Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a soutenu que l’intimé n’avait pas fait preuve d’équité et de transparence dans son évaluation de l’expérience de la gestion de projets de technologie de l’information complexe ou de grande envergure en omettant de préciser clairement - dans l’annonce de possibilité d’emploi, dans l’énoncé des critères de mérite et dans le document intitulé << Démonstration des critères de présélection - que trois ans d’expérience étaient requis et en utilisant ensuite ce critère pour éliminer sa candidature à la présélection. Il a fait valoir que cela constituait une importante omission qui équivalait à un abus de pouvoir. L’intimé a soutenu que le plaignant n’avait pas assez d’expérience de la gestion de projets TI complexes ou de grande envergure. La durée des projets faisait partie intégrante de l’outil d’évaluation utilisé par la direction pour la présélection des candidats. Le comité d’évaluation avait évalué les projets en fonction de leur nombre, de leur longueur, de leur complexité et de leur niveau de difficulté. Bien que l’intimé n’ait pas précisé la durée des projets dans l’annonce de possibilité d’emploi et dans l’énoncé des critères de mérite, il a maintenu qu’il n’avait pas abusé de son pouvoir car les qualifications essentielles étaient décrites de façon suffisamment détaillée dans l’énoncé des critères de mérite. La Commission de la fonction publique a fait remarquer que le document servant à démontrer les critères de présélection aurait pu être plus précis en qui concerne la qualification relative à l’expérience. L’intimé aurait pu mieux préciser que l’expérience et la durée des projets seraient prises en compte au moment de déterminer si tel ou tel candidat possédait ou non l’expérience requise. Décision : Le Tribunal a conclu que l’intimé n’avait pas abusé de son pouvoir par la décision de ne pas préciser un nombre d’années d’expérience précis en gestion de projets de TI complexes et de grande envergure. La qualification essentielle en cause était mentionnée autant dans l’énoncé des critères de mérite que dans le document servant à démontrer les critères de présélection. Ce dernier document énonçait clairement les attentes du gestionnaire par rapport à l’expérience que les candidats devaient démontrer pour franchir l’étape de la présélection; en outre il était suffisamment détaillé pour donner au plaignant une idée précise des qualifications requises. Le Tribunal a estimé par ailleurs qu’il n’y avait aucun manque de transparence susceptible de porter préjudice à la candidature du plaignant. Celui-ci avait eu l’occasion de fournir des renseignements additionnels sous la forme d’une lettre de clarification dès qu’il avait appris que le comité évaluait la durée des projets. Après examen de ladite lettre, le comité a tout de même conclu que le plaignant ne possédait pas l’expérience requise. La durée des projets n’était qu’un seul de plusieurs critères se rapportant à l’expérience requise. Le Tribunal a estimé que le comité d’évaluation, en ne se limitant pas à un critère de temps strict, a exercé son pouvoir discrétionnaire aux termes de la LEFP. Le rôle du Tribunal consistait à déterminer s’il y avait abus de pouvoir dans la façon dont le comité d’évaluation avait évalué la candidature du plaignant. Le Tribunal a conclu que l’intimé n’avait pas abusé de son pouvoir par le fait de déterminer que le plaignant ne possédait pas l’expérience requise. D’après le comité d’évaluation, les projets décrits par le plaignant n’étaient pas suffisamment importants ou complexes pour satisfaire à la qualification relative à l’expérience. Aucun des éléments de preuve versés au dossier ne permettait de conclure que le comité d’évaluation avait établi la qualification essentielle de manière à favoriser personnellement tel ou tel candidat; aucune allégation n’a été formulée non plus en l’occurrence. Démontrer que tout candidat appartenant à un domaine de compétence particulier serait probablement à même de posséder une qualification essentielle n’est pas faire preuve de favoritisme personnel. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2008-0624
Rendue à:
Ottawa, le 18 janvier 2010

PETER ZANKL
Plaignant
ET
LE STATISTICIEN EN CHEF DU CANADA DE STATISTIQUE CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir aux termes de l'alinéa 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Lyette Babin-MacKay, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Zankl c. le statisticien en chef du Canada de Statistique Canada et al.
Référence neutre:
2010 TDFP 0001

Motifs de la décision

Introduction

1Le plaignant, Peter Zankl, affirme que l’intimé, le statisticien en chef du Canada de Statistique Canada, a abusé de son pouvoir en établissant des qualifications essentielles sans les appliquer de façon cohérente, violant ainsi les principes de l’équité, de la transparence et de la justice naturelle. Il affirme également que l’intimé a abusé de son pouvoir en éliminant sa candidature du processus de nomination sur la base d’un énoncé des critères de mérite (ECM) qu’il considère comme incomplet. Il soutient par ailleurs que l’intimé a favorisé les candidats ayant des antécédents en développement au détriment des candidats ayant des antécédents en infrastructure. Enfin, il avance que les membres du comité d’évaluation (le comité) n’étaient pas adéquatement formés en matière de dotation.

2L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir dans ce processus de nomination. Il soutient que la candidature du plaignant a été éliminée à la présélection car ce dernier n’a pas pu démontrer qu’il possédait une expérience acceptable de la gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure; ces projets étaient évalués en fonction du temps qui leur a été consacré et de leur portée, et une attention particulière était accordée à l’importance et à la complexité. L’intimé soutient également que le comité n’a pas favorisé les candidats ayant des antécédents en développement, et que tous ses membres possédaient une vaste expérience en matière de dotation et ont suivi de la formation sur la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13 (la LEFP).

Contexte

3En mars 2008, l’intimé a mené un processus de nomination interne annoncé en vue d’établir un bassin de candidats pour divers postes au groupe et au niveau CS‑04 à la Direction générale de l’informatique au bureau central de Statistique Canada à Ottawa. Il s’agissait de postes de chef, gestion de portefeuille, dans divers domaines, et de postes en architecture et en infrastructure. Ces postes relèvent de Karen Doherty, directrice générale, soit directement, soit par l’entremise de directeurs ou de titulaires de postes CS-05 dans le domaine.

4La candidature du plaignant a été éliminée à la présélection parce que le comité a jugé qu’il ne possédait pas une des qualifications essentielles liées à l’expérience, soit l’expérience de la gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure (critère E-3).

