Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse a déposé un grief pour contester son licenciement pour un motif valable - l’avocate de la demanderesse avait avisé l’employeur du renvoi du grief à l’arbitrage et l’employeur avait accusé réception de cette information, mais les dossiers de la Commission ne contenaient aucune indication que le renvoi avait été reçu - l’employeur savait que la Commission n’avait pas reçu le renvoi à l’arbitrage mais il n’en avait pas informé l’avocate de la demanderesse; plus de trois mois se sont écoulés avant que l’avocate de la demanderesse apprenne que le grief n’avait pas été reçu - la demanderesse a alors expédié un autre renvoi par télécopieur et fait suivre l’original par la poste - l’employeur a soulevé une objection pour cause de non-respect du délai de présentation du renvoi à l’arbitrage - la demanderesse a alors présenté une demande de prorogation du délai pour le renvoi du grief - durant le processus de dépôt des arguments, l’employeur a avisé la Commission qu’il <<[traduction] [...] a[vait] décidé de ne pas soumettre d’observations [...]>> au sujet de la demande de prorogation et qu’il ne contestait pas les observations de la demanderesse - le retard en question n’était pas excessif; le défendeur avait été avisé du renvoi à l’arbitrage dans le délai prescrit; au surplus, il n’a pas démontré que la prorogation du délai lui causerait un préjudice. Demande accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-01-15
  • Dossier:  568-35-202
  • Référence:  2010 CRTFP 8

Devant le président


ENTRE

ALITA PERRY

demanderesse

et

INSTITUTS DE RECHERCHE EN SANTÉ DU CANADA

défendeur

Répertorié
Perry c. Instituts de recherche en santé du Canada

Affaire concernant une demande visant la prorogation d’un délai visée à l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Ian R. Mackenzie, vice-président

Pour la demanderesse:
Melynda Layton, avocate

Pour le défendeur:
Karl Chemsi, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 12 et 23 novembre et le 14 décembre 2009.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant le président

1 Il s’agit d’une demande de prorogation du délai pour un renvoi à l’arbitrage qui n’a pas été reçu à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) dans le délai prescrit, mais qui a été communiqué aux Instituts de recherche en santé du Canada (le « défendeur ») avant l’expiration du délai applicable.  

2 Conformément à l’article 45 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, le président m’a autorisé, en ma qualité de vice-président, à exercer tous ses pouvoirs ou à m’acquitter de toutes ses fonctions en application de l’alinéa 61b) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique pour entendre et trancher toute question relative à la prorogation de délais.

3 Les faits essentiels n’étant pas contestés, j’ai déterminé que je pouvais trancher l’affaire au moyen d’arguments écrits. Les arguments des parties ont été versés au dossier de la CRTFP. J’en présente un résumé dans la présente décision.

II. Contexte

4 Alita Perry (la « demanderesse ») a été licenciée pour un motif valable le 14 avril 2009. Elle a contesté la mesure par voie de grief et reçu la réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le 18 juin 2009. L’avocate de Mme Perry allègue que le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 22 juin 2009, par courrier à la CRTFP. Les dossiers de la CRTRP ne contiennent aucun document indiquant que le renvoi à l’arbitrage a été reçu.

5 Le même jour, l’avocate de la demanderesse a envoyé par télécopieur une copie de l’avis de renvoi à l’arbitrage (formule 21) au directeur des Ressources humaines du défendeur et à John Lukaszczyk, conseiller en relations de travail du défendeur. Dans le cadre de la présente demande, l’avocate de la demanderesse a déposé une copie de la lettre d’accompagnement envoyée au défendeur, ainsi que l’accusé de réception de la formule envoyée par télécopieur le 22 juin 2009.

6 Après le 22 juin 2009, l’avocate de la demanderesse a eu un échange de courriels avec M. Lukaszczyk concernant le renvoi à l’arbitrage. Cet échange de courriels a également été mis en preuve dans le cadre de la présente demande. Dans un courriel daté du 7 juillet 2009, M. Lukaszczyk a confirmé que le grief a été renvoyé à l’arbitrage. Dans un courriel antérieur (daté du 23 juin 2009) à Francis Savage, M. Lukaszczyk a indiqué que le grief a été renvoyé à l’arbitrage. 

7 Le 14 juillet 2009, M. Lukaszczyk a envoyé un courriel à la CRTFP pour savoir si le renvoi à l’arbitrage avait été reçu. Il a été avisé par téléphone que le renvoi n’avait pas encore été reçu.   

8 Le 26 octobre 2009, l’avocate de la demanderesse a communiqué avec la CRTFP pour savoir où en était rendu le renvoi à l’arbitrage. Elle a informé la CRTFP que le grief avait été renvoyé à l’arbitrage en juin 2009, par courrier ordinaire. Les dossiers de la CRTFP ne contenaient aucun document indiquant que le renvoi avait été reçu. L’avocate de la demanderesse n’avait aucune preuve qu’il avait été envoyé à la CRTFP parce qu’elle l’avait expédié par courrier ordinaire.

