Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a été licencié en cours de stage - il a contesté son licenciement au moyen d’un grief qui a été rejeté par l’employeur - le plaignant a alors déposé une plainte contre l’agent négociateur et contre l’employeur - la Commission a statué que la plainte était hors délai - en outre, la plainte contre l’employeur n’avait aucun fondement juridique. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-06-10
  • Dossier:  561-02-442
  • Référence:  2010 CRTFP 77

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

YANNICK LAROCQUE

plaignant

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Larocque c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, vice-présidente

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour le défendeur:
Johanne Bray, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour le défendeur:
Stéphane Ferland, Secrétariat du Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d'arguments écrits
déposés entre le 10 février et le 22 avril 2010.

Plainte devant la Commission

1 Yannick Larocque (le « plaignant »), était un agent de projet subalterne de niveau CS-01 à l’emploi du Service correctionnel du Canada (l’ « employeur »). Le plaignant a été embauché le 5 septembre 2008 et était assujetti à une période de stage d’un an à compter de la date de sa nomination initiale. La période de stage a pour objet de permettre à l’employeur d’évaluer le rendement et la conduite d’une personne recrutée à l’extérieur de la fonction publique afin de déterminer si celle-ci est apte à occuper le poste auquel elle a été nommée. Le 4 septembre 2009, le plaignant a été licencié en période de stage.

2 Le 13 octobre 2009, le plaignant a contesté son licenciement par voie d’un grief dans lequel il a allégué que le licenciement était injustifié.

3 Le 30 octobre 2009, l’employeur a rejeté le grief au motif qu’il était hors délai et que le licenciement était lié à l’emploi, soit que le comportement et l’attitude du plaignant au travail faisaient en sorte qu’il n’avait pas les qualités personnelles pour occuper le poste d’agent de projet subalterne.

4 Le 8 octobre 2009, avant qu’il ne dépose son grief, le plaignant a reçu l’avis de l’agent négociateur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’ « Institut »), par l’entremise d’Isabelle Pétrin, qu’un grief s’avérait inutile. Voici les motifs invoqués par Mme Pétrin dans son courriel :

Bonjour Yannick,

Bien que mon évaluation de ton dossier demeure la même, soit qu’un grief serait inutile puisque non arbitrable et que la révision de ton dossier démontre que la fin d’emploi est pour des motifs légitimes reliés à l’emploi, et seulement afin de préserver ton droit de déposer un grief, tu trouveras ci-joint, un formulaire de grief complété prêt à être signé et transmis à la gestion.

Ton grief doit être soumis à Bruno Paradis, soit par courrier électronique ([adresse omise] assures-toi d’avoir une réponse automatique lorsqu’il reçoit le document) ou par télécopieur par l’entremise de Wendy Neil, Directrice des Ressources humaines [numéro de téléphone omis] - pour assurer la confidentialité du document.

Ma recomandation demeure la même, soit de ne pas représenter ton grief pour les motifs déjà expliqués, toutefois, tu as fait appel au président, ton droit en vertu des politiques de l’Institut (Manuel des politique section 11). Ta demande sera probablement référée à Danielle Auclair, Gestionnaire des service de représentations pour réponse.

Le grief joint vise seulement à protéger ton droit en vertu des délais applicables, tu as jusqu’à mardi le 13 octobre, pour le signer et le transmettre au SCC.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

5 Le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)f) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) le 10 février 2010. Cette disposition réfère à une pratique déloyale au sens de l’article 185 de la LRTFP. Comme mesure réparatrice, le plaignant demande à la Commission de lui accorder ce qui suit : d’être réintégré dans son poste d’agent de projet subalterne et de recevoir rétroactivement le salaire perdu depuis le 4 septembre 2009 ainsi que « les dommages causés, l’atteinte à [s]a personne et [s]a réputation ».

6 Le 15 mars 2010, l’Institut a déposé une réponse préliminaire à la plainte et a soutenu que la plainte était hors délai, que le fonctionnaire n’était pas un fonctionnaire qui faisait partie de l’unité de négociation au moment où il a déposé sa plainte et que l’Institut n’avait pas agi de façon discriminatoire, arbitraire ou de mauvaise foi envers le plaignant.

7 L’employeur a déposé une réponse à la plainte le 15 mars 2010 dans laquelle il soulève que la plainte n’est pas suffisamment précise quant aux gestes reprochés à l’employeur et que la plainte est hors délai. L’employeur soumet que le plaignant a indiqué sur la Formule 16, le formulaire prévu au Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, avoir pris connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation ayant donné lieu à la plainte le 16 novembre 2009. La plainte a été déposée le 16 février 2010, soit 92 jours suivant le 16 novembre 2009. La LRTFP prévoit un délai de 90 jours pour le dépôt d’une plainte.

8 Le 6 avril 2010, le plaignant a répliqué aux objections de l’Institut et de l’employeur en apportant des précisions à ses allégations. Le plaignant n’a pas répondu à l’objection soulevée à la fois par l’Institut et par l’employeur selon laquelle sa plainte était hors délai.

9 Le 16 avril 2010, l’Institut a répondu aux précisions données par le plaignant en y ajoutant ses propres précisions et l’employeur a fait de même le 22 avril 2010.

10 Le dossier m’a été remis pour instruction le 11 mai 2010.

Objection des défendeurs quant au délai pour déposer la plainte

11 Avant de traiter du bien-fondé de la plainte, il y a lieu de traiter de l’objection des défendeurs qui soulèvent tous deux que la plainte est hors délai.

