Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a formulé des allégations d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé au motif que ce dernier aurait commis deux violations de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Il a déclaré que l’une des questions d’entrevue violait ses convictions religieuses en raison de la référence à Noël. L’intimé a fait valoir que ladite question visait à évaluer l’esprit d’équipe et de collaboration et que les réponses attendues ne nécessitaient aucune croyance par rapport à la fête de Noël. Selon le plaignant la deuxième violation de la LCDP consistait en une autre question d’entrevue qui n’aurait pas tenu compte de sa déficience visuelle, puisqu’elle comportait une partie écrite et que les mesures d'accommodement prises en l’occurrence n’étaient pas appropriées. L’intimé a soutenu que la question ne désavantageait le plaignant qui n’avait réclamé aucune autre mesure d'accommodement. Décision : La LEFP autorise le Tribunal à interpréter la LCDP lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir. La preuve d’intention n’est pas requise et ce principe s’applique en cas d’évocation de la LCDP. Lorsqu’il s’agit de droits de la personne, une fois la preuve prima facie de discrimination établie par la partie plaignante, il incombe alors à l’intimé de justifier l’apparence de pratique discriminatoire. Le Tribunal a conclu que les croyances religieuses du plaignant étaient authentiques mais que ce dernier n’avait pas établi de preuve prima facie par rapport à la première question. Celle-ci avait un but précis; la référence à Noël était fortuite et ne servait qu’à mettre les candidats en situation de réfléchir à la qualification « esprit d’équipe et de collaboration ». Les convictions personnelles du plaignant ne sauraient expliquer son incapacité à répondre à la question. Par ailleurs, l’intimé a offert au plaignant la possibilité de répondre à la question sans référence à la fête de Noël. L’autre question comportait à la fois une partie écrite et une section orale, établissant ainsi la preuve prima facie compte tenu de la déficience visuelle du plaignant. Le Tribunal a établi que le plaignant était responsable de l’échec du processus d'accommodement en l’espèce et que par conséquent il n’y avait pas de violation de la LCDP. Plainte rejetée. Autre question : Une requête a été déposée pour faire supprimer dans la décision toute désignation nominative du plaignant. Honorer une telle demande représenterait une entorse au principe de l’audience publique, lequel exige que les procédures devant les organismes juridictionnels soient transparentes et publiques. Au-delà des considérations liées à la protection des renseignements personnels et compte tenu de son mandat, le Tribunal a établi qu’il n’y avait aucun motif ou élément de preuve justifiant une entorse au principe de l’audience publique.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2008-0105
Rendue à :
Ottawa, le 29 juin 2010

ROBERT BOIVIN
Plaignant
ET
LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)(a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Merri Beattie, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Boivin c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al.
Référence neutre:
2010 TDFP 0006

Motifs de la décision


Introduction


1 Le plaignant, Robert Boivin, a pris part à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation de postes d’agent principal, Observation des échanges commerciaux, dans la région du Grand Toronto de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Il affirme qu’il a fait l’objet de discrimination au cours de son évaluation en raison de ses croyances religieuses et d’une déficience.

2 L’intimé, le président de l’ASFC, nie qu’il y a eu discrimination ou abus de pouvoir dans ce processus de nomination. Il soutient que le Tribunal doit examiner les questions de discrimination dans le contexte d’une plainte d’abus de pouvoir présentée en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Contexte

3 Une annonce de possibilité d’emploi a été publiée sur Publiservice concernant des postes d’agent principal, Observation des échanges commerciaux, au groupe et au niveau FB-04 à l’ASFC. La date limite de présentation des candidatures était le 11 mai 2007. L’annonce indiquait que les outils d’évaluation pourraient comprendre des examens écrits, une présentation orale, une entrevue ainsi que des rapports de gestion du rendement de l’employé et/ou une vérification des références.

4 Le 2 août 2007, le plaignant a été informé par écrit qu’il avait réussi aux deux examens écrits et qu’il était convoqué à une entrevue, qui a eu lieu le 13 août 2007. Le 13 octobre 2007, le plaignant a été informé par écrit que sa candidature avait été éliminée du processus de nomination parce qu’il ne possédait pas une ou plusieurs des qualifications essentielles.

5 Le 5 février 2008, le plaignant a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’alinéa 77(1)(a) de la LEFP au motif qu’il y a eu abus de pouvoir dans son évaluation.

6 Le plaignant a d’abord présenté trois allégations. Cependant, au cours de l’audience, il a indiqué qu’il n’en conservait que deux, c’est-à-dire les allégations selon lesquelles il y a eu violation des droits de la personne à son égard à la question 4, en raison de sa religion, et à la question 5, en raison de sa déficience.

Question


7 Le Tribunal doit trancher la question suivante :

L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans son évaluation du plaignant en violant la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP)?

Résumé des éléments de preuve pertinents

8 Les éléments de preuve présentés à l’audience portaient avant tout sur les questions 4 et 5 posées à l’entrevue, la nature des croyances religieuses du plaignant ainsi que la nature de sa déficience. D’autres éléments de preuve concernant les étapes prises dans le cadre de la demande d’accommodement présentée par le plaignant ainsi que la proposition de l’intimé de réévaluer le plaignant ont également été produits.

9 En outre, le plaignant a présenté des éléments de preuve concernant le fait qu’il a été envoyé à Santé Canada pour une évaluation de l’aptitude au travail et qu’il estime avoir dû subir cette évaluation après avoir fait savoir à des collègues qu’il ne souhaitait pas participer aux fêtes de Noël. Compte tenu de l’argumentation des deux parties au sujet de la pertinence, le Tribunal a accepté d’admettre en preuve un ensemble de documents visant uniquement à montrer l’état d’esprit du plaignant à l’entrevue.

Nature des croyances religieuses et question 4

10 Le plaignant a déclaré que ses croyances religieuses n’admettent ni la fête de Noël, ni les décorations ou les festivités qui y sont associées. Il a cité des extraits de plusieurs livres qu’il possède, indiquant qu’ils faisaient partie des ouvrages sur lesquels il avait fondé ses croyances, y compris celle selon laquelle Noël n’est pas une fête chrétienne.

11 Deux personnes ont témoigné pour le plaignant. Elles connaissaient toutes deux le plaignant depuis longtemps et ont expliqué ce qu’elles savaient des croyances de longue date du plaignant quant à la fête de Noël.

12 Le plaignant a répondu aux questions de l’intimé portant sur un courriel daté du 14 décembre 2006 dans lequel il demandait la permission d’assister au dîner de Noël d’une autre unité. Le plaignant a expliqué qu’il avait utilisé le terme « dîner de Noël » parce que c’était le terme utilisé par les autres. Selon lui, il s’agissait d’un dîner d’équipe en compagnie d’amis qui ne lui imposeraient pas la célébration de Noël. Il a affirmé qu’il assistait fréquemment à des dîners et il se trouvait justement que celui-ci avait lieu pendant la période des Fêtes.

13 Le plaignant a déclaré que ses croyances religieuses lui dictent non seulement son opinion à l’égard de Noël, mais aussi sa conduite en ce qui a trait au bénévolat. Il a indiqué que le bénévolat était important, mais devait être effectué en secret, sans demander de reconnaissance. Le plaignant a expliqué qu’il avait mentionné ses activités bénévoles dans sa demande parce que celles-ci étaient pertinentes au regard du travail accompli à l’ASFC. Il a également indiqué qu’il faisait une exception à son vœu de garder secret son travail bénévole auprès des anciens combattants, lequel présente pour lui un aspect éducatif étant donné qu’il étudie l’histoire.

14 Le plaignant a expliqué que la première partie de l’entrevue était une présentation orale qu’il avait préparée à l’avance. Pour la deuxième partie, les membres du comité d’évaluation lui ont remis cinq  questions écrites, après quoi ils ont quitté la pièce pour lui permettre de les lire; ils sont ensuite revenus et lui ont posé chaque question de vive voix.

15 Le plaignant a remis trois copies de la question 4 et les réponses attendues. Chaque copie comprenait les notes d’un des trois membres du comité d’évaluation qui l’avaient reçu en entrevue. La question 4 est rédigée ainsi :

Compétence

Esprit d’équipe et de collaboration(1 point par aspect, pour un maximum de 7 points)

Définition : L’esprit d’équipe et de collaboration consiste à collaborer avec ses collègues ou d’autres personnes partageant le même objectif, à faire partie d’une équipe et à travailler de concert avec les autres, et non de façon individuelle ou en compétition avec les autres.


Vous avez accepté de participer au comité d’organisation de la fête de Noël du bureau.

La première réunion du comité a été annoncée. Parmi les autres volontaires se trouvent un employé manipulateur qui souhaite tout faire à sa manière, une jeune employée dynamique en poste depuis peu de temps et un employé de longue date qui approche de la retraite.

Quelles mesures prendriez-vous pour aider les membres de votre équipe à travailler ensemble de façon efficace afin d’organiser une soirée réussie et mémorable pour tous?


[gras dans le texte original]

[traduction]

16 Le plaignant a déclaré que, quand les membres du comité sont revenus dans la pièce où se déroulait l’entrevue, il a soulevé une objection à la question 4, indiquant en des termes clairs que celle-ci était contraire à ses croyances. Il a réitéré son objection quand la question 4 lui a été posée de vive voix. Le plaignant a affirmé qu’à ce moment-là, les membres du comité d’évaluation lui ont demandé de répondre à la question dans un contexte différent, mais il croyait que désigner l’événement par « célébration de fin d’année » n’aurait rien changé au fait qu’il s’agissait d’une fête de Noël. Il a reconnu qu’il avait compris que « dans un contexte différent » [traduction] signifiait une fête différente. Il a essayé de réfléchir à la question dans un autre contexte, mais il était indisposé et n’a pas été en mesure de le faire. Il a indiqué qu’il aurait voulu mettre fin à l’entrevue à ce moment-là, mais qu’il y avait renoncé parce qu’il aurait ainsi perdu son droit de recours. Le plaignant a déclaré qu’il n’avait pas demandé que la question soit reformulée sans référence à Noël et qu’il n’avait pas refusé d’y répondre; il a plutôt tenté de répondre en conservant le contexte de la fête de Noël. Il a également indiqué qu’il aurait été discriminatoire de lui poser une question différente en raison de ses croyances religieuses.

17 Le plaignant a affirmé que la question l’avait choqué, car il croyait que son évaluation récente par Santé Canada avait été demandée en raison de ses croyances religieuses, plus particulièrement de son refus de célébrer Noël. Le plaignant a attiré l’attention du Tribunal sur deux documents de la trousse de présentation de Santé Canada. Le premier était la demande d’évaluation de l’aptitude au travail, d’une longueur de dix pages, préparée par le gestionnaire du plaignant. Le plaignant a fait remarquer qu’à la page 3 figurait la mention d’un conflit de travail au sujet d’événements relatifs à Noël en 2006. L’autre document était un courriel que le plaignant a envoyé à son gestionnaire et à son directeur le 2 janvier 2007 dans lequel, selon lui, il informait officiellement l’intimé de ses croyances religieuses. Quand il a lu la question 4, le plaignant s’est demandé comment Marg Gayler, présidente du comité d’évaluation, pouvait ne pas connaître la raison de son absence du bureau. Immédiatement après l’entrevue, il lui a demandé si elle savait pourquoi il n’était pas au travail, et il l’a crue quand elle a répondu qu’elle l’ignorait.