9 Elle a envoyé un nouvel avis de renvoi à l’arbitrage par télécopieur, le 26 octobre 2009, et la copie papier, le 28 octobre 2009.

10 Dans un courriel adressé à la CRTFP le 12 novembre 2009, l’avocat du défendeur soulève une objection quant à la recevabilité du grief et demande que le grief soit rejeté sans audience.    

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la demanderesse

11 La demanderesse défend la position que le grief a été renvoyé à l’arbitrage dans le délai prescrit. Le défendeur savait que le grief avait été renvoyé à l’arbitrage. En dépit du vice de procédure, le défendeur a toujours su que le grief avait été renvoyé à l’arbitrage. L’erreur administrative de la demanderesse ne devrait pas lui être préjudiciable.

12 Le défendeur savait le 14 juillet 2009 que la CRTFP n’avait pas reçu le renvoi à l’arbitrage; il aurait été raisonnable qu’il en avise la demanderesse ou son avocate.

13 Subsidiairement, la demande de prorogation de délai devrait être accueillie. Les critères suivants ont été appliqués par la CRTFP dans le passé pour déterminer si un délai doit être prorogé :

  • Les raisons avancées pour justifier le retard sont-elles claires, logiques et convaincantes?
  • Quelle est la durée du retard?
  • Quelle est l’injustice causée à l’employé par rapport au préjudice subi par l’employeur si la prorogation est accordée?
  • Quelles sont les chances de succès du grief, ou le grief est-il sans fondement?

14 Le retard n’est pas d’une durée excessive. Un retard de deux mois n’est pas un retard important. De plus, le fait que le grief a été renvoyé à l’arbitrage par la demanderesse et que le défendeur le reconnaisse accrédite l’argument que le retard n’est pas important.

15 Le préjudice causé à la demanderesse serait considérable si le délai n’était pas prorogé. La demanderesse a été licenciée après 15 ans d’emploi. Le grief n’est pas sans fondement.

16 La CRTFP a le pouvoir de remédier aux vices de forme et elle devrait exercer ce pouvoir dans ce cas-ci. On a attiré mon attention sur Enns c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 171, et Trenholm c. Personnel des fonds non publics, 2005 CRTFP 65. 

17 Le défendeur n’a fourni aucun renseignement pour établir que le retard lui avait causé un préjudice. On a attiré mon attention sur Coram c. le Conseil du Trésor (Transports Canada), dossiers de la CRTFP 149-02-156 et 166-02-26146 (19960819). 

B. Pour le défendeur

18 Dans une lettre datée du 14 décembre 2009 à la CRTFP, le défendeur a formulé les observations suivantes :

[Traduction]

[…]

Après examen de la demande de la fonctionnaire s’estimant lésée et quoiqu’il n’existe aucune preuve que l’avis de renvoi à l’arbitrage a été envoyé à la Commission dans le délai prescrit, l’employeur a décidé de ne pas soumettre d’observations au sujet de la demande de prorogation.

Par conséquent, l’employeur laisse au président de la Commission la discrétion d’appliquer l’article 61 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

[…]

IV. Motifs

19 On ne saura jamais pourquoi le renvoi à l’arbitrage initial n’a jamais été reçu par la CRTFP. Cela démontre l’importance de télécopier les documents introductifs d’instance (en faisant suivre les originaux) afin de disposer d’une preuve de la date à laquelle le grief a été renvoyé à l’arbitrage ou d’utiliser une autre méthode pour confirmer l’envoi d’un document introductif d’instance.

20 Il va de soi que l’avis de renvoi à l’arbitrage n’a pas été reçu à la CRTFP dans le délai prescrit. Le renvoi ne peut pas être considéré comme recevable en l’absence de preuve que la CRTFP l’a bien reçu. C’est pourquoi je dois me pencher sur la demande de prorogation de délai faite par la demanderesse.

21 Puisque le défendeur n’a pas soumis d’arguments, il est impossible de connaître sa position sur la demande de prorogation de délai. Le défendeur ne conteste pas les arguments de la demanderesse. Il indique qu’il savait que le grief avait été renvoyé à l’arbitrage et qu’il savait également que la CRTFP ne l’avait pas reçu.

22 Le retard pour le renvoi à l’arbitrage n’était pas excessif, le défendeur a été informé dans le délai prévu que le grief avait été renvoyé à l’arbitrage et le défendeur n’a pas démontré que la prorogation du délai lui causerait un préjudice. Par conséquent, une prorogation du délai pour renvoyer le grief à l’arbitrage est justifiée.

23 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

24 La demande de prorogation du délai est accueillie.

Le 15 janvier 2010.

Traduction de la CRTFP

Ian R. Mackenzie,
vice-président

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