Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont soutenu qu’ils avaient qualité pour déposer la plainte en l’espèce. Selon eux, l’intimé aurait abusé de son pouvoir lorsqu’il a eu recours à un processus d’équité en matière d’emploi non annoncé pour doter le poste. Ils ont fait valoir que tout manquement aux lignes directrices de la CFP constitue un abus de pouvoir tout en ajoutant que l’intimé n’avait pas évalué de façon appropriée si la personne nommée possédait les qualifications essentielles pour le poste. Enfin, ils ont avancé que l’intimé avait transgressé les valeurs de nomination que sont la justice et l’accessibilité, et que la justification écrite n’avait pas abordé ces valeurs. L’intimé a soutenu que les plaignants n’avaient pas qualité pour porter plainte puisqu’ils n’avaient pas manifesté d’intérêt pour le poste. L’intimé a ajouté que les plans des ressources humaines avaient relevé des lacunes par rapport à l’équité en matière d’emploi pour ce qui concerne la représentation des femmes, qu’une employée qualifiée était disponible et qu’en l’occurrence une nomination motivée par l’équité en matière d’emploi était un critère valide de recours à un processus non annoncé. Décision Le Tribunal a confirmé qu’une plainte ne peut être déposée au nom d’une autre personne et ne peut porter sur la façon dont d’autres candidats non retenus ont été traités. Le plaignant doit avoir un intérêt personnel pour le poste. Le Tribunal a conclu que l’un des plaignants n’avait pas qualité pour agir en l’espèce. D’autre part, en dépit du manque de détails dans la justification et du fait que celle-ci n’a pas abordé de façon précise les valeurs de nomination, ces erreurs et omissions ne démontraient pas une négligence ou insouciance s’apparentant à de la mauvaise foi. Le Tribunal a jugé que les plaignants n’avaient pas démontré que le recours à un processus d’équité en matière d’emploi non annoncé pour la dotation du poste constituait un abus de pouvoir. Le Tribunal a conclu par ailleurs que les qualifications essentielles étaient conformes aux normes de qualification de l’employeur, et que les plaignants n’ont pas démontré qu’il y avait abus de pouvoir de la part de l’intimé lorsque celui-ci a déterminé que la personne nommée possédait les qualifications essentielles pour le poste. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2008‑0750, 0750A, 0750B et 0750C
Rendue à:
Ottawa, le 3 août 2010

RAYMOND SILKE ET AL.
Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Afairre :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu des art. 77(1)a) et 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Lyette Babin-MacKay, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée
Silke et al. c. le sous-ministre de la Défense nationale
Référence neutre :
2010 TDFP 0009

Motifs de décision

Introduction

1Raymond Silke, Don Demont, Peter Eder et Rick Johnston affirment que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a eu recours à un processus interne non-annoncé d’équité en matière d’emploi pour doter le poste d’agent des services techniques (EG 03), à l’Agence de logement des Forces canadiennes (ALFC) de Trenton, en Ontario. Ils soutiennent d’autre part que l’intimé n’a pas évalué correctement si la personne nommée possédait les qualifications essentielles pour ce poste.

2L’intimé, le sous-ministre de la Défense nationale (MDN), nie avoir abusé de son pouvoir. Il affirme avoir utilisé ce processus de nomination pour nommer Guy Anne Guilbeault à un poste du groupe Soutien technologique et scientifique (EG), désigné dans le Plan des ressources humaines (RH) de l’ALFC en tant que groupe déficitaire sur le plan de l’équité en matière d’emploi. Les gestionnaires devaient prendre en compte les membres des groupes désignés, notamment les femmes, au moment de doter des postes au sein des groupes considérés comme déficitaires sur le plan de l’équité en matière d’emploi.

Contexte

3Le 12 novembre 2008, l’intimé a affiché une Notification de nomination ou de proposition de nomination sur Publiservice au sujet de la nomination de Mme Guilbeault au poste d’agent des services techniques (AST) à l’ALFC de Trenton.

4Le 21 novembre 2008, les plaignants ont présenté des plaintes d’abus de pouvoir au Tribunal en vertu des art. 77(1)a) et 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la LEFP).

Questions en litige

5Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Est-ce que chacun des plaignants a le droit de porter plainte?
  2. L’intimé a-t-il enfreint les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la Commission de la fonction publique (CFP) et les valeurs directrices de la CFP lorsqu’il a décidé de doter ce poste au moyen d’un processus non annoncé? Dans l’affirmative, ce manquement constitue t il un abus de pouvoir?
  3. La personne nommée possède t elle les qualifications essentielles pour ce poste? L’intimé a-t-il enfreint les Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP? Dans l’affirmative, ce manquement constitue t il un abus de pouvoir?

Résumé des éléments de preuve pertinents

6Manon Pelletier occupe le poste de chef d’équipe des RH à l’ALFC de Trenton. Elle a supervisé du début à la fin le processus de nomination en question et a conseillé la direction au sujet des diverses possibilités de dotation. Elle a confirmé que le processus de nomination établi a été dûment respecté, et que les autorisations et approbations nécessaires ont été obtenues. Elle a examiné le dossier avant que le délégataire signe la lettre d’offre, à Ottawa.

7Mme Pelletier a confirmé que la dotation au sein de la fonction publique doit être conforme aux politiques et aux lignes directrices de la CFP, et aux valeurs de dotation que sont la justice, la transparence, l’accessibilité et la représentativité. La fonction publique doit être impartiale et la dotation doit être fondée sur le mérite.

8Mme Pelletier a expliqué que l’ALFC compte 26 sites opérationnels au pays. Pendant des années, il a été difficile de doter les postes techniques et les postes d’AST, et les processus de nomination menés au cours des cinq dernières années ont pour la plupart été infructueux. Au moment de la tenue du processus, il n’existait aucun bassin de candidats préqualifiés pour le groupe EG au MDN.

9La décision d’opter pour un processus d’équité en matière d’emploi non annoncé découlait des plans des RH de l’ALFC. Le Plan intégré des RH de l’ALFC 08-09 (le Plan intégré des RH) et le Guide de planification des ressources humaines de la gestion des logements de l’ALFC (2008 2009) (le Guide de planif. des RH de la GL) ont été présentés en preuve.

