Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée s’est opposé au remboursement de l’indemnité versée par l’employeur lors de son congé de maternité - la convention collective ainsi que l’entente prévoyaient que l’indemnité devait être remboursée si la fonctionnaire ne travaillait pas pour une période suffisante après le congé - le contrat de la fonctionnaire n’a pas été renouvelé - l’arbitre de grief a jugé que la fonctionnaire était tenue de rembourser l’indemnité. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-05-19
  • Dossier:  166-02-37544
  • Référence:  2010 CRTFP 66

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MÉLANIE HOULE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Ministère des Ressources humaines et Développement des compétences)

employeur

Répertorié
Houle c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et Développement des compétences)

Affaire concernant un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Roger Beaulieu, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Rima Zamat, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Marie-Josée Bertrand, avocate

Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 15 octobre 2009 suivie d’une vérification par l'employeur de certains éléments de la
preuve exigée par l’arbitre du grief et transmise à la Commission le 9 décembre 2009.

I. Grief renvoyé à l'arbitrage

1  Le présent grief concerne l’interprétation des dispositions de l’article 38 (congé de maternité non payé) de même que l’article 40 (congé parental non payé) de la convention collective pour le groupe des Services des programmes et de l’administration conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « convention collective »), expirant le 20 juin 2003.

2 Le grief de Mélanie Houle, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») contre le ministère des Ressources humaines et Développement des compétences Canada (l’« employeur ») se lit comme suit :

Lors de mon congé de maternité, on m’a fait signer une entente : « je m’engageais à retourner au travail le 14 avril 2003 à défaut de quoi je devrais rembourser mes prestations supplémentaires de chômage. J’ai respecter mon engagement, mais vous m’avez empêcher de retourner au travail.

Je demande donc d’annuler votre décision de me demander un remboursement des Prestations supplémentaires de chômage et de me rembourser mon dû.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

3 Les articles 38 et 40 de la convention collective prévoient un supplément d’indemnités dans certaines circonstances. En l’espèce, je vais m’attarder spécifiquement à l’indemnité de maternité prévue à la clause 38.02 puisque les parties ont insisté sur les circonstances de l’indemnité de maternité quoique les dispositions de l’indemnité de maternité soient semblables à celles prévue pour les indemnités parentales de la clause 40.02 de la convention collective.

4 La clause 38.02 de la convention collective se lit comme suit :

38.02 Indemnité de maternité

a) L'employée qui se voit accorder un congé de maternité non payé reçoit une indemnité de maternité conformément aux modalités du Régime de prestations supplémentaires de chômage (RPSC) décrit aux alinéas c) à i), pourvu qu'elle :

(i) compte six (6) mois d'emploi continu avant le début de son congé de maternité non payé,

(ii) fournisse à l'Employeur la preuve qu'elle a demandé et reçoit des prestations de grossesse en vertu de l'article 22 de la Loi sur l'assurance-emploi à l'égard d'un emploi assurable auprès de l'Employeur,

et

(iii) signe une entente avec l'Employeur par laquelle elle s'engage :

(A) à retourner au travail à la date à laquelle son congé de maternité non payé prend fin à moins que l'Employeur ne consente à ce que la date de retour au travail soit modifiée par l'approbation d'un autre type de congé;

***

(B) suivant son retour au travail tel que décrit à la division (A), à travailler une période égale à la période pendant laquelle elle a reçu l'indemnité de maternité;

***

(C) à rembourser à l'Employeur le montant déterminé par la formule suivante si elle ne retourne pas au travail comme convenu à la division (A) ou si elle retourne au travail mais ne travaille pas la période totale stipulée à la division (B), à moins que son emploi ne prenne fin parce qu'elle est décédée, mise en disponibilité, ou que sa période d'emploi déterminée qui aurait été suffisante pour satisfaire aux obligations précisées à la division (B) s'est terminée prématurément en raison d'un manque de travail ou par suite de la cessation d'une fonction, ou parce qu'elle est devenue invalide au sens de la Loi sur la pension de la fonction publique :

(indemnité reçue)X (période non travaillée après
son retour au travail)
[période totale à travailler
précisée en (B)]

toutefois, l'employée dont la période d'emploi déterminée expire et qui est réengagée par le même ministère dans les cinq (5) jours suivants n'a pas besoin de rembourser le montant si sa nouvelle période d'emploi est suffisante pour satisfaire aux obligations précisées à la division (B).

