Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé, un agent correctionnel, a été impliqué dans une situation familiale pour laquelle les policiers ont été appelés à intervenir - des armes à feu légales ont été saisies et, selon les allégations, le fonctionnaire s’estimant lésé aurait menacé de se suicider - il a été hospitalisé pour subir une évaluation psychiatrique - le psychiatre a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé avait besoin de traitements médicaux et psychologiques à défaut de quoi il ne serait pas en mesure de reprendre son travail sans mettre sa propre vie et celle de ses collègues en danger - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que le temps écoulé entre son congé de l’hôpital et son retour au travail quelques mois plus tard était un congédiement pour motif disciplinaire déguisé - l’arbitre de grief a statué que l’employeur n’avait pris aucune mesure disciplinaire déguisée - les mesures prises par l’employeur étaient motivées par des préoccupations légitimes à l’égard de la santé du fonctionnaire s’estimant lésé et des répercussions que ces préoccupations pourraient avoir sur la sécurité de l’institution - l’employeur a informé le fonctionnaire s’estimant lésé de la marche à suivre pour être réintégré dans ses fonctions, et ce dernier a été réintégré après avoir fourni les renseignements médicaux demandés - un délai s’est écoulé avant sa réintégration parce que l’employeur s’était prévalu de ses droits et obligations à l’égard du fonctionnaire s’estimant lésé et des membres de son personnel pour garantir la santé et la sécurité de tous et toutes - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas modifié les motifs de son grief à l’arbitrage - il avait refusé les auditions du grief, et le libellé de son grief était ambigu puisqu’il n’avait précisé aucune position au cours de la procédure de règlement des griefs. Grief rejeté

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-05-20
  • Dossier:  566-02-559
  • Référence:  2010 CRTFP 68

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CLAUDE LACOSTE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Lacoste c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Roger Beaulieu, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
John Mancini, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour le défendeur:
Nadia Hudon, avocate

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 26 au 29 février 2008 et les 1 et 2 décembre et du 12 au 15 mai 2009 et les 27 et 28
juillet et les 4 et 5 août 2009.
Arguments écrits déposés les 19 et 26 mars et le 9 avril 2008.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 En ouverture d’audience de la présente affaire, le 26 février 2008, l’avocate de l’administrateur général (Service correctionnel du Canada) (le « défendeur ») a réitéré l’objection préliminaire déjà transmise à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») et au représentant syndical de Claude Lacoste, le fonctionnaire s’estimant lésé, (le « fonctionnaire ») dans une correspondance du 14 janvier 2008 concernant la compétence de l’arbitre de grief à entendre le présent dossier.

2 Dans cette lettre datée du 14 janvier 2008, le défendeur s’objecte comme suit à la compétence de l’arbitre de grief :

[…]

La présente vise à vous informer de l’objection de l’employeur concernant la compétence de l’arbitre de la Commission des relations de travail de la fonction publique (ci-après « La Commission ») à entendre les renvois ci-haut mentionnés.

Le premier grief (66-02-559), daté du 05 septembre 2005, ce lit comme suit :

« L’employeur refuse mon retour au travail, malgré le fait que 3 médecins me considèrent apte au retour au travail régulier depuis janvier 2005. L’employeur a demandé un papier d’aptitude au travail et il ne le respecte pas. »

Dans son grief, M. Lacoste demande les mesures correctives suivantes :

« - Que l’employeur respecte mon retour au travail régulier, et ce sans aucune restriction ou condition;

- Que l’employeur me remette tout mon salaire depuis le mois de janvier 2005, avec intérêts;

- Que l’employeur rembourse mon fond de pension, part de l’employeur er [sic] part de l’employé;

- Que l’employeur rembourse les frais d’assurance médicaments, d’assurance dentaire et d’assurance prestation de décès. »

[…]

Les griefs de M. Lacoste ont été renvoyés à l’arbitrage aux termes de l’article 2009(1) (b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (ci-après « la Loi ») (Annexes C et D). Cet article réfère à une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

M. Lacoste a effectivement été en arrêt de travail pour une période prolongé. Cependant, cette situation n’était pas en raison d’une mesure visée par l’article 209(1) (b). L’absence était plutôt dû à des informations incomplètes en ce qui concerne l’aptitude de M. Lacoste à accomplir les tâches d’agent de correction 1 et principalement des inquiétudes importantes concernant une limitation d’accès au niveau des armes à feu. Des informations médicales incomplètes, parfois contradictoires, et les délais encourus avant que l‘information satisfaisante soit obtenue, ont fait en sorte que M. Lacoste n’a pas pu réintégrer ses fonctions avant le 30 avril 2007.