10Mme Pelletier a expliqué qu’au moment de fournir des conseils à la direction, elle a consulté la section 5 du Plan intégré des RH, qui porte sur l’équité en matière d’emploi et la planification, et qui précise ce qui suit :

« En général, au sein de l’ALFC, la représentation de tous les groupes visés par l’équité en matière d’emploi est plus grande que la disponibilité sur le marché du travail. Cependant, quelques lacunes mineures restent à combler sur le plan de la représentation des femmes et des membres de minorités visibles auxquelles l’Agence remédiera en maximisant la marge de manœuvre inhérente accordée par la LEFP, et qui vise à garantir la représentation adéquate de tous les groupes désignés. »

[caractères gras ajoutés]

[traduction]

11Pour ce qui est du Guide de planif. des RH de la GL, il énonce ce qui suit :

« L’équipe de la GL travaillera de concert avec celle des RH afin d’essayer de réduire les lacunes relatives à l’équité en matière d’emploi. Le groupe EG a été désigné comme un groupe visé par l’équité en matière d’emploi, et les gestionnaires tentent de doter les postes du groupe EG en y nommant des personnes issues des groupes visés par l’équité en matière d’emploi, comme les femmes, lorsqu’ils le peuvent […] »

[caractères gras ajoutés]

[traduction]

12Mme Pelletier ne se souvient pas de l’étendue de la sous-représentation des femmes en 2008. Tenue d’expliquer les « lacunes mineures » mentionnées dans le Plan intégré des RH, elle a indiqué qu’il s’agissait de lacunes mineures en comparaison de celles relatives à l’ensemble de la représentation dans tous les groupes de l’ALFC.

13L’énoncé des critères de mérite et conditions d’emploi (ECM) générique utilisé au cours du processus a été présenté en preuve. Cet énoncé est également utilisé pour tous les processus de nomination relatifs aux postes d’AST menés par l’ALFC dans l’ensemble du pays, et il est lié à la description de travail du poste d’AST.

14Cet ECM satisfait aux exigences minimales en matière d’études du groupe EG et établit le critère suivant en tant que condition d’emploi : « possession d’un certificat de compagnon valide ou combinaison équivalente d’études et d’expérience » [traduction]. Les femmes ne sont pas expressément mentionnées, mais la nécessité d’accroître la représentation des membres des groupes visés par l’équité en matière d’emploi est soulignée.

15Mme Guilbeault est la seule employée dont la candidature a été prise en considération dans ce processus.

16La Notification de candidature retenue et la Notification de nomination ou de proposition de nomination ont été présentées en preuve. Mme Pelletier a expliqué qu’à titre de pratique et par souci de transparence, l’ALFC utilise normalement une zone de sélection nationale pour ses processus de nomination, et que la zone de sélection pour ce processus n’était pas limitée aux membres des groupes visés par l’équité en matière d’emploi : « Sont admissibles les employés du ministère de la Défense nationale qui travaillent pour l’Agence des logements des Forces canadiennes partout au Canada. » [traduction]

17Mme Pelletier a expliqué les exigences des Directives – Processus de nomination non annoncé du MDN (Directives du MDN). Il est indiqué que les gestionnaires doivent rédiger une justification démontrant clairement en quoi le processus de nomination non annoncé utilisé satisfait au critère établi pour ce type de processus. Elle a souligné que la Justification relative à ce processus faisait mention des divers processus menés au cours des années précédentes, dont aucun n’a abouti à la nomination de femmes qualifiées. Elle a expliqué que la justification était liée aux plans des RH pour ce qui est des stratégies de dotation : il y était question de la sous-représentation des femmes au sein du groupe EG et des processus infructueux menés par le passé. Elle a ensuite indiqué que ce processus était celui qui répondait le mieux aux besoins du ministère parce qu’il permettait de satisfaire aux besoins relatifs à l’équité en matière d’emploi par la nomination d’une femme entièrement qualifiée.

18Durant le contre interrogatoire mené par la CFP, Mme Pelletier a expliqué en quoi ce processus respectait les valeurs de la fonction publique que sont la justice, l’accessibilité et la transparence (la représentativité faisait partie du critère de l’accessibilité). La valeur « justice » a été respectée parce que le processus était exempt de favoritisme personnel et que l’employée était qualifiée pour le poste. La valeur « accessibilité » a été respectée parce que le ministère a mené des processus de nomination internes et externes annoncés pour ces différents groupes professionnels et qu’il continue à le faire. En ce qui concerne la transparence, elle a été respectée au moyen de la communication ouverte de toutes les décisions en matière de dotation sur le site intranet, dans les plans des RH, et par l’affichage de la stratégie de dotation sur le site Web du ministère.

19Derek Fulford a témoigné au nom de l’intimé. Il est le gestionnaire du Centre de services de logement à l’ALFC de Trenton depuis l’an 2000. Avant d’exercer ces fonctions, il a occupé le poste d’inspecteur sur une base contractuelle, de 1984 à 1989 environ, à Downsview (Ontario). Il a quitté ce travail pour œuvrer au sein du secteur privé à titre d’entrepreneur général dans le domaine de la construction résidentielle. En 1997, il s’est joint à l’ALFC de Trenton à titre d’inspecteur du logement (maintenant appelé AST), et a occupé ce poste jusqu’à sa nomination au poste de gestionnaire du Centre des services de logement en 2000.

20Il possède un certificat « Sceau rouge » de charpentier général et de travailleur du bois, a suivi diverses formations fournies par l’employeur dans les domaines de la gestion et des ressources humaines, et a suivi une formation sur la nouvelle LEFP. Il a pris part à plusieurs processus de nomination et connaît bien les différences entre l’ancienne loi et la nouvelle.

21Il a expliqué que les principales responsabilités de l’unité de l’ALFC de Trenton consistent à louer et à rénover les logements du MDN, ainsi qu’à en assurer l’entretien. Les logements de l’ALFC varient d’un endroit à l’autre au Canada, et le bureau de Trenton est petit; il compte environ dix employés, dont un superviseur d’unité (EG-04), duquel relèvent directement deux AST (EG-03) ainsi que d’autres employés. Les AST répondent aux plaintes relatives à l’entretien formulées par les locataires, trouvent des solutions aux problèmes, évaluent les besoins et produisent des autorisations de travail pour que les entrepreneurs agréés effectuent des travaux sur place. Ils doivent également assurer la qualité de tous les travaux d’entretien et de certaines améliorations mineures.

