Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié à la suite d’une série de confrontations avec l’employeur - l’agent négociateur a fait valoir que les agissements du fonctionnaire s’estimant lésé étaient imputables à un trouble médical - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas établi l’existence d’un moyen de défense de nature médicale - l’employeur avait un motif valable pour licencier le fonctionnaire s’estimant lésé compte tenu de son comportement. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique,L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-06-15
  • Dossier:  166-02-37432
  • Référence:  2010 CRTFP 78

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MATT BYGRAVE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Bygrave c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michel Paquette, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Debra Seaboyer et Allison Dewar, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Isabel Blanchard, Conseil du Trésor

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
du 28 avril au 1er mai et le 1er décembre 2009,
ainsi que les 2 et 3 mars 2010.
(Traduction de la CRTFP)

Grief renvoyé à l'arbitrage

1 Le 9 janvier 2007, Matt Bygrave, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a renvoyé à l’arbitrage son grief daté du 28 janvier 2005. Le grief se lit comme suit :

[Traduction]

Je conteste mon licenciement et j’allègue que mon employeur a omis de prendre des mesures pour tenir compte de mon incapacité.

Le fonctionnaire réclame la mesure corrective suivante :

[Traduction]

Je demande l’annulation de mon licenciement, le remboursement de toute perte de salaire et d’avantages sociaux, la suppression de toute mention de mon licenciement dans mon dossier et une indemnisation intégrale.

2      Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

3      La Commission des relations de travail dans la fonction publique a tenté sans succès, à plusieurs occasions, de fixer une audience pour le présent cas. Le président a notamment accepté une demande de l’agent négociateur du fonctionnaire visant à faire reporter l’audience fixée du 13 au 16 mai 2008, en raison de l’incapacité du fonctionnaire d’assister à une longue audience et de contribuer à sa propre défense. Une audience s’est tenue du 28 avril au 1er mai 2009, mais une continuation s’imposait. La reprise de l’audience, qui était fixée du 17 au 21 août 2009, a été reportée parce que la représentante du fonctionnaire, Debra Seaboyer, ne pouvait plus représenter le fonctionnaire dans cette affaire. Elle a été remplacée par Allison Dewar. Une autre audience, fixée du 1er au 4 décembre 2009, a été reportée en raison de l’état de santé du fonctionnaire. Il était de nouveau incapable d’assister à une audience et de contribuer à sa propre défense. L’audience s’est finalement conclue les 2 et 3 mars 2010.

Résumé de la preuve

4      Les faits suivants ont été révélés à l’audience dans le cadre de la comparution de huit témoins pour l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et de deux témoins pour le fonctionnaire, dont lui-même. Comme les faits n’ont pas été contestés, je les résumerai dans la présente section.

5      Avant décembre 2003, la libre circulation des personnes et des marchandises entrant et sortant du Canada était du ressort de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). L’ADRC était dotée d’un code d’éthique et d’une politique disciplinaire. En décembre 2003, un nouvel organisme, l’ASFC, a été investi de cette responsabilité et a fait siens le code d’éthique et la politique disciplinaire.

6      Le fonctionnaire est entré au service de l’ADRC en avril 2000 à titre d’inspecteur des douanes (CI), au sein du groupe et au niveau PM-02, à l’aéroport international de Vancouver (AIV). Deux divisions de l’AIV, les opérations voyageurs pour les personnes et les opérations commerciales pour les biens, se partagent les principales tâches visant à assurer l’accès des biens et des personnes au Canada. Les inspecteurs des douanes travaillent en équipe sous la direction des surintendants des douanes (SI), qui relèvent d’un chef des opérations (CO). Ce dernier relève à son tour du directeur de l’AIV, et celui-ci, du directeur général régional (DGR), région du Pacifique, de l’ASFC. Les témoins pour l’ASFC étaient titulaires des postes suivants à l’époque : DGR, directeur de l’AIV, les CO des opérations voyageurs et commerciales, un SI de chaque division (opérations voyageurs et opérations commerciales) et finalement un CI des opérations commerciales.

7      Le fonctionnaire était considéré comme un bon employé et n’avait pas de dossier disciplinaire jusqu’à une série d’événements ayant commencé en décembre 2003, qui ont mené à son licenciement en janvier 2005.

8      Le 24 décembre 2003, le fonctionnaire a été impliqué dans une confrontation houleuse avec un client, et le 25 décembre, il s’est comporté de manière non professionnelle en haussant le ton dans un secteur accessible au public. Le chef intérimaire à ce moment a parlé avec le fonctionnaire, le 26 décembre. Il a constaté que le fonctionnaire était très agité et qu’il était convaincu que les personnes conspiraient contre lui. Le chef intérimaire lui a assuré qu’il bénéficiait d’une bonne réputation, mais le 31 décembre, lors d’une rencontre avec son superviseur direct, le fonctionnaire a haussé le ton et tenu des propos irrationnels. Il a déclaré que la direction cherchait à avoir sa peau.

