuée conformément aux règles de rémunération énoncées à l’article 46 de la convention collective - la convention collective a été conclue en juin 2005, et la conversion des postes devait se produire au cours du mois suivant - l’arbitre de grief a statué que l’interprétation avancée par l’employeur ne menait pas à un résultat absurde - l’article 46 ne s’appliquait pas, puisqu’il s’appliquait à la seule période de rétroactivité, et que la conversion devait être effectuée à l’expiration de cette période - de plus, la conversion ne figurait pas sur la liste des événements à l’égard desquels l’article 46 devait s’appliquer - la conversion en question n’était pas une promotion - il ressort clairement du libellé de la note sur la rémunération contenue dans la convention collective que la clause 46.03 ne s’appliquait pas - la notion de <<ligne inférieure>> ou de proximité privilégiée par l’agent négociateur est une exception à la méthode de calcul principale, qui repose sur une notion relative aux nombres - la question de la rétroactivité ne se posait pas dans ce cas, puisque la mise en œuvre de la conversion devait s’étendre sur les mois ou les années à venir, et que donc les principes énoncés dans Lajoie c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), dossiers de la CRTFP 166-02-20731 et 20732 (19910813), et Buchmann c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 14, ne s’appliquaient pas. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-04-08
  • Dossier:  569-02-47
  • Référence:  2010 CRTFP 53

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES AGENTS DU SERVICE EXTÉRIEUR

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Répertorié
Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil du Trésor

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michel Paquette, arbitre de grief

Pour l'agent négociateur:
Ron Cochrane

Pour l'employeur:
Richard E. Fader, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 8 octobre 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1 L'Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE) (l’« agent négociateur ») a déposé un grief de principe contre le Conseil du Trésor le 16 mai 2008. Le grief comportait les allégations suivantes :

[Traduction]

Lorsque la nouvelle norme de classification pour les FS a été instaurée en juillet 2005, les employés de ce groupe se trouvant au niveau 2 devaient passer au nouveau niveau FS-03, en conformité avec les règles de rémunération (indiquées à l'article 46 de la convention collective des FS). Selon ces règles, il faut que le nouveau taux de rémunération des employés assujettis à l'échelle de traitement correspondant au groupe et au niveau FS-03 place ceux-ci dans une position où leur salaire et leur place dans l'échelle de taux ne sont pas inférieurs au salaire et à la place qu'ils avaient avant la conversion.

2 La mesure corrective suivante a été demandée :

[Traduction]

L'APASE demande que le taux de rémunération des employés FS-02 qui ont été touchés par l'interprétation du SCT soit rajusté en fonction de l'interprétation de l'APASE à compter de juillet 2005.

3 Le Conseil du Trésor a répondu au grief le 7 juillet 2008 en déclarant qu'il avait correctement interprété la convention collective, et il a rejeté le grief. Le grief a été renvoyé à l'arbitrage devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique le 22 juillet 2008. La convention collective qui s'applique, soit celle entre l'Association professionnelle des agents du service extérieur et le Conseil du Trésor (la « convention collective »), a expiré le 30 juin 2007.

II. Résumé de la preuve

4 Les parties ont soumis l’énoncé conjoint des faits suivants :

[Traduction]

[…]

[1] L'Association professionnelle des agents du service extérieur est l'agent négociateur accrédité pour les employés du groupe FS, et la convention collective dont il est question dans le présent grief de principe est celle venant à expiration le 30 juin 2007.

[2] La ronde de négociation entre l'employeur et l'agent négociateur s'est soldée par la conclusion d'une convention collective signée le 7 juin 2005 et a comporté des négociations concernant un nouveau système de classification des FS devant entrer en vigueur le 1er juillet 2005. L'ancien système de classification englobait trois niveaux :

1. FSDP – Le niveau d'entrée/de perfectionnement;

2. FS-01 – Ce niveau devait disparaître en 1998 en tant que niveau de travail, et très peu de FS se trouvaient toujours à ce niveau;

3. FS-02 – Il s'agissait du niveau de travail auquel la plupart des FS en fonction étaient classifiés.

Le nouveau système de classification compte quatre (4) niveaux (en vigueur à compter du 1er juillet 2005) :

1. FS-01 – Niveau d'entrée/de formation;

2. FS-02 – Analyste/niveau de travail;

3. FS-03 – Directeur adjoint/spécialiste;

4. FS-04 – Conseiller principal/expert.

L'instauration du nouveau système de classification a donné lieu à un exercice de « conversion » au terme duquel tous les employés du groupe et du niveau existants FS-02 ont été « convertis » aux nouveaux groupe et niveau FS-03 (à compter du 1er juillet 2005).