De plus, le premier grief (566-02-559) ne fait aucunement mention de mesure disciplinaire, suspension, sanction pécuniaire ou licenciement. […]

Il n’y n’a pas eu de manquement à la discipline ou d’inconduite de la part de M. Lacoste. Or, la décision de l’employeur de ne pas le réintégrer au travail ne peut s’inscrire dans le cadre d’une réaction à des agissements coupables. Elle ne peut donc être qualifié de mesure disciplinaire et surtout pas de congédiement déguisé tel qu’il est allégué.

L’employeur soumet que les griefs cités ci-haut ne portent pas sur l’interprétation ou l’application, à l’égard de M. Lacoste, d’une disposition de la convention collective ou d’une décision arbitrale. L’employeur soumet également que les griefs ne portent pas non plus sur une mesure disciplinaire entraînant la suspension pour des motifs disciplinaires, une sanction pécuniaire, ou un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 12(1) (c) (d) ou (e) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

[…]

Le défendeur fait mention de deux griefs. Le deuxième grief a été réglé entre les parties avant l’audition de la présente affaire.

3 L’arbitre de grief, après avoir entendu les arguments de l'avocate du défendeur et du représentant du fonctionnaire, a décidé de prendre sous réserve cette objection préliminaire et de procéder sur le fond du grief. En plus d’avoir procédé sur le fond du grief, l’arbitre de grief a demandé aux parties de lui transmettre par écrit leurs arguments respectifs sur la question de sa compétence.

4 La preuve révèle que dans la nuit du 12 au 13 juin 2004, l’ex-conjointe du fonctionnaire a demandé l’intervention de la Sûreté du Québec (la « SQ ») à son domicile pour un incident qui semblait être lié à une dispute et une menace de suicide par le fonctionnaire. La SQ a procédé à la saisie de cinq armes à feu personnelles, incluant les munitions.

5 Lors de cette intervention de la SQ, l’ex-conjointe du fonctionnaire a fait part de sa crainte pour la santé du fonctionnaire parce qu’il avait beaucoup maigri dernièrement, qu’il ne prenait plus ses médicaments, dont ses antidépresseurs, qu’il menaçait de se suicider et qu’il exprimait des intentions agressives en plus d’être dépressif.

6 Moins de deux jours plus tard, le fonctionnaire a été transporté à l’hôpital à la suite d’une ordonnance de la Cour pour évaluation psychiatrique. Son séjour à l’hôpital a duré 10 jours, du 14 au 24 juin 2004. Selon le médecin psychiatre, le Dr Pierre Bleau, après examen du dossier de l’hôpital, le fonctionnaire souffrait d’une dépression majeure et nécessitait un suivi médical et psychologique régulier, sinon il serait inapte à reprendre son travail régulier d’agent correctionnel sans mettre en danger sa propre vie et celle de ses collègues avec qui il doit travailler en équipe. Il devait aussi être suivi sur le plan pharmacologique. Le travail d’équipe des agents correctionnels dans un pénitencier est non seulement essentiel, mais critique afin d’assurer une sécurité maximale dans chaque pénitencier du Canada.

7 Le médecin psychiatre a dit qu’on ne garde pas un patient à l’hôpital pendant 10 jours pour rien.

8 Le dimanche 13 juin 2004, la directrice adjointe de l’établissement de Cowansville a été avisée par la SQ qu’un agent correctionnel de l’établissement avait fait l’objet d’une saisie d’armes à feu personnelles à son domicile.

9 Elle a aussitôt fait les démarches pour rencontrer le fonctionnaire le lundi matin d’après pour s’enquérir de la problématique. Malheureusement, le fonctionnaire ne s’est pas présenté à la rencontre du 14 juin 2004 à 8 h.

10 Inquiète pour le fonctionnaire à la suite de l’appel initial de la SQ et puisque celui-ci ne s’est pas présenté à la rencontre, la directrice adjointe a appelé la SQ et a appris que celle-ci avait raison de croire que le fonctionnaire était suicidaire et potentiellement dangereux pour lui-même. Cette même journée, le représentant de la SQ a confirmé que la SQ avait obtenu une ordonnance de la Cour pour amener le fonctionnaire à l’hôpital, mais qu’il ne savait pas où trouver le fonctionnaire et demandait à la directrice adjointe qu’elle communique avec lui si le fonctionnaire se présentait au travail.

