Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié pour usage excessif d’Internet à des fins autres que le travail - l’employeur a allégué qu’il s’agissait d’un vol de temps - le fonctionnaire s’estimant lésé éprouvait du remords et a reconnu ses torts, mais il a fait valoir qu’il avait peu de travail à faire et qu’il respectait toujours les délais limites qu’on lui fixait - l’arbitre de grief a tranché que l’usage excessif d’Internet ne constituait pas un vol de temps parce qu’il ne s’agissait pas d’une tentative délibérée de frauder l’employeur - le comportement justifiait une sanction, mais le licenciement a été jugé excessif - le fonctionnaire s’estimant lésé comptait 27 ans de service sans mesures disciplinaires - le fonctionnaire s’estimant lésé a été réintégré dans ses fonctions, sans salaire rétroactif. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-08-04
  • Dossier:  566-02-3933
  • Référence:  2011 CRTFP 100

Devant un arbitre de grief


ENTRE

FRANKLIN ANDREWS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

défendeur

Répertorié
Andrews c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Andrew Raven, avocat

Pour le défendeur:
Richard Fader, avocat, et Garett Hisko, conseiller

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 18 au 20 avril 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé, Franklin Andrews (le « fonctionnaire ») travaillait à titre d’analyste principal/conseiller en politiques, un poste classifié FS-03, au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (« l’employeur », ou « CIC »). Lors de son congédiement, le 3 novembre 2009, il avait 27 années d’ancienneté. L’employeur allègue qu’il a utilisé des biens et du matériel du gouvernement à des fins inappropriées et non reliées à son emploi, notamment afin de visionner du matériel pornographique, et qu’il a détourné des biens et du matériel du gouvernement par son utilisation excessive des services Internet et du réseau électronique du gouvernement à des fins non reliées au travail.

2 Le 15 décembre 2009, le fonctionnaire a déposé un grief contestant son licenciement et dans lequel il demandait, à titre de mesure corrective, d’être réintégré sans perte de salaire ni d’avantages sociaux. Le grief a été renvoyé directement au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Le grief a été entendu le 6 avril 2010. Il a été renvoyé à l’arbitrage le 23 juin 2010. En août 2010, le grief a été rejeté au troisième palier de la procédure de règlement des griefs.

3 Le fonctionnaire ne conteste pas les faits importants qui ont causé son congédiement. Le litige entre les parties est lié au caractère approprié ou non de la sanction imposée, soit le congédiement. 

II. Résumé de la preuve

4 Lynn Leblanc, gestionnaire, Enquêtes et éthique professionnelle en milieu de travail; Erica Usher, directrice principale, Opérations géographiques; Anna Mae Grigg, gestionnaire, Programme d’immigration; Claudette Deschênes, sous-ministre adjointe, Opérations; Elaine Courchesnes, agente administrative régionale, ont témoigné pour l’employeur. Le fonctionnaire a témoigné en son propre nom. L’employeur a demandé à Mme Courchesnes de témoigner en contre-preuve.

5 L’employeur a produit en preuve deux cahiers de pièces justificatives contenant 27 documents, numérotés de 1 à 10 puis de A à Q, et trois autres documents. Le fonctionnaire a produit en preuve un cahier de pièces justificatives, contenant sept documents, ainsi que deux autres documents.

6 Il est ressorti clairement de la preuve que l’employeur avait eu connaissance d’un problème lié à l’utilisation de l’Internet par le fonctionnaire le 21 août 2009. Dans le cadre de ses responsabilités, Mme Leblanc surveillait les activités à la Section des enquêtes, menant notamment des enquêtes administratives à l’égard des employés lorsqu’il y a lieu. Elle a témoigné qu’elle avait reçu un appel le 21 août 2009 du Groupe de la sécurité de la TI, l’avisant que l’utilisation de l’Internet du fonctionnaire à des fins non reliées à son travail était particulièrement élevée, et qu’un examen de leur part avait révélé qu’il visionnait du matériel pornographique. Mme Leblanc a témoigné que le Groupe de la sécurité de la TI effectuait, dans le cadre normal de ses activités, des contrôles aléatoires de l’utilisation de la bande passante des employés de CIC. Elle a expliqué qu’aucun seuil précis d’utilisation n’était consigné pour déclencher une enquête car l’utilisation personnelle de l’Internet par les employés est tolérée à un certain point. Elle a également témoigné qu’elle n’était pas au courant de l’existence de l’utilisation par le ministère d’un système servant à déceler et à avertir les employés de leur utilisation excessive de l’Internet. Dans cette affaire, le Groupe de la sécurité de la TI a communiqué avec elle en raison du caractère sexuel des consultations effectuées par l’employé sur Internet.  

7 Mme Leblanc a témoigné que le Groupe de la sécurité de la TI avait téléchargé une copie de toutes les images qui se trouvaient dans la mémoire cache de l’ordinateur du fonctionnaire. Elle a expliqué que la mémoire cache est un emplacement de stockage temporaire des données sur le disque dur d’un ordinateur, dans lequel se trouve les images des sites Internet visités. La mémoire cache ne peut contenir qu’un volume limité de données, et ces données sont donc continuellement effacées et remplacées par de nouvelles données. Le 20 août 2009, le Groupe de la sécurité de la TI a copié le matériel qui se trouvait dans la mémoire cache de l’ordinateur du fonctionnaire à cette date. Il s’y trouvait 335 images sexuellement explicites (pièce E-1, onglet D; la pièce E-2, à l’onglet 10, reproduit les mêmes images, mais en couleurs). La plupart des images représentaient des personnes nues se livrant à des activités sexuelles, y compris des images de ligotage.

8 Mme Leblanc a vérifié si le mot de passe du fonctionnaire était sécuritaire et s’il se trouvait au travail lorsque les images avaient été visionnées à son poste informatique afin de s’assurer que le fonctionnaire était la personne qui les avait consultées. Elle a également témoigné que les images en mémoire cache avaient été examinées par les services de sécurité du ministère et les services policiers afin de vérifier s’il ne s’y trouvait pas des images potentiellement de nature criminelle, par exemple de la pornographie juvénile. Ce n’était pas le cas.

