Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son licenciement et l’annulation de sa cote de fiabilité - par décision d’un arbitre de grief, elle avait été réintégrée en situation de congé payé pendant que l’employeur effectuait une recherche diligente d’une durée de deux mois afin de lui trouver un autre poste - la fonctionnaire s’estimant lésée avait été licenciée parce qu’elle avait perdu sa cote de sécurité, une exigence du poste qu’elle occupait au Bureau du Conseil privé - l’employeur a mené une recherche au sein de la fonction publique fédérale dans la région de la capitale nationale - l’employeur n’a trouvé aucun poste, et il a licencié la fonctionnaire s’estimant lésée puis révoqué sa cote de fiabilité - l’arbitre de grief a statué que l’employeur avait mené une recherche diligente, mais qu’il n’avait pas pu trouver un poste - comme la révocation de la cote de fiabilité a suivi le licenciement et qu’il s’agissait d’une mesure administrative, l’arbitre de grief a statué qu’elle n’avait pas compétence pour statuer sur la révocation. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2010-09-10
  • Dossier:  566-02-602, 603 et 2358
  • Référence:  2010 CRTFP 98

Devant un arbitre de grief


ENTRE

HAIYAN ZHANG

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Bureau du Conseil privé)

employeur

Répertorié
Zhang c. Administrateur général (Bureau du Conseil privé)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Daniel Fisher, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'autre partie au grief :
Richard E. Fader, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 18 au 21 mai et le 10 août 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Introduction

1 La fonctionnaire s’estimant lésée, Haiyan Zhang (la « fonctionnaire »), a déposé deux griefs contestant respectivement son licenciement définitif, survenu le 13 avril 2006, et l’annulation de sa cote de fiabilité, le 18 avril 2006. Ces griefs résultent d’une sentence arbitrale touchant un licenciement de la fonctionnaire survenu antérieurement le 28 novembre 2003 (Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé), 2005 CRTFP 173) (Zhang no 1).

2 Pour mieux comprendre le contexte des griefs faisant l’objet du présent arbitrage, il est utile de résumer les événements ayant abouti à Zhang no 1 ainsi qu’à deux ordonnances subséquentes qu’un arbitre de grief a rendues dans cette affaire : Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé), 2009 CRTFP 22 (Zhang no 2) et Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé), 2010 CRTFP 46 (Zhang no 3).

3 Le 28 novembre 2003, la fonctionnaire a été licenciée pour des motifs non disciplinaires de son poste classifié aux groupe et niveau IS-05. Elle occupait à titre intérimaire un poste (classifié IS-06) d’analyste principale au Bureau du Conseil privé (BCP) au moment où sa cote de sécurité Secret a été révoquée et une cote de sécurité Très secret lui a été refusée. Les circonstances sont les suivantes.

4 Lorsqu’elle est entrée en fonction au BCP, le 24 février 2003, la fonctionnaire a obtenu une cote de sécurité Secret. Comme son travail exigeait qu’elle ait accès à des documents classifiés, elle a présenté une demande de cote de sécurité Très secret. L’évaluation de sécurité du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) recommandait de ne pas attribuer de cote Très secret à la fonctionnaire sur la base de renseignements défavorables qu’il avait reçus. Le 28 août 2003, suivant une recommandation faite au greffier du Conseil privé, on s’est servi de l’évaluation de sécurité de la demande de cote Très secret pour révoquer la cote Secret de la fonctionnaire, ce qui a eu pour résultat que la fonctionnaire ne pouvait plus travailler au BCP car il fallait au moins détenir la cote de sécurité Secret pour travailler là. On a alors mis la fonctionnaire en congé payé et on lui a refusé l’accès aux lieux de travail du BCP. En se fondant sur l’évaluation de sécurité, le greffier du Conseil privé a également décidé qu’il ne pouvait recommander la fonctionnaire pour occuper un emploi ailleurs dans la fonction publique fédérale, si bien qu’aucune autre mesure n’a été prise pour lui trouver un autre emploi. Le 16 octobre 2003, la fonctionnaire a été licenciée en application de l’alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP). Elle a déposé une plainte auprès du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité le 16 octobre 2003. Cette plainte a été rejetée le 4 mars 2005 après qu’on eut conclu que le greffier du Conseil privé avait des motifs raisonnables de refuser à la fonctionnaire la cote Très secret et de révoquer sa cote Secret.

5 Dans Zhang no 1, l’arbitre de grief a accueilli le grief en partie et a ordonné le rétablissement du congé payé de la fonctionnaire, à compter du 28 novembre 2003, et ce, jusqu’à ce que l’employeur ait fini de chercher un autre poste pour la fonctionnaire. L’arbitre de grief a également ordonné à l’employeur de chercher pour la fonctionnaire, « avec diligence », un autre poste de niveau équivalent ou inférieur à son poste d’attache (de groupe et de niveau IS-05) pendant deux mois à partir de la date de la décision. Le congé payé de la fonctionnaire a été rétabli à compter du 28 novembre 2003.

6 La décision de l’arbitre de grief a fait l’objet d’un contrôle judiciaire. Dans une décision datée du 1er mars 2007, la Cour fédérale a statué que, compte tenu de la réintégration de la fonctionnaire, la décision rendue par l’arbitre de grief avait été « plus qu’intégralement mise en application » et que la demande de contrôle judiciaire du BCP revêtait désormais un caractère théorique. La demande de contrôle judiciaire a donc été rejetée (voir Canada (Procureur général) c. Zhang, 2007 CF 235). Forte de ses antécédents, la fonctionnaire avait trouvé, à cette date, un autre emploi à Service Canada, faisant partie du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences. La fonctionnaire a depuis été licenciée de ce ministère. Toutefois, son grief contestant ce dernier licenciement ne fait pas l’objet du présent arbitrage.

7 Zhang no 2 concernait deux objections que l’employeur avait déposées relativement aux deux griefs qui font l’objet du présent arbitrage. La première objection portait sur la pertinence de joindre les deux griefs, et la seconde concernait la compétence d’un arbitre de grief d’entendre ces griefs. En ce qui concerne la première objection, l’arbitre de grief a statué que le grief contestant l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire était étroitement lié aux allégations contenues dans le grief contestant le licenciement de la fonctionnaire et que les griefs devaient être entendus ensemble. Quant à la seconde objection, l’arbitre de grief a conclu que le second licenciement soulevait deux questions distinctes relevant de la compétence d’un arbitre de grief, à savoir si l’employeur avait effectué une recherche diligente en vue de trouver un autre emploi à la fonctionnaire et si le deuxième licenciement de cette dernière reposait sur un motif valable.

8 Zhang no 3 portait sur l’objection de l’employeur à la production de documents avant l’audience pour la raison qu’ils étaient couverts par le privilège relatif aux relations de travail. L’arbitre de grief a ordonné que les documents soient divulgués à la fonctionnaire au motif qu’ils étaient d’une pertinence défendable pour le litige examiné et a statué que les documents dont on soutenait qu’ils étaient couverts par un privilège ne remplissaient pas les conditions nécessaires pour que l’on conclue à l’existence d’un privilège de principe particulier dans ce cas.

9 En conséquence, la présente décision porte sur le fond des deux griefs.

II. Résumé de la preuve

A. Témoignage de Michael Wernick

10 Au moment du dépôt des griefs, Michael Wernick était le sous-secrétaire du Cabinet, Planification et consultations, et l’un de plusieurs sous-secrétaires relevant du greffier du Conseil privé. La fonctionnaire faisait rapport au secrétaire adjoint, Mario Laguë, lequel relevait à son tour de M. Wernick. M. Wernick a participé au dossier de la révocation de la cote de sécurité de la fonctionnaire, en 2003. Il a expliqué que, à cette époque, la fonctionnaire ne pouvait continuer d’assumer les fonctions de son poste d’analyste principale sans détenir de cote de sécurité Très secret.