18 Le plaignant a déclaré qu’il connaissait Mme Gayler depuis plusieurs années, et qu’il la respectait. Il l’a décrite comme la principale responsable en ce qui concerne l’obligation d’accommodement. Par ailleurs, il estime que la question faisant référence à Noël avait été posée par mégarde, sans mauvaise intention.

19 L’intimé a appelé Mme Gayler comme témoin. Mme Gayler est gestionnaire, Programmes régionaux, Division de l’observation des programmes commerciaux, région du Grand Toronto. Elle a déclaré qu’elle avait été membre du comité d’évaluation tout au long du processus de nomination et qu’elle était devenue présidente du comité une semaine avant la tenue des entrevues.

20 Mme Gayler a déclaré que les membres du comité d’évaluation avaient élaboré ensemble les questions d’entrevue ainsi que les réponses attendues. La question 4 visait à permettre au candidat de démontrer qu’il possédait une des qualifications essentielles, soit l’esprit d’équipe et de collaboration. Elle a expliqué que les agents principaux, Observation des échanges commerciaux, doivent collaborer avec des collègues à l’intérieur et à l’extérieur de leur unité de travail afin d’effectuer des vérifications, des contrôles postérieurs aux vérifications et des activités de liaison. Ils doivent également communiquer avec les clients. L’esprit d’équipe et de collaboration est donc essentiel à l’exercice des fonctions liées au poste.

21 Mme Gayler a également parlé des réponses attendues à la question 4, qui sont rédigées comme suit :

  • Discuter avec le comité de la façon dont la fête sera organisée;
  • Négocier l’attribution des tâches;
  • Faire sa part pour ne pas laisser tomber les autres;
  • Faire profiter les autres membres de l’équipe de ses connaissances et de son expérience;
  • Reconnaître les points forts de chacun et les mettre à profit;
  • Encourager les autres membres de l’équipe à participer et à formuler des commentaires;
  • Parvenir à un consensus sur les plans;
  • Travailler de concert à la réalisation d’objectifs communs;
  • Prêcher par l’exemple pour le bien de tous;
  • Faire preuve de leadership, s’il y a lieu, pour faire avancer les préparatifs;
  • Tenir compte de la personnalité de chacun des membres de l’équipe en communiquant avec eux;
  • Communiquer avec les membres de l’équipe sans confrontation, avec tolérance et ouverture (c.-à-d. de manière à leur permettre de formuler librement idées et suggestions);
  • Autres réponses.

[traduction]

22 Mme Gayler a affirmé qu’il n’avait nullement été question d’inclure des traditions de Noël, comme des décorations et des cadeaux, dans les réponses attendues. Le comité d’évaluation souhaitait que les candidats fassent preuve d’esprit d’équipe et de collaboration en travaillant avec les autres à la réalisation d’un but précis.

23 Mme Gayler a déclaré qu’au moment où les questions avaient été élaborées, elle était au courant du fait que le plaignant n’était pas au bureau, mais elle ignorait pourquoi. Elle a également indiqué que le plaignant ne relevait pas d’elle.

24 Mme Gayler a expliqué que les candidats convoqués à l’entrevue avaient reçu des directives pour la préparation d’une présentation de dix minutes. Chaque entrevue commençait par une discussion sans caractère officiel visant à mettre le candidat à l’aise, après quoi celui-ci effectuait sa présentation. Le candidat recevait ensuite par écrit les questions 1 à 4 ainsi que la question 6, et se voyait accorder 15 minutes en privé pour les lire et prendre des notes. Les membres revenaient ensuite dans la pièce et posaient toutes les questions de vive voix.

25 Mme Gayler a déclaré que, quand les membres du comité sont retournés dans la pièce, le plaignant les a informés qu’il était offensé par la mention d’une fête de Noël à la question 4. Les membres du comité ont posé les questions au plaignant une après l’autre, mais quand ils sont arrivés à la question 4, celui-ci a de nouveau indiqué qu’il était offensé, mais a tout de même commencé à donner sa réponse. Mme Gayler a souligné que le plaignant n’avait pas fourni de précisions sur le fait qu’il était offensé par la référence à une fête de Noël. Elle ne se rappelait pas que le comité ait eu de réaction particulière ou qu’il ait discuté d’un scénario différent pour la question 4.

26 Selon Mme Gayler, au terme de cette partie de l’entrevue, les membres du comité demandaient au candidat s’il avait quelque chose à ajouter; elle ne se rappelait pas que le plaignant ait dit quoi que ce soit à ce moment-là.

27 Mme Gayler a déclaré que le plaignant lui avait fait part de ses préoccupations concernant la question 4 alors qu’elle et lui prenaient des dispositions en vue d’une discussion informelle, à la fin du mois d’octobre 2007, soit une fois que le plaignant avait été informé qu’il ne possédait pas les qualifications essentielles pour le poste.

Nature de la déficience et question 5

28 Le plaignant a déclaré qu’il avait toujours souffert de troubles visuels. Il en ignore la cause, mais ses problèmes ont graduellement pris de l’ampleur, quoique très lentement. La lumière nuit à sa vision et lui cause des migraines et un inconfort extrême aux yeux. Plus il est exposé à la lumière, plus il a de la difficulté à voir et plus il ressent de la fatigue. Comme la distance focale de ses deux yeux varie, il a de la difficulté à suivre les objets en mouvement. Il voit bien dans le noir.

29 Le plaignant a affirmé qu’après avoir été exposé à la lumière, il a besoin de temps pour reprendre des forces dans l’obscurité. Il a expliqué que des lunettes aux verres teintés d’un type particulier conviennent bien à l’éclairage fluorescent et lui permettent de lire, tandis que les lunettes à verres polarisants lui permettent de supporter la lumière du soleil, mais nuisent à sa capacité de lire.

30 Le plaignant a présenté une lettre datée du 2 août 2007 le convoquant à l’entrevue. Il a également déposé en preuve l’annonce de possibilité d’emploi, qui indique à la page 4 que les outils d’évaluation pourraient comprendre « des examens écrits, une présentation orale, une entrevue ainsi que des rapports de gestion du rendement de l’employé et/ou une vérification des références » [traduction]. En outre, il a présenté une lettre datée du 2 août 2007 dans laquelle il demande des mesures d’accommodement pour sa déficience visuelle au cours de son entrevue prévue pour le 13 août 2007. Sa demande était rédigée comme suit :

Veuillez noter que j’aurai besoin d’accommodement pour ma déficience. Je suis sensible à la lumière et il faudrait que l’éclairage de la pièce soit réduit; toutefois, étant donné que je sais que les membres du comité devront écrire, il faudrait que je porte des lunettes aux verres teintés. Ces dispositions peuvent être prises au moment de l’entrevue, et je suis très ouvert.

[traduction]

31 Le plaignant a pris le train (Go Train) d’Hamilton à Toronto pour se rendre à l’entrevue, ce qui représente un trajet d’environ une heure. Il a expliqué que c’était une journée ensoleillée. À son arrivée à Toronto, il est resté dehors à l’ombre avant d’entrer dans l’édifice.

32 Le plaignant a déclaré qu’une fois qu’il a répondu aux questions 1 à 4 et 6, le comité d’évaluation lui a remis la question 5 par écrit. Il a présenté une copie de la question 5 et des réponses attendues. La question 5 est ainsi rédigée :

Compétence

Raisonnement analytique (10 points – Voir le barème de notation)

Définition

Le raisonnement analytique est la capacité de comprendre une situation en la fractionnant en ses éléments constitutifs ou de déterminer les conséquences d’une situation ou d’un problème en procédant par étapes. Il consiste également à organiser systématiquement les composantes d’un problème ou d’une situation, à en comparer méthodiquement les différentes facettes, à établir l’ordre de priorité de façon rationnelle et à déterminer l’ordre de déroulement des activités ainsi que les relations causales.

Sept nouvelles émissions télévisées, F, G, H, I, J, K et L, ont été choisies pour être diffusées à l’automne. Chacune d’entre elles devra être diffusée un jour différent. Les contraintes suivantes s’appliquent :

  • I doit être diffusée le dimanche
  • H doit être diffusée soit le mardi, soit le mercredi
  • F et K doivent être diffusées des jours consécutifs, mais K ne peut être diffusée le mardi
  • G et L ne peuvent pas être diffusées des jours consécutifs

Si G est diffusée le jeudi, lequel des énoncés suivants est vrai?

  1. F doit être diffusée le samedi
  2. F doit être diffusée le lundi
  3. L doit être diffusée le lundi
  4. L doit être diffusée le samedi

Veuillez décrire et expliquer l’analyse qui vous a permis d’arriver à votre réponse.

[gras dans le texte original]

[traduction]

33 Le plaignant a déclaré que l’éclairage de la pièce était adéquat pour qu’il puisse lire les questions 1 à 4 et la question 6 et prendre des notes. Toutefois, selon le plaignant, la question 5 était différente des autres car, pour y répondre, il fallait trouver des renseignements et les analyser.

34 Il considère que la question 5 était une évaluation écrite parce qu’il fallait à la fois lire et écrire pour y répondre. Il a affirmé qu’il n’avait pas lu la partie commençant par « Si G est diffusée le jeudi » jusqu’à la fin en raison des effets de son exposition au soleil et de l’impact de la question « au sujet de Noël » [traduction] sur son état d’esprit. Le plaignant a fait la déclaration suivante : « J’étais déjà troublé par la référence à Noël. Cela me tracassait, et j’essayais de déchiffrer la question, mais je n’y comprenais rien » [traduction].

35 Le plaignant a affirmé qu’il aurait demandé des mesures d’accommodement différentes s’il avait su qu’il y aurait une question écrite, ce dont il n’avait pas été informé. Il a précisé que pour répondre à une question écrite, il serait arrivé tôt, aurait demandé à s’installer dans une pièce sombre et à répondre à la question écrite en premier. Il a également précisé que pour un examen écrit, il aurait demandé un éclairage différent de celui qu’il avait réclamé pour une évaluation orale.

36 Le plaignant a déclaré que Mme Gayler avait surveillé des examens écrits qu’il avait effectués précédemment et connaissait sa déficience. Il avait tenu pour acquis qu’elle était au courant des mesures d’accommodement dont il avait besoin pour effectuer un examen écrit. Il a souligné que ses besoins d’accommodement avaient toujours été satisfaits.