22M. Fulford a expliqué que la dotation du poste d’AST visait à remplacer un employé qui avait quitté le poste de façon inattendue en mai 2008. Il a doté le poste pour une durée indéterminée afin de remédier à la période d’instabilité qui a précédé le départ du titulaire précédent, et qui a engendré un certain désordre et affecté le moral du personnel.

23M. Fulford a indiqué qu’il a été difficile de doter des postes d’AST à Trenton et dans l’ensemble du pays au cours des cinq dernières années.

24Il était au courant des lacunes relatives aux groupes visés par l’équité en matière d’emploi (notamment les femmes) au sein du groupe EG et savait qu’une employée compétente, Mme Guilbeault, travaillait déjà au sein de son unité à l’ALFC. Cette dernière avait exprimé son intérêt pour ce type de travail et avait occupé le poste d’AST à titre intérimaire pendant quatre mois l’année précédente. Même si cette nomination n’avait pas dépassé quatre mois, il s’était assuré que Mme Guilbeault possédait les qualifications essentielles. Il avait vérifié si d’autres employés au sein de l’unité possédaient les qualifications requises. Aucun autre employé n’avait exprimé son intérêt pour le poste. M. Fulford a demandé conseil au service des RH qui lui a confirmé qu’il pouvait procéder à une nomination en vue d’accroître la représentation des membres des groupes visés par l’équité en matière d’emploi pour doter ce poste d’AST.

25Il a ensuite préparé une Justification dans laquelle il a souligné les raisons pour lesquelles un processus de nomination non annoncé avait été utilisé : les tentatives infructueuses de dotation de postes d’AST par le passé, la disponibilité d’une employée qui possédait les qualifications essentielles et les commentaires positifs formulés par le superviseur de l’unité et les collègues à l’égard du travail accompli par Mme Guilbeault lorsqu’elle avait occupé à titre intérimaire le poste d’AST. Les avantages que l’utilisation de ce processus conférait à l’organisation ont également été mentionnés dans la Justification.

26En contre interrogatoire, M. Fulford a expliqué qu’il était indiqué dans la Justification que le transfert de Mme Guilbeault de son poste de CR-05 à celui d’AST serait « expéditif » [traduction] parce que le processus de nomination pouvait être mis en place promptement et être mené plus rapidement qu’un processus annoncé, et qu’il était efficient parce qu’il permettait d’éviter la tenue d’un long processus de nomination. Mme Guilbeault travaillait déjà pour l’organisation, elle possédait les qualifications requises et touchait pratiquement le même salaire que le titulaire d’un poste EG-03. L’ « effet positif de cette nomination sur le moral de l’équipe » [traduction] a été évalué lors d’une discussion avec les coéquipiers, les collègues et le superviseur de l’unité.

27M. Fulford n’a fourni aucune explication concernant la raison pour laquelle il n’est pas question du portfolio de Mme Guilbeault dans la Justification.

28Lorsqu’il a dû préciser dans quelle partie de la Justification les valeurs de la CFP ont été abordées, il a indiqué que la valeur « justice » a été respectée parce que l’employée a été évaluée au moyen du même ECM que celui utilisé au cours des processus de nomination précédents pour les postes d’AST. La valeur « accessibilité » a été abordée dans le plan des RH, qui mentionnait les lacunes sur le plan de l’accessibilité des femmes en tant que groupe visé.

29M. Fulford a indiqué que pour aussi longtemps qu’il se souvienne, l’ECM générique comprenait le même certificat de compétence et qu’il était toujours accompagné d’une expérience requise dans le domaine de la construction résidentielle. Il ne suffit pas de posséder un certificat de compagnon pour occuper le poste d’AST; il faut également posséder une expérience dans le domaine de la construction résidentielle. Au cours des processus de nomination précédents, il avait été déterminé que les candidats possédaient le certificat de compétence requis, mais aucune expérience dans le domaine de la construction résidentielle.

30M. Fulford a commenté l’Évaluation de la candidate en fonction des critères de mérite (l’Évaluation de la candidate) qu’il a rédigée. Il a expliqué avoir évalué Mme Guilbeault en examinant le programme d’études du Cours avancé de design d’intérieur qu’elle a suivi et en effectuant des recherches à ce sujet. Il a conclu que le cours comportait une section portant sur la structure et que certaines parties du programme d’études portaient sur l’application du code du bâtiment, la conception de la structure, la présentation de renseignements détaillés sur les murs, les plafonds, les toitures et les planchers, et sur la préparation de documents contractuels. Il a examiné le portfolio de Mme Guilbeault ainsi que les dessins qu’elle a présentés au cours de ses études; ces dessins indiquaient qu’elle connaissait la façon dont les structures sont érigées.

31En outre, il a fait remarquer que Mme Guilbeault possédait trois années d’expérience à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), qui lui avaient permis d’acquérir des connaissances en gestion de projet. Enfin, lorsqu’elle a occupé à titre intérimaire le poste d’AST, elle a fait l’objet d’une supervision étroite de la part du superviseur de l’unité, qui a confirmé qu’elle était compétente et en mesure d’accomplir correctement les tâches liées au poste.

32Au cours du contre interrogatoire, en réponse à la question concernant l’expérience de quelques mois que Mme Guilbeault avait acquise dans le domaine de la construction résidentielle, M. Fulford a mentionné son expérience personnelle ainsi que celle qu’elle avait acquise au sein de l’organisation et dans le domaine de la gestion de projet à TPSGC. M. Fulford a expliqué que Mme Guilbeault avait acquis beaucoup d’expérience dans le domaine de la construction résidentielle au sein de l’ALFC au cours de la période active des affectations (PAA) (qui se déroule normalement tous les ans d’avril à septembre ou octobre). Au cours de la PAA, elle avait traité la moitié des 200 déménagements des résidents qui quittaient leur logement, ce qui lui avait permis d’évaluer les dommages aux logements, etc. En outre, elle était l’agente de première responsabilité pour le projet de remplacement du trottoir et des marches, projet compliqué qu’elle a très bien su gérer.