5Le 13 juin 2008, le plaignant a eu une discussion informelle avec un membre du comité, Dennis LeBlanc. Ils ont parlé des résultats de la présélection, et le plaignant a eu l’occasion de fournir des renseignements supplémentaires à l’appui de sa candidature. Le 18 juin 2008, le plaignant a présenté une lettre de précisions que le comité a examinée, sans toutefois revenir sur sa décision.

6Le 22 septembre 2008, une Notification de nomination ou de proposition de nomination a été envoyée à tous les candidats. Le même jour, le plaignant a présenté une plainte en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP.

Questions en litige

7Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en ne précisant pas un nombre d’années d’expérience en gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a déterminé que le plaignant ne possédait pas l’expérience requise?
  3. L’intimé a-t-il fait preuve de favoritisme personnel à l’égard des candidats ayant des antécédents en développement au détriment des candidats ayant des antécédents en infrastructure?
  4. Les membres du comité d’évaluation ont-ils reçu une formation adéquate en matière de dotation?

Résumé des éléments de preuve pertinents

8Mme Doherty est directrice générale à la Direction générale de l’informatique et dirigeante principale de l’information à Statistique Canada depuis août ou septembre 2006. Elle a présidé le processus de nomination susmentionné. Mme Doherty a confirmé qu’elle avait suivi une formation sur la LEFP et qu’elle pouvait exercer des pouvoirs délégués en matière de dotation. Ce n’était pas la première fois qu’elle prenait part à un processus de nomination.

9Le comité d’évaluation était constitué de huit gestionnaires : des directeurs et des spécialistes du niveau CS-05 provenant de la Division du développement de systèmes (DDS), de la Division des services de technologie informatique (DSTI), de même que du secteur de l’architecture et des secteurs clients.

10Mme Doherty a déclaré avoir participé à la préparation de l’ECM, dont elle a discuté avec les autres membres du comité afin de s’assurer que tous souscrivaient aux critères requis. Compte tenu de la grande diversité des projets à Statistique Canada, dont certains ont une grande visibilité ou présentent un risque élevé (le recensement, par exemple) et d’autres une portée beaucoup moins importante, le comité a tenté d’élaborer une définition qui engloberait divers types d’expérience. Le comité souhaitait attribuer la même importance à des expériences de valeur semblable.

11Mme Doherty a expliqué que le document de démonstration des critères de présélection – autoévaluation du candidat (le document Démonstration des critères de présélection) avait été conçu pour permettre aux candidats de s’évaluer et de structurer leur texte en fonction de la description de l’expérience recherchée. Le document était très structuré et a aidé le comité à passer en revue l’expérience des candidats; il contenait la description d’un projet de technologie de l’information complexe ou de grande envergure.

12Mme Doherty a aussi participé à la préparation d’une explication détaillée des lignes directrices de la présélection, qui font partie du document de présélection fourni au comité en vue de l’évaluation.

13En ce qui concerne la qualification E-3, Mme Doherty a expliqué que le comité était à la recherche d’un candidat qui avait déjà géré au moins un projet complexe ou de grande envergure et qui en avait été personnellement responsable. Le comité souhaitait également trouver un candidat possédant une expérience riche de la gestion de projets de technologie de l’information. Il voulait que les candidats décrivent leurs [traduction] « outils de gestion de projets » et démontrent qu’ils les avaient déjà utilisés.

14Pour évaluer la qualification E-3, le comité a tenu compte des critères suivants :

  • le nombre de membres de l’équipe (au moins trois par projet, excluant le candidat); 
  • la complexité du défi de gestion;
  • le nombre d’intervenants;
  • la durée du projet (minimum de six mois par projet);
  • l’incidence du projet sur l’organisation.

[traduction]

15Mme Doherty a de nouveau expliqué qu’elle n’avait pas précisé un nombre d’années d’expérience en gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure dans le document Démonstration des critères de présélection, car cette expérience diffère énormément d’un candidat à l’autre et le comité voulait être en mesure de reconnaître toute l’étendue de l’expérience de chacun. Elle a indiqué que l’expérience recherchée était normalement acquise au cours d’une période de deux à trois ans, dans le cadre de projets d’une durée minimale de six mois gagnant graduellement en complexité. L’expérience pourrait également avoir été acquise dans le cadre d’un seul projet très complexe. Bref, un candidat aurait pu avoir géré de nombreux projets peu complexes, ou alors seulement quelques projets très complexes, voire un seul.

16Le comité voulait éviter que les candidats ne s’éliminent d’eux-mêmes en pensant qu’ils ne répondaient pas à un critère de durée précis. Il a préféré examiner l’expérience indiquée et la période durant laquelle elle a été acquise et décider lui‑même si les candidats satisfaisaient ou non aux exigences.

17Dans le document de présélection, la qualification E-3 était décrite comme une combinaison entre les années d’expérience et la complexité des projets gérés :

  • Environ trois ans d’expérience (combinaison entre la durée des projets, leur nombre et la complexité des défis de gestion de projet et des mesures prises);
  • Responsabilité des activités de gestion : buts et objectifs (charte du projet), plan, rôles et responsabilités, gestion de la portée, gestion du changement, compte rendu des problèmes, produits livrables, gestion du risque, échéances, etc.;
  • Communication avec les intervenants, y compris la direction (formation, rapports sur l’état d’avancement, présentations, etc.);
  • Projets multiples, dont au moins un terminé avec succès.

[traduction]

18Mme Doherty a expliqué qu’il n’était pas obligatoire d’avoir trois ans d’expérience. En fait, le document de présélection indiquait plutôt que l’expérience recherchée chez les candidats serait évaluée au regard du nombre d’années d’expérience et de la complexité des projets gérés. Elle a indiqué que le comité n’avait pas précisé ces critères, mais avait plutôt examiné les renseignements fournis par les candidats pour voir comment ils avaient démontré qu’ils possédaient l’expérience requise.

19Le comité souhaitait que les critères de présélection soient formulés de manière que le nombre d’années d’expérience pouvait compenser la faible complexité des projets gérés. Grâce à ces critères, le comité était en mesure d’évaluer les candidats de façon cohérente et d'atteindre un consensus sur la durée et la complexité des projets. Les membres du comité ont dû en discuter, car il était très difficile de définir avec précision l’expérience recherchée, compte tenu de la grande diversité de l’expérience des candidats.