37 Le plaignant a reconnu que quand il a lu la question 5, il n’a pas demandé d’autres mesures d’accommodement, ni informé le comité qu’il éprouvait des difficultés. Il a déclaré qu’à ce moment-là il était démoralisé à cause de la question 4 et qu’il voulait simplement terminer son évaluation et partir. Il a également déclaré qu’il n’en avait rien dit au comité parce que selon lui le résultat aurait été le même.

38 Le plaignant a affirmé qu’il éprouvait alors de la fatigue oculaire. Il a déclaré que, étant donné l’effet combiné d’avoir voyagé pendant une heure par une journée ensoleillée, d’être reçu en entrevue et de devoir répondre à une question au sujet d’une fête de Noël, rien n’aurait pu lui permettre d’aborder une question écrite à ce moment-là. Selon le plaignant, toute autre demande d’accommodement aurait signifié pour lui de devoir revenir un autre jour, ce dont il n’avait pas envie.

39 Le plaignant a convenu que ses besoins relatifs à ses déplacements pour l’entrevue ont été satisfaits; son entrevue a eu lieu à Toronto, où il lui était plus aisé de se rendre qu’à Mississauga où les autres candidats ont passé leur entrevue. Il a également déclaré que la demande d’accommodement formulée dans son courriel du 2 août 2007 avait été satisfaite; toutefois, le plaignant a précisé qu’il s’agissait de mesures convenant à une évaluation orale.

40 Le plaignant a reconnu qu’il n’avait pas communiqué avec qui que ce soit au sujet de ses besoins d’accommodement avant d’apprendre que sa candidature n’avait pas été retenue. Par la suite, il a envoyé un courriel à Mme Gayler pour l’informer qu’il avait l’intention de présenter une plainte au Tribunal. Il a indiqué qu’il était impossible de formuler une allégation de discrimination avant que les résultats d’un processus de nomination soient connus.

41 Le plaignant a également présenté des éléments de preuve montrant qu’il avait pris part à un autre processus de nomination visant la dotation de postes FB-04 à l’ASFC et que sa candidature avait été retenue.

42 Mme Gayler a témoigné au sujet de la nécessité de faire preuve de raisonnement analytique dans l’exercice des fonctions d’agent principal, Observation des échanges commerciaux. Le titulaire de ce poste se trouve souvent dans des circonstances où il doit comprendre ce qui est demandé et déterminer les facteurs à prendre en considération pour résoudre un problème. Mme Gayler a déclaré que la version écrite de la question 5, qui inclut la définition de la qualification, a été remise aux candidats et lue à haute voix. Les candidats disposaient d’une feuille de travail et de dix minutes pour trouver la solution avant de répondre à la question de vive voix. Les membres du comité d’évaluation demeuraient dans la pièce pendant que les candidats préparaient leur réponse à la question 5, contrairement à la procédure suivie pour les autres questions.

43Mme Gayler a également indiqué qu’elle ne considérait pas la question 5 comme une évaluation écrite. La méthode était la même pour toutes les questions : les candidats se faisaient poser les questions par écrit et de vive voix, après quoi ils disposaient d’un laps de temps pour prendre des notes et se préparer, puis ils répondaient de vive voix.

44 Mme Gayler a déclaré qu’elle savait que le plaignant avait demandé des mesures d’accommodement pour son entrevue et a décrit les dispositions qui ont été prises : l’entrevue a eu lieu au centre-ville de Toronto, qui est accessible par transport en commun, contrairement au lieu choisi à Mississauga où se sont déroulées toutes les autres entrevues, et la pièce était pourvue de deux sources d’éclairage, au cas où des ajustements s’étaient avérés nécessaires. Elle a également déclaré qu’elle avait surveillé le plaignant pendant ses examens écrits, pour lesquels l’éclairage était un peu plus faible qu’à l’entrevue.

45 Mme Gayler a indiqué que le plaignant n’avait pas demandé d’autres mesures d’accommodement au cours de son entrevue et n’avait pas formulé de commentaires sur l’éclairage de la pièce ou sur son état physique. À la fin de chaque entrevue, les membres du comité d’évaluation demandaient au candidat s’il avait des questions, et le plaignant n’a rien soulevé.

Proposition de rencontrer le plaignant afin de discuter d’une nouvelle évaluation

46 Mme Gayler a déclaré qu’elle savait qu’un gestionnaire de niveau plus élevé avait proposé une nouvelle évaluation au plaignant; cependant, elle ignorait les mesures que nécessiterait l’évaluation proposée.

47 L’intimé a également appelé comme témoin Micheline Leduc, directrice, Programmes de ressources humaines, et responsable de l’équité en matière d’emploi et d’autres programmes de ressources humaines à l’ASFC à l’échelle nationale. Au cours de l’interrogatoire principal, Mme Leduc devait commenter une lettre de Goran Vragovic, directeur exécutif, région du Grand Toronto, datée du 4 décembre 2008 et adressée au plaignant. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas participé directement à la décision d’envoyer cette lettre, dans laquelle on demande au plaignant de communiquer avec un représentant de l’ASFC afin de discuter d’une réévaluation et de toutes les mesures d’accommodement requises.

48 Quand le plaignant a été questionné au sujet de la proposition de l’intimé de le réévaluer, il a reconnu qu’il avait reçu la lettre tout récemment; toutefois, il n’a pas communiqué avec l’intimé pour en discuter comme il était demandé dans la lettre. Selon le plaignant, il avait déjà été réévalué étant donné qu’il avait participé à un autre processus de nomination semblable visant à doter des postes FB-04 à l’ASFC.

Argumentation des parties


Argumentation du plaignant

49 Le plaignant fait référence à l’article 80 de la LEFP, qui autorise le Tribunal à interpréter et à appliquer la LCDP. Il avance que le Tribunal a clairement indiqué que la discrimination constituait un abus de pouvoir en l’incluant parmi les cinq catégories d’abus de pouvoir établies dans la décision Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale et al., 2006 TDFP 0008 (la décision Tibbs).

50 Le plaignant souligne que le paragraphe 2(4) de la LEFP inclut expressément le favoritisme personnel dans la définition de l’abus de pouvoir. Toutefois, il conteste l’interprétation du favoritisme personnel que le Tribunal a appliquée dans ses décisions précédentes. Il se fonde sur une décision du British Columbia Labour Relations Board pour affirmer que le favoritisme personnel comprend une notion de discrimination au sens large qui ne se limite pas à la discrimination fondée sur les motifs illicites aux termes de la LCDP. Ainsi, selon le plaignant, il s’agit de discrimination injuste et, en tant qu’élément du favoritisme personnel, celle-ci est incluse dans la définition de l’abus de pouvoir en vertu de la LEFP.

51 Le plaignant soutient que la religion constitue un motif de distinction illicite en vertu du paragraphe 3(1) de la LCDP. Il soutient par ailleurs que, le 2 janvier 2007, il avait informé l’intimé de ses croyances religieuses au sujet de Noël. Se référant à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Syndicat Northcrest c. Amselem, [2004] 2 R.C.S. 551, 2004 A.S.C. no 46 (QL) (la décision Amselem), il avance que le Tribunal doit déterminer si ses croyances religieuses sont authentiques, sincères et légitimes. Il avance également que la liberté de conscience et la liberté de religion sont énoncées en premier à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), et qu’il s’agit par conséquent des libertés les plus importantes auxquelles rien ne devrait faire obstacle.

52 Le plaignant affirme que les éléments de preuve montrent que ses croyances religieuses, tant en ce qui a trait à Noël qu’au bénévolat, sont authentiques. S’appuyant sur l’article 7 de la LCDP, il avance qu’il est discriminatoire de défavoriser un employé pour un motif de distinction illicite. Il reconnaît que, pour répondre à la question 4, les candidats n’étaient pas tenus d’organiser une véritable fête de Noël. Cependant, il souligne qu’il a fait savoir au comité d’évaluation à deux reprises que la question 4 allait à l’encontre de ses croyances religieuses. Il affirme que ses croyances authentiques l’ont empêché même de formuler une réponse à une question concernant une fête de Noël. Il affirme également qu’en posant la question 4, l’intimé a accordé la préférence aux candidats qui célèbrent Noël.

53 Le plaignant avance qu’il a établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur la religion et que l’intimé n’a pas pu prouver l’existence d’une exigence professionnelle justifiée.

54 Par ailleurs, le plaignant affirme qu’il a été l’objet de discrimination fondée sur une déficience selon les termes du paragraphe 3(1) de la LCDP. Il soutient qu’il souffre d’une déficience visuelle, que des mesures d’accommodement avaient déjà été prises au travail à cet égard et que l’intimé ne conteste pas qu’il a une déficience.

55 Il soutient que la question 5 constitue une évaluation écrite en raison de la forme dans laquelle elle a été présentée et de la nécessité d’analyser un document écrit pour y répondre. Il soutient également que sa demande d’accommodement pour l’entrevue était fondée sur l’invitation qu’il avait reçue le 2 août 2007 et ne tenait pas compte d’une évaluation écrite. Il affirme que rien dans l’invitation ne laissait croire qu’il aurait besoin d’accommodement pour autre chose qu’une entrevue orale. À l’appui de cette affirmation, il cite la définition du mot « entrevue » de l’Oxford Canadian Dictionary, qui ne comprend pas la notion d’examen écrit. Par conséquent, il soutient que les mesures d’accommodement appropriées n’ont pas été prises.

Argumentation de l’intimé

56 L’intimé affirme que le Tribunal a bien établi que, dans une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77 de la LEFP, il incombe au plaignant de s’acquitter du fardeau de la preuve. Il s’appuie sur la décision Tibbs et sur les décisions relatives aux droits de la personne pour affirmer qu’il incombe d’abord au plaignant d’établir une preuve prima facie de discrimination.

57 L’intimé conteste l’affirmation du plaignant selon laquelle le favoritisme personnel comprend la discrimination. Il souligne que les décisions sur lesquelles le plaignant se fonde portent sur un aspect précis du droit du travail régi par les lois provinciales.

58 Se référant à la jurisprudence de la Cour suprême du Canada (Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, [2007] 1 R.C.S. 161; [2007] SCJ n4 (QL) (décision McGill) et Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536; [1985] SCJ no 74 (QL) (décision O’Malley)), l’intimé avance que, pour établir une preuve prima facie, le plaignant doit d’abord démontrer qu’il possède une caractéristique qui constitue un motif de distinction illicite. Il doit ensuite démontrer un lien entre cette caractéristique et la différence de traitement préjudiciable qui fait l’objet de son allégation.

59 L’intimé soutient que le témoignage présenté par le plaignant au sujet de Noël et du bénévolat présente des incohérences qui sont suffisantes pour soulever un doute quant à la sincérité de ses croyances religieuses. Ainsi, il affirme que le plaignant n’a pas pu démontrer l’authenticité de ses croyances religieuses en ce qui a trait à l’objet de la question 4.

