Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Une personne qui ne faisait pas partie du comité d’évaluation avait fourni à celui-ci des renseignements concernant le plaignant. Suivant la suggestion de ladite personne, le comité d’évaluation s’est mis à chercher d’autres références; or il existait un lien hiérarchique entre cette personne et deux membres du comité. Par la suite, le plaignant a été éliminé du processus de nomination. Pendant et après le processus de discussion informel, le plaignant a appris que le comité d’évaluation avait obtenu deux références supplémentaires; il était cependant dans l’impossibilité de trouver la provenance de ces références, censées servir d’outil secondaire dans l’évaluation de certains critères de mérite mais qui étaient à la base de la décision d’éliminer sa candidature du processus de nomination. Décision : Le Tribunal a conclu que l’intimé a abusé de son pouvoir dans son évaluation du plaignant, et qu’il a fait preuve de mauvaise foi et de parti pris. Par le seul fait de présenter leur candidature à un poste à la fonction publique, les candidats consentent implicitement à une vérification des références. Néanmoins, le processus de vérification des références doit être conforme aux valeurs de dotation énoncées dans le préambule de la LEFP. Le Tribunal a constaté que les références étaient utilisées comme outil principal d’évaluation du jugement, et non pas comme outil secondaire. Rien n’expliquait la mauvaise note du plaignant par rapport à cette qualification, ni le cheminement menant à son intégration à la note finale. Le Tribunal a établi d’autre part que la décision de l’intimé d’obtenir d’autres références avait été prise avant de recevoir les références des répondants nommés par le plaignant; que l’intimé a fourni au plaignant des renseignements inexacts et trompeurs sur la provenance des références supplémentaires et sur la nécessité de les obtenir. L’intimé a soutenu qu’il n’avait pas suffisamment de renseignements pour évaluer la candidature du plaignant et qu’il a dû par conséquent obtenir des références supplémentaires. Le Tribunal a conclu que l’intimé a fait preuve d’incurie du fait de ne pas préciser qu’il serait difficile pour quelqu’un qui n’était pas superviseur de répondre aux questions contenues dans les références. Plainte accueillie. Mesures correctives : Le Tribunal a estimé qu’un cours d’apprentissage en évaluation impartiale et en application des méthodes d’évaluation serait bénéfique aux membres du comité d’évaluation. Ayant constaté qu’un bassin de candidats avait dû être établi à la suite du processus de nomination, le Tribunal a ordonné que l’intimé détermine si ce bassin existe encore, et dans l’affirmative, que l’intimé fasse réévaluer la candidature du plaignant par un comité d’évaluation composé de membres autres que ceux du comité ayant participé au processus de nomination en l’espèce.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2008-0721
Rendue à :
Ottawa, le 10 juin 2010

RON AMMIRANTE
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d’abus de pouvoir en vertu du paragraphe 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est fondée
Décision rendue par:
Kenneth J. Gibson, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Ammirante c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al.
Référence neutre:
2010 TDFP 0003

Motifs de décision

Introduction

1Le plaignant, Ron Ammirante, affirme que l’intimé n’a pas évalué ses qualifications de façon transparente et impartiale. Plus particulièrement, il soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir quand il a obtenu des références supplémentaires et les a incluses dans l’évaluation de ses qualifications. Il s’oppose également à la façon dont la méthode d’évaluation a été appliquée. En outre, il avance que le comité d’évaluation a fait preuve de partialité.

2L’intimé, le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, affirme que la candidature du plaignant a été éliminée du processus de nomination parce que celui‑ci ne possédait pas trois des qualifications essentielles du poste à doter. L’intimé soutient qu’il a cherché à obtenir des références supplémentaires parce que celles fournies par le plaignant ne contenaient pas suffisamment de renseignements pour permettre au comité d’évaluation de déterminer s’il possédait les qualifications essentielles. Selon l’intimé, le comité d’évaluation a agi dans les limites de ses pouvoirs subdélégués quand il a cherché à obtenir des renseignements additionnels auprès de superviseurs antérieurs afin d’assurer une évaluation complète du plaignant.

Contexte

3Le 11 avril 2007, l’intimé a lancé un processus de nomination interne visant à établir un bassin de candidats pour des postes de conseiller de programme régional au groupe et au niveau PM-05 au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (CIC) (processus de nomination no 07-IMC-IA-ONT-RHQ-03).

4Le plaignant était candidat à ce processus de nomination. Il est conseiller régional de programmes à Service Canada au groupe et au niveau PM-04.

5Le processus de nomination consistait en un examen des candidatures, un examen écrit des connaissances, un exercice de simulation, une entrevue et une vérification des références.

6Le plaignant a été reçu en entrevue le 16 janvier 2008 par deux membres du comité d’évaluation, Darlyn Mentor, directrice, Programmes d’établissement et affaires intergouvernementales, et Anne Solomatenko, conseillère. La présidente du comité d’évaluation, Maureen Lalla-Khan, directrice des opérations pour la Région du Grand Toronto Est, Région de l’Ontario, n’a pas pris part à l’entrevue. Les trois membres du comité d’évaluation ont effectué l’évaluation finale du plaignant.

7Le 18 février 2008, le plaignant a été informé par courriel que sa candidature avait été éliminée du processus de nomination, car il ne possédait pas la qualification essentielle relative au jugement. Il a ensuite appris qu’il ne possédait pas deux autres qualifications essentielles.

8Le 5 novembre 2008, un avis de nomination intérimaire a été publié sur Publiservice.

9Le plaignant a présenté une plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) le 6 novembre 2008 en vertu de l’article 77(11)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Question préliminaire

10Le refus d’un témoin appelé à comparaître (un des membres du comité d’évaluation) à se présenter à l’audience a été exprimé dans une lettre avant l’audience et a été examiné au cours de celle‑ci. Le plaignant a décidé de ne pas retarder l’audience afin de poursuivre la procédure de plainte.

Questions

11Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir dans son évaluation du plaignant?
  2. Le processus de nomination était‑il entaché de partialité?

Résumé des éléments de preuve pertinents

Éléments de preuve concernant l’entrevue et l’exercice de simulation

12Mme Mentor a déclaré que la feuille de notation finale du plaignant représentait une évaluation globale fondée sur l’entrevue, l’exercice de simulation et la vérification des références. Elle a également confirmé que le plaignant avait réussi à l’exercice de simulation.

13Le plaignant a reconnu qu’il avait été reçu en entrevue par Mmes Mentor et Solomatenko. Dans son témoignage, le plaignant a expliqué pourquoi il pensait avoir réussi à l’entrevue. Il a déclaré que quand il avait examiné le guide de cotation de Mme Mentor, il avait remarqué que celle‑ci avait inscrit le chiffre 6 pour la qualification relative au jugement. Il a donc cru que cela voulait dire qu’elle lui avait accordé 6 points sur un maximum de 7 pour cette qualification étant donné que la note de passage était de 4 sur 7. Il a également remarqué que Mme Solomatenko n’avait inscrit aucune note pour le jugement dans son guide de cotation. Cependant, il a aussi constaté que Mme Solomatenko avait inscrit le chiffre 4 pour la capacité en matière de consultation et que la note finale accordée par le comité d’évaluation pour cette qualification était également un 4.

14Mme Mentor a affirmé que les chiffres inscrits pour chacune des qualifications dans le guide de cotation de l’entrevue étaient des « fourchettes » et non des « chiffres » [traduction]. Elle a utilisé le mot « fourchette » dans ses réponses à un certain nombre de questions posées par le plaignant. Elle a expliqué qu’il ne s’agissait pas de notes définitives, mais d’approximations visant à lui permettre de se souvenir de l’entrevue quand le comité d’évaluation allait se réunir. Elle a aussi indiqué qu’ils représentaient son opinion seulement et non celle du comité dans son ensemble.

15Mme Lalla-Khan était la gestionnaire délégataire du processus de nomination et la présidente du comité d’évaluation. Elle a reconnu que Mme Mentor avait inscrit un 6 pour le jugement dans son guide de cotation pour l’entrevue. Toutefois, elle estime que cette note était probablement un indicateur utilisé par celle‑ci. Elle a expliqué que la note finale de 2 attribuée pour le jugement était une note globale fondée sur tous les renseignements d’évaluation.

16Le plaignant a déclaré que le poste PM-05 en l’espèce relève, par l’entremise d’un directeur, de Lucille Leblanc, directrice générale régionale, Région de l’Ontario. Il a indiqué que Mme Leblanc avait déjà travaillé au ministère où il travaille actuellement, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC). Elle était la superviseure de Sandra Ramsbottom (un des répondants avec lesquels l’intimé allait plus tard communiquer) au moment où il travaillait pour cette dernière. Le plaignant a affirmé qu’il avait rencontré Mme Leblanc par hasard pendant qu’il attendait de passer l’exercice de simulation le 16 janvier 2008. Elle lui avait demandé pourquoi il était là, et il lui avait répondu qu’il présentait sa candidature pour le poste PM-05.

Éléments de preuve concernant les références

17Le 15 janvier 2008, le plaignant a reçu un courriel de Mme Solomatenko dans lequel elle indiquait notamment : « […] Je vous écris pour vous demander de fournir le nom et les coordonnées de trois répondants […]. Un de ces répondants doit être votre superviseur actuel, ou le plus récent » [traduction] (gras dans le texte original). Il a acquiescé à cette demande et a donc fourni le nom de sa superviseure actuelle, Tami Steele, et de deux collègues, Lianne Dittmar et Kathleen McVeigh.

18Mme Mentor a reconnu qu’elle connaissait les directives que Mme Solomatenko a envoyées au plaignant. Elle a attesté qu’il s’y était conformé. Mme Lalla‑Khan a également confirmé que le plaignant avait suivi les directives qui lui avaient été données.

19Mme Mentor a déclaré que la vérification des références du plaignant a été effectuée par Mme Solomatenko ou par elle. Mmes Mentor et Solomatenko ont informé Mme Lalla-Khan de leurs constatations.