11 Après avoir été mis au courant de la décision rendue dans Zhang no 1, le BCP a décidé de se conformer à l’ordonnance et a demandé au Secrétariat du Conseil du Trésor de mener à sa place la recherche d’un autre emploi pour la fonctionnaire.

12 Cette recherche a commencé le 14 février 2006 et pris fin le 13 avril 2006. Le 7 avril 2006, M. Wernick a informé la fonctionnaire de son statut d’emploi et des conséquences à venir de la recherche d’emploi en ces termes :

[Traduction]

Madame Zhang,

Dans sa décision datée du 8 décembre 2005, l’arbitre de grief, Ian R. Mackenzie a ordonné à l’employeur d’effectuer, pendant une période de deux mois, une recherche diligente pour vous aider à trouver un autre poste de niveau équivalent (IS-5) ou inférieur. Il a en outre ordonné que votre emploi soit rétabli et que vous soyez mise en congé payé jusqu’au terme de cette recherche. Votre statut a donc été modifié pour respecter l’ordonnance de l’arbitre de grief, et vous devriez toucher sous peu la rémunération correspondante.

La recherche d’un autre emploi a été entreprise le 14 février 2006 et cessera le 13 avril 2006. Par la présente, nous vous avisons que, à moins que vous ne produisiez au Bureau du Conseil privé la preuve que vous avez trouvé un emploi dans un autre ministère, vous cesserez d’être une employée de la fonction publique à la fin de la journée du 13 avril 2006. 

On vous demande donc de transmettre, d’ici le mercredi 12 avril 2006, les renseignements nécessaires à Chantal Butler, conseillère en relations de travail, [adresse omise]. Si votre recherche d’emploi s’avère infructueuse, vous recevrez, le 13 avril 2006, une autre lettre vous informant de votre licenciement.

Pour toute question concernant ce qui précède, veuillez communiquer avec M. Jeff Laviolette, représentant principal de l’Employeur, Secrétariat du Conseil du Trésor [numéro de téléphone omis].

13 La fonctionnaire n’a pas répondu à cette lettre.

14 Le 13 avril 2006, M. Wernick a informé la fonctionnaire de son licenciement en ces termes :

[Traduction]

Madame Zhang,

La présente fait suite à ma lettre datée du 7 avril 2006 qui sollicitait de votre part des renseignements sur les résultats de votre recherche d’un autre emploi.

Comme vous n’avez pas été en mesure de nous fournir la preuve nécessaire confirmant que vous aviez trouvé un poste dans une autre partie de la fonction publique, je vous informe, par la présente, que, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet, il sera mis fin à votre emploi d’analyste principale au Bureau du Conseil privé à la fin du jour d’aujourd’hui, soit le 13 avril 2006.

Le licenciement est fait en application de l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Si vous souhaitez contester ce licenciement, vous avez le droit de présenter un grief dans les vingt-cinq (25) jours de la date à laquelle vous recevrez avis de la présente décision.

15 Le 18 avril 2006, la cote de fiabilité de la fonctionnaire a fait l’objet d’une annulation administrative. La fonctionnaire en a été informée par la lettre suivante, datée du 18 avril 2006 :

[Traduction]

Madame Zhang,

Par la présente, nous vous avisons que, du fait que vous n’êtes plus employée par le Bureau du Conseil privé, votre cote de fiabilité a fait l’objet d’une annulation administrative prenant effet le 18 avril 2006.

Cette annulation s’est faite en conformité avec les dispositions en matière de cessation d’emploi énoncées à l’article 8 de la Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor.

16 M. Wernick a témoigné que, à la suite de Zhang no 1, le BCP a cherché à faire modifier la Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor dans le contexte qui suit.

17 Lorsqu’il a été mis fin à l’emploi de la fonctionnaire, le 28 novembre 2003, la Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor, émise en vertu de la Politique sur la sécurité du gouvernement, prescrivait qu’une cote de fiabilité ne pouvait être annulée sur la base de renseignements défavorables découverts à la suite d’une vérification non autorisée aux fins de la fiabilité, y compris une évaluation de sécurité du SCRS. Ainsi, lorsqu’on a refusé d’octroyer la cote Très secret à la fonctionnaire, cette dernière n’a pas automatiquement perdu sa cote de fiabilité, car le SCRS avait seulement examiné la capacité de la fonctionnaire de détenir une cote Très secret. De l’avis de M. Wernick, il n’aurait pas été possible de respecter une ordonnance de recherche diligente d’autres postes si la cote de fiabilité de la fonctionnaire avait été révoquée en même temps qu’on lui avait refusé la cote Très secret.

18 Dans le courant du mois de janvier 2006, le BCP a proposé au secrétaire du Conseil du Trésor une modification qui permettrait la réévaluation et, s’il y a lieu, la révocation de la cote de fiabilité d’une personne sur la base de renseignements de fiabilité défavorables recueillis dans le cadre de toute évaluation de la cote de sécurité. Cette modification est entrée en vigueur en mars 2006.

19 M. Wernick a témoigné que, le 12 avril 2006, Jeff Laviolette a formulé deux recommandations visant à aider la fonctionnaire à se trouver un emploi. La première était de proroger son statut de congé payé de deux mois pour lui permettre de poursuivre sa recherche d’emploi, et la seconde était de convenir d’un détachement d’une durée de deux ans à une initiative conjointe du Secrétariat du Conseil du Trésor et de l’Alliance de la Fonction publique du Canada. La seconde recommandation a rapidement été écartée, et M. Wernick a décidé, après avoir sollicité à cet égard les conseils du service des relations de travail, de ne pas prolonger de deux mois le statut de congé payé de la fonctionnaire car, selon ses dires, [traduction] « cela pourrait s’éterniser ».

B. Témoignage de Jeff Laviolette

20 M. Laviolette est l’agent principal de représentation de l’employeur au Secrétariat du Conseil du Trésor. En cette qualité, il fournit information et conseils aux ministères sur les questions de mesures disciplinaires et d’interprétation des conventions collectives.

21 M. Laviolette a expliqué que la recherche d’un emploi pour la fonctionnaire avait été retardée du fait que l’on discutait du contrôle judiciaire de Zhang no 1 et que le BCP examinait la possibilité d’un règlement avec la fonctionnaire.

22 M. Laviolette s’est éventuellement vu confier la tâche de mener la recherche diligente au nom de l’employeur. Cela supposait de consulter quotidiennement la base de données de Publiservice, un portail exploité par la Commission de la fonction publique (CFP) et sur lequel sont affichés tous les postes vacants de la fonction publique fédérale qui ne sont pas ouverts au public. On y effectue des recherches en fonction de critères sélectionnés. Dans le cas de la fonctionnaire, une recherche quotidienne de tous les postes vacants classifiés IS-03 à IS-05 a été effectuée du 14 février au 13 avril 2006. Dans les efforts qu’il a déployés pour trouver un poste à la fonctionnaire, M. Laviolette a mentionné la disponibilité de cette dernière lors d’une réunion bimensuelle avec d’autres directeurs des relations de travail, en février 2006. Il s’est aussi mis en rapport avec les directeurs des ressources humaines du ministère de l’Industrie, du ministère de la Défense nationale, de l’Agence des services frontaliers du Canada et du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux afin de solliciter leur intérêt et de les mettre au courant de l’affaire qui avait été renvoyée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »). Aucun de ces directeurs ne s’est montré intéressé à embaucher la fonctionnaire. Dans son témoignage, M. Laviolette a souligné qu’on lui avait demandé d’effectuer une recherche d’emploi et non de faire la promotion des talents de la fonctionnaire.

23 Dans ses consultations quotidiennes de Publiservice, M. Laviolette, ou son adjointe, Virginia Emiel, faisait le tri en écartant les postes qui exigeaient une cote de sécurité plus élevée que la cote de fiabilité ou qui se trouvaient à l’extérieur de la région de la Capitale nationale, puisque la fonctionnaire avait mentionné qu’elle souhaitait être employée dans la région d’Ottawa. Les postes au concours desquels seuls les employés d’un ministère ou d’un organisme en particulier étaient admissibles n’étaient pas non plus soumis à la fonctionnaire. L’information sur les postes adéquats était envoyée par courriel à la fonctionnaire. Comme elle ne se trouvait pas sur place au BCP, la fonctionnaire ne pouvait accéder seule à Publiservice et se fiait au tri de postes effectué par M. Laviolette.

