Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé deux griefs à l’arbitrage - l’un des griefs a porté sur le fait qu’il n’avait pas eu de représentation syndicale lors d’une réunion avec l’employeur relativement à une suspension administrative - l’autre grief a porté sur une suspension de 30 jours qui a été imposée à l’issue d’une enquête - l’employeur a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé, agent d’exécution à l’Agence des services frontaliers du Canada, avait délivré à tort un permis de travail à une personne qui n’y avait pas droit - le fonctionnaire s’estimant lésé a collaboré durant l’enquête - il comptait de nombreuses années de service et avait un dossier disciplinaire impeccable - l’employeur a fait valoir que la suspension constituait une sanction clémente - l’arbitre de grief a conclu que les droits de représentation syndicale du fonctionnaire s’estimant lésé n’avaient pas été brimés, puisqu’aucun droit de représentation n’existait au moment où l’employeur a décidé d’instituer l’enquête - l’arbitre de grief a également conclu que l’inconduite aurait pu entraîner une sanction plus sévère et que l’employeur avait déjà tenu compte des circonstances atténuantes. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-01-07
  • Dossier:  166-02-37484 et 37532
  • Référence:  2011 CRTFP 1

Devant un arbitre de grief


ENTRE

BARRY PIKE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Pike c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant deux griefs renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Roger Beaulieu, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Ray Domeij, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Karen L. Clifford, avocate

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba)
du 12 au 15 janvier et le 19 février 2010.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs renvoyés à l’arbitrage

1 Au moment où les événements qui ont abouti aux griefs se sont déroulés, le fonctionnaire s'estimant lésé, Barry Pike (le « fonctionnaire »), était un agent de la loi à l'emploi de l'Agence des services frontaliers du Canada (l'« employeur ») à Winnipeg. Il a renvoyé à l'arbitrage deux griefs concernant une suspension pour inconduite. Dans le premier grief (dossier de la CRTFP 166-02-37532), il allègue que l'employeur a enfreint la convention collective en refusant de l'autoriser à être représenté par son syndicat. Dans le second (dossier de la CRTFP 37484), il conteste une suspension de 30 jours reçue après le dépôt par l'employeur d'un rapport d'enquête sur les allégations d'inconduite grave.

2 Le 1er avril 2005, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ces renvois à l’arbitrage de grief doivent être décidés conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

II. Résumé de la preuve

3 Les faits ne sont pas contestés. Le 1er septembre 2004, on a demandé au fonctionnaire de rencontrer, le 2 septembre 2004, Robert Ferguson, directeur, Section de la loi sur l'immigration pour la région des Prairies. Durant cette rencontre, le fonctionnaire a été informé qu'il était suspendu sans solde immédiatement, et a reçu une lettre à cet effet, en attendant la fin d'une enquête sur les allégations d'inconduite grave qui avaient récemment fait surface. L'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'« agent négociateur ») n'avait pas été informée de cette rencontre.

4 Les 14 et 15 septembre 2004, le fonctionnaire a été interrogé par le comité mandaté pour mener l'enquête. À ces deux entrevues, le fonctionnaire était accompagné d'un représentant de l'agent négociateur.

5 Le 13 octobre 2004, le fonctionnaire, toujours en présence d'un représentant de l'agent négociateur, a rencontré Mike Styre, directeur régional de la région des Prairies. Il a été informé à cette rencontre qu'au terme de l'enquête, le comité avait conclu qu'une inconduite grave avait eu lieu. Le 15 octobre 2004, il a reçu une lettre signée par M. Styre l'informant que la sanction imposée serait une suspension de 30 jours, prenant effet le 7 septembre 2004 et se terminant le 18 octobre 2004. Le fonctionnaire devait se présenter au travail le 19 octobre 2004.

6 L'enquête a permis de révéler les faits suivants.

7 Le 23 juillet 2004, le fonctionnaire a délivré un permis de travail à une citoyenne américaine, la fiancée d'un ami du fonctionnaire. La destinataire de ce permis n'a pas payé de frais ni présenté une demande écrite. Si elle en avait fait la demande, elle n'aurait probablement pas été admissible. Le permis de travail a été délivré à partir d'un système informatique, mais a été effacé du système général par la suite par le fonctionnaire.