[3] L'employeur et l'agent négociateur ont conclu un protocole d'entente, daté du 7 avril 2005, concernant la convention collective de l'unité de négociation du groupe Service extérieur (annexe 1) et comportant la mention suivante :

« Les éléments convenus et approuvés le 7 avril 2005 ou avant cette date seront intégrés à la nouvelle convention collective. »

Les taux de rémunération sont énumérés à l'« appendice A » de ce protocole d'entente.

[4] L'employeur et l'agent négociateur ont signé la convention collective le 7 juin 2005 (annexe 2).

[5] Le 26 juillet 2006, l'agent négociateur a déposé une plainte aux termes de l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), portant le numéro de dossier de la Commission 561-02-118. L'une des questions soulevées dans la plainte concerne le fait que les taux de rémunération sont présentés de manière différente dans le protocole d'entente daté du 7 avril 2005 et dans la convention collective signée le 7 juin 2005.

[6] Les parties ont conclu un protocole d'accord, daté du 14 avril 2008, en vue de régler la plupart des questions soulevées dans la plainte susmentionnée. Dans le cadre de cet accord, l'employeur a convenu de renoncer à présenter des objections concernant le respect des délais si l'agent négociateur décidait de déposer un grief de principe au sujet de la présentation des taux de rémunération dans la convention collective. L'employeur a également convenu du fait que les taux de rémunération indiqués à l'annexe « A » du protocole d'entente daté du 7 avril 2005 feraient partie de la convention collective (venant à expiration le 30 juin 2007).

[7] Le 16 mai 2008, l'agent négociateur a présenté à l'employeur un grief de principe portant le numéro de dossier 2008-54 (annexe 3). Mis à part le grief, l'agent négociateur n'a soumis aucun argument par écrit ou de vive voix au décideur.

[8] L'employeur a émis une réponse au grief de principe le 7 juillet 2008 (annexe 4).

[9] L'agent négociateur a renvoyé le grief de principe à l'arbitrage le 22 juillet 2009 (annexe 5).

[10] Le paragraphe 220(1) de la LRTFP prévoit ce qui suit : « Si l’employeur et l’agent négociateur sont liés par une convention collective ou une décision arbitrale, l’un peut présenter à l’autre un grief de principe portant sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention ou de la décision relativement à l’un ou l’autre ou à l’unité de négociation de façon générale. »

[11] La clause 46.03b) de l'article 46, Administration de la paye, ne s'applique qu'aux taux indiqués à l'appendice « A » de la convention collective (voir l'annexe 2) qui sont entrés en vigueur avant la date de la signature de la convention (le 7 juin 2005).

[12] Les notes sur la rémunération ayant trait à la « conversion » se trouvent à la page 88 de la convention collective (voir l'annexe 2).

[13] Les parties conviennent du fait que l'événement qui constitue le fondement du grief de principe est la conversion des employés FS-02 au nouveau niveau FS-03, qui a eu lieu le 1er juillet 2005.

[…]

III. Résumé de l'argumentation

A. Pour l'agent négociateur

5 Le représentant de l'agent négociateur a expliqué qu’un nouveau système de classification pour le groupe des agents du service extérieur, dont la date d'entrée en vigueur était le 1er juillet 2005, a été négocié et accepté le 7 juin 2005. Le système est passé de trois niveaux à quatre niveaux. Tous les postes FS-02 sous le régime de l'ancien système sont devenus des postes FS-03 dans le cadre du nouveau système en date du 1er juillet 2005. La question à trancher ici est la façon de rajuster les taux de rémunération dans le cadre de cette conversion.