5 Les réponses aux questions soulevées dans la présente affaire se trouvent dans les dispositions énumérées ci-haut.

6 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l'article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l'article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l'arbitrage de grief doit être décidé conformément à l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

II. Résumé de la preuve

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

7 La fonctionnaire a témoigné.

8 La fonctionnaire a satisfait aux exigences des clauses 38.02(a)(i) et (ii) et cela n’est pas contesté par l’employeur. La fonctionnaire était admissible à l’indemnité qu’elle a reçue; elle était toutefois tenue de rembourser si elle ne travaillait pas une période équivalente à son retour.

9 Voici quelques détails importants soumis en preuve par les parties et qui ne sont pas contestés. La fonctionnaire avait obtenu un contrat d’une durée déterminée au groupe et niveau CR-05 au centre d’appels régional pour la période du 26 septembre 2002 au 26 mars 2003; le contrat a été prolongé du 27 mars au 30 avril 2003. En date du 9 avril 2003, la fonctionnaire avait été avisée de la fin de son contrat le 30 avril 2003 par Michel Lamarche, directeur des centres d’appel du Québec. Le 9 mai 2003, M. Lamarche a confirmé une seconde fois à la fonctionnaire que le 30 avril 2003 était la date de fin de son contrat.

10 La fonctionnaire a signé avec l’employeur une entente qui figure à la pièce S-3 et se lit comme suit :

SERVICES DES PROGRAMMES ET DE L’ADMINISTRATION
AFPC (AS, CM, CR, DA, IS, OE, PM, ST)

PROTOCOLE D’ENTENTE ET ENGAGEMENT CONCERNANT LE CONGÉ DE MATERNITÉ
  1. La présente entente entre Mélanie Houle (employée) et Développement des Ressources Humaines Canada au nom de l’employeur, le Secrétariat du Conseil du Trésor, est conclue conformément aux clauses 38.01 et 38.02 de la convention collective du groupe des Services des programmes et de l’administration, ratifiée par le secrétariat du Conseil du Trésor et l’Alliance de la fonction publique du Canada
  2. Comme convenu en 38.02(a)(iii)(A) et (B), je m’engage à retourner au travail pour l’employeur le 22-04-2003 à moins que cette date ne soit modifiée avec son consentement. Suivant mon retour de congé de maternité non payé, je travaillerai une période égale à la période pendant laquelle j’aurai reçu l’indemnité de maternité.
  3. Nonobstant ce qui précède, et conformément à la clause 38.02(a)(iii)(A), je m’engage à retourner au travail à la date à laquelle prendre fin le congé qui m’a été accordé en vertu de la clause 40.01 (parental) et/ou 41.02 (soins et l’éducation d’enfant d’âge préscolaire) et à travailler pour l’employeur conformément à l’article 2 du présent Protocole d’entente et d’engagement.
  4. Je sais que le devrai me conformer aux dispositions de la clause 38.02(a)(iii)(C) de la convention collective si je ne retourne pas au travail selon les modalités précitées.

11 Examinons maintenant si la fonctionnaire a satisfait aux exigences prévues dans la pièce S-3. La fonctionnaire a prétendu dans son témoignage qu’elle n’a jamais reçu une lettre, datée du 21 mai 2002 (pièce S-7), dont je cite les extraits pertinents :

[…]

Le 21 mai 2002

Mme Mélanie Houle
CAR-2829

[…]

Indemnité de maternité et parentale

Tel que prévu dans la convention collective et si vous nous fournissez une preuve que vous recevez des prestations en vertu du régime d’assurance-emploi, vous recevrez une indemnité liée au congé de maternité et parentale. Toutefois, étant donné que la durée de votre offre d’emploi ne couvre pas la période de votre congé sans solde, plus la période que vous devez compléter après votre retour au travail (tel qu’indiqué dans l’entente ci-jointe), nous vous recommandons d’attendre que votre contrat soit prolongé pour respecter la clause de retour au travail avant de demander de toucher l’indemnité.