20Selon Mme Lalla-Khan, Mme Leblanc est venue la voir moins d’une semaine après sa rencontre fortuite avec le plaignant. Mme Leblanc a suggéré que le comité obtienne une référence auprès de l’ancienne superviseure du plaignant, Mme Ramsbottom. Mme Lalla-Khan pensait que Mme Leblanc était la superviseure de Mme Ramsbottom au moment où le plaignant était sous la responsabilité de cette dernière.

21Mme Lalla-Khan a reconnu qu’elle relevait de Mme Leblanc, mais elle ne croit pas que celle-ci lui ait enjoint d’obtenir une référence de Mme Ramsbottom; elle avait alors estimé qu’il s’agissait d’une suggestion. Elle a donc fait part de cette suggestion au comité, car Mmes Mentor et Solomatenko effectuaient toutes les vérifications des références. Le comité a décidé d’obtenir cette référence parce que la suggestion venait d’une source crédible qui avait travaillé à RHDCC et qui savait que Mme Ramsbottom avait été la superviseure du plaignant. Mme Lalla-Khan a expliqué que le comité avait estimé qu’il serait négligent de sa part de ne pas obtenir cette référence. En outre, selon elle, les références fournies par les répondants désignés par le plaignant présentaient des lacunes et manquaient d’exemples précis, et certaines réponses étaient manquantes.

22Mme Lalla-Khan a également déclaré que le comité d’évaluation a demandé conseil aux Ressources humaines quant à la suggestion de Mme Leblanc d’obtenir une référence de Mme Ramsbottom. Elle a affirmé que les Ressources humaines avaient indiqué au comité qu’étant donné qu’il s’agissait d’un processus de nomination interne, il n’était pas nécessaire d’obtenir le consentement du plaignant avant d’obtenir une référence auprès d’un gestionnaire de la fonction publique.

23Mme Mentor a déclaré que Mme Lalla-Khan l’avait avisée qu’elle avait parlé à Mme Leblanc, et que celle-ci avait dit être au courant de problèmes de relations de travail entre le plaignant et le ministère où il travaillait à ce moment‑là. Mme Mentor ne connaissait pas la nature de ces problèmes de relations de travail et n’en avait appris l’existence que par Mme Lalla-Khan. Mme Mentor estimait qu’il aurait été négligent de la part du comité d’évaluation de ne pas donner suite à la suggestion d’obtenir davantage de références. Elle a précisé que Mme Leblanc avait fourni les coordonnées de Mme Ramsbottom.

24Mme Mentor a déclaré que la décision d’obtenir des références supplémentaires avait été prise vers le 17 janvier 2008, après l’exercice de simulation.

25Mmes Mentor et Lalla-Khan ont indiqué que Mme Dittmar avait envoyé sa référence par courriel à Mme Solomatenko le 22 janvier 2008. Mme Mentor a expliqué qu’elle avait constaté que la référence fournie par Mme Dittmar était incomplète parce que celle-ci avait indiqué, en réponse à un certain nombre de questions, qu’elle n’avait pas observé le comportement du plaignant et qu’elle ne pouvait pas se prononcer à cet égard. Mme Mentor a souligné que le comité n’avait pas tenté d’obtenir des précisions auprès de Mme Dittmar, car elle estimait qu’il était inutile de lui demander pourquoi elle n’avait pas pu répondre à certaines questions. Mme Dittmar n’avait jamais été la superviseure du plaignant; ainsi, le comité ne disposait pas de renseignements suffisants pour l’évaluer correctement.

26Mme Mentor a effectué la vérification des références auprès de Mme Steele par téléphone le 25 janvier 2008. Au cours de l’entretien, Mme Mentor a pris des notes et, afin de vérifier que les renseignements qu’elle avait notés étaient exacts, a répété à Mme Steele ce qu’elle avait compris de ce qu’elle venait de dire. Elle n’a pas envoyé ses notes à Mme Steele pour qu’elle les vérifie. Selon Mme Mentor, la référence fournie par Mme Steele était complète. Toutefois, en contre-interrogatoire mené par l’intimé, Mme Mentor a déclaré que quand elle a mené l’entrevue de référence avec Mme Steele, elle avait eu à insister pour obtenir des précisions et à poser des questions de suivi. Elle a affirmé que la référence manquait d’exemples précis et concrets; en définitive, elle estimait que la référence était positive, mais insuffisante pour permettre une évaluation concluante des qualifications du plaignant.

27Selon Mme Mentor, Mme McVeigh était en vacances et ne pouvait être jointe. En réponse à une question du plaignant, elle a répondu qu’elle ignorait que Mme McVeigh avait tenté de communiquer avec le comité d’évaluation. Mme Mentor a reconnu qu’elle aurait pu essayer de joindre Mme McVeigh, mais il était difficile de dire quand elle allait revenir de vacances, et le comité d’évaluation disposait déjà de quatre références.

28En contre-interrogatoire mené par l’intimé, Mme Mentor a reconnu que le comité d’évaluation disposait de références de Mme Steele et de Mme Dittmar, mais avait conclu qu’il manquait de renseignements pour conclure l’évaluation. Par conséquent, il a cherché à obtenir des références supplémentaires.

29à la question de savoir si le comité d’évaluation avait cherché à obtenir des références supplémentaires parce que les répondants proposés par le plaignant n’étaient pas tous des superviseurs, ou alors parce que Mme Leblanc l’avait suggéré, Mme Mentor a répondu « les deux » [traduction].

30Selon Teresa Johnson, conseillère en ressources humaines, les membres du comité d’évaluation ont communiqué avec RHDCC et ont obtenu le nom d’Harry Bezruchkco, un ancien superviseur du plaignant. Mme Mentor ignorait qui avait fourni les coordonnées de M. Bezruchkco.Mme Lalla-Khan a déclaré que c’est Mme Solomatenko qui les avait obtenues quand elle avait communiqué avec RHDCC afin d’obtenir le nom d’un autre ancien superviseur du plaignant. Selon elle, le nom avait été fourni par une certaine Mme Young, de RHDCC.

31Mmes Mentor et Lalla-Khan ont toutes deux confirmé que c’était Mme Solomatenko qui avait mené l’entrevue de référence auprès de M. Bezruchkco le 25 janvier 2008. Mme Mentor a reconnu que M. Bezruchkco était en congé quand le comité avait communiqué avec lui à titre de répondant; son poste était en train d’être transféré à la fonction publique de l’Ontario. Toutefois, Mme Mentor a indiqué qu’une personne en congé est toujours un employé. Mme Lalla-Khan a déclaré qu’elle savait que M. Bezruchkco était en congé et que son poste allait être transféré à la fonction publique de l’Ontario, mais qu’il était toujours un employé de la fonction publique fédérale quand le comité lui a demandé une référence.

32Mme Solomatenko a fourni ses notes à M. Bezruchkco et, après avoir reçu ses commentaires, a terminé la référence le 5 février 2008. Mme Mentor a reconnu que la référence était en date du 25 janvier 2008 même si elle n’avait pas été complétée avant le 5 février 2008.

33Mme Lalla-Khan a reconnu que dans sa référence, M. Bezruchkco avait indiqué qu’il démissionnait de la fonction publique fédérale à la fin de janvier. Elle a également reconnu que la date de la référence était restée le 25 janvier 2008 même si elle savait que les discussions visant à réviser la référence avaient continué au cours du mois de février 2008.

34Selon Mme Johnson, Mme Leblanc a fourni le nom de Mme Ramsbottom, une ancienne superviseure du plaignant, au comité d’évaluation. Mme Lalla-Khan a confirmé que la référence fournie par Mme Ramsbottom était en date du 29 janvier 2008. Mme Mentor a déclaré qu’elle s’était entretenue avec Mme Ramsbottom afin d’obtenir sa référence, laquelle était très complète. Elle a indiqué que Mme Ramsbottom lui avait accordé beaucoup de temps et avait fourni des exemples concrets sur tous les aspects. Mme Ramsbottom a affirmé que le plaignant possédait de bonnes compétences techniques, mais qu’elle avait des réserves concernant d’autres aspects comme le jugement.

35En réinterrogatoire mené par le plaignant, Mme Mentor a déclaré que le comité d’évaluation n’avait pas envisagé de demander au plaignant de nommer d'autres superviseurs à même de fournir une référence parce qu’il disposait déjà de celles de trois superviseurs : Mme Steele, Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco.

Éléments de preuve concernant l’évaluation finale du plaignant

36Selon Mme Mentor, Mme Lalla-Khan, Mme Solomatenko et elle-même ont déterminé la note finale du plaignant, laquelle représentait une évaluation globale fondée sur l’entrevue, l’exercice de simulation et la vérification des références.

37Mme Lalla-Khan a confirmé que le comité d’évaluation avait accordé plus d’importance aux outils de prise de décisions principaux qu’aux outils de prise de décisions secondaires, et que la vérification des références avait été considérée comme un outil secondaire dans l’évaluation de la qualification relative au jugement. Elle a expliqué que la note finale de 2 attribuée pour le jugement était un résultat intégré fondé sur tous les renseignements d’évaluation. Mme Mentor a reconnu que le comité d’évaluation avait utilisé les références fournies par Mmes Steele et Dittmar pour en arriver à son évaluation globale. Mme Lalla-Khan a confirmé que les références fournies par Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco avaient également été utilisées pour évaluer le plaignant.

38En contre-interrogatoire, Mme Lalla-Khan a confirmé que le plaignant n’avait pas obtenu la note de passage pour trois des qualifications essentielles, dont le jugement. Elle a également indiqué que le comité d’évaluation avait discuté après chaque étape du processus et avait utilisé l’échelle de cotation de 7 points à chaque phase afin d’estimer le rendement des candidats. Les notes finales représentaient un consensus du comité d’évaluation fondé sur une évaluation globale de l’exercice de simulation, de l’entrevue et de la vérification des références.