9 Face à son récent comportement qui ne concordait pas avec sa conduite au travail par le passé, la direction a rencontré le fonctionnaire, le 7 janvier 2004. La direction s’inquiétait de son bien-être, ainsi que de celui des autres employés qui travaillaient avec lui. Le fonctionnaire était accompagné d’un représentant de l’agent négociateur. Il a expliqué qu’il avait de graves problèmes de santé, ainsi que des problèmes familiaux. Il a été hospitalisé le 9 janvier 2004, pour une période de deux semaines, et a ensuite récupéré pendant quelques semaines à la maison. La direction a informé le fonctionnaire de son hésitation à lui imposer une mesure disciplinaire compte tenu que son comportement récent était inhabituel et qu’il pourrait être attribuable à ses problèmes de santé. Par conséquent, la direction lui a remis une lettre qu’il devait présenter à son médecin pour que celui-ci confirme qu’il était apte à travailler. Le fonctionnaire a pris un congé de maladie et a été hospitalisé en janvier 2004.

10 Le fonctionnaire était prêt à reprendre le travail au début février 2004. Il a communiqué avec son superviseur, et une réunion a eu lieu, le 3 février. Lors de cette réunion, il a signé les formulaires nécessaires en vue d’une évaluation de l’aptitude au travail (ÉAT) de Santé Canada. Ces formulaires ont été envoyés le 4 février 2004.

11 Le 11 février 2004, le fonctionnaire a informé l’ASFC qu’il ne se soumettrait pas à l’ÉAT, mais qu’il fournirait une lettre de son médecin. Une réunion a été fixée au 12 février 2004, et le fonctionnaire a refusé l’offre d’avoir un représentant de son agent négociateur présent. Il a présenté une note de son médecin confirmant qu’il [traduction] « […] est apte à retourner au travail le 11 février 2004 ». Il a précisé que son comportement était directement imputable à la douleur qu’il éprouvait depuis le printemps précédent et au médicament qu’il prenait pour la douleur, médicament qu’il ne prenait plus. La direction n’était pas satisfaite de la courte note du médecin et, à la suite d’une discussion, elle a décidé de l’appeler. Les conditions de travail du fonctionnaire ont été passées en revue avec le médecin. Celui-ci a déclaré que le fonctionnaire n’avait pas besoin de mesures d’adaptation et qu’il avait accepté de participer à un cours de gestion de la colère. Le médecin a conclu que le fonctionnaire était apte au plan émotionnel et physique à retourner au travail. La direction était satisfaite, mais a prévenu le fonctionnaire que tout nouvel accès de colère serait passible d’une mesure disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement, ce à quoi il a acquiescé.

12 Un incident d’insubordination à l’endroit d’un SI intérimaire s’est produit le 19 février 2004. Le 24 février 2004, le fonctionnaire a rencontré un représentant de son agent négociateur. Il a reçu une réprimande écrite, le 25 février 2004, lui signifiant que d’autres mesures pourraient être prises, pouvant aller jusqu’au licenciement. Il n’a pas contesté la réprimande.

13 Le 25 février 2004, le fonctionnaire a présenté à la direction une lettre de son médecin suggérant une affectation temporaire de trois à six mois aux opérations commerciales, afin de faciliter son rétablissement, compte tenu qu’il avait besoin d’un rythme plus lent et d’heures de travail régulières. La direction a accepté, et les documents nécessaires ont été soumis en vue d’une affectation de six mois aux opérations commerciales, commençant le 1er mars 2004.

14 Le 3 août 2004, les collègues de travail ont entendu le fonctionnaire crier des injures au téléphone, à portée de voix du comptoir public des opérations de fret aérien de l’AIV. Plus tard au cours du même après-midi, il a demandé un congé pour un rendez-vous médical. Au lieu d’obtenir des soins médicaux, il s’est rendu dans une agence de recouvrement pour s’occuper d’une affaire personnelle, et il est devenu agressif. Une personne de l’agence de recouvrement a appelé le 911. Les policiers de Vancouver sont arrivés sur les lieux et l’ont arrêté et menotté. La chemise et les insignes d’épaule de son uniforme ont été exposés à la vue du personnel de l’agence de recouvrement et des policiers. Les policiers ont sorti le fonctionnaire des lieux, mais l’ont relâché en l’enjoignant de signaler l’incident à l’ASFC en raison de sa qualité d’agent de la paix. Il est retourné au travail et a informé le SI qu’il avait menti et s’est excusé.