9 Le 11 septembre 2009, le directeur général, Région internationale, et le directeur, Gestion de l’effectif, ont rencontré le fonctionnaire afin de lui fournir une copie des faits allégués. Lors de cette rencontre, le fonctionnaire a admis avoir utilisé les services Internet de façon excessive et avoir visionné des images sexuellement explicites durant ses heures de travail. Il s’est engagé à collaborer entièrement à l’enquête et a expliqué qu’il avait agi ainsi notamment parce qu’il s’ennuyait travail et qu’il n’avait pas assez de travail pour occuper son temps (pièce E-1, onglet B).

10 Mme Leblanc a rencontré le fonctionnaire le 25 septembre 2009 (pièce E-1, onglet C). Elle a présenté au fonctionnaire le compte rendu de cette réunion. Le fonctionnaire a apporté certaines corrections au compte rendu. Mme Leblanc a préparé un rapport préliminaire, qu’elle a également présenté au fonctionnaire. Il a rédigé une réponse au rapport, ne contestant pas la véracité des éléments essentiels des allégations mais y apportant toutefois des explications contextuelles (pièce E-2, onglet Q).

11 L’enquête de Mme Leblanc a révélé qu’en septembre, octobre et novembre 2008, puis de nouveau en mai, juin, juillet et août 2009, le fonctionnaire avait passé beaucoup de son temps au bureau à naviguer sur Internet. Comme il suivait des cours de langue de janvier à mai 2009, cette période a été exclue de l’enquête. Lors de sa rencontre avec Mme Leblanc, il a reconnu passer entre 50 % et 100 % de ses journées au bureau à naviguer sur Internet. Au début, selon Mme Leblanc, il disait qu’il consacrait de 25 % à 50 % de ce temps à naviguer à des raisons personnelles, sauf qu’après avoir passé en revue avec lui le détail de son temps passé sur Internet, il a admis que c’était plutôt de l’ordre de 50 % à 75 % du temps qu’il passait à des activités non reliées à son travail sur Internet, notamment à consulter des sites de nouvelles et de sports, entre autres.   

12 Or, l’enquête a révélé que non seulement passait-il une large part de son temps à consulter des sites de nouvelles et d’intérêt général, il consacrait également beaucoup de temps à visionner des images sexuellement explicites dans un site Web appelé « Flick’r », un site de partage d’images et de photos, et sur Wikipedia. Le fonctionnaire avait également un compte Flick’r (pièce E-1, onglet F) et était membre de divers forums de discussion à caractère sexuel par le biais de Flick’r. Par le truchement de son compte il a aussi fait des commentaires à caractère sexuel durant ses heures de travail à propos de deux photographies affichées dans Flick’r. Mme Leblanc a témoigné que le fonctionnaire avait transmis des liens vers des photos et des pratiques sexuellement explicites à son adresse courriel personnelle de la maison et qu’il procédait ainsi depuis au moins le 29 juin 2009 (pièce E-1, onglet G).

13 Mme Leblanc a témoigné qu’elle et ses enquêteurs avaient choisi au hasard quatre journées du mois d’août 2009 à titre d’exemples de l’utilisation de l’Internet par le fonctionnaire pendant qu’il se trouvait au travail. Ces exemples sont décrits dans son rapport (pièce E-1, onglets I à L). Par ailleurs, le 20 août 2009 a été choisie parce que c’est ce jour-là que le Groupe de la sécurité de la TI a reconnu le problème. Cette journée-là, le fonctionnaire a navigué sur Internet quasiment en continu entre 8 h et 13 h. Durant cette période, il a passé environ deux heures dans le site Flick’r et y a visionné environ 43 images pornographiques. Mme Leblanc a témoigné que, dans l’ensemble, 70 % de la navigation du fonctionnaire sur Internet cette journée-là était consacrée à des sites n’ayant aucun lien avec son travail. Un modèle d’activité similaire a été relevé pour les journées du 18, 10 et 7 août 2009. Mme Leblanc a cependant reconnu que, malgré qu’il ait effectivement consulté des sites inappropriés, l’essentiel de sa navigation était consacré à des sites de nouvelles et de sports.

14 Mme Leblanc a aussi convenu que le fonctionnaire s’était montré très ouvert et coopératif lorsqu’elle l’a rencontré à ce sujet (pièce E-1, onglet C, notes d’entrevue). Il a répondu à toutes les questions qu’on lui a posées et a exprimé des remords et son embarras relativement à cette situation. Elle a aussi témoigné que, sans toutefois avoir rencontré les collègues de travail de l’employé, elle n’était pas au courant de plaintes au sujet de la nature ou du temps passé par le fonctionnaire à ses activités sur Internet.

15 Mme Leblanc a affirmé que le fonctionnaire lui avait dit lors de l’entrevue avec ce dernier qu’il trouvait qu’on ne lui confiait pas suffisamment de travail. Par ailleurs, il a aussi répondu aux constats du rapport d’enquête que Mme Leblanc a partagé avec lui le 16 octobre 2009 (pièce E-2, onglet 8), en présentant une déclaration écrite datée du 22 octobre 2009 (pièce E-2, onglet Q). Tout en reconnaissant l’essentiel des allégations faites à son égard, il a expliqué qu’il y avait des circonstances atténuantes, mentionnant notamment qu’à partir du mois de mai 2009, au retour de ses cours de langue seconde, et ce jusqu’au moment de l’enquête, en août et septembre 2009, il n’avait pas suffisamment de travail à faire.

