Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

À la suite de la publication de Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 15, les parties ont conjointement demandé à la Commission qu’elle se réunisse pour déterminer si le contenu d’une ESE se limitait aux trois éléments (les types de postes, le nombre de postes et les postes en question) qui sont énumérés dans la définition d’<<entente sur les services essentiels>> énoncée au paragraphe4(1) de la Loi - bien que la Commission ait ordonné l’inclusion de définitions de services essentiels dans des ESE antérieures, la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne s’appliquait pas puisqu’il n’y avait pas de preuve que la Commission avait examiné des observations précises portant sur sa compétence à cet égard et qu’elle s’était prononcée de manière définitive sur cette question - la procédure n’était ni une attaque collatérale ni un abus de procédure - la Commission doit être guidée par ses décisions en ce qui concerne le sens et l’objet des dispositions de la Loi portant sur les services essentiels - les alinéas4(1)a) à c) de la définition d’<<entente sur les services essentiels>> seraient incompréhensibles si on ne faisait pas référence aux services essentiels - la présence des deux définitions au paragraphe4(1) porte fortement à croire que la définition d’ESE doit être interprétée de façon harmonieuse avec la définition jumelée de services essentiels - le législateur a énoncé les deux définitions pertinentes au paragraphe4(1) comme un tout cohérent et intégré - sans l’existence d’une définition reconnue ou réputée de services essentiels, l’ESE serait dépourvue de contexte définitoire - si la définition de services essentiels ne constituait pas un élément pouvant être inclus dans une ESE, la Commission ne pourrait tout d’abord exercer son pouvoir de définir les services essentiels et les deux parties ont convenu que la Commission avait ce pouvoir - les dispositions relatives à la modification d’une ESE existante viennent renforcer cette thèse - le demandeur n’a pas tenu compte de la mesure dans laquelle la Loi a modifié le régime législatif régissant les services essentiels - il ne s’agit pas d’un régime axé sur les postes, mais plutôt d’un régime axé sur les services - la Commission a rejeté l’argument du demandeur selon lequel une description de services essentiels contenue dans une ESE est non pertinente en cas de grève puisque l’un des objets de la Loi est de s’assurer que les services essentiels à la sécurité du public sont maintenus pendant une grève - l’approche de la Commission ne laisse aucune place à la proposition selon laquelle les droits de gestion de l’employeur lui permettent d’exiger l’exécution de fonctions non essentielles comme condition d’emploi, mais la Commission a décidé de trancher ces questions à une autre occasion - de façon générale, les exigences pratiques sont que les employés doivent connaître précisément les services qu’ils sont tenus de fournir en cas de grève et qu’on ne devrait pas s’attendre à ce qu’ils déduisent ces services à partir d’une liste de postes figurant dans une ESE. Instructions données.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-05-07
  • Dossier:  593-02-11
  • Référence:  2010 CRTFP 60

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique


ENTRE

CONSEIL DU TRÉSOR

demandeur

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

Répertorié
Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une demande de règlement d’une question pouvant figurer dans une entente sur les services essentiels, prévue au paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, commissaire

Pour le demandeur:
Sean F. Kelly, avocat

Pour le défendeur:
Sarah Godwin, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 30 mars 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant la Commission

1 La présente décision est la quatrième rendue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») en vertu du paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « Loi ») relativement aux questions qui peuvent figurer dans une entente sur les services essentiels (ESE) visant les postes du groupe Systèmes d’ordinateurs (CS). Elle découle initialement d’une demande du Conseil du Trésor (le « demandeur ») déposée le 12 août 2008. L’agent négociateur accrédité du groupe CS, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, est le défendeur.

2 Dans sa troisième décision, Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 15 (la « décision Sécurité publique »), la Commission a examiné quels services essentiels, le cas échéant, les titulaires des postes du groupe CS offrent chez Sécurité publique Canada. La Commission a notamment ordonné ce qui suit :

101 Pour Sécurité publique Canada, les services suivants fournis par les membres du groupe Systèmes d’ordinateur sont essentiels :

[Traduction]

Pour le Centre des opérations du gouvernement, y compris le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques, les services suivants sont essentiels :

a)      installation, mise à l’essai, maintenance et réparation,

b)      identification, examen et résolution des problèmes de compatibilité et de mauvais fonctionnement à l’égard,

c)      aide technique directe à l’égard,

 des logiciels, systèmes, applications et appareils utilisés directement pour cerner et analyser les risques ou menaces qui peuvent nécessiter une intervention coordonnée par le COG, pour communiquer des renseignements aux partenaires sur ces risques et ces menaces, et pour prendre des mesures en vue de l’affectation immédiate de fonds d’urgence afin de prévenir et d’atténuer ces risques et menaces, de s’y préparer et d’y répondre, et d’assurer un rétablissement par la suite de celles-ci.

Pour le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques, les services suivants sont essentiels : analyse et évaluation des risques et des menaces cybernétiques, planification des réponses aux risques et aux menaces cybernétiques et réponses à celles-ci, notamment rédaction et traitement de rapports sur des urgences cybernétiques, examen et rédaction de rapports d’incidents et techniques, et exécution de programmes de sécurité en réponse à des menaces cybernétiques.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

3 Pendant l’audience qui a mené à la décision Sécurité publique, la Commission a appris au passage que les parties n’étaient pas d’accord sur le pouvoir de la Commission d’ordonner l’inclusion d’une définition des services essentiels dans une ESE. Comme elle n’a pas reçu d’observations formelles sur cette question, la Commission n’a pas statué sur la question dans la décision Sécurité publique et a élaboré son ordonnance qui définit les services essentiels chez Sécurité publique Canada, en laissant la question non résolue.

4 Après la publication de la décision Sécurité publique, les parties ont demandé conjointement que la Commission tienne une audience pour examiner la question. Le défendeur a formulé la question comme suit : « […] si, advenant qu’un agent négociateur le demande, une entente sur les services essentiels doit contenir un énoncé des services essentiels à fournir au cours d’une grève ». Le défendeur a répondu affirmativement à cette question et a affirmé que la Commission avait déjà statué qu’elle possède le pouvoir d’établir qu’une définition des services essentiels fait partie d’une ESE.

5 Le demandeur a soumis la question suivante comme question en litige : « Une description de tous les services essentiels fournis par certains titulaires de poste du groupe Systèmes d’ordinateurs est-elle nécessaire dans l’entente sur les services essentiels qui vise le groupe Systèmes d’ordinateurs? » Le demandeur a contesté le pouvoir de la Commission d’exiger l’inclusion d’une description des services essentiels dans une ESE. Il a fait valoir que la Commission outrepasserait sa compétence si elle rendait une telle ordonnance.

6 La Commission a convenu d’instruire et de trancher l’affaire, étant entendu qu’elle statuerait en faisant expressément référence au statut de la définition des services essentiels contenu dans la décision Sécurité publique. J’ai défini la question dans le cadre de cette décision de la façon suivante : La Commission possède-t-elle le pouvoir d’ordonner qu’une définition des services essentiels — plus précisément, la définition des services essentiels qui se trouve dans l’ordonnance rendue par la Commission dans la décision Sécurité publique — soit comprise dans l’ESE pour le groupe Systèmes d’ordinateurs?

7 Je formule la question un peu différemment de chacune des parties. Selon moi, la véritable question en litige réside dans la nature et la portée de la compétence de la Commission en vertu du paragraphe 123(3) de la Loi, qui est ainsi rédigé :

          123. (3) […] la Commission peut statuer sur toute question en litige pouvant figurer dans l’entente et, par ordonnance, prévoir que :

a) sa décision est réputée faire partie de l’entente;

b) les parties sont réputées avoir conclu une entente sur les services essentiels.

La question de savoir si une ESE doit contenir, à la demande d’un agent négociateur, un énoncé des services essentiels qui doivent être fournis présuppose que la Commission possède le pouvoir de rendre une ordonnance ayant cet effet. Comme la position du demandeur conteste directement le pouvoir de la Commission à cet égard, je crois qu’il est fondamental de statuer sur la question sous-jacente de compétence pour régler le différend existant. Ma formulation de la question reflète cette thèse.

8 Les parties ont convenu qu’il n’était pas nécessaire de produire des éléments de preuve.

9 À titre de partie qui demande une ordonnance positive, le défendeur a reçu instruction de la Commission de faire valoir sa thèse en premier.

II. Résumé de l’argumentation

10 Les deux parties ont présenté leurs arguments oraux basés sur leurs arguments écrits, dont la Commission a reçu des copies. Le résumé suivant des arguments est un condensé des arguments écrits et, au besoin, comprend des commentaires supplémentaires présentés par les parties pendant l’audience.

A. Pour le défendeur

11 Le défendeur a soutenu que la Commission avait déjà statué sur la question de savoir si, en vertu de la Loi, une ESE doit contenir un énoncé des services essentiels qui doivent être fournis au cours d’une grève, si l’agent négociateur le demande. La Commission a analysé avec soin l’objet et le contexte de la Loi et ce qui la différencie de la loi précédente et a conclu que les services essentiels sont une pierre d’assise des ESE.

12 Dans les cas où la Commission a décidé que certains services essentiels doivent être offerts advenant une grève, elle a jugé que les services essentiels définis font partie de l’ESE conclue entre les parties. Son approche est cohérente avec les principes bien acceptés de l’interprétation législative.

13 Si le demandeur avait été en désaccord avec les ordonnances de la Commission, celle-ci aurait été tenue d’en faire l’examen judiciaire. Les principes de la préclusion, l’attaque collatérale et l’abus de procédure empêchent le demandeur de contester des décisions antérieures de la Commission sur la question.

14 La Loi diffère considérablement du modèle de désignation prévu par la loi précédente. Les décisions de la Commission rendues en vertu de la Loi ont indiqué que la première étape du processus d’analyse consiste à désigner les services essentiels ou les activités essentielles, s’il y a lieu, qui sont fournis par les employés membres de l’unité de négociation. Chaque décision de la Commission qui a défini les services essentiels se terminait par une ordonnance incluant l’énoncé des services essentiels définis dans l’ESE conclue entre les parties.

15 La décision de la Commission portant sur les services essentiels qui fait autorité est Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 97 (la « décision Parcs »). Parmi les conclusions de la décision Parcs se trouvent les suivantes :

  1. Plutôt que de modifier l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’ancienne LRTFP), la législature a rédigé une toute nouvelle loi comportant de nombreuses dispositions nouvelles dans le domaine des services essentiels. La Commission a présumé que ces changements ont été faits dans un but précis (paragraphe 134).
  2. En vertu de la Loi, le concept de « poste désigné » dans l’ancienne LRTFP a été remplacé par le concept de « service essentiel » tel qu’il est déterminé dans le contexte d’une entente sur les services essentiels (paragraphe 143).
  3. La Commission a compétence en vertu du paragraphe 123(3) pour statuer « […] sur toute question en litige pouvant figurer dans l’entente […] » (paragraphes 144 et 183).
  4. Aux paragraphes 151 et 152, la Commission a énoncé ce qui suit :

    Les éléments sur les services essentiels de la nouvelle Loi équilibrent le droit de grève des employés et le droit du public de recevoir les services de sécurité nécessaires […] elle est […] nécessaire pour donner effet au régime de négociation collective intégré à la nouvelle Loi […] Il incombe par conséquent à la Commission de donner à ce droit son sens véritable.
    […]

  5. La question primordiale est : « Quels sont les services essentiels dans l’éventualité d’une grève? »        (Paragraphes 155 et 174)
  6. La Commission a formulé les observations suivantes au paragraphe 158 :

    […] il peut être nécessaire ou approprié d’adapter l’affectation des fonctions de manière à ce que moins d’employés accomplissent des fonctions essentielles, mais exercent davantage de ces fonctions « qu’à l’habitude ».

  7. La Commission a statué expressément au paragraphe 186 que :

    Pour que soient déterminés les « types des postes », le « nombre de ces postes » et les « postes en question » qui sont nécessaires pour fournir les services essentiels, les services essentiels fournis par les employés d’une unité de négociation doivent d’abord avoir été établis.