24 La fonctionnaire a pris contact avec lui pour le prier d’étendre la recherche aux postes d’autres classifications, mais M. Laviolette n’a pu accéder à sa suggestion car il ne disposait pas des ressources nécessaires pour vérifier tous les postes disponibles dans chaque catégorie à l’échelle de l’ensemble de la fonction publique. M. Laviolette était aussi d’avis que la fonctionnaire avait de meilleures chances de se trouver un emploi dans un domaine pour lequel elle pouvait démontrer quelque expérience, en l’occurrence la catégorie IS.

25 Dans le but de faire inscrire le nom de la fonctionnaire sur une liste prioritaire, M. Laviolette a communiqué avec la CFP. Après un échange de correspondance, on lui a dit qu’elle n’était pas admissible à un placement prioritaire. Qui plus est, pour que la fonctionnaire puisse être admissible à un placement prioritaire, il fallait que son poste ait été doté de façon permanente, ce qui n’était pas le cas lorsque M. Laviolette s’est renseigné à cet égard. De plus, elle ne pouvait être détachée à un autre poste du fait qu’elle n’occupait pas de poste au BCP, son statut étant simplement celui d’employée en congé payé.

26 Le nom de la fonctionnaire a été proposé pour une affectation de deux ans à une initiative conjointe de l’Alliance de la Fonction publique du Canada et de l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, mais les organisations n’étaient pas intéressées par la candidature de la fonctionnaire pour cette affectation.

27 Pendant la période de recherche, M. Laviolette a mis le représentant de la fonctionnaire, Daniel Fisher, au courant de ses efforts de recherche. M. Fisher n’a exprimé aucune préoccupation quant à la façon dont la recherche était menée. Pendant tout le temps qu’a duré le processus de recherche, M. Laviolette a eu des rapports cordiaux avec la fonctionnaire, à qui il a transmis des renseignements sur quelque sept postes potentiels.

28 La fonctionnaire a été informée de l’annulation administrative de sa cote de fiabilité après son licenciement; cette cote n’était plus requise ou utile dès lors que la fonctionnaire ne faisait plus partie de la fonction publique fédérale. Si la fonctionnaire était réemployée, le nouvel employeur pourrait faire sa propre enquête pour rétablir la cote.

29 M. Laviolette a poursuivi sa recherche d’un poste jusqu’à la veille du licenciement de la fonctionnaire. Mentionnons que pour tout concours interne auquel la fonctionnaire s’inscrivait pendant qu’elle faisait encore partie de la fonction publique, elle était considérée comme une candidate de l’interne et avait priorité sur les candidats de l’extérieur. M. Laviolette n’a pas été consulté avant le licenciement de la fonctionnaire, survenu le 13 avril 2006. M. Wernick s’est fié aux avis et conseil de Chantal Butler pour prendre cette décision.

30 M. Laviolette a admis que, même si la fonctionnaire avait été réintégrée, le BCP ne privilégiait pas le retour de cette dernière au sein de la fonction publique du fait qu’elle continuait de représenter un risque non négligeable en matière de sécurité. M. Laviolette a également admis qu’il aurait préféré que ce soit le BCP qui se charge d’effectuer la recherche « avec diligence », mais, une fois qu’on lui avait confié cette tâche, il n’a pas fait rapport au BCP et a conduit la recherche avec autant de soin qu’il le pouvait. La décision de l’arbitre de grief n’était pas une ordonnance prescrivant une recherche collaborative avec la fonctionnaire; la responsabilité de cette recherche incombait entièrement à l’employeur.

31 Lorsque la candidature de la fonctionnaire a été retenue pour le poste de directrice du marketing, à Service Canada, cette dernière a communiqué avec Annette Marquis, une agente des relations de travail au BCP, pour lui demander d’être réintégrée dans ses fonctions afin de pouvoir être détachée à Service Canada jusqu’à ce que les formalités de sa nomination soient réglées. Pareille réintégration signifiait que la fonctionnaire aurait pu commencer sans délai à travailler. Le directeur des communications de Service Canada, Jean Valin, a communiqué avec M. Laviolette pour lui présenter cette même demande. M. Laviolette a mis M. Valin au courant des antécédents de la fonctionnaire, de la décision rendue par la Commission ainsi que de la révocation de la cote de sécurité de la fonctionnaire. M. Laviolette a ensuite transmis la demande de M. Valin à Mme Butler. Trois mois se sont écoulés au terme desquels la demande a été rejetée au motif qu’on ne pouvait légalement réintégrer la fonctionnaire dans quelque poste d’attache que ce soit. M. Laviolette a expliqué que l’ordonnance à l’arbitrage ne visait pas à rétablir la fonctionnaire dans les fonctions de son poste d’attache, mais plutôt à lui donner le statut de quasi employée pour la durée de la recherche diligente, afin de lui permettre de postuler en tant que candidate interne à des emplois de la fonction publique fédérale pendant une période de deux mois.

32 M. Laviolette a dit avoir recommandé au BCP l’option du détachement en fonction de considérations touchant les relations de travail et non les règles d’emploi régissant la fonction publique fédérale. Il ne lui appartenait pas de décider de la façon dont le BCP devait traiter cette demande. Tout ce que M. Laviolette demandait était que le BCP fasse preuve de diligence dans son traitement de la demande de Service Canada. M. Laviolette a précisé que la fonctionnaire n’avait pas besoin d’être en détachement pour commencer un nouvel emploi; elle aurait pu être embauchée comme employée occasionnelle ou nommée pour une période déterminée pendant qu’on s’occupait des formalités. Le BCP a rejeté la demande de détachement dans sa réponse au dernier palier du processus de règlement des griefs.

C. Témoignage de Margaret Biggs

33 En août 2006, Margaret Biggs occupait le poste de sous-secrétaire du Cabinet, Planification et consultations, au BCP. C’est elle qui s’est chargée de l’audition du grief au troisième palier, eu égard à la décision du BCP de licencier la fonctionnaire le 13 avril 2006. Bien qu’elle n’ait pas signé la réponse officielle, Mme Biggs a pris la décision d’annuler le licenciement de la fonctionnaire pour le remplacer par un congé sans solde du 14 avril au 4 septembre 2006, pour des raisons humanitaires, afin d’assurer la continuation des droits de pension de la fonctionnaire à son nouveau poste à Service Canada. Cette décision a été communiquée à la fonctionnaire le 31 août 2006. Mme Biggs a estimé que la fonctionnaire ne pouvait être de nouveau mise en congé payé du fait qu’elle était dans l’impossibilité d’occuper un poste au BCP, sa cote de fiabilité ayant été annulée. La seule raison pour laquelle la fonctionnaire avait touché une rémunération jusqu’au 13 avril 2006 était la décision de l’arbitre de grief; la fonctionnaire n’avait pas d’autre statut en tant qu’employée.

D. Témoignage de Ginette Ménard

34 Ginette Ménard est conseillère en dotation ministérielle au BCP depuis 2007. Son témoignage a consisté en une explication du processus de dotation dans le cas d’un détachement et de l’obtention d’une cote de sécurité après nomination. Mme Ménard n’avait aucune connaissance directe de l’affaire en instance.

E. Témoignage de Chantal Butler

35 Au moment où la fonctionnaire était une employée du BCP, Mme Butler était la chef des relations de travail et avait conseillé et guidé tous les gestionnaires ayant été mêlés à cette affaire depuis 2003. Mme Butler a témoigné que la Norme sur la sécurité du personnel avait été modifiée en 2006 à la suite de la décision d’arbitrage réintégrant la fonctionnaire. Le changement apporté visait à permettre à l’employeur de révoquer aussi une cote de fiabilité sur la base de renseignements obtenus au sujet d’une cote de sécurité. La Norme sur la sécurité du personnel modifiée était en effet à la date du second licenciement de la fonctionnaire, le 13 avril 2006.