15 Le 18 août 2004, le fonctionnaire a écrit une lettre au DGR lui expliquant qu’il avait été témoin dans le cadre d’une plainte de harcèlement en 2003 et qu’il estimait que l’affaire n’avait pas été traitée de manière appropriée. Il a fait part de ses sentiments à cet égard. Il a mentionné que, depuis, il faisait l’objet de représailles, notamment sous forme de mesures disciplinaires.

16 Accompagné d’un représentant de l’agent négociateur, le fonctionnaire a rencontré le CO et un SI, les 19 et 20 août 2004, pour discuter de l’incident. Le fonctionnaire a refusé de coopérer, s’est comporté de manière belliqueuse et n’a manifesté aucun remords. Le 9 septembre 2004, on lui a imposé une suspension de cinq jours, devant être servie du 13 au 17 septembre. De nouveau, on l’a averti que d’autres incidents de cette nature pourraient mener à des mesures disciplinaires plus sévères. Il n’a pas contesté la suspension.

17 Le DGR intérimaire a reconnu avoir reçu la lettre du fonctionnaire datée du 18 août 2004. Il a expliqué que, comme elle ne contenait pas beaucoup de détails, il a demandé de plus amples renseignements concernant les incidents pour être en mesure de répondre. Le fonctionnaire a envoyé un courriel au DGR, le 7 septembre 2004, sur le même sujet, mais sans fournir plus de précisions.

18 Un autre incident s’est produit le 9 septembre 2004, au cours d’une formation. L’instructeur et d’autres participants ont manifesté des inquiétudes et un malaise face aux observations irrationnelles et au comportement excentrique du fonctionnaire.

19 Le 10 septembre 2004, le CO a appelé le fonctionnaire pour assurer un suivi relativement à un rapport indiquant que le fonctionnaire estimait nécessiter une hospitalisation. Le fonctionnaire a adopté une attitude hostile et belliqueuse en proférant des injures. Il a également appelé le bureau ce soir-là et demandé à l’agent ayant répondu de dire à tous qu’il était suspendu et qu’il entraînerait d’autres personnes dans sa chute. La direction a interprété cet appel comme une menace voilée.

20 Pendant sa période de suspension, le fonctionnaire a reçu, le 14 septembre 2004, une lettre du CO indiquant que les incidents des 9 et 10 septembre 2004 étaient sous examen en vue de la prise d’éventuelles mesures disciplinaires, que la direction craignait de nouveau pour sa santé et sa sécurité et qu’il devait soit produire une attestation de son médecin confirmant qu’il était apte à retourner au travail le 20 septembre, soit se soumettre à une ÉAT de Santé Canada avant le 20 septembre 2004. Le fonctionnaire a avisé l’ASFC qu’il acceptait de se soumettre à une ÉAT de Santé Canada, et une évaluation a été fixée au 20 septembre 2004.

21 Le directeur intérimaire, Finances et Administration, qui était responsable de la prévention contre le harcèlement dans la région du Pacifique, a envoyé un courriel au fonctionnaire, le 17 septembre 2004, réitérant la nécessité d’obtenir de plus amples renseignements avant d’entamer une enquête sur les allégations de harcèlement.

22 Le 20 septembre 2004, le fonctionnaire s’est présenté aux bureaux de Santé Canada pour l’ÉAT, mais a refusé de signer les formulaires de consentement. Par conséquent, aucune évaluation n’a été effectuée. Santé Canada a informé l’ASFC de ce fait le jour même.

23 Le 21 septembre 2004, le fonctionnaire a soumis d’autres renseignements au sujet de sa plainte de harcèlement.

24 Le 29 septembre 2004, le DGR a répondu, relativement à la question du harcèlement, que, comme le fonctionnaire était seulement un témoin lors de l’incident survenu en 2003, il n’avait pas droit à l’information sur les conclusions et les mesures correctives, advenant que de telles mesures aient été accordées. Étant donné que le fonctionnaire n’a plus soulevé la question, le DGR pouvait seulement conclure qu’elle avait été réglée à la satisfaction du fonctionnaire. En ce qui a trait au deuxième incident, mettant en cause un CI, comme le fonctionnaire n’était pas un témoin, le DGR ne pouvait pas tenir compte de l’information. En ce qui concerne les représailles alléguées, compte tenu de l’implication du fonctionnaire dans l’incident de 2003, le DGR devait obtenir de plus amples renseignements avant de mener une enquête.

25 Le 4 novembre 2004, le fonctionnaire a envoyé une lettre au directeur de l’AIV et au DGR pour s’excuser de son comportement.

26 Le 5 novembre 2004, le CO des opérations commerciales a reçu une lettre d’un psychologue confirmant l’aptitude du fonctionnaire au plan psychologique à reprendre toutes ses fonctions, sans restriction.

