Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’employeur et l’agent négociateur ont conclu une entente globale visant notamment un changement dans la pratique de la mise à l’horaire des congés annuels - ce changement défavorisait le plaignant - celui-ci savait dès juin ou juillet 2006 que le syndicat ne l’appuierait pas dans son grief relatif à la nouvelle pratique - le plaignant a déposé une plainte contre le syndicat pour défaut de représentation en février 2007 - il a par la suite ajouté l’employeur comme défendeur pour pratiques déloyales - la Commission a conclu que la plainte avait été déposée bien au-delà du délai prévu par la Loi. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-01-14
  • Dossier:  561-02-144
  • Référence:  2010 CRTFP 7

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

CLAUDE ÉTHIER

plaignant

et

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA
ET UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS – SYNDICAT DES AGENTS
CORRECTIONNELS DU CANADA – CSN

défendeurs

Répertorié
Éthier c. Service correctionnel du Canada et Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Affaire concernant une plainte visée à l'article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, vice-présidente

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour UCCO-SACC-CSN:
Julie Sanogo, avocate

Pour le Service Correctionnel du Canada:
Mark Sullivan, agent de représentation patronale et Nadine Perron, avocate

Téléconférence tenue le 6 janvier 2010.

I. Plainte devant la Commission

1 Le plaignant, Claude Éthier, a déposé une plainte à la Commission des relations de travail dans la fonction publique du Canada (la « Commission ») le 14 février 2007, en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) alléguant que l’agent négociateur qui le représente, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (UCCO-SACC-CSN), (ci-après le « syndicat ») s’est livré à une pratique déloyale en refusant d’exercer les droits et recours en matière de représentation auxquels il a droit. Le Service correctionnel du Canada (ci-après l’ « employeur ») a par la suite été ajouté comme défendeur.

2 Les défendeurs ont soulevé deux objections à la plainte :

a) la plainte est hors délai;

b) la Commission n’a pas compétence puisqu’il n’y a pas matière à plainte au titre de l’article 185 de la LRTFP.

3 Les parties ont été entendues par voie de téléconférence avant la tenue d’une audience sur ces objections qui ont trait à la compétence de la Commission.

II. Faits relatifs à la plainte

4 Le plaignant est un agent correctionnel. Il a d’abord été engagé sous une autre classification, est devenu employé indéterminé le 1er avril 1993, et a été reclassifié CX-01 le 8 décembre 2001. Il a racheté des années de service, de sorte que la date pour le calcul de son service continu est le 8 mars 1991. C’est cette date qui servait auparavant pour le calcul de l’ancienneté aux fins d’établir le calendrier des congés annuels.

5 Le 26 juin 2006, le syndicat et l’employeur ont conclu une entente globale clarifiant certaines dispositions de la convention collective. Le préambule de l’entente globale prévoit que ces dispositions ne peuvent faire l’objet de griefs, mais sont assujetties à une procédure distincte de résolution de conflit. Le préambule prévoit également que les parties peuvent en tout temps discuter de son contenu et apporter des modifications selon leur convenance. Le paragraphe 3 de l’entente globale (Section I-B -Congé annuel payé) représente un changement par rapport à la pratique antérieure en ce qui concerne l’établissement du calendrier des congés annuels, comme suit :

3. Le choix des dates de vacances se fait selon toute méthode qui fait l’objet d’entente au niveau local avant le 1er mars de chaque année ou, à défaut d’une entente, sur la base du nombre d’années de services [sic] depuis le moment où l’employé-e est devenu agent-e correctionnel.

6 Le plaignant a été fort mécontent de cette situation car cette disposition ne tient plus compte de son ancienneté fondée sur la date de service continu dans la fonction publique fédérale et du temps racheté.

7 À plus d’une reprise, le plaignant a manifesté son mécontentement à ses représentants syndicaux, puis à l’employeur, tel que mentionné au paragraphe 8 de sa plainte :

[…]

juin 2006 – Rencontre avec les agents correctionnels de La Macaza et et les représentants syndicaux régional. J’ai demandé à M. Pierre Dumont (Président régional-Québec) ‘‘Comment-ça que vous ne reconnaissé plus les années de services autre que CX (agent de correction) pour la signature des vacances’’. Il m’a répondu que le syndicat a été avec la demande de ses membres.

juillet 2006 – Rencontre avec l’agent de grief (M. Denis Bélanger) du syndicat local du pénitencier de La Macaza, à savoir la position du syndicat local et l’exécutif national pour entreprendre une procédure de résolution de conflits. M. Denis Bélanger me confirme qu’il ne peux procéder car le syndicat ne veux pas tenter de règler le désaccord.