33M. Johnston a indiqué qu’il travaille pour l’ALFC de Petawawa (Ontario) depuis 1981 et qu’il occupe le poste d’AST depuis 2003. Il est un charpentier agréé, ce qui signifie qu’il a terminé sa formation officielle d’apprenti ainsi que 1 800 heures dans une école de métiers. Il a suivi divers cours pour mettre à jour et rehausser ses qualifications et se tenir au courant des changements apportés au code des métiers. Lorsqu’il a été embauché à Petawawa, les titulaires de postes d’AST devaient posséder un certificat de compagnon et une mention « Sceau rouge » dans un métier.

34M. Johnston a expliqué que la principale responsabilité d’un AST consiste à inspecter les travaux réalisés sous contrat sur la base, afin de s’assurer que le travail exécuté est acceptable. Il doit inspecter les travaux de construction afin de s’assurer qu’ils sont conformes aux divers codes (bâtiment, plomberie, charpenterie, électricité), qu’ils sont exécutés en temps opportun, et qu’aucun élément essentiel n’a été omis, susceptible de causer des dommages au bâtiment et un risque de blessure ou de mort pour les locataires et les entrepreneurs.

35Il a vu la Notification de candidature retenue pour la première fois à l’automne 2008. Celle-ci avait soulevé quelques préoccupations parce qu’il semblait que la titulaire d’un poste CR 05 avait été nommée à un poste EG 03.

36À sa connaissance, la personne nommée ne possède aucun certificat de métier. Sa formation lui permet de répondre aux besoins des locataires des logements, mais elle ne possède aucune formation en matière de structure. À titre d’homme de métier qualifié, il considère qu’il est très important que le travail soit accompli correctement et en entier. À son avis, même si n’importe qui peut réaliser une inspection, seule une personne de métier qualifiée peut déterminer si le travail a été exécuté de façon appropriée ou conformément au code. Il ne croit pas qu’un AST sans certificat de métier puisse fournir le travail de qualité auquel l’ALFC s’attend.

37Durant le contre interrogatoire, M. Johnston a indiqué qu’il n’avait aucun intérêt personnel pour le poste d’AST à Trenton, mais que d’autres personnes auraient pu être intéressées. Il a reconnu que les exigences du poste peuvent changer, mais que les exigences d’un poste technique devraient être haussées et non abaissées. Il est d’avis que les normes ont été abaissées.

38M. Demont a déclaré qu’il occupe le poste d’AST à Petawawa depuis avril 2007. Il n’a pas vu de possibilité d’emploi affichée pour le poste d’AST à Trenton, mais en a vu une annoncée pour l’ensemble du Canada. Il a indiqué avoir des amis et de la famille à Trenton, et qu’il aurait probablement eu « un certain intérêt » [traduction] pour le poste s’il avait été affiché.

39Au cours du contre interrogatoire, M. Demont a confirmé ne pas avoir posé sa candidature pour le poste au moment où il a été affiché en 2008.

40MM. Silke et Eder n’ont pas comparu à l’audience.

Argumentation des parties

A) Argumentation des plaignants

41Les plaignants soutiennent qu’ils ont le droit de présenter une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique et qu’ils ont qualité pour agir en l’espèce. Les plaignants font valoir qu’ils sont bien dans la zone de sélection établie pour ce processus non annoncé et par conséquent, qu’ils sont dans la zone de recours. Étant donné qu’ils ont le droit de déposer une plainte, ils n’ont pas à démontrer qu’ils ont un intérêt direct pour le poste. Ils affirment que le fait d’occuper déjà un poste d’AST (EG 03) ou d’avoir envie de déménager à Trenton n’est pas pertinent en l’espèce.

42Les plaignants soutiennent que l’intimé n’a pas respecté les lignes directrices de la CFP, en particulier les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination lorsqu’il a décidé de doter le poste au moyen d’un processus non annoncé, et les Lignes directrices en matière d’évaluation lorsqu’il a déterminé que la personne nommée était qualifiée pour le poste.

43Ils affirment que le fait de manquer aux lignes directrices de la CFP constitue un abus de pouvoir. Ils indiquent que le libellé de l’art. 2(4) de la LEFP indique clairement que l’abus de pouvoir ne se limite pas à la mauvaise foi et au favoritisme personnel, et que selon l’art. 16 de la LEFP, l’administrateur général est tenu de se conformer aux lignes directrices de la CFP et il est responsable, au bout du compte, de ses décisions. Étant donné que les lignes directrices de la CFP sont exécutoires, le non-respect de ces lignes directrices permet de démontrer qu’il y a eu un abus de pouvoir.

44Les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP exigent que le processus de nomination choisi respecte le plan des ressources humaines de l’organisation ainsi que les valeurs fondamentales et les valeurs directrices. Les plaignants soutiennent que ces lignes directrices n’ont pas été respectées parce que la Justification n’a pas mentionné la raison pour laquelle le processus non annoncé a été désigné la meilleure méthode de dotation à utiliser dans les circonstances. Ils affirment également que les exigences ministérielles auraient dû être abordées de manière plus détaillée dans la Justification, et que des renseignements détaillés, des faits et des statistiques auraient dû être fournis à l’appui.

45Les plaignants soutiennent que pour déterminer si la Justification satisfait aux exigences des Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP ou des Directives du MDN, le Tribunal devrait seulement prendre en considération la Justification présentée en preuve. Il faudrait donner plus de poids à la preuve écrite qu’aux témoignages.

46Les Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP exigent que les processus et les méthodes d’évaluation utilisés évaluent efficacement les qualifications essentielles et fournissent une base solide pour procéder à des nominations fondées sur le mérite. Les plaignants affirment que ces lignes directrices n’ont pas été respectées, car la personne nommée ne possède pas la formation requise pour accomplir efficacement et de façon compétente les tâches liées au poste. Ils font valoir que le Tribunal doit décider si l’interprétation fournie par l’intimé concernant la « combinaison d’études et d’expérience » [traduction] satisfait aux exigences de l’art. 30(2)a) de la LEFP, et si l’Évaluation de la candidate permet d’évaluer efficacement ce qu’elle doit évaluer et constitue une base solide pour une nomination.

47Enfin, les plaignants soutiennent que l’intimé n’a pas respecté les valeurs de la CFP que sont la justice et l’accessibilité énoncées dans les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP, et que ces valeurs ne sont pas abordées dans la Justification. La valeur « justice » n’a pas été respectée parce que les décisions n’ont pas été prises de manière objective lorsque l’intimé a déterminé que l’ensemble de l’ALFC au Canada constituait la zone de sélection, mais n’a pris en considération que la candidature d’une seule employée. La valeur « accessibilité » n’a pas été respectée parce que la possibilité raisonnable de faire acte de candidature dans ce processus n’a pas été offerte aux employés des quatre coins du pays. Enfin, comme l’exigent les directives ministérielles, il n’était pas indiqué dans la Justification en quoi le processus était conforme au plan des RH, au plan d’affaires et au plan d’équité en matière d’emploi.