27 Le 9 novembre 2004, le CO intérimaire a envoyé une lettre au fonctionnaire pour l’informer au sujet du processus disciplinaire et de la norme de conduite devant être respectée à l’ASFC avant son retour au travail, qui était prévu le jour même. La lettre indiquait encore une fois la possibilité de la prise de mesures disciplinaires progressives, pouvant aller jusqu’au renvoi.

28 Le fonctionnaire est retourné au travail le 9 novembre 2004. Il a été averti que son utilisation d’injures et de langage méprisant à l’égard de la direction était inappropriée et inacceptable. Il a d’abord réagi par un accès de colère, puis s’est calmé et a admis la responsabilité de ses actions et s’est excusé. Il s’est engagé à se comporter de manière professionnelle à l’avenir. Le CO l’a avisé qu’un tel comportement serait passible d’une mesure disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement.

29 Le matin du 15 novembre 2004, le fonctionnaire est entré dans le bureau du SI en criant et en se comportant de manière irrespectueuse et insubordonnée à l’égard du SI. Il a ensuite quitté le bureau abruptement et a eu une confrontation avec un collègue.

30 Plus tard au cours de la journée, à une réunion pour établir les faits avec le CO, le SI et un représentant de l’agent négociateur, le fonctionnaire a lancé des injures et tenu des propos offensants et méprisants à l’endroit du CO et du SI. Il a claqué son carnet de note et l’a lancé à travers le bureau. Des personnes se sont ruées au bureau du CO pour porter assistance. Le fonctionnaire a également remis en question et rabaissé les connaissances du CO en matière de procédure pour régler des plaintes.

31 Le jour suivant, le fonctionnaire a injurié son SI lorsque celui-ci lui a posé des questions. Il a été avisé que l’affaire était sous examen et qu’une mesure disciplinaire pourrait suivre.

32 Ce même après-midi, au cours d’une audience disciplinaire concernant les incidents du 15 novembre 2004, le fonctionnaire s’est excusé de ses actions.

33 Le 19 novembre 2004, le fonctionnaire s’est approché du SI en adoptant une attitude hostile et belliqueuse et s’est mis à le semoncer de manière dégradante en l’injuriant sans réserve. On a sorti le fonctionnaire du lieu de travail. Au cours de l’après-midi, il a appelé le CO pour l’injurier et faire des commentaires dégradants. Il a également menacé le CO et l’a accusé de corruption.

34 Le fonctionnaire a été suspendu dans l’attente d’une ÉAT de Santé Canada le 22 novembre 2004, et sans rémunération à compter du 23 novembre. Son consentement écrit a été demandé et obtenu. Les affaires disciplinaires en instance ont été suspendues.

35 Le fonctionnaire a accepté de se soumettre à une évaluation psychiatrique professionnelle et a rencontré un psychiatre embauché par Santé Canada, le 20 décembre 2004. L’ASFC a obtenu les résultats (non le rapport) de l’évaluation, le 5 janvier 2005. Le fonctionnaire a été jugé apte à reprendre ses fonctions habituelles, sans besoin de restriction ou de mesures d’adaptation. Le psychiatre a également témoigné à l’audience pour le fonctionnaire. Il a renvoyé à son rapport du 20 décembre 2004 en insistant sur le fait que [traduction] « [les] antécédents semblent suggérer, sans être concluants, deux épisodes d’hypomanie sans épisodes dépressifs au cours de sa vie […] Aucun signe de ce problème ne s’est manifesté au cours des trois dernières semaines ». Le psychiatre n’avait pas traité le fonctionnaire à ce moment, et ne l’a pas traité depuis, il ne pouvait donc pas confirmer un diagnostic. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a admis ne pas avoir dit toute la vérité parce qu’il voulait retourner au travail et ne voulait pas être considéré comme inapte à travailler.

36 L’ASFC a licencié le fonctionnaire le 10 janvier 2005, en application des principes de mesures disciplinaires progressives.

37 Le fonctionnaire a écrit une lettre au DGR, le 17 janvier 2005, pour s’excuser de son comportement en 2004 et pour expliquer que son changement de comportement était attribuable à ses troubles médicaux et a été aggravé par son médicament.

38 Le fonctionnaire a déposé son grief, le 28 janvier 2005.

39 Le fonctionnaire a réalisé en mars 2005 ce qu’il avait fait et a obtenu des soins médicaux. Il a été traité pour une dépression à l’automne 2005. Il est mieux aujourd’hui.

40 J’ajouterais que tous les témoins de l’ASFC ont déclaré qu’ils ne travailleraient pas de nouveau avec le fonctionnaire à la suite de son comportement en 2004.