De plus, vous devez signer l’entente ci-jointe dans laquelle vous vous engagez à retourner au travail et à demeurer à l’emploi tel que décrit dans l’entente, sinon, vous serez tenue de rembourser à l’employeur la totalité ou une partie des indemnités reçues en raison de votre congé, sauf si vous êtes mise en disponibilité ou si vous décédez.

Vous recevrez les indemnités suivantes :

  • pour les deux (2) premières semaines, une indemnité égale à 93% de votre traitement hebdomadaire brut;
  • pour une période additionnelle allant jusqu’à la fin de la période d’emploi (maximum 15 semaines), une indemnité égale à la différence entre les prestations d’assurance-chômage reçues et 93% de votre traitement hebdomadaire brut.
  • pour une période additionnelle allant jusqu’à la fin de la période d’emploi (maximum 35 semaines), une indemnité égale à la différence entre les prestations d’assurance-chômage reçues et 93% de votre traitement hebdomadaire brut

Étant donné que le montant des prestations payables pour les période additionnelles de 15 et 35 semaines est calculé en fonction des prestations reçues en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, vous devez compléter le formulaire ci-joint par un agent de l’assurance-emploi et nous le retourner. Lors de la réception de votre dernier chèque de prestations, vous devez nous faire parvenir une copie de vous talons « État des prestations d’assurance-emploi » ou une copie de l’écran EN19 que vous pourrez obtenir auprès de votre agent de l’assurance-emploi pour fins de vérification.

[…]

Vous voudrez bien nous informer de la date réelle de la naissance de l’enfant et nous faire parvenir la copie du certificat de naissance et celle du document légal d’adoption, s’il y a lieu

Dès que vous connaîtrez la date réelle de votre retour au travail, vous devez en aviser le commis en personnel de votre centre afin que nous puissions prendre les actions de paye requises pour vous reporter à l’effectif.

Si vous avez besoin de renseignements supplémentaires, n’hésitez pas à communiquer avec le commis en personnel de votre centre.

Mélanie Léger
Conseillère en rémunération

[Les passages en évidence le sont dans l’original]
[Sic pour l’ensemble de la citation]

12 La fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait jamais reçu cette lettre et que si elle l’avait reçue et lue, elle n’aurait jamais demandé l’indemnité de maternité supplémentaire, qu’elle se voit maintenant obligée de rembourser.

B. Pour l’employeur

13 L’employeur a fait témoigner deux personnes : M. Lamarche et Mélanie Léger, conseillère en rémunération.

14 M. Lamarche a témoigné en premier. Il est le directeur des centres d’appel du Québec où travaillent environ 125 employés nommés pour une durée déterminée, dont la fonctionnaire.

15 Il a déclaré qu’après deux ans de service cumulatif, l’employé nommé pour une durée déterminée peut figurer sur une liste d’admissibilité pour avoir la chance de devenir un employé nommé pour une durée indéterminée.

16 M. Lamarche est le gestionnaire qui a répondu au grief de la fonctionnaire au premier palier de la procédure de règlement des griefs.

17 Mme Léger, le deuxième témoin, est la personne qui a écrit la lettre adressée à la fonctionnaire, datée du 21 mai 2002. Elle est certaine qu’elle l’a envoyée à la fonctionnaire.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

18 En début d’argumentation, la représentente de la fonctionnaire m’a renvoyé à une étude indépendante de la Commission de la fonction publique du Canada, selon laquelle la fonction publique fédérale se fie trop sur la main-d’œuvre temporaire pour combler les besoins permanents de la fonction publique.

19 La représentante de la fonctionnaire a soulevé sa préoccupation concernant l’incertitude entourant la lettre du 21 mai 2002.

20 Finalement, la représentante de la fonctionnaire m’a demandé, au cas où je rejetterais le grief, de prévoir dans ma décision un montant de remboursement mensuel n’excédant pas 60 $.