8 La destinataire du permis de travail a plus tard traversé la frontière avec ses trois enfants; l'agent des douanes au poste frontalier a remarqué le permis de travail. Puisqu'elle traversait la frontière seule avec trois jeunes enfants et que le droit de garde est souvent un problème, l'agent des douanes a pris note de cette entrée et a photocopié tous ses documents, y compris le permis de travail. Éventuellement, il a été découvert que le permis de travail avait été délivré illégalement, c’est-à-dire dans le non-respect des procédures nécessaires. Il a été montré que le permis avait été délivré à partir du poste de travail du fonctionnaire.

9 Au cours de la première entrevue d'enquête, le fonctionnaire a immédiatement admis ses torts et a remis à l'enquêteur le permis de travail en question. Il a informé l'enquêteur qu'à la suite de la délivrance du permis de travail, il avait eu plusieurs nuits d'insomnie, à tel point qu'il avait communiqué avec la destinataire pour lui demander de rendre le permis de travail. Elle ne l'avait utilisé d’aucune façon, par exemple pour postuler un emploi ou demander un numéro d'assurance sociale au Canada. Elle le lui a retourné, mais il ne se souvenait pas de la date à laquelle il l'avait reçu.

10 Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait délivré illégalement le permis de travail, le fonctionnaire a mentionné plusieurs raisons. D'abord, il a eu pitié de la personne à qui il a délivré le permis de travail. Elle laissait derrière elle une situation conjugale difficile pour rejoindre un nouveau partenaire au Canada. Elle n'avait reçu que très peu d'aide de la part des autorités canadiennes en matière d'immigration lorsqu'elle s'était informée à propos de la marche à suivre pour obtenir un permis de travail au Canada. De plus, il vivait lui-même des bouleversements dans sa vie personnelle et subissait un grand stress émotionnel. Finalement, sa situation professionnelle était également une grande source de stress – trop de travail, pas assez de ressources. Toutes ces raisons, toutefois, n'excusaient en rien son comportement, pour lequel il était sincèrement désolé.

11 Durant la deuxième entrevue, l'enquêteur a demandé au fonctionnaire comment l'employeur pourrait avoir l'assurance que la situation ne se reproduise pas – après tout, les demandeurs sympathiques, le stress à la maison et les pressions au travail étaient des circonstances qui pourraient toutes vraisemblablement se présenter à nouveau. Le fonctionnaire lui a répondu qu'au cours des dix derniers jours (depuis la suspension initiale qui a pris effet le 2 septembre 2004), il avait vécu les pires moments de sa vie. Il a ajouté qu'il en avait tiré des leçons, qu'il aimait son travail et qu'il ne voulait absolument pas le perdre. Il a également admis qu'il avait commis une grave erreur de jugement, ce qu'il avait reconnu puisqu'il avait demandé à la destinataire de lui retourner le permis de travail.

12 Le comité d'enquête est arrivé à la conclusion qu'une inconduite avait eu lieu, en soulignant les irrégularités suivantes :  

[Traduction]

1.       En se fondant sur le statut accordé à [la destinataire] le 1er mai 2004 par le personnel du point d'entrée de Rainy River de CIC, elle n'était clairement pas autorisée à travailler au Canada.

2.       Les critères établis dans la réglementation n'ont pas été respectés au moment de la délivrance du permis de travail.

3.       [La destinataire] n'était pas admissible à un permis de travail puisque sa demande d'établissement n'a pas passé l'étape 1 du processus de traitement.

4.       Le permis de travail a été délivré sans que les frais appropriés ne soient perçus.

5.       [La destinataire] n'a pas présenté une demande en bonne et due forme pour obtenir un permis de travail.

6.       Le permis de travail a été supprimé du SSOBL [Système de soutien des opérations des bureaux locaux] après avoir été délivré, ce qui est contraire aux procédures opérationnelles standard.  