20Les candidats devaient présenter un formulaire de candidature, un curriculum vitæ et le document Démonstration des critères de présélection dûment rempli. Le comité a reçu 180 candidatures pour ce processus de nomination et 22 candidats ont été jugés qualifiés, y compris des candidats provenant du domaine de l’infrastructure.

21Le plaignant a déclaré qu’il travaille à Statistique Canada depuis 1996, toujours au sein du même groupe à la DSTI. Il occupe actuellement le poste de coordonnateur de technologie de l’information et de chef d’équipe (CS-03). Il occupe d’ailleurs un poste de ce groupe et niveau depuis la fin de 2005.

22Le plaignant a posé sa candidature pour le poste CS-04 peu de temps après la publication de l’annonce et a fourni les documents requis. Il a affirmé qu’il avait adapté les renseignements contenus dans son formulaire de candidature et son curriculum vitæ en fonction des qualifications décrites dans l’Annonce de possibilité d’emploi et dans le document Démonstration des critères de présélection. Étant donné que sa démonstration ne devait pas excéder 500 mots, le plaignant n’a décrit que ses deux projets les plus récents. Il a précisé que s’il avait su que le comité cherchait précisément un candidat ayant trois années d’expérience de la gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure, il aurait rédigé son curriculum vitæ et rempli son formulaire de candidature de façon fort différente; il aurait tenté de décrire tous les projets auxquels il avait travaillé, tout en respectant la limite de 500 mots, afin de montrer qu’il possédait l’expérience recherchée.

23Le plaignant a souligné que le document Démonstration des critères de présélection ne faisait aucune mention d’un nombre précis d’années d’expérience en gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure et qu’au moment où il a posé sa candidature, il n’avait pas compris que le comité était à la recherche d’un candidat possédant trois années d’expérience.

24Mme Doherty a expliqué que les 180 candidats du processus de nomination avaient fait l’objet d’une présélection approfondie. Chaque candidature a été examinée au moins trois fois. Une présélection initiale au regard des critères liés aux études et à l’expérience a été effectuée par Denis Sauvé, ancien titulaire d’un poste CS-05 à la DSTI. Il a consigné ses constatations dans le document de présélection. Mme Doherty a ensuite passé en revue et annoté plusieurs documents de présélection, puis les dossiers de candidature ont été examinés par les autres membres du comité. Une attention particulière a été accordée aux candidatures qui, selon M. Sauvé, ne correspondaient pas aux qualifications essentielles, comme celle du plaignant.

25Mme Doherty a affirmé que la candidature du plaignant a aussi été examinée trois fois : par M. Sauvé, par Lise Duquet, directrice de la DDS, et par elle-même. Au sujet du formulaire de candidature et du curriculum vitæ du plaignant, Mme Doherty a déclaré que ceux-ci étaient impressionnants, clairs et concis. Il était évident que le plaignant avait de l’expérience en supervision, mais Mme Doherty a indiqué que la supervision et la gestion de projets constituaient deux qualifications distinctes. Les projets décrits par le plaignant pour démontrer qu’il possédait la qualification E-3 n’étaient pas suffisamment complexes.

26Mme Doherty a fait des remarques sur les deux projets que le plaignant avait décrits dans le document Démonstration des critères de présélection : le Projet de transfert des données de la Direction générale de la méthodologie et le Projet d'approvisionnement et de consolidation des portables du secteur 6/7. Elle a indiqué que le premier était d’une durée de sept mois, et que le second était d’une durée approximative de six mois et n’était pas encore terminé, ce qui constitue à peine plus d’un an d’expérience au total. À ce moment-là, le plaignant occupait un poste CS-03 depuis un peu plus de deux ans, mais les autres projets auxquels il avait travaillé n’étaient pas suffisamment importants ou complexes pour compenser la courte durée de son expérience; il n’y avait aucun autre facteur compensatoire en sa faveur.

27À propos du Projet de transfert des données de la Direction générale de la méthodologie, Mme Doherty a expliqué que le comité avait conclu que celui-ci n’était pas suffisamment complexe pour être considéré comme un projet de grande envergure. Le projet était d’une durée et d’une importance qui correspondaient à peine au minimum recherché par le comité, et avait été mené parallèlement aux autres tâches du plaignant, qui étaient donc nécessairement de moindre importance. La majorité des intervenants du projet provenaient de la Direction générale de la méthodologie; les tâches étaient assez répétitives et peu complexes. Le projet comportait les étapes de base et quelques tâches liées à la gestion du changement; il comportait également un processus de gestion de projet, mais celui-ci n’était pas bien décrit. Le comité n’a pas considéré que le projet représentait un défi de gestion important ou présentait une complexité considérable quant aux activités de présentation de rapports à la haute direction; par ailleurs, il n’était pas nécessaire de faire rapport au Comité d’examen de l’architecture.

28Le Projet d'approvisionnement et de consolidation des portables du secteur 6/7, quant à lui, était décrit de façon moins détaillée et était encore moins complexe. Il ne comportait aucune échéance stricte et une grande partie des tâches étaient de nature opérationnelle. Le comité a reconnu qu’il s’agissait d’un projet, mais ne l’a pas considéré comme complexe ou difficile – il comportait simplement les éléments de base.

29Mme Doherty a ajouté que le plaignant avait énuméré de nombreux autres projets, la plupart datant de la période où il occupait un poste CS-02, mais qu’il ne s’agissait pas de projets complexes.

30Mme Doherty a affirmé que le curriculum vitæ du plaignant fournissait les mêmes renseignements et que, selon le comité, aucun projet complexe n’y figurait. Le plaignant avait mentionné les deux projets décrits ci-dessus et indiqué qu’il avait géré d’autres projets, notamment un projet pour la bibliothèque, mais une fois encore, ceux-ci manquaient de complexité. Mme Doherty a indiqué que les projets étaient d’une importance croissante, mais qu’ils n’étaient ni suffisamment complexes, ni suffisamment importants.

31Mme Doherty a déclaré qu’elle souscrivait au commentaire que M. Sauvé avait écrit à la main à la fin du document de présélection : [traduction] « Manque simplement d’expérience de la gestion de projets complexes ou de grande envergure », auquel elle a ajouté [traduction] « Bonne candidature, mais tout simplement pas assez d’expérience ».