39En réinterrogatoire, Mme Lalla-Khan a affirmé qu’il n’existe aucune trace des notes individuelles attribuées par chacun des membres du comité d’évaluation à chaque étape du processus. Elle n’a personnellement pas consigné par écrit les notes qu’elle avait attribuées et elle avait supposé que les autres membres du comité ne l’avaient pas fait non plus. Le seul élément qui a été consigné par écrit est le consensus du comité. à la question de savoir comment le comité avait pu harmoniser les notes individuelles attribuées par chacun de ses membres si celles‑ci n’avaient pas été consignées par écrit, Mme Lalla-Khan a répondu qu’avec le recul, il aurait été une bonne idée de le faire. Toutefois, elle a souligné que le comité s’était réuni immédiatement après l’exercice de simulation afin de déterminer si les candidats avaient réussi. Les entrevues ont eu lieu peu de temps après, suivies par la vérification des références.

Événements postérieurs à l’élimination de la candidature du plaignant du processus de nomination

40Mme Johnson a déclaré que son adjoint avait envoyé le courriel du 17 février 2008 informant le plaignant que sa candidature avait été éliminée du processus de nomination. Elle a reconnu que le plaignant ne possédait pas trois des qualifications essentielles, mais que le courriel ne précisait que le jugement étant donné qu’un échec à une des qualifications essentielles suffit à l’élimination d’une candidature.

41Par la suite, le plaignant a envoyé une série de courriels à Mme Lalla-Khan et à Mme Mentor afin de savoir pourquoi il n’avait pas obtenu la note de passage pour cette qualification essentielle. Il a discuté de façon informelle avec Mme Mentor et Mme Solomatenko par téléphone le 2 avril 2008.

42à la suite des courriels et de la discussion informelle, le plaignant a appris que le comité d’évaluation avait obtenu deux références supplémentaires concernant sa candidature. Il a déclaré qu’il avait été consterné quand il a lu les deux références supplémentaires fournies par ses anciens superviseurs, Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco. Il a affirmé qu’il n’avait jamais reçu de commentaires négatifs de leur part auparavant et qu’ils lui avaient tous deux fourni de bonnes références par le passé. Il contestait les références fournies. Il a présenté les lettres qu’il avait envoyées aux répondants dans lesquelles il s’opposait à leur contenu. Dans ses courriels, il a demandé aux membres du comité d’évaluation pourquoi ils avaient cherché à obtenir des références supplémentaires et qui leur avait fourni le nom de ces répondants.

43Le 16 avril 2008, le plaignant a reçu un courriel de Mme Mentor, dont voici un extrait :

Les répondants que vous avez désignés n’étaient pas tous des superviseurs actuels ou antérieurs. En outre, un d’entre eux n’a pas pu fournir une référence complète étant donné qu’elle ne vous avait jamais supervisé. Le comité était tenu d’effectuer une vérification des références auprès de superviseurs ayant déjà supervisé et géré votre travail.

[traduction]

44On a demandé à Mme Lalla-Khan si, en dépit des directives données au plaignant, le comité d’évaluation souhaitait dès le départ obtenir trois références fournies par des superviseurs. On lui a montré le courriel que Mme Mentor a envoyé au plaignant le 16 avril 2008. Mme Lalla-Khan a répondu qu’il aurait suffi que les répondants désignés par le plaignant soient en mesure de répondre à toutes les questions de vérification des références. Elle a également précisé que les candidats proposent habituellement des superviseurs à titre de répondants.

45Mme Mentor a reconnu qu’il aurait été difficile pour un répondant n’ayant jamais été le superviseur du candidat de répondre à certaines des questions de vérification des références. Elle a également reconnu qu’un seul répondant étant également un superviseur était demandé, mais a souligné que la plupart des candidats avaient fourni le nom de superviseurs actuels et antérieurs. Mme Mentor a souligné que l’exigence du comité selon laquelle les candidats devaient fournir le nom d’un seul superviseur « aurait pu être précisée davantage » [traduction].

46Concernant la provenance des deux références supplémentaires, Mme Mentor a indiqué, dans un courriel en date du 16 avril 2008 :

Le comité connaissait votre ancienne superviseure, qui travaille dans un bureau de Service Canada situé au 25, avenue St-Clair, le même édifice où se déroulait le processus de sélection. à la suite d’une discussion avec elle, les membres du comité ont décidé d’obtenir de plus amples renseignements. Nous avons obtenu le nom de votre deuxième ancien superviseur en communiquant avec la personne qui occupe actuellement ce poste.

[traduction]

47Le plaignant a déclaré qu’il avait supposé que la personne ayant fourni la première référence était Mme Ramsbottom elle-même, car elle était une ancienne superviseure du plaignant et travaillait au 25, avenue St-Clair. Il a également supposé que Mme Steele, sa superviseure actuelle, avait fourni le nom de son « deuxième ancien superviseur », car elle avait succédé à M. Bezruchkco à titre intérimaire en juillet 2007. Cependant, Mme Steele a fourni par la suite au plaignant une déclaration écrite dans laquelle elle affirmait qu’elle n’avait fourni le nom d’aucun autre répondant.

48Le plaignant a déclaré qu’au cours de la discussion informelle, il avait demandé à Mme Mentor si Mme Leblanc avait discuté de sa candidature avec le comité, mais qu’elle avait refusé de répondre à cette question. N’étant pas satisfait, le plaignant lui a envoyé un autre courriel dans lequel il demandait de connaître le nom des personnes ayant fourni les références supplémentaires. Le 28 avril 2008, Mme Mentor lui a répondu en ces termes :

J’estime vous avoir déjà fourni ces renseignements au cours de notre discussion informelle. Au cours de cette très longue discussion, j’ai répondu à beaucoup de vos questions, dont plusieurs ont été posées de nouveau (et auxquelles j’ai de nouveau répondu) dans les courriels qui ont suivi.

Vous avez eu l’occasion de discuter de la situation de façon informelle et vous avez obtenu des renseignements (de vive voix et par écrit) concernant vos résultats dans ce processus. Pour ces raisons, je ne pourrai pas répondre à d’autres questions de votre part.

[traduction]

49Selon le plaignant, la discussion informelle n’a pas été longue, environ dix minutes. Le plaignant n’était toujours pas satisfait, car le comité ne lui avait pas donné le nom des personnes qui avaient fourni les références supplémentaires; il a donc informé Mme Mentor par courriel qu’il chercherait à obtenir le nom de ces personnes au moyen d’une demande d’accès à l’information.

50Le plaignant a déclaré qu’au cours de la discussion informelle, Mme Mentor lui avait expliqué que les références supplémentaires fournies par Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco constituaient la raison pour laquelle sa candidature avait été éliminée du processus de sélection.

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

51Le plaignant soutient que le comité d’évaluation a fait preuve de mauvaise foi et d’un manque d’équité et de transparence dans l’évaluation de sa candidature.

52Dans son courriel en date du 16 avril 2008, Mme Mentor a indiqué que le comité avait cherché à obtenir des références supplémentaires parce que les répondants désignés par le plaignant n’étaient pas tous des superviseurs actuels ou antérieurs. Dans ce même courriel, Mme Mentor a ensuite précisé que le comité connaissait son ancienne superviseure, qui travaillait au 25, avenue St-Clair, où se déroulait le processus de sélection. à la suite d’une discussion avec cette dernière, le comité a décidé d’obtenir de plus amples renseignements.

53Le plaignant soutient que ces faits contredisent directement le témoignage que Mme Mentor a présenté devant le Tribunal. Les éléments de preuve montrent que le nom de Mme Ramsbottom avait été obtenu par l’entremise de Mme Leblanc. Ce renseignement n’a jamais été fourni au plaignant.

54Par ailleurs, le courriel de Mme Mentor précisait également ce qui suit : « Nous avons obtenu le nom de votre deuxième ancien superviseur en communiquant avec la personne qui occupe actuellement ce poste » [traduction]. Le plaignant affirme que Mme Steele est la personne qui occupe actuellement ce poste et qu’elle n’a pas fourni au comité le nom d’autres répondants. De plus, Mme Lalla-Khan a déclaré que le nom de son deuxième ancien superviseur, M. Bezruchkco, avait été obtenu auprès d’une certaine Mme Young. Le plaignant soutient qu’il tente d’obtenir ce renseignement depuis la discussion informelle, qui a eu lieu il y a près de deux ans. Selon lui, il s’agit d’une preuve du manque de transparence démontré au cours de la discussion informelle.

55Le plaignant soutient qu’au cours de la discussion informelle, il n’a jamais été en mesure d’obtenir de réponses claires et cohérentes concernant l’élimination de sa candidature du processus de sélection et la façon dont la vérification des références avait été effectuée. à la suite d’une série de courriels, le plaignant a dû avoir recours à une demande d’accès à l’information et à la présente plainte afin d’obtenir les renseignements qu’il demandait. Le comité d’évaluation a fait preuve d’un manque d’équité et de transparence en ne fournissant pas au plaignant des renseignements exacts en temps opportun.

56Le plaignant conteste également l’explication fournie par courriel par Mme Mentor selon laquelle le comité avait dû chercher à obtenir d’autres références parce que les répondants du plaignant n’étaient pas tous des superviseurs ou que les références fournies étaient incomplètes. Selon la preuve fournie par les membres du comité d’évaluation, celui-ci avait déjà décidé de donner suite aux préoccupations soulevées par Mme Leblanc et d’obtenir une référence auprès de Mme Ramsbottom une semaine avant d’avoir pu savoir que les répondants désignés par le plaignant fourniraient des références incomplètes.