Résumé de l’argumentation

41 Avant d’entamer la présentation de son argumentation, la représentante du fonctionnaire a indiqué qu’elle ne débattrait pas de l’allégation du manquement à l’obligation d’accommodement, mais seulement du licenciement. J’ajouterais que, si elle avait tenté de débattre de ce point, je n’aurais pas eu la compétence nécessaire pour trancher une question visée par la Loi canadienne des droits de la personne (LCDP), en vertu de l’ancienne Loi, compte tenu de la décision dans Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27.

42 L’avocate de l’employeur a argué qu’il s’agissait d’un licenciement pour motif disciplinaire en vertu de l’alinéa 11(2)f) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP). Je dois répondre aux deux questions suivantes : 1) Les agissements reprochés se sont-ils produits? 2) Le cas échéant, la sanction était-elle justifiée?

43 La réponse à la première question est claire. Ils se sont produits et le fonctionnaire a admis ce fait.

44 Quant à la deuxième question, l’avocate de l’employeur a fait valoir que la sanction était justifiée en raison des faits au moment du licenciement et des mesures disciplinaires progressives ayant été imposées. La relation d’emploi s’était détériorée de façon irrémédiable. L’insubordination, le langage injurieux et le comportement agressif n’ont pas été contestés. L’employeur craignait pour la santé et la sécurité du fonctionnaire et de ses collègues de travail, et il a demandé une ÉAT à trois reprises. Chaque ÉAT indiquait que le fonctionnaire était apte à travailler, sans mesure d’adaptation. Compte tenu des proportions que prenait son insubordination, des mesures disciplinaires et des avertissements dûment donnés que d’autres mesures, pouvant aller jusqu’au licenciement, pourraient être prises, de l’absence de preuve d’un trouble médical expliquant le changement de comportement et de l’incapacité de modifier le comportement du fonctionnaire par les procédures ordinaires, l’employeur n’avait d’autre choix que de le licencier.

45 En ce qui concerne les facteurs atténuants, l’avocate de l’employeur a invoqué les sections 7:3430 et 7:3660 de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e éd., intitulées [traduction] « Comportement agressif et abusif » et [traduction] « Comportement insolent et provocateur » respectivement, plus particulièrement ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En règle générale, on a fait valoir que le renvoi peut s’appliquer lorsqu’on peut dire que la conduite de l’employé, dans son ensemble, est ‘ suffisamment méprisante de l’autorité pour justifier la conclusion qu’il faudrait mettre un terme à la relation d’emploi. ’

[…]

46 Selon l’avocate de l’employeur, l’insubordination était grave et outrageante, le comportement  à l’égard de la direction était conflictuel et provocateur et a suscité de l’anxiété, voire de la peur, chez ses collègues de travail. Par ailleurs, le fonctionnaire ne s’est jamais prévalu des occasions lui ayant été données de corriger son comportement. Les trois ÉAT n’ont pas permis de démontrer l’existence d’un trouble médical expliquant le comportement anormal. Par conséquent, la direction n’avait aucun facteur atténuant lui permettant de changer sa décision de licencier le fonctionnaire.

47 L’avocate de l’employeur m’a également renvoyé au passage suivant de Compagnie minière Québec Cartier c. Québec (Arbitre des griefs), [1995] 2 R.C.S. 1095,   en me rappelant la jurisprudence concernant la preuve d’événements subséquents :

[…]

Lorsqu’il examine la décision d’une compagnie de congédier un employé, l’arbitre doit déterminer si la compagnie avait une «cause juste et suffisante» pour congédier l’employé au moment où elle l’a fait.  Dans sa décision, l’arbitre peut se fonder sur une preuve d’événements subséquents, mais seulement lorsqu’elle est pertinente relativement à la question dont il est saisi, c.-à-d. lorsqu’une telle preuve aide à clarifier si le congédiement était raisonnable et approprié au moment où il a été ordonné.

[…]

48 L’avocate de l’employeur a également invoqué Funnell c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), dossier de la CRTFP 166-2-25762 (19950818), et Casey c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2005 CRTFP 46, concernant la preuve d’événements subséquents.

49 L’avocate de l’employeur a aussi cité les paragraphes 103 et 104 de Doucette c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2003 CRTFP 66, si je décidais d’annuler le licenciement :

[103]   Si l’arbitre de griefs considère que le congédiement n’est pas justifié, la présomption est favorable à la réintégration, à moins qu’il n’y ait des raisons de conclure qu’elle ne serait pas appropriée. La Cour fédérale s’est prononcée le plus récemment sur la compétence de la Commission d’ordonner le versement d’une indemnité plutôt que la réintégration dans Bellavance c. Canada, [2000] A.C.F. no 1284, en ne décidant de ne pas intervenir dans la décision de l’arbitre de griefs d’ordonner le versement d’une indemnité plutôt que la réintégration. Dans ses motifs, la Cour a cité ceux du juge Létourneau, auteur de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Énergie atomique du Canada c. Sheikholeslami, [1998] 3 C.F. 349 :

Il est vrai que la réintégration n’est pas un droit, même lorsque le congédiement est jugé injuste; cependant, comme les auteurs I. Christie et al. le soulignent, une très grande prudence s’impose au moment d’invoquer l’exception à la réintégration, faute de quoi l’employé congédié injustement risque d’être pénalisé en perdant son emploi […] En fait, une conclusion de congédiement injuste signifie que la relation de travail n’aurait pas dû être rompue au départ. En pareil cas, il existe nettement une présomption en faveur de la réintégration, sauf lorsque la preuve indique manifestement le contraire.