60 En outre, l’intimé avance que le plaignant n’a pas pu établir de preuve prima facie de discrimination fondée sur la religion, car il n’a pas pu démontrer le lien nécessaire entre ses croyances religieuses et sa capacité de répondre à la question 4. Les éléments de preuve montrent que cette question visait à évaluer l’esprit d’équipe et de collaboration et ne nécessitait aucune connaissance de la fête de Noël. L’intimé soutient que le plaignant n’a pas fourni d’explication quant à la façon dont une référence à une fête de Noël au bureau dans la question l’a empêché d’expliquer comment il organiserait une équipe et répartirait les tâches.

61 L’intimé soutient également que le comité d’évaluation a suggéré que le plaignant réponde à la question 4 en tenant compte d’un contexte différent quand il a manifesté son opposition au cours de l’entrevue. Il avance qu’il s’agissait pour le plaignant d’une occasion de démontrer qu’il possédait la qualification évaluée, et que le témoignage du plaignant montre que ce dernier était en mesure d’envisager la question dans un contexte différent.

62 En ce qui concerne la question de la discrimination fondée sur une déficience, l’intimé ne conteste pas le témoignage du plaignant au sujet de sa déficience visuelle en l’espèce, mais il soutient que le plaignant n’a pas pu démontrer le lien nécessaire entre sa déficience et sa capacité de répondre à la question 5. Il affirme que, bien que le plaignant ait déclaré qu’il n’avait été en mesure de lire qu’une partie de la question en raison de sa déficience, celle-ci lui avait été lue à haute voix avant qu’il formule sa réponse.

63 L’intimé souligne que les besoins d’accommodement du plaignant avaient été satisfaits à d’autres occasions par le passé ainsi qu’à l’entrevue. Toutes ses demandes d’accommodement ont été prises en compte et acceptées; par ailleurs, le plaignant n’a pas demandé d’autres mesures d’accommodement quand ses besoins ont changé.

64 Enfin, l’intimé avance que les éléments de preuve présentés par le plaignant sont insuffisants pour permettre de conclure que celui-ci possède les qualifications essentielles du poste FB-04 en question. Ainsi, il n’a rempli qu’une seule des conditions nécessaires pour établir une preuve prima facie de discrimination dans un contexte d’embauche, comme elles sont décrites dans la décision Shakes c. Rex Pax Ltd. (1981), 3 C.H.R.R. D/1001 (Comm. d’enq. de l’Ont.) (décision Shakes). Par conséquent, l’intimé soutient que le plaignant n’a pas établi de preuve prima facie de discrimination fondée sur une déficience.

Argumentation de la Commission de la fonction publique

65 La Commission de la fonction publique (CFP) affirme qu’une violation de la LCDP est une affaire sérieuse qui compromet un processus de nomination et doit être traitée au moyen d’un des différents mécanismes prévus par la LEFP. La CFP soutient que, dans le cas d’une plainte en vertu de l’article 77 de la LEFP, le Tribunal doit être convaincu que la violation était le résultat d’une intention illégitime ou d’une insouciance ou d’une négligence telle qu’on pourrait la qualifier de mauvaise foi. La CFP soutient que, si le législateur avait eu l’intention de considérer toutes les violations de la LCDP comme un abus de pouvoir, il aurait inclus la discrimination au paragraphe 2(4) de la LEFP.

66 La CFP conteste l’argument du plaignant concernant le favoritisme personnel et la discrimination. Elle indique que l’interprétation du plaignant nécessiterait essentiellement que le Tribunal modifie l’article 3 de la LCDP pour ajouter le favoritisme personnel aux motifs de distinction illicite.

67 La CFP soutient que le Tribunal devrait évaluer la sincérité des croyances religieuses en fonction de la décision rendue dans l’affaire Amselem et des définitions de « bona fide » et de « good faith » (en anglais) du Black’s Law Dictionary (1999), 7e édition. Elle affirme que les contradictions importantes dans le témoignage du plaignant devraient être prises en compte par le Tribunal au moment de soupeser les éléments de preuve portant sur la sincérité des croyances religieuses du plaignant.

68 En outre, la CFP soutient que l’intimé a pris les mesures appropriées relativement à la question 4 quand il a suggéré que le plaignant réponde à la question sans faire référence à Noël.

69 En ce qui concerne la question 5, la CFP précise qu’elle est convaincue que cette question devait être posée de vive voix, que la demande d’accommodement du plaignant avait été satisfaite et que l’intimé avait appliqué les lignes directrices de la CFP de façon appropriée.

Réplique du plaignant

70 En réplique, le plaignant précise qu’il s’opposait à la question 4 en raison de son caractère religieux, et non parce qu’elle portait sur une activité sociale. Il affirme qu’il s’est acquitté du fardeau de la preuve en ce qui concerne sa déficience, car il a déployé des efforts raisonnables pour communiquer ses besoins d’accommodement à une personne qui était au courant de sa déficience et de ses besoins à cet égard. Il demande au Tribunal de tenir compte des circonstances au moment d’examiner l’affirmation de l’intimé et de la CFP selon laquelle il n’a pas demandé d’autres mesures d’accommodement.

Dispositions législatives pertinentes

71 Le paragraphe 88(2) de la LEFP énonce la mission du Tribunal, et plus particulièrement sa mission d’instruire les plaintes d’abus de pouvoir présentées en vertu de l’article 77 de la LEFP.

88. (2) Le Tribunal a pour mission d’instruire les plaintes présentées en vertu du paragraphe 65(1) ou des articles 74, 77 ou 83 et de statuer sur elles.

72 Le paragraphe 77(1) établit les circonstances et les raisons permettant de présenter une plainte concernant un processus de nomination interne.

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  1. abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);
  2. abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;
  3. omission de la part de la Commission d’évaluer le plaignant dans la langue officielle de son choix, en contravention du paragraphe 37(1).

73 Les articles 80, 81 et 82 de la LEFP prévoient que le Tribunal a le pouvoir d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la LCDP en examinant une plainte présentée en vertu de l’article 77, et définissent sa compétence et les limites de sa compétence en matière de mesures correctives.

80. Lorsqu’il décide si la plainte est fondée, le Tribunal peut interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle-ci sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

81. (1) S’il juge la plainte fondée, le Tribunal peut ordonner à la Commission ou à l’administrateur général de révoquer la nomination ou de ne pas faire la nomination, selon le cas, et de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées.

(2) Les ordonnances prévues à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne peuvent faire partie des mesures correctives.

82. Le Tribunal ne peut ordonner à la Commission de faire une nomination ou d’entreprendre un nouveau processus de nomination.

74 L’article 3(1) de la LCDP énonce les motifs de distinction illicite, et l’article 7 décrit les pratiques discriminatoires liées à l’embauche.

3. (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

[...]

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

  1. de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;
  2. de le défavoriser en cours d’emploi.

75 L’article 10 de la LCDP décrit les pratiques discriminatoires dans un contexte d’emploi :

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

  1. de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;
  2. de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

76 Le pouvoir du Tribunal d’ordonner des mesures correctives décrites au paragraphe 81(2) de la LEFP inclut le pouvoir d’appliquer les mesures correctives prévues à l’alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la LCDP.

53.[…]

(2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

[…]

e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

[…]

77 Des parties des articles 15(1) et 15(2) de la LCDP sont également pertinentes dans le cadre de cette plainte.

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;

[...]

(2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l’alinéa (1)g), s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

78 L’article 25 de la LCDP définit « déficience » de la façon suivante : « Déficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée, y compris le défigurement ainsi que la dépendance, présente ou passée, envers l’alcool ou la drogue ».

Analyse


LEFP et compétence du Tribunal pour appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne

79 Le Tribunal doit déterminer s’il y a eu abus de pouvoir en raison de pratiques discriminatoires. Selon le paragraphe 88(2) de la LEFP, la mission du Tribunal en ce qui concerne les processus de nomination internes est d’instruire les plaintes présentées en vertu de l’article 77 de la LEFP et de statuer sur elles. L’article 77 de la LEFP prévoit qu’une personne peut présenter une plainte au Tribunal au motif qu’elle n’a pas été nommée en raison d’un abus de pouvoir.

80 Dans la décision Tibbs, le Tribunal a souligné que le législateur avait choisi de ne pas limiter la définition de l’abus de pouvoir à la mauvaise foi et au favoritisme personnel. Le Tribunal a également établi cinq catégories d’abus de pouvoir permettant d’analyser de telles allégations.

81 La LEFP permet clairement au Tribunal d’interpréter les dispositions de la LCDP en vue de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir. À l’article 80 de la LEFP, le législateur prévoit expressément que le Tribunal peut interpréter et appliquer les dispositions de la LCDP lorsqu’il est saisi d’une plainte d’abus de pouvoir présentée en vertu de l’article 77 de la LEFP. Ainsi, le Tribunal est clairement habilité à examiner une allégation de discrimination dans le cadre d’une plainte d’abus de pouvoir.

82 Le Tribunal ne souscrit pas à l’argument de la CFP selon lequel une violation de la LCDP constitue un abus de pouvoir seulement s’il est possible d’établir qu’il y a eu intention illégitime ou insouciance ou négligence telle qu’on pourrait la qualifier de mauvaise foi.

83 Il est bien établi dans la jurisprudence en matière de droits de la personne qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu une intention illégitime pour conclure qu’il y a eu de la discrimination. La description de la discrimination donnée par le juge McIntyre au paragraphe 37 de la décision Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; [1989] S.C.J. no 6 (QL) est digne de mention :

J’affirmerais alors que la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d’un individu ou d’un groupe d’individus, qui a pour effet d’imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d’autres ou d’empêcher ou de restreindre l’accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d’autres membres de la société. Les distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un seul individu en raison de son association avec un groupe sont presque toujours taxées de discriminatoires, alors que celles fondées sur les mérites et capacités d’un individu le sont rarement.

84 En examinant les questions relatives à la discrimination dans la décision McGill,la juge Abella a réitéré le principe selon lequel il n’est pas nécessaire de prouver l’intention pour conclure à la discrimination. Dans ses motifs concordants, elle a écrit au paragraphe 48 que « la discrimination réside essentiellement dans le caractère arbitraire de son incidence négative, c’est-à-dire le caractère arbitraire des obstacles érigés intentionnellement ou inconsciemment ».

85 De plus, le Tribunal a toujours jugé qu’une constatation d’abus de pouvoir ne nécessite pas qu’il y ait eu intention illégitime, et qu’une interprétation exigeant une preuve d’intention serait contraire à l’intention du législateur au moment de la promulgation de la LEFP. (Voir, par exemple, le paragraphe 72 de la décision Tibbs, et le paragraphe 36 de la décision Rinn c. le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités et al., 2007 TDFP 0044.)