6 L'appendice « A » de la convention collective se lit comme suit :

APPENDICE « A »
GROUPE DU SERVICE EXTÉRIEUR
ÉCHELLES DE RÉMUNÉRATION
(en dollars)

A) En vigueur le 1er juillet 2003

B) En vigueur le 1er juillet 2004

Structure de rémunération de perfectionnement

De :          $      44026       47260       53309        55495

À :            A     45127       48442       54642        56882

                 B     46142       49532       55871        58162

FS-1

De            $      55495

                 A     56882

                 B      58162

FS-2

De         $   60229    62880    65646    68535    71550    74699    77958    81418 85000

              A  61735    64452    67287    70248    73339    76566    79935    83453 87125

              B   63124    65902    68801    71829    74989    78289    81734    85331 89085

X) En vigueur le 1er juillet 2005 (Transposition)
C) En vigueur le 1er juillet 2005
D) En vigueur le 1er juillet 2006

FS-1/FSDP

X               51706    53774  55926
C               52947    55065  57268
D               54271    56442  58700

FS-2

X 58162 60469 62908 65424 68041 70763 73594
C 59558 61941 64418 66994 69674 72461 75360
D 61047 63490 66028 68669 71416 74273 77244

FS-3

X 67698 70406 73222 76150 79197 82364 85659 89085 92649
C 69323 72096 74979 77978 81098 84341 87715 91223 94873
D 71056 73898 76853 79927 83125 86450 89908 93504 97245

FS-4

                        X 85659 89085 92649 96355 100208
                        C 87715 91223 94873 98668 102613
                        D 89908 93504 97245 101135 105178

7 Le représentant de l'agent négociateur a donné comme exemple une personne qui serait classifiée FS-02 sous le régime de l'ancien système et recevrait un salaire de 74 989 $ (le cinquième échelon de la ligne B) au 1er juillet 2004. Conformément à l'interprétation de l'employeur concernant la conversion au 1er juillet 2005, le salaire de cet employé passerait du cinquième échelon de la ligne B du niveau FS-02, soit 74 989 $, au quatrième échelon de la ligne X du nouveau niveau FS-03, soit 76 150 $. Puis l'augmentation économique du 1er juillet 2005 s'appliquerait et l'employé demeurerait au quatrième échelon de la ligne C, qui correspond à un salaire de 77 978 $. Enfin, conformément au point 5a) des notes sur la rémunération de la convention collective, le salaire passerait à 81 098 $ le 1er juillet 2005, soit à la ligne C du nouveau niveau FS-03. Cela signifie, si l'on accepte les calculs de l'employeur, qu'il faudrait quatre ans à cet employé pour atteindre le plafond salarial du groupe et du niveau FS-03.

8 Le représentant de l'agent négociateur a ensuite mentionné que la notion de la « ligne inférieure » que prévoit la clause 46.03b)(iv), dans la section Administration de la paye de la convention collective, devrait s'appliquer au point 2 des notes sur la rémunération lorsqu'il est mentionné « qui se rapproche le plus […], sans y être inférieur ». La clause 46.03b)(iv) se lit comme suit :

 (b) Lorsque les taux de rémunération indiqués à l'appendice « A » entrent en vigueur avant la date de signature de la présente convention, les conditions suivantes s'appliquent :

[…]

(iv) pour les promotions, les rétrogradations, les déploiements, les mutations ou les affectations intérimaires qui se produisent durant la période de rétroactivité, le taux de rémunération doit être recalculé, conformément au Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique, en utilisant les taux révisés de rémunération. Si le taux de rémunération recalculé est inférieur au taux de rémunération que l'employé recevait auparavant, le taux de rémunération révisé sera le taux qui se rapproche le plus du taux reçu avant la révision, sans y être inférieur. Toutefois, lorsque le taux recalculé se situe à un échelon inférieur de l'échelle, le nouveau taux est le taux de rémunération qui figure immédiatement dessous le taux de rémunération reçu avant la révision;

9 Le point 2 des notes sur la rémunération, qui s'applique aux conversions, se lit comme suit :

[…]

NOTES SUR LA RÉMUNÉRATION

2.       Transposition

a) À compter du 1er juillet 2005, avant toute révision effectuée à cette date, un employé est rémunéré selon la ligne « X » au taux de rémunération qui se rapproche le plus de celui qu'il touchait le 30 juin 2005, sans y être inférieur.