B. Pour l’employeur

21 L’avocate de l’employeur a souligné que le libellé de la clause 38.02 de la convention collective est clair. Le contrat de durée déterminée n’a pas été reconduit, pour des raisons valables, et cette fin de contrat s’est faite, malheureusement pour la fonctionnaire, comme prévu lors de l’embauche de la fonctionnaire en tant qu’employée nommée pour une durée déterminée, sans discrimination envers elle.

22 L’avocate de l’employeur m’a soumis de la jurisprudence pertinente : Dionne c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossiers de la CRTFP 166-02-24975 et 166-02-24976 (19950110) et Guertin c. Conseil du Trésor (Anciens Combattants Canada), dossier de la CRTFP 166-02-18256 (19890710). Dans ces deux décisions, les dispositions des conventions collectives étaient semblables à celles en l’espèce. Les fonctionnaires ont été tenues de rembourser les indemnités versées lors du congé de maternité. Dans Dionne, il s’agissait d’un non-renouvellement de contrat. Dans Guertin, l’employeur avait omis de faire signer l’entente ; malgré cela la fonctionnaire devait quand même rembourser l’indemnité versée, conformément aux dispositions de la convention collective.  

23 L’avocate de l’employeur a demandé que le grief soit rejeté.

IV. Motifs

24 Je ne peux pas faire droit au grief pour les raisons suivantes.

25 La fonctionnaire a signé une entente en bonne et due forme (pièce S-3) conforme aux dispositions des clauses 38.02(a)(iii)(A), (B) et (C) de la convention collective. Le libellé de ces dispositions est clair et ne laisse pas de place à l’interprétation.

26 La preuve révèle que le contrat de la fonctionnaire n’a pas été renouvelé.

27 L’employeur a agi de plein droit en ne renouvelant pas le contrat de la fonctionnaire. Il n’y a aucune preuve de discrimination envers la fonctionnaire.

28 Lors de son témoignage, la fonctionnaire a dit qu’elle n’avait jamais reçu la lettre datée du 21 mai 2002. Elle a ajouté que si elle l’avait reçue, elle n’aurait jamais demandé l’indemnité supplémentaire prévue à la clause 38.02 de la convention collective.

29 Mme Léger a témoigné à l’effet qu’elle était certaine d’avoir fait parvenir à la fonctionnaire la lettre du 21 mai 2002.

30 Entre ces deux témoignages contradictoires, je retiens celui de Mme Léger. D’abord, la lettre du 21 mai 2002 comprenait le relevé d’emploi nécessaire pour faire la demande d’indemnité d’assurance-emploi, ainsi qu’un formulaire pour l’indemnité supplémentaire; or Mme Houle a retourné ce formulaire le 24 mai 2002, et elle a reçu toutes les indemnités dues. Il faut donc supposer qu’elle avait reçu la lettre.

31 Ensuite, il s’agissait du deuxième congé de maternité de Mme Houle; en avril 2001, elle avait reçu une lettre identique, avec la même mise en garde advenant la non-prolongation de son contrat de travail. Enfin, Mme Houle avait signé une entente qui prévoyait clairement le remboursement selon la disposition 38.02(a)(iii)(C) de la convention collective; il lui incombait de comprendre ce à quoi elle s’engageait en signant l’entente.

32 La preuve montre que l’employeur a exercé son droit de direction lorsqu’il n’a pas renouvelé le contrat de la fonctionnaire. La fonctionnaire, en perdant son emploi au sein de la fonction publique, a subi un sérieux préjudice financier. Elle avait à sa charge trois enfants mineurs, dont un enfant handicapé.

33 Depuis un long moment, la fonctionnaire rembourse à l’employeur un montant de 60 $ par mois pour sa dette d’indemnité de maternité supplémentaire.

34 La fonctionnaire n’a pas pu remplir son obligation de travail étant donné le non-renouvellement de son contrat. J’estime qu’elle avait été dûment avertie.

35 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

36 Le grief est rejeté.

37 Le montant du remboursement doit être maintenu à 60 $ par mois.

Le 19 mai 2010.

Roger Beaulieu,
arbitre de grief

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