16 Les deux supérieurs immédiats du fonctionnaire ont témoigné. Mme Usher a été nommée directrice principale de la section des Opérations géographiques (RIO) en septembre 2009. Au moment des événements en cause, elle était directrice de la Coordination des opérations (RIM) pour la région internationale. (Les témoins n’ont pas pu expliquer le sens précis de ces acronymes.) Le fonctionnaire relevait de Mme Usher de mai 2009 à octobre 2009. À l’époque, trois employés, dont le fonctionnaire, relevaient directement de cette dernière. Les autres fonctionnaires étaient des cadres intermédiaires, chargés de portefeuilles spécifiques et ayant d’autres fonctionnaires sous leur direction, alors que le fonctionnaire en question n’avait personne sous sa direction. Contrairement aux autres employés, il n’avait pas de fonction attitrée en particulier ni de tâches courantes à accomplir. Elle lui affectait plutôt des projets particuliers à réaliser.

17 Mme Usher a témoigné que, du mois de mai 2009 jusqu’à ce qu’il prenne ses vacances annuelles en juillet 2009, le fonctionnaire travaillait à la réalisation d’un projet particulier, soit celui de la construction des nouveaux bureaux de CIC à Mexico. Il travaillait à la planification du projet, et a préparé un document à l’intention des agents travaillant au Mexique et portant sur les modalités d’évaluation des demandes de visa dans ce pays. Lorsqu’il a quitté pour ses vacances, il avait terminé l’essentiel du travail qu’il devait faire dans le cadre de ce projet et il avait remis le fruit de son travail. Tout juste avant les vacances du fonctionnaire, Mme Usher lui a confié un projet de moins grande envergure portant sur les Jeux olympiques, qu’elle a qualifié comme représentant une demi-tâche. Elle signale toutefois qu’en plus de relever d’elle, le fonctionnaire relevait également de Mme Grigg, directrice principale, RIO.

18 Mme Usher a affirmé qu’elle n’exerçait pas une surveillance étroite du fonctionnaire. Selon elle, les agents classifiés à l’échelon du fonctionnaire devaient être en mesure de travailler de manière autonome, sans être étroitement surveillés. Elle a dit qu’elle lui indiquait les projets à réaliser et qu’ils convenaient ensemble d’un échéancier pour leur achèvement. Elle s’attendait à ce qu’il lui dise combien de temps il lui faudrait pour réaliser chacun des projets. Elle souligne toutefois qu’en septembre 2009, lorsqu’elle a été nommée directrice principale de la section RIO, le fonctionnaire a commencé à venir la voir plus souvent pour qu’elle lui confie du travail et qu’elle lui donnait davantage de directives écrites au sujet des mandats à accomplir. Avant cette époque, il n’y avait que très peu de directives écrites au sujet du travail à effectuer.

19 Mme Usher a affirmé avoir été surprise du fait qu’il disait ne pas avoir suffisamment de travail à effectuer. Elle se disait que s’il voulait plus de travail, il n’avait qu’à venir lui demander s’il y avait autre chose à faire. Elle a toutefois convenu qu’en été cela pouvait poser un problème particulier, car c’est habituellement à ce moment que les employés effectuent leur transition vers leurs nouvelles affectations. Elle a également souligné qu’elle était en vacances pendant une bonne partie du mois d’août, et qu’elle se préparait par la suite à assumer ses nouvelles fonctions à titre de directrice principale de son service. Elle a signalé qu’elle savait que le fonctionnaire travaillait également pour Mme Grigg, et croyait qu’il avait aussi du travail à accomplir pour cette dernière. Elle a précisé qu’elle et Mme Grigg se rencontraient à l’occasion pour discuter des priorités des projets qui étaient confiés au fonctionnaire, admettant toutefois ne pas vraiment connaître l’ampleur de la charge de travail totale du fonctionnaire. Enfin, elle n’a pas mis en doute les circonstances atténuantes figurant dans la déclaration du fonctionnaire (pièce E-2, onglet Q).

20 Mme Grigg est présentement affectée au consulat du Canada à New York. Au moment du congédiement du fonctionnaire, elle était directrice principale du RIO. Elle a été la supérieure immédiate du fonctionnaire de juin 2008 à août 2009. De janvier à août 2008, Mme Grigg était directrice de programme dans le cadre d’un projet portant sur la mise en œuvre du projet de loi C-50. Durant cette période, il relevait directement de cette dernière. Elle a témoigné qu’elle n’avait rien à lui reprocher au sujet de son rendement relativement à ce projet.

21 Lorsqu’elle a été nommée directrice principale du RIO en août 2008, le projet de mise en œuvre du projet de loi C-50 est demeuré l’une de ses attributions, et le fonctionnaire a continué de relever directement d’elle; il a travaillé avec l’équipe chargée de la mise en œuvre du projet de loi C-50 jusqu’à ce qu’il quitte afin de suivre sa formation en français langue seconde en janvier 2009. Le projet de loi C-50 était en voie de s’achever à ce moment.

22 À son retour de sa formation linguistique en français, il relevait dorénavant à la fois de Mme Grigg et de Mme Usher. Ces dernières se rencontraient à l’occasion pour discuter de son travail. Mme Grigg a témoigné que, bien qu’elle lui parlait presque tous les jours, elle n’exerçait pas une surveillance étroite de son travail. Elle estimait qu’il était autonome et qu’il pouvait gérer son travail par lui-même.   

23 Mme Grigg a témoigné que, malgré la fin du projet de mise en œuvre du projet de loi C-50, il y avait encore beaucoup de travail à accomplir au sein de la division des régions internationales. Elle avait assigné le fonctionnaire à la réalisation d’un projet visant à constituer un centre de ressources pour les chercheurs. Il devait préparer la documentation de fond au sujet de divers pays dont avaient besoin les analystes des politiques. Bien qu’il ait préparé le document tel que requis, elle a noté qu’il lui avait dit ne pas vouloir prendre d’autre travail dans le cadre de ce projet car il s’apprêtait à quitter son emploi et ne voulait pas accepter des projets qu’il ne pourrait pas compléter. Mme Grigg s’est opposée à toute suggestion voulant qu’il n’y ait pas suffisamment de travail à effectuer. Elle a affirmé que du mois de mai à la mi-juillet 2009, les employés de sa division travaillaient des journées de 12 à 14 heures en raison des centaines d’heures de travail supplémentaires occasionnées par la mise en place des nouvelles exigences de visa pour le Mexique. Le fonctionnaire possédait toutes les compétences requises pour un tel travail et aurait pu demander qu’on lui confie du travail dans ce dossier.