86 L’interprétation du plaignant du terme « favoritisme personnel » s’appuie uniquement sur un cas de jurisprudence provinciale dans le contexte du régime de relations de travail de la Colombie-Britannique. Les affirmations du plaignant en l’espèce ne remettent nullement en question les constatations du Tribunal quant au favoritisme personnel dans la décision Glasgow c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., 2008 TDFP 0007, ou ses autres décisions. Toutefois, cette question n’est pas déterminante étant donné qu’elle a été formulée à l’appui de l’argument du plaignant selon lequel le Tribunal est habilité à traiter les questions relatives aux droits de la personne lorsqu’il s’agit d’examiner une plainte d’abus de pouvoir. Le Tribunal a déjà déterminé qu’il possédait cette compétence.

87 En outre, comme l’a souligné le juge en chef Lamer au paragraphe 72 de la décision Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835, « [i]l faut se garder d’adopter une conception hiérarchique qui donne préséance à certains droits au détriment d’autres droits, tant dans l’interprétation de la Charte que dans l’élaboration de la common law ». Voir également Renvoi relatif au mariage entre personnes du même sexe, 2004 CSC 79, [2004] 3 R.C.S. 698 et Gosselin c. Québec (Procureur général), [2002] 4 R.C.S. 429, 2002 CSC 84.

Fardeau de la preuve

88 L’article 3 de la LCDP prévoit que la religion et la déficience font partie des motifs de distinction illicite. En outre, l’article 7 de la LCDP indique que le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu ou de le défavoriser en cours d’emploi par des moyens directs ou indirects constitue une pratique discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite.

89 Il est bien établi qu’il incombe au plaignant de s’acquitter du fardeau de la preuve, selon la prépondérance des probabilités, dans le cadre d’une plainte d’abus de pouvoir présentée en vertu de la LEFP. (Voir, par exemple, les paragraphes 50, 53 et 55 de la décision Tibbs).

90 Dans un contexte de droits de la personne, il incombe au plaignant d’établir une preuve prima facie de discrimination. Dans la décision O’Malley, la Cour suprême du Canada a décrit la nature d’une preuve prima facie de discrimination :

28 […] Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire qu’il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé. […]

91 Dans son examen attentif des dispositions de la LCDP et de la preuve de discrimination dans l’arrêt Morris c. Canada (Forces armées canadiennes), 2005 CAF 154; [2005] A.C.F. no 731 (QL) (la décision Morris), la Cour d’appel fédérale a affirmé de nouveau que dans les questions liées à l’emploi, la discrimination, aux termes de la LCDP, peut être démontrée prima facie au moyen du critère établi dans la décision O’Malley.

92 Plus récemment, la juge Abella a décrit dans la décision McGill le fardeau initial d’établir qu’il y a eu distinction discriminatoire ou discrimination à première vue. Elle indique au paragraphe 49 que les distinctions ne sont pas toutes discriminatoires, et que seulement l’appartenance à un groupe protégé n’est pas suffisante pour garantir l’accès à des mesures correctives fondées sur les droits de la personne. Il incombe au plaignant de s’acquitter du fardeau initial d’établir le lien qui existe entre l’appartenance à ce groupe et le caractère arbitraire du critère ou du comportement désavantageux, lequel suscite la possibilité de mesures correctives.

93 Une fois que le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination, il appartient à l’intimé de justifier la pratique discriminatoire à première vue. Selon le paragraphe 15(2) de la LCDP, l’intimé doit démontrer que la norme est justifiée et qu’il y a un lien rationnel entre celle-ci et une exigence professionnelle justifiée. Si l’intimé parvient à justifier sa conduite en conformité avec le paragraphe 15(2) de la LCDP, alors il n’y a pas eu discrimination. Sinon, l’allégation de discrimination sera maintenue.

Distinction fondée sur la religion

94 La religion est un motif de distinction illicite en vertu du paragraphe 3(1) de la LCDP. Afin de déterminer s’il y a eu pratique discriminatoire fondée sur la religion en l’espèce, le Tribunal doit déterminer si les croyances religieuses du plaignant sont authentiques. Dans l’affirmative, le Tribunal doit décider si le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination.

95 La Cour suprême du Canada a décrit des notions importantes pour établir qu’une croyance religieuse est authentique aux paragraphes 39 à 46 de la décision Amselem. En premier lieu, la croyance du plaignant doit être liée à la religion, qu’elle soit fondée ou non sur des préceptes observés par d’autres. En second lieu, le plaignant doit prouver que sa croyance est sincère, qu’elle soit ou non requise par un dogme religieux officiel ou conforme à la position de représentants religieux. Le juge Iacobucci, s’exprimant au nom de la majorité dans la décision Amselem, a fourni la définition suivante de la religion au paragraphe 39 :

39 […] Bien qu’il ne soit peut-être pas possible de définir avec précision la notion de religion, une définition générale est utile puisque seules sont protégées par la garantie relative à la liberté de religion les croyances, convictions et pratiques tirant leur source d’une religion, par opposition à celles qui soit possèdent une source séculière ou sociale, soit sont une manifestation de la conscience de l’intéressé. Une religion s’entend typiquement d’un système particulier et complet de dogmes et de pratiques. En outre, une religion comporte généralement une croyance dans l’existence d’une puissance divine, surhumaine ou dominante. Essentiellement, la religion s’entend de profondes croyances ou convictions volontaires, qui se rattachent à la foi spirituelle de l’individu et qui sont intégralement liées à la façon dont celui-ci se définit et s’épanouit spirituellement, et les pratiques de cette religion permettent à l’individu de communiquer avec l’être divin ou avec le sujet ou l’objet de cette foi spirituelle.

96 En l’espèce, la plainte concerne la déclaration du plaignant selon laquelle il ne croit pas à la célébration religieuse de Noël. Dans son témoignage, le plaignant a expliqué ses antécédents personnels et certains des renseignements sur lesquels ses croyances sont fondées. Il a affirmé qu’il se considérait comme catholique, bien qu’il ne souscrive pas à de nombreux préceptes de cette religion. Il soutient que ses croyances à l’égard de Noël sont semblables à celles des Témoins de Jéhovah, sans être identiques. Il a également affirmé qu’il n’était pas offensé par les invitations à des fêtes de Noël, mais qu’il n’y participait pas parce que cela irait à l’encontre de ses croyances religieuses. Il avance que, d’après ce qu’il en sait, une fête de Noël implique un sapin de Noël et des décorations, qu’il considère comme de fausses idoles que ses croyances religieuses l’empêchent de vénérer. Il ne décore pas sa maison pour Noël. Le témoignage de ses deux témoins appuie celui du plaignant selon lequel il ne fête pas Noël.

97 L’intimé et la CFP soutiennent tous deux que les croyances du plaignant ne sont pas sincères. L’intimé invoque notamment deux contradictions apparentes dans le témoignage du plaignant, la première portant sur le fait que le plaignant a demandé la permission d’assister à un dîner de Noël, et l’autre sur le fait que le plaignant tolère les décorations de Noël. La CFP avance que le Tribunal devrait tenir compte de la disparité entre les déclarations du plaignant et ses actes au moment de décider si ses croyances sont authentiques.

98 En ce qui concerne le fait que le plaignant a demandé la permission d’assister à un dîner de Noël, le Tribunal accepte l’explication du plaignant selon laquelle il considérait ce dîner comme un dîner d’équipe et qu’il avait utilisé les mots « dîner de Noël » dans sa demande uniquement pour faciliter la communication. Le Tribunal souligne également que le plaignant a déclaré qu’il permettait aux membres de sa famille qui ne partagent pas ses croyances d’apporter des décorations de Noël chez lui parce qu’il se montre tolérant à leur égard.

99 En dépit de l’argumentation de l’intimé et de la CFP, le Tribunal juge que les croyances du plaignant au sujet de Noël sont sincères. Il peut être difficile pour une personne n’ayant pas de connaissance approfondie des croyances religieuses du plaignant de déterminer ce qui peut ou non aller à leur encontre. En outre, il n’est pas possible de conclure que tout ce qui est associé à Noël ira nécessairement à l’encontre des croyances du plaignant, étant donné que, selon son témoignage, le plaignant sait se montrer ouvert selon les circonstances.

100 Au vu des éléments de preuve dont il est saisi, le Tribunal conclut que le plaignant n’observe pas les préceptes d’une institution religieuse en particulier. Il fonde ses croyances sur ses études et observations; elles lui sont propres. En outre, le Tribunal constate que les croyances du plaignant ont un lien avec la religion, bien que ce lien leur soit propre, contrairement à ce qui a été observé dans les décisions présentées par les parties. Ainsi, le Tribunal conclut que les croyances du plaignant sont authentiques et lui interdisent de participer à un événement visant à célébrer Noël.

Preuve prima facie de discrimination

101 Maintenant qu’il a établi que les croyances religieuses du plaignant sont authentiques, le Tribunal doit déterminer si le plaignant est parvenu à prouver que la question d’entrevue portant sur Noël constituait une pratique discriminatoire à première vue. En d’autres termes, l’allégation du plaignant est-elle assez bien étayée et suffisante pour justifier une décision en sa faveur, en l’absence d’une réponse de l’intimé?

102 Le plaignant soutient qu’il n’a pas pu répondre adéquatement à la question 4, pour laquelle les candidats étaient tenus de faire semblant qu’ils s’étaient portés volontaires pour organiser une fête de Noël, pour trois raisons. En premier lieu, les croyances religieuses du plaignant l’ont empêché de répondre à une question de nature religieuse. En deuxième lieu, le plaignant affirme que sa croyance selon laquelle il ne doit pas chercher à obtenir de reconnaissance pour ses actes de bénévolat, et donc qu’il ne doit pas en parler en public, a constitué un obstacle au moment de répondre à la question. En troisième lieu, le plaignant indique que, quand il a pris connaissance de la question, il a cru qu’elle avait été délibérément située dans le contexte de Noël, car il avait déclaré précédemment qu’il ne célébrait pas Noël et qu’il avait été envoyé à Santé Canada pour une évaluation de l’aptitude au travail. De son point de vue, il y avait un lien entre le fait qu’il a communiqué ses croyances à l’égard de Noël, la demande d’évaluation par Santé Canada qui a suivi et la question d’entrevue qui lui a été posée plusieurs mois plus tard par le comité d’évaluation.

103 Dans son argumentation, le plaignant a fait référence à diverses plaintes de discrimination fondée sur la religion accueillies ou partiellement accueillies : la décision Tahmourpour c. Canada (Gendarmerie royale), [2008] D.C.D.P. no 10; 2008 TCDP 10 a été infirmée dans la décision Canada (Procureur général) c. Tahmourpour, 2009 CF 1009; [2009] FCJ no 1220; la décision Kurvits c. La Commission canadienne des droits de la personne et Le Conseil du Trésor et L’Alliance de la Fonction Publique du Canada, D.T. 7/91, portait sur les contributions syndicales et les croyances religieuses; la décision Jones v. C.H.E. Pharmacy Inc. et al., 2001 BCHRT 1(la décision Jones), concernait le renvoi d’un employé d’un magasin de vente au détail en raison de son refus de disposer des poinsettias dans le but de faire la promotion de Noël et non des ventes; enfin, la décision Amselem concernait l’obligation pour un groupe religieux d’enlever les abris de fortune dont la construction pendant un festival religieux est exigée par la Bible. Ces trois dernières décisions visent des pratiques et des conduites qui allaient au cœur des croyances religieuses du plaignant, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Les éléments de preuve montrent que la question 4 était accompagnée de critères précis qui ne se rapportaient nullement aux croyances religieuses du plaignant et n’avaient eu aucune incidence négative sur celui-ci.