    Autrement dit, il serait impossible de rédiger une ESE sans d’abord connaître les services essentiels devant être offerts. C’est la première question à régler (paragraphes 183 à 191).

  8. La Commission a déterminé les services essentiels qui doivent être offerts au cours d’une grève et a considéré qu’ils faisaient partie de l’ESE. Après que l’employeur a établi le niveau de service, les parties se sont fait ordonner de reprendre les négociations ayant trait au reste du contenu de l’ESE (paragraphe 218).

16 Il n’y a pas eu de contrôle judiciaire de la décision Parcs.

17 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 55 (la « décision Service Canada »), la Commission a suivi la méthodologie énoncée dans la décision Parcs. La Commission a ordonné que l’ESE visant le groupe en question renferme l’énoncé spécifique des services essentiels (paragraphe 110). La décision n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire.

18 La Commission a suivi le cheminement analytique énoncé dans la décision Parcs dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 56. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire.

19 Dans Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 128, la Commission a ordonné que l’ESE visant le groupe CS à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) englobe les services essentiels expressément déterminés à l’ASFC (paragraphe 170). La décision fait actuellement l’objet d’un contrôle judiciaire, mais ce contrôle ne conteste pas que la description des services essentiels fait partie de l’ESE.

20 La décision Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 155, a également suivi le cheminement analytique de la décision Parcs. La Commission a ordonné que l’ESE énonce expressément quels sont les services essentiels et les services jugés non essentiels (paragraphe 51). La décision n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire.

21 Enfin, la Commission a de nouveau suivi le cheminement analytique de la décision Parcs dans ladécision Sécurité publique. La Commission a décrit les services essentiels qui doivent être offerts et a ordonné aux parties de faire tout effort raisonnable pour négocier le reste du contenu de l’ESE (paragraphes 101 et 103).

22 Voici ce qui a été établi dans l’ensemble des décisions rendues par la Commission sur le sujet :

  1. Le mandat de la Commission de déterminer le contenu d’une ESE comprend la première détermination des services essentiels.
  2. L’accent est mis sur les services essentiels et non sur les postes. Cet accent serait trop précis s’il n’était pas nécessaire ou si l’on n’entendait pas l’invoquer dans l’avenir. Les services essentiels doivent continuer d’être offerts en cas de grève.
  3. La Commission ne déclarera pas l’ensemble d’un poste essentiel en l’absence de preuves claires selon lesquelles l’ensemble de ses activités et services sont essentiels.
  4. Il convient de regrouper les services essentiels dans un poste. Les seules fonctions devant être exécutées sont les services essentiels.
  5. Les définitions des services essentiels doivent demeurer. Les parties doivent être en mesure de s’en remettre à ces définitions pour davantage d’éléments que la détermination des postes. Les parties doivent être en mesure de les déterminer des années après la fin des négociations initiales.
  6. La Commission a constamment considéré que les décisions en matière de services essentiels font partie des ESE. Si cette approche n’était pas adéquate, comme le prétend le demandeur, il aurait dû y avoir des contrôles judiciaires des décisions de la Commission. De grandes décisions ont été rendues et doivent maintenant être respectées jusqu’à ce que de nouvelles preuves soient soumises.

23 L’approche de la Commission est compatible avec l’article 12 de la Loi d’interprétation, L.R. 1985, ch. I-21, qui prévoit que les interprétations assurent la réalisation des objectifs législatifs en ces termes :

          12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

24 L’approche de la Commission est également conforme aux principes bien connus d’interprétation des lois.Le défendeur m’a renvoyé à R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5e éd. (2008), LexisNexis Canada, aux pages 169 à 172, 223 à 225, 299 à 322 et 359 à 367. Les pages mentionnées attirent particulièrement l’attention sur les décisions suivantes : Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, 2004 CSC 28; Cie H.J. Heinz du Canada Ltée c. Canada (Procureur général), 2006 CSC 13; R. c. L.T.H., 2008 CSC 49; Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20.

25 Il est implicite dans la définition d’une « entente sur les services essentiels » au paragraphe 4(1) de la Loi, qui se lit comme suit, que les services essentiels soient désignés :

« entente sur les services essentiels » Entente conclue par l’employeur et l’agent négociateur indiquant :

a) les types des postes compris dans l’unité de négociation représentée par l’agent négociateur qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels;

b) le nombre de ces postes qui est nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir ces services;

c) les postes en question.

[Je souligne]

Le terme « services essentiels » a un objet et un rôle dans la définition.

26 L’approche du demandeur signifierait que l’assise principale de la définition d’une ESE (à savoir les services essentiels) ne serait ni déterminée ni connue. Ce résultat n’est pas permis; voir Sullivan, à la page 169. L’approche du demandeur enlèverait également toute signification aux paragraphes 121(1) et 123(5) de la Loi qui rendent possible le regroupement et la détermination précise du nombre d’employés sur la base du regroupement. Il est possible de le faire seulement si les fonctions essentielles des employés sont connues. Par conséquent, si l’on interprète la loi dans son ensemble, une ESE doit, si ce n’est pas apparent pour les parties, préciser les services essentiels en question.

27 L’approche du demandeur contraindrait les agents négociateurs à s’en remettre à la Commission pour chaque définition des services essentiels, en contravention de l’exigence législative selon laquelle les parties doivent négocier des questions relatives aux services essentiels (article 122 de la Loi), et constituerait un gaspillage de ressources décisionnelles. De plus, le fait d’accorder un traitement disproportionné aux employés qui ont demandé l’assistance de la Commission pour définir les services essentiels par rapport aux employés qui les ont négociés séparément serait absurde. En cas de grève, certains employés offriraient seulement les services essentiels acceptés par les deux parties. D’autres accompliraient le travail rattaché à l’ensemble du poste ou l’on s’attendrait à l’énoncé de « bonne foi » par l’employeur des services essentiels devant être offerts.

28 Le défendeur est revenu sur les sujets de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, de l’attaque collatérale et de l’abus de procédure qu’il avait soulevé au début de ses observations. Les conditions préalables à l’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée sont les suivantes : 1) que la même question ait été décidée; 2) que la décision judiciaire invoquée comme créant la préclusion soit finale; 3) que les parties à la décision judiciaire aient été les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la préclusion est soulevée : Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, au paragraphe 21. La préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’applique à la fois aux mécanismes administratifs de la Commission et aux décisions judiciaires; voir Danyluk, au paragraphe 25.

29 En ce qui concerne la première condition d’application d’une préclusion découlant d’une question déjà tranchée, il suffit qu’une question cruciale pour l’issue des deux cas soit la même à tous égards importants; voir Estenson c. Canada (Procureur général), 2007 CF 538, au paragraphe 21. La Commission peut se pencher sur la question de savoir si des circonstances particulières peuvent annuler la préclusion. C’est la partie qui désire invoquer les circonstances particulières qui a le fardeau d’établir ces circonstances; voir Jaballah, 2010 CF 80, au paragraphe 26.

30 Le défendeur a fait valoir qu’il a été satisfait aux trois conditions de la préclusion en l’espèce. Le demandeur a établi l’absence de circonstances particulières allant à l’encontre de l’application de la préclusion.

31 De même, l’argument du demandeur au sujet du contenu des ESE ne peut être accueilli en raison de l’interdiction applicable aux attaques collatérales; voir Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, au paragraphe 33.

32 Pour empêcher un abus de procédure, l’argument du demandeur doit être écarté. Les arbitres de grief possèdent le pouvoir inhérent et résiduel d’empêcher un abus des ressources de la Commission; voir Toronto (Ville), aux paragraphes 35, 37 et 51. Le litige doit pouvoir prendre fin, et le principe du caractère final est primordial pour la bonne administration de la justice. Les ressources consacrées aux litiges doivent être préservées pour maintenir l’intégrité du régime. Il faut éviter les résultats incohérents. Les parties doivent pouvoir invoquer les décisions de la Commission pour entreprendre des négociations; voir Toronto (Ville), au paragraphe 38.

33  Les conclusions de la Commission dans la décision Parcs et toutes les décisions ultérieures sur l’ESE ne doivent pas perdre de leur crédibilité du fait de l’utilisation d’une voie non autorisée ou de l’instruction répétée de l’affaire devant une instance différente. La réouverture d’instance comporte des effets préjudiciables graves et devrait être évitée, sauf si les circonstances indiquent qu’elle est nécessaire pour rehausser la crédibilité et l’efficacité du processus décisionnel dans son ensemble. En l’espèce, il n’existe aucun motif justifiant la réouverture d’instance.

34 Le défendeur a conclu en affirmant de nouveau que la Commission a déjà tranché la question à cette audience, qui consiste à déterminer si la définition d’un service essentiel est un élément approprié d’une ESE. La Commission a effectué une analyse législative substantielle et a formulé un certain nombre de décisions dans lesquelles des services essentiels définis avec précision sont réputés faire partie des ESE. Les parties doivent pouvoir invoquer le caractère définitif de ces décisions et compléter leurs négociations sans avoir à faire appel à la Commission chaque fois. Les agents négociateurs doivent savoir ce que leurs membres sont tenus de faire en cas de grève, même si la grève survient des années après la négociation de l’ESE.

B. Pour le demandeur

35 Le demandeur a fait valoir que le contenu d’une ESE est limité aux éléments énumérés dans la définition exhaustive de l’« entente sur les services essentiels » qui se trouve au paragraphe 4(1) de la Loi. Une description des services essentiels n’est pas un élément énuméré dans cette définition. Par conséquent, la Commission ne peut exiger de description des services essentiels dans une ESE.

36 Le principe contemporain d’interprétation législative est qu’il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit et l’objet de la loi et l’intention du législateur; voir Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, au paragraphe 10.

37 Lorsque les termes d’une disposition sont précis et sans équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle dominant dans le processus d’interprétation; voir Hypothèques Trustco Canada, au paragraphe 10. De plus, si une loi fournit des définitions exhaustives de certains termes, l’on ne peut s’éloigner du sens établi par le législateur. Les définitions exhaustives supplantent complètement les significations que le terme défini pourrait par ailleurs avoir; voir Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu), [1988] 2 R.C.S. 175, au paragraphe 23; M. & M. Engineering Ltd. c. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 2330, 2004 NLCA 31, au paragraphe 28. Une définition exhaustive est généralement introduite, dans sa version anglaise, par le verbe « means »; en français, la phrase définitoire suit le terme, tout simplement. Voir Yellow Cab Ltd. c. Board of Industrial Relations et autres, [1980] 2 R.C.S. 761, à la page 7; et M. & M. Engineering Ltd.

38 La définition d’« entente sur les services essentiels » au paragraphe 4(1) de la Loi est exhaustive, étant donné l’utilisation du verbe « means » dans la version anglaise de cette définition. La nature exhaustive de cette définition est également appuyée par le mot « indiquant », qui s’accompagne du recours à une énumération expresse, « a), b) et c) », qui suit dans la définition. Le contenu d’une ESE doit être limité à la liste exhaustive suivante des éléments requis : a) « les types des positions », b) « le nombre de ces postes » et c) « les postes en question ». Cette interprétation devrait être appliquée dans toute la Loi.

39 Le législateur est présumé ne pas utiliser de mots superflus ou dénués de sens, ne pas se répéter inutilement ni s’exprimer en vain. Partant, chaque mot d’une loi est présumé avoir un sens et jouer un rôle précis dans la réalisation de l’objectif du législateur; voir McDiarmid Lumber Ltd. c. Première Nation de God’s Lake, 2006 CSC 58, au paragraphe 36. L’on soutient donc que l’objectif de la définition d’« entente sur les services essentiels » consiste à fournir une liste exhaustive du contenu d’une ESE. Sinon, la définition devient dénuée de sens.

40 Une mention expresse dans une loi est présumée exhaustive et exclut implicitement les autres éléments similaires; voir Institute of Chartered Accountants of British Columbia v. Stone, 2009 BCSC 611, au paragraphe 27. Si le Parlement avait voulu qu’une ESE comprenne une description des services essentiels, il aurait défini « entente sur les services essentiels » dans la Loi afin d’y faire expressément référence.