24 Mme Grigg a été appelée à formuler des commentaires au sujet de la réponse du fonctionnaire relativement au rapport d’enquête (pièce E-2, onglet Q). À part le fait qu’il avait refusé sa proposition de poursuivre l’élaboration du projet de centre de ressources et que son document constituait à peine plus qu’un document de réflexion général au sujet des prochaines étapes à réaliser parce qu’il voulait quitter son emploi, elle n’a pas réfuté les affirmations du fonctionnaire dans sa déclaration au sujet de ses diverses affectations.

25 Mme Grigg a été affectée au consulat du Canada à New York et était absente durant le mois d’août 2009, combinant ses vacances annuelles à ses démarches en vue de trouver une maison. Elle a tenu pour acquis qu’un directeur par intérim la remplaçait pendant le mois d’août 2009, sans pouvoir préciser quelle personne avait été affectée à ces fonctions ni quel travail avait été confié au fonctionnaire après son départ.

26 Tant Mme Usher que Mme Grigg ont témoigné que, bien que le travail du fonctionnaire pouvait nécessiter l’utilisation de l’Internet pour effectuer des recherches, le temps consacré à effectuer ces recherches n’était pas élevé. Selon Mme Usher, de mai à août 2009, seulement deux mandats qui avaient été confiés au fonctionnaire auraient pu nécessiter des recherches sur Internet, représentant environ une semaine et une journée de travail. Pour sa part, Mme Grigg estimait que le travail qu’elle lui avait confié ne devait pas nécessiter plus d’une heure par jour de recherches sur Internet. Aucune des deux n’étaient au courant des activités indues du fonctionnaire, et les deux se sont dites stupéfaites d’apprendre qu’il visionnait du matériel inapproprié pendant ses heures de travail.

27 Mme Deschênes est sous-ministre adjointe, Opérations, à CIC. Elle est la personne qui a décidé de licencier le fonctionnaire et qui a signé la lettre de renvoi. Elle a témoigné qu’elle avait tenu compte des conclusions du rapport d’enquête et de la déclaration du fonctionnaire en réponse au rapport. Elle a consulté le Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique (pièce E-2, onglet 2), le Code de conduite (pièce E-2, onglet 3) et la Politique d’utilisation des réseaux électroniques (pièce E-2, onglet 4) lors de la détermination de la sanction. Elle a sous-pesé la gravité des faits reprochés par rapport aux facteurs atténuants, dont les années de service, le dossier disciplinaire vierge et les évaluations du rendement du fonctionnaire, et d’autres éléments liés au rendement non visés par les évaluations du rendement.   

28 Mme Deschênes a témoigné qu’au moment de rendre la décision de licencier le fonctionnaire, elle estimait qu’il consacrait beaucoup de son temps à visionner des images pornographiques, à tout le moins en 2009. Elle a affirmé qu’elle jugeait qu’il passait 50 % de son temps à regarder de telles images. Elle a témoigné que la quantité de pornographie qu’il visionnait était problématique.  

29 Mme Deschênes a estimé que le fonctionnaire n’avait pas été à la hauteur des attentes de CIC envers ses employés en matière d’éthique. Elle a affirmé qu’il n’avait pas non plus mérité le salaire qui lui avait été versé et qu’il aurait dû demander du travail s’il n’en avait pas suffisamment à effectuer. Elle a témoigné qu’elle estimait essentiel de pouvoir avoir confiance dans un agent des visas, et qu’elle ne pouvait plus avoir confiance en lui. Bien qu’elle ait convenu qu’il avait fait preuve d’ouverture et de transparence pendant l’enquête, elle a jugé invraisemblable son affirmation selon laquelle il ne savait pas combien de temps il passait à l’ordinateur.

30 Mme Deschênes a reconnu que le fonctionnaire avait demandé d’occuper un poste non-permutant et, par conséquent, il avait été affecté auprès de la section RIM au lieu d’être affecté à un poste comme tel. Elle croyait que le fait pour le fonctionnaire de suivre une formation en langue seconde s’inscrivait dans la stratégie de l’employeur visant à l’aider à obtenir un poste non-permutant. Elle a expliqué que tous les postes du service extérieur étaient des postes permutants, c’est-à-dire que le titulaire doit accepter des affectations à l’étranger. S’il avait voulu occuper un poste non-permutant, il aurait dû alors changer de classification.

31 Le fonctionnaire a commencé sa carrière à titre d’agent du service extérieur auprès de CIC en octobre 1982, dans le cadre du Programme de perfectionnement du service extérieur. Il a été classifié à l’échelon FS-01 en 1983 et il a entrepris sa première affectation à l’étranger en 1984. De 1984 à 2000, il était régulièrement affecté à l’étranger. Depuis 2000, sauf quelques affectations à court terme à l’étranger, il a surtout été en poste à Ottawa. 

32 En raison d’événements survenus dans sa vie personnelle, il a demandé d’occuper un poste non-permutant. Il réalisait qu’il lui faudrait sans doute quitter le groupe des FS mais souhaitait demeurer au service du même employeur. Après une rencontre en octobre 2006 avec la directrice du personnel, Ninon Valade, il a accepté d’être affecté auprès de la section RIM à des fonctions qui devaient commencer en janvier 2007; la durée de cette affectation devait être d’un an à 18 mois. L’employeur s’est engagé à l’aider à atteindre son objectif d’obtenir un poste non-permutant. Dans le cadre de cette entente, il a été convenu qu’il suivrait des cours de langue seconde à la fin de son affectation au RIM (pièce G-1, onglet 5). Le fonctionnaire reconnaît qu’il avait présenté une demande à un poste permutant classifié FS-04 à l’été 2009. Cela aurait été une promotion s’il l’avait obtenu. Il n’a cependant pas été choisi à l’étape de présélection du concours.