57En outre, le plaignant soutient que les directives qu’il a reçues selon lesquelles il devait fournir le nom de trois répondants, dont un devait être un superviseur actuel ou antérieur, étaient erronées. Il avance que seul un superviseur aurait pu répondre à certaines questions de vérification des références, ce qui explique pourquoi certaines questions sont restées sans réponse, ou que la réponse fournie était incomplète, comme dans le cas de la référence de Mme Dittmar. En fournissant le nom d’un seul superviseur et de deux collègues, le plaignant s’est immédiatement trouvé désavantagé à l’étape de la vérification des références du processus d’évaluation. Le comité d’évaluation aurait dû le comprendre et demander que les répondants soient tous des superviseurs dès le départ, ou se rendre compte de son erreur et prendre des mesures correctives. Cette omission a créé une situation inéquitable pour le plaignant. Selon lui, en omettant de l’aviser que les directives qui lui avaient été fournies étaient incorrectes, le comité a fait preuve d’une insouciance telle qu’elle pourrait être qualifiée de mauvaise foi. Le plaignant cite le paragraphe 15 de la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Hammond et al., [2009] CF 570, à l’appui de son argumentation.

58Le plaignant soutient que même si les directives relatives à la vérification des références avaient été appropriées, le comité a fait preuve de mauvaise foi en ne communiquant pas de nouveau avec Mme Dittmar pour lui demander d’approfondir ses réponses incomplètes. Il soutient par ailleurs que le comité n’a pas déployé d’effort raisonnable pour communiquer avec son troisième répondant, Mme McVeigh. Le comité n’a pas effectué de nomination dans le cadre de ce processus avant juin 2008 et avait donc amplement le temps d’obtenir une référence de sa part. En revanche, le comité s’est donné bien du mal pour obtenir une référence de M. Bezruchkco, qui était sur le point de quitter la fonction publique.

59étant donné que M. Bezruchkco avait travaillé pendant une année complète pour le gouvernement de l’Ontario au moment où le comité a communiqué avec lui pour obtenir une référence et qu’il était sur le point de démissionner de son poste à la fonction publique fédérale, le plaignant estime que le comité aurait dû demander son consentement avant de communiquer avec lui à titre de répondant. En outre, Mme Mentor a déclaré que la référence fournie par M. Bezruchkco n’avait pas été complétée avant le 5 février 2008 alors que ce dernier a indiqué dans sa référence qu’il rendrait sa démission de la fonction publique fédérale à la fin de janvier 2008. 

60Le plaignant souligne qu’il n’existe aucun renseignement concernant les modifications apportées à la référence de M. Bezruchkco entre le 25 janvier et le 5 février 2008. Le plaignant souligne également que la référence fournie par Mme Steele ne précisait pas la période durant laquelle celle-ci l’a supervisé, ni le lieu de travail. De plus, la feuille de notation finale n’a pas été signée.

61Le plaignant souligne que Mme Lalla-Khan a déclaré que Mme Leblanc lui avait conseillé d’obtenir une référence de Mme Ramsbottom. Mme Mentor a affirmé que Mme Leblanc avait fait part au comité d’évaluation de problèmes de relations de travail concernant le plaignant. Celui-ci fait remarquer que Mme Lalla‑Khan et Mme Mentor avaient un lien hiérarchique avec Mme Leblanc. En faisant part de sa désapprobation à l’égard du plaignant, Mme Leblanc a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité. Le plaignant soutient qu’une personne raisonnable qui examinerait la situation de façon objective arriverait à la conclusion que l’intervention de Mme Leblanc a influencé le comité compte tenu du lien hiérarchique de celle‑ci avec ses membres. Le plaignant a cité le paragraphe 126 de la décision Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale et al., [2009] TDFP 0029, à l’appui de son point de vue.

62Selon le plaignant, les éléments de preuve montrent qu’au terme de son entrevue, qui a eu lieu le 16 janvier 2008, il avait obtenu la note de passage pour toutes les compétences évaluées. Mme Mentor lui a attribué une note de 6 sur 7 pour le jugement sur sa feuille de cotation d’entrevue. Selon le guide de cotation, les principaux outils de prise de décision étaient l’exercice de simulation et l’entrevue; la vérification des références était un outil secondaire. Néanmoins, la note du plaignant a été réduite, passant d’un résultat au-dessus de la moyenne à un 2 sur 7 à la suite de la vérification des références. Quand les références fournies par Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco ont été prises en compte, la note obtenue par le plaignant pour trois qualifications a été réduite, passant à une note inférieure à 4 sur 7, c’est-à-dire en dessous de la note de passage, ce qui montre l’importance accordée par le comité à ces deux références.

63En conclusion, le plaignant avance que les éléments de preuve concernant le manque d’équité et de transparence, la mauvaise foi et la partialité mènent inévitablement à la conclusion qu’il y a eu abus de pouvoir dans ce processus de nomination.

64Si le Tribunal accueille la présente plainte, le plaignant demande qu’il exige la suspension des pouvoirs délégués en matière de dotation de Mmes Mentor et Lalla‑Khan. Au cours de cette suspension, l’intimé devra leur fournir une formation afin de s’assurer qu’elles comprennent leurs responsabilités et leurs obligations en vertu de la LEFP. Le plaignant cite la décision Cameron et Maheux c. l’Administrateur général de Service Canada et al., [2008] TDFP 0016, à l’appui des mesures correctives proposées.

B) Argumentation de l’intimé

65L’intimé soutient que la plainte porte essentiellement sur la question de savoir si le comité d’évaluation a abusé de son pouvoir quand il a obtenu deux références auprès d’anciens superviseurs sans le consentement du plaignant.

66à la lumière du témoignage de Mmes Mentor et Lalla‑Khan, le plaignant avance que les répondants qu’il a désignés n’avaient pas fourni suffisamment de renseignements pour permettre son évaluation. Les références fournies par Mmes Dittman et Steele étaient incomplètes ou manquaient de détails et d’exemples. Mme McVeigh était en vacances et n’a pas fourni de référence.

67Pour appuyer son point de vue, l’intimé se réfère à la décision Dionne c. le Sous‑ministre de la Défense nationale et al., [2008] TDFP 0011. Il souligne qu’un comité d’évaluation a le devoir de s’assurer qu’il dispose de renseignements suffisants pour évaluer un candidat. Afin de compléter l’évaluation, le comité d’évaluation a obtenu des références auprès de deux anciens superviseurs du plaignant, Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco.

68Selon l’intimé, il est difficile de dire quand le comité a obtenu les noms des deux autres répondants, mais il est bien établi qu’il a obtenu les références de Mmes Dittmar et Steele avant celles des deux autres. Il n’est donc pas possible de conclure que le comité d’évaluation a décidé d’obtenir deux références supplémentaires avant de terminer les deux premières vérifications.

69Bien que Mme Leblanc ait fourni le nom et les coordonnées de Mme Ramsbottom, l’intimé soutient que le Tribunal n’est saisi d’aucun élément de preuve permettant de conclure que Mme Leblanc a exercé une influence ou fait pression sur le comité d’évaluation. Mme Lalla‑Khan a déclaré qu’elle ne s’était pas sentie forcée de communiquer avec Mme Ramsbottom; elle avait estimé qu’il s’agissait d’une suggestion, dont elle a fait part aux autres membres du comité. Il n’existe pas non plus de preuve que Mme Leblanc ait transmis des renseignements négatifs ou préjudiciables au comité au sujet du plaignant. L’intimé affirme que les faits en l’espèce sont très différents de ceux de la décision Denny : en effet, rien ne prouve que le plaignant ait été traité différemment des autres candidats.

70L’intimé souligne que le consensus du comité d’évaluation selon lequel le plaignant a échoué à la qualification relative au jugement et à deux autres qualifications essentielles était fondé sur son rendement à l’exercice de simulation et à l’entrevue, ainsi que sur la vérification des quatre références fournies. Rien ne prouve que le comité d’évaluation ait attribué une note au plaignant avant d’effectuer la vérification des références. L’évaluation du rendement du plaignant à l’entrevue par Mme Mentor ne représente que sa propre opinion. Les trois membres du comité d’évaluation ne sont arrivés à une décision qu’à la lumière des trois outils d’évaluation. 

71L’intimé s’appuie sur le paragraphe 55 de la décision Dionne pour affirmer qu’il n’existe aucune exigence sur le plan légal en ce qui concerne l’obtention du consentement d’un candidat pour communiquer avec d’autres répondants. Il fait remarquer que l’annonce de possibilité d’emploi indique clairement qu’il pourrait y avoir une vérification des références. En présentant sa candidature pour ce poste, les candidats ont consenti de façon implicite à une vérification des références. L’intimé cite également le paragraphe 71 de la décision Oddie c. Zous-ministre de la Défense nationale et al., [2007] TDFP 0030. En outre, l’intimé avance que bien qu’il ne soit pas tenu de suivre les guides de la Commission de la fonction publique (CFP), le guide« évaluation des compétences - La vérification des références : Un regard sur le passé » précise que le consentement n’est pas nécessaire pour obtenir une référence auprès d’un employé de la fonction publique fédérale. Au moment de la vérification des références, Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco étaient tous deux employés de la fonction publique fédérale.

72L’intimé reconnaît que le plaignant a accédé à sa demande de fournir le nom de trois répondants, dont seulement un devait être un superviseur. Il soutient que le comité n’a pas négligé la référence fournie par Mme Dittmar parce qu’elle n’était pas une superviseure. Toutefois, le seul superviseur désigné par le plaignant n’a pas fourni suffisamment de renseignements pour permettre au comité d’évaluation de l’évaluer; ce dernier devait donc faire appel à au moins un autre superviseur pour obtenir les renseignements manquants. C’est seulement après avoir obtenu les références de Mmes Dittmar, Steele, Ramsbottom et de M. Bezruchkco que le comité a estimé disposer de suffisamment de renseignements pour évaluer le plaignant. Rien ne prouve que les références de Mme Ramsbottom et de M. Bezruchkco aient été obtenues de mauvaise foi ou que le comité cherchait à obtenir des références défavorables. Le comité a agi de bonne foi dans le seul but d’évaluer le plaignant de façon juste. L’intimé cite le paragraphe 59 de la décision Portree c. Administrateur général de Service Canada et al.,[2006] TDFP 0014, à l’appui de sa position selon laquelle il incombe au comité de déterminer s’il dispose de renseignements suffisants.