26 juillet 2006 – Présentation d’un grief au 1er palier (sans l’appui du syndicat).

29 août 2006 – Réponse du 1er palier : Nous vous invitons à discuter de votre litige avec votre entité syndicale locale qui vous représente.

29 août 2006 – Transmission du grief au 2ième palier (sans l’appui du syndicat).

21 septembre 2006 – Transmission du grief au 3ième palier (sans l’appui du syndicat).

13 décembre 2006 – Réponse reçu du 3ième palier : Nous vous recommandons de porter vos prétentions à votre syndicat qui y donnera la suite de son choix.

20 décembre 2006 : Réponse reçu du 2ième palier (transmis par le syndicat local) : Dans l’entente globale, il est stipulé que toute mésentente au sujet de son contenu n’est pas assujettie à la procédure de griefs mais bien à un processus de médiation. Les dispositions traitant de ce processus se trouvent à la partie VI de l’entente globale.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

8 Le plaignant a porté plainte à la Commission le 14 février 2007. Il invoque comme première connaissance de l’action fautive donnant ouverture à sa plainte la réponse de l’employeur du 13 décembre 2006 qui rejette son grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le plaignant demande comme mesure de redressement que la Commission enjoigne le syndicat d’exercer, en son nom, les droits et les recours qu’il aurait dû exercer ou qu’il l’aide à les exercer lui-même. C’est la Commission qui a signalé au plaignant que l’employeur devait aussi être défendeur.

III. Argumentation des parties

A. Pour le plaignant

9 Le plaignant fait valoir qu’il a suivi toutes les étapes internes pour régler son litige avant de s’adresser à la Commission. Il allègue que le changement dans la disposition établissant le calendrier des congés annuels est une distinction illicite à son égard, car cette disposition ne reconnaît pas toutes ses années de service. Il allègue que le syndicat refuse de reconsidérer sa position sur cette question et de s’engager dans un processus de règlement de conflit pour résoudre sa situation et, par conséquent, a agi de manière discriminatoire et de mauvaise foi en refusant d’exercer les droits et recours en matière de représentation auquel il a droit.

10 Le plaignant soutient que pour déterminer le délai pour déposer la plainte, je dois tenir compte de la dernière réponse de l’employeur au grief en date du 13 décembre 2006, car c’est le moment où le plaignant s’est rendu compte que son grief n’allait pas se régler avec l’aide du syndicat. Il souligne qu’il ne devrait pas subir de préjudice pour le retard de l’employeur à répondre à son grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

B. Pour le syndicat

11 Le syndicat plaide que l’article 3 de l’entente globale a fait l’objet d’une entente locale. Le processus de résolution de conflit est prévu pour régler les malentendus entre l’employeur et le syndicat sur l’application de l’entente globale et non pour régler le désaccord des membres individuels de l’unité de négociation. Les membres individuels ne sont pas couverts par le recours prévu dans l’entente globale. Comme dans toute entente négociée, certaines clauses peuvent ne pas plaire à tous les membres de l’unité de négociation; toutefois, ceci n’invalide pas l’entente globale pour autant. Par conséquent, le syndicat soutient que la plainte ne soulève aucune pratique déloyale au sens de l’article 185 de la LRTFP.

12 Le syndicat plaide que la plainte doit être également rejetée parce qu’elle est manifestement hors délai des 90 jours prévus au paragraphe 190(2) de la LRTFP. Selon l’aveu du plaignant dans les deux premiers paragraphes de sa plainte, il connaissait la position de le syndicat depuis les mois de juin et de juillet 2006. 

13 Le syndicat souligne que lors de la présentation de son grief au 1er palier de la procédure de règlement des griefs le 26 juillet 2006, le plaignant indique dans sa plainte qu’il n’avait pas l’appui de son syndicat. Il est donc clair que le syndicat a fait connaître sa position dès que le plaignant a manifesté son désaccord avec les dispositions de l’entente globale.  Le fait que la procédure de règlement des griefs se poursuive ne change pas la date à laquelle le plaignant a eu pleine connaissance des événements qui ont mené au dépôt de la plainte. Le syndicat soulève le caractère obligatoire des délais imposés par la LRTFP et l’impossibilité pour la Commission de les proroger. Au soutien de ses arguments, le syndicat cite la décision Shutiak c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 29.