11 Le 15 juin, à son arrivée, la directrice adjointe a appris que le fonctionnaire était à l’hôpital.

12 Entre-temps, le 14 juin, l’ex-conjointe du fonctionnaire a appelé au pénitencier et a dit à la directrice adjointe que le fonctionnaire était suicidaire et qu’il ne prenait plus ses médicaments dont ses antidépresseurs. Après cet appel, la directrice adjointe a fourni les coordonnées du Programme d’aide aux employés à l’ex-conjointe du fonctionnaire pour elle et ses enfants.

13 La directrice adjointe a immédiatement vérifié le solde des crédits de congés de maladie du fonctionnaire et elle s’est rendu compte que ses crédits de congés de maladie étaient presque épuisés. Alors, elle a demandé et obtenu l’autorisation d’avancer des crédits de maladie de 30 jours, si nécessaire, en plus des crédits de congés de maladie déjà accumulés.

14 Le comportement du fonctionnaire a changé au point où il s’est isolé de tous. Le fonctionnaire ne voulait fournir aucun numéro de téléphone ou adresse où il pouvait être joint, sauf l’adresse de sa mère (il prenait les messages toutes les deux ou trois semaines). De plus, il s’était isolé dans un campement de chasse sans adresse pendant des mois où personne ne pouvait communiquer avec lui.

15 Lorsque le fonctionnaire a su que le défendeur lui avait avancé des journées supplémentaires de congés de maladie, il a refusé toute autre aide du défendeur. Lorsque quelqu’un lui demandait comment il allait, il s’emportait en lui disant que cela ne le regardait pas et que ses problèmes n’avaient rien à voir avec son travail.

16 Le fonctionnaire changeait de médecins lorsque ceux-ci posaient des questions médicales pointues. En passant d’un médecin généraliste à un autre, cela rendait difficile un suivi régulier. La preuve a révélé que le fonctionnaire était peu ouvert et franc avec plusieurs médecins qu’il a rencontrés et la plupart le trouvaient peu coopératif.

17 Le fonctionnaire se croyait apte à travailler et le répétait chaque fois qu’il revenait d’une rencontre avec un médecin malgré la directive précise qui lui avait été fournie dès son hospitalisation en juin 2004.

18 Au moment où il s’est conformé à la consigne médicale, il a été immédiatement réintégré à son poste en mars 2007.

II. Résumé de l'argumentation

A. Pour le défendeur

19 La réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs a été rendue le 30 novembre 2005 et celle au deuxième palier le 6 février 2006. Il convient de souligner qu’à chacune de ces étapes, le fonctionnaire n’a fourni aucun argument ni n'a demandé d’audition du grief. Au contraire, tout au long de la procédure de règlement des griefs le représentant syndical du fonctionnaire a spécifiquement informé le défendeur que le fonctionnaire ne désirait pas se présenter pour l’audition et qu’une audition n’était pas requise.

20 Après avoir obtenu une réponse défavorable au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, le fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage devant la Commission en se servant de la formule 21. Le fonctionnaire a invoqué l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») au soutien de son renvoi, lequel fait référence à une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Il s’agissait de la première fois que le fonctionnaire faisait référence à la notion d'une mesure disciplinaire dans le cadre de son grief.

21 Le paragraphe 209(1) de la Loi se lit comme suit :

Renvoi à l’arbitrage

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

[Je souligne]

22 Aux termes du paragraphe 209(1) de la Loi, le grief ne peut porter que sur les alinéas a) ou b) du paragraphe 209(1). Le présent grief ne porte aucunement sur l’interprétation ou l’application de la convention collective. Le fonctionnaire n'a invoqué aucune disposition de la convention collective dans son grief ni n'a fait de référence à une quelconque disposition de la convention collective à chaque palier de la procédure de règlement des griefs. De plus, le renvoi à l’arbitrage n’a pas été effectué aux termes de l’alinéa 209(1)a) de la Loi. Cette disposition ne peut maintenant être invoquée par le fonctionnaire au soutien du renvoi de son grief à l’arbitrage.

23 Par ailleurs, selon les réponses fournies à chacun des paliers de la procédure de règlement des griefs, le fonctionnaire a effectivement été en arrêt de travail pour une certaine période. Cependant, cette situation ne résultait aucunement d’une mesure visée à l’alinéa 209(1)b) de la Loi. L’absence du fonctionnaire s’expliquait plutôt par les délais requis à obtenir de ce dernier des renseignements médicaux complets et à permettre ainsi au défendeur, par l’entremise de Santé Canada, de s’assurer de l’aptitude du fonctionnaire à travailler.