41 Selon un principe fondamental en matière d’interprétation des lois, un tribunal ne devrait pas accepter une interprétation qui nécessite l’ajout de mots lorsqu’il existe une autre interprétation acceptable qui ne requiert aucun ajout de cette nature; voir Markevich c. Canada, 2003 CSC 9, au paragraphe 15. Le fait d’exiger une description du service essentiel dans une ESE nécessite l’ajout de mots dans la définition de l’expression « entente sur les services essentiels ». Une telle interprétation ne devrait pas être acceptée compte tenu du fait que l’interprétation du demandeur est acceptable, ne requiert pas l’ajout de mots et est appuyée par le principe contemporain d’interprétation des lois.

42 On présume que le législateur est compétent et qu’il connaît l’ensemble de la législation existante au moment de l’adoption d’une loi; voir 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 R.C.S. 919, au paragraphe 237. Les autres lois en matière de relations de travail en vigueur quand la Loi a été adoptée exigent expressément une description du service essentiel dans l’ESE. Par exemple, le paragraphe 43.1(3) de la Loi sur les relations de travail dans les services publics du Nouveau-Brunswick, L.R.N.-B. 1973, ch. P-25, (LRTSPNB) prévoit que « […] l’employeur et l’agent négociateur doivent s’efforcer de parvenir à un accord identifiant a) les services fournis par l’unité de négociation qui en tout temps déterminé sont nécessaires ou qui le seront dans l’intérêt de la santé, de la sûreté ou de la sécurité du public […] ». Par conséquent, on soutient que si le législateur avait voulu que les ESE incluent une description des services essentiels, la définition de l’« entente sur les services essentiels » de la Loi serait analogue au libellé du paragraphe 43.1(3) de la LRTSPNB.

43 Tant le régime que l’objet de la Loi confirment qu’une description d’un service essentiel n’est pas exigée dans une entente sur les services essentiels.

44 La Loi prévoit un certain nombre d’étapes liées entre elles pour l’établissement d’une ESE. Ces étapes sont axées sur l’identification des postes. D’abord, un employeur doit donner à l’agent négociateur un avis l’informant qu’il considère que certains employés occupent des postes qui sont nécessaires pour que l’employeur puisse offrir des services essentiels (« postes essentiels ») en vertu de l’article 122 de la Loi. Contrairement à l’article 87.4 du Code canadien du travail (le « Code »), L.R.C. (1985), ch. L-2, la Loi n’exige pas que l’employeur décrive les services essentiels dans l’avis. Une fois que cet avis a été donné, les parties doivent faire tout effort raisonnable pour conclure une ESE conformément à l’article 122 de la Loi. Lorsqu’elles négocient une ESE, les parties doivent observer les restrictions prévues par la loi au sujet des postes : 1) le contenu d’une ESE doit être limité aux « types de postes », au « nombre de ces postes » et aux « postes en question » en vertu du paragraphe 4(1); 2) aux fins de l’identification du « nombre de ces postes », les parties peuvent convenir que les services essentiels peuvent être offerts dans une proportion plus grande en vertu du paragraphe 121(1); 3) aux fins de l’identification du « nombre de ces postes », les parties ne peuvent prendre en compte ni la disponibilité d’autres personnes pour offrir le service essentiel ni d’autres modes de fonctionnement aux termes du paragraphe 121(2).

45 Une fois qu’une ESE est conclue, le paragraphe 130(1) de la Loi exige que l’employeur fournisse à chaque employé qui occupe un poste essentiel un avis l’informant de ce fait. L’employeur n’est pas tenu de fournir une description du service essentiel à ces employés.

46 L’ESE demeure en vigueur jusqu’à ce que les parties décident conjointement qu’il n’y a plus aucun des fonctionnaires de l’unité de négociation qui occupent des postes essentiels, en vertu de l’article 125 de la Loi. L’élément d’application n’est pas l’existence ou non du service essentiel, mais plutôt la question de savoir si un employé occupe encore un poste essentiel. Si un poste essentiel se libère, l’employeur peut le remplacer par le même « type » de poste, en vertu de l’article 129.

47 Une fois que l’ESE pertinente est en vigueur, les employés qui n’occupent pas des postes essentiels sont autorisés à faire la grève à la condition qu’ils respectent les autres critères prévus dans la Loi. Les employés qui occupent des postes essentiels ne peuvent pas faire la grève. Le paragraphe 194(1) interdit une grève si l’ESE pertinente n’est pas en vigueur. En outre, la Loi non seulement interdit à un agent négociateur d’organiser une grève d’employés qui occupent des postes essentiels en vertu du paragraphe 194(2), mais elle interdit également à ces employés de prendre part à une grève en vertu de l’alinéa 196j). Par conséquent, la Loi n’exige pas de description des services essentiels dans une ESE aux fins d’une grève.

48 Les parties peuvent déposer une demande auprès de la Commission afin qu’il soit statué au sujet de toute question non résolue qui peut être comprise dans une ESE initiale en vertu du paragraphe 123(1) de la Loi. Dans le cadre de l’examen d’une telle demande, la Commission doit tenir compte des restrictions similaires suivantes au sujet des postes : 1) le contenu d’une ESE doit être limité aux « types des postes », au « nombre de ces postes » et aux « postes en question » en vertu du paragraphe 4(1); 2) aux fins de l’identification du « nombre de ces postes », la Commission peut exiger que les employés qui assurent des services essentiels se fassent demander d’offrir ces services dans une proportion plus grande en vertu du paragraphe 123(5); 3) aux fins de l’identification du « nombre de ces postes », la Commission ne peut prendre en compte ni la disponibilité d’autres personnes pour offrir le service essentiel pendant une grève ni d’autres modes de fonctionnement aux termes du paragraphe 123(6); 4) si la demande porte sur l’un des « postes en question », le paragraphe 123(7) mentionne que la proposition de l’employeur est jugée prévaloir, sauf si la Commission établit que le poste n’est pas du « type » nécessaire pour que l’employeur puisse fournir des services essentiels.

49 Compte tenu de ce qui précède, il est clair que la Loi est un régime axé sur les postes par opposition à un régime axé sur les services. La Loi n’exige pas une description des services essentiels pour quelque fin liée aux services essentiels. Le but ultime de ce régime consiste à désigner les postes essentiels. Bien qu’il soit question des services essentiels pendant les négociations, il n’est pas nécessaire de les décrire dans l’ESE.

50 Les pouvoirs de la Commission énoncés au paragraphe 123(3) de la Loi doivent être interprétés dans le contexte de la définition de l’« entente sur les services essentiels » prévue au paragraphe 4(1). Plus particulièrement, le pouvoir que possède la Commission, prévu à l’alinéa 123(3)a), de juger que « toute question » fait partie d’une ESE est encore limité par la définition de l’« entente sur les services essentiels » énoncée au paragraphe 4(1), qui définit de manière exhaustive ce qui peut être « inclus » dans une ESE ou « en faire partie ». Seules les questions qui sont exigées aux termes de la définition de l’« entente sur les services essentiels » peuvent être réputées faire partie d’une ESE. Ainsi, le pouvoir de la Commission est limité à juger les « types des postes », le « nombre de ces postes » et les « postes en question » parties d’une ESE, c’est-à-dire créer une fiction juridique en vertu de laquelle ces éléments spécifiques deviennent partie d’une ESE conclue entre les parties. La Commission ne peut juger toute autre question partie d’une ESE, notamment la description d’un service essentiel. Bref, la Commission ne possède pas la compétence d’exiger davantage que ce que la Loi exige.

51 Il n’est pas interdit à la Commission de tirer une conclusion sur la question de savoir si un service en particulier est nécessaire aux fins de la sécurité de la population canadienne. La Commission a déjà proposé le cheminement analytique en trois volets qui suit en ce qui touche les demandes en vertu de l’article 123 de la Loi : 1) déterminer quels services sont essentiels pour la sécurité du public; 2) déterminer le niveau de service, une question qui relève exclusivement de l’employeur; 3) déterminer les « types des postes », le « nombre de ces postes » et les « postes en question »; voir la décision Parcs, aux paragraphes 186, 189 et 191.

52 Bien que ce cheminement analytique puisse convenir dans le contexte de l’examen, par la Commission, d’une demande présentée en vertu de l’article 123 de la Loi, chaque étape de cette détermination n’a pas à être incluse par les parties comme élément du contenu d’une ESE. Seule la troisième et dernière étape, les « types des postes », le « nombre de ces postes » et les « postes en question », constituent le contenu requis.

53 Le demandeur a reconnu que la Commission a déjà considéré que la description d’un service essentiel faisait partie d’une ESE dans des décisions antérieures. Toutefois, les ordonnances de la Commission ont été rendues en l’absence d’observations des parties sur la question.

54 Le fait d’exiger une description des services essentiels dans une ESE comportant un degré de précision suffisant pour chaque poste essentiel est lourd, prolonge indûment la durée des négociations et retarde la conclusion d’une ESE. Les négociations devraient être concentrées sur la désignation des postes plutôt que sur l’examen attentif de la façon dont un service essentiel est décrit pour chaque poste essentiel.

55 De plus, le fait d’exiger une description des services essentiels dans une ESE permettra sans doute d’éviter des litiges sur la description d’un service essentiel, plutôt que sur la question de savoir si un service est effectivement essentiel. Par exemple, dans les deux cas les plus récents de services essentiels du groupe CS, le demandeur et le défendeur avaient déjà convenu que la très grande majorité, pour ne pas dire la totalité, des services en question étaient nécessaires pour la sécurité de la population canadienne. Le débat portait simplement sur la façon dont le service essentiel devrait être décrit : Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 128, au paragraphe 152 (demande de contrôle judiciaire en instance) et la décision Sécurité publique, aux paragraphes 74 et 75.

56 Une description des services essentiels dans une ESE n’est pas pertinente aux fins d’une grève. Tel qu’il a été mentionné précédemment, une fois que l’ESE pertinente est en vigueur, la Loi interdit catégoriquement aux employés qui occupent des postes essentiels de faire la grève. Plus précisément, la Loi interdit non seulement à un agent négociateur d’organiser une grève des employés qui occupent des postes essentiels en vertu du paragraphe 194(2), mais elle interdit également à ces employés de participer à une grève aux termes de l’alinéa 196j). La Cour suprême du Canada en est venue à une conclusion similaire dans Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 696, à la page 699, sur la base de l’alinéa 101(1)c) de l’ancienne LRTFP (qui est analogue à l’alinéa 196j) de la Loi), pour confirmer qu’un employé désigné ne peut pas faire la grève.

57 Le demandeur possède le droit exclusif d’attribuer des fonctions à ses employés. L’article 7 de la Loi indique clairement que « [l]a présente loi n’a pas pour effet […] » de porter atteinte à ces droits ou à ces pouvoirs. De plus, l’article 132 de la Loi indique qu’un agent négociateur et un employé qui occupent un poste essentiel sont tenus d’observer toutes les modalités et conditions d’emploi applicables à cet employé jusqu’à la conclusion d’une convention collective. Il n’est pas pertinent de dresser la liste de chaque service essentiel dans une ESE dans le contexte d’une grève étant donné qu’un employé qui occupe un poste essentiel ne peut faire la grève et doit observer toutes les modalités et conditions de son emploi, y compris en ce qui concerne ses heures de travail et l’exécution complète de ses services. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de fournir une description de chaque service essentiel dans une ESE à quelque fin que ce soit, a fortiori aux fins d’une grève.

58 À la question de savoir si l’exigence selon laquelle le titulaire d’un « poste essentiel » doit exécuter la totalité de ses « services » au cours d’une grève signifiait toutes les fonctions rattachées au poste, et non seulement les services jugés essentiels, le demandeur a répondu affirmativement.

59 En réponse à l’argument du défendeur selon lequel le demandeur aurait dû demander le contrôle judiciaire des décisions antérieures de la Commission, le demandeur a soutenu que la Commission a l’obligation d’examiner la question qui lui est soumise peu importe ce qui est survenu par le passé; voir Byers Transport Ltd. c. Kosanovich, [1995] 3 C.F. 354 (C.A.), au paragraphe 13.