32Mme Doherty a indiqué que le comité avait cherché à obtenir des précisions au sujet de certains candidats, mais qu’il n’a pas eu à le faire au sujet du plaignant. Les renseignements contenus dans son dossier de candidature portaient sur toute la période pertinente et décrivaient les deux projets qu’il a menés au niveau CS-03 et ceux qu’il a réalisés au niveau CS-02.

33Le plaignant a indiqué au Tribunal à quel endroit et de quelle façon son curriculum vitæ et le document Démonstration des critères de présélection montraient l’expérience recherchée. Il a déclaré qu’il avait décrit de façon détaillée son expérience de gestion acquise dans le cadre de deux projets : le Projet de transfert des données de la Direction générale de la méthodologieet le Projet d'approvisionnement et de consolidation des portables du secteur 6/7. Il a également souligné la durée des projets (un minimum de six mois par projet) mentionnés dans le document Démonstration des critères de présélection et affirmé qu’il possédait la qualification requise.

34Le plaignant a déclaré que le 21 mai 2008, il avait été informé que le comité avait déterminé qu’il ne possédait pas la qualification essentielle E-3.

35Le plaignant a affirmé qu’il avait eu une discussion informelle avec M. LeBlanc le 13 juin 2008. Ensemble, ils ont passé en revue tout le formulaire de candidature du plaignant, de même que son curriculum vitæ. M. LeBlanc lui a dit qu’il ne répondait pas au critère des trois ans d’expérience se rapportant à la qualification E-3. Le plaignant a fait remarquer à M. LeBlanc que ni l’Annonce de possibilité d’emploi, ni les autres documents ne faisaient mention de trois années d’expérience. Il a indiqué qu’il avait demandé à M. LeBlanc d’où venait cette exigence, mais qu’il n’avait pas obtenu de réponse.

36Le 18 juin 2008, le plaignant a présenté au comité d’évaluation une lettre de précisions; il y a indiqué que ni l’Annonce de possibilité d’emploi, ni le formulaire de candidature, ni le document Démonstration des critères de présélection ne mentionnaient que trois années d’expérience étaient requises; il expliquait aussi en quoi il satisfaisait à cette exigence.

37Mme Doherty a déclaré avoir discuté de la lettre de précisions qu’elle avait reçue du plaignant avec les autres membres du comité au cours d’une réunion plénière. Elle a ensuite confirmé l’évaluation du comité quant à la complexité des projets menés par le plaignant. Elle s’est également entretenue avec l’un des répondants du plaignant afin de déterminer si celui-ci avait bien compris ce que recherchait le comité en matière de complexité. La lettre ne contenait pas beaucoup de renseignements nouveaux sur la complexité des projets ni la façon dont le plaignant gérait le risque; les renseignements qui y figuraient étaient de nature opérationnelle ou avaient déjà été évalués par le comité.

38Le 2 juillet 2008, le plaignant a reçu un courriel de Mme Doherty l’informant que le comité avait examiné son dossier de candidature, les explications qu’il avait fournies pendant la discussion informelle et sa lettre de précisions. Le comité avait déterminé que les renseignements fournis ne démontraient pas de façon suffisante qu’il possédait l’expérience requise.

39Le 17 octobre 2008, le plaignant a rencontré Mme Doherty et deux représentants des Ressources humaines. La discussion avait alors porté principalement sur la façon dont sa candidature avait été évaluée et la raison pour laquelle le comité avait conclu qu’il ne possédait pas la qualification E-3. Le plaignant a affirmé qu’il n’était pas d’accord avec l’évaluation globale de son expérience, en particulier en ce qui a trait à l’exigence des trois années d’expérience. Il a fait remarquer à Mme Doherty que cette exigence ne figurait pas dans l’Annonce de possibilité d’emploi. Il a déclaré que Mme Doherty lui avait clairement fait savoir qu’il ne possédait pas l’expérience en gestion de projets complexes ou de grande envergure recherchée par le comité. Ils ont discuté de l’importance globale et de la portée des projets, et du Projet de transfert des données de la Direction générale de la méthodologie,que le plaignant a géré. Ils ne se sont pas entendus sur sa complexité ni sa portée. Le plaignant a ajouté que la rencontre du 17 octobre 2008 ne lui avait pas permis de mieux comprendre pourquoi il avait été exclu du processus de nomination.

40Le plaignant estime que sa candidature a été éliminée parce que la technologie de l’information est un domaine où les projets de développement occupent une place prépondérante, tandis que ses propres antécédents et son expérience sont davantage en infrastructure, secteur où des projets sont également mis en œuvre, mais dont le personnel s’occupe avant tout de tâches opérationnelles. Le plaignant a expliqué que, puisqu’il ne travaille pas dans le domaine du développement, il n’entretient pas de liens importants avec les membres de cette collectivité. Toutefois, il a géré un certain nombre de projets au fil des ans, et Mme Doherty l’aurait su.

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

41Le plaignant soutient qu’il a clairement démontré au Tribunal que les renseignements contenus dans son curriculum vitæ et son autoévaluation correspondaient aux qualifications essentielles telles qu’elles ont été publiées.

42Il avance que les éléments de preuve montrent que l’intimé n’a pas fait preuve d’équité et de transparence dans son évaluation de la qualification E-3 en n’indiquant pas clairement dans l’Annonce de possibilité d’emploi, l’ECM et le document Démonstration des critères de présélection que trois ans d’expérience étaient requis et en utilisant ensuite ce critère pour éliminer sa candidature à la présélection.

43Selon le plaignant, une des questions que le Tribunal doit trancher est de déterminer si l’exigence des « trois années d’expérience » constituait un critère de présélection, étant donné que ce critère n’avait pas été indiqué. Le plaignant soutient qu’on lui a indiqué qu’il s’agissait d’un critère de présélection. Il avance que sa candidature a été éliminée à la présélection en raison d’un critère dont il n’avait pas connaissance, ce qui constitue un manquement au principe de la justice naturelle. Son autoévaluation se basait sur ce qu’il avait lu dans l’Annonce de possibilité d’emploi et le document Démonstration des critères de présélection. Si le critère des trois années d’expérience avait été mentionné dès le départ, il aurait adapté le contenu de son curriculum vitæ et de son autoévaluation en conséquence. Le plaignant considère qu’il aurait dû être informé des critères qui allaient servir à son évaluation, ce qui n’a pas été le cas.