24 Cette démarche par ailleurs tout à fait légitime du défendeur de s’enquérir de l’aptitude au travail du fonctionnaire ne constitue aucunement une mesure disciplinaire. Aucune mesure disciplinaire n’a été imposée au fonctionnaire et aucune mesure de la sorte ne peut être inférée du grief du fonctionnaire. Preuve en est que ce dernier n’en identifie ni n’en désigne d’ailleurs aucune dans son grief. Son grief ne traite en fait que d’un désaccord médical entre lui et son employeur quant à son aptitude au travail.

25 Aucun manquement à la discipline ou aucune inconduite n’est reproché au fonctionnaire. La raison pour laquelle le fonctionnaire n’a pas travaillé pendant la période visée ne peut s’inscrire que dans le cadre d’une réaction du défendeur qui aurait voulu punir ou pénaliser le fonctionnaire. De plus, rien de tel n’est d’ailleurs allégué dans le grief et le fonctionnaire ne peut, dans le cadre de son renvoi et afin d’en assumer la validité, prétendre avoir fait l’objet d’une mesure disciplinaire alors que rien de cette nature n’a jamais été avancé auparavant.

26 Tel que l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans Shneidman c. Procureur général du Canada, 2007 CAF 192, au paragr. 26 : «[P]our renvoyer une plainte à l’arbitrage, l’employé s’estimant lésé doit avoir informé son employeur de la nature exacte de ses doléances tout au long de la procédure interne de grief […] » Or, en l’espèce, le fonctionnaire ne s’est jamais plaint, à aucun palier, de quelconque mesure disciplinaire prise à son endroit.

27 Si le fonctionnaire n’a pas dénoncé dès le départ la situation dont il voulait se plaindre, il ne peut lors du renvoi corriger son défaut de ne pas avoir correctement identifié l’objet de son grief.

28 Dans Burchill c. Procureur général, [1981] 1 C.F. 109, la Cour d’appel fédérale a clairement énoncé que seul le grief présenté et réglé conformément à la procédure de règlement des griefs peut être renvoyé à l’arbitrage. Ainsi, au paragr. 5, la Cour énonce ce qui suit :

[…] À notre avis, puisque le requérant n’a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l’arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n’était, en vérité, qu’une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l’arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1). Par conséquent, l’arbitre n’a pas compétence.

29 Dans Lee c. Administrateur général (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2008 CRTFP 5, l’arbitre de grief a longuement analysé l’impact de Burchill, notamment au regard de la nouvelle Loi. L’arbitre de grief a notamment conclu au paragraphe 18 que cette décision « […] continue d’occuper une grande place dans la jurisprudence qui guide les arbitres de griefs de la Commission ». Il poursuit comme suit plus loin au paragraphe 20 :

[…] À mon avis, toutefois, Burchill continue de s’appliquer également sous le régime de la nouvelle Loi, puisque le paragraphe 209(1) dispose qu’un fonctionnaire ne peut renvoyer à l’arbitrage un grief individuel qu’à condition de « l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable ». Lorsque le fonctionnaire s’estimant lésé ne soulève pas une question avant la fin de cette procédure, l’interprétation retenue dans Burchill veut qu’il n’ait pas présenté un grief sur cette question fraîchement soulevée « jusqu’au dernier palier de la procédure applicable ». Le grief n’est alors pas arbitrable en vertu d’un alinéa quelconque de paragraphe 209(1), même comme sous les clauses comparables de l’ancienne Loi.

30 En ce qui concerne la latitude dont pourrait bénéficier un arbitre de grief pour analyser le libellé d’un grief afin de déterminer s'il a compétence pour trancher l’affaire, l’arbitre de grief dans Lee a statué que cette latitude est circonscrite par les termes mêmes de la Loi. Ainsi, au paragraphe 33 de cette décision on peut lire ce qui suit :

[…] De toute évidence, si le libellé du grief original et la preuve sur la façon du fonctionnaire s’estimant lésé de faire valoir sa thèse au cours de la procédure de règlement des griefs ne laissent guère de doute qu’un argument avancé ensuite dans un renvoi à l’arbitrage n’avait jamais été soulevé jusque-là, ce pouvoir discrétionnaire disparaît. L’arbitre de grief se doit d’appliquer l’article 209 de la Loi fidèlement, compte tenu des instructions de la Cour dans Burchill.