33 Le fonctionnaire croyait que son affectation au RIM prendrait fin et qu’il commencerait ses cours de langue seconde à l’été 2008, car, au ministère, la plupart des transitions ont lieu durant l’été, lorsque les agents du service extérieur transitent vers leur nouvelle affectation. En l’occurrence, il n’a commencé ses cours de langue seconde qu’en janvier 2009.

34 Il a commencé à travailler à titre d’analyste principal au RIM en janvier 2007. Il a été affecté à la mise en œuvre des modifications apportées à la Loi sur l’immigration dans le cadre du projet de loi C-50. Il a témoigné que cela exigeait qu’il effectue des projections de charges de travail, la modélisation de situations hypothétiques et des évaluations de coûts. Ce travail nécessitait une certaine utilisation de l’Internet.

35 L’affectation du fonctionnaire dans le cadre du projet sur la mise en œuvre du projet de loi C-50 a duré plus longtemps que prévu. Son détachement afin de suivre les cours de langue seconde a été retardé, tout d’abord à l’automne 2008, puis au mois de janvier 2009. Il a témoigné que, puisqu’on savait qu’il allait suivre des cours de langue seconde, on ne lui avait pas confié d’affectations à plus long terme.

36 Il a expliqué qu’au moment de son retour des cours de langue seconde en mai 2009, il n’avait pas été affecté à un poste en particulier mais plutôt à la réalisation de divers projets. Il relevait alors directement de deux supérieurs immédiats différents, Mme Usher et Mme Grigg, qui lui confiaient l’une et l’autre différents projets à accomplir. Il a affirmé que même s’il avait travaillé à certains projets, notamment la planification de la mise en œuvre des exigences de visa pour le Mexique et de la République tchèque, vers la fin de juillet 2009, il les avait essentiellement terminés et il n’avait à peu près plus de travail à effectuer. On l’a affecté à des tâches de liaison dans le cadre du projet des Jeux olympiques de 2010, mais cela était plutôt du travail à temps partiel. Mme Grigg lui a confié un autre projet en juillet 2009, celui d’élaborer une proposition sur l’établissement d’une unité d’analyse statistique pour aider les analystes dans la préparation de documents d’information. Il a expliqué qu’il avait préparé une proposition et un document sur les prochaines étapes éventuelles du projet, et qu’il devait obtenir des décisions de ses supérieurs avant que le projet puisse passer aux prochaines étapes. Il a témoigné avoir accompli toutes les tâches qui lui avaient été confiées dans les délais prévus, et que personne ne lui avait parlé de quelque problème au sujet de son travail ni à propos de son rendement au travail.

37 Le fonctionnaire reconnaît que, bien qu’il devait recourir à l’Internet pour effectuer des recherches dans le cadre de son travail, il l’avait également utilisé à des fins autres que son travail. Il a dit qu’il s’intéressait aux actualités et qu’il visitait souvent des sites de nouvelles et de sports. Il consultait également les horaires des parties de soccer de l’équipe dont il était l’instructeur et il trouvait pratique de pouvoir effectuer ses transactions bancaires en ligne. Il a dit qu’il avait constaté que d’autres employés consultaient des sites de nouvelles ou effectuaient des transactions bancaires en ligne pendant qu’ils étaient au travail et considérait que, puisqu’il avait terminé ce qu’il avait à faire, cela était acceptable. Il a affirmé également qu’il laissait souvent son ordinateur ouvert à un site Internet. Il ne savait pas s’il existait un mécanisme faisant en sorte que l’ordinateur ferme la session ou un site après plus de trois minutes d’inactivité sur la page du site consulté.

38 Il a témoigné qu’il ne réalisait pas qu’il faisait une si grande utilisation de l’Internet au bureau. Il a dit qu’il avait déjà été informé par le directeur du service à l’époque, Bruce Scofield, que son utilisation de l’Internet était élevée et qu’il devait réduire son utilisation. Il a affirmé que personne d’autre ne l’avait abordé par la suite au sujet de son utilisation de l’Internet et qu’on ne lui avait jamais dit qu’il n’existait pas de système de surveillance de cette utilisation. Après cet entretien avec M. Scofield, il a réduit son utilisation. Il a dit ne pas se souvenir à quel moment son utilisation de l’Internet a recommencé à augmenter. Il a affirmé en outre qu’il estimait que le fait de consulter des sites Internet ne nuisait pas à sa capacité d’effectuer le travail qui lui était confié.

39 Il a témoigné que, vers la fin du mois de juillet ou au début du mois d’août 2009, il avait découvert le site web Flick’r en naviguant sur Internet à la maison. Il a dit ne pas se rappeler à quel moment précis il avait découvert ce site, mais que c’était vers le milieu de l’été. Il a affirmé que c’est alors qu’il s’était mis à visionner des images sexuellement explicites au bureau. En contre-interrogatoire, il a reconnu qu’il avait envoyé de son poste de travail au bureau à son courriel personnel à la maison un lien vers le site Wikipedia portant sur la description d’une pratique sexuelle explicite, le 29 juin 2009 (pièce E-1, onglet G).