48Les plaignants laissent la détermination des mesures correctives appropriées à la discrétion du Tribunal.

B) Argumentation de l’intimé

49L’intimé soutient que les plaignants n’ont pas manifesté d’intérêt pour ce poste EG-03 et par conséquent, qu’ils n’ont pas qualité pour agir en l’espèce aux termes de l’art. 77 de la LEFP (Evans c. le sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 2007 TDFP 0004, para. 12). M. Johnston a mentionné n’avoir aucun intérêt pour ce poste. Pour ce qui est de M. Demont, il n’a aucun intérêt personnel pour ce poste, comme l’indique son affirmation selon laquelle il n’a pas posé sa candidature à l’occasion du processus tenu six mois auparavant parce qu’il occupait déjà un poste EG 03. MM. Silke et Eder n’ont pas comparu à l’audience de leur propre plainte et par conséquent, il est raisonnable de conclure qu’ils n’avaient aucun intérêt personnel pour ce poste.

50L’intimé soutient que le manquement aux lignes directrices de la CFP n’a pas été établi, et que les affirmations des plaignants – selon lesquelles un manquement devrait entraîner une conclusion d’abus de pouvoir – vont à l’encontre des principes établis (voir la décision Morris c. le commissaire du Service correctionnel du Canada, 2009 TDFP 0009, para. 100).

51L’intimé soutient que le Tribunal a confirmé que c’est à l’administrateur général qu’il revient d’établir les qualifications essentielles (voir la décision Visca c. le sous ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, para. 42). Le rôle du Tribunal consiste à déterminer si le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir dans la façon dont il a évalué les candidatures (voir la décision Lavigne c. le sous-ministre de la Justice et la Commission de la fonction publique, 2009 CF 684, para. 2).

52Selon l’art. 31(2) de la LEFP, les qualifications essentielles doivent être égales ou supérieures aux normes de qualification applicables. L’intimé fait valoir que les exigences en matière d’études décrites dans l’ECM satisfont aux normes de qualification du groupe EG. La direction a déterminé qu’il était approprié d’utiliser l’exigence relative au certificat de compétence mentionnée dans l’ECM générique au cours du processus en question, compte tenu des besoins actuels de l’organisation et de la nature du travail accompli.

53L’intimé affirme que même si l’Évaluation de la candidate en fonction des critères de mérite n’aborde pas expressément tous les outils que le gestionnaire délégataire a utilisés pour évaluer les qualifications de la personne nommée en fonction de l’ECM, le témoignage irréfuté de ce dernier a fait ressortir qu’il avait examiné le curriculum vitae de la personne nommée, effectué des recherches au sujet de son accréditation relative à la formation et de son portfolio, et tenu compte des commentaires formulés à l’égard de son rendement ainsi que de ses propres connaissances en ce qui concerne son rendement. L’intimé soutient que le Tribunal n’a aucune raison de ne pas tenir compte du témoignage oral présenté à l’audience et de ne prendre en compte que la preuve écrite.

54L’intimé fait valoir que l’art. 36 de la LEFP confère à l’administrateur général un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de déterminer les outils nécessaires pour évaluer si le candidat possède les qualifications liées au poste à doter. Cet article permet d’utiliser toute méthode d’évaluation appropriée, y compris les connaissances personnelles, pour déterminer si la personne est qualifiée (Jolin c. l’administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 0011, para. 77; Visca, paras. 55 à 57; Morris, para. 80).

55Enfin, l’intimé soutient que la décision d’utiliser un processus de nomination non annoncé ne constituait pas un abus de pouvoir, mais qu’elle était raisonnable et appropriée, et satisfaisait aux exigences des Directives du MDN et aux valeurs de dotation. Les éléments de preuve ont démontré que le gestionnaire délégataire devait doter un poste vacant, que les plans des RH avaient fait ressortir des lacunes par rapport à l’équité en matière d’emploi pour ce qui est de la représentation des femmes, qu’une employée qualifiée était disponible et qu’une nomination motivée par l’équité en matière d’emploi constituait un critère valide de recours à un processus de nomination non annoncé.

56L’intimé soutient enfin que la Justification du recours à un processus de nomination non annoncé aborde les valeurs de justice et d’accessibilité, et que l’explication fournie pour l’utilisation d’un processus de nomination non annoncé respecte les critères relatifs à ces valeurs, qui sont énoncés dans les Directives du MDN.

57Si le Tribunal déterminait qu’il y a eu un abus de pouvoir, l’intimé soutient que les mesures correctives devraient se limiter directement au processus de nomination en question.

C) Réponse des plaignants à l’argumentation de l’intimé

58Les plaignants affirment qu’il y a lieu de distinguer l’affaire en l’espèce de l’affaire Evans dans laquelle la plaignante occupait un poste de groupe et niveau supérieurs et présentait une plainte au nom d’une autre personne. Tous les plaignants occupent un poste au même niveau que le poste qui a été doté. Ils affirment que les faits qu’ils ont présentés peuvent faire office d’intérêt personnel. M. Demont a déclaré qu’il aurait pu avoir envie de déménager à Trenton où il a des amis et de la famille. M. Johnston a soulevé certaines préoccupations à l’égard de l’opinion selon laquelle les normes du métier seraient abaissées. Les plaignants signalent que le fait que deux des plaignants n’ont pas pu se présenter à l’audience ne signifie pas qu’ils n’avaient aucun intérêt personnel en ce qui a trait à leur plainte. La LEFP n’exige pas la présence du plaignant à l’audience.

59Enfin, les plaignants soutiennent que les renseignements supplémentaires présentés de vive voix à l’audience équivalent à une deuxième évaluation et constituent une application inappropriée de l’art. 36 de la LEFP.