36 Selon le témoignage de Mme Butler, le BCP estimait ne pas être en mesure d’effectuer une recherche diligente du fait que la fonctionnaire ne pouvait occuper un poste au sein de ce ministère vu que, techniquement, elle n’en était pas l’une des employés. Le poste de la fonctionnaire avait été doté au moyen d’une affectation intérimaire. La fonctionnaire est demeurée aux groupe et niveau IS-05 sur papier seulement, pour permettre au processus de rémunération de se dérouler. Au surplus, en application des dispositions existantes de la Norme sur la sécurité du personnel, la fonctionnaire a continué de détenir une cote de fiabilité pendant la période de la recherche.

37 Mme Butler a admis que, tandis que M. Laviolette cherchait « avec diligence » un autre poste pour la fonctionnaire, le BCP se penchait sur les façons de licencier cette dernière une fois la période de recherche terminée.

38 Mme Butler n’était pas favorable à l’option d’un détachement pour la fonctionnaire, car il aurait alors fallu que cette dernière occupe effectivement un poste au BCP, avec pour conséquence qu’elle aurait été en droit de retourner à son poste d’attache au BCP au terme du détachement ou de continuer indéfiniment sa recherche d’un emploi dans la fonction publique fédérale. Bien que Mme Butler n’avait pas d’opinion personnelle à émettre quant à un emploi que la fonctionnaire occuperait ailleurs dans la fonction publique fédérale, il était hors de question que la fonctionnaire retourne travailler au BCP.

39 Mme Butler a témoigné que le licenciement de la fonctionnaire avait entièrement reposé sur le fait qu’elle n’avait pas trouvé d’emploi au sein de la fonction publique fédérale au cours des deux mois qu’avait duré la période de recherche diligente. Après avoir reçu la lettre d’avis datée du 7 avril 2006, la fonctionnaire n’a pas informé le BCP que sa candidature était sérieusement envisagée pour un poste. Le BCP n’avait pas la responsabilité de veiller à ce que la recherche d’emploi se poursuive au-delà des deux mois de recherche diligente ni de faciliter l’occupation d’un emploi par la fonctionnaire au moyen d’une entente de détachement. On n’a pas jugé nécessaire d’examiner les résultats de la recherche d’emploi tant qu’une réponse au grief contestant le licenciement de la fonctionnaire n’était pas requise. Du fait qu’une opinion juridique était sollicitée, on a tardé à répondre à ce grief au dernier palier.

F. Témoignage de la fonctionnaire s’estimant lésée

40 La fonctionnaire est actuellement sans emploi. On l’a licenciée du poste qu’elle occupait à Service Canada le 15 août 2008 au motif allégué de préoccupations liées à la sécurité.

41 Après la décision à l’arbitrage rendue en sa faveur, la fonctionnaire s’attendait qu’on effectue pour elle une recherche d’emploi sérieuse et approfondie, laquelle comprendrait tous les postes classifiés jusqu’aux groupe et niveau IS-05 ou des postes équivalents. La seule limitation que la fonctionnaire avait apportée était que l’emploi se trouve dans la région de la Capitale nationale. La fonctionnaire a témoigné avoir été déçue à l’égard des résultats de la recherche, vu qu’on ne lui avait soumis que sept avis de poste à pourvoir, tous limités à la catégorie de classification IS. La fonctionnaire estimait être qualifiée pour bien davantage de postes que ceux qu’on lui avait soumis. On ne s’est enquis de ses progrès dans sa recherche d’emploi que lorsqu’elle a reçu, le 10 avril 2006, une lettre du BCP datée du 7 avril 2006. Elle a trouvé que le BCP faisait peser sur elle la charge de la recherche diligente plutôt qu’il en assumait la responsabilité.

42 La fonctionnaire a, de son côté, postulé à des emplois affichés sur le site Web de la CFP qui étaient ouverts au public; c’est ainsi qu’elle a posé sa candidature à un poste à Service Canada, fin mars 2006. Elle a passé un examen écrit et réussi l’évaluation linguistique. On l’a convoquée à une entrevue, lors de laquelle elle a entièrement divulgué sa situation au BCP et la décision de l’arbitre de grief. Elle s’est alors vue offrir le poste de gestionnaire du marketing, qui commençait immédiatement. Elle s’attendait à ce que le BCP lui faciliterait la transition vers une nouvelle occasion d’emploi. Cela ne s’est pas produit. Le BCP n’a jamais répondu à sa demande de détachement, sauf lorsqu’il lui a envoyé la réponse à son grief contestant son licenciement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

43 La fonctionnaire a témoigné que, en tardant à répondre à sa demande de détachement, le BCP lui avait subir un sérieux manque à gagner. En tant que nouvelle employée, elle avait dû soumettre une nouvelle demande d’attestation de fiabilité et commencer son emploi avec une période de probation. La fonctionnaire a considéré comme de la mauvaise foi le refus du BCP de faciliter sa transition à un nouvel emploi.

44 La fonctionnaire a déclaré qu’on l’avait maintenant congédiée trois fois pour des raisons indépendantes de sa volonté et que cela nuisait à sa capacité de se trouver un autre emploi.

G. Témoignage de Patrick Borbey

45 Lorsque le BCP a formulé des recommandations en vue de modifier la Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor, Patrick Borbey était sous-ministre adjoint à la Direction des services ministériels. Lorsqu’on a porté ces recommandations à son attention, il a recommandé qu’on résolve la contradiction que l’arbitre de grief avait relevée dans la Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor.

46 M. Borbey a expliqué que le retard pris dans l’amorce d’un processus de recherche diligente était imputable à la sollicitation d’une opinion sur la mise en œuvre de la décision ainsi qu’à une période de transition après les élections. M. Borbey ne connaissait pas les circonstances exactes du licenciement de la fonctionnaire survenu le 13 avril 2006, mais il ne doutait pas que Mme Butler avait dûment mené enquête et suivi les procédures à cet égard. Du fait que la fonctionnaire ne détenait plus la cote de sécurité requise pour occuper un poste au BCP, M. Borbey n’a pas souscrit à la recommandation de M. Laviolette que l’on proroge la période de congé de la fonctionnaire et qu’on lui facilite une nomination par détachement. Le statut d’employée de la fonctionnaire, lorsqu’on l’a réintégrée, était essentiellement une mesure administrative d’adaptation que l’on prenait à son endroit pour lui permettre d’être rémunérée pendant la période de congé payé. Le BCP n’avait aucune autre obligation envers la fonctionnaire si elle ne se trouvait pas de poste pendant la période de recherche diligente.

H. Témoignage de Jean Valin

47 Lorsqu’il a embauché la fonctionnaire, le 5 septembre 2006, Jean Valin était directeur du marketing et des communications à Service Canada. Lorsqu’il a été transféré à un autre poste à l’extérieur de Service Canada, la fonctionnaire a été mise en congé payé en attendant l’issue de l’enquête en cours.

48 La fonctionnaire a été embauchée à même un bassin externe de candidats qui ont été évalués par un consultant de l’extérieur. Sa candidature a été retenue. Elle a entièrement révélé ses antécédents d’emploi. M. Valin a communiqué avec M. Laviolette pour faciliter un détachement en provenance du BCP, de sorte que la fonctionnaire puisse commencer son emploi le plus tôt possible. Toutefois, les tentatives de M. Laviolette de convaincre le BCP à cet égard ont été vaines. C’est ainsi que la fonctionnaire a été embauchée comme candidate venant de l’extérieur. Le seul avertissement qu’il a reçu était que les antécédents et la vérification de sécurité de la fonctionnaire devraient le guider dans son choix de l’embaucher.