[extrait de la p. 5 du rapport d'enquête, non daté mais remis à l'employeur avant la rencontre disciplinaire du 13 octobre 2004]

13 Le comité a constaté que le fonctionnaire n'avait pas respecté les exigences réglementaires et qu'il avait contrevenu au Code de conduite du CIC en accordant un traitement préférentiel à un ami. Il a également violé le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique. À titre de responsable de l'exécution de la loi, il s'était placé en situation de conflit d'intérêt en faisant abstraction de l'ensemble des règles et dispositions réglementaires applicables.

14 Le rapport se termine toutefois sur une note plus positive :  

[Traduction]

L'enquête du comité a confirmé qu'il s'agissait bien d'un incident isolé. Durant les deux entrevues, M. Pike a été un témoin coopératif, franc et crédible qui manifestait un véritable remord pour ces actions.

15 Le comité ajoute qu'il n'avait pas pour mandat de recommander des mesures disciplinaires. En terminant, il faudrait souligner que le fonctionnaire, à ce moment, avait 19 années de service et un dossier disciplinaire sans tache.

III. Résumé de l’argumentation

A. Grief concernant une violation de la convention collective

16 Le fonctionnaire prétend que l'employeur a violé les clauses 17.02 et 17.03 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada à l'égard de tous les fonctionnaires du groupe Services des programmes et de l'administration (venant à expiration le 20 juin 2003) (la « convention collective »). Ces clauses sont libellées ainsi :

17.02 Lorsqu’un employé-e est tenu d’assister à une audition disciplinaire le concernant ou à une réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le touchant, l’employé-e a le droit, sur demande, d’être accompagné d’un représentant de l’Alliance à cette réunion. Dans la mesure du possible, l’employé-e reçoit au minimum un (1) jour de préavis de cette réunion.

17.03 L'Employeur informe le plus tôt possible le représentant local de l'Alliance qu'une telle suspension ou qu'un tel licenciement a été infligé.

17 Le fonctionnaire n'a pas été informé qu'il pouvait être représenté par son agent négociateur à l'entrevue du 2 septembre 2004 lorsqu'une suspension a été imposée en attendant la fin de l'enquête. Selon l'agent négociateur, puisqu'il s'agissait d'une question de nature disciplinaire, l'agent négociateur aurait dû en être informé, et le fait que l'employeur n'a pas suivi la procédure prévue aux clauses 17.02 et 17.03 de la convention collective constitue une violation qui devrait être corrigée et qui rend la mesure disciplinaire nulle.

18 L'employeur rétorque que la rencontre du 2 septembre 2004 n'était pas une rencontre disciplinaire et que par conséquent les dispositions des clauses 17.02 et 17.03 de la convention collective n'ont pas été violées. L'employeur invoque la décision rendue dans Thompson c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2007 CRTFP 71, pour appuyer la proposition selon laquelle, à l'étape de l'enquête, lorsqu’aucune mesure disciplinaire n'est envisagée par l'employeur puisque tous les faits ne sont pas encore connus, la protection prévue à la clause 17.02 de la convention collective ne s'applique pas. Or, dans les faits, le fonctionnaire a profité du soutien de l'agent négociateur durant l'enquête elle-même, puisqu'un représentant a assisté aux deux entrevues à titre d'observateur et de conseiller du fonctionnaire.

19 L'employeur fait valoir que les dispositions des clauses 17.02 et 17.03 de la convention collective entrent en jeu une fois que la décision d'imposer des mesures disciplinaires a été prise, à la fin de l'enquête. Il ne fait aucun doute que l'agent négociateur a été informé de la tenue de la rencontre du 13 octobre 2004, à laquelle un représentant a assisté.

B. Grief concernant la suspension de 30 jours

20 L'employeur fait valoir que la mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire était en réalité plutôt clémente et tenait compte de plusieurs circonstances atténuantes, notamment les longues années de service du fonctionnaire, son dossier disciplinaire sans tache et sa coopération à chaque étape de l'enquête. Malgré tout, la gravité de l'inconduite est telle qu'une sanction sévère doit être imposée.

21 D'autres situations où il y a eu bris de confiance ont mené à un licenciement, malgré les longues années de service, comme dans Pagé c. Administrateur général (Service Canada), 2009 CRTFP 26.