73L’intimé avance que le fait que le plaignant conteste le contenu des références fournies par Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco ne prouve pas qu’il y ait eu abus de pouvoir. La vérification des références vise à obtenir des renseignements exacts et pertinents au sujet d’un candidat, qu’ils soient positifs ou négatifs. En outre, les renseignements figurant dans les références n’étaient pas tous défavorables. Pour appuyer ce principe, l’intimé cite les paragraphes 51 et 52 de la décision Portree, les paragraphes 50 à 58 de la décision Dionne et les paragraphes 66 à 72 de la décision Oddie.

74L’intimé soutient que le critère minimal permettant de conclure à un abus de pouvoir est strict. Il soutient également qu’une erreur, une omission ou une conduite irrégulière ne constituent pas en soi un abus de pouvoir, sauf s’il y a eu insouciance ou négligence telle qu’il est possible de présumer qu’il y a eu mauvaise foi. L’intimé a cité un certain nombre de décisions à l’appui de sa position.

75En conclusion, l’intimé affirme que le comité d’évaluation a agi de bonne foi. Il ne croit pas qu’il y ait eu d’erreur ou d’omission en l’espèce, mais que s’il y en avait eu, celles‑ci ne seraient pas suffisamment sérieuses pour constituer une insouciance grave permettant de conclure à la mauvaise foi. L’intimé soutient que le plaignant n’a pas prouvé qu’il y a eu abus de pouvoir en vertu de l’article 77 de la LEFP et demande que la plainte soit rejetée.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

76La CFP n’était pas représentée à l’audience, mais elle a fourni une argumentation écrite.

77Selon la CFP, le plaignant soutient que l’intimé a eu recours à des références injustes et partiales pour évaluer le plaignant.

78La CFP indique que ses Lignes directrices en matière de nomination exigent que « [l]es processus et les méthodes d'évaluation utilisées permettent d'évaluer efficacement les qualifications essentielles […]. » Le document « Série d’orientation – évaluation, sélection et nomination » précise que « [l]a quantité d'information nécessaire pour évaluer la compétence d'une personne en regard d'une qualification particulière dépend de la nature et de l'importance de cette qualification selon le gestionnaire. » Le comité doit s’assurer qu’il dispose de renseignements suffisants pour déterminer de façon objective et transparente que la personne possède les qualifications.

79La CFP a examiné les références fournies par Mmes Steele et Dittmar. Elle souligne que les répondantes n’ont pas été en mesure de répondre à toutes les questions et que les réponses données pour les autres questions n’étaient pas suffisamment détaillées. Par conséquent, l’intimé a agi conformément aux Lignes directrices en matière de nomination de la CFP quand le comité a choisi d’obtenir des références supplémentaires.

80Néanmoins, la CFP souligne que si le comité d’évaluation souhaitait et avait besoin que toutes les références soient fournies par des superviseurs, il aurait dû le préciser dans les directives envoyées au candidat. La CFP estime que cette mesure aurait contribué à rendre le processus plus équitable et plus transparent. Elle précise que l’équité et la transparence sont deux des valeurs directrices énoncées dans ses propres Lignes directrices en matière de nomination.

81La CFP soutient que selon son document intitulé « La vérification des références : Un regard sur le passé », un comité d’évaluation n’est pas tenu de consulter un candidat au sujet des personnes avec qui il communiquera à titre de répondant dans le cadre de processus de nomination internes. Ainsi, il n’était pas nécessaire d’obtenir l’approbation du plaignant avant de communiquer avec Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco. Toutefois, le document suggère de la demander quand même par courtoisie. Cette mesure aurait également favorisé l’équité et la transparence.

82La CFP précise que l’utilisation par le comité d’évaluation de plus d’un outil pour évaluer les qualifications essentielles était conforme à ses guides et à ses lignes directrices.

83La CFP soutient que la vérification des références menée en l’espèce était conforme à ses Lignes directrices en matière de nomination. Toutefois, elle estime que le comité aurait pu faire preuve d’une plus grande transparence en expliquant clairement comment il était arrivé à la conclusion que le plaignant ne possédait pas trois des qualifications essentielles en se fondant sur les renseignements contradictoires obtenus au moyen des différents outils d’évaluation, particulièrement en ce qui a trait au jugement. Les références étaient un outil secondaire, et il semble que le plaignant ait échoué en raison de celles‑ci.

84La CFP soutient que si le Tribunal en arrivait à la conclusion que le processus de nomination était entaché de partialité, elle réviserait sa position selon laquelle l’intimé a agi de façon conforme aux Lignes directrices en matière de nomination quand il a choisi d’obtenir d’autres références.  

D) Réplique du plaignant

85Le plaignant soutient que Mme Lalla‑Khan a reconnu dans un courriel en date du 22 février 2008 que Mme McVeigh avait laissé un message dans la boîte vocale d’un des membres du comité d’évaluation le jour de son départ en vacances. Le plaignant estime que l’intimé aurait dû essayer de joindre Mme McVeigh afin d’obtenir une référence, mais qu’il n’a jamais tenté de connaître la date de son retour.

86Le plaignant récuse l’affirmation de l’intimé selon laquelle Mme Leblanc n’a transmis au comité aucun renseignement négatif ou préjudiciable le concernant. Le plaignant avance que selon le témoignage de Mme Mentor, le comité d’évaluation a discuté des commentaires dont Mme Leblanc avait fait part à Mme Lalla‑Khan un jour après l’entrevue et l’exercice de simulation du plaignant, donc le 17 janvier 2008. Mme Mentor a déclaré que Mme Leblanc avait mentionné des problèmes de relations de travail concernant le plaignant. Ce dernier souligne d’autre part que le courriel de Mme Solomatenko en date du 22 janvier 2008 à Mmes Lalla‑Khan et Mentor mentionne que la référence fournie par Mme Dittmar ne contient aucun détail concernant les « sujets de préoccupation » [traduction]. Le comité était donc au courant des commentaires formulés par Mme Leblanc au sujet du plaignant avant d’entreprendre la vérification des références le 22 janvier 2008. Le plaignant fait remarquer que Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco se connaissaient et ont tous deux mentionné les griefs présentés par le plaignant dans leur référence.

87Selon le plaignant, le comité d’évaluation n’avait aucune raison de partir à la recherche de renseignements négatifs le concernant : Mme Leblanc lui avait déjà indiqué ce dont il avait besoin. Le plaignant soutient que Mme Leblanc a adressé le comité d’évaluation directement à Mme Ramsbottom parce qu’elle savait que celle‑ci fournirait des renseignements concernant ces préoccupations relatives aux relations de travail.

88Le plaignant récuse également l’affirmation de l’intimé selon laquelle tous les candidats ont été traités de la même manière. Il avance que selon le témoignage de Mme Mentor, la plupart des candidats ont fourni le nom de superviseurs pour la vérification des références. Le plaignant a fourni le nom d’un seul superviseur, car c’était ce qu’on lui avait demandé. Le plaignant soutient qu’il semble que c’était une question de chance quant à savoir si les candidats allaient ou non fournir des références provenant toutes de superviseurs.

89Le plaignant a également fait des remarques sur l’argumentation de la CFP. Selon lui, étant donné qu’aucun représentant n’a entendu le témoignage des témoins, la CFP n’était pas au courant du fait que le comité d’évaluation avait déjà décidé d’obtenir des références supplémentaires avant d’avoir évalué les références fournies par les répondants nommés par le plaignant.

Législation pertinente

90Cette plainte a été présentée en vertu de l’alinéa 77(1)a) de la LEFP :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixé par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

(a) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

[…]

91Le préambule de la LEFP stipule en partie ceci :

[…] le gouvernement du Canada souscrit au principe d’une fonction publique qui incarne la dualité linguistique et qui se distingue par ses pratiques d’emploi équitables et transparentes, le respect de ses employés, sa volonté réelle de dialogue et ses mécanismes de recours destinés à résoudre les questions touchant les nominations;

92L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP, mais y est mentionné au paragraphe 2(4) : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »  

93L’alinéa 30(2)a) de la LEFP est libellé comme suit :

30. […]

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

(a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

[…]

94L’article 36 de la LEFP est libellé comme suit :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

95L’article 16 et le paragraphe 29(3) de la LEFP indiquent que les administrateurs généraux sont tenus de se conformer aux lignes directrices de la CFP :

16. L’administrateur général est tenu, lorsqu’il exerce les attributions de la Commission visées à l’article 15, de se conformer aux lignes directrices visées au paragraphe 29(3).

29. […]

(3) La Commission peut établir des lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations et de prendre des mesures correctives.

Analyse

Question I : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans son évaluation du plaignant?

96Le Tribunal a déjà indiqué que la mauvaise foi est une des formes les plus graves d’abus de pouvoir (décisions Cameron et Maheux; Beyak c. Sous-Ministre de Ressources naturelles Canada et al., [2009] TDFP 0007).Comme le Tribunal l’a conclu au paragraphe 61 de la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2006] TDFP 0008, « Dans l’interprétation du sens d’abus de pouvoir dans le contexte des plaintes déposées en vertu de la LEFP, le Tribunal doit tenir compte de l’esprit de la LEFP, y compris celui du préambule. […] » Au paragraphe 64 de la même décision, le Tribunal constate que le préambule de la LEFP clarifie les valeurs et les règles d’éthique qui devraient caractériser l’exercice du pouvoir discrétionnaire au chapitre de la dotation.

97En l’espèce, le Tribunal estime que l’intimé n’a pas respecté les valeurs de la LEFP. Son évaluation du plaignant manquait d’équité et de transparence, ce qui équivaut à la mauvaise foi et constitue un abus de pouvoir. Les motifs de cette constatation sont énoncés ci‑dessous.

a) L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’application de la méthode d’évaluation?