I. Témoignage de Norman Couture

49 Norman Couture est un agent principal des ressources humaines. Il a témoigné qu’un processus de nomination non annoncé n’était qu’une mesure possible de dotation parmi bien d’autres. Ce type de nomination n’est pas annoncé, ni n’est ouvert au public. Après publication d’un avis de nomination, un processus de plainte est affiché sur Publiservice.

50 M. Couture a témoigné que, le 15 mars 2006, un avis d’intention a été émis en vue de la nomination de Gregory Jack au poste d’analyste principal (classifié aux groupe et niveau IS-05), poste précédemment occupé par la fonctionnaire. Au moment où sa nomination a été proposée, M. Jack occupait le poste en question à titre intérimaire. Il a été nommé à ce poste le 23 mars 2006 sur les instructions de Dale Eisler, secrétaire adjoint du Cabinet.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

51 Le BCP affirme que Zhang no 1 était très précise : la fonctionnaire devait être réintégrée pour être mise en congé payé rétroactivement à la date de son licenciement et il était ordonné à l’employeur de chercher avec diligence un autre poste pour la fonctionnaire pendant deux mois à partir de la date de la décision. Il n’a pas été ordonné qu’on réintègre la fonctionnaire dans les fonctions de son poste au BCP, mais seulement qu’on la réintègre aux fins limitées de la conduite d’une recherche d’emploi et de l’administration de sa rémunération. À l’issue d’une décision préliminaire rendue sur la teneur des deux griefs qui font l’objet du présent arbitrage, les litiges soulevés par ces griefs ont été réduits à la question de savoir si l’employeur avait effectivement effectué une recherche avec diligence en vue de trouver un autre poste à la fonctionnaire et si le deuxième licenciement de cette dernière, survenu le 13 avril 2006, avait reposé sur de justes motifs.

52 Le BCP affirme avoir respecté l’ordonnance de l’arbitre de grief de mener une recherche diligente pendant deux mois. Étant donné qu’aucune perspective d’emploi n’a été portée à l’attention de l’employeur et que la fonctionnaire n’était pas en mesure d’assumer les fonctions de son ancien poste d’attache ou de tout autre poste à son ministère d’attache, elle a été licenciée et sa cote de fiabilité a fait l’objet d’une annulation administrative.

53 Le BCP fait valoir que ni la fonctionnaire ni son représentant n’ont jamais exprimé de mécontentement à l’égard des efforts déployés par M. Laviolette pendant la période de la recherche. Par conséquent, la fonctionnaire n’a pas à alléguer que cette recherche était insuffisante. La fonctionnaire avait l’obligation de signifier son mécontentement pendant la période de la recherche. En conséquence, le BCP soutient que la fonctionnaire est maintenant précluse d’arguer qu’il a failli à la conduite d’une recherche diligente.

54 La recherche d’un autre emploi n’a pas commencé immédiatement en raison de discussions liées au règlement de l’affaire. La fonctionnaire a bénéficié de cette prolongation de période au motif que la recherche avec diligence n’a commencé qu’après que les discussions sur le règlement de l’affaire n’ont pas porté fruit. Pendant cette période, M. Laviolette a demandé une version à jour du curriculum vitae de la fonctionnaire dans le but exprès de communiquer avec un certain nombre de directeurs des relations de travail et chefs des ressources humaines afin de vérifier auprès d’eux s’ils n’auraient pas de poste vacant au regard duquel la candidature de la fonctionnaire pourrait être envisagée.

55 Pendant la période de recherche avec diligence, M. Laviolette ou son adjointe a consulté quotidiennement le portail de Publiservice, conformément aux paramètres de recherche et en suivant le critère d’un emploi dans la région de la Capitale nationale indiqué par le représentant de la fonctionnaire. Sept occasions d’emploi ont été transmises à la fonctionnaire. M. Laviolette a étudié la possibilité qu’on fasse figurer le nom de la fonctionnaire sur une liste de priorité de nomination à la CFP, mais le profil de la fonctionnaire ne satisfait pas aux critères à cet égard. Le BCP affirme que la formulation chercher avec diligence n’est pas une expression technique et que cela laisse à l’employeur une latitude considérable pour décider de la façon dont il effectue une recherche appropriée.

56 Le BCP soutient que, une fois que la période de deux mois de recherche d’un autre emploi avait pris fin, il avait des motifs valables de licencier la fonctionnaire. Le BCP n’avait aucune obligation de maintenir la fonctionnaire dans un statut d’emploi particulier dès lors qu’elle ne pouvait satisfaire aux exigences de son ancien poste et qu’il n’avait pas le pouvoir de la nommer à tout autre poste de la fonction publique fédérale. Le BCP était en droit d’obtenir quelque aboutissement ou conclusion dans ce dossier, et il a signifié cela à la fonctionnaire avant l’expiration de la période de recherche diligente. Pendant que la fonctionnaire était encore employée dans la fonction publique, elle a été considérée comme une candidate interne pour tous les emplois auxquels elle a postulés, même si elle a ultérieurement été licenciée.

57 Le BCP soutient qu’il n’avait aucune obligation de réintégrer la fonctionnaire deux mois et demi après son licenciement dans le but de faciliter un détachement à Service Canada. Le BCP affirme que s’il avait pris pareille décision, cela l’aurait mis dans la situation indéfendable d’avoir à réintégrer la fonctionnaire dans les fonctions de son ancien poste, aux critères de nomination duquel elle ne satisfaisait pas, et de courir ensuite le risque de la voir retourner à son poste d’attache si elle n’était pas contente de son emploi à Service Canada. Il était loisible à Service Canada de retenir les services de la fonctionnaire au moyen d’une nomination de courte durée ou à un poste occasionnel s’il voulait l’embaucher plus rapidement.

58 Le BCP soutient que l’accueil partiel du grief portant sur le licenciement par rétablissement du congé payé de la fonctionnaire à compter du lendemain de son licenciement (le 14 avril 2006) et jusqu’à la veille du début de son emploi à Service Canada (le 4 septembre 2006) était un geste de bonne volonté visant à assurer la continuité de l’emploi de la fonctionnaire aux fins de ses droits de pension et que cela ne devrait pas compromettre la position défendue par le BCP à l’arbitrage.

59 En dernier lieu, le BCP fait valoir que la cote de fiabilité de la fonctionnaire a fait l’objet d’une annulation administrative parce que son emploi a pris fin. La fonctionnaire n’a pas été licenciée parce que sa cote de fiabilité a été révoquée. L’annulation a été effectuée dans le respect de la Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor et non dans l’intention de prendre des mesures disciplinaires à l’endroit de la fonctionnaire. Étant le ministère recruteur, Service Canada était responsable de son propre processus d’attestation de sécurité, lequel n’avait rien à voir avec le BCP.

60 Le BCP demande à ce que les deux griefs individuels soient rejetés.

61 À l’appui de sa thèse, le BCP a cité les décisions suivantes : Brescia c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CAF 236; Myers c. Canada (Procureur général), 2007 CF 947; Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11; Canada (Procureur général) c. Assh, 2005 CF 734; Canada (Procureur général) c. Boutilier et al., [2000] 3 C.F. 27 (C.A.); Kampman c. Canada (Conseil du Trésor), [1996] 2 C.F. 798 (C.A.).

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

62 La fonctionnaire déclare n’avoir pas accepté tacitement la recherche d’emploi effectuée par M. Laviolette et avoir fait part de ses suggestions en vue d’une recherche plus étendue, le 2 mars 2006. Le représentant de la fonctionnaire a exprimé de semblables préoccupations, le 28 février 2006, lorsqu’il a demandé à ce que l’employeur sollicite l’assistance de la CFP ou de toute autre source pour recenser tous les postes vacants de la fonction publique fédérale pour lesquels la fonctionnaire était qualifiée.