60 En ce qui a trait à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, le demandeur a fait valoir qu’une décision prise par la Commission qui excède sa compétence ne peut constituer la base d’une préclusion; voir Danyluk, au paragraphe 51. Le demandeur a également souligné qu’un certain nombre de décisions de la Commission citées par le défendeur comme base de l’allégation de préclusion touchaient différentes parties, divers ministères, des situations et des faits différents, ce qui empêche l’application d’une préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Il a également mentionné qu’aux termes de la décision Sécurité publique, la définition des services essentiels n’était pas réputée faire partie de l’ESE conclue entre les parties.

61 Les interdictions contre les attaques collatérales et les abus de procédure ne s’appliquent pas lorsque les parties ont demandé conjointement à la Commission de rendre une décision.

C. Réfutation du défendeur

62 La Loi n’utilise pas le terme « poste essentiel ». Le défendeur a de nouveau souligné que les mentions dans la Loi des « postes » peuvent se comprendre seulement dans la mesure où les titulaires des postes offrent des services essentiels.

63 L’énoncé de la compétence de la Commission au paragraphe 123(1) de la Loi n’est pas exhaustif. La Commission, sans opposition de l’une ou l’autre des parties, a déjà statué sur la définition des services essentiels en vertu de cette disposition, même si, d’après l’interprétation faite par le demandeur du libellé de la Loi, le paragraphe 123(1) limite le pouvoir de la Commission de trancher seulement toute question non résolue « […] pouvant figurer dans une […] entente [sur les services essentiels] ».

III. Motifs

64 Les arguments des parties traitent de nombreuses dispositions de la Loi. Comme les questions d’interprétation de la loi jouent un rôle tellement important dans cette décision, j’ai reproduit intégralement les dispositions sur les services essentiels de la Loi à l’Annexe A par souci de commodité. J’ai également reproduit à l’Annexe B certaines dispositions de l’ancienne LRTFP qui tiennent lieu de point de comparaison afin de mieux faire comprendre le régime et les objectifs de la Loi.

A. Préclusion s’appliquant à une question déjà tranchée, attaque collatérale et abus de procédure

65 Il est clair que la Commission a ordonné, dans des décisions antérieures, l’inclusion de définitions des services essentiels dans des ESE. Elle a eu recours à des termes différents dans ses ordonnances, mais l’effet a été le même. La formulation suivante qui se trouve dans la décision Service Canada a constitué l’un des premiers exemples :

[…]

110.   L’Entente sur les services essentiels (ESE) du groupe de l’administration des programmes comprendra les dispositions suivantes :

Les services suivants, qui sont offerts par des titulaires de poste d’agent des services aux citoyens PM-01 dans des Centres de Service Canada, ou les activités exercées par ces titulaires dans ces Centres, sont nécessaires pour la sécurité du public :

1. Fournir dans des points de service réguliers, aux membres du public qui cherchent à obtenir des prestations aux termes des programmes d’a.-e., de RPC ou de SV/SRG, une aide raisonnable qui leur permettrait de présenter des demandes remplies à des fins de traitement, avec les documents nécessaires, pourvu que le service soit un service habituellement donné par le titulaire d’un poste d’agent des services aux citoyens (PM-01) dans les limites de la description de travail officielle de ce poste.

2. Fournir dans des points de service réguliers, aux membres du public qui reçoivent des prestations aux termes des programmes d’a.-e., de RPC ou de SV/SRG, une aide raisonnable qui leur permettrait de continuer de recevoir des prestations dans la mesure de leur admissibilité, pourvu que le service soit un service habituellement donné par le titulaire d’un poste d’agent des services aux citoyens (PM-01) dans les limites de la description de travail officielle de ce poste.

[…]

66 En se fondant sur les ordonnances antérieures de la Commission, le défendeur a soutenu que le demandeur est préclus de faire valoir dans le présent cas que la Commission n’a pas compétence pour ordonner l’inclusion d’une définition des services essentiels dans une ESE. Le défendeur prétend que la Commission a déjà statué sur la question.

67 Si je devais accepter qu’une préclusion découlant d’une question déjà tranchée s’applique dans les circonstances de la présente affaire, il en découlerait, en toute logique, que je refuserais de me pencher davantage sur la question de la compétence de la Commission. Bien qu’il m’apparaisse assez incongru que le défendeur puisse faire valoir une thèse comportant ce résultat possible après que le défendeur se soit joint initialement au demandeur pour demander à la Commission de statuer sur ce qui constitue essentiellement une question de compétence, le défendeur a indiqué à l’audience qu’il croyait que la thèse du demandeur ne lui laissait d’autre choix que de soumettre la question à la Commission, tout en demeurant d’avis que celle-ci avait déjà tranché la question. J’accepte de me pencher sur la question de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée sur cette base.

68 Ceci dit, l’argument du défendeur au sujet de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée doit être écarté. La première condition de l’application d’une préclusion découlant d’une question déjà tranchée, telle qu’elle est exposée dans Danyluk et ailleurs, est que « […] la même question a été tranchée ». Bien que la Commission a ordonné l’inclusion de définitions des services essentiels dans des décisions antérieures, il n’y a aucune preuve dans l’une ou l’autre de ces décisions que la Commission a pris en compte certaines observations des parties sur sa compétence de le faire, a concentré activement son attention à décider de cette question, puis a statué de la question de manière définitive. Une chose est sûre, je suis convaincu que la Commission ignorait qu’il existait un problème jusqu’à ce qu’elle instruise le présent dossier récemment.

69 Je rejette également l’argument du défendeur selon lequel la thèse du demandeur devrait être écartée sur la base de l’interdiction des attaques collatérales. Il est possible que le demandeur ait choisi de porter en justice la question de compétence qui fait l’objet de cette audience en demandant le contrôle judiciaire d’une ou de plusieurs ordonnances précédentes de la Commission qui ont intégré une définition des services essentiels dans une ESE. Toutefois, comme aucune de ces décisions n’a expressément vérifié la question de la compétence, il est assez raisonnable de soutenir qu’elles auraient constitué de mauvaises candidates en vue d’un contrôle judiciaire de la question. Certes, on est en droit de se demander si la Cour d’appel fédérale aurait accepté de statuer sur la question précise de la compétence en l’absence d’un dossier indiquant que les parties en ont débattu directement et que la Commission a examiné la question et a statué sur celle-ci. De ce point de vue, cette procédure peut difficilement être considérée comme une attaque collatérale. En outre, tandis que le demandeur cherche à obtenir un résultat qui pourrait semer le doute quant aux ordonnances antérieures de la Commission, ces procédures ne peuvent résulter en une résiliation formelle et une annulation de l’une ou l’autre de ces ordonnances.

70 Le troisième argument du défendeur laisse croire que la thèse du demandeur implique un abus de procédure. Selon moi, cette suggestion est sans fondement. Même si je devais accepter que cette procédure comprend un réexamen de la question de compétence qui est expressément en litige — ce que je ne fais pas — il n’existe pas de motif impérieux de croire que cette procédure puisse miner la crédibilité ou l’efficacité de la procédure décisionnelle de la Commission, compromettre le principe du caractère définitif de la prise de décision, occasionner un gaspillage de ressources ou des effets préjudiciables pour les mécanismes prévus par la Loi. Tel qu’il est mentionné dans Toronto (Ville), la doctrine de l’abus de procédure peut être utilisée lorsqu’il n’a pas été satisfait aux exigences de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, mais qu’un décideur conclut que le fait de permettre l’instruction du litige « […] aurait néanmoins porté atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice. » Le critère pour invoquer la doctrine est à juste titre élevé. L’objectif fondamental, pour citer de nouveau Toronto (Ville), consiste à empêcher une partie d’« […] attaquer un jugement en tentant de soulever de nouveau la question devant un autre forum ». Je ne suis pas du tout convaincu que cette instance s’approche du critère requis, a fortiori l’excède. Bien que le résultat d’une conclusion favorable à la thèse du demandeur puisse modifier considérablement l’approche de la Commission face aux éléments de la Section 8 de la Loi, l’examen de la question de compétence soulevée par le demandeur ne porte pas en soi préjudice au mécanisme décisionnel. Bref, le défendeur n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, un cas d’abus de procédure.

71 Pour ces motifs, je crois que la Commission peut et devrait statuer sur la question de la compétence.

B. La compétence de la Commission

72 Les deux parties ont fait valoir des textes bien connus et de grandes décisions sur l’interprétation des lois pour étayer leurs thèses respectives sur la question de la compétence de la Commission de juger une définition des services essentiels incluse dans une ESE. Les documents présentés par les parties sont à la fois exhaustifs et diversifiés. Dans une certaine mesure, l’examen de ces documents donne au lecteur le sentiment que l’application des règles peut varier et varie parfois effectivement selon la nature et le contexte du problème d’interprétation en jeu. Certes, il peut y avoir des différences légitimes quant à l’application de principes répandus d’interprétation des lois à une situation donnée. En l’espèce, par exemple, les deux parties acceptent généralement les mêmes « règles contemporaines d’interprétation des lois », mais en viennent à des conclusions opposées sur la manière d’interpréter harmonieusement les dispositions pertinentes de la Loi lues ensemble.

73 Je crois que je devrais adopter la même approche d’interprétation législative dans cette décision que celle qui a été suivie par la Commission dans la décision Parcs et qu’elle a généralement adoptée ailleurs. Cette approche reconnaît l’obligation de la Commission en vertu de l’article 12 de la Loi d’interprétation qui consiste à faire en sorte que les dispositions de la Loi « […] s’interprète[nt] de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ». L’approche respecte en outre la vision de la Cour suprême, résumée ci-dessous au paragraphe 149 de la décision Parcs :

149 L’employeur cite la Loi d’interprétation et les décisions de la Cour suprême du Canada – par exemple, Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex – selon lesquelles la Commission doit donner aux dispositions de la nouvelle Loi leur sens ordinaire et interpréter ces dispositions en harmonie avec le régime législatif général et l’intention du législateur. La Commission souscrit à cet énoncé. La règle principale d’interprétation législative s’applique, telle qu’elle est citée dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., au paragraphe 21 (qui cite E. A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., 1983, à la page 87) :

Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[…]

74 Je crois que les décisions rendues à ce jour par la Commission au sujet de la signification et de l’esprit des éléments sur les services essentiels de la Section 8 de la Loi doivent également me guider dans le cadre de la présente décision. La décision Parcs ouvre la voie. Comme la Commission a rendu cette décision en novembre 2008, d’autres décisions de la Commission ont adopté le même cheminement analytique depuis et ont exprimé, je crois, une vision commune des objectifs de la Loi. Bien qu’un certain nombre de dispositions spécifiques de la Loi gagneraient manifestement à être étudiées plus en profondeur, la vision de la Commission de son architecture de base est à ce jour assez bien connue.

75 L’argument que fait valoir le demandeur donne lieu à une interprétation différente de la Loi que celle de la Commission. L’essentiel de l’argumentation du demandeur consiste à contester l’autorité de la Commission sur un point très précis, à savoir la compétence de la Commission de juger qu’une définition des services essentiels est incluse dans une ESE. Toutefois, le demandeur a inscrit sa contestation de cette autorité dans une théorie plus générale de l’intention qu’avait le législateur dans l’ensemble de la Section 8 de la Loi. Je crois qu’il incombe à la Commission non seulement de statuer sur la question précise de la compétence qui anime la présente affaire, mais également, au besoin, sur la théorie plus générale du demandeur.

76 À ces deux niveaux, je m’inscris en faux contre la thèse du demandeur pour les motifs qui suivent.

77 Au cœur de la thèse du demandeur selon laquelle la Commission n’a pas compétence pour ordonner l’inclusion d’une définition des services essentiels dans une ESE se trouve son argument selon lequel les règles de l’interprétation des lois, bien appliquées, exigent que la Commission accepte que le paragraphe 4(1) de la Loi définit exhaustivement le contenu d’une ESE de la façon suivante :

« entente sur les services essentiels » Entente conclue par l’employeur et l’agent négociateur indiquant :

a) les types des postes compris dans l’unité de négociation représentée par l’agent négociateur qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels;

b) le nombre de ces postes qui est nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir ces services;

c) les postes en question.