98Le rôle du Tribunal consiste à déterminer s’il s’est produit des irrégularités dans le processus d’évaluation. Plus particulièrement, le Tribunal pourrait conclure qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application de la méthode d’évaluation dans le cas où le plaignant parvient à prouver que la méthode d’évaluation n’avait aucun lien avec les qualifications ou ne permettait pas l’évaluation de celles‑ci, qu’elle est déraisonnable ou discriminatoire ou que le résultat est injuste. Si la méthode est viciée, le résultat de l’évaluation ne peut être considéré comme juste ou raisonnable. (Voir le paragraphe 34 de la décision Jogarajah c. Administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada et al., [2008] TDFP 0015; le paragraphe 36 de la décision Jacobsen c. Sous-ministre d’Environnement Canada et al., [2009] TDFP 0008; les paragraphes 50 et 53 de la décision Chiasson c. Sous-ministre de Patrimoine canadien et al., [2008] TDFP 0027; le paragraphe 26 de la décision Ouellet c. le président de l'Agence canadienne de développement international et al., [2009] TDFP 0026; le paragraphe 144 de la décision Denny).

99Le plaignant a déclaré qu’au cours de la discussion informelle, Mme Mentor lui avait dit que sa candidature avait été éliminée du processus de nomination en raison des références supplémentaires obtenues auprès de Mme Ramsbottom et de M. Bezruchkco. Pendant leur témoignage, Mmes Mentor et Lalla-Khan ont toutes deux indiqué que la note finale de 2 obtenue par le plaignant était un résultat intégré fondé sur l’exercice de simulation, l’entrevue et les références. 

100Mme Mentor a affirmé que le plaignant avait réussi à l’exercice de simulation. Elle a également témoigné au sujet des notes qu’elle avait prises au cours de l’entrevue. Le document « Questions d’entrevue et guide de cotation » [traduction] utilisé à l’entrevue fournit des consignes pour chaque compétence : « Au moyen d’une échelle de 7 points, les membres du comité évalueront les réponses données par le candidat ou la candidate dans la mise en situation » [traduction]. Mmes Mentor et Lalla-Khan ont déclaré que la note de passage était de 4. Les notes de Mme Mentor montrent qu’elle a inscrit des chiffres égaux ou supérieurs à 4 à côté de chaque compétence évaluée. Elle a inscrit le chiffre 6 pour le jugement.

101Mme Mentor a utilisé le mot « fourchettes » à plusieurs reprises pour désigner les chiffres qui figurent dans ses notes d’entrevue. Elle a nié qu’il s’agissait de chiffres. Le plaignant soutient qu’il s’agit de chiffres, et que ceux‑ci montrent que Mme Mentor lui avait attribué la note de passage pour le jugement à l’entrevue. Le Tribunal est donc en présence de deux significations possibles de ces chiffres et doit déterminer laquelle est la plus crédible. Dans l’arrêt Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.-B.), le critère à appliquer à des questions de crédibilité est bien établi. Ainsi, « le véritable critère permettant de déterminer la véracité du récit d’un témoin dans un cas de cette nature doit être la conformité de ses dires avec la prépondérance des probabilités qu’une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait d’emblée comme raisonnables, compte tenu des conditions et de l’endroit » [traduction]. Voir le paragraphe 45 de la décision Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et al., [2008] TDFP 0007.

102Le Concise Canadian Oxford Dictionary 2005 (voir « range ») donne plusieurs définitions du mot « range » [fourchette]. Aucune de ces définitions ne comprend la notion d’un chiffre unique dans ce contexte. Selon la prépondérance des probabilités, une personne informée et douée de sens pratique ne considérerait pas comme raisonnable l’affirmation de Mme Mentor selon laquelle ces chiffres sont des fourchettes.

103Au contraire, une personne informée et douée de sens pratique trouverait raisonnable que les chiffres figurant dans les notes d’entrevue de Mme Mentor correspondent à son évaluation du plaignant à l’entrevue. Au vu de ces chiffres, une telle personne en arriverait à la conclusion que la version du plaignant est crédible et que Mme Mentor a donné la note de passage au plaignant pour la qualification relative au jugement.

104L’autre membre du comité d’évaluation ayant participé à l’entrevue du plaignant, Mme Solomatenko, a inscrit un chiffre à côté d’une seule qualification sur sa feuille de cotation; toutefois, pour la qualification relative au jugement, elle a inscrit que « le candidat possède un jugement satisfaisant » [traduction] dans ses notes d’entrevue. 

105Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut que le plaignant a réussi à l’entrevue et l’exercice de simulation.

106Au cours de leur témoignage, on a demandé à Mmes Mentor et Lalla-Khan comment elles avaient déterminé la note finale du plaignant en ce qui a trait au jugement. Elles ont toutes deux confirmé que la note finale était un résultat global fondé sur l’exercice de simulation, l’entrevue et les références. Elles ont également confirmé que les références étaient un outil secondaire pour l’évaluation du jugement. Toutefois, même si leur témoignage décrivait les éléments du processus décisionnel, elles n’ont fourni aucune explication quant à la façon dont chaque note individuelle faisant partie du résultat global a été établie.

107Aucun élément de la documentation ou du témoignage fournis par l’intimé n’explique la différence entre les outils de prise de décisions principaux et secondaires ou comment ces outils ont été pondérés et utilisés. La justification écrite qui figure sur la feuille de notation globale du plaignant ne mentionne que les références :

L’inclusion du candidat dans le bassin n’est pas recommandée. Bien qu’il soit évident que le candidat possède de bonnes capacités de réflexion et d’analyse, les préoccupations soulevées par les renseignements fournis par les répondants […] sont suffisamment graves pour que nous remettions en question la capacité du candidat de s’intégrer efficacement dans un environnement où le travail et l’esprit d’équipe sont essentiels. Le comité a également porté une attention particulière aux renseignements et aux exemples fournis par les répondants concernant le jugement […] et a conclu, d’après l’ensemble des éléments portés à sa connaissance, que ce candidat n’a pas démontré le degré de compétence requis pour le poste.

[traduction]

108La justification n’est pas signée, mais le Tribunal est convaincu, d’après les éléments de preuve, qu’il s’agit de l’évaluation globale du comité. La justification montre également que les références ont été l’élément déterminant ou principal ayant permis au comité de conclure que le plaignant ne possédait pas les qualifications essentielles.

109Mme Lalla-Khan a déclaré qu’il n’existe aucune trace écrite des notes individuelles attribuées par les membres du comité à chaque étape du processus d’évaluation et que le seul élément ayant été consigné par écrit est le consensus du comité. Elle a convenu que, avec le recul, il aurait été une bonne idée de consigner par écrit leurs évaluations individuelles.

110Au paragraphe 54 de la décision Tibbs, le Tribunal a indiqué qu’il lui est possible de tirer des conclusions raisonnables de faits non contestés, et que si l’intimé ne présente pas d’éléments de preuve pour expliquer les motifs d’une ligne de conduite particulière, il s’expose à une décision qui conclue au bien-fondé de la plainte.

111Même s’ils s’entendent pour dire que les références constituaient un outil secondaire dans le cas du jugement, quand on le leur a demandé à l’audience, les membres du comité d’évaluation n’ont donné aucune explication sur la question de savoir comment le plaignant pouvait échouer à une qualification en fonction d’un outil de prise de décisions secondaire. L’intimé n’a fourni aucune preuve démontrant comment un outil secondaire pouvait primer sur un ou plusieurs outils de prise de décisions principaux. L’alinéa 30(2)a) et l’article 36 de la LEFP prévoient que les processus et les méthodes de nomination doivent permettre d’évaluer efficacement les qualifications essentielles. Le comité d’évaluation n’a pas pu démontrer comment l’application de la méthode d’évaluation a permis d’obtenir la note finale du plaignant. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu que la façon dont la méthode d’évaluation a été appliquée a permis de déterminer efficacement si le plaignant possédait la qualification essentielle requise pour le poste en vertu de l’alinéa 30(2)a) et de l’article 36 de la LEFP.

b) Sélection et évaluation des références

112Le plaignant soutient que les directives qu’il a reçues selon lesquelles il devait nommer trois répondants, dont un devait être un superviseur actuel ou antérieur, étaient erronées. Selon le plaignant, en omettant de lui faire savoir que les directives fournies étaient incorrectes, le comité a fait preuve d’une insouciance telle qu’elle constitue de la mauvaise foi. L’intimé soutient qu’il était nécessaire d’obtenir les références supplémentaires auprès de Mme Ramsbottom et de M. Bezruchkco, car les répondants nommés par le plaignant n’avaient pas fourni suffisamment de renseignements pour permettre son évaluation complète.

113Selon la jurisprudence du Tribunal, en postulant un emploi à la fonction publique, le candidat consent de façon implicite à la vérification des références. Bien qu’il soit préférable d’obtenir le consentement du candidat, il n’existe aucune exigence législative à cet égard. L’important est de consulter un répondant qui connaît bien le travail accompli par le candidat et qui peut fournir suffisamment d’information pour permettre au comité d’évaluer de façon appropriée les qualifications de ce dernier (voir le paragraphe 71 de la décision Oddie; le paragraphe 55 de la décision Dionne;le paragraphe 66 de la décisionMelanson et Innes c. Sous-ministre de la Défense nationale et al., [2008] TDFP 0014). Même si M. Bezruchkco a quitté la fonction publique avant que sa référence ne soit complétée, l’entrevue de référence a eu lieu alors qu’il était toujours employé de la fonction publique.