D) Argumentation de la Commission de la fonction publique

60La CFP a fait remarquer qu’un cadre étendu de lignes directrices a été élaboré conformément à l’art. 29(3) de la LEFP, et que selon l’art. 16, les administrateurs généraux et leurs délégués sont tenus de se conformer à ces lignes directrices. Elle précise que pour qu’un manquement aux lignes directrices constitue un abus de pouvoir, celui-ci doit être le résultat d’une intention illégitime, de mauvaise foi ou de favoritisme personnel, ou d’une insouciance ou négligence telle qu’il y a lieu de présumer qu’il y a eu mauvaise foi.

61La CFP a déterminé que l’Évaluation de la candidate en fonction des critères de mérite était plutôt vague, mais a jugé que la déposition du témoin de l’intimé a permis de clarifier en quoi la personne nommée possédait les qualifications essentielles.

62De la même façon, la CFP a également déterminé que la Justification du recours à un processus de nomination non annoncé était plutôt vague, mais a jugé raisonnable l’explication de l’intimé concernant la façon dont les valeurs étaient respectées, et les liens avec l’équité en matière d’emploi pour ce qui est de la sous-représentation des femmes.

Dispositions législatives et lignes directrices pertinentes

63Les dispositions suivantes de la LEFP sont pertinentes en l’espèce :

2. (4) Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par « abus de pouvoir » la mauvaise foi et le favoritisme personnel.

16. L’administrateur général est tenu, lorsqu’il exerce les attributions de la Commission visées à l’article 15, de se conformer aux lignes directrices visées au paragraphe 29(3)..

29. (3) La Commission peut établir des lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations et de prendre des mesures correctives.

30. (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

(a) a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles – notamment la compétence dans les langues officielles – établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

[...]

(4) La Commission n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite.

31.(2) Les qualifications mentionnées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i) doivent respecter ou dépasser les normes de qualification applicables établies par l’employeur en vertu du paragraphe (1).

33. La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé.

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation – notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieurs, examens ou entrevues – qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

77 (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

(a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

(b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

[...]

(2) Pour l’application du paragraphe (1), une personne est dans la zone de recours si :

[...]

(b) dans le cas d’un processus de nomination interne non annoncé, elle est dans la zone de sélection définie en vertu de l’article 34.

[...]

64Les extraits suivants tirés des lignes directrices de la CFP et des directives du MDN sont pertinents :

Lignes directrices de la CFP – Choix du processus de nomination

Énoncé des lignes directrices

Le choix entre des processus de nomination annoncés ou non annoncés, internes ou externes, est conforme au plan des ressources humaines de l’administration et aux valeurs fondamentales et directrices.

[...]

Exigences des lignes directrices

En plus d’être responsables du respect de l’énoncé des lignes directrices, les administrateurs généraux et les administratrices générales doivent :

[...]

  • s’assurer que la justification écrite démontre comment un processus non annoncé respecte les critères établis et les valeurs en matière de nomination.

Lignes directrices de la CFP – Évaluation

Énoncé des lignes directrices

L’évaluation est élaborée et mise en application de façon impartiale, exempte d’influence politique ou de favoritisme personnel et n’entraîne pas d’obstacles systémiques.

Les processus et les méthodes d'évaluation utilisés permettent d'évaluer efficacement les qualifications essentielles et autres critères du mérite qui sonts déterminés, et ils sont administrés de façon juste.

L’identification des personnes qui répondent aux exigences opérationnelles et aux besoins organisationnels est effectuée de façon objective.

Directives du MDN – Nominations non annoncées

Critères ministériels

Il est possible d’utiliser un processus de nomination non annoncé lorsqu’il s’agit de la meilleure méthode de dotation pour répondre aux besoins du MDN et des FC et que le processus est en harmonie avec les valeurs de la CFP en matière de nomination, soit la justice, l’accessibilité et la transparence.

[...]

La justice signifie que le choix du processus sera fait avec objectivité, sans influence politique ou favoritisme personnel. De quelle façon la nomination correspond à cette définition? La personne est-elle qualifiée en fonction de l’énoncé des critères de mérite? Comment la personne a-t-elle été sélectionnée? Comment la direction peut-elle démontrer qu’il n’y a aucune influence politique ou favoritisme personnel?

L’accessibilité signifie que l’organisation continuera à offrir des possibilités de se porter candidat et d’être considéré pour un emploi dans la fonction publique. […] Cette nomination découle-t-elle d’une initiative en vue d’augmenter la représentation des membres appartenant à des groupes visés par l’équité en matière d’emploi?

La transparence signifie que les renseignements concernant le processus de nomination sont communiqués de façon ouverte et en temps opportun. Ce processus de nomination était-il transparent? […].

Il faut prouver que l’utilisation de ce processus dans une situation particulière contribuera de façon efficace ou efficiente à l’atteinte des exigences ministérielles énoncées dans les plans des ressources humaines, d’activités ou d’équité en matière d’emploi de l’organisation (p. ex. augmenter la représentation des groupes visés par l’EE; […] etc.).

MDN – Justification des nominations non annoncées

Justification

Les gestionnaires doivent inclure les renseignements suivants dans leur justification :

  1. 1. Décrire comment le processus de nomination non annoncé répond aux critères du MDN.
    1. a. Expliquer pourquoi, dans cette situation, le processus de nomination non annoncé est la meilleure méthode de dotation pour répondre aux besoins du Ministère et des Forces canadiennes.
    2. b. Aborder chacune des valeurs de nomination de la fonction publique qui sont la justice, l’accessibilité et la transparence.
    3. c. Préciser comment le processus est en harmonie avec les plans des ressources humaines, d’activités, d’équité en matière d’emploi ou des langues officielles de l’organisation. S’il n’est pas conforme à un ou plusieurs plans, il convient d’en expliquer la raison.
  2. Si la candidature d’une seule personne est prise en compte pour ce poste, en expliquer la raison. Si plusieurs personnes sont visées, décrire le contexte dans lequel la demande de ces dernières est prise en compte.
  3. Décrire les effets potentiels sur les autres employés de l’unité de travail.

Analyse

Question I : Est-ce que chacun des plaignants (Rick Johnston, Don Demont, Raymond Silke et Peter Eder) a le droit de porter plainte?

65En l’espèce, l’intimé a contesté le droit des plaignants de porter plainte, en affirmant qu’ils n’ont pas démontré qu’ils avaient un intérêt personnel et, en conséquence, qu’ils n’ont pas qualité pour agir en l’espèce.