[104]   Le critère que les arbitres de griefs ont articulé consiste à savoir si la relation de confiance a été irréparablement ou irrévocablement rompue ou pas; par exemple, voir McIntyre (dossier de la Commission 166-2-25417) et Amarteifio (dossier de la Commission 166-2-25829).

50 Compte tenu que le lien de confiance avec le fonctionnaire a été rompu, l’avocate de l’employeur a fait valoir que je ne devrais pas ordonner sa réintégration, mais plutôt un paiement en remplacement. Comme le fonctionnaire avait à son actif cinq années de service, le montant se situerait autour de trois à cinq mois de salaire au taux de rémunération de la classification PM-02 au moment du licenciement.

51 La représentante du fonctionnaire a reconnu qu’il s’agissait d’un licenciement pour des motifs disciplinaires en vertu de l’alinéa 11(2)f) de la LGFP et que les faits ne sont pas contestés. Cependant, elle a souligné que le licenciement devrait découler exclusivement des incidents mentionnés dans la lettre de licenciement du 10 janvier 2005, survenus les 15, 16 et 19 novembre 2004. Les incidents s’étant produits antérieurement servent de contexte puisque des mesures disciplinaires avaient déjà été imposées au fonctionnaire à leur égard.

52 La représentante du fonctionnaire a soutenu que le litige ne vise pas à déterminer si les mesures disciplinaires imposées étaient justifiées compte tenu des actions commises. La question est de savoir si l’inconduite de novembre 2004 était imputable à un trouble médical, rendant le fonctionnaire insensible aux mesures disciplinaires. S’il s’agit d’une mesure disciplinaire progressive, comme le prétend l’employeur, où est la preuve démontrant l’échec des mesures disciplinaires à corriger le comportement? Rien ne démontre clairement qu’il y ait eu échec des mesures disciplinaires progressives. Elles n’ont pas échoué parce que le fonctionnaire est une personne têtue et insolente n’ayant aucun respect pour le code d’éthique, mais en raison du trouble médical sous-jacent dont il souffrait et dont l’employeur soupçonnait l’existence. La preuve démontre que plusieurs témoins considéraient que le comportement du fonctionnaire ne lui ressemblait pas, et l’employeur a même été jusqu’à demander une ÉAT, à trois occasions. Le présent cas est plus complexe qu’un échec des mesures disciplinaires.

53 Le fonctionnaire n’a pas contesté la chronologie des événements, mais a soumis que son comportement était insensible aux mesures disciplinaires en raison d’un trouble médical. Son comportement a commencé à changé à la fin de 2003, et plusieurs signes sont apparus en 2004. L’employeur aurait dû faire plus que de simplement demander une ÉAT. Il aurait dû se questionner sur le comportement, décrire celui-ci et demander l’avis d’un expert en troubles mentaux. L’employeur aurait dû demander au psychiatre son rapport du 20 décembre 2004, avant de prendre la décision de licencier le fonctionnaire. Il aurait pu constater l’existence d’une preuve que le fonctionnaire souffrait d’un trouble affectif bipolaire, plus particulièrement, d’épisodes hypomaniaques. Il aurait pu raisonnablement tirer une telle conclusion face au comportement inusité du fonctionnaire, ce qui aurait permis d’atténuer la situation et d’éviter le licenciement. L’employeur n’a pas « creusé » assez profond avant de licencier le fonctionnaire.

54 La représentante du fonctionnaire a déclaré que l’employeur a invoqué la jurisprudence pour un cas simple d’insubordination, mais cela n’est pas le cas en l’espèce.

55 La représentante du fonctionnaire a invoqué la décision Douglas c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2004 CRTFP 60, dans laquelle l’arbitre de grief a ordonné la réintégration de la fonctionnaire s’estimant lésée après avoir reconnu que son trouble bipolaire avait influé sur son comportement.