44Le plaignant estime que même si les parties ne s’entendent pas sur la définition d’un projet complexe ou de grande envergure, sa candidature a néanmoins été éliminée à la présélection parce qu’il ne possédait pas environ trois années d’expérience de la gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure.

45Le plaignant souligne que selon la LEFP, l’abus de pouvoir suppose la mauvaise foi et le favoritisme personnel; toutefois, il soutient que l’abus de pouvoir ne se limite pas à ces deux notions. Si le législateur avait voulu restreindre la définition de l’abus de pouvoir à la mauvaise foi et au favoritisme personnel, ce serait expressément indiqué dans la Loi. L’abus de pouvoir doit être interprété au sens large.

46Le plaignant affirme que l’omission d’un critère relatif à trois années d’expérience lui a causé un grand préjudice. Il fait référence au paragraphe 73 de la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al.,[2006] TDFP 0008 à l’appui de son affirmation selon laquelle les actions du comité constituent une omission importante qui équivaut à un abus de pouvoir, même si celui-ci n’est pas intentionnel. Il évoque également les paragraphes 153 à 156 de la décision Bowman et al. c. le Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al, [2008] TDFP 0012 afin de guider le Tribunal dans son examen de la façon dont les critères de présélection ont été établis. Enfin, il fait référence au paragraphe 53 de la décisionLavigne c. le sous-ministre de la Justice et al., [2009] CF 684, en ce qui concerne la transparence et l’équité dans un processus de nomination.

B) Argumentation de l’intimé

47Selon l’article 30 de la LEFP, l’administrateur général doit être convaincu que la personne nommée possède les qualifications essentielles pour le poste. En l’espèce, Mme Doherty était habilitée à déterminer si les candidats répondaient aux critères du poste; elle a exercé son pouvoir et a établi que le plaignant n’y répondait pas.

48L’intimé avance qu’au départ, les allégations du plaignant ne faisaient nullement référence à la justice naturelle ou à l’équité procédurale, et que ces questions n’ont pas été présentées comme il se doit au Tribunal.

49L’intimé soutient qu’il est évident que le plaignant et Mme Doherty ne s’entendent pas sur la question de savoir si le plaignant possède ou non une expérience acceptable de la gestion de projets complexes ou de grande envergure. Le plaignant estime qu’il possède cette qualification essentielle; toutefois, Mme Doherty a déclaré que l’expérience du plaignant à cet égard n’était pas suffisante.

50L’intimé affirme que les 180 candidatures reçues dans le cadre de ce processus ont fait l’objet d’une présélection approfondie. Chaque demande a été examinée au moins trois fois en vue d’obtenir un consensus. L’intimé avance que le témoignage de Mme Doherty démontre clairement que la durée des projets (environ trois ans) était un critère de l’outil d’évaluation utilisé par la direction pour la présélection des candidats. Mme Doherty a déclaré que le comité avait évalué les projets en fonction de leur nombre, de leur durée, de leur complexité et de leur niveau de difficulté. Elle a indiqué que le comité s’était efforcé d’être équitable et voulait éviter que les candidats ne s’éliminent d’eux-mêmes.

51Bien que l’intimé n’ait pas précisé la durée des projets dans l’Annonce de possibilité d’emploi et dans l’ECM, il affirme qu’il n’a pas abusé de son pouvoir, car les qualifications essentielles étaient formulées de façon suffisamment détaillée dans l’énoncé (voir la décision Neil c. Sous-ministre d'Environnement Canada et al., [2008] TDFP 0004). En outre, l’absence de précisions quant à la durée des projets dans l’Annonce de possibilité d’emploi n’a eu aucune incidence sur le fait que le plaignant n’a pas pu démontrer dans sa demande d’emploi qu’il avait de l’expérience en gestion de projets complexes ou de grande envergure (voir la décision Bell c. Administrateur général de Service Canada et al., [2008] TDFP 0033).

52Selon l’intimé, dès qu’il a appris que le comité était à la recherche d’un candidat ayant environ trois ans d’expérience, le plaignant a présenté une lettre de précisions contenant des détails supplémentaires sur les projets qu’il avait déjà mentionnés. Le comité a examiné la lettre du plaignant et a confirmé les renseignements qui s’y trouvaient. Le comité a de nouveau conclu que le plaignant ne possédait pas la qualification E-3.

53Pour conclure, l’intimé soutient que la réévaluation d’un candidat ne relève pas du Tribunal : c’est le comité qui est le mieux placé pour évaluer les candidats dans un processus de nomination et au sein d’une organisation.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

54La Commission de la fonction publique (CFP) a présenté des observations générales sur la notion d’abus de pouvoir et sur la façon dont le Tribunal devrait aborder cette question. Plus particulièrement, la CFP considère qu’une erreur ou une omission peut constituer un abus de pouvoir seulement s’il y a eu insouciance ou négligence à un tel point qu’il est possible de présumer la mauvaise foi.

55La CFP avance que le document Démonstration des critères de présélection aurait pu être plus précis en ce qui concerne la qualification relative à l’expérience. Il aurait pu mieux préciser que l’expérience et la durée des projets seraient un critère pris en compte au moment de déterminer si le candidat possédait ou non l’expérience requise.

56Quand le plaignant a appris au cours de la discussion informelle que sa candidature avait été éliminée à la présélection parce qu’il ne possédait pas suffisamment d’années d’expérience de la gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure, il a eu l’impression que cette mesure était injuste et non transparente.

57La CFP soutient que le non-respect de ses lignes directrices ne constitue pas nécessairement un abus de pouvoir. Les prescriptions de la Série d’orientation – Évaluation et présélection et les lignes directrices en matière d’évaluation n’ont pas été respectées en tout point dans ce processus. Il incombe donc au Tribunal de déterminer si ce manquement découle d’une insouciance ou négligence telle qu’il est possible de présumer qu’il y a eu mauvaise foi. La CFP souligne que rien ne laissait penser qu’il y ait eu mauvaise foi en l’espèce.

D) Réplique de l’intimé

58L’intimé avance qu’il n’a pas été clairement établi qu’il y avait eu manquement aux lignes directrices de la CFP dans le cadre de ce processus. Il ajoute que dans la décision Neil, le Tribunal avait constaté des manquements à la Série d’orientation de la CFP, mais n’avait pas conclu que ceux-ci constituaient un abus de pouvoir.