31 En l’espèce, à l’instar de Marin c. Canada (Conseil du Trésor), 2007 CF 1250, ce n’est qu’à l’étape de l’arbitrage que le fonctionnaire a invoqué pour la première fois la notion d'une mesure disciplinaire de manière à tenter de donner la compétence à l’arbitre de grief pour entendre son grief.

32 Dans Marin, le fonctionnaire avait qualifié la conduite de son employeur de mesure disciplinaire camouflée. En l’espèce, le fonctionnaire a seulement coché l'alinéa 209(1)b) de la Loi, sur la formule de renvoi à l'arbitrage sans aucune autre indication ou précision.

33 Le défendeur a soumis qu’à l’instar de Marin, dans laquelle la Cour fédérale a rejeté l’argument selon lequel les mesures disciplinaires étaient intrinsèques au grief, le présent arbitre de grief devrait décliner compétence. Le grief qui a été renvoyé à l’arbitrage ne concerne ni n’allègue une mesure disciplinaire, réelle ou camouflée. Il n’y a en l’espèce absolument aucune preuve que le fonctionnaire a fait l’objet d’une mesure disciplinaire quelconque qui faisait tomber l’affaire sous le coup de l’alinéa 209(1)b) de la Loi. La Commission n’a donc pas compétence pour entendre le grief.

34 Par conséquent, le défendeur a soumis que le grief du fonctionnaire ne peut être renvoyé à l’arbitrage aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi et que ce grief devrait être rejeté pour défaut de compétence.

B. Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

35 La Commission a pleine compétence ratione materiae sur le grief tel que libellé et a pleine compétence pour accorder une mesure corrective. Le fonctionnaire a été privé de son emploi à cause de l’attitude capricieuse et irresponsable du défendeur qui a agi en fonction de la croyance erronée de l’ex-conjointe du fonctionnaire. L’attitude revancharde de l’ex-conjointe qui insistait à dire que le fonctionnaire représentait un danger a été définitivement et clairement écartée par une psychiatre complètement indépendante ayant la responsabilité égale de trancher cette question de danger. Malgré tous les avis médicaux fournis par le fonctionnaire, la directrice adjointe de l’établissement s’est acharnée à refuser le retour au travail, soi-disant parce que le fonctionnaire représentait un quelconque danger qui devait être vérifié et revérifié, et certifié et re-certifié.

36 Le représentant du fonctionnaire a souligné qu’il est important de signaler cet acharnement démesuré du défendeur pour ce qui est de l’objection devant l’arbitre de grief.

37 Le représentant du fonctionnaire a dit que le défendeur estime que le grief ne concerne ni une mesure disciplinaire, ni une violation de la convention collective, de sorte que le fonctionnaire n’a aucun recours à la Commission. Ce faisant, le défendeur a confondu une simple question de procédure avec une question de compétence.

38 Si la Commission considère que le grief est de nature disciplinaire ou qu’il soulève une violation de la convention collective, ou même les deux à la fois, il est incontestable que la Commission ait la compétence pour trancher le grief.

39 Le représentant du fonctionnaire a ajouté que ce n'est pas parce que le fonctionnaire a choisi une formule plutôt qu’une autre pour effectuer son renvoi à l'arbitrage que la nature du grief change. C’est seulement le libellé du grief qui est déterminant selon la jurisprudence soumise par le défendeur.

40 Le fonctionnaire s’est plaint de la même problématique aux trois paliers de la procédure de règlement des griefs et a demandé les mêmes mesures correctives à ces trois niveaux. Toute référence par le défendeur à la compétence qui se penche sur un changement au libellé initial d’un grief n’est donc d’aucun secours à la position du défendeur. Selon le représentant du fonctionnaire, la position défendue par le défendeur à cet égard lui paraissait complètement frivole.

41 Dans un autre ordre d’idée, le représentant du fonctionnaire a déclaré que l’objection préliminaire du défendeur avait été formulée avant le début de l’audition et visait deux griefs du fonctionnaire devant la Commission.

42 L’arbitre de grief a souligné que l’autre grief, qui n’est plus devant la Commission, a été réglé entre les parties, le tout sans préjudice. D’ailleurs, dans son argumentation, le représentant du fonctionnaire a indiqué que le seul grief devant la Commission est celui en l’espèce.