78 Présumons un instant que l’argument du demandeur est fondé et que le législateur entendait, par la définition d’une « entente sur les services essentiels » dans le paragraphe 4(1) de la Loi, exclure du contenu d’une ESE tout élément non identifié aux alinéas a), b) ou c). S’ensuit-il que le libellé de ces alinéas doit être considéré comme excluant, de quelque façon, une définition des services essentiels du contenu d’une ESE?

79 Je ne crois pas. L’alinéa a) de la définition d’« entente sur les services essentiels » au paragraphe 4(1) de la Loi indique explicitement quels « types des postes » devraient être désignés dans une ESE. Il exige que les « types des postes » qui sont désignés à juste titre dans une ESE soient ceux « […] qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels […] ». Le terme « types de postes » n’est pas un terme qui prend son sens ordinaire. Il n’a pas de signification intrinsèque. Il n’est pas défini ailleurs dans la Loi. Il peut être interprété uniquement parce que le législateur a inclus dans l’alinéa l’élément descripteur « […] qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels […] ». Il est clair que la mention des « services essentiels » n’est pas superflue pour la signification de l’alinéa a); elle est nécessaire. L’alinéa doit recevoir sa signification globale et tous ces termes doivent contribuer à cette signification.

80 La même observation s’applique aux alinéas b) et c) de la définition d’« entente sur les services essentiels » que donne le paragraphe 4(1) de la Loi. L’alinéa b) inclut la mention « […] pour permettre à l’employeur de fournir ces services » et l’alinéa c) comprend une forme abrégée de cette mention. Les mots « pour permettre […] de fournir ces services » transposent dans les alinéas b) et c) l’élément de phrase « fournir les services essentiels » de l’alinéa a). Comme l’alinéa a), les alinéas b) et c) n’ont pas de signification compréhensible sans la mention modificatrice des « services essentiels ».

81 Il convient de souligner que la définition du terme « entente sur les services essentiels » ne se retrouve pas seule au paragraphe 4(1) de la Loi. L’alinéa renferme également la définition de « service essentiel » qui suit :

« service essentiel » Services, installations ou activités du gouvernement du Canada qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public.

La présence des deux définitions ensemble au paragraphe 4(1) donne une solide indication de l’intention du législateur : la définition d’« entente sur les services essentiels » doit être interprétée en tenant compte de la définition de « services essentiels ». Il me semble que le regroupement direct des deux définitions au paragraphe 4(1) atténue considérablement l’argument du demandeur. Selon moi, compte tenu de la présence de deux définitions groupées dans la disposition, il est très probable que le législateur ait eu pour but que la définition d’« entente sur les services essentiels » soit interprétée en harmonie avec la définition groupée de « services essentiels ». Une chose est sûre : je crois que le législateur souhaitait que nous intégrions aux alinéas a), b) et c) l’élément même qui donne à ces alinéas leur signification concrète — la définition des services essentiels convenue par les parties ou ordonnée par la Commission. Quand certains « types de postes » sont énumérés dans une ESE, par exemple, la question évidente et immédiate qui se pose est : « Pourquoi ces types de postes? » La réponse qui s’impose — celle qui est nécessaire pour donner un sens à la liste des « types de postes »— est que ces types de postes sont nécessaires pour fournir une liste définie de services essentiels.

82 En fait, le demandeur a fait valoir que le législateur aurait ajouté un alinéa d), établissant « la définition des services essentiels » — ou qu’il aurait modifié la définition d’une autre façon pour obtenir le même effet — s’il avait eu l’intention d’inclure cet élément dans une liste exhaustive du contenu d’une ESE au paragraphe 4(1) de la Loi. Il ne fait aucun doute qu’une telle mesure aurait fait disparaître tout questionnement sur l’affaire. Toutefois, je ne crois pas que l’absence de ces mots supplémentaires tranche la question. Je suis bien davantage convaincu que le législateur a énoncé les deux définitions pertinentes au paragraphe 4(1) comme un ensemble cohérent et unifié. Affirmer avec insistance que les alinéas a), b) et c) nient une intention d’exclure une définition des services essentiels d’une ESE équivaut à séparer ce que le Parlement a regroupé, sans motif immédiatement manifeste de le faire.

83 Le demandeur m’a renvoyé à la LRTSPNB comme exemple d’une loi qui indique expressément la définition des services essentiels comme élément d’une entente sur les services essentiels. Le demandeur a fait valoir que nous devons présumer que le législateur était au courant de la LRTSPNB lorsqu’il a rédigé la Loi et qu’il a choisi à dessein de ne pas emboîter le pas, révélant ainsi son intention d’exclure une définition des services essentiels du contenu d’une ESE.

84 Il est vrai que l’alinéa 43.1(3)a) de la version de la LRTSPNB qui était en vigueur lorsque la Loi a été adoptée et proclamée utilisait les termes suivants : « […] l’employeur et l’agent négociateur doivent s’efforcer de parvenir à un accord identifiant a) les services fournis par l’unité de négociation qui en tout temps déterminé sont nécessaires ou qui le seront dans l’intérêt de la santé, de la sûreté ou de la sécurité du public […] ». Toutefois, il importe de reconnaître que la LRTSPNB ne constitue pas un régime étroitement comparable lorsqu’il est question de services essentiels. Elle ne traite pas de la négociation d’une « entente sur les services essentiels » comme telle et n’utilise ni ne définit ce terme; elle ne définit pas directement non plus le terme « service essentiel ». En outre, elle demeure fondée sur le concept d’un « poste désigné » qui, comme il en est question ci-après, est disparu de la Loi. Je ne suis pas convaincu que le modèle du Nouveau-Brunswick me soit de quelque utilité dans cette décision.

85 Si le demandeur ignore, pour l’essentiel, la présence groupée de la définition de « service essentiel » au paragraphe 4(1) de la Loi, il ne tient pas compte non plus de quelque chose que je considère encore plus fondamental. Est-il logique que le législateur se serve du terme « entente sur les services essentiels » sans que l’« entente » qu’il envisage porte sur des « services essentiels »? Les mots « services essentiels » modifient directement « entente ». Il ne peut être accidentel que le législateur ait choisi de grouper ces mots pour former un concept défini au paragraphe 4(1) plutôt que d’utiliser, par exemple, un terme comme « entente sur les postes essentiels ». La présence du terme « entente sur les services essentiels » est intentionnelle et fondamentale. Je conclus qu’il est impossible de l’interpréter autrement que comme une mention claire, par le législateur, que l’entente qui intègre toute l’approche dans la Section 8 est une entente sur les services essentiels. Dans cette mesure cruciale, je crois que le législateur n’aurait pas pu exclure consciemment une définition des services essentiels d’une ESE. Au contraire, il a explicitement fait des services essentiels la pierre d’assise définitoire de l’établissement d’une ESE. Sans définition des services essentiels convenue ou réputée, une ESE serait vide de son contexte définitoire.

86 Si notre examen va au-delà du paragraphe 4(1) de la Loi, j’estime qu’il existe de nombreux motifs supplémentaires pour écarter l’interprétation limitée que fait le demandeur du contenu approprié d’une ESE. Le pouvoir principal de la Commission énoncé dans la Section 8 est formulé au paragraphe 123(3) dans les termes suivants :

          123. (3) […] la Commission peut statuer sur toute question en litige pouvant figurer dans l’entente et, par ordonnance, prévoir que :

a) sa décision est réputée faire partie de l’entente […]

[…]

Le sens ordinaire du paragraphe 123(3) intègre deux paramètres à la portée de ce que peut déterminer la Commission. Premièrement, il doit s’agir d’une question « […] en litige […] » Deuxièmement, la question en litige doit être une question « pouvant figurer dans l’entente [sur les services essentiels] […] ».

87 Les deux parties conviennent que la Commission peut déterminer quelle est la définition des services essentiels quand les parties sont en désaccord. Ce pouvoir n’a jamais été contesté, en commençant par la décision Parcs. Toutefois, d’après l’interprétation que fait le demandeur du paragraphe 4(1), une définition des services essentiels n’est pas une question « […] pouvant figurer dans l’entente [sur les services essentiels] […] ». S’il s’agissait d’une interprétation exacte de l’intention du législateur, il s’ensuivrait que la Commission ne pourrait simplement pas exercer le pouvoir de définir les services essentiels — parce que le sens courant du paragraphe 123(3) limite le pouvoir de la Commission aux questions « […] pouvant figurer dans l’entente [sur les services essentiels] […] ».

88 Manifestement, cette interprétation est indéfendable. Il faut présumer que l’intention du législateur, dans le cas des alinéas a), b) et c) de la définition d’« entente sur les services essentiels » au paragraphe 4(1) de la Loi, était de déterminer le contenu principal d’une ESE sans empêcher qu’il puisse y avoir d’autres éléments de contenu. Après tout, le législateur n’a pas prévu qu’une entente sur les services essentiels « indique seulement » [je souligne] le contenu décrit aux alinéas a), b) et c). Compte tenu du fait que la Commission exerce son pouvoir en vertu du paragraphe 123(3) seulement en ce qui concerne les questions « […] pouvant figurer dans l’entente [sur les services essentiels] […] » et qu’il est acquis que le législateur voulait que la Commission règle tout désaccord au sujet de la définition des services essentiels, il faut présumer que le législateur voulait également que la Commission puisse rendre une ordonnance jugeant que [la définition des services essentiels] est réputée faire partie de l’entente sur les services essentiels conclue entre l’employeur et l’agent négociateur — parce que le législateur a reconnu implicitement que la définition des services essentiels était une autre question « […] pouvant figurer dans l’entente [sur les services essentiels] ».

89 Les dispositions de la Section 8 de la Loi sur la modification d’une ESE existante viennent appuyer encore davantage ce point de vue. Lorsqu’il est nécessaire d’effectuer une modification et que les parties ne peuvent convenir de la manière de réviser leur ESE, le paragraphe 127(3) confère à la Commission le pouvoir de la modifier par ordonnance dans les termes suivants :

          127. (3) La Commission peut, par ordonnance, modifier l’entente si elle l’estime nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels.

Si l’intention du législateur avait été qu’une ESE ne puisse jamais comprendre une définition des services essentiels, le sens ordinaire du paragraphe 127(3) s’appliquerait de manière à interdire à la Commission de modifier une définition existante des services essentiels sous ce régime, parce que la définition ne pourrait jamais être incluse dans l’ESE de toute manière. Dans ce cas, comment réglerait-on un conflit éventuel sur les modifications à la définition des services essentiels? Si le pouvoir de la Commission, le cas échéant, de régler le conflit ne repose pas sur le paragraphe 127(3), quelle en serait la source? Aucune autre disposition de la Section 8 n’établit ce pouvoir. Je ne crois certes pas que le législateur ait rédigé la Section 8 de la Loi comme régime exhaustif d’établissement, puis de modification d’ententes sur les services essentiels, et qu’il aurait en même temps décidé consciemment que la modification d’une définition des services essentiels doive être effectuée sous un autre régime ou en vertu d’un autre pouvoir que ceux qui sont prévus dans la Section 8 (par exemple, en invoquant le pouvoir général de la Commission de réviser ses ordonnances en vertu du paragraphe 43(1)) ou qu’elle ne doive pas être effectuée du tout. Il faut plutôt présumer que le législateur souhaitait que le paragraphe 127(3) soit la source du pouvoir de modification d’une définition des services essentiels, encore une fois parce qu’une telle définition fait partie, à juste titre, du contenu d’une ESE.

90 Je constate également que l’article 127 de la Loi ne renferme pas d’énoncé supplémentaire qui se compare à l’alinéa 123a) en vertu duquel « […] [l]a décision [de la Commission] est réputée faire partie de l’entente [sur les services essentiels] […] ». L’absence d’une telle disposition dans l’article 127 me laisse croire que le législateur a présumé que la définition des services essentiels ferait déjà partie de l’ESE et que la Commission pourrait ordonner sa modification en vertu de l’article 127 comme elle pourrait ordonner des changements au reste du contenu de l’ESE sans qu’une présomption soit nécessaire.