12 Le paragraphe 190(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) est libellé comme suit :

190.(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

13 Le délai de 90 jours est celui que le législateur a choisi d’imposer à toute partie qui désire porter plainte en vertu de l’article 190 de la LRTFP. À cet égard, la Commission n’est pas habilitée à changer cette disposition, mais fait l’examen des circonstances qui doivent servir à déterminer la date à laquelle le délai de 90 jours commence à s’écouler. Le paragraphe 190(2) de la LRTFP stipule que le délai commence à s’écouler au moment où le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à sa plainte. Il s’agit d’une question de faits.

Hors-délai invoqué par l’Institut

14 Au paragraphe 5 de sa plainte, le plaignant allègue qu’il a eu connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation ayant donné lieu à sa plainte le 16 novembre 2009. Par contre, la preuve au dossier montre que le plaignant a eu sa dernière communication avec l’Institut le 8 octobre 2009. C’est à ce moment que Mme Pétrin lui a communiqué qu’après l’examen de son dossier, l’Institut n’allait pas appuyer son grief.  

15 Le fait que le plaignant poursuive son grief malgré la recommandation contraire de l’Institut ne change en rien le fait que l’Institut a refusé d’appuyer le grief à l’origine de la présente plainte et que le plaignant en a été avisé dès le 8 octobre 2009. Le plaignant a communiqué par la suite avec l’employeur et non avec l’Institut.   

16 De façon générale, les circonstances qui donnent lieu à une plainte ne peuvent être prolongées en invoquant d’autres circonstances qui débordent le cadre du premier refus de procéder avec le grief en question. En l’espèce, le délai de 90 jours pour déposer une plainte à la Commission a commencé à s’écouler à partir de la date de ce refus, soit le 8 octobre 2009, et non à partir du 16 novembre 2009, la date invoquée par le plaignant. 

17 L’essence de la plainte est le refus de l’Institut d’appuyer le grief du plaignant. En conséquence, la connaissance du plaignant du refus de l’Institut d’appuyer son grief est l’élément déclencheur d’une violation de l’article 190 de la LRTFP et du délai de 90 jours pour déposer la plainte. Les délais commençaient donc à s’écouler au moment où le plaignant s’est rendu compte que l’Institut n’allait pas l’appuyer.

18 Par conséquent, je conclus que la plainte est hors délai pour ce qui est de l’Institut. 

Hors-délai invoqué par l’employeur

19 L’employeur soutient que le plaignant a déposé sa plainte le 91e jour suivant sa connaissance de l’action, de l’omission ou de la situation ayant donné lieu à sa plainte contre l’employeur. Le plaignant n’a pas répondu à cette objection. 

20 En l’absence d’une réponse du plaignant expliquant ses motifs pour le retard à déposer sa plainte, je n’ai devant moi aucun fait qui me permet d’exercer ma discrétion pour déterminer la date à laquelle le délai de 90 jours a pu commencer à s’écouler.  

21 Par conséquent, je conclus que la plainte est hors délai pour ce qui est de l’employeur. 

Bien-fondé de la plainte au titre de l’article 185 de la LRTFP

22 Même si la plainte contre l’employeur est hors délai, j’ai choisi d’étudier le bien-fondé de la plainte.

23 La plainte contre l’employeur réfère à une pratique déloyale en deux volets, le premier étant le refus de négocier de bonne foi et le deuxième, une violation de l’article 185 de la LRTFP :

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

24 Le paragraphe 186(1) de la LRTFP traite des pratiques déloyales de l’employeur par rapport à la formation ou à l’organisation d’une organisation syndicale ou à des distinctions illicites à l’égard d’une organisation syndicale, tandis que 186(2) de la LRTFP traite du refus de l’employeur d’employer ou de continuer d’employer une personne en raison de ses activités syndicales. Les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1) de la LRTFP traitent des pratiques déloyales par un syndicat ou quiconque et ne sont pas pertinents à une plainte contre l’employeur.

25 Or, il est clair que la plainte contre l’employeur et la réponse écrite du plaignant à l’objection de l’employeur réfèrent à la décision de ce dernier de licencier le plaignant en période de stage. De façon précise, l’article 211 de la LRTFP exclut le renvoi d’un grief individuel à l’arbitrage qui porte sur un licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) La référence dans la plainte d’un « refus de négocier » est nettement lié au mode de licenciement du plaignant et non à l’obligation de l’employeur de négocier de bonne foi dans le cours des négociations collectives.

26 Ni la plainte ni la réponse écrite du plaignant à l’objection de l’employeur ne font mention que le licenciement serait lié directement ou indirectement aux activités syndicales du plaignant ou au fait qu’il aurait autrement exercé ses droits en vertu de la LRTFP ou de la convention collective au sens des paragraphes 186(1) et (2) de la LRTFP.

27 Même si le plaignant réussissait à prouver tout ce qu’il allègue, sa plainte n’établit pas que les gestes de l’employeur constituent une pratique déloyale au sens de la LRTFP. En déposant une plainte au même effet que son grief, j’estime que le plaignant tente de contourner les dispositions de l’article 211 de la LRTFP qui exclut le renvoi à l’arbitrage d’un grief contestant un renvoi en période de stage au sens de la LEFP.

28 Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la plainte est sans fondement.

29 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

30 Je suis sans compétence pour entendre la plainte.

31 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 10 juin 2010.

Michele A. Pineau,
vice-présidente

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