43 Avant de conclure, le représentant du fonctionnaire a mentionné que le choix d’un employé d’utiliser les formules 20 ou 21 de la Commission n’est qu’une simple question de procédure. Un employé pourrait ainsi commettre une erreur en effectuant son renvoi et demander à la Commission de corriger cette erreur. La seule chose qui peut avoir un effet sur la compétence de la Commission est le libellé d'un grief qui doit être de nature disciplinaire ou avoir trait à l’application de la convention collective.

44 Finalement, le représentant du fonctionnaire a demandé de pouvoir compléter la preuve au fond pour établir l’acharnement démesuré du défendeur démontrant qu’en fait le défendeur a voulu punir le fonctionnaire pour ne pas lui avoir fourni de certificats médicaux chaque fois qu’il le demandait. Enfin, le représentant du fonctionnaire a soumis qu’une situation, qui normalement serait considérée comme un litige sur l’application ou l’interprétation de la convention collective, s’est développée d’une manière à ce que le caractère punitif du comportement du défendeur soit devenu la caractéristique fondamentale de son action. C’est en fonction de cette preuve au fond que la Commission devrait considérer l’objection du défendeur.

C. Réplique du défendeur

45 En ce qui concerne l’objection préliminaire concernant la compétence de l’arbitre de grief, soulevée par le défendeur, l’arbitre de grief a décidé de prendre cette objection sous réserve afin d’entendre toute la preuve avant de se prononcer sur cette objection.

46 Au moment où l’arbitre de grief a demandé aux parties de lui transmettre leurs arguments sur cette question de sa compétence, seule la preuve du fonctionnaire avait été présentée et complétée.

47 En fait, le défendeur n’a commencé sa preuve que le 12 mai 2009, tandis que les arguments écrits sur la question de la compétence de l’arbitre de grief ont été finalisés le 9 avril 2008.

48 De plus, le défendeur a souligné que ce n’est pas parce que le fonctionnaire réussira à démontrer certains faits devant l’arbitre de grief que cela validera son renvoi à l’arbitrage. Encore faut-il que son grief initial, celui que le fonctionnaire a présenté au défendeur, et tel que libellé, puisse faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage et donner compétence à un arbitre de grief de se saisir de la question.

49 Il faut se demander si ce grief peut faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de la Loi et non pas si la situation que le fonctionnaire réussirait à démontrer devant l’arbitre de grief peut être décidée par ce dernier.

50 En fait, à l’aide de son argumentation et de la preuve qu’il tente de présenter à l’arbitre de grief, le fonctionnaire essaie de modifier son grief et de le bonifier en y ajoutant des éléments qui ne s’y trouvaient pas et qu’il n’a jamais allégués. L’argumentation et la démonstration que tente de faire le fonctionnaire ne constituent qu’un simulacre ne visant qu’un seul but : essayer de rendre arbitrable un grief qui ne l’est pas à la base et tel que libellé. Ainsi, dans ses arguments du 26 mars 2008, le fonctionnaire allègue pour la première fois que le défendeur aurait voulu le punir pour ne pas avoir satisfait à ses demandes en matière de certificats médicaux. Or, cette allégation est nouvelle et ce n’est pas ce que le fonctionnaire a énoncé dans son grief. De plus, le fonctionnaire n’a jamais soulevé cette question aux différents paliers de la procédure de règlement des griefs applicable alors qu’il en avait la possibilité. Cette question fraîchement soulevée ne permet pas à l’arbitre de grief de se saisir du grief du fonctionnaire.

51 Quant aux allégations du fonctionnaire en ce qui concerne son autre grief, elles sont inacceptables et non pertinentes. Le fonctionnaire a présenté deux griefs, libellés différemment et visant des situations et des périodes de temps spécifiques. La position du défendeur dans le deuxième dossier, présentée sans préjudice, ne saurait constituer un quelconque argument permettant au fonctionnaire de rendre arbitrable son grief alors qu’à la base, il ne l’est pas.

52 La compétence d’un arbitre de grief à se saisir d’un grief est une question fondamentale qui doit uniquement découler des dispositions législatives applicables et non pas du simple acquiescement de l’une ou l’autre des parties.

53 En conclusion, le défendeur a demandé à ce que le grief du fonctionnaire soit rejeté pour faute de compétence.

III. Motifs

54 Après avoir entendu la preuve sur le fond et avoir entendu et examiné les arguments des deux parties sur la question de ma compétence, je suis venu à la conclusion qu’il n’y a pas eu de congédiement déguisé dans la présente affaire.