91 Voici, étroitement liées à l’argument du défendeur selon lequel le paragraphe 4(1) de la Loi indique de manière exhaustive le contenu d’une ESE, plusieurs propositions sur l’approche de la Loi en ce qui concerne les services essentiels formulées dans ses arguments écrits, dont voici les principaux exemples : 1) « […] il est clair que la LRTFP est un régime axé sur les postes (par opposition à un régime axé sur les services) »; 2) « [l]e but ultime de ce régime consiste à désigner les postes essentiels »; 3) « […] une description des services essentiels dans une entente sur les services essentiels n’est pas pertinente aux fins d’une grève »; 4) « […] un employé qui occupe un poste essentiel ne peut faire la grève et doit observer toutes les modalités et conditions de son emploi, y compris en ce qui concerne ses heures de travail et l’exécution complète de ses services ». Ces propositions constituent des éléments importants de la théorie du demandeur qui touche le régime et l’objet de la Loi. À son point de vue, le régime et l’objet de la Loi confirment qu’il n’est pas nécessaire d’inclure une définition des services essentiels dans une ESE.

92 Si la Commission devait adopter l’approche du demandeur, le seul contenu requis d’une ESE serait, en définitive, la liste des postes en question dont les parties ont convenu ou que la Commission a ordonné, qui comportent l’exécution d’un ou de services essentiels. Une fois qu’un poste est énuméré dans une ESE, le demandeur estime que son titulaire doit exécuter toute la portée de ses « services ». À l’audience, j’ai explicitement demandé au demandeur si, en faisant mention des « services », il voulait dire qu’un employé doit exécuter toute la gamme des services essentiels advenant une grève ou plutôt que l’employé doit s’acquitter de toutes les fonctions rattachées à son poste, qu’il ait été établi essentiel ou non. Le demandeur a établi clairement qu’il parlait de la dernière option.

93 Les éclaircissements donnés par le demandeur, accompagnés de son utilisation du terme « poste essentiel » — terme qui ne figure nulle part dans la Loi — révèlent qu’il croit que la Section 8 de la Loi ne diffère pas beaucoup de la version précédente de la loi à quelque égard important. Que le terme utilisé soit « poste désigné », comme dans l’ancienne LRTFP, ou « poste essentiel », comme le demandeur tente d’intégrer dans la Loi, l’effet est le même, ce qui amène l’argument du demandeur à sa conclusion logique. Au cours d’une grève, les employés qui offrent des services essentiels doivent s’acquitter de toutes les fonctions de leurs postes comme l’exige habituellement l’employeur. Fondamentalement, ce sont leurs postes qui sont essentiels plutôt que les services qui ont mené à l’identification de ces postes.

94 Avec égards, la théorie du demandeur ignore à tort la mesure dans laquelle le régime législatif régissant les services essentiels a évolué en vertu de la Loi. Les dispositions clés de l’ancienne LRTFP sont reproduites à l’Annexe B de la présente décision. Le « poste désigné » constituait le concept définitoire central de ce régime législatif. Le paragraphe 78(1) de l’ancienne LRTFP exigeait que les postes de l’unité de négociation soient désignés « […] comme postes dont tout ou partie des fonctions sont ou non, à un moment particulier, ou seront ou non, après un délai déterminé, nécessaires pour la sécurité du public […] ». Un employé ayant occupé un poste désigné ne pouvait pas participer à une grève légale. Tous les éléments du régime étaient centrés sur la liste des postes désignés dont les parties ont convenu ou, sinon, qui a été déterminée après une procédure de règlement des différends à deux paliers se terminant par une décision de la Commission.

95 Aucun texte législatif de fond de l’ancienne LRTFP autre que le concept de « […] sécurité du public […] » n’a été transposé dans la nouvelle Loi. Dans la décision Parcs, au paragraphe 134, la Commission a écrit ce qui suit :

134    […] Il s’agit de modifications de fond et non simplement de forme. Plutôt que de modifier la loi précédente, le législateur a rédigé une toute nouvelle loi comportant de nombreuses dispositions nouvelles dans le domaine des services essentiels. Compte tenu de la nature et de la portée des changements, la Commission doit présumer que ces changements avaient un but; en d’autres termes, il faut présumer que le législateur entendait établir en vertu de la nouvelle Loi une approche très différente de celle du régime de l’ancienne Loi; voir Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, à la page 472.

La Commission a traité en profondeur de la nature des changements qui ont rendu la Loi fondamentalement différente de sa version antérieure, notamment dans le passage suivant :

[…]

143    En vertu de la nouvelle Loi, le concept d’« employé désigné » ou de « poste désigné » a disparu. Il a été remplacé par le concept de « service essentiel » déterminé dans le contexte d’une « entente sur les services essentiels » négociée par les parties. […]

144    Le rôle de la Commission a également été redéfini en vertu de la nouvelle Loi. Le paragraphe 123(3) donne maintenant à la Commission le mandat de statuer sur « toute question » en litige qui porte sur le contenu d’une ESE. Le paragraphe 123(3) autorise de plus la Commission à prévoir que sa décision est réputée faire partie d’une ESE et que les parties sont réputées avoir conclu une telle entente.
[…]

[…]

96 Dans la décision Parcs, la Commission a explicitement examiné, puis rejeté l’argument de l’employeur sur une question primordiale d’interprétation législative selon laquelle « […] l’approche adoptée en vertu de la nouvelle Loi est essentiellement la même qu’en vertu de l’ancienne Loi d’après l’interprétation donnée dans la décision ACCTA ». Après avoir analysé les nouvelles dispositions de la Loi, la Commission a conclu que la question clé que cherchait à régler le législateur au moyen de la nouvelle loi était la désignation des services essentiels. La Commission a écrit ceci au paragraphe 174 :

174    La Commission conclut que compte tenu des modifications de fond apportées dans la nouvelle Loi prise globalement et de ce que ces changements révèlent de l’intention du législateur, la question principale qui doit être posée pour statuer sur une demande présentée en vertu du paragraphe 123(1) est : « Quels services sont nécessaires pour assurer la sécurité du public advenant une grève? »

97 La Commission s’est ensuite tournée vers la décision Parcs pour expliquer en détail le « cheminement analytique » constitué des trois étapes qu’il jugeait adéquates compte tenu du nouveau régime législatif. Définir les services essentiels est la première étape. C’est également l’étape cruciale. Tout le reste découle de cette définition. La deuxième étape consiste à établir à quel niveau les services essentiels doivent être offerts au public. Une fois que le premier et le deuxième éléments nécessaires pour l’établissement d’une ESE sont déterminés, la Commission a mentionné ce qui suit sur les éléments restants du contenu d’une ESE au paragraphe 191 :

191    Le cadre de la nouvelle Loi propose un ordre logique pour déterminer les éléments restants du contenu d’une ESE. Les « services essentiels » et le « niveau de service » ayant été décidés, l’analyse porte ensuite dans l’ordre sur le « type des postes », le « nombre de ces postes » et les « postes en question » qui sont nécessaires pour fournir les services essentiels au niveau de service déterminé. Il se peut qu’une ESE ne traite ni n’ait besoin de traiter explicitement des trois éléments. À tout le moins, les « postes en question » qui sont nécessaires pour fournir des services essentiels doivent être identifiés pour donner effet à l’ESE. Selon le cas, les parties ou la Commission pourraient traiter directement de cet élément sans prendre explicitement de décisions sur le type et le nombre des postes requis pour assurer les services essentiels. Il est plus probable que si le différend semble à première vue porter seulement sur la détermination des « postes en question », les positions défendues par les parties sur cette question révéleront des hypothèses implicites ou des ententes tacites concernant le « type des postes » et le « nombre de ces postes ». Si le sujet des « postes en question » était soumis à la Commission, celle-ci pourrait devoir « défaire » ces hypothèses et ces ententes tacites et, au besoin, rendre des ordonnances basées sur ses propres décisions.

98 La théorie générale de la Loi énoncée par la Commission dans la décision Parcs n’a pas été contestée. Aucune demande de contrôle judiciaire n’a été faite.

99 Maintenant, le demandeur fait valoir une autre théorie de la Loi qui désigne les « postes essentiels » comme élément essentiel. Il soutient qu’« […] il est clair que la LRTFP est un régime axé sur les postes […] » et que « […] [l]e but ultime de ce régime consiste à désigner les postes essentiels ».

100 Selon moi, ces propositions sont carrément erronées. Pour l’essentiel, le demandeur donne un nouveau nom — « poste essentiel » — à l’ancien concept de « poste désigné » et fait valoir qu’en définitive, rien n’importe vraiment, sauf l’établissement de la liste des « postes essentiels ». Pourquoi le législateur est-il allé jusqu’à adopter un régime tout à fait différent qui régit les services essentiels si, comme semble l’affirmer le demandeur, l’objet et le but véritables demeurent les mêmes? Pourquoi le législateur a-t-il créé le concept d’une « entente sur les services essentiels » et élaboré un processus dans lequel la définition des « services essentiels » est l’élément premier et primordial si « […] il est clair que la LRTFP est un régime axé sur les postes […]? »

101 Manifestement, telle n’était pas l’intention du législateur. Les « types de postes », le « nombre de ces postes » et les « postes en question » qui doivent être désignés sont des éléments requis pour réaliser les objets de la Loi, mais seulement en ce sens que les services essentiels doivent nécessairement être offerts par les titulaires des postes. Les postes comme tels ne sont pas essentiels. Les titulaires des postes offrent tout un éventail de services définis comme étant les fonctions qui leur sont attribuées par l’employeur. Certains sous-ensembles de ces fonctions — ou peut-être toutes ces fonctions dans des circonstances exceptionnelles — seront désignés essentiels par les parties ou par la Commission pour la protection de la sécurité du public. La Loi cherche à réaliser un « équilibre » entre assurer le maintien de ces services essentiels désignés en cas de grève et donner son sens véritable au droit de grève intégré dans la Loi. L’épreuve réside dans la définition des « services essentiels ».

102 Il est alors impossible de faire valoir avec crédibilité qu’« […] une description des services essentiels dans une entente sur les services essentiels n’est pas pertinente aux fins d’une grève ». À l’opposé, la Loi vise à assurer que les services essentiels pour la sécurité du public continuent d’être offerts au public pendant une grève. La Section 8 de la Loi est vraiment un régime axé sur le service.

103 Le demandeur m’a renvoyé aux articles 7 et 132 de la Loi, qui sont ainsi rédigés :

          7. La présente loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité du Conseil du Trésor ou d’un organisme distinct quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

[…]

          132. Sauf entente à l’effet contraire entre les parties, toute condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné continue de s’appliquer aux fonctionnaires qui occupent un poste nécessaire, aux termes de l’entente sur les services essentiels, pour permettre à l’employeur de fournir ces services et lie les parties, y compris les fonctionnaires en question, jusqu’à la conclusion d’une convention collective.

104 Si je saisis bien le renvoi par le demandeur à ces articles, ils sont cités pour étayer son affirmation selon laquelle :

[…] un employé qui occupe un poste essentiel ne peut faire la grève et doit observer toutes les modalités et conditions de son emploi, y compris en ce qui concerne ses heures de travail et l’exécution complète de ses services.

J’ai déjà mentionné que selon ce que j’ai compris, sur la base des décisions antérieures de la Commission, en commençant par la décision Parcs, l’objet principal des dispositions sur les services essentiels de la Loi consiste à s’assurer que les services essentiels définis sont maintenus en cas de grève. Je ne crois pas que l’approche de la Commission puisse laisser place à la proposition selon laquelle les prérogatives de l’employeur lui permettent d’exiger l’exécution de fonctions non essentielles à titre de « condition d’emploi ».