40 Flick’r est un site de partage de photos auxquels les membres du site sont tenus de s’inscrire pour l’utiliser. Le fonctionnaire s’est inscrit de chez lui, à la maison, en utilisant son adresse courriel personnelle de la maison, et a créé son compte et un mot de passe. Bien que Flick’r ne soit pas en soi un site pornographique, ses membres peuvent y afficher des images sexuellement explicites et certains le font. Le fonctionnaire a reconnu qu’il avait accédé à de telles images sexuellement explicites pendant qu’il était au bureau, tout en insistant qu’il n’avait jamais envoyé ces images à d’autres personnes et qu’aucun de ses collègues de travail n’étaient au courant de cette activité ni s’en était plaint. Il a reconnu toutefois qu’à titre de membre de Flick’r, il pouvait formuler des commentaires à propos des photos qui y sont affichées, et qu’il l’avait effectivement fait, à deux reprises. Il a dit qu’il était aussi membre de trois groupes de clavardage, et qu’il avait des contacts virtuels parmi les membres du site Flick’r. Il a reconnu également avoir envoyé par courriel des liens Internet pour du matériel relativement à des pratiques sexuellement explicites, de son travail à son courriel de la maison.

41 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait été estomaqué d’apprendre l’existence de l’enquête à son sujet. Par ailleurs, il n’avait rien à redire au sujet du déroulement de l’enquête comme tel. Il estimait que les personnes procédant à l’enquête s’étaient montrées sensibles et équitables. Il a tenté d’être honnête et franc et de répondre en toute franchise aux questions qui lui étaient posées. Il ne pouvait expliquer son comportement. Il a dit qu’à un certain moment il avait laissé sa vie personnelle s’immiscer dans sa vie professionnelle, mais qu’il ne pouvait expliquer pourquoi. Il affirme que cela était simplement [traduction] « un geste vraiment stupide » de sa part et que cela le gênait beaucoup. Après avoir été mis au fait de l’enquête, il a fermé son compte Flick’r et a fait attention à son utilisation de l’Internet au bureau parce qu’il voulait être certain que son comportement à cet égard soit convenable.

42 En ce qui a trait à l’aménagement de son bureau, le fonctionnaire a témoigné que l’écran de l’ordinateur faisait face à la fenêtre. Quelqu’un qui regarderait par la porte de son bureau n’aurait pas pu voir l’écran. Au cours de son témoignage, Mme Leblanc a suggéré qu’il n’était pas acceptable que l’écran d’un ordinateur soit face à la fenêtre. Cependant, en réponse à une question à cet égard, le fonctionnaire a affirmé qu’au meilleur de son souvenir, le bureau était déjà aménagé de cette manière lorsqu’il lui a été affecté. Malgré la suggestion de l’employeur déclarant le contraire durant l’audience, il maintient qu’il ne se souvient pas d’avoir lui-même déplacé l’écran dans cette position.  

43 Mme Courchesnes a été appelée à témoigner en contre-interrogatoire par l’employeur relativement à la question de l’aménagement du bureau du fonctionnaire. Elle est une agente administrative régionale, notamment responsable de l’approvisionnement et des postes de travail informatiques. Elle compte quelque 18 années de service et connaît le fonctionnaire depuis le milieu des années 1990. Elle a identifié le plan d’aménagement des locaux, montrant notamment l’emplacement du bureau du fonctionnaire et la configuration de son poste de travail informatique (pièces E-5 et E-6).

44 Mme Courchesnes a témoigné qu’elle avait reçu un courriel (pièce E-4) le 2 juin 2008, l’avisant que le fonctionnaire aménagerait dans son nouveau bureau le 9 juin 2008. Elle a mentionné s’être rendue à son bureau cette journée-là parce qu’il avait des demandes spéciales. Elle a remarqué qu’il avait déplacé le poste de travail informatique. Elle a souligné qu’il était inhabituel pour un employé de déplacer lui-même son poste informatique et que c’était normalement son travail de présenter une demande au Groupe de la sécurité de la TI pour faire déplacer un poste informatique. Elle a précisé que, bien que cela l’ait contrariée qu’il ait déplacé le poste informatique lui-même, cela lui faisait une tâche de moins à effectuer. Elle ne lui a pas demandé de le remettre à l’endroit où il se trouvait avant.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

45 L’employeur a fait valoir que les faits substantiels dans cette cause n’étaient pas contestés, et que la question à trancher était de savoir si la sanction imposée était raisonnable en l’instance. Il s’agit d’une cause importante, car elle fera jurisprudence en ce qui a trait aux mesures disciplinaires appropriées dans les cas de vol de temps par un fonctionnaire et de visionnement de pornographie au bureau pendant les heures de travail.

46 Il s’agit entre autres d’un cas évident de vol de temps. Il ne fait aucun doute qu’une certaine utilisation des services Internet de l’employeur à des fins non reliées au travail pendant les heures de travail, au bureau, sont des faits reconnus et acceptés comme tels de part et d’autre. Il convient toutefois de souligner que ce ne sont pas toutes les instances d’utilisation inacceptable des services Internet de l’employeur qui constituent pour autant un vol de temps; en effet, il convient de distinguer entre une utilisation inacceptable de l’Internet à des fins personnelles et le vol de temps. Toutefois, dans le cas qui nous occupe, il n’est pas nécessaire de départager entre l’utilisation inacceptable et le vol de temps, car le temps consacré par le fonctionnaire à naviguer sur Internet à des fins non reliées à son travail était à ce point extrême qu’on ne peut faire autrement que de conclure qu’il y a effectivement eu vol de temps. L’employeur cite les causes suivantes en ce qui concerne la question du vol de temps : Canada Safeway Ltd. v. United Food and Commercial Workers, Local 401, [2003] A.G.A.A. No. 95 (QL); Maple Leaf Meats (Brandon) v. United Food and Commercial Workers Union, Local 832 [2004] M.G.A.D. no 31 (QL); Invista Canada Inc. v. Kingston Independent Nylon Workers Union (2005), 142 L.A.C. (4e) 435; TRW Canada Ltd. v. Thompson Products Employees’ Assn (2005) 83 C.L.A.S. 131; CUPE (Syndicat des employés publics d’Ottawa-Carleton), Section locale 503 v. Ottawa (Ville), [2010] O.L.A.A. no 23 (QL); William Osler Health Centre v. CUPE, Local 145, [2011] O.L.A.A. No.75 (QL); et PGI Fabrene Inc v. Northern Independent Union, [2011] O.L.A.A. no 84 (QL).