55 Dans son objection préliminaire, le défendeur allègue que le grief en question ne satisfait pas aux critères de renvoi énumérés aux alinéas 209(1)a) et b), et je suis d’accord.

56 Lors de l’audition, le défendeur a aussi renvoyé à Burchill. Il me semble que cette décision s’applique difficilement dans un cas où il n’y a eu aucune audition de grief et où le libellé du grief ne révèle pas, à sa face même, une question soit disciplinaire ou d’interprétation. Le fonctionnaire n’a adopté aucune position lors du processus de grief. J’ai de la difficulté à concevoir qu’il peut maintenant être accusé d’avoir changé de position à l’arbitrage au degré auquel Burchill s’appliquerait.

57 Cependant, après avoir entendu la preuve sur le fond, je suis d’avis que l’objection du défendeur sur la base de l’article 209 doit être acceptée.

58 Je suis d’avis que le fonctionnaire n’a pas été victime d’aucun acte disciplinaire de la part de l’employeur. Les actions du défendeur ont été motivées par des soucis légitimes sur la santé du fonctionnaire et l’impact que ceci pourrait avoir sur la sécurité de l’établissement. Les évènements donnant lieu à l’hospitalisation du fonctionnaire en juin 2004 et son arrêt de travail subséquent n’ont pas fait l’objet de mesures disciplinaires de la part du défendeur.

59 L’analyse de la preuve révèle que dès la première occasion, le défendeur a demandé au fonctionnaire d’avoir un suivi médical régulier pour établir son aptitude médicale avant de le réintégrer dans sa fonction habituelle d’agent correctionnel à l’établissement de Cowansville, Québec. La demande de suivi médical régulier par le défendeur n’était pas un caprice ni une quelconque punition imposée par le défendeur envers le fonctionnaire, mais plutôt l’exercice par le défendeur d’un droit et d’une obligation envers le fonctionnaire et l’ensemble du personnel à l’établissement de Cowansville, afin d’assurer la sécurité et la santé de tous. Là où il y a des armes à feu au quotidien, le défendeur a besoin d’employés aptes sur le plan médical et le plan psychologique. Le défendeur a l’obligation de s’assurer que se soit ainsi.

60 Il est important de souligner les circonstances et le contexte donnant lieu à la demande d’un suivi médical régulier du fonctionnaire par le défendeur dans la présente affaire. Il ne s’agissait pas de n’importe lequel suivi médical, mais un suivi médical validé par un médecin de Santé Canada.

61 Voici brièvement une liste des principaux faits pertinents résultants de la preuve qui souligne le contexte ci-haut mentionné.

62 À la suite d’une dispute familiale impliquant le fonctionnaire, l’ex-conjointe du fonctionnaire a demandé l’intervention de la SQ qui a résulté en la saisie de plusieurs armes à feu du fonctionnaire à son domicile. Lors de cette intervention, au début juin 2004, la SQ a appris de l’ex-conjointe qu’elle s’inquiète de l’état de santé du fonctionnaire parce qu’il a beaucoup maigri dernièrement, qu’il ne prend plus ses antidépresseurs et qu’il a mentionné qu’il avait des intentions suicidaires.

63 À la suite de cette première intervention, la SQ a immédiatement alerté les autorités de l’établissement de Cowansville que l’un de leur agents correctionnels avait fait l’objet d’une saisie d’armes à feu et qu’il était peut-être suicidaire.

64 Dans les jours qui ont suivi, le défendeur a appris que le fonctionnaire avait été hospitalisé contre son gré à la suite d’une ordonnance de la Cour, le 14 juin 2004. Pendant son hospitalisation qui a duré plus de 10 jours, on a entre autres posé plusieurs diagnostics dont une dépression et on a effectué une évaluation psychiatrique.

65 Ces évènements et leurs contextes ont provoqué chez le défendeur une préoccupation de la santé et sécurité du fonctionnaire et de l’ensemble des employés de l’établissement. Cette préoccupation du défendeur a fait en sorte qu’il a exigé que le fonctionnaire soit suivi régulièrement sur le plan médical et que lorsqu’il aurait obtenu un certificat d’aptitude médical approuvé par un médecin spécialiste de Santé Canada, il serait réintégré dans son poste. La preuve révèle que le fonctionnaire a réintégré son poste une fois qu’il a satisfait à cette exigence.