Législation pertinente

59La plainte a été présentée en vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  1. abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

[…]

60Le paragraphe 30(2) et l’article 36 de la LEFP sont également pertinents :

30. […]

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
    1. toute qualification supplémentaire que l’administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l’administration, pour le présent ou l’avenir,
    2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l’administration précisée par l’administrateur général,
    3. tout besoin actuel ou futur de l’administration précisé par l’administrateur général.

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) […].

61L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP, mais y est mentionné au paragraphe 2(4) : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

Question I :   L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en ne précisant pas un nombre d’années d’expérience en gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure?

62Le paragraphe 30(2) de la LEFP établit le pouvoir relatif à l’établissement des qualifications. En l’espèce, le Tribunal conclut que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir en décidant de ne pas indiquer un nombre d’années d’expérience précis en gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure.

63Dans la décision Neil, les qualifications essentielles au regard desquelles les candidats devaient être évalués avaient été décrites dans l’ECM. En l’espèce, la qualification essentielle E-3 était précisée dans l’ECM de même que dans le document Démonstration des critères de présélection.

64Dans le document Démonstration des critères de présélection, que les candidats ont utilisé pour décrire leurs études et leurs antécédents professionnels, le comité définit comme suit l’expérience de la gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure :

Aux fins de ce processus de sélection, « la gestion » signifie faire preuve de leadership, gérer l'équipe de projet, être responsable de la production des résultats prévus et « la livraison » signifie avoir complété au moins un projet complexe d'une manière satisfaisante.

Aux fins de ce processus de sélection, le critère « de grands projets complexes de technologie de l'information » traite d'une combinaison de facteurs soit la taille des équipes (minimum de trois membres d'équipe par projet excluant le candidat), la complexité des défis de gestion, le nombre d'intervenants et la durée des projets (minimum de six mois par projet) de même que de l'impact des projets sur l'organisation. Les projets peuvent être des sous-projets d'un plus grand projet de gestion ou de TI.

[traduction]

65Cette explication était suivie de directives indiquant aux candidats de fournir des renseignements concernant la durée du projet, en mois ou en années, et le superviseur ou le gestionnaire avec qui le comité devrait communiquer afin de vérifier l’exemple donné. La prestation des candidats ne devait pas excéder 500 mots. Dans les directives à l’intention des candidats, l’intimé expliquait que les exemples donnés devaient refléter une combinaison de cinq critères. Le Tribunal juge que l’intimé a clairement indiqué aux candidats les critères qui serviraient à leur évaluation, notamment la durée des projets. Le plaignant a fourni les exemples du Projet de transfert des données de la Direction générale de la méthodologie, et du Projet d'approvisionnement et de consolidation des portables du secteur 6/7, qui englobaient les cinq critères, pour la période allant de mai 2007 au printemps 2008.

66Afin d’évaluer la qualification relative à l’expérience, le comité a tenu compte des critères suivants, qui sont décrits dans le document de présélection :

  • Environ trois ans d’expérience (combinaison entre la durée des projets, leur nombre et la complexité des défis de gestion de projet et des mesures prises);
  • Responsabilité des activités de gestion : buts et objectifs (charte du projet), plan, rôles et responsabilités, gestion de la portée, gestion du changement, compte rendu des problèmes, produits livrables, gestion du risque, échéances, etc.; 
  • Communication avec les intervenants, y compris avec la direction (formation, rapports sur l’état d’avancement, présentations, etc.);
  • Plusieurs projets, dont au moins un terminé avec succès.

[traduction]

67Mme Doherty a déclaré que même si la direction était à la recherche de candidats ayant environ trois années d’expérience de la gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure, la direction a délibérément omis d’indiquer une durée précise dans l’Annonce de possibilité d’emploi, l’ECM ou le document Démonstration des critères de présélection. Mme Doherty a déclaré que le comité avait choisi de procéder ainsi afin d’éviter que les candidats ne s’éliminent d’eux‑mêmes du processus. Elle a expliqué que le comité avait plutôt évalué l’expérience des candidats en fonction d’un ensemble de facteurs. Le plaignant soutient qu’il a été désavantagé par cette façon de faire et qu’il n’a pas pu démontrer pleinement dans son dossier de candidature qu’il possédait la qualification relative à l’expérience.

68Après l’examen des éléments de preuve et de l’argumentation des parties, le Tribunal constate que ni l’Annonce de possibilité d’emploi, ni l’ECM, ni le document Démonstration des critères de présélection ne faisaient référence au nombre d’années d’expérience requis pour la qualification E-3. Aucune exigence relative à la durée n’était précisée, sinon que les candidats devaient fournir des exemples de projets d’une durée d’au moins six mois.

69Dans la décision Neil, le Tribunal a conclu que les qualifications étaient suffisamment détaillées pour permettre aux candidats de savoir ce qu’ils devaient démontrer et qu’il n’était pas nécessaire d’informer ceux-ci des définitions avant qu’ils ne présentent leur candidature (voir aussi la décision Lavigne). En l’espèce, le Tribunal constate que les éléments de preuve montrent que le document Démonstration des critères de présélection énonçait clairement les attentes du gestionnaire à l’égard de l’expérience que les candidats devaient démontrer pour voir leur candidature retenue à la présélection. Mme Doherty a affirmé que ces attentes ne comportaient pas d’exigence minimale de trois ans d’expérience; la durée des projets (environ trois ans d’expérience) n’était qu’un seul de plusieurs critères se rapportant à l’expérience requise.

70L’ECM et le document Démonstration des critères de présélection ne faisaient pas mention d’environ trois années d’expérience en tant que critère. Toutefois, les éléments de preuve montrent que cette omission n’a eu aucune incidence sur le fait que le plaignant n’a pas pu démontrer son expérience de la gestion de projets complexes ou de grande envergure. Le Tribunal juge que le document Démonstration des critères de présélection était suffisamment détaillé pour permettre au plaignant de comprendre les qualifications qu’il devait démontrer. Le document lui permettait aussi de décrire son expérience de la gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure ainsi que la période durant laquelle il l’avait acquise, fournissant ainsi au comité les renseignements dont il avait besoin pour déterminer si le plaignant possédait l’expérience requise.