[…]

10 Chaque employé devrait conserver l'échelon salarial qui était le sien avant la conversion. Si l'on reprend l'exemple fourni par l'agent négociateur, un employé passerait du cinquième échelon de la ligne B des taux de rémunération de l'ancien niveau FS-02 au cinquième échelon de la ligne X du nouveau niveau FS-03, soit 79 197 $, à la date de la conversion, le 1er juillet 2005; puis, avec l'augmentation économique du 1er juillet 2005, il passerait au cinquième échelon de la ligne C, soit 81 098 $; enfin, avec l'augmentation d'échelon, il passerait au sixième échelon de la ligne C, soit 84 341 $, le 1er juillet 2005. Cet employé atteindrait le plafond salarial en seulement trois ans.

11 Le représentant de l'agent négociateur a ensuite fait valoir que l'interprétation de l'employeur donnait lieu à un résultat absurde et que, conformément aux règles d'interprétation, je devrais donc favoriser l'interprétation de l'agent négociateur et accueillir le grief. Il a cité Lajoie c. le Conseil du Trésor (Revenu Canada – Impôt), dossiers de la CRTFP 166-2-20731 et 20732 (19910813); Canada (Procureur général) c. Lajoie [1992] A.C.F. no 1019 (C.A.) (QL); Buchmann c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 14.

B. Pour l'employeur

12 Le représentant de l'employeur a indiqué qu'il s'agit d'une affaire importante en raison des coûts occasionnés. Les postes de groupe et de niveau FS-02 constituaient le niveau de travail, et ils regroupaient environ 780 employés.

13 De plus, le représentant de l'employeur a mentionné que la présente affaire faisait intervenir le principe important d'interprétation selon lequel les conventions collectives doivent être lues dans leur ensemble et les dispositions individuelles ne doivent pas être interprétées séparément du reste d'une convention collective. Il a examiné les principes de base suivants exposés dans l'ouvrage de Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 4e édition :

[Traduction]

[…]

2.1.    Le but que cherche à atteindre un conseil d'arbitrage, lorsqu'il s'agit de l'interprétation d'une convention collective, est de découvrir l'intention des parties à l'entente relativement à la question faisant l'objet d'un différend. En général, les arbitres ont adopté une approche pragmatique à l'égard de cette tâche, au lieu de formuler des théories sur la nature de l'exercice. Lorsqu'ils ont jugé qu'il était nécessaire de préciser les principes sous-tendant leur démarche, ils ont habituellement eu recours à l'énoncé suivant :

Il est dit ce qui suit dans Halsbury’s Laws of England, Second Edition, Volume 10, page 252 : « L'objet de toute interprétation d'un document écrit consiste à découvrir l'intention de l'auteur, dont la déclaration écrite est toujours considérée comme l'expression de sa pensée. Par conséquent, l'interprétation doit être le plus près possible de l'esprit et de l'intention apparente des parties et dans les limites que permet la loi. » On peut également lire le passage suivant, à la même page : « Mais l'intention doit toujours émaner du document écrit. Le rôle de la Cour consiste à établir ce que les parties ont voulu dire par les mots qu’elles ont utilisés; à déclarer le sens de ce qui est écrit dans le document et non ce que les parties avaient l’intention d’écrire; à donner effet à l’intention telle qu’elle est exprimée, l’intention exprimée étant, aux fins de l’interprétation, équivalente à l’intention. »

[…]

2.7.    Par conséquent, il est utile d'énoncer certaines des rubriques et des conventions qui ont été utilisées à des fins d'arbitrage pour faciliter l'interprétation des diverses dispositions d'une convention collective. Cependant, encore une fois, il faut faire une mise en garde indiquant que le recours à ces rubriques et conventions doit servir uniquement à donner une orientation, et qu'il faut toujours mettre principalement l'accent sur le langage utilisé par les parties. L'art de l'arbitrage repose essentiellement sur l'application de ces principes dans des circonstances données.