56 La représentante du fonctionnaire m’a ensuite renvoyé à Spawn c. Agence Parcs Canada, 2004 CRTFP 25, pour expliquer le critère de la défense médicale :

[…]

[173]  L’employeur a ensuite renvoyé aux pages 114-115 de la décision de Postes Canada dans laquelle l’arbitre a cité un critère en quatre points tiré d’une décision de l’arbitre Ish dans l’affaire Re Canada Safeway Ltd. And R.W.D.S.U. (MacNeil) (1999), 82 L.A.C. (4th) 1 :

[Traduction]

 1. Il faut établir la présence d’une maladie, d’une affection ou d’une situation vécue par le fonctionnaire s’estimant lésé. Il peut s’agir d’une réelle maladie ou de circonstances dans la vie d’une personne qui entraînent une détresse psychologique intense et peuvent s’avérer aussi débilitantes qu’une maladie reconnue. […]

2. Une fois que l’existence d’une maladie ou d’une affection a été confirmée, il faut établir un lien étroit entre la maladie ou l’affection et l’inconduite. La simple existence d’un stress psychologique n’entraîne pas automatiquement un comportement répréhensible, comme le vol. Encore une fois, les experts en fournissent généralement la preuve. Il ne s’agit pas d’un critère scientifique et souvent un conseil d’arbitrage, en sa qualité de juge des faits, tire des conclusions qui l’orientent dans une direction ou une autre.

3. Si un lien est établi entre la conduite aberrante et la maladie ou l’affection, le conseil d’arbitrage doit tout de même être persuadé que le transfert de responsabilité du fonctionnaire s’estimant lésé était suffisant pour réduire la culpabilité de celui-ci … même si la dépendance à l’alcool ou au jeu est démontrée [page 115] et même s’il est établi qu’en l’absence de cette affection une conduite aberrante, telle que le vol, ne serait pas survenue, il peut toujours être conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé était assez responsable de ses gestes pour ne pas justifier une substitution de peine. C’est exactement ce qui s’est produit dans l’affaire SaskTel [Ish, non publiée, 14 juillet 1998] dans laquelle il a été conclu, après avoir reconnu que le fonctionnaire s’estimant lésé souffrait d’une dépendance pathologique ou compulsive au jeu ayant pu contribuer à lui faire commettre des vols, que le fonctionnaire s’estimant lésé était pleinement conscient de son problème et des possibilités s’offrant à lui pour corriger ce problème. Autrement dit, l’existence d’une dépendance ne justifie pas à elle seule une conduite aberrante grave. Plusieurs personnes sont aux prises avec un problème d’alcool, de narcotique ou de jeu, mais un très petit nombre d’entre eux volent de l’argent.

4. En présumant que les trois éléments susmentionnés ont été établis, le conseil d’arbitrage doit être convaincu que le fonctionnaire s’estimant lésé a été réhabilité. Il faut notamment que le conseil d’arbitrage croit que les problèmes fondamentaux du fonctionnaire s’estimant lésé sont contrôlés. Il est naturellement impossible d’obtenir une certitude absolue et il ne faut pas la rechercher. Cependant, il faut être confiant, dans une certaine mesure, que l’employé peut retourner au travail et y être efficace et que les problèmes sous-jacents ayant mené aux comportements répréhensibles ont été réglés afin de minimiser le risque d’une récidive ou de l’apparition d’un comportement semblable à l’avenir. Encore une fois, outre la preuve fournie par le fonctionnaire s’estimant lésé, une preuve d’expert est habituellement soumise afin d’attester de la réhabilitation.

[…]

57 La représentante du fonctionnaire a ensuite expliqué que le fonctionnaire souffrait d’hypomanie et d’un trouble bipolaire lorsque le comportement est survenu. Les épisodes hypomaniaques ont influé sur le comportement du fonctionnaire au travail, comme en témoigne son changement de personnalité. Le psychiatre a expliqué que les personnes souffrant d’un trouble affectif bipolaire n’ont aucune idée qu’ils se conduisent de manière répréhensible. Il a également confirmé que, si elles sont traitées, les personnes atteintes d’un trouble affectif bipolaire peuvent être productives. La représentante du fonctionnaire a ensuite soumis que la défense médicale s’applique, que le comportement du fonctionnaire était non blâmable et que le licenciement n’était pas fondé sur un motif valable.

58 Subsidiairement, si je n’accepte pas la défense du trouble médical combinée à un dossier vierge, la candeur du fonctionnaire et les remords qu’il a exprimés devraient être des circonstances atténuantes suffisantes pour réduire la sanction. La représentante du fonctionnaire a de nouveau cité Douglas dans laquelle la sanction a été réduite et des conditions ont été imposées au fonctionnaire afin de démontrer à l’employeur que la maladie était traitée. Elle a soutenu que je pourrais faire de même. Elle a invoqué Millar c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2001 CRTFP 120, qui reposait sur la même démarche.

59 En réponse à la position de l’employeur selon laquelle je ne devrais pas réintégrer le fonctionnaire, la représentante de celui-ci a fait valoir que, dans Wentges c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2010 CRTFP 24, il y a une présomption forte en faveur de la réintégration et que l’indemnité tenant lieu de réintégration est une exception.