114Néanmoins, le processus de vérification des références doit respecter les valeurs de dotation énoncées dans le préambule de la LEFP, et le Tribunal n’est pas convaincu que ce soit le cas en l’espèce. Les éléments de preuve montrent que Mme Mentor était au courant des directives envoyées au plaignant par courriel et savait qu’il serait difficile pour une personne n’étant pas le superviseur du candidat de répondre à certaines questions. Mme Mentor a déclaré que l’exigence du comité selon laquelle les candidats devaient fournir le nom d’un seul superviseur « aurait pu être précisée davantage » [traduction]. En outre, le courriel que Mme Mentor a envoyé au plaignant le 16 avril 2008 précisait : « Le comité était tenu d’effectuer une vérification des références auprès de superviseurs ayant supervisé et géré votre travail » (caractères gras ajoutés).

115Si le comité d’évaluation souhaitait que tous les répondants soient des superviseurs, il aurait dû le demander dès le début du processus. En ne respectant pas sa propre exigence, l’intimé a fait preuve d’incurie.

116En outre, cette incurie était grave, car elle faisait en sorte qu’il était impossible d’assurer une évaluation des participants sur un pied d’égalité. Mme Lalla-Khan a déclaré que les candidats nomment habituellement des superviseurs à titre de répondants. Mme Mentor a affirmé qu’il serait difficile pour un répondant qui n’était pas le superviseur du candidat de répondre à certaines questions. Ainsi, le plaignant s’est trouvé désavantagé par rapport aux autres candidats même s’il avait suivi les directives qu’on lui avait données. Les candidats qui avaient choisi de nommer deux ou trois superviseurs avaient plus de chances que ceux-ci soient en mesure de répondre à toutes les questions de vérification des références. Compte tenu des directives fournies aux candidats, cela relevait du hasard que ces derniers aient fourni ou non des références provenant de superviseurs comme le souhaitait le comité d’évaluation. 

117Les éléments de preuve démontrent également que la décision de donner suite aux commentaires de Mme Leblanc avait déjà été prise, que les références fournies par les répondants nommés par le plaignant soient adéquates ou non. Le 15 janvier 2008, Mme Solomatenko a demandé au plaignant de fournir au comité d’évaluation le nom de trois répondants. L’entrevue et l’exercice de simulation du plaignant ont eu lieu le 16 janvier 2008. C’est en attendant d’effectuer l’exercice de simulation que le plaignant a rencontré Mme Leblanc par hasard. Selon le témoignage de Mme Lalla-Khan, Mme Leblanc est venue la voir afin de discuter du plaignant moins d’une semaine après cette rencontre fortuite. Le témoignage de Mme Mentor était plus précis : elle a affirmé que le comité d’évaluation avait décidé d’obtenir d’autres références sur l’avis de Mme Leblanc « vers le 17 janvier » [traduction].

118Le comité d’évaluation a reçu la référence de Mme Dittmar par courriel le 22 janvier 2008. Mme Mentor a obtenu la référence de Mme Steele par téléphone, laquelle est en date du 25 janvier 2008. De toute évidence, le comité d’évaluation n’aurait pas pu déterminer le 17 janvier 2008 qu’il avait besoin de références supplémentaires parce que les références fournies par les répondants nommés par le plaignant étaient inadéquates. Même si la décision a été prise jusqu’à une semaine plus tard, elle l’a été avant que la vérification des références ne soit effectuée auprès de Mme Steele. Par ailleurs, la référence de Mme Steele est en date du 25 janvier 2008, et la vérification des références auprès de M. Bezruchkco a commencé à la même date. Le Tribunal conclut donc que la décision d’obtenir des références supplémentaires a été prise avant que la vérification des références auprès des répondants nommés par le plaignant ne soit terminée.

119Mmes Mentor et Lalla-Khan ont déclaré que les membres du comité d’évaluation avaient discuté tous ensemble de la suggestion de Mme Leblanc d’obtenir des références supplémentaires. Le comité d’évaluation a conclu qu’il serait « négligent » [traduction] de sa part de ne pas suivre la suggestion de Mme Leblanc. Contrairement à l’explication qu’elle a fournie au plaignant par courriel en avril 2008, Mme Mentor a déclaré que le comité avait décidé d’obtenir deux références supplémentaires parce que Mme Leblanc l’avait suggéré. Le Tribunal estime que cette preuve ainsi que les dates énoncées plus haut démontrent clairement que le comité a cherché à obtenir d’autres références pour donner suite à la suggestion de Mme Leblanc.

120Mme Lalla-Khan a déclaré que le comité d’évaluation n’aurait pas jugé nécessaire d’obtenir des références supplémentaires si celles qui ont été fournies par les répondants nommés par le plaignant avaient été complètes. Ce témoignage ne correspond pas au reste de la preuve. étant donné que le comité avait déjà décidé qu’il serait négligent de sa part de ne pas vérifier les autres références proposées par Mme Leblanc, le Tribunal conclut que le comité aurait cherché à obtenir ces références même si les références fournies par les répondants nommés par le plaignant avaient été complètes.

121Selon le témoignage incontesté du plaignant, au cours de la discussion informelle ayant eu lieu le 2 avril 2008, le plaignant a demandé à Mme Mentor si Mme Leblanc avait communiqué avec le comité au sujet de sa candidature, mais elle a refusé de lui répondre. N’étant pas satisfait, il a envoyé un courriel à Mme Mentor plus tard le même jour pour demander comment les autres répondants avaient été choisis et qui avait fourni leurs coordonnées au comité. Mme Mentor aurait pu simplement répondre à ses questions. Cependant, elle a envoyé au plaignant des explications alambiquées et trompeuses, induisant celui-ci en erreur quant aux raisons pour lesquelles les références supplémentaires avaient été obtenues et dissimulait le rôle de Mme Leblanc dans le processus de nomination.

122Mme Mentor a écrit au plaignant que le comité d’évaluation était tenu d’obtenir d’autres références en partie parce que ses références n’avaient pas toutes été fournies par des superviseurs. Elle a omis de lui expliquer pourquoi toutes les références devaient être fournies par des superviseurs, même si le plaignant avait eu pour directive de fournir le nom d’un seul superviseur quand on lui a demandé de nommer des répondants au départ. 

123Dans le même courriel, Mme Mentor a fourni une explication presque impossible à déchiffrer concernant la source des deux références supplémentaires. Mme Mentor a affirmé que le comité connaissait Mme Ramsbottom (le premier répondant), mais elle a omis de mentionner que c’était par l’entremise de Mme Leblanc, qui n’était pas membre du comité. Mme Mentor a ajouté que le nom de l’autre ancien superviseur (le deuxième répondant) avait été obtenu auprès de la personne qui occupe actuellement ce poste. Selon le plaignant, cette personne n’était autre que Mme Steele, sa superviseure actuelle; quant au répondant, il s’agissait de M. Bezruchkco. Toutefois, Mme Steele a confirmé dans un courriel au plaignant qu’elle n’avait pas fourni au comité le nom d’autres répondants. En outre, pendant son témoignage à l’audience, Mme Lalla-Khan a déclaré que le comité avait obtenu le nom de M. Bezruchkco auprès d’une certaine Mme Young. Rien n’indique que cette Mme Young ait supervisé le plaignant de quelque façon que ce soit.

124Le plaignant a envoyé un autre courriel à Mme Mentor afin de connaître le nom des personnes ayant fourni les références supplémentaires. Mme Mentor lui a répondu en l’avisant qu’elle lui avait déjà fourni ces renseignements et qu’elle ne pourrait plus répondre à d’autres questions de sa part.

125Les membres du comité d’évaluation ont confirmé le rôle joué par Mme Leblanc dans le processus d’évaluation pour la première fois quand ils ont témoigné sous serment à l’audience. Plus de 20 mois s’étaient écoulés depuis la première tentative du plaignant de déterminer les personnes ayant fourni les références supplémentaires et les raisons qui motivaient leur sélection.

126L’article 16 et le paragraphe 29(3) de la LEFP indiquent que les administrateurs généraux sont tenus de se conformer aux lignes directrices établies par la CFP en matière de nomination. Selon les Lignes directrices de la CFP en matière de discussion informelle, les administrateurs généraux doivent s’assurer que les personnes dont la candidature a été éliminée d’un processus de nomination et qui demandent une discussion informelle ont accès à suffisamment de renseignements les concernant pour pouvoir comprendre la décision et en discuter. Les lignes directrices précisent également que les discussions informelles visent à assurer la transparence et maintenir la communication tout au long du processus de nomination. Les éléments de preuve résumés plus haut ne sont pas conformes aux objectifs des lignes directrices.

127Les éléments de preuve présentés montrent que le plaignant obtenait de bons résultats pour la qualification relative au jugement et dans le processus d’évaluation en général avant l’intervention de Mme Leblanc. Plusieurs des procédés qui ont suivi cette intervention étaient à la fois inappropriés et inexplicables. En ce qui concerne les références, ces procédés traduisent davantage que la simple incurie, mais une tentative délibérée de dissimuler au plaignant la tournure du processus d’évaluation. Dans la décision Jacobson c. le président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et al., [2009] TDFP 0019, le Tribunal a indiqué que « […] la mauvaise foi est établie lorsqu’un acte est incompréhensible ou inexplicable, ce qui mène à conclure que celui-ci est incompatible avec l’objet prévu du pouvoir accordé. »

128Dans la décision Rajotte c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada et al., [2009] TDFP 0025, au paragraphe 80, le Tribunal a établi que la mauvaise foi s’établit au moyen d’une preuve circonstancielle ou d’une preuve directe d’intention illégitime, d’un parti pris ou d’un manque d’impartialité, ou encore lorsqu’une procédure irrationnelle mène à conclure à l’incompatibilité avec l’exercice du pouvoir de dotation du gestionnaire délégataire. Au paragraphe 95 de la même décision, le Tribunal a conclu que le fait de ne pas divulguer les renseignements relatifs à une plainte peut confirmer une constatation de mauvaise foi. Le Tribunal a par ailleurs souligné que le paragraphe 16(1) du Règlement du TDFP exige des parties qu’elles divulguent les renseignements relatifs à une plainte aussitôt que possible après que la plainte a été présentée. Dans cette affaire, le Tribunal a constaté que l’intimé avait omis de fournir les renseignements pertinents relatifs à l’existence d’une nomination intérimaire antérieure.