[…]

2.14.  Il est largement reconnu par les arbitres que la convention collective doit être interprétée globalement. Par conséquent, les termes et les dispositions qu’elle contient doivent être interprétés compte tenu de son ensemble. Par conséquent :

Il est primordial que toutes les modalités contenues dans la convention collective soient prises en considération ensemble, et tout conseil d’arbitrage devrait être très sceptique face à l’interprétation d’un article donné qui annule ou rend absurde l’effet d’un autre article.

[…]

2.22.  En corollaire à ce qui précède, il ne faut pas accorder le même sens à des phrases différentes ou des mots différents utilisés à des endroits différents d'une convention collective.

[…]

14 Le représentant de l'employeur ne s'est pas opposé aux faits et a convenu avec l'agent négociateur que l'exercice consistait en une conversion et que celle-ci constituait le fondement du grief de principe. La question est la suivante : quelles devraient être les répercussions sur les taux de rémunération associés à la conversion?

15 Le représentant de l'employeur a adopté la position selon laquelle le taux approprié est celui qui se rapproche le plus du taux de rémunération de l'employé au 30 juin 2005, sans y être inférieur; il s'agit donc essentiellement d'une question relative aux nombres. Cette approche diffère de celle de l'agent négociateur, pour qui le taux de rémunération approprié doit être déterminé en passant de la ligne B à la ligne X dans le tableau des taux présenté à l'appendice « A » de la convention collective; il s'agit dans ce cas d'une question de proximité.

16 Le représentant de l'employeur a contesté l'argument de l'agent négociateur selon lequel l'article 46 de la convention collective s'applique. Il ne s'applique pas, et ce, pour les deux raisons suivantes :

  • La « période de rétroactivité » va de la date à laquelle la convention collective précédente a pris fin à la date de signature de la convention dont il est ici question, c'est-à-dire du 30 juin 2003 au 7 juin 2005. Les clauses 46.03b)(ii) à iv) ne s'appliquent qu'à la période de rétroactivité. La conversion a eu lieu le 1er juillet 2005, hors de la période de rétroactivité.
  • La clause 46.03b)(iv) s'applique aux « promotions », aux « rétrogradations », aux « déploiements », aux « mutations » ou aux « affectations intérimaires ». Or, l'exercice dont il est ici question en fut un de conversion, et les dispositions relatives à celle-ci sont expressément indiquées au point 2 des notes sur la rémunération, qui se lit comme suit :

[…]

NOTES SUR LA RÉMUNÉRATION

2.       Transposition

(a) À compter du 1er juillet 2005, avant toute révision effectuée à cette date, un employé est rémunéré selon la ligne « X » au taux de rémunération qui se rapproche le plus de celui qu'il touchait le 30 juin 2005, sans y être inférieur.

(b) En l'absence d'un tel taux, la rémunération de l'employé demeure au taux de rémunération qu'il touchait le 30 juin 2005. Ce taux sera majoré de deux virgule quatre pour cent (2,4 %) à compter du 1er juillet 2005.

17 Le représentant de l'employeur a également contesté l'argument de l'agent négociateur selon lequel le point 2 des notes sur la rémunération prévoit la notion de « ligne inférieure ». Ce n'est pas ce qui a été allégué dans le grief original et, ce qui est encore plus important, le libellé du point 2 des notes sur la rémunération ne renferme pas la notion de « ligne inférieure ». L'énoncé « qui se rapproche le plus […], sans y être inférieur » renvoie clairement à une question relative aux nombres. Si la proximité avait été un facteur, le libellé aurait été similaire à celui de la clause 46.03b)(iv).

IV. Motifs

18 La tâche qui m'incombe en tant qu'arbitre de grief dans le présent cas consiste à déterminer l'application adéquate des dispositions de la convention collective qui ont trait aux taux de rémunération indiqués à l'appendice « A », relativement à la conversion vers une nouvelle norme de classification.