66Le représentant des plaignants fait valoir que le droit des plaignants de déposer une plainte découle du fait qu’ils sont dans la zone de recours, et qu’ils n’ont pas à démontrer qu’ils ont un intérêt personnel en ce qui a trait à la plainte.

67Le droit d’une personne de déposer une plainte au sujet d’un processus de nomination interne est régi par l’art. 77(1) de la LEFP, qui indique que « […] la personne qui est dans la zone de recours […] peut […] présenter à celui-ci [au Tribunal] une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination [...] » (caractères gras ajoutés). Par conséquent, trois conditions doivent être respectées lorsqu’il s’agit de présenter une plainte : la personne doit être dans la zone de recours, une nomination ou une proposition de nomination doit avoir été présentée et la plainte ne peut porter que sur le fait que le plaignant n’a pas été nommé ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination.

68Le passage « […] présenter à celui-ci [au Tribunal] une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination […] » indique clairement que la plainte doit se rapporter directement au plaignant concerné. La plainte ne peut être présentée au nom d’une autre personne et ne peut porter sur la façon dont d’autres candidats non retenus ont été traités. Par conséquent, le plaignant doit avoir un intérêt personnel pour le poste (Evans; Visca c. le sous ministre de la Justice, 2006 TDFP 0016, para. 24; Czarnecki c. l’administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 0001).

69Comme il a été mentionné dans la décision Beyak c. le sous-ministre des Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 0035, le critère permettant d’établir l’existence d’un intérêt personnel pour un poste n’est pas plus rigoureux dans le cas d’un processus non annoncé que dans celui d’un processus annoncé. Dans le cas d’un processus non annoncé, il est impossible pour un employé de manifester son intérêt à l’égard d’un poste en posant sa candidature, comme il le ferait à l’occasion d’un processus de nomination annoncé. C’est en présentant une plainte au motif qu’il n’a pas été nommé qu’il peut exprimer son intérêt.

70Tous les plaignants sont bien dans la zone de recours. Étant donné que l’intimé conteste leur droit de déposer une plainte, le Tribunal doit s’en remettre aux éléments de preuve et à l’argumentation des parties.

71M. Johnston a déclaré qu’il n’avait pas envie de travailler à Trenton, mais que d’autres personnes auraient pu être intéressées. Il ne présente pas une plainte au motif qu’il n’a pas été nommé, parce qu’il n’aurait pas fait acte de candidature dans ce processus s’il en avait eu la possibilité. Pour ce qui est de son affirmation selon laquelle d’autres employés auraient pu être intéressés, elle va à l’encontre des exigences de l’art. 77(1) de la LEFP : une personne ne peut porter plainte contre le fait que d’autres personnes n’ont pas été nommées ou qu’elles auraient pu l’être à l’occasion d’un processus de nomination. En conséquence, le Tribunal conclut que M. Johnston n’avait aucun intérêt pour le poste d’AST à Trenton et qu’en fait, il a présenté une plainte au nom d’autres personnes. Le Tribunal conclut que le plaignant n’avait pas qualité pour agir en l’espèce et par conséquent, qu’il n’avait pas le droit de présenter une plainte au Tribunal aux termes de l’art. 77 de la LEFP. La demande visant à faire rejeter la plainte de M. Johnston est accueillie.

72De son côté, M. Demont a indiqué n’avoir vu aucun emploi affiché pour Trenton et n’avoir vu que celui affiché pour l’ensemble du Canada. Il a également mentionné avoir de la famille et des amis à Trenton, et qu’il aurait probablement manifesté un certain intérêt pour une possibilité d’emploi à Trenton si elle avait été affichée. Le critère permettant d’établir l’existence d’un intérêt personnel pour un poste n’est pas plus rigoureux dans le cas d’un processus non annoncé que dans celui d’un processus annoncé. Il s’agissait d’un processus non annoncé, et en présentant une plainte au motif qu’il n’a pas été nommé, M. Demont a exprimé un intérêt personnel pour le poste. Aucun des éléments de preuve présentés ne permet de conclure que le plaignant n’aurait pas fait acte de candidature dans ce processus s’il avait été annoncé. Par conséquent, le Tribunal estime que le plaignant avait le droit de présenter une plainte au motif qu’il n’a pas été nommé en raison d’un abus de pouvoir.

73MM. Silke et Eder n’ont pas participé à l’audience, mais ils étaient représentés. Le Tribunal rejette l’argument de l’intimé selon lequel leur absence démontre qu’ils n’avaient aucun intérêt personnel pour le poste. Encore une fois, en présentant une plainte au motif qu’ils n’ont pas été nommés au terme de ce processus de nomination non annoncé, MM. Silke et Eder ont exprimé leur intérêt personnel pour ce poste. En conséquence, le Tribunal conclut qu’en l’absence de preuve contraire, les plaignants ont le droit de présenter une plainte au motif qu’ils n’ont pas été nommés en raison d’un abus de pouvoir.

Question II: L’intimé a-t-il enfreint les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP et les valeurs directrices de la CFP lorsqu’il a décidé de doter ce poste au moyen d’un processus non annoncé? Dans l’affirmative, ce manquement constitue t il un abus de pouvoir?

74Les plaignants affirment que l’intimé n’a pas respecté les Lignes directrices en matière de choix du processus de nomination de la CFP. Ils soutiennent qu’il n’est pas indiqué dans la Justification rédigée à l’appui du processus la raison pour laquelle le processus de nomination non annoncé constituait la meilleure méthode dans les circonstances ni en quoi ce processus était conforme aux valeurs directrices que sont l’accessibilité et la justice. Ils affirment qu’il s’agit d’un cas de non-conformité aux lignes directrices, ce qui équivaut à un abus de pouvoir.

75L’intimé soutient qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir et qu’il s’est conformé aux lignes directrices de la CFP et aux valeurs directrices.

76L’article 33 de la LEFP permet aux gestionnaires d’utiliser un processus annoncé ou non annoncé pour doter des postes. Selon l’art. 29(4), le gestionnaire n’est pas tenu de prendre en considération la candidature de plus d’une personne pour procéder à une nomination fondée sur le mérite.

77Selon les Lignes directrices en matière de choix de processus de la CFP, que les administrateurs généraux sont légalement tenus de respecter, le processus non annoncé doit être conforme aux plans des RH de l’organisation et aux valeurs de nomination que sont la justice, la transparence et la représentativité. La Justification écrite doit également démontrer en quoi le processus respecte les valeurs et les critères établis.