66 La directrice adjointe a aussi communiqué avec les Ressources humaines qui l’ont avisée de la nécessité d’obtenir un certificat d’aptitude au travail et de faire valider le certificat médical par un médecin de Santé Canada avant d’accepter le retour du fonctionnaire au travail. Ce message a été transmis au fonctionnaire dès sa sortie de l’hôpital. La directrice adjointe a aussi communiqué avec un agent correctionnel qui était aussi un délégué syndical afin de l’informer de la situation.

67 Il convient de connaître quels étaient les éléments qui ont contribué au délai entre l’avis de la SQ à la mi-juin 2004 et le 15 mars 2007, moment où le fonctionnaire a été réintégré dans son poste d’agent correctionnel. La preuve ne révèle aucune mention de discipline au niveau du grief, ni aux différentes étapes de la procédure de règlement des griefs et ni au niveau du comportement du défendeur à l’égard du fonctionnaire. Au contraire, à aucun moment le défendeur a manifesté un manquement à l’égard du fonctionnaire relié à la discipline ou d’inconduite de la part du fonctionnaire.

68 Tout d’abord, le fonctionnaire a été hospitalisé, il a eu des problèmes familiaux et personnels ainsi que des problèmes avec la SQ. Ce ne sont que quelques exemples empêchant la réintégration plus tôt.

69 Après sa sortie de l’hôpital, le comportement du fonctionnaire a changé au point où il s’est isolé de tous. Il refusait de fournir un numéro de téléphone ou adresse où il pouvait être joint, sauf l’adresse de sa mère. Il n’habitait pas avec elle et prenait les messages toutes les deux ou trois semaines. De plus, il s’était isolé dans un campement de chasse sans adresse pendant des mois où personne ne pouvait communiquer avec lui.

70 Lorsque le fonctionnaire a appris que le défendeur lui avait avancé des journées supplémentaires de congés de maladie, il a refusé toute autre aide du défendeur. Lorsque quelqu’un lui demandait comment il allait, il s’emportait en lui disant que cela ne le regardait pas et que ses problèmes n’avaient rien à voir avec son travail.

71 Le fonctionnaire changeait de médecins lorsque ceux-ci posaient des questions médicales pointues. En passant d’un médecin généraliste à un autre, cela rendait difficile un suivi régulier. La preuve a révélé que le fonctionnaire était peu ouvert et franc avec plusieurs médecins qu’il a rencontrés et la plupart le trouvaient peu coopératif.

72 Le fonctionnaire se croyait apte à travailler et le répétait chaque fois qu’il revenait d’une rencontre avec un médecin malgré la directive précise qui lui avait été fournie dès son hospitalisation en juin 2004.

73 Il est évident que pendant plusieurs mois, le fonctionnaire a dû traverser une période difficile sur les plans médical, psychologique et financier, mais toutes ces circonstances personnelles n’enlevaient pas l’obligation et la responsabilité du défendeur de continuer d’exiger le suivi médical régulier afin de permettre la réintégration du fonctionnaire. Les faits et la preuve ont démontré que lorsque le certificat médical d’aptitude exigé a été finalement produit par le fonctionnaire, ce dernier a été réintégré dans son poste.

74 Le délai entre son hospitalisation en juin 2004 et le retour au travail du fonctionnaire plusieurs mois plus tard s’explique par le comportement non coopératif du fonctionnaire qui refusait de suivre la consigne d’avoir un suivi médical régulier, qui lui a été expliqué clairement à sa sortie de l’hôpital à la mi-juin 2004.

75 L’absence au travail du fonctionnaire était due à des informations médicales incomplètes en ce qui concerne l’aptitude du fonctionnaire à accomplir les tâches d’agent correctionnel et principalement des inquiétudes importantes concernant une limitation d’accès aux armes à feu. La consigne médicale exigée par le défendeur à l’égard du fonctionnaire était fondée sur la santé et la sécurité de ce dernier et de ces collègues de travail.

76 La collaboration du fonctionnaire pendant cette longue période a été déficiente, laborieuse et difficile, de sorte que le fonctionnaire était en très grande partie responsable par ses agissements du délai de sa réintégration et l’artisan de son propre malheur.

77 Je ne dispose d’aucune preuve qui indique de la mauvaise foi de la part du défendeur ni rien qui indique une intention disciplinaire dans les propos et les actions du défendeur.

78 Finalement, il n’y a pas lieu que je statue sur les objections prises sous réserve lors de l’audience sur le fond.

79 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

80 J’accueille l’objection préliminaire du défendeur et je rejette le grief.

Le 20 mai 2010.

Roger Beaulieu,
arbitre de grief

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