19 En l’espèce, durant les négociations menées aux fins de la conclusion d'une nouvelle convention collective, l'employeur et l'agent négociateur ont traité de la question d'une nouvelle norme de classification, que l'employeur a introduite pour les employés du groupe FS. L'ancienne norme de classification à trois niveaux a été élargie en vue d'inclure quatre niveaux, et tous les employés de groupe et de niveau FS-02 ont vu la classification de leur poste passer au groupe et au niveau FS-03. La convention collective a été signée en juin 2005. Elle comportait les quatre nouveaux niveaux de classification ainsi que les taux de rémunération négociés pour chacun des niveaux. Le nouveau système de classification est entré en vigueur le mois suivant, le 1er juillet 2005.

20 La question en litige entre les parties porte sur la façon d'appliquer les règles de rémunération à la conversion. Le fardeau de la preuve incombe à l'agent négociateur, qui doit me convaincre que, selon la prépondérance des probabilités, l'employeur a fait une application erronée des dispositions incluses dans la convention collective. Pour les motifs exposés plus loin dans la présente décision, je conclus que l'agent négociateur ne s'est pas acquitté du fardeau.

21 L'agent négociateur a soutenu que l'interprétation de l'employeur mène à un résultat absurde et que, conformément aux règles d'interprétation, je dois donc favoriser sa position. Aucune preuve de l'existence d'une situation absurde ne m'a été fournie et, après avoir examiné les documents présentés en preuve et l'argumentation soumise par les parties, je ne peux trouver quelque élément que ce soit pouvant m'amener à penser qu'une situation absurde a été effectivement engendrée.

22 L'agent négociateur a soutenu que, tel qu'il est mentionné au paragraphe 7, le nouveau système a fait en sorte que les employés devaient attendre quatre ans pour atteindre le plafond salarial associé au groupe et au niveau FS-03, alors que sous le régime de l'ancien système, ce plafond pouvait être atteint après trois ans. Si l'allégation de situation absurde par l'agent négociateur repose principalement sur ce seul fait, je ne puis accepter sa conclusion. Qu'un employé prenne plus ou moins de temps pour atteindre le plafond salarial ne constitue pas en soi une situation absurde.

23 Ensuite, l'agent négociateur a soutenu que la notion de « ligne inférieure » prévue à la clause 46.03b)(iv) de la convention collective devait s'appliquer au point 2 des notes sur la rémunération, relativement à l'énoncé « qui se rapproche le plus […], sans y être inférieur ». L'article 46 est intitulé « Administration de la paye », tandis que la clause 46.03 est intitulée « Échelle de rémunération ». La clause 46.03b)iv) se lit comme suit :

b) Lorsque les taux de rémunération indiqués à l'appendice « A » entrent en vigueur avant la date de signature de la présente convention, les conditions suivantes s'appliquent :

[…]

(iv) pour les promotions, les rétrogradations, les déploiements, les mutations ou les affectations intérimaires qui se produisent durant la période de rétroactivité, le taux de rémunération doit être recalculé, conformément au Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique, en utilisant les taux révisés de rémunération. Si le taux de rémunération recalculé est inférieur au taux de rémunération que l'employé recevait auparavant, le taux de rémunération révisé sera le taux qui se rapproche le plus du taux reçu avant la révision, sans y être inférieur. Toutefois, lorsque le taux recalculé se situe à un échelon inférieur de l'échelle, le nouveau taux est le taux de rémunération qui figure immédiatement dessous le taux de rémunération reçu avant la révision;

[Je souligne]

24 L'employeur a soutenu que l'article 46 de la convention collective ne s'applique pas dans le présent cas pour deux raisons. En premier lieu, la clause 46.03b)(iv) ne s'applique qu'à la période de rétroactivité de la convention collective, qui a pris fin le 7 juin 2005. Conformément au paragraphe 11 de l’énoncé conjoint des faits, la clause 46.03b) s'applique uniquement « […] aux taux indiqués à l'appendice « A » de la convention collective […] qui sont entrés en vigueur avant la date de la signature de la convention […] ». Bien que la date d'entrée en vigueur de certains des taux de rémunération indiqués à l'appendice « A » soit antérieure au 7 juin 2005, ce n'est pas le cas des taux applicables à la transposition, dont la date d'entrée en vigueur est le 1er juillet 2005, soit une date clairement postérieure au 7 juin 2005.