104 Le Tribunal conclut que la question 4 indique et décrit clairement la qualification évaluée. L’esprit d’équipe et de collaboration constitue le fondement de la question, non pas la présence ou l’absence d’une croyance en la célébration religieuse de Noël. Contrairement à la situation dans la décision Jones, la question ne visait pas à faire la promotion de Noël et n’obligeait pas le plaignant à révéler ses croyances ou à aller à l’encontre de celles-ci pour y répondre; elle a été conçue pour évaluer la capacité des candidats à faire preuve d’esprit d’équipe et de collaboration. Ce but est énoncé de façon explicite dans la question.

105 En ce qui concerne la façon dont les candidats étaient évalués par rapport à la question, la norme établie par l’intimé comporte trois parties. La première est l’objet de l’évaluation, soit l’esprit d’équipe et de collaboration, et la deuxième est le nombre de points attribués; celles-ci ont été clairement communiquées aux participants. La troisième partie de la norme était la liste d’éléments qui démontrent, selon l’intimé, que le candidat possède la qualification, soit les réponses attendues, qui n’ont pas été communiquées aux candidats.

106 Le Tribunal juge que la référence à Noël dans la question était fortuite et ne servait qu’à mettre les candidats en contexte pour leur permettre de réfléchir à la façon dont ils pourraient démontrer qu’ils possèdent la qualification requise. Rien ne prouve que les croyances personnelles d’un candidat à l’égard de Noël influeraient sur l’évaluation de la réponse par le comité d’évaluation. Le Tribunal conclut donc que la question n’était pas de nature religieuse.

107 Le Tribunal constate également que le but de la question était clair. La question fournit une définition de la qualification évaluée, c’est-à-dire l’esprit d’équipe et de collaboration. Il aurait dû être évident pour le plaignant qu’il devait démontrer qu’il possédait cette qualification.

108 Pour les mêmes motifs, le Tribunal ne peut accepter l’argument du plaignant selon lequel ses croyances concernant le bénévolat l’avaient empêché de répondre à la question 4, qui avait de toute évidence été conçue pour évaluer la qualification précisée, pas la capacité de parler ouvertement de ses activités de bénévolat.

109 En outre, le Tribunal conclut que les croyances subjectives du plaignant n’expliquent pas pourquoi il n’a pas pu démontrer qu’il possédait la qualification essentielle évaluée dans cette question. Le plaignant a déclaré que, quand il a pris connaissance de la question 4, il a cru qu’il y avait un lien entre la référence à Noël et les circonstances entourant son évaluation par Santé Canada. Le Tribunal souligne qu’il n’y a que deux références mineures à Noël dans un document de plus de quarante pages qui faisait partie de la présentation à Santé Canada, ce qui ne permet pas de conclure qu’il y avait un lien entre le fait qu’il a été envoyé à Santé Canada pour une évaluation de l’aptitude au travail et la question 4 de l’entrevue. Par ailleurs, le plaignant n’a fourni aucun autre élément de preuve à l’appui de sa position. Comme le Tribunal l’a déjà établi, la façon dont la question était rédigée exprimait clairement son objectif, soit d’évaluer l’esprit d’équipe et de collaboration. Le Tribunal conclut que la croyance du plaignant est sans fondement, ou que ce fondement est, au mieux, très ténu. En tant que simple possibilité qu’aucun élément ne vient étayer, il n’atteint donc pas le degré de probabilité requis.

110 Le Tribunal remarque également que le plaignant avait déclaré que, dans d’autres contextes, il pouvait aisément convertir l’idée d’un dîner de Noël en celle d’un dîner d’équipe, ce qui la rendait acceptable au regard de ses croyances religieuses.

111 En outre, dans son propre témoignage le plaignant a déclaré qu’il ne pensait plus que le contexte d’une fête de Noël avait été utilisé délibérément dans la question d’entrevue en raison de ses croyances. Il a indiqué qu’il avait parlé à Mme Gayler tout de suite après l’entrevue et était convaincu que le choix d’une fête de Noël comme mise en situation n’avait aucun lien avec les événements qui s’étaient produits plus tôt durant l’année.

112 Par ailleurs, le Tribunal n’est saisi d’aucun élément de preuve permettant de conclure que les membres du comité d’évaluation étaient au courant des croyances du plaignant à l’égard de Noël au cours du processus de nomination. Le plaignant a fait mention d’un courriel qu’il avait envoyé avant le processus de nomination, dans lequel il informait l’intimé de ses croyances religieuses. Toutefois, ce courriel a été envoyé à une personne qui ne faisait pas partie du comité d’évaluation, et rien ne prouve que les renseignements qu’il contenait ont été transmis aux membres du comité d’évaluation.

113 Selon le Tribunal, étant donné que l’objectif de la question était clairement formulé, les croyances personnelles du plaignant n’auraient pas pu être un facteur expliquant que le plaignant n’a pas été en mesure de répondre à une question qui indiquait clairement la qualification évaluée. En se fondant sur une interprétation de la question 4 dans son ensemble, le Tribunal constate que celle-ci ne nécessite aucune connaissance de Noël, ne vise aucunement à obtenir des renseignements sur les opinions personnelles des candidats concernant Noël et ne nécessite pas qu’ils rendent publiques leurs activités bénévoles. Le Tribunal estime qu’il n’y a aucun lien entre la capacité du plaignant de répondre à la question 4 et ses croyances religieuses et que, par conséquent, celui-ci n’a pas établi de preuve prima facie de discrimination au regard de ce motif. Le Tribunal conclut donc que les croyances religieuses du plaignant n’étaient pas à l’origine de son incapacité à démontrer qu’il possédait la qualification essentielle évaluée à la question 4.

114 De plus, le Tribunal constate que l’intimé a fourni une explication raisonnable concernant le choix de la question 4. Le Tribunal fait remarquer que Mme Gayler a affirmé que la question 4 avait été élaborée par les membres du comité d’évaluation pour permettre aux candidats de démontrer qu’ils étaient en mesure de travailler en équipe et de collaborer avec d’autres. Elle a précisé que le comité n’avait pas inclus la connaissance de Noël ou des traditions de Noël dans les critères à évaluer. Ce témoignage n’a pas été contesté.

115 Le Tribunal a déjà établi que l’objet de cette question était formulé de façon claire et explicite. En outre, comme le plaignant l’a lui-même affirmé, le comité lui a suggéré de ne pas tenir compte de la référence à Noël et d’utiliser plutôt un contexte de son choix pour répondre à la question, ce qui illustre bien que le scénario de la fête de Noël n’était pas un élément essentiel de la question ni de la compétence à évaluer. Cette situation démontre également que le plaignant s’est vu offrir la possibilité de répondre à la question dans un contexte différent, sans aucune référence à la fête de Noël, et de démontrer qu’il possédait la qualification décrite dans la question.

116 Le Tribunal a examiné la question 4 en détail, et le contexte aurait effectivement pu être changé pour la phrase suivante : « Vous faites partie d’un comité chargé d’organiser une activité de bureau » [traduction]. Cette substitution n’aurait pas changé l’objet de la question ni empêché l’évaluation de la qualification visée, soit l’esprit d’équipe et de collaboration. Compte tenu de la qualification évaluée et des réponses attendues, le Tribunal conclut qu’aucun avantage ni inconvénient ne découlaient de l’utilisation du contexte de Noël dans la question 4.

117 Le plaignant a rejeté la suggestion de l’intimé d’adapter la question en l’ignorant. Or, le plaignant n’a fourni aucun élément de preuve appuyant son affirmation selon laquelle il n’était pas en mesure d’adapter la question, d’autant plus que cette affirmation contredit son témoignage selon lequel, dans d’autres contextes de travail, il pouvait facilement transformer un repas de Noël en un repas d’équipe, éliminant ainsi l’interdiction qui découlait de ses croyances religieuses. De plus, aucune preuve n’indique que le plaignant a informé le comité de son incapacité à procéder à la même substitution au moment où la question lui a été posée. Enfin, le plaignant n’a pas demandé de période de réflexion, pas plus qu’il n’a indiqué au comité qu’il voulait mettre fin à l’entrevue. Toutes ces solutions étaient à sa disposition s’il ne souhaitait pas donner suite à la suggestion de l’intimé d’adapter la question. Après avoir examiné attentivement la question 4, le Tribunal juge qu’il s’agissait là d’une proposition raisonnable.

118 Le Tribunal estime également que, même s’il avait conclu à une preuve prima facie, les éléments de preuve présentés démontrent clairement que les exigences des paragraphes 15(1) et 15(2) de la LCDP auraient été satisfaites.

Distinction fondée sur la déficience

119 Le plaignant soutient qu’il souffre d’une déficience visuelle, qu’il a été tenu de répondre à une question d’entrevue qui comportait une partie écrite et que, comme il n’avait pas été informé à l’avance de la nature de cette question d’entrevue, l’intimé n’a pas pris les mesures d’accommodement prévues au sens de la LCDP.

120 La déficience figure parmi les motifs de distinction illicite aux termes du paragraphe 3(1) de la LCDP. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer si le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination.

Preuve prima facie de discrimination

121 Aux termes de l’article 25 de la LCDP, la déficience comprend toute « déficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée [...] ». Ni l’intimé ni la CFP n’ont produit de preuve permettant de remettre en cause la preuve du plaignant selon laquelle il souffre d’une déficience visuelle. Cette preuve comprend notamment le témoignage du plaignant au sujet des symptômes qu’il éprouve lorsqu’il est exposé à la lumière. Le plaignant a expliqué que ses troubles visuels dépendent du niveau d’intensité et du temps d’exposition à la lumière, et qu’il devait récupérer à la noirceur. D’autres éléments de preuve montrent que l’intimé a déjà pris des mesures destinées à répondre aux besoins du plaignant par le passé en raison de ces symptômes. De plus, au moment où l’audience a été organisée, le plaignant a demandé des mesures d’accommodement pour sa sensibilité extrême à la lumière, et des dispositions ont été prises à cet égard. Dans son témoignage, le plaignant a indiqué qu’il doit porter des verres teintés lorsqu’il est exposé à la lumière, et le Tribunal a effectivement remarqué que le plaignant portait des verres teintés durant l’audience. Le Tribunal tient pour avéré que le plaignant souffre d’une déficience visuelle.