47 Les cas de vol de temps ne peuvent être retreints seulement aux situations dans lesquelles un employé modifie de manière frauduleuse sa carte de temps. Le fait d’être assis à son bureau et de passer la moitié de sa journée à naviguer sur Internet tout en étant rémunéré pour une pleine journée de travail est tout aussi frauduleux que de trafiquer sa carte de temps, car le fondement de cette contravention consiste à réclamer une rémunération pour du temps non travaillé. Dans la présente affaire, la preuve révèle que le fonctionnaire était assis à son bureau et passait la moitié de ses journées à naviguer sur Internet, des mois durant, touchant par la suite son plein salaire pour du temps non travaillé, ce qui est tout aussi frauduleux que de trafiquer sa carte de temps.

48 L’employeur a souligné que le fonctionnaire avait cherché à excuser son comportement de deux façons. Tout d’abord, il a prétendu qu’il ne savait pas que son utilisation personnelle de l’Internet au bureau était au-delà de la norme, puisque d’autres employés naviguaient aussi sur Internet au bureau et, deuxièmement, il disait qu’il n’avait pas suffisamment de travail pour l’occuper à plein temps. Aucune de ces défenses n’est acceptable.

49 Quant à la prétention du fonctionnaire selon laquelle il ne savait pas que son utilisation personnelle de l’Internet au bureau était au-delà de la norme, l’employeur allègue que le bon sens aurait dû lui dicter que le fait de passer la moitié de sa journée à consulter du matériel à des fins non reliées à son travail était ni raisonnable, ni acceptable. L’employeur cite à cet effet Gannon c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2002 CRTFP 32 (décision infirmée pour d’autres motifs dans l’arrêt 2004 CAF 417), en ce qui a trait au principe voulant qu’il existe un code de bonne conduite individuelle fondé sur le bon sens que les employés devraient comprendre sans que cela leur soit dicté par l’employeur.

50 Quant à la prétention que le fonctionnaire n’avait pas suffisamment de travail à effectuer, ses deux supérieurs immédiats ont témoigné qu’il y avait plus de travail qu’il n’en fallait dans ses deux sections d’attache, alors que tous les employés autour de lui travaillaient des journées de 12 à 14 heures. S’il voulait du travail, il n’avait qu’à en demander. Il ne l’a pas fait.

51 En ce qui a trait au deuxième motif de renvoi, le visionnement de pornographie au travail, l’employeur soutient qu’il va sans dire qu’une telle conduite mérite d’être sanctionnée. En l’instance, le matériel visionné était particulièrement de mauvais goût, car il comprenait des images d’actes sexuels explicites, notamment du ligotage. De plus, le fonctionnaire n’a pas visualisé de telles images seulement qu’une fois. En effet, il y avait 335 images dans la mémoire cache de son ordinateur au moment de son analyse, et la preuve est claire a clairement démontré que le contenu de la mémoire cache est continuellement effacée et remplacée dès que du nouveau contenu est consulté. Bien que le fonctionnaire ait cherché à minimiser son comportement à l’audience en prétendant n’avoir commencé à visionner des images pornographiques seulement qu’à compter du 4 août 2009, la preuve révèle qu’il envoyait des images pornographiques à son courriel personnel à partir de son ordinateur au bureau aussi tôt que le 29 juin 2009.

52 Le comportement du fonctionnaire allait au-delà du simple visionnement d’images pornographiques. Il s’est activement joint à des groupes de clavardage ayant des intérêts similaires et à entretenu des contacts aux intérêts similaires. Il a commenté des images pornographiques affichées par d’autres personnes et transféré vers son courriel personnel des liens vers des images pornographiques. Il ne s’agissait pas ici d’une aberration passagère de son comportement, mais d’un modèle persistant d’abus qui, à lui seul, justifierait son renvoi. L’employeur cite les arrêts suivants au sujet de l’utilisation inappropriée de l’Internet : Briar et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada-Services correctionnels), 2003 CRTFP 3; Nova Scotia Teachers’ Union v. Chignecto-Central Regional School Board (2004), 126 L.A.C. (4e) 267; Owens Corning Canada Ltd. v. Union of Needletrades, Industrial and Textile Employees, Local 1350 (2005), 142 L.A.C. (4e) 62; Ontario Public Service Employees Union v.. Ontario (Ministry of Natural Resources) (2005), 143 L.A.C. (4e) 14; Petrucelli v. Canadian National Railway Co., [2005] C.L.A.D. no113 (QL); Backman v. Maritime Paper Products Ltd., 2008 NBBR 219 (confirmé dans 2009 NBCA 62); Health Sciences Assn. of Alberta (Paramedical, Technical and Professional Employees) v. Alberta Health Services (2010), 198 L.A.C. (4e) 77.

53 L’employeur a déclaré que le seul fait du vol de temps justifiait le congédiement de l’employé. Il a souligné que ce fait, joint à la preuve du visionnement d’images pornographiques au travail, justifiait encore plus clairement le renvoi de l’employé. Ces deux comportements contreviennent à diverses dispositions du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique (pièce E-2, onglet 2), du Code de conduite (pièce E-2, onglet 3) et de la Politique d’utilisation des réseaux électroniques (pièce E-2, onglet 4). Ces deux comportements sont tout à fait incompatibles avec le fait d’être titulaire des fonctions d’agent du service extérieur. Ce qui plus est, les excuses invoquées à sa décharge à l’encontre des allégations de vol de temps, soit qu’il ne savait pas que son utilisation de l’Internet était excessive et qu’il n’avait pas suffisamment de travail à faire, sont autant de facteurs aggravants.