63 La fonctionnaire n’avait aucun contrôle sur l’ampleur de la recherche, et c’est à l’employeur qu’il incombait d’effectuer une recherche approfondie avant de la licencier. M. Laviolette s’est vu échoir une responsabilité qu’il ne souhaitait pas vraiment, et il n’a pas utilisé, ainsi qu’il aurait pu le faire, toutes les ressources possibles à cette fin. Il n’a pas fait part à la fonctionnaire ou à son représentant des éventuelles difficultés qu’il y avait à la placer. En ne donnant pas à la fonctionnaire accès à Publiservice à distance, ainsi qu’il aurait pu le faire, M. Laviolette n’a pas facilité les chances de la fonctionnaire de trouver un autre emploi. Pour ces raisons, le BCP n’a pas établi qu’il avait de justes motifs de licencier la fonctionnaire. Pour étayer sa thèse, la fonctionnaire a cité le paragraphe 20 de la décision de la Cour fédérale sur la demande de contrôle judiciaire, dans lequel sont reconnues les qualifications éminentes de la fonctionnaire et le fait qu’elle ait trouvé un emploi ailleurs grâce à ces qualifications (Canada (Procureur général) c. Zhang, décision citée plus haut au paragraphe 6).

64 La fonctionnaire soutient qu’il ressort clairement de la preuve que le BCP ne voulait pas la voir travailler au sein de la fonction publique fédérale et qu’il a mis tout en œuvre pour empêcher que cela arrive. Cette observation est corroborée par le fait que le BCP a entrepris de faire modifier la Norme sur la sécurité du personnel à la suite de la décision réintégrant la fonctionnaire et qu’il a tenté de faire appliquer rétroactivement cette modification à la fonctionnaire pour éviter d’avoir à effectuer la recherche d’un autre emploi pour cette dernière.

65 La fonctionnaire conteste la position du BCP selon laquelle le retard pris dans la conduite de la recherche diligente était uniquement imputable aux discussions sur le règlement du dossier. Elle affirme que ce retard était plutôt dû à ce que le BCP cherchait une façon d’éviter d’effectuer la recherche. La fonctionnaire cite à ce titre l’ébauche d’une note de service interne adressée au greffier du Conseil privé, document qu’elle a obtenu au moyen d’une demande d’accès à l’information.

66 La fonctionnaire argue que le BCP n’était pas obligé de la licencier au terme de la période de recherche diligente et que l’arbitre de grief, dans une décision préliminaire rendue le 16 février 2009, a reconnu cela (Zhang no 2, au paragraphe 61). Si l’ordonnance de Zhang no 1 avait signifié le licenciement de la fonctionnaire à la conclusion de la période de la recherche, cette ordonnance l’aurait clairement indiqué. Le BCP a agi de mauvaise foi en ne permettant pas le déroulement du processus de dotation à Service Canada. Le fait que la fonctionnaire n’ait pu démontrer, le 7 avril 2006, qu’elle avait trouvé un emploi ailleurs dans la fonction publique fédérale n’était pas un motif justifiant qu’on la licencie.

67 La fonctionnaire reproche au BCP de ne s’être enquis des résultats de la recherche d’un autre emploi que lorsqu’elle a déposé un grief. La fonctionnaire soutient que le BCP n’était pas disposé à l’informer qu’il l’avait remplacée à son poste d’attache; une condition qui, allègue-t-elle, lui aurait permis d’accéder aux listes de dotation prioritaire et de trouver un autre emploi. Le BCP a nui à une possibilité qu’elle avait d’occuper un emploi en n’acceptant pas d’entente de détachement. Le retard que Mme Biggs a pris pour répondre au grief a contribué au préjudice financier subi par la fonctionnaire, puisqu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité de retrouver rapidement un emploi après son licenciement.

68  De l’avis de la fonctionnaire, Mme Butler a sérieusement fait preuve de partialité en ce que toutes les recommandations qu’elle a faites à la haute direction ont eu pour but d’empêcher la fonctionnaire d’obtenir un emploi au sein de la fonction publique fédérale, et ce, malgré une recommandation de M. Laviolette pour que soit facilitée l’occasion d’emploi que la fonctionnaire avait à Service Canada.

69 Même si la fonctionnaire a fini par être employée par Service Canada et qu’elle ne cherche plus à se faire réintégrer au BCP, elle demande à être indemnisée pour la période durant laquelle elle est demeurée sans emploi, soit du 14 avril 2006 (lendemain de son licenciement) au 4 septembre 2006 (veille de son entrée en fonction à Service Canada) à un poste IS-06, qui correspond au niveau auquel elle a été promue en commençant son emploi à Service Canada. Subsidiairement, la fonctionnaire demande à être indemnisée au taux de rémunération d’un poste de groupe et niveau IS-05, qui était sa classification d’entrée à Service Canada.

70 La fonctionnaire demande que j’envisage d’accorder des dommages-intérêts pour souffrance morale au regard des actes et omissions de l’employeur, comme la Cour suprême conformément à Wallace c. United Grain Growers Ltd., [1997] 3 R.C.S. 701.

71 La fonctionnaire demande aussi à ce que j’octroie des dommages-intérêts pour l’inutile révocation de sa cote de fiabilité, ce qui a eu pour conséquence de retarder encore davantage son entrée en fonction à Service Canada.

72 La fonctionnaire demande que ses deux griefs soient accueillis.

73 La fonctionnaire a cité en outre les décisions suivantes à l’appui de la position : Hillis c. Conseil du Trésor (ministère du Développement des ressources humaines), 2004 CRTFP 151; Braun c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2010 CRTFP 63; Gill c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CRTFP 19; Roberts c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CRTFP 108.

C. Réfutation du défendeur

74 En réplique aux arguments avancés par la fonctionnaire, le BCP soutient que suggérer à M. Laviolette que la recherche soit étendue à d’autres postes de la fonction publique fédérale n’était pas une demande d’engagement. Le BCP fait valoir que l’ordonnance à l’arbitrage faisait mention de postes de groupe et niveau équivalents ou inférieurs à IS-05 et non de tous les autres postes disponibles dans la fonction publique fédérale. Pendant la période de la recherche, seuls sept postes correspondaient aux critères de recherche, et tous ces postes à pourvoir ont été soumis à la fonctionnaire pour suivi.

75 Même si la fonctionnaire peut alléguer que le BCP voulait l’exclure d’un emploi au sein de la fonction publique fédérale, cela ne porte pas atteinte au processus de la recherche diligente. Tous les événements survenus après le licenciement n’entachent pas la recherche en soi. M. Laviolette a mené la recherche diligente de bonne foi, qu’il ait ou non été d’accord avec le fait qu’on la lui ait assignée. La recherche a été effectuée suivant les termes généraux énoncés dans la décision Zhang no 1. L’employeur a exercé son jugement en effectuant cette recherche, et rien n’indique que le BCP ait entravé ce processus de quelque manière que ce soit. L’objet de la réintégration de la fonctionnaire était d’inclure la période de la recherche et non une période s’étalant jusqu’à la conclusion d’un processus de dotation.

76 La demande d’un détachement est venue deux mois et demi après le licenciement de la fonctionnaire. Pour embaucher cette dernière, Service Canada avait à sa disposition plusieurs options, le détachement n’en étant qu’une parmi d’autres.

77 Les modifications apportées à la Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor ne nuisaient pas au processus de recherche diligente, et rien d’inquiétant ne peut être imputé aux changements apportés à cette politique. L’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire était une mesure administrative découlant de son licenciement. Ce licenciement n’était pas le résultat de la révocation de sa cote de fiabilité, comme la fonctionnaire l’a laissé entendre.

78 Le BCP s’oppose à la demande de dommages-intérêts pour souffrance morale de la fonctionnaire au motif que cela ne figurait pas dans son grief, et le BCP n’a pas eu la possibilité de présenter une preuve relativement à cette demande. La manière dont on a procédé au licenciement ne dénote pas de comportement inacceptable d’un type qui se compare à celui dont il est fait état dans Wallace et Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39. La demande initiale de la fonctionnaire portait sur un dédommagement de quatre mois et demi de traitement, rien de plus.