71Le plaignant avance qu’en ne mentionnant pas la durée des projets, l’intimé a commis une omission s’apparentant à un manque de transparence préjudiciable à sa candidature. Cependant, le plaignant a eu l’occasion de fournir des renseignements supplémentaires au moyen d’une lettre de précisions une fois qu’il a appris que le comité évaluait l’expérience des candidats non seulement en examinant des exemples de projets d’une durée d’au moins six mois, mais aussi en tenant compte d’un critère d’environ trois ans d’expérience. Bien qu’au départ, le plaignant n’ait pas été au courant de ce critère, il a eu l’occasion de fournir des exemples supplémentaires prouvant son expérience. Le comité a examiné sa lettre de précisions et a tout de même conclu qu’il ne possédait pas l’expérience requise. En fin de compte, même si les critères utilisés n’étaient pas aussi précis que le plaignant l’aurait souhaité, celui-ci n’a été pénalisé d’aucune façon, car le comité a réexaminé sa candidature après avoir reçu sa lettre de précisions. Le Tribunal considère que l’omission d’indiquer un nombre précis d’années d’expérience recherché n’a pas empêché le plaignant de décrire l’étendue de son expérience et la période au cours de laquelle elle a été acquise.

72La CFP a exprimé certaines préoccupations à propos du manque d’explications ou de précisions sur la qualification liée à l’expérience. Elle a fait référence aux lignes directrices en matière d’évaluation et à la Série d’orientation – Évaluation et présélection. Ce dernier document souligne l’importance d’indiquer clairement dans les annonces tout critère qui sera utilisé pour la présélection. La CFP soutient que l’intimé ne s’est pas pleinement conformé aux lignes directrices en matière d’évaluation.

73Dans la décision Neil, le Tribunal a souligné l’importance d’assurer la clarté et la transparence des documents fournis aux candidats dans un processus de nomination, qu’il s’agisse de l’ECM ou d’autres documents. Le Tribunal a également indiqué qu’il était préférable de fournir des détails sur la façon dont une qualification sera évaluée. Toutefois, dans la décision Neil, le Tribunal a également déterminé que le fait de ne pas informer les candidats d’une définition précise se rapportant à un critère de mérite ne constituait pas, en soi, un abus de pouvoir.

74En l’espèce, le Tribunal remarque que l’objectif du comité était d’accepter divers types d’expérience très variés. Le comité a choisi de procéder ainsi afin d’évaluer les candidats de façon cohérente et d’atteindre un consensus sur la durée et la complexité des projets. Le Tribunal estime qu’il n’y a eu aucun manque de transparence préjudiciable à la candidature du plaignant. Le document Démonstration des critères de présélection était clair et transparent du fait que la durée des projets était l’un de plusieurs critères mentionnés. Le document précisait que les projets devaient être d’une durée d’au moins six mois. Les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que la décision relative à la candidature du plaignant aurait été différente si le comité avait précisé qu’il était à la recherche de candidats ayant environ trois années d’expérience de la participation à des projets complexes ou de grande envergure.

75En outre, le Tribunal juge que le comité, en ne se limitant pas à un critère strict relatif à la durée, a exercé son pouvoir discrétionnaire conformément aux dispositions de la LEFP. Le préambule de la LEFP précise que les gestionnaires devraient disposer de la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour prendre des mesures de dotation, et pour gérer et diriger leur personnel. Dans la décision Tibbs, au paragraphe 62, et dans la décision Visca c. Sous-ministre de la Justice et al., [2007] TDFP 0024, le Tribunal a reconnu l’importance de cette marge de manœuvre en matière de dotation.

76Les circonstances en l’espèce sont très différentes de celles de l’affaire Bowman, où le comité d’évaluation avait établi des critères stricts relatifs à la durée et les avait appliqués à une qualification essentielle énoncée de manière à être souple et à permettre une certaine marge de manœuvre. L’ajout de critères stricts relatifs à la durée avait éliminé la marge de manœuvre qu’accordait le libellé de la qualification essentielle. Le Tribunal a conclu que le comité d’évaluation avait restreint son propre pouvoir discrétionnaire en adoptant une ligne directrice rigoureuse et qu’il n’avait donc pas pu évaluer l’expérience du plaignant d’une manière raisonnable. En l’espèce, l’intimé a procédé d’une tout autre façon et a tout mis en œuvre pour exercer pleinement son pouvoir discrétionnaire.

77Le Tribunal estime que le plaignant n’a pas prouvé que l’intimé a abusé de son pouvoir en n’indiquant pas un nombre d’années d’expérience précis en gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’allégation du plaignant n’est pas fondée.

Question II :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a déterminé que le plaignant ne possédait pas l’expérience requise? 

78Le plaignant soutient qu’il a effectivement de l’expérience en gestion de projets de technologie de l’information complexes ou de grande envergure.

79En vertu du paragraphe 30(2) de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un vaste pouvoir discrétionnaire leur permettant d’établir les qualifications nécessaires pour le poste qu’ils souhaitent doter et de choisir le candidat qui non seulement possède ces qualifications, mais constitue la bonne personne pour le poste. Un pouvoir discrétionnaire semblable est prévu à l’article 36 de la LEFP et permet de choisir et d’utiliser les méthodes d’évaluation appropriées pour déterminer si les candidats possèdent les qualifications établies (voir la décision Jolin c. Administrateur général de Service Canada et al., [2007] TDFP 0011, et la décision Visca).

80Dans la décision Lavigne, le Tribunal a déterminé qu’il n’y avait pas eu d’abus de pouvoir lorsque le gestionnaire avait établi que pour le poste à doter une expérience considérable correspondait à environ dix ans d’expérience, et, qu’en conséquence, le comité d’évaluation avait conclu que le plaignant, qui avait trois ans d’expérience, ne possédait pas la qualification relative à l’expérience.

81En l’espèce, le comité a déterminé que le Projet de transfert des données de la Direction générale de la méthodologie, le Projet d'approvisionnement et de consolidation des portables du secteur 6/7 ainsi que les autres projets décrits par le plaignant n’étaient pas suffisamment importants ou complexes pour répondre aux critères relatifs à l’expérience. Le rôle du Tribunal est de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans la façon dont le comité d’évaluation a évalué la candidature du plaignant.