129En l’espèce, le Tribunal conclut que l’intimé a abusé de son pouvoir en agissant de mauvaise foi étant donné que la décision d’obtenir d’autres références avait été prise avant de recevoir les références des répondants nommés par le plaignant. Le Tribunal conclut également que l’intimé a continué d’agir de mauvaise foi en fournissant des renseignements inexacts et trompeurs au plaignant concernant la nécessité d’obtenir des références supplémentaires.

Question II : Le processus de nomination était-il entaché de partialité?

130Le plaignant soutient que Mmes Lalla-Khan et Mentor avaient un lien hiérarchique avec Mme Leblanc, et qu’en faisant part au comité de sa désapprobation à l’égard du plaignant, celle‑ci a suscité une crainte raisonnable que le comité ait fait preuve de partialité.

131En outre, les Lignes directrices de la CFP en matière d’évaluation indiquent que les évaluations doivent être élaborées et mises en œuvre sans partialité. Une des principales exigences des Lignes directrices en matière d’évaluation est que les administrateurs généraux doivent s’assurer que les personnes responsables de l’évaluation « sont en mesure de remplir les rôles, les responsabilités et les fonctions qui leur sont propres de façon juste ».

132Les éléments de preuve montrent que Mme Leblanc détenait des renseignements concernant le plaignant qui, selon elle, méritaient l’attention du comité. Ces renseignements portaient sur des problèmes de relations de travail; elle les a transmis à Mme Lalla-Khan, qui en a discuté avec Mme Mentor et Mme Solomatenko. Les membres du comité d’évaluation ont conclu qu’il serait négligent de leur part de ne pas chercher à obtenir d’autres références, comme l’a suggéré Mme Leblanc. 

133Comme le Tribunal l’a établi plus haut, le comité d’évaluation n’avait pas besoin de la permission du plaignant pour communiquer avec Mme Ramsbottom et M. Bezruchkco à titre de répondants. Bien qu’il ait été inapproprié de la part de Mme Leblanc de laisser entendre que le plaignant devrait être pénalisé pour avoir fait valoir ses droits en vertu de sa convention collective, il n’existe aucun élément de preuve permettant de déterminer ce qu’elle entendait par « problèmes de relations de travail ». La référence de Mme Leblanc à des problèmes de relations de travail peut être interprétée comme étant péjorative, mais ne constitue pas en soi une conduite irrégulière ou inadéquate.

134Au paragraphe 50 de la décision Dionne, le Tribunal a établi que l’objectif de la vérification des références est d’obtenir des renseignements précis et pertinents au sujet d’un candidat, que ceux‑ci soient positifs ou négatifs. Aux paragraphes 56 et 57 de la même décision, le Tribunal a conclu que le comité d’évaluation ignorait que la plaignante avait déposé un grief à l’endroit d’un répondant, mais que même si le comité d’évaluation en avait eu connaissance, celui‑ci aurait quand même pu se servir des références fournies par ce répondant.

135Toutefois, il aurait été irrégulier de la part du comité de suivre la suggestion de Mme Leblanc, puis d’obtenir des renseignements dans l’intention d’éliminer la candidature du plaignant du processus d’évaluation. Une telle conduite irait à l’encontre de la responsabilité du comité de mener des évaluations de façon juste et équitable. 

136Le critère de la crainte raisonnable de partialité est bien établi dans la jurisprudence. Dans la décision Denny, le Tribunal le définit comme suit :

[126] […]Le critère objectif énoncé par la Cour suprême dans les décisions Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie et Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve s’applique également en l’espèce : les membres du comité d’évaluation ont le devoir d’agir de manière juste, ce qui implique de pratiquer une évaluation impartiale. Si un observateur relativement bien renseigné peut raisonnablement percevoir de la partialité de la part d’un ou de plusieurs membres du comité d’évaluation, le devoir d’agir de manière juste n’a pas été observé. Il est également important de souligner qu’une des valeurs clés énoncées dans le préambule de la LEFP est la justice.

137En l’espèce, un observateur relativement bien informé peut raisonnablement conclure que l’intimé n’a pas pu expliquer comment il avait déterminé que le plaignant avait échoué à son évaluation globale pour la qualification relative au jugement, étant donné que les références étaient un outil secondaire pour cette qualification et que les éléments de preuve montrent que le plaignant avait réussi à l’exercice de simulation et avait obtenu une bonne note pour le jugement à l’entrevue. Les remarques du comité d’évaluation qui figurent sur la feuille de notation finale du plaignant indiquent que la note attribuée pour le jugement se fonde principalement sur les références. Enfin, Mme Solomatenko a envoyé un courriel à Mme Mentor le 22 janvier 2008 dans lequel elle indique que la référence fournie par Mme Dittmar ne donne aucun détail concernant les « sujets de préoccupation » [traduction]. Cette déclaration a été faite après que Mme Leblanc a fait connaître ses préoccupations à l’égard du plaignant, mais avant que le comité se soit entretenu avec Mme Ramsbottom ou M. Bezruchkco.

138L’observateur relativement bien informé remarquerait que l’intimé, lorsqu’on le lui a demandé, n’a pas informé le plaignant que Mme Leblanc avait proposé une référence de Mme Ramsbottom, et lui a fourni des renseignements inexacts et trompeurs concernant la provenance des références supplémentaires. Il observerait que la décision d’obtenir des références supplémentaires a été prise avant que le comité d’évaluation ait obtenu toutes les références fournies par les répondants nommés par le plaignant. Les éléments de preuve montrent que les entrevues de référence menées auprès de Mme Steele (répondante nommée par le plaignant) et de M. Bezruchkco (répondant supplémentaire choisi par le comité) ont eu lieu à la même date.

139En considérant le processus dans son ensemble, un observateur relativement bien informé conclurait qu’un ou plusieurs membres du comité d’évaluation ont suivi la suggestion de Mme Leblanc et ont, ou auraient, raisonnablement pu chercher des renseignements leur permettant d’éliminer la candidature du plaignant du processus de nomination. 

140Le Tribunal estime donc que le critère établi dans l’affaire Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve a été satisfait. Un observateur relativement bien informé observant la conduite du comité dans ce processus d’évaluation pourrait raisonnablement percevoir de la partialité de la part des membres du comité d’évaluation. Ainsi, le devoir d’agir de manière juste n’a pas été respecté.

Décision

141Le Tribunal conclut que l’intimé a abusé de son pouvoir dans son évaluation du plaignant, qui n’a été ni équitable ni transparente. L’intimé a induit le plaignant en erreur et lui a fourni des renseignements incohérents et erronés en tentant de lui dissimuler la provenance des références supplémentaires et les raisons qui ont motivé leur obtention. En outre, l’intimé n’a pas établi de lien direct entre son application des méthodes d’évaluation et sa décision. La conduite du comité d’évaluation suscite une crainte raisonnable qu’il n’était pas impartial dans ses rapports avec le plaignant. Le Tribunal n’est donc pas convaincu que l’évaluation du plaignant était juste. Ainsi, le Tribunal conclut que le grave manquement du plaignant aux valeurs de nomination que sont l’équité et la transparence énoncées dans la LEFP constitue de la mauvaise foi correspondant à un abus de pouvoir.

Mesures correctives

142Les dispositions pertinentes concernant la prise de mesures correctives se trouvent au paragraphe 81(1) et à l’article 82 de la LEFP, qui sont libellés comme suit : 

81. (1) S’il juge la plainte fondée, le Tribunal peut ordonner à la Commission ou à l’administrateur général de révoquer la nomination ou de ne pas faire la nomination, selon le cas, et de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées.

[…]

82. Le Tribunal ne peut ordonner à la Commission de faire une nomination ou d’entreprendre un nouveau processus de nomination.

143En vertu de l’article 81 de la LEFP, le Tribunal peut ordonner la révocation d’une nomination et la prise des mesures correctives qu’il estime indiquées.

144Le plaignant a demandé des mesures correctives fondées sur la décision Cameron et Maheux. Toutefois, la Cour fédérale a annulé ces mesures à la suite d’une révision judiciaire, car elle a conclu qu’elles dépassaient le cadre de la plainte. Le plaignant n’a pas demandé la révocation de la nomination en l’espèce.

145Toutefois, à la lumière des éléments de preuve en l’espèce, le Tribunal estime qu’un cours d’apprentissage en évaluation impartiale et en application des méthodes d’évaluation serait bénéfique aux membres du comité d’évaluation.

146Le Tribunal fait remarquer que le processus de nomination en l’espèce visait à établir un bassin de candidats pour les postes de conseiller de programme régional au groupe et au niveau PM-05 à CIC. Dans cette affaire, le Tribunal estime que si le bassin existe toujours et que le plaignant soit toujours intéressé par l’un de ces postes, la mesure corrective qui s’impose serait d’établir un nouveau comité d’évaluation afin d’évaluer de nouveau le plaignant.

Ordonnance

147Le Tribunal ordonne que dans les quatre semaines suivant cette décision, l’intimé détermine si le bassin établi à la suite de ce processus de nomination existe toujours et, dans l’affirmative, que l’intimé fasse réévaluer la candidature du plaignant par un comité d’évaluation composé de membres autres que ceux du comité ayant participé au processus de nomination en l’espèce. 

Kenneth J. Gibson

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2008-0721
Intitulé de la cause:
Ron Ammirante et le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada et al.
Audience:
16, 17 et 18 décembre 2009
Toronto (Ontario)
Date des motifs:
10 juin 2010

COMPARUTIONS :

Pour le plaignant:
Lorraine Diaper
Pour l'intimé:
Anne-Marie Duquette
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