22 Le fonctionnaire prétend qu'une suspension de 30 jours est une sanction plutôt sévère pour un premier incident isolé. Il a manifesté un véritable remord, il a pris des mesures pour corriger son erreur et aucun effet dissuasif n'était nécessaire puisqu'il avait appris sa leçon.

IV. Motifs

23 En ce qui concerne le premier grief, je suis d'avis que le raisonnement tenu dans Thompson s'applique. Dans cette affaire, l'employée a été licenciée à la suite d'une enquête. Elle a d'abord contesté le licenciement lui-même, sans succès. Elle a ensuite sollicité une prorogation du délai, ce qui lui a été accordé, pour dénoncer le fait que l'employeur avait omis de se conformer aux exigences de la clause 17.02 de sa convention collective (même libellé que dans la présente affaire).

24 L'employée avait été interrogée aux fins de l'enquête par téléphone. L'agent négociateur n'avait pas été informé, et aucun représentant n'avait assisté aux entrevues. L'employée prétendait que la non-conformité rendait nul le licenciement. L'arbitre de grief est arrivé à la conclusion, en s'appuyant sur d'autres décisions, que la clause 17.02 de la convention collective ne s'appliquait pas à l'étape de l'enquête, mais plutôt à la rencontre où la mesure disciplinaire serait imposée.

25 Dans la présente affaire, je suis d'avis que la rencontre du 2 septembre 2004 n'était pas de nature disciplinaire. Le fonctionnaire a été informé qu'en attendant la fin de l'enquête, la suspension était de nature administrative, et non disciplinaire, puisque l'employeur n'avait toujours pas conclu qu'une inconduite avait eu lieu. De plus, le fonctionnaire était accompagné d'un représentant de l'agent négociateur durant les entrevues d'enquête. À la rencontre du 13 octobre, où les résultats de l'enquête ont été présentés, il était représenté par l'agent négociateur.

26 En ce qui concerne le deuxième grief, je déclare que l'employeur a eu raison d'imposer une suspension de 30 jours et je ne suis pas disposé à modifier cette mesure disciplinaire, pour les raisons suivantes.  

27 Pour déterminer le caractère approprié d'une mesure disciplinaire, l'arbitre de grief doit vérifier deux choses : si l'employeur a établi l'inconduite alléguée et, dans l'affirmative, si la mesure disciplinaire est proportionnelle à la faute commise.

28 Sur le premier point, il n'y a aucun litige. Selon le propre aveu du fonctionnaire, tous les éléments de la thèse de l'employeur ont été établis.

29 Sur le deuxième point, mon analyse comporte deux volets. Je dois déterminer, premièrement, quelle est la gravité de l'inconduite et, deuxièmement, si des circonstances atténuantes s'appliquent.

30 Il ne fait aucun doute que la délivrance d'un permis de travail, sans suivre les dispositions réglementaires obligatoires, à une personne qui n'avait pas le droit d'obtenir un tel permis, à titre de faveur accordée à un ami, est une inconduite grave de la part d'une personne investie du pouvoir délégué d'un agent d'immigration. L'employeur doit pouvoir avoir confiance aux employés qui, dans le cadre de leurs responsabilités, agissent sans supervision. La conduite du fonctionnaire constituait un grave abus de confiance. Le fait que le fonctionnaire occupait un poste de confiance peut certainement être considéré comme un facteur aggravant.

31 Par ailleurs, comme la jurisprudence l'a établi, un arbitre de grief doit déterminer s'il faut tenir compte de certaines circonstances atténuantes. En me fondant sur les circonstances qui ont influé sur la décision dans United Steelworkers of America, Local 3527 v. Steel Equipment Co., (1964) 14 L.A.C. 356, j'estime que les faits suivants sont importants dans la présente affaire :

1) le bon dossier du fonctionnaire;

2) les nombreuses années de service du fonctionnaire;

3) selon les enquêteurs, il s'agit d'un incident isolé qui ne devrait pas se répéter;

4) les actions du fonctionnaire n'ont causé aucun tort (le permis de travail n'a jamais été utilisé);

5) le fonctionnaire a rapidement admis son erreur durant l'enquête;

6) le fonctionnaire a coopéré avec les enquêteurs et semblait éprouver un véritable remord.