60 Si je devais conclure que la réintégration n’est pas opportune, la représentante du fonctionnaire a présenté les cas suivants énonçant les formules que je devrais utiliser, tout particulièrement en ce qui concerne la perte des droits en vertu de la convention collective : Canvil v. International Assn. of Machinists and Aerospace Workers, Lodge 1547 (Stone) (Re) (2006), 152 L.A.C. (4e) 378; Cassellholme Home for the Aged (District of East Nipissing) v. Canadian Union of Public Employees, Local 146 (Morabito) (Re) (2007), 159 L.A.C. (4e) 252.

61 L’avocate de l’employeur a répliqué que, même si les bonnes questions avaient été posées, le fonctionnaire a refusé de coopérer et ne voulait pas que son état de santé soit connu, il n’y aurait donc toujours pas eu de preuve d’un trouble médical. En ce qui a trait à la défense médicale, la première exigence est l’existence d’un trouble médical. Selon le psychiatre, il n’y a pas de preuve concluante, simplement une preuve suggestive. Quant au paiement en lieu de la réintégration, l’employeur ne paie pas d’intérêts.

Motifs

62 Il s’agit d’un licenciement pour des motifs disciplinaires en vertu de l’alinéa 11(2)f) de la LGFP. Je dois déterminer ce qui suit :

1) Le fonctionnaire a-t-il commis les actes d’insubordination qu’on lui reproche?

2) Existe-t-il une défense médicale?

3) Le congédiement était-il une sanction justifiée, compte tenu des circonstances?

4) Si le licenciement n’est pas opportun, la réintégration est-elle opportune en l’espèce?

63 Il est facile de répondre à la première question étant donné que le fonctionnaire a reconnu tous les faits soumis par les témoins de l’employeur. Par conséquent, il est coupable des actes d’insubordination commis les 15, 16 et 19 novembre 2004, à la suite d’une série d’incidents au cours desquels le fonctionnaire a manifesté un comportement hostile. Dans un des cas, il a reçu une suspension de cinq jours.

64 En ce qui a trait à la deuxième question, je me suis penché sur les cas invoqués par la représentante du fonctionnaire. Dans la décision Douglas, j’ai noté que l’arbitre de grief s’est attribué la compétence relativement à une affaire touchant les droits de la personne, parce que le fonctionnaire s’estimant lésé avait également déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne et que celle-ci avait exercé son pouvoir discrétionnaire en application de l’alinéa 41(1)b) de la LCDP afin de ne pas traiter la plainte à ce moment. Il avait également la preuve qu’un trouble médical existait au moment des incidents ayant mené au licenciement. Quant à la décision Spawn, l’arbitre de grief a étudié la preuve médicale qui était établie comme étant présente au moment de la conduite reprochée au fonctionnaire s’estimant lésé, à titre de mesure d’atténuation pour réduire la sanction.

65 Le présent cas est différent. Le premier élément du critère de la défense médicale est d’établir la présence d’une maladie, d’une affection ou d’une situation vécue par le fonctionnaire.

66 Malheureusement, ce n’est pas le cas en l’espèce. La seule preuve médicale dont je dispose est le rapport et le témoignage du psychiatre qui a évalué le fonctionnaire, le 20 décembre 2004. Le psychiatre a conclu qu’il était possible que le fonctionnaire souffrait d’épisodes hypomaniaques ou d’un trouble bipolaire en 2004, mais il n’était pas en mesure de se prononcer de manière concluante. Le fonctionnaire faisait partie du problème. Il a admis, lors de son témoignage, ne pas avoir dit toute la vérité et ne pas avoir fourni les renseignements requis au psychiatre parce qu’il voulait retourner au travail et qu’il ne voulait pas être déclaré inapte à travailler. Par conséquent, il a été l’architecte de son propre malheur.

67 En ce qui a trait aux troisième et quatrième questions, j’estime que le licenciement était opportun compte tenu des circonstances. Je conclus que le comportement du fonctionnaire, de décembre 2003 à novembre 2004, a pris des proportions telles que son attitude à l’égard de la direction était tellement méprisante de l’autorité que le lien de confiance a été rompu irrévocablement. La direction a tenté de comprendre et de trouver une explication au changement de comportement de cet employé qui était un bon employé auparavant. Aucune explication n’a été donnée, et les mesures disciplinaires progressives n’ont pas corrigé le comportement. Elles ont même semblé l’aggraver. Par conséquent, l’employeur n’avait d’autre choix que de le licencier.

68 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

69 Le grief est rejeté.

Le 15 juin 2010.

Traduction de la CRTFP

Michel Paquette,
arbitre de grief

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