82Dans son témoignage, Mme Doherty a expliqué l’expérience décrite par le plaignant dans son document Démonstration des critères de présélection de même que dans son curriculum vitæ, et la façon dont le comité l’avait évaluée. Le comité a conclu que les projets de technologie de l’information auxquels le plaignant avait travaillé, autant au niveau CS-03 que CS-02, n’étaient ni complexes, ni de grande envergure.

83Selon l’intimé, bien que le Projet de transfert des données de la Direction générale de la méthodologie ait été d’une durée de six mois, il n’était pas suffisamment complexe pour être considéré comme un projet de grande envergure. Il était d’une durée et d’une importance qui correspondaient à peine au minimum recherché par le comité et avait été mené parallèlement aux autres tâches du plaignant. La majorité des intervenants du projet provenaient de la Direction générale de la méthodologie et les tâches étaient assez répétitives. Selon le comité, le projet ne constituait pas un défi de gestion important et ne présentait pas beaucoup de complexité lorsqu’il s’agissait de faire rapport à la haute direction; par ailleurs, il n’était pas nécessaire de faire rapport au Comité d’examen de l’architecture.

84Quant au Projet d'approvisionnement et de consolidation des portables du secteur 6/7, l’intimé a souligné qu’il était d’une durée d’environ six mois, qu’il n’était pas encore terminé et qu’il était encore moins complexe. Il ne comportait aucune échéance stricte et une grande partie des tâches étaient de nature opérationnelle. Le comité a reconnu qu’il s’agissait d’un projet, mais ne l’a pas considéré comme complexe ou difficile.

85Dans sa lettre de précisions, le plaignant a fourni des renseignements supplémentaires décrivant son expérience relative aux projets de technologie de l’information. Le comité a examiné ces renseignements, a fait les vérifications appropriées et a conclu que, tout bien considéré, l’étendue et la richesse de l’expérience du plaignant ne correspondaient pas à ce qu’il recherchait. Les autres projets auxquels le plaignant avait travaillé de 2002 à 2005 n’étaient pas suffisamment complexes ou importants et dataient pour la plupart de la période durant laquelle le plaignant occupait un poste CS-02.

86Les éléments de preuve démontrent que le comité a conclu que les projets décrits par le plaignant ne correspondaient pas à la qualification essentielle relative à l’expérience telle qu’elle était définie, tout simplement parce qu’ils ne présentaient pas la combinaison de critères requise.

87Le Tribunal remarque également que les 180 candidats ont fait l’objet d’une présélection approfondie et que chaque candidature a été examinée au moins trois fois. Une attention particulière a été accordée aux candidatures qui avaient été exclues, comme celle du plaignant.

88Comme l’a établi la jurisprudence du Tribunal, il incombe au plaignant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans un processus de nomination. Le plaignant n’a pas fourni de preuve permettant de conclure que le comité a abusé de son pouvoir dans l’évaluation de son dossier de candidature; les éléments de preuve appuient la décision du comité d’éliminer la candidature du plaignant à la présélection. Le Tribunal conclut que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir lorsqu’il a déterminé que le plaignant ne possédait pas l’expérience requise.

Question III : L’intimé a-t-il fait preuve de favoritisme personnel à l’égard des candidats ayant des antécédents en développement au détriment des candidats ayant des antécédents en infrastructure?

89Dans ses allégations écrites, le plaignant avance que l’intimé a abusé de son pouvoir en favorisant les candidats ayant des antécédents en développement au détriment des candidats ayant des antécédents en infrastructure. Il soutient que les candidats ayant de l’expérience en développement jouissaient d’un avantage indu, et il semble croire que cela pourrait constituer du favoritisme. Il estime avoir été éliminé parce que la technologie de l’information est un domaine où les projets de développement occupent une place prépondérante, tandis que ses propres antécédents et son expérience sont davantage en infrastructure.

90Les éléments de preuve démontrent que certains des 22 candidats considérés comme qualifiés venaient du domaine de l’infrastructure. De plus, comme l’a déjà établi le Tribunal, le mot personnel suit le mot favoritisme au paragraphe 2(4) de la LEFP,ce qui souligne l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c’est le favoritisme personnel, et non les autres types de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir. Une preuve démontrant que tout candidat appartenant à un domaine d’expertise particulier serait probablement à même de posséder une qualification essentielle ne prouve pas qu’il y ait eu favoritisme personnel. Le Tribunal n’est saisi d’aucun élément de preuve permettant de conclure que le comité d’évaluation a établi la qualification essentielle de manière à favoriser personnellement un candidat, ce qui n’a pas été présumé non plus (voir les décisions Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2008] TDFP 0007 et Jacobsen c. Sous-ministre d’Environnement Canada et al., [2009] TDFP 0008).

91Le Tribunal conclut que cette allégation n’est pas fondée.

Question IV : Les membres du comité d’évaluation ont-ils reçu une formation adéquate en matière de dotation?

92Dans ses allégations écrites, le plaignant soutient que l’intimé ne s’était pas assuré que le personnel responsable des questions relatives à la dotation avait suivi une formation adéquate. À cette affirmation, l’intimé a répondu que le comité était constitué de gestionnaires de la technologie de l’information de l’échelon supérieur ayant tous suivi une formation sur la LEFP et ayant une vaste expérience de la participation à un comité d’évaluation au sein de Statistique Canada ou ailleurs dans le groupe CS à la fonction publique fédérale. En outre, les membres du comité connaissaient bien le travail à effectuer.

93À l’audience, le plaignant n’a pas présenté d’éléments de preuve ni d’argumentation à l’appui de cette allégation.

94Mme Doherty, présidente du comité d’évaluation, a déclaré qu’elle avait suivi une formation sur la nouvelle LEFP et qu’elle avait déjà participé à d’autres processus de nomination.

95En l’absence d’éléments de preuve ou d’argumentation à l’appui de cette allégation, le Tribunal conclut que celle-ci n’est pas fondée.

Décision

96Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Lyette Babin-MacKay

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2008-0624
Intitulé de la cause:
Peter Zankl et le statisticien en chef du Canada et al.
Audience:
Les 9 et 10 septembre 2009
Ottawa (Ontario)
Date des motifs:
Le 18 janvier 2010

Comparutions:

Pour les plaignant:
Pierre Ouellet
Pour l'intimé:
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique:
John Unrau
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