105 Dans la décision Parcs, l’employeur a prié la Commission de tenir compte du point de vue exprimé par Michel LeFrançois, avocat général, Groupe de travail sur la modernisation des ressources humaines, selon lequel l’organisme qui a élaboré le projet de loi C-25 (qui est devenu la Loi), à titre d’indication de l’intention du gouvernement derrière l’instauration des dispositions sur les services essentiels de la Loi; voir le paragraphe 76. La Commission a jugé qu’il n’était pas nécessaire de le faire; voir le paragraphe 162. Bien que je n’affirme pas qu’il est davantage nécessaire en l’espèce de se reporter à des débats parlementaires ou à des comptes rendus de comités pour mieux comprendre l’esprit de la Loi, j’ai trouvé un extrait assez intéressant du témoignage de M. LeFrançois devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires le 7 mai 2003 qui vient peut-être faire contre-point à la théorie avancée par le demandeur en l’espèce. M. LeFrançois a affirmé ce qui suit en réponse à une question du président (après 16:15) :

[…]

Le président: […] Si j’ai bien compris votre explication précédente […] il y a un nouveau régime pour identifier les postes de services essentiels, mais d’après votre analyse, cela diminuera le nombre de postes ainsi désignés. Est-ce bien cela?

M. Michel LeFrançois: […] Pour illustrer cela, je vous proposerais l’exemple suivant, que j’ai déjà utilisé. Si actuellement 100 personnes sont occupées à préparer les chèques des retraités, mais qu’en réalité ces employés ne le font que pendant 50 p. 100 de leur temps, dans le régime actuel ces 100 employés seraient désignés et ne pourraient pas se mettre en grève. Avec le régime prévu par le projet de loi, l’employeur pourrait s’entendre avec l’agent négociateur à la table de négociation et, en l’absence d’une telle entente, la Commission des relations de travail dans la fonction publique pourrait ordonner que les fonctions liées à la préparation des chèques qu’accomplissent ces 100 employés soient regroupées au sein des fonctions de 50 de ces 100 employés. Il y aurait donc 50 employés sur les lignes de piquetage avec ce régime, alors qu’avec le régime actuel il y en aurait 50 de moins.

[…]

Si l’explication de M. Lefrançois reflète avec exactitude l’intention derrière la Loi, il est impossible que les 100 personnes jugées occupées à offrir le service essentiel — soit préparer les chèques des retraités — exécuteraient également des fonctions de leurs postes n’ayant pas été jugées essentielles. Si tel était le cas, aucun regroupement du service essentiel en 50 postes ne serait possible, et les 100 employés devraient demeurer en poste comme dans le régime des postes désignés de l’ancienne LRTFP. Apparemment, telle n’était pas la vision de M. Lefrançois.

106 Je soupçonne que l’octroi de droits de gestion aux articles 7 ou 132 de la Loi ne peut être utilisé pour exiger l’exécution de fonctions non essentielles advenant une grève. Dans le cas de l’article 132, en particulier, je m’attends à ce qu’on fasse valoir que cette disposition s’applique pour une fin tout à fait différente, soit régler la question de la rémunération et des autres avantages non salariaux des employés qui ne peuvent prendre part à une grève lorsqu’il y en a une.

107 Ceci dit, je n’ai pas à me prononcer catégoriquement sur quelque question concernant l’attribution de fonctions ou le respect des modalités et conditions d’emploi pendant une grève aux fins de la présente décision. Il est préférable de garder l’examen de ces questions pour un autre jour, quand et s’il survient un différend concret sur l’application des articles 7 et 132 de la Loi pendant une grève ou sur la disposition relative au « regroupement » au paragraphe 123(5).

108 Le demandeur m’a également renvoyé au paragraphe 194(2) et à l’alinéa 196j) de la Loi, qui se lisent comme suit :

          194. (2) Il est interdit à toute organisation syndicale de déclarer ou d’autoriser une grève à l’égard d’une unité de négociation donnée, et à tout dirigeant ou représentant d’une telle organisation de conseiller ou susciter la déclaration ou l’autorisation d’une telle grève, ou encore la participation de fonctionnaires à une telle grève, quand celle-ci a ou aurait pour effet d’y faire participer tout fonctionnaire qui occupe un poste nécessaire, aux termes d’une entente sur les services essentiels, pour permettre à l’employeur de fournir ces services.

[…]

          196. Il est interdit au fonctionnaire de participer à une grève :

[…]

j) s’il occupe un poste nécessaire, aux termes d’une entente sur les services essentiels, pour permettre à l’employeur de fournir ces services;

[…]

Je ne crois pas que ces dispositions appuient l’argumentation du demandeur. Au contraire, les deux dispositions formulent des interdictions qui sont tout à fait compatibles avec l’approche de la Commission à l’égard de l’interprétation des dispositions sur les services essentiels de la Loi. Du fait de leur libellé, le législateur a inclus ces interdictions dans la Loi pour protéger la capacité de l’employeur « […] de fournir ces services [essentiels] ». Le mot « poste » figure manifestement et sans surprise dans les deux articles (mais non le terme « postes essentiels »). Les postes sont nécessaires « […] pour permettre à l’employeur de fournir ces services [essentiels] […] » Encore une fois, l’élément clé est le maintien des services essentiels, et non le maintien d’un « poste essentiel ».

109 Je tiens à aborder deux autres arguments formulés par le demandeur. Premièrement, le demandeur a soutenu qu’il était significatif que l’article 122 de la Loi, contrairement à l’article 87.4 du Code, n’exige pas de l’employeur qu’il décrive les services essentiels dans l’avis de lancement du processus de négociation d’une ESE. L’article 122 de la Loi se lit comme suit :

          122. (1) Si l’employeur a avisé par écrit l’agent négociateur qu’il estime que des fonctionnaires de l’unité de négociation occupent des postes nécessaires pour lui permettre de fournir des services essentiels, l’agent négociateur et lui font tous les efforts raisonnables pour conclure une entente sur les services essentiels dans les meilleurs délais.

          (2) L’avis est donné au plus tard vingt jours après la date à laquelle un avis de négociation collective est donné.

L’article 87.4 du Code se lit en partie comme suit :

          87.4 (1) Au cours d’une grève ou d’un lock-out non interdits par la présente partie, l’employeur, le syndicat et les employés de l’unité de négociation sont tenus de maintenir certaines activités — prestation de services, fonctionnement d’installations ou production d’articles — dans la mesure nécessaire pour prévenir des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public.

Avis à l’autre partie

          (2) L’employeur ou le syndicat peut, au plus tard le quinzième jour suivant la remise de l’avis de négociation collective, transmettre à l’autre partie un avis pour l’informer des activités dont il estime le maintien nécessaire pour se conformer au paragraphe (1) en cas de grève ou de lock-out et du nombre approximatif d’employés de l’unité de négociation nécessaire au maintien de ces activités.

[…]

110 Il faut faire preuve de prudence lorsque l’on établit des comparaisons avec le Code. Le concept qui est prévu dans le Code, de « […] prestation de services, fonctionnement d’installations ou production d’articles […] dont le maintien [est] nécessaire […] en cas de grève ou de lock-out […] » diffère passablement du concept de « services essentiels » prévu par la Loi. De plus, les dispositions sur le « maintien des services » du Code ne sont pas les mêmes que les dispositions régissant les services essentiels de la Section 8 de la Loi. Néanmoins, les objectifs sous-jacents sont généralement similaires.

111 Si les articles 122 de la Loi et 87.4 du Code devaient comporter des exigences différentes, il me semble que cette différence devrait être considérée comme relativement mineure. Une chose est sûre, je ne suis pas convaincu qu’il existe une véritable différence. En vertu de l’article 122 de la Loi, l’objet de l’avis exigé consiste à informer l’agent négociateur que l’employeur « […] estime que des fonctionnaires de l’unité de négociation occupent des postes nécessaires pour lui permettre de fournir des services essentiels […] » Que l’employeur désigne les services essentiels lorsqu’il fournit l’avis ou ultérieurement, la définition de ces services englobe toujours indubitablement l’objet principal des négociations qui doivent avoir lieu. Pour que la négociation volontaire par les parties à une ESE connaisse du succès — et c’est l’objectif que la Loi favorise — les parties pourraient difficilement s’abstenir de discuter de la façon de définir les services essentiels. Même si elles ne le font pas ou ne parviennent pas à s’entendre en tentant de définir les services essentiels, il ne s’ensuit pas que le processus d’échange de renseignements qui a cours avant qu’un conflit soit soumis à la Commission en vertu de l’article 123 modifie la nature du pouvoir conféré à la Commission par cet article.

112 Deuxièmement, le demandeur faisait valoir que le fait d’exiger une description des services essentiels dans une ESE est lourd, que cette exigence prolongera indûment la durée des négociations, qu’elle retardera la conclusion d’une ESE ou qu’elle mènera à un litige qui aurait pu être évité. Avec égards, cet argument n’est pas pertinent pour statuer sur la question de la compétence en l’espèce. La nature du pouvoir de la Commission n’est pas fonction de quelque chose qui est difficile ou facile, ne peut être réglée rapidement ni n’incite davantage à des litiges. Le législateur a établi un régime exhaustif de maintien des services essentiels au cours d’une grève légale. Dans la mesure où l’application de ce régime permet l’application esentielle de la définition de ces services essentiels qui protègent la sécurité du public, il convient de présumer que le législateur souhaitait que les parties et la Commission règlent cette question avec discipline et avec soin, en ayant recours aux ressources nécessaires pour assurer l’observation de la Loi. Quoi qu’il en soit, je crois que l’on peut également faire valoir que l’établissement d’une définition adéquate des services essentiels d’entrée de jeu facilite les décisions ultérieures plutôt que de les rendre plus difficiles. En outre, de façon générale, l’exigence pratique est que les employés doivent connaître précisément les services qu’ils sont tenus de fournir en cas de grève. On ne devrait pas s’attendre à ce qu’ils déduisent ces services d’une liste de postes figurant dans une ESE. Les services essentiels devraient être indiqués explicitement. Il ne devrait pas non plus appartenir à la direction d’indiquer aux employés par d’autres moyens ce qui est essentiel. La possibilité de malentendu et de conflit dans un tel scénario est évidente. Le législateur souhaitait que l’ESE soit l’autorité centrale de contrôle au cours d’une grève. Dans les faits, au-delà de tout débat juridique, c’est là que se situe la définition des services essentiels.

113 Donnant aux dispositions de la Loi une interprétation « […] de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet » tel qu’il est mentionné dans l’article 12 de la Loi d’interprétation, et en conformité avec les lignes directrices de la Cour suprême sur l’« approche moderne » d’interprétation des lois, je statue que le libellé de la Loi n’exclut pas une définition des services essentiels du contenu d’une ESE. Je statue en outre que la Commission possède le pouvoir que lui confère le paragraphe 123(3) de la Loi de prévoir qu’une définition des services essentiels est réputée faire partie d’une ESE.

114 Aucun argument des parties ne me laisse croire que je ne devrais pas exercer ce pouvoir dans le présent cas pour ordonner que la définition des services essentiels au paragraphe 101 de la décision Sécurité publique soit réputée faire partie de l’entente sur les services essentiels pour le groupe Systèmes d’ordinateurs (CS).

115 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

116 Je déclare que la Commission possède le pouvoir en vertu du paragraphe 123(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique de prévoir qu’une définition des services essentiels est réputée faire partie d’une entente sur les services essentiels.

117 La définition des services essentiels énoncée au paragraphe 101 de la décision rendue par la Commission dans Conseil du Trésor c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 15, est réputée faire partie de l’entente sur les services essentiels pour le groupe Systèmes d’ordinateurs (CS).

118 La Commission demeure saisie de toutes les autres questions n’ayant pas fait l’objet d’un accord entre les parties et qui peuvent être incluses dans l’entente sur les services essentiels.

Le 7 mai 2010.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
commissaire


ANNEXE A

119 Le paragraphe 4(1), qui constitue la base de l’approche de la Loi en matière de services essentiels, est libellé en partie comme suit :

« service essentiel » Services, installations ou activités du gouvernement du Canada qui sont ou seront nécessaires à la sécurité de tout ou partie du public.

« entente sur les services essentiels » Entente conclue par l’employeur et l’agent négociateur indiquant :

a) les types des postes compris dans l’unité de négociation représentée par l’agent négociateur qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels;

b) le nombre de ces postes qui est nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir ces services;

c) les postes en question.