122 Le plaignant soutient que la question 5 constituait en fait une évaluation écrite étant donné qu’il fallait analyser un document écrit pour fournir une réponse. Il avance que, puisque la question comportait une partie de compréhension de l’écrit et d’expression écrite et non pas seulement une partie orale, il a été désavantagé en raison de sa déficience visuelle.

123 Les éléments de preuve montrent que la question 5 était conçue pour évaluer le raisonnement analytique et que les candidats répondaient oralement à cette question. Le Tribunal constate toutefois que, même si une partie de la question se déroulait clairement à l’oral, il n’en allait pas ainsi pour la question au complet. De fait, les candidats pouvaient écouter la question et la lire sur papier. Pour répondre oralement à la question, les candidats devaient comprendre plusieurs instructions, ce qui, selon le Tribunal, était plus facile lorsqu’ils se reportaient au document écrit.

124 Le Tribunal accepte l’argument de l’intimé selon lequel l’entrevue, y compris la question 5, devait se dérouler oralement. Toutefois, le Tribunal estime également, selon toute vraisemblance, qu’une personne souffrant d’une déficience visuelle du même type que celle que le plaignant a décrite est désavantagée au moment de répondre à la question. Les candidats ne souffrant pas de la déficience décrite par le plaignant peuvent se reporter à la question qu’ils ont entendue ainsi qu’aux instructions et au document écrits au moment de préparer leur réponse et de répondre à la question. Le Tribunal conclut qu’une personne souffrant du type de déficience visuelle que le plaignant a décrite est désavantagée en raison de la façon dont la question 5 était présentée dans le processus d’entrevue. Par conséquent, le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination.

125 Le Tribunal ne peut pas appuyer l’argument de l’intimé relativement à l’application du critère énoncé dans la décision Shakes pour établir une preuve prima facie de discrimination en l’espèce. Comme l’a indiqué la Cour fédérale du Canada dans la décision Morris, le critère énoncé dans la décision Shakes n’est pas définitif; il ne s’agit que d’un exemple de critère applicable à la discrimination en matière de droits de la personne dans un contexte d’emploi. Le critère pour établir une preuve prima facie de discrimination en vertu de la LCDP est celui qui a été établi dans la décision O’Malley.

Motif justifiable

126 Comme le plaignant a réussi à établir une preuve prima facie de discrimination, il incombe maintenant à l’intimé d’établir que le critère ou la conduite discriminatoire à première vue était justifié, conformément à l’alinéa 15(1)a) et au paragraphe 15(2) de la LCDP. Aux termes de l’alinéa 15(1)a) de la LCDP, une norme ou une pratique ne constitue pas un acte discriminatoire s’il est démontré que celle-ci découle d’une exigence professionnelle justifiée. Conformément au paragraphe 15(2) de la LCDP, l’intimé doit également démontrer, pour toute pratique mentionnée à l’alinéa 15(1)a), que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

127 Dans la décision Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3, [1999] S.C.J. No 46 (Meorin), il n’a pas été question du paragraphe 15(2) de la LCDP. Toutefois, le critère en trois volets qui y est présenté pour établir ce qui constitue une exigence professionnelle justifiée permet de préciser l’analyse à effectuer pour déterminer si une norme ou une conduite discriminatoire à première vue peut être justifiée. Selon ce critère, l’employeur doit établir :

  • qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;
  • qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;
  • que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.

128 Le Tribunal estime que la question 5 servait un but raisonnable à titre d’outil d’évaluation aux fins de nomination. Étant donné la complexité de la question, il était approprié que celle-ci soit fournie aux candidats par écrit. À la lumière de la preuve, le Tribunal juge également que le comité a décidé d’utiliser cette question et d’autoriser les candidats à se reporter à la question écrite parce qu’ils croyaient sincèrement que cette procédure permettait d’atteindre un but légitime lié au travail.

129 Le Tribunal constate que le plaignant n’a présenté aucun argument concernant les deux premiers volets du critère énoncé dans la décision Meorin. Il a affirmé que la question avait été posée ainsi par mégarde. Le Tribunal est convaincu que la question principale à trancher en l’espèce se rapporte au volet 3 du critère énoncé dans la décision Meorin. Le plaignant n’a pas contesté le fait que l’on a entièrement donné suite à sa demande d’accommodement, telle qu’elle a initialement été présentée à l’intimé avant l’entrevue. Le plaignant soutient toutefois qu’il n’était pas en mesure de formuler sa demande de façon appropriée parce que l’intimé ne lui avait pas fourni suffisamment de détails concernant l’entrevue. S’il avait été informé que l’une des questions d’entrevue comporterait une partie écrite, il aurait formulé sa demande autrement.

130 L’intimé soutient qu’il a entièrement donné suite à la demande du plaignant et que celui-ci n’a pas informé le comité d’évaluation que les mesures d’accommodement prises étaient insuffisantes. Par conséquent, l’intimé estime qu’il n’était pas en mesure de prendre d’autres dispositions. Il fait valoir que le plaignant n’a pas assumé les responsabilités qui lui incombaient en ce qui a trait aux mesures d’accommodement.

131 Comme l’a établi la Cour suprême du Canada dans l’affaire Central Okanagan School District no 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, [1992] S.C.J. n 75, la prise de mesures d’accommodement est un processus qui n’est pas figé ni absolu. Bien que l’intimé doive décider comment donner suite aux demandes d’accommodement et y répondre de façon appropriée, les responsabilités à cet égard n’incombent pas qu’à lui seul. Au paragraphe 43 de la décision Renaud, le juge Sopinka a d’ailleurs souligné que les employés devaient également participer activement au processus d’accommodement :

Pour faciliter la recherche d’un compromis, le plaignant doit lui aussi faire sa part. À la recherche d’un compromis raisonnable s’ajoute l’obligation de faciliter la recherche d’un tel compromis. Ainsi, pour déterminer si l’obligation d’accommodement a été remplie, il faut examiner la conduite du plaignant.

132 Dans la décision Meorin, la Cour suprême du Canada a confirmé le principe établi dans la décision Renaud, c’est-à-dire que toutes les parties, y compris l’employé, ont des obligations à remplir dans le cadre du processus d’accommodement. Au paragraphe 65 de la décision Meorin, la Cour a fourni une liste de questions relatives à ces obligations, tandis qu’au paragraphe 66, elle précise qu’un examen de la procédure et un examen de la teneur réelle interviennent dans le processus. Même si, en pratique, ces deux examens sont présentés séparément, ils se chevauchent.

133 Le processus d’accommodement exige donc un effort de communication et un engagement des deux parties. Les critères qui permettent d’établir que toutes les parties ont rempli leurs obligations dans un tel processus ne sont pas figés et ne peuvent pas être catégorisés de façon définitive. En effet, il faut parfois adapter la façon dont les mesures sont prises, et il faut également que l’intimé et l’employé participent tous deux au dialogue et soient prêts à collaborer. Les résultats de l’accommodement ne sont pas toujours parfaits, en particulier s’il est clair que la partie qui doit donner suite à la demande ne connaît pas l’existence du problème.

134 Les parties sont tenues d’agir de façon raisonnable et de collaborer en vue de trouver des solutions aux demandes d’accommodement. S’il y a une faille dans le processus d’accommodement, il faut alors déterminer qui en est responsable. L’issue de la plainte dépendra de la réponse à cette question. En l’espèce, le Tribunal doit donc déterminer comment la faille s’est produite dans le processus, et à quel moment.

135 Le Tribunal ne souscrit pas à l’argument du plaignant selon lequel l’intimé a failli à son devoir d’accommodement, car il n’a pas indiqué que la question 5 de l’entrevue comportait une partie écrite. Il ne s’agit pas d’une situation où l’omission de l’intimé peut être considérée comme déterminante pour l’issue du processus. Rien n’indique que l’intimé aurait refusé de répondre à la demande du plaignant si celui-ci avait soulevé ses préoccupations. Au contraire, les éléments de preuve montrent que par le passé l’intimé a donné suite aux demandes d’accommodement du plaignant comme il se doit.

136 En arrivant à cette conclusion, le Tribunal ne sous-entend pas que dans tout contexte d’entrevue, il faudrait normalement s’attendre à ce que les candidats à des processus de nomination présentent des demandes d’accommodement.

137 Toutefois, en l’espèce, la preuve indique clairement que le plaignant était conscient de la nécessité de présenter une demande et que, pour enclencher le processus d’accommodement, il fallait absolument que le plaignant exprime ses préoccupations pour que les mesures déjà prises soient adaptées à sa situation. Le Tribunal fait remarquer qu’aucune des deux parties ne conteste le fait que l’intimé a répondu aux besoins du plaignant tels qu’ils étaient décrits dans son courriel. La preuve montre que l’employeur croyait avoir entièrement répondu à la demande du plaignant. Ce dernier n’a produit aucune preuve démontrant que l’employeur aurait eu une différente impression. De plus, le plaignant a reconnu qu’il avait l’habitude de présenter ce type de demandes à l’intimé et que celui-ci y répondait. Le plaignant a aussi affirmé clairement qu’il avait envisagé de demander des mesures d’accommodement au moment de répondre à la question 5, mais qu’il en avait décidé autrement. Enfin, le plaignant s’est vu offrir la possibilité de se soumettre à une autre évaluation, ce qui aurait pu lui permettre de régler les questions d’accommodement. Le Tribunal conclut que le plaignant a décliné cette offre lorsqu’il a omis d’y répondre, sans même en discuter.

138 Dans son témoignage, le plaignant a évoqué sa connaissance du processus d’accommodement et a mentionné ses demandes précédentes. Il avait déjà présenté une demande à cet égard pour l’entrevue et il avait compris que des ajustements pourraient être faits par la suite. Le courriel du plaignant dans lequel il présentait sa demande avant l’entrevue appuie cette constatation. Il indique précisément que des ajustements pouvaient être faits au moment de l’entrevue et que le plaignant se montrait très ouvert à ce sujet. Le plaignant a également mentionné qu’il faisait confiance à l’un des membres du comité d’évaluation en raison de sa capacité à répondre à ses besoins d’accommodement par le passé.

139 La preuve montre également que le plaignant avait envisagé la possibilité d’exprimer ses préoccupations au sujet des mesures d’accommodement au moment où la question 5 lui a été posée. Il a affirmé avoir décidé de ne pas présenter de demande supplémentaire, car il aurait alors été obligé de revenir pour compléter l’évaluation, ce qu’il ne souhaitait pas. Il a aussi mentionné qu’il était fatigué, que le résultat aurait été le même, qu’il était démoralisé en raison de la question 4 et qu’il souhaitait terminer l’évaluation et partir au plus vite. Le Tribunal convient que le plaignant a pu éprouver certaines difficultés pendant l’entrevue, mais aucune des raisons susmentionnées n’explique de façon satisfaisante qu’il n’ait pas jugé bon de clarifier ses besoins d’accommodement.