25 Le second argument de l'employeur concernant l'applicabilité de la clause 46.03b) de la convention collective tient au fait qu'il ne s'applique qu'aux situations précises énoncées dans l'article (promotions, rétrogradations, déploiements, mutations ou affectations intérimaires), et non pas aux conversions. Celles-ci, selon l'employeur, sont expressément traitées au point 2 des notes sur la rémunération. Je souscris à l'argument de l'employeur sur ce point.

26 Bien que l’agent négociateur n'ait renvoyé à aucune des situations particulières énoncées à la clause 46.03b) de la convention collective, la seule qui pourrait s'appliquer à première vue est celle des promotions. Cependant, j’en arrive à la conclusion qu’une conversion découlant de la mise en œuvre d'une nouvelle norme de classification ne constitue pas une promotion. La clause 2.02 décrit comment définir les termes employés dans la convention collective et indique qu'il faut consulter à cette fin (dans l'ordre) la convention collective, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur l'interprétation et, enfin, le Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique. Le terme « promotion » n'est pas défini dans la collection collective, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou la Loi sur l'interprétation, mais l'article 24 du Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique en fournit la définition suivante :

24. (1) La nomination d’un employé désigné à l’article 23 constitue une promotion lorsque le taux de rémunération maximal applicable au poste auquel cette personne est nommée dépasse le taux de rémunération maximal applicable au niveau de titularisation de l’employé avant cette nomination :

a. d’une somme égale au moins à la plus petite augmentation d’échelon de salaire pour le poste auquel l’employé(e) est nommé(e), si l’échelle de rémunération du poste comporte plus d’un échelon; ou

b. d’une somme égale à au moins quatre pour cent (4 %) du taux maximum de rémunération du poste que l’employé(e) occupait immédiatement avant cette nomination, lorsque le poste auquel il (elle) est nommé(e) n’a qu’un seul taux de nomination.

[…]

27 Il ressort clairement que le terme « promotion » désigne une promotion au sens qu'on lui reconnaît habituellement. Bien que les employés concernés soient effectivement passés à un groupe et à un niveau dont le plafond salarial dépasse celui de leur ancien niveau, aucune promotion n'a été accordée. La définition mentionnée au paragraphe 26 fait clairement référence à un employé qui accède à un poste qui diffère de son poste précédent ou de son poste d'attache, ce qui n'est pas le cas ici. Dans le présent cas, les employés ont conservé leur ancien poste, et leur niveau de classification a été seulement modifié afin de cadrer dans la nouvelle norme de classification. Il n'y a pas eu de nomination à des postes.

28 Je constate également que le libellé des notes sur la rémunération de la convention collective permet clairement de conclure que la clause 46.03 ne s'applique pas au point 2 des notes. Bien que le point 1 des notes sur la rémunération renvoie expressément à la clause 46.03 et mentionne que les révisions économiques de la rémunération pour 2003 et 2004 seront administrées conformément à cette disposition, il fait référence uniquement aux augmentations économiques usuelles de juillet 2003 et de juillet 2004. Le point 2 des notes sur la rémunération traite nettement et directement de la conversion en soi, et ne s'applique qu'une fois que les augmentations économiques mentionnées au point 1 ont été accordées. L'exercice de conversion est totalement distinct des augmentations économiques. En outre, contrairement au point 1 des notes sur la rémunération, le point 2 ne fait aucunement référence à l'article 46.

29 Tandis que le point 2 des notes sur la rémunération et la clause 46.03 de la convention collective contiennent tous deux l'énoncé « qui se rapproche le plus […], sans y être inférieur », la méthode de la « ligne inférieure » mentionnée par l'agent négociateur est en fait évoquée dans la dernière phrase de la clause 46.03b)(iv) et indique la marche à suivre dans le cas où la méthode de calcul fondé sur l'énoncé « qui se rapproche le plus […], sans y être inférieur » fait en sorte de placer un employé à un échelon inférieur de l'échelle salariale :

Toutefois, lorsque le taux recalculé se situe à un échelon inférieur de l'échelle, le nouveau taux est le taux de rémunération qui figure immédiatement dessous le taux de rémunération reçu avant la révision.