[…]

120 La procédure qui régit la détermination des services essentiels et l’établissement des ESE, notamment les rôles et pouvoirs de la Commission, est énoncée dans la Section 8 de la Loi dans les termes suivants :

          119. La présente section s’applique à l’employeur et à l’agent négociateur représentant une unité de négociation dans le cas où le mode de règlement des différends applicable à celle-ci est le renvoi à la conciliation.

          120. L’employeur a le droit exclusif de fixer le niveau auquel un service essentiel doit être fourni à tout ou partie du public, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence il doit être fourni. Aucune disposition de la présente section ne peut être interprétée de façon à porter atteinte à ce droit.

          121. (1) Pour le calcul du nombre des postes nécessaires à la fourniture d’un service essentiel, l’employeur et l’agent négociateur peuvent convenir que l’employeur pourra exiger de certains fonctionnaires de l’unité de négociation, lors d’une grève, qu’ils accomplissent leurs fonctions liées à la fourniture d’un service essentiel dans une proportion plus grande qu’à l’habitude.

          (2) Pour l’application du paragraphe (1), le nombre de fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture d’un service essentiel est calculé :

a) compte non tenu de la disponibilité d’autres personnes pour fournir ce service essentiel durant une grève;

b) compte tenu du fait que l’employeur n’est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations afin de fournir ce service essentiel pendant une grève, notamment en ce qui concerne les heures normales de travail, la mesure dans laquelle l’employeur a recours aux heures supplémentaires et le matériel que celui-ci utilise dans le cadre de ses opérations.

          122. (1) Si l’employeur a avisé par écrit l’agent négociateur qu’il estime que des fonctionnaires de l’unité de négociation occupent des postes nécessaires pour lui permettre de fournir des services essentiels, l’agent négociateur et lui font tous les efforts raisonnables pour conclure une entente sur les services essentiels dans les meilleurs délais.

          (2) L’avis est donné au plus tard vingt jours après la date à laquelle un avis de négociation collective est donné.

          123. (1) S’ils ne parviennent pas à conclure une entente sur les services essentiels, l’employeur ou l’agent négociateur peuvent demander à la Commission de statuer sur toute question qu’ils n’ont pas réglée et qui peut figurer dans une telle entente. La demande est présentée au plus tard :

a) soit quinze jours après la date de présentation de la demande de conciliation;

b) soit quinze jours après la date à laquelle les parties sont avisées par le président de son intention de recommander l’établissement d’une commission de l’intérêt public en application du paragraphe 163(2).

          (2) La Commission peut attendre, avant de donner suite à la demande, d’être convaincue que l’employeur et l’agent négociateur ont fait tous les efforts raisonnables pour conclure une entente sur les services essentiels.

          (3) Saisie de la demande, la Commission peut statuer sur toute question en litige pouvant figurer dans l’entente et, par ordonnance, prévoir que :

a) sa décision est réputée faire partie de l’entente;

b) les parties sont réputées avoir conclu une entente sur les services essentiels.

          (4) L’ordonnance ne peut obliger l’employeur à modifier le niveau auquel un service essentiel doit être fourni à tout ou partie du public, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence il doit être fourni.

          (5) Pour le calcul du nombre des postes nécessaires à la fourniture d’un service essentiel, la Commission peut prendre en compte le fait que l’employeur pourra exiger de certains fonctionnaires de l’unité de négociation, lors d’une grève, qu’ils accomplissent leurs fonctions liées à la fourniture d’un service essentiel dans une proportion plus grande qu’à l’habitude.

          (6) Pour l’application du paragraphe (5), le nombre des fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture du service essentiel est calculé :

a) compte non tenu de la disponibilité d’autres personnes pour fournir ce service essentiel durant une grève;

b) compte tenu du fait que l’employeur n’est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations afin de fournir ce service essentiel pendant une grève, notamment en ce qui concerne les heures normales de travail, la mesure dans laquelle l’employeur a recours aux heures supplémentaires et le matériel que celui-ci utilise dans le cadre de ses opérations.

          (7) Si la demande porte sur un poste en particulier à nommer dans l’entente, la proposition de l’employeur à cet égard l’emporte, sauf si la Commission décide que le poste en question n’est pas du type de ceux qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels.

          124. L’entente sur les services essentiels entre en vigueur à la date de sa signature par les parties ou, dans le cas où elle est réputée avoir été conclue en vertu d’une ordonnance prise au titre de l’alinéa 123(3)b), à la date de celle-ci.

          125. L’entente sur les services essentiels demeure en vigueur jusqu’à ce que les parties décident conjointement qu’aucun des fonctionnaires de l’unité de négociation n’occupe un poste nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir de tels services.

          126. (1) Si l’une des parties à l’entente sur les services essentiels avise l’autre par écrit qu’elle entend modifier l’entente, chacune d’elles fait tous les efforts raisonnables pour la modifier dans les meilleurs délais.

          (2) L’avis est donné au cours de la période de validité d’une convention collective entre les parties ou d’une décision arbitrale ou, si un avis de négociation collective en vue du renouvellement ou de la révision de la convention collective est donné, dans les soixante jours suivant celui-ci.

          127. (1) S’ils ne parviennent pas à modifier l’entente sur les services essentiels, l’employeur ou l’agent négociateur peuvent demander à la Commission de la modifier. La demande est présentée au plus tard :

a) soit quinze jours après la date de présentation de la demande de conciliation;

b) soit quinze jours après la date à laquelle les parties sont avisées par le président de son intention de recommander l’établissement d’une commission de l’intérêt public en application du paragraphe 163(2).

          (2) La Commission peut attendre, avant de donner suite à la demande, d’être convaincue que l’employeur et l’agent négociateur ont fait tous les efforts raisonnables pour modifier l’entente.

          (3) La Commission peut, par ordonnance, modifier l’entente si elle l’estime nécessaire pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels.

          (4) L’ordonnance ne peut obliger l’employeur à modifier le niveau auquel un service essentiel doit être fourni à tout ou partie du public, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence il doit être fourni.

          (5) Pour le calcul du nombre des postes nécessaires à la fourniture d’un service essentiel, la Commission peut prendre en compte le fait que l’employeur pourra exiger de certains fonctionnaires de l’unité de négociation, lors d’une grève, qu’ils accomplissent leurs fonctions liées à la fourniture d’un service essentiel dans une proportion plus grande qu’à l’habitude.

          (6) Pour l’application du paragraphe (5), le nombre des fonctionnaires de l’unité de négociation nécessaires à la fourniture du service essentiel est calculé :

a) compte non tenu de la disponibilité d’autres personnes pour fournir ce service essentiel durant une grève;

b) compte tenu du fait que l’employeur n’est pas obligé de changer le cours normal de ses opérations afin de fournir ce service essentiel pendant une grève, notamment en ce qui concerne les heures normales de travail, la mesure dans laquelle l’employeur a recours aux heures supplémentaires et le matériel que celui-ci utilise dans le cadre de ses opérations.

          (7) Si la demande porte sur un poste en particulier à nommer dans l’entente, la proposition de l’employeur à cet égard l’emporte, sauf si la Commission décide que le poste en question n’est pas du type de ceux qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels.

          128. La modification de l’entente sur les services essentiels entre en vigueur à la date de la signature par les parties de l’entente la comportant ou, dans le cas où elle est faite par une ordonnance prise au titre du paragraphe 127(3), à la date de celle-ci.

          129. (1) Si, pendant la période de validité de l’entente sur les services essentiels, un poste qui y est nommé devient vacant, l’employeur peut y substituer un autre poste du même type. L’employeur envoie alors un avis de substitution à la Commission et une copie de celui-ci à l’agent négociateur.

          (2) Une fois l’avis donné, le nouveau poste est réputé être nommé dans l’entente et celui qu’il remplace ne plus l’y être.

          130. (1) L’employeur donne un avis aux fonctionnaires qui, aux termes de l’entente sur les services essentiels, occupent un poste nécessaire à la fourniture par l’employeur de ces services.

          (2) L’avis donné au titre du présent article demeure en vigueur tant que le fonctionnaire occupe le poste, sauf révocation de l’avis par avis subséquent donné à celui-ci par l’employeur et précisant que son poste n’est plus nécessaire à la fourniture par l’employeur des services essentiels.

          131. Malgré les autres dispositions de la présente section, si l’une des parties -- employeur ou agent négociateur -- estime qu’il est nécessaire, en raison d’une situation d’urgence, de modifier temporairement ou de suspendre l’entente sur les services essentiels mais qu’il leur est impossible de s’entendre à ce sujet, l’une ou l’autre de celles-ci peut à tout moment demander à la Commission de modifier temporairement ou de suspendre l’entente par ordonnance.

          132. Sauf entente à l’effet contraire entre les parties, toute condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné continue de s’appliquer aux fonctionnaires qui occupent un poste nécessaire, aux termes de l’entente sur les services essentiels, pour permettre à l’employeur de fournir ces services et lie les parties, y compris les fonctionnaires en question, jusqu’à la conclusion d’une convention collective.

          133. La Commission peut, sur demande de l’une ou l’autre partie, proroger tout délai prévu par la présente section.

          134. L’une ou l’autre partie à l’entente sur les services essentiels peut en déposer une copie auprès de la Commission. L’entente, une fois déposée, est assimilée à une ordonnance de celle-ci.

ANNEXE B

121 Voici les dispositions de l’ancienne LRTFP, la loi qui était en vigueur avant le 1er avril 2005 :

[…]

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

« poste désigné » Poste ainsi qualifié aux termes des articles 78.1, 78.2 ou 78.4 et dont la qualification n’a pas subi la modification prévue dans cette dernière disposition.

[…]

                    78. (1) Le président ne peut donner la suite prévue aux paragraphes 77(1) ou (2) à la demande de conciliation en ce qui concerne une unité de négociation tant que tous les postes occupés par les fonctionnaires qui en font partie n’ont pas été, en conformité avec les articles 78.1 ou 78.2, désignés comme postes dont tout ou partie des fonctions sont ou non, à un moment particulier, ou seront ou non, après un délai déterminé, nécessaires pour la sécurité du public.

[…]

          78.1 (1) Dans le présent article et aux articles 78.2 à 78.4, « fonctions liées à la sécurité » s’entend des fonctions qui sont, à un moment particulier, ou seront, après un délai déterminé, même en partie, nécessaires pour la sécurité du public.

[…]

          (4) Les parties sont tenues, au plus tard trois mois avant la date de l’avis, de se rencontrer et d’examiner les postes occupés par les fonctionnaires de l’unité de négociation pour déterminer si leurs fonctions sont liées à la sécurité.

          (5) L’employeur dépose auprès de la Commission, au plus tard deux mois avant la date de l’avis, une déclaration portant que, selon lui et l’agent négociateur, certains postes n’ont pas de fonctions liées à la sécurité ou qu’aucun n’en a, selon le cas.

          (6) Dans le même délai, l’employeur indique à la Commission lesquels des postes ont, selon lui et l’agent négociateur, des fonctions liées à la sécurité; la Commission désigne ceux-ci comme tels.

          (7) En cas de désaccord sur la qualification, du point de vue de la sécurité, d’un poste, l’employeur renvoie, toujours dans le même délai, l’affaire à un comité d’examen.

[…]

          78.2(1) Dans les cas où, après étude des recommandations du comité d’examen, le désaccord persiste sur le lien des fonctions de certains postes avec la sécurité, l’employeur est tenu, au plus tard à la date de l’avis, de renvoyer l’affaire à la Commission.

          (2) La Commission, après avoir donné à chaque partie l’occasion de présenter des observations, détermine si les fonctions des postes en litige sont liées à la sécurité.

          (3) Le président adresse aux parties la déclaration de la Commission portant qu’aucun des postes de l’unité de négociation n’a de fonctions liées à la sécurité, ou que certains seulement en ont, selon le cas.

          (4) La Commission désigne les postes de l’unité de négociation dont, selon elle, les fonctions sont liées à la sécurité; le président notifie aux parties la désignation.

          (5) La décision prise par la Commission est, pour l’application de la présente loi et sous réserve de l’article 78.4, définitive et sans appel.

[…]

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