IV. Motifs

79 L’ordonnance rendue le 8 décembre 2005 dans Zhang no 1 est au cœur du différend entre les parties et se lit comme suit :

[…]

[76] J’ordonne à l’employeur de chercher pour la fonctionnaire s’estimant lésée, avec diligence, un autre poste d’un niveau équivalent (IS-5) ou d’un niveau inférieur au sein des secteurs de la fonction publique où il est un employeur, pendant deux mois à compter de la date de la présente décision.

[77] J’ordonne à l’employeur de rétablir le congé payé de Mme Zhang à compter du 28 novembre 2003, et jusqu’à ce qu’il ait fini de chercher un autre poste.

[…]

80 La partie centrale du premier grief (dossier de la CRTFP 566-02-602), daté du 6 mai 2006, qui contestait la demande d’ordonnance du BCP, se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Mon licenciement ne repose sur aucun motif valable. En outre, la lettre de licenciement est contraire à la décision rendue le 8 décembre 2005 par Ian R. Mackenzie, arbitre de grief, au nom de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), dans le cadre du dossier 166-2-32992.

[…]

81 En conséquence, le premier grief soulève deux questions; la première est de savoir si le licenciement de la fonctionnaire a reposé sur un « motif valable »; la seconde est de déterminer si la décision de licencier la fonctionnaire contrevenait à l’ordonnance prononcée dans Zhang no 1.

82 La jurisprudence arbitrale a toujours associé la notion de licenciement motivé à celle de licenciement pour motifs disciplinaires ou comportement incompatible avec les intérêts légitimes de l’employeur, laissant ainsi à l’arbitre une vaste compétence pour ce qui est de déterminer si l’existence d’un motif valable a été établie. (Pour une discussion de cette question, voir Mitchnick et Etherington, Labour Arbitration in Canada, Lancaster House (2006), aux pages 157 à 160.)

83 Dans les circonstances de l’affaire en instance, il est évident que le licenciement de la fonctionnaire n’était pas lié à une mesure disciplinaire, mais découlait plutôt du fait que la fonctionnaire se trouvait dans l’incapacité de trouver un emploi au sein de la fonction publique fédérale au terme de deux mois de recherche diligente en vue de lui trouver un autre emploi. En d’autres termes, le licenciement a découlé des conséquences de la décision de l’arbitre de grief et non d’une mesure disciplinaire. Dans la mesure où l’employeur a effectué une recherche avec diligence, je suis d’avis que rien de répréhensible, préjudiciable ou imprévu ne s’est produit dans le licenciement de la fonctionnaire à l’issue de la période de recherche, et ce, pour les raisons qui suivent.

84 La fonctionnaire a reçu préavis de la lettre de licenciement dans une lettre qui lui a été adressée le 7 avril 2006 et qu’elle dit avoir reçu le 10 avril 2006. La fonctionnaire a admis ne pas avoir répondu à cette lettre. En l’absence d’une réponse, le BCP a effectué le suivi en envoyant une lettre de licenciement en date du 13 avril 2006. Que le libellé de la lettre du 7 avril 2006 ait pu sembler faire peser sur les épaules de la fonctionnaire le fardeau de se trouver un autre emploi ne change rien au fait que, à la fin de la période de recherche, que ce soit par suite des efforts de recherche déployés par l’employeur ou des propres démarches effectuées par la fonctionnaire, celle-ci n’avait pas trouvé d’emploi au sein de la fonction publique fédérale. Le premier contact que la fonctionnaire a pris avec le BCP au sujet de sa réussite dans l’obtention d’un emploi est survenu le 2 juin 2006, lorsqu’elle a communiqué avec Annette Marquis, une agente des relations de travail au BCP, pour demander à être réintégrée de sorte qu’elle puisse être détachée à Service Canada, en attendant que les formalités de sa nomination soient remplies.

85 Ce n’est que le 28 juin 2006, lorsque le BCP a demandé des renseignements à ce sujet, on a appris que la fonctionnaire avait en fait postulé un emploi à Service Canada le 29 mars 2006. Étant donné que le BCP n’était pas au courant de la situation de la fonctionnaire au moment de son licenciement, on ne saurait lui reprocher son action du 13 avril 2006.

86 Quant à la question de savoir si l’employeur a effectué la recherche avec diligence, l’ordonnance rendue dans Zhang no 1 ne renferme aucune expression technique. On doit attribuer aux termes employés leur sens ordinaire; c’est-à-dire que l’employeur (le Conseil du Trésor) devait, pendant deux mois, chercher avec diligence un autre poste d’un niveau équivalent ou inférieur à celui d’IS-05 « […] au sein des secteurs de la fonction publique où il est un employeur […] ». La méthode de recherche n’était pas précisée dans l’ordonnance et je n’ai aucune preuve que la fonctionnaire ait jamais remis en question la méthode de recherche si ce n’est pour suggérer que la recherche soit étendue au-delà de sa catégorie de classification afin de comprendre tous les postes de la fonction publique fédérale pour lesquels elle pouvait être qualifiée.

87 Ce à quoi la fonctionnaire prétend avoir droit va au-delà de ce qui a été ordonné. La recherche diligente qui a été ordonnée portait sur un autre poste d’un niveau équivalent (IS-05) ou inférieur. À mon sens, si l’ordonnance spécifiait la catégorie de  classification c’est qu’elle limitait la recherche à ces niveaux. À ce sujet, je souscris au témoignage de M. Laviolette selon lequel les antécédents de la fonctionnaire figuraient dans cette catégorie et c’était là que son expérience était monnayable. L’employeur n’avait donc aucune obligation d’étendre le champ de la recherche à un autre poste extérieur à la classification IS. J’estime par ailleurs que l’ordonnance commandait une recherche d’emploi et non l’obligation de se livrer à une stratégie promotionnelle pour trouver un emploi à la fonctionnaire. Les mesures prises par M. Laviolette pour vérifier quotidiennement Publiservice et porter la disponibilité de la fonctionnaire pour un emploi à l’attention de directeurs des relations de travail et chefs de ressources humaines ont constitué une recherche diligente. Dans le Oxford English Dictionary, le terme « diligent » est défini comme un travail ou un effort soigneux et soutenu. Je suis convaincue que l’employeur a entièrement satisfait à ces critères. Le fait que, pendant la période de la recherche, seuls sept postes répondaient aux qualifications de la fonctionnaire ne laisse pas supposer que M. Laviolette n’a pas assidument cherché un autre emploi pour cette dernière. Je prends aussi en considération le fait que des limitations importantes se rattachaient à l’emploi éventuel que la fonctionnaire pouvait occuper ailleurs; en l’occurrence, elle ne pouvait pas détenir d’autres attestations de sécurité qu’une cote de fiabilité et ses occasions d’emploi devaient se limiter à des postes dans la région de la Capitale nationale. L’employeur n’est pas responsable de ces restrictions associées à l’emploi de la fonctionnaire.

88 La fonctionnaire a demandé à ce que je tienne compte d’un élément de preuve postérieur aux événements qui a nui à une occasion d’emploi, en l’occurrence la décision du BCP de ne pas accepter d’entente de détachement et le retard pris pour répondre au grief.