140 Le Tribunal tient également pour avéré que le plaignant n’a pas soulevé la question à la fin de l’entrevue, et ce, même s’il a pris la peine de faire part à Mme Gayler de sa préoccupation au sujet de la question 4. La réponse de Mme Gayler a apaisé ses craintes à cet égard, mais le plaignant a tout de même omis d’aborder le sujet de la question 5. Certes, le plaignant avait peut-être besoin de temps pour réfléchir à sa perception durant l’entrevue et à sa compréhension de la situation immédiatement après, mais il n’en demeure pas moins qu’il n’a pris aucune mesure pour soulever ses préoccupations au sujet des mesures d’accommodement, ni pendant l’entrevue, ni par la suite.

141 Le Tribunal constate également que le plaignant s’est vu offrir la possibilité d’être réévalué avant l’audience. Or, il a décliné cette offre. S’il avait accepté, il aurait eu l’occasion de faire valoir ses besoins d’accommodement pour la question 5.

142 Rien ne montre que le plaignant a pris d’autres mesures jusqu’au moment du dépôt de sa plainte. La preuve versée au dossier n’indique pas clairement à quel moment l’intimé a été informé que le plaignant considérait que les mesures nécessaires n’avaient pas été prises à l’égard de sa déficience durant l’entrevue. Selon les documents versés au dossier, le Tribunal peut seulement être certain qu’à la fin du mois de février 2008 l’intimé savait que le plaignant avait formulé une allégation au sujet de sa déficience et des mesures d’accommodement prises dans le cadre du processus de nomination, car une copie de la plainte avait été envoyée à l’intimé le 21 février 2008.

143 En conclusion, le Tribunal juge que le plaignant a envisagé la possibilité de présenter une demande d’accommodement, mais qu’il ne l’a pas fait, ni pendant ni après l’entrevue. Il n’a donc pas suivi les étapes nécessaires pour permettre au processus de s’enclencher, ni pendant ni après l’entrevue, et il a refusé d’être réévalué. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas réussi à établir qu’il a fait l’objet de discrimination fondée sur sa déficience au sens de la LCDP.

Décision


144 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.

145 La plainte n’étant pas fondée, il est inutile que le Tribunal aborde l’aspect de l’argumentation des parties qui porte sur le recours.

Autre question


146 Dans ses conclusions finales, le plaignant a demandé au Tribunal de tenir compte du Rapport annuel au Parlement 2007-2008 du Commissariat à la protection de la vie privée, particulièrement de la section Organismes administratifs et quasi judiciaires : Équilibre entre ouverture et protection de la vie privée à l’ère d’Internet.

147 Le plaignant fait valoir que la nature personnelle de la religion et la nature privée des renseignements médicaux justifient la protection de ses renseignements personnels dans les motifs de décision du Tribunal en l’espèce. Il soutient également que l’identité des témoins devrait être protégée, car l’un est mineur et la carrière des autres pourrait être compromise par l’issue de la plainte. Le plaignant fait également référence à un « chevauchement » [traduction] possible avec d’autres affaires en instance devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP).

148 Le plaignant demande la suppression des noms dans les motifs de décision du Tribunal, y compris dans l’intitulé de la cause, pour les quatre raisons suivantes : des questions personnelles ont été abordées dans le cadre de la plainte, il s’agit de la première plainte portant sur des croyances religieuses, un mineur est en cause et d’autres affaires touchant le plaignant sont en instance devant un autre organisme juridictionnel.

149 L’intimé n’a pas répondu à cette requête.

150 La CFP s’oppose à la demande du plaignant. Elle fait valoir que le plaignant n’a fourni aucune preuve témoignant d’un préjudice ou d’une incidence négative possible pour lui-même ou pour un témoin si l’intitulé de la cause demeurait tel quel. De plus, la CFP affirme que la plainte en l’espèce n’est liée à aucune autre affaire en instance devant un autre organisme et que le plaignant n’a fourni aucune preuve de chevauchement ou d’incidence négative possible. Enfin, la CFP estime que toute préoccupation au sujet de la protection des renseignements personnels aurait dû être soulevée au moment où la plainte a été présentée ou au début de l’audience, et qu’il est désormais trop tard.

Analyse

151 La nature de la demande du plaignant est telle que son approbation apporterait des restrictions au principe de l’audience publique. Ce principe exige que les audiences des organismes juridictionnels soient transparentes et publiques.

152 La Cour suprême du Canada s’est souvent prononcée sur le principe historique de l’audience publique, avant et après l’adoption de la Charte. Pour paraphraser les propos tenus dans l’affaire P.G. (Nouvelle-Écosse) c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175, dans les décisions qui datent d’avant l’adoption de la Charte, il est établi que le secret est l’exception et que la publicité est la règle. La susceptibilité des personnes en cause ne justifie pas qu’on exclue le public de procédures judiciaires (voir la partie V, décision MacIntyre). De plus, il revient à la partie demandant la restriction de l’accès du public d’établir que le principe de l’audience publique ne devrait pas s’appliquer.

153 Depuis l’entrée en vigueur de la Charte, la Cour suprême du Canada a adopté les principes de l’audience publique de la common law, après y avoir apporté quelques modifications pour atteindre un équilibre entre les droits compensateurs à la liberté d’expression, l’administration de la justice et la protection des renseignements personnels. Dans l’arrêt Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835, il y a eu examen du principe de l’audience publique issu de la common law au sens de la Charte. Un cadre modifié permettant de déterminer comment ou quand une restriction devait s’appliquer a été établi. Ce cadre a ensuite été adapté dans l’arrêt R. c. Mentuck [2001] A.C.S. no. 73, ce qui a donné naissance au critère Dagenais/Mentuck, selon lequel l’ordonnance de confidentialité ne doit être donnée que dans les cas suivants :

  • elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour la bonne administration de la justice, vu l’absence d’autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque;
  • ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur les droits et les intérêts des parties et du public, notamment ses effets sur le droit à la libre expression, sur le droit de l’accusé à un procès public et équitable, et sur l’efficacité de l’administration de la justice.

154 Dans la décision Vancouver Sun (Re), [2004] 2 R.C.S. 332, 2004 CSC 43, la Cour suprême du Canada a de nouveau confirmé le critère énoncé dans les arrêts Dagenais/Mentuck et a indiqué que la publicité était nécessaire au maintien de l’indépendance et de l’impartialité des tribunaux et qu’elle faisait partie intégrante de la confiance du public dans le système de justice et de sa compréhension de l’administration de la justice.

155 Les tribunaux administratifs appuient ce principe de l’audience publique. La décision no 219A-2009, référence no U3570/08-32 de l’Office des transports du Canada illustre bien ce principe et son application aux organismes quasi judiciaires. Le critère énoncé dans les arrêts Dagenais/Mentuck y est adapté de la façon suivante :

  • cela est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour l’intérêt important qu’on cherche à protéger;
  • cet intérêt est si important qu’on doit ignorer la protection sur le droit à la liberté d’expression et, plus spécifiquement, le principe de la transparence de la justice.

156 Dans la décision Tipple c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 110, la Commission des relations de travail dans la fonction publique a reconnu que, dans certains contextes, le principe de l’audience publique peut ne pas être appliqué strictement et peut dépendre du contexte et du mandat du tribunal saisi de l’affaire. Toutefois, le principe doit être reconnu et évalué dans un contexte juridictionnel.

157 Le Tribunal estime que, compte tenu de son mandat et de sa nature quasi judiciaire, il est lié par les règles qui encadrent le principe de l’audience publique. Le Tribunal applique les principes juridiques pertinents et tient compte de la preuve lorsqu’il formule ses conclusions. Les audiences sont également publiques. Les plaintes sont présentées au Tribunal par des employés à titre individuel, et les décisions qu’il rend présentent un intérêt pour toutes les parties au conflit. De plus, d’autres intervenants ont un intérêt valable en ce qui a trait à ces décisions. Compte tenu de son mandat, les questions en litige et les intérêts en jeu entre les différentes parties ont une incidence sur la fonction publique et sur le public dans son ensemble. Les valeurs énoncées dans le préambule de la LEFP définissent l’esprit et la lettre de la loi, et le Tribunal assume un rôle prépondérant lorsqu’il s’agit de démontrer au public que ces valeurs sont respectées.

158 Lorsqu’il applique le critère des arrêts Dagenais/Mentuck à la demande du plaignant, le Tribunal constate que ce dernier n’a fourni aucune preuve de risque ou de préjudice sérieux. Le Tribunal fait également remarquer qu’au moment de rédiger les motifs de décision, il ne mentionne que les faits et les renseignements personnels nécessaires pour assurer une décision ouverte et responsable. Les renseignements personnels des parties aux plaintes présentées au Tribunal sont respectés, le cas échéant. C’est pourquoi, en l’espèce, le nom des témoins qui ont comparu pour le compte du plaignant ne figure pas dans les motifs de la décision. De cette façon, le Tribunal a tenu compte de la principale préoccupation du plaignant au sujet des témoins.

159 Le fait que le plaignant a formulé en vertu de la LCDP une allégation qui n’a pas encore été présentée au Tribunal ne suffit pas, sans plus, à établir la nécessité de supprimer les noms dans la décision. Quant à la procédure en instance devant un autre organisme juridictionnel, le plaignant n’a fourni aucune preuve permettant de conclure que le principe d’audience publique en l’espèce nuirait à cette autre procédure.

160 Le Tribunal estime que le plaignant n’a produit aucune preuve concrète qui lui permette d’établir qu’il faudrait retirer le nom des parties ou des témoins de la décision. Aucun élément de preuve ne permet de conclure qu’il existe un risque grave au point qu’il faille passer outre au principe de l’audience publique.

161 Quant au deuxième élément du critère énoncé dans les arrêts Dagenais/Mentuck, le Tribunal estime que le fait de supprimer les noms dans une décision donne une impression de secret qui risque de miner l’accès du public aux processus ainsi que sa confiance à l’égard du Tribunal. Aucune preuve n’a été fournie pour démontrer comment ou pourquoi les effets de la suppression des noms dans la décision l’emporteraient sur ceux du principe de l’audience publique.

162 Les préoccupations du plaignant ne constituent pas des motifs suffisants pour passer outre au principe de l’audience publique en l’espèce. Le Tribunal est un organisme juridictionnel et est donc assujetti au principe de l’audience publique. En l’espèce, le principe de l’accès du public devrait l’emporter.

Décision


163 La demande du plaignant visant la suppression des noms dans les motifs de la décision est rejetée.

Merri Beattie
Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2008-0105
Intitulé de la cause:
Robert Boivin et le président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al.
Audience:
Les 9 et 10 décembre 2008
Hamilton (Ontario)
Date des motifs:
Le 29 juin 2010

COMPARUTIONS:

Pour le plaignant:
Robert Boivin
Pour l'intimé:
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique :
Lili Ste-Marie
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.