C. Pour l’employeur

14 L’employeur observe que le grief du plaignant soulève de façon concrète qu’il était au courant du refus du syndicat de l’appuyer dès le mois de juillet 2006 et donc que la plainte est manifestement hors délai.

15 L’employeur renchérit que la Commission ne peut proroger le délai prévu au paragraphe 190(2) de la LRTFP. Il cite les décisions Castonguay c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CRTFP 78 et Cunningham c. Service correctionnel du Canada et Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, 2009 CRTFP 96 à l’appui de ses prétentions.

16 L’employeur ajoute que pour qu’il y ait une distinction illicite au sens de l’alinéa 186(1)b) de la LRTFP, la plainte doit venir de l’organisation syndicale affectée par cette disposition. Or, dans le présent dossier, le syndicat nie cette allégation. L’employeur souligne également que le plaignant ne fait pas état d’une mesure corrective à l’égard de l’employeur.

IV. Motifs

A. Le délai pour déposer la plainte

17 Le paragraphe 190(2) de la LRTFP est libellé comme suit :

190.(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon la Commission, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

18 Le délai de 90 jours est celui que le législateur a choisi d’imposer à toute partie qui désire porter plainte en vertu de l’article 190 de la LRTFP. À cet égard, la Commission n’est pas habilitée à changer cette disposition, mais fait l’examen des circonstances qui doivent servir à déterminer la date à laquelle le délai de 90 jours commence à s’écouler. Le paragraphe 190(2) de la LRTFP stipule que le délai commence à s’écouler au moment où le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à sa plainte. Il s’agit d’une question de faits.

19 Au paragraphe 8 de sa plainte reproduite ci-avant au paragraphe [7], le plaignant admet qu’il a eu connaissance de l’entente au moment de sa signature ou à tout le moins à la fin de juin 2006. Le plaignant admet aussi qu’il a rencontré deux représentants syndicaux, Pierre Dumont en juin 2006 et Denis Bélanger en juillet 2006, pour faire connaître son désaccord. Les représentants ont dit au plaignant qu’ils n’entendaient pas renvoyer son litige à la procédure de résolution de conflits.  De plus, le plaignant admet qu’il a déposé son grief sans l’appui du syndicat le 26 juillet 2006.

20 Le fait que le plaignant poursuive son grief à tous les paliers ne change en rien le fait que le syndicat a refusé d’appuyer le litige qui fait l’objet de la présente plainte et que le plaignant en a été avisé dès la fin de juin 2006.

21 De façon générale, les circonstances qui donnent lieu à une plainte ne peuvent être prolongées en invoquant d’autres circonstances qui débordent le cadre du premier refus de procéder avec le grief ou le litige en question. En l’espèce, le délai de 90 jours pour déposer une plainte à la Commission a commencé à s’écouler à partir de la date de ce refus, soit à la fin de juin 2006, et non à partir de la date à laquelle le plaignant considérait qu’il avait une preuve suffisante pour présenter sa plainte le 13 décembre 2006. Le délai pour déposer une plainte n’est pas pour autant prolongé par les tentatives d’un plaignant de convaincre le syndicat de revenir sur sa décision. Dans la mesure où il y a une violation de la loi, il n’y a pas de norme minimale ou maximale pour ce qui est du degré de connaissance que doit avoir un plaignant avant de déposer sa plainte.

22 L’essence de la plainte est le refus du syndicat d’exercer les droits et recours en matière de représentation auquel le plaignant dit avoir droit. En conséquence, la connaissance du plaignant du refus du syndicat d’appuyer son litige est l’élément déclencheur d’une violation de l’article 190 de la LRTFP et du délai de 90 jours pour déposer la plainte. Les délais commençaient donc à s’écouler au moment où le plaignant s’est rendu compte que son désaccord n’allait pas se régler avec l’aide du syndicat. La LRTFP ne contient aucune disposition voulant qu’un plaignant doive épuiser tous ses autres recours avant de déposer une plainte.

23 Par conséquent, je conclus que la plainte est hors délai.  

B. Compétence de la Commission au titre de l’article 185 de la LRTFP

24 Puisque j’ai déterminé que la plainte est hors délai, cette deuxième objection est devenue sans objet.

25 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

26 La plainte est rejetée.

Le 14 janvier 2010.

Michele A. Pineau,
Vice-présidente

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