30 L'agent négociateur a plaidé en faveur de l’application du même type de notion de proximité au point 2 des notes sur la rémunération portant sur la conversion. Il importe de noter que la notion de proximité constitue clairement une exception à la méthode de calcul principale, qui repose sur une notion relative aux nombres. Cette exception a été incluse à titre de mesure corrective lorsqu'on obtient des résultats anormaux. Cependant, le point 2 des notes sur la rémunération mentionne uniquement la méthode fondée sur l'énoncé « qui se rapproche le plus […], sans y être inférieur » et ne fait aucunement référence à l'exception ou à la méthode de la « ligne inférieure » indiquée à la clause 46.03. Selon moi, le fait que l'exception à la méthode de calcul fondé sur l'énoncé « qui se rapproche le plus […], sans y être inférieur » ne soit pas mentionnée est déterminant.

31 J'en arrive donc à la conclusion qu'il ressort du libellé précis de la clause 46.03b) de la convention collective que cette disposition ne s'applique pas à la situation de fait qui m'a été présentée. L'agent négociateur a soutenu que la notion de « ligne inférieure » qu'on retrouve à la clause 46.03b) s'applique au point 2 des notes sur la rémunération et à l'énoncé « qui se rapproche le plus […], sans y être inférieur ». Il n'a toutefois pas donné plus de précisions sur les raisons pour lesquelles la notion devrait s'appliquer à une situation de fait entièrement différente. Par conséquent, je dois conclure que l'agent négociateur ne s'est pas acquitté de son fardeau de la preuve sur ce point.

32 Le grief de principe mentionne que la conversion devait être effectuée conformément aux règles de rémunération dont il est question à l'article 46 de la convention collective et que, aux termes de ces règles, les employés devaient être placés dans une position tenant compte de leur salaire et de leur place dans l'échelle de taux avant la conversion. Par conséquent, l'agent négociateur a soutenu que chaque employé aurait dû demeurer au même échelon dans l'échelle salariale, ce qui signifie que les employés qui se trouvaient au cinquième échelon de l'échelle des FS-02 avant la conversion auraient dû être placés au cinquième échelon de l'échelle des FS-03. L'agent négociateur n'a pas exposé clairement les éléments sur lesquels il se fonde pour faire cette affirmation, et je ne trouve rien dans la convention collective qui garantisse un tel résultat.

33 Enfin, l'agent négociateur a fait valoir que la méthode de calcul de la rémunération consistant à fixer le taux suivant devrait s'appliquer, et il a cité à cette fin Lajoie et Buchmann. Les deux décisions portent sur des augmentations rétroactives de la rémunération pour des employés qui, durant la période de rétroactivité, ont été promus à une nouvelle unité de négociation. L'agent négociateur a soutenu que la méthode consistant à fixer le taux suivant appliquée aux révisions rétroactives de la rémunération s'appliquait également à la situation de fait actuelle, mais il s'agit selon moi de deux situations nettement différentes.

34 Il importe de noter que la question de la rétroactivité est soulevée dans le grief uniquement parce que l'employeur a été obligé d'exécuter la reclassification de façon rétroactive dans la plupart des cas, si ce n'est dans tous les cas. La convention collective ayant été signée en juin 2005 et la date de mise en œuvre du nouveau système de classification ayant été fixée au 1er juillet 2005, il était évidemment impossible pour l'employeur d'effectuer la conversion de tous les employés FS dans le mois suivant la signature de la convention. L'énoncé conjoint des faits mentionne que, concrètement, le processus de conversion s'est étendu sur plusieurs années. L'employeur a été tenu d'effectuer la conversion des employés FS et de payer ceux-ci de façon rétroactive uniquement parce que la conversion a eu lieu après la signature de la convention collective, et non pas parce que la convention collective prévoyait la mise en œuvre rétroactive des nouveaux niveaux de classification. En fait, la mise en œuvre du nouveau système devait s'étendre aux  mois ou aux années qui allaient suivre. Il s'agissait d'une application prospective de la conversion de la classification, et non pas d'une application rétrospective d'une révision de la rémunération conjuguée à un événement déclencheur.

35 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

36 Le grief de principe est rejeté.

Le 8 avril 2010.

Traduction de la CRTFP

Michel Paquette,
arbitre de grief

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