78Le Tribunal a examiné la Justification de recours à un processus de nomination non annoncé rédigée à l’appui du processus et estime qu’elle aborde en général les critères établis dans les lignes directrices de la CFP et les directives du MDN. Même si elle ne mentionne pas précisément pourquoi le processus était jugé comme la méthode qui répondait le mieux aux besoins du ministère dans les circonstances, elle indique les difficultés relatives à la dotation de postes techniques, le manque d’intérêt de la part des employées qualifiées, la disponibilité d’une employée bilingue qualifiée, les connaissances de l’employée en ce qui concerne l’organisation ainsi que la rapidité et la rentabilité du processus. Ces motifs permettent également d’expliquer pourquoi la candidature d’une seule personne a été prise en considération. Les répercussions sur les autres employés de l’unité de travail (effet positif sur le moral des employés) sont également mentionnées. Enfin, un lien est établi entre les lacunes sur le plan de la représentation des femmes dans les groupes professionnels comme le groupe EG et les plans des RH de l’organisation.

79La Justification ne respecte pas les exigences, c’est à dire qu’elle n’explique pas en quoi ce processus de nomination respecte les valeurs de nomination. Même si le témoignage de Mme Pelletier à l’audience a fourni certaines explications sur la façon dont chaque valeur directrice est abordée, le Tribunal n’estime pas que cette approche respecte les lignes directrices de la CFP et les directives du MDN. En fait, en ce qui concerne les valeurs directrices, les directives du ministère énumèrent précisément les facteurs qui doivent être pris en compte au moment de déterminer en quoi le processus est conforme aux valeurs.

80Toutefois, même si la Justification aurait dû comprendre plus de renseignements détaillés et qu’elle n’aborde pas précisément les valeurs directrices, le Tribunal ne conclut pas que ces erreurs et omissions démontrent une négligence ou une insouciance telle qu’elle pourrait constituer de la mauvaise foi (Turner c. le sous ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2009 TDFP 0022).

81En conséquence, le Tribunal juge que les plaignants n’ont pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application des Lignes directrices en matière de choix du processus de la CFP et des valeurs directrices lorsqu’il a opté pour un processus non annoncé visant à accroître la représentation des groupes visés par l’équité en matière d’emploi pour doter le poste en question.

Question III: La personne nommée possède-t-elle les qualifications essentielles pour ce poste? L’intimé a-t-il enfreint les Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP? Dans l’affirmative, ce manquement constitue-t-il un abus de pouvoir?

82Les plaignants soutiennent que la personne nommée ne possède pas la formation requise pour accomplir de manière efficace et compétente les tâches liées au poste. Ils affirment que les Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP n’ont pas été respectées parce que l’évaluation de la « combinaison équivalente d’études et d’expérience » [traduction], réalisée par l’intimé et consignée dans l’Évaluation de la candidate en fonction des critères de mérite, ne fournit pas de fondement solide pour procéder à une nomination fondée sur le mérite. Les plaignants demandent au Tribunal de déterminer si l’évaluation de cette qualification essentielle est conforme aux exigences de l’art. 30(2)a) de la LEFP.

83L’intimé affirme que les témoignages et les éléments de preuve présentés à l’audience appuient la conclusion du gestionnaire selon laquelle la personne nommée possède la qualification requise pour ce poste.

84Essentiellement, les plaignants soutiennent qu’il faut posséder un certificat de compagnon ainsi qu’une expérience et des connaissances pratiques au sujet des divers codes de métier pour accomplir les tâches liées au poste d’AST. Ils affirment que la personne nommée ne possède pas les qualifications appropriées pour accomplir de façon compétente les tâches liées au poste.

85Aux termes de l’art. 30(2)a) de la LEFP, la personne nommée doit posséder les qualifications essentielles pour le poste, établies par l’administrateur général. Selon l’art. 31(2), ces qualifications essentielles doivent être égales ou supérieures aux normes de qualification de l’employeur.

86Les éléments de preuve démontrent que l’ECM générique établi pour ce poste satisfait à la norme de qualification minimale du groupe EG et que cet ECM a été utilisé à l’occasion de tous les autres processus de nomination relatifs aux postes d’AST.

87L’article 36 de la LEFP confère aux administrateurs généraux un vaste pouvoir discrétionnaire dans le choix et l’utilisation des méthodes d’évaluation. M. Fulford a indiqué avoir évalué les études et l’expérience de Mme Guilbeault en examinant son curriculum vitae, le programme d’études du Cours avancé de design d’intérieur, son portfolio de cours et son expérience de travail. Il a mentionné que sa formation collégiale comprenait une section qui portait sur la structure. Il a également consulté le superviseur de son unité. Une fois convaincu que Mme Guilbeault possédait les qualifications essentielles, il a effectué une nomination non annoncée en vue d’accroître la représentation des membres des groupes visés par l’équité en matière d’emploi.

88M. Fulford a consigné son évaluation dans l’Évaluation de la candidate en fonction des critères de mérite, document présenté en preuve. Le Tribunal a examiné cette évaluation et en a déduit qu’il n’y avait pas de preuve d’abus de pouvoir à l’encontre de M. Fulford par rapport à sa détermination que Mme Guilbeault possédait les qualifications essentielles pour ce poste. Le Tribunal rejette l’argument des plaignants selon lequel il faut accorder davantage d’importance à la preuve écrite figurant dans l’Évaluation de la candidate en fonction des critères de mérite qu’aux témoignages présentés à l’audience.

89Après avoir examiné tous les éléments de preuve, le Tribunal conclut que les plaignants n’ont pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir lorsqu’il a déterminé que la personne nommée possédait les qualifications essentielles pour le poste.

90De même, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas de preuve démontrant que l’intimé a manqué aux Lignes directrices en matière d’évaluation de la CFP.

Décision

91Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.

Lyette Babin-MacKay

Membre

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal :
2008-0750, 0750A, 0750B et 0750C
Intitulé de la cause :
Raymond Silke et al. et le sous-ministre de la Défense nationale
Audience :
Les 18 et 19 janvier 2010
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 3 août 2010

COMPARUTIONS

Pour les plaignants :
Louis Bisson
Pour l’intimé :
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique :

Trish Heffernan
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.