32 En raison de ces circonstances positives, l'employeur et moi-même croyons que le lien de confiance pourrait être rétabli. À la lumière des autres décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») et de l'ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique, je crois toutefois que l'employeur a déjà tenu compte des circonstances atténuantes en imposant la suspension de 30 jours. Sans les circonstances atténuantes, la sanction aurait pu être bien plus sévère, pouvant aller jusqu’au licenciement.

33 Dans Pagé, l'arbitre de grief a constaté que la fonctionnaire s'estimant lésée avait modifié un dossier pour cacher le fait qu'elle avait autorisé le versement à sa demi-sœur de prestations auxquelles cette dernière n’avait pas droit. La fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas tiré profit de cette inconduite. Dans cette affaire, la fonctionnaire s’estimant lésée ne voulait pas admettre qu'elle avait mal agit; elle prétendait qu'il s'agissait d'une erreur de bonne foi. Malgré un excellent dossier et de nombreuses années de service, la fonctionnaire s’estimant lésée a été congédiée et l'arbitre a rejeté le grief. Même si la décision a été rendue en vertu de la nouvelle Loi, aucun changement législatif ne modifie les principes applicables et, pour cette raison, je crois que cette affaire peut servir de guide.

34 Dans Conseil du Trésor (Revenu Canada) c. Sample, dossier de la CRTFP 166-2-27610 (19970604), un vérificateur de Revenu Canada avait importé un camion des États-Unis et tenté d'éviter de payer la TPS sur le montant de l'achat en enregistrant le véhicule au nom d'un Indien de plein droit. Le fonctionnaire dans cette cause a admis qu'il avait commis une erreur stupide. Il a tenté de payer la TPS et de modifier la date du contrat dans le but de ne pas se faire prendre. L'employeur l'a congédié. L'arbitre de grief a constaté que le fonctionnaire s’estimant lésé manifestait un véritable remord et que le lien de confiance n'était pas irrémédiablement détruit. Il a rétabli le fonctionnaire s’estimant lésé dans ses fonctions, mais a remplacé le congédiement par une suspension de huit mois.

35 Dans Blair-Markland c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28988 (19991103), le fonctionnaire dans cette cause, un conseiller en immigration, avait personnellement traité et approuvé une demande de résidence permanente pour un membre de sa famille. L'employeur avait imposé une suspension de 20 jours au fonctionnaire s’estimant lésé. L'arbitre de grief a constaté que l'employeur avait tenu compte de l'absence de mesure disciplinaire au cours des 32 années de service du fonctionnaire dans cette cause pour réduire une sanction qui autrement aurait pu avoir été beaucoup plus sévère; il a rejeté le grief puisque la sanction était à l'intérieur des limites d'une fourchette acceptable de mesures disciplinaires, compte tenu de l'ensemble des circonstances pertinentes.

36 La décision rendue dans Da Cunha c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-24725 (19931108) présentait des faits semblables. Dans cette affaire, l'employé avait 11 années de service, et l'employeur l'a congédié en raison du traitement inapproprié de la demande de visa de son neveu. L'arbitre de grief a remplacé la sanction par une suspension sans solde prenant effet à la date du congédiement et se terminant à la date de la décision, une période de plus de huit mois.

37 En conclusion, la violation dans la présente affaire était une faute grave, et je crois que l'employeur a tenu compte des facteurs atténuants en imposant une suspension de 30 jours, une sanction raisonnable à la lumière de l'ensemble des circonstances. Je constate que l'enquête a été menée rapidement et que la suspension administrative sans solde a été assez courte, puisque la suspension de 30 jours a pris effet rétroactivement le 7 septembre 2004, même si elle avait été imposée le 15 octobre 2004. L'employeur n'avait d'autre choix que d'imposer une sanction sévère pour dénoncer une action contraire aux règlements applicables aux Services frontaliers ainsi qu'aux valeurs et à l'éthique de la fonction publique. La somme des quatre inconduites du fonctionnaire aurait pu justifier une suspension plus longue ou un congédiement. Je crois que la mesure disciplinaire était restreinte et devrait être maintenue.

38 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

39 Les griefs sont rejetés.

Le 7 janvier 2011.

Traduction de la CRTFP

Roger Beaulieu,
arbitre de grief

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