89 Dans LaBranche c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2010 CRTFP 65, je me suis penchée sur les principes de recevabilité d’une preuve relative à des événements survenus après un congédiement, principes sur lesquels la Cour suprême, dans Cie minière Québec Cartier c. Québec, [1995] 2 R.C.S. 1095, s’est exprimée en ces termes :

[…]

Ceci m'amène à la question que j'ai soulevée plus tôt quant à savoir si un arbitre peut prendre en considération la preuve d'événements subséquents lorsqu'il statue sur un grief relatif au congédiement d'un employé par la compagnie. À mon avis, un arbitre peut se fonder sur une telle preuve, mais seulement lorsqu'elle est pertinente relativement à la question dont il est saisi. En d'autres termes, une telle preuve ne sera admissible que si elle aide à clarifier si le congédiement en question était raisonnable et approprié au moment où il a été ordonné. Par conséquent, dès qu'un arbitre conclut que la décision de la compagnie de congédier un employé était justifiée au moment où elle a été prise, il ne peut plus annuler le congédiement pour le seul motif que des événements subséquents rendent, à son avis, cette annulation juste et équitable. Dans ces circonstances, un arbitre excéderait sa compétence s'il se fondait sur une preuve d'événements subséquents pour annuler le congédiement. Conclure le contraire reviendrait à accepter que l'issue d'un grief relatif au congédiement d'un employé puisse dépendre du moment où il a été déposé et du délai écoulé entre le dépôt initial et la dernière audience de l'arbitre […]

[…]

[Je souligne]

90 Dans LaBranche, j’ai conclu que la Cour suprême avait énoncé un principe général de la preuve qui s’applique à l’étendue des pouvoirs de l’arbitre, c’est-à-dire que l’arbitre de grief doit tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents.

91 Si un tribunal administratif dispose d’une certaine marge de manœuvre dans l’application des règles spécifiées par les cours de justice, il ne peut tout simplement pas faire fi des canons traditionnels sur lesquels reposent les décisions. L’intégrité d’une décision repose d’abord et avant tout sur la pertinence et la fiabilité de la preuve. Dans le cas de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), la procédure et la conduite devant l’arbitre de grief sont permissives. L’alinéa 226(1)d) de la LRTFP dispose ce qui suit :

       226.(1) Pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut :

[…]

       d) accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice;

Cette disposition accorde à l’arbitre de grief le pouvoir discrétionnaire d’admettre en preuve des éléments qui pourraient par ailleurs ne pas satisfaire au strict critère de preuve de la recevabilité, la seule condition étant que les éléments de preuve doivent être pertinents à l’objet de l’affaire.

92 Cette discrétion conférée à l’arbitre de grief est accentuée par le paragraphe 228(2) de la LRTFP, qui définit comme suit le pouvoir de décision de l’arbitre de grief :

          228.(2) Après étude du grief, il tranche celui-ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée. […]

À mon sens, ces dispositions, conjuguées au principe énoncé par la Cour suprême, donnent à l’arbitre de grief la possibilité de tenir compte d’éléments de preuve postérieurs à l’événement qui pourraient jeter un éclairage sur le contexte d’un grief.

93 Dans le présent cas, la preuve subséquente à l’événement qui a été avancée par la fonctionnaire consiste en une occasion d’emploi survenue après son licenciement et pour laquelle elle a postulé pendant la période de la recherche. La demande d’une entente de détachement a été présentée le 8 juin 2006, soit deux mois après son licenciement. Le BCP a étudié cette demande pendant quelque temps, avant de décider qu’il n’était pas dans son intérêt d’y accéder. Les motifs de sa décision étaient qu’un détachement aurait nécessité de réintégrer la fonctionnaire dans les fonctions de son ancien poste, ce qui aurait procuré à cette dernière la possibilité continue de postuler à différents emplois pendant son détachement, et il lui aurait été loisible de retourner à son ancien poste à tout moment pendant la période du détachement. L’employeur a jugé ce scénario trop risqué. De plus, la principale difficulté résidait dans le fait que la fonctionnaire ne pouvait être réintégrée dans son ancien poste sans détenir au moins une cote de sécurité Secret. À cet obstacle, il faudrait ajouter que, au moment où elle a fait sa demande, la fonctionnaire avait été remplacée dans son ancien poste depuis le 23 mars 2006.

94 Quoique, dans ces circonstances, un détachement aurait sûrement permis à la fonctionnaire d’être réemployée plus tôt, la position adoptée par le BCP n’était pas déraisonnable ou illégale. Qui plus est, le détachement n’était pas la seule option dont disposait Service Canada pour procéder rapidement à l’embauche de la fonctionnaire. Faciliter un détachement peut être considéré comme une façon plus bienveillante de traiter avec la fonctionnaire, mais je n’ai pas l’autorité de modifier une décision que le BCP a prise en suivant à la lettre les dispositions d’une politique établie du Conseil du Trésor.

95 Si la fonctionnaire avait demandé que l’on prolonge son statut de congé payé avant le licenciement au motif de l’imminence d’une mesure de dotation la concernant, j’aurais peut-être vu la situation sous un angle différent. Malheureusement, elle ne l’a pas fait; par conséquent, je ne considère pas que le BCP a fait preuve de mauvaise foi lorsqu’il n’a pas accédé à la demande de la fonctionnaire. En l’espèce, je considère que la preuve subséquente à l’événement n’est pas convaincante ou pertinente concernant le grief en instance.

96 La partie centrale du deuxième grief (dossier de la CRTFP 566-02-603), daté du 11 mai 2006, contestant l’annulation de la cote de fiabilité de la fonctionnaire à la suite de son licenciement, se lit ainsi :

[Traduction]

[…]

Je dépose un grief pour contester la lettre d’annulation de ma cote de fiabilité, datée du 18 avril 2006 et signée par Raymond Lamb, directeur, Opérations de sécurité, BCP. Cette annulation ne repose sur aucun motif valable. De plus, cette lettre contrevient directement à la Norme sur la sécurité du personnel (6.1) du Conseil du Trésor, puisque l’employeur a omis de m’informer par écrit de mes droits d’accès à des mécanismes d’examen ou de redressement.

97 D’après la preuve, en janvier 2006, le BCP a proposé au secrétaire du Conseil du Trésor que la Norme sur la sécurité du personnel du Conseil du Trésor, émise en vertu de la Politique sur la sécurité du gouvernement, soit modifiée de sorte d’autoriser la réévaluation et, s’il y a lieu, la révocation de la cote de fiabilité d’une personne sur la base de renseignements défavorables recueillis dans le cadre d’une évaluation de la cote de sécurité. Cette modification a précédé le licenciement de la fonctionnaire et a été apportée à la suite de l’accueil du grief de la fonctionnaire soumis à l’arbitrage concernant son premier licenciement.

98 Je ne doute pas qu’opérer pareille modification a dû sembler très sévère à la fonctionnaire. Quoi qu’il en soit, aucune preuve déclarant cette modification illégale ou inopportune n’a été produite. Pour des raisons qui relèvent entièrement de son autorité discrétionnaire, le gouvernement a décidé de modifier la politique, et je n’ai pas la compétence d’annuler ce changement ou d’en faire fi. Qui plus est, aux termes de la Norme sur la sécurité du personnel, l’annulation administrative d’une cote de sécurité peut faire l’objet d’un grief. Néanmoins, cette procédure est exclue des recours prévus au paragraphe 209(1) de la LRTFP, à moins qu’il y ait un lien avec l’issue d’un grief contestant un licenciement (voir Roberts).

99 Ayant conclu que le grief relatif au licenciement est sans fondement, il s’ensuit que la fonctionnaire ne pouvait, à bon droit, déposer un grief contestant l’annulation de sa cote de fiabilité, dans la mesure où elle n’était plus une employée lorsque cette décision a été prise. Par conséquent, je considère que je n’ai pas compétence pour trancher ce grief.

100 Je conviens avec la fonctionnaire que, aux termes de l’article 6.1 de la Norme sur la sécurité du personnel, on devait l’informer par écrit de ses droits à une révision ou à des mesures de redressement eu égard à la révocation de sa cote de fiabilité. Néanmoins, dans les circonstances du présent cas, c’est là une question purement théorique.

101 Je considère que les décisions Hillis, Braun et Gill citées par la fonctionnaire ne sont pas concluantes dans le cas qui nous occupe, car elles traitent du licenciement d’un employé à la suite de la révocation de sa cote de fiabilité, ce qui diffère de l’annulation administrative d’une cote de fiabilité après un licenciement.

102 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit.

V. Ordonnance

103 Les griefs sont rejetés.

Le 10 septembre 2010.

Traduction de la CRTFP

Michele A. Pineau,
arbitre de grief

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