54 L’employeur doute également de la crédibilité et de la prétendue transparence du fonctionnaire. Il a tenté de minimiser son utilisation de l’Internet à des fins non reliées à son travail, et ce, jusqu’à ce que l’enquêteur le confronte avec les faits. En outre, la preuve présentée lors de l’audience suggère que son utilisation de l’Internet à des fins non reliées à son travail aurait été plus excessive encore, et sur une période plus longue que celle admise par le fonctionnaire, puisque ses supérieurs immédiats ont témoigné qu’il n’y avait que peu d’occasions pour lesquelles il devait utiliser l’Internet pour son travail. Il a également essayé de minimiser la période durant laquelle il avait visionné du matériel pornographique. Lors de l’audience, il avance que ce comportement n’avait eu lieu qu’au cours du mois d’août 2009, alors qu’il ressort clairement de la preuve que ce comportement s’était produit sur une période plus longue, remontant au moins à juin 2009.

55 L’employeur a déclaré que le manque de crédibilité du fonctionnaire ressortait de manière évidente par son témoignage rendu durant l’interrogatoire principal où il a déclaré qu’il n’avait pas déplacé l’écran de son poste informatique. Or, la contre-preuve a clairement démontré qu’il avait déplacé l’écran à un endroit hors de la vue des autres et ce, dès son arrivée à son nouveau poste de travail en 2008. L’employeur a souligné que le fait que le fonctionnaire ait déplacé ainsi l’écran de son poste informatique de manière à ce qu’il soit à l’abri des regards témoigne de son intention coupable.

56 L’employeur a allégué que les gestes du fonctionnaire justifiaient son congédiement, et a demandé le rejet du grief dans son ensemble.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

57 Le fonctionnaire n’a pas contesté les faits substantiels énoncés dans la lettre de renvoi mais a allégué que la sanction de licenciement ne tenait pas compte d’importants facteurs atténuants et que cette sanction était disproportionnée eu égard aux gestes reprochés.

58 Lors du résumé des faits pertinents à sa cause, le fonctionnaire a souligné ses 27 années de service au sein de la fonction publique, un dossier disciplinaire vierge, et des évaluations du rendement exemplaires. Il a fait preuve de transparence et de franchise durant l’enquête menée par l’employeur. Il a présenté ses excuses et a manifesté des remords tant durant l’enquête que lors de son témoignage à l’audience du grief, et a accepté la responsabilité de ses gestes.

59 Le fonctionnaire a expliqué que sa déclaration relativement aux circonstances atténuantes dans le cadre de sa réponse au rapport d’enquête (pièce E-2, onglet Q) faisait état d’une insuffisance de travail à titre d’explication de ses gestes, mais non à titre de défense. Il soutient que le fait qu’il n’avait que très peu de travail à effectuer durant la période visée était un élément pertinent, car une mesure disciplinaire est généralement en lien avec le préjudice causé à l’employeur et, dans le cas qui nous occupe, il y a très peu de preuve d’un quelconque préjudice. Il a signalé qu’à l’époque des événements, personne ne s’était plaint de la qualité de son travail ni de son rendement au travail. Il a souligné en outre qu’il occupait un poste surnuméraire, et que son poste ne comportait aucune tâche courante comme telle, mais qu’on l’affectait plutôt à la réalisation de projets particuliers. Il a déclaré également qu’aucun de ses superviseurs immédiats n’avait contesté le résumé de sa charge de travail qu’il avait présenté dans le cadre de sa réponse au rapport d’enquête (pièce E-2, onglet Q).

60 Le fonctionnaire a notamment soutenu que, dans les dossiers où des employés avaient fait l’objet de mesures disciplinaires en raison de leur consultation inappropriée de sites Internet, les arbitres et les arbitres de griefs avaient élaboré une série de facteurs atténuants, comprenant notamment l’appréciation de facteurs comme le fait que les sites consultés comportaient des images de violence ou de pornographie juvénile, et si les images visionnées avaient par la suite été diffusées à d’autres par le truchement du système informatique de l’employeur ou par d’autres moyens au sein du milieu de travail de l’employé, en sus des autres facteurs habituels comme le nombre d’années de service, le dossier disciplinaire, les évaluations du rendement, la conduite de l’individu durant l’enquête, la manifestation de remords, et l’acceptation de la responsabilité des gestes posés. S’appuyant sur Briar et al.; Canadian National Railway Co. v.. National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers Union of Canada (CAW-TCA) Local 100, [2002] C.L.A.D. no 233 (QL); Thompson and Rainer c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Services correctionnels), dossiersde laCRTFP 166-02-26560 à 26562 (19960820); Westcoast Energy Inc. v. Communications, Energy and Paperworkers’ Union of Canada, Local 686B (1999), 84 L.A.C. (4e) 185; Dupont Canada Inc v. Communication, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 28-0, [2001] O.L.A.A. No. 676 (QL); Hydro One Networks Inc. v. Power Workers’ Union, [2001] O.L.A.A. No. 758 (QL), le fonctionnaire a argumenté qu’à la lumière des facteurs atténuants qui s’appliquaient à sa situation, son congédiement était une sanction disproportionnée.

61 Le fonctionnaire a souligné que, dans les causes dans lesquelles le renvoi pour l’utilisation des services Internet de l’employeur pour accéder à des sites inappropriés avait été maintenu, d’autres considérations avaient habituellement été invoquées, comme le fait de diffuser le matériel, de ne pas accepter sa responsabilité à l’égard des gestes posés, de négliger ses responsabilités professionnelles, ou de télécharger des logiciels sans détenir une licence d’utilisation. À cet égard, le fonctionnaire a cité Telus Mobility v. Telecommunications Workers Union (2001), 102 L.A.C. (4e) 239; Canadian Union of Public Employees, Local 37 v. Calgary (City), [2003] A.G.A.A. no 30 (QL), et Krain v. Toronto-Dominion Bank, [2002] C.L.A.D. no 406 (QL), à titre d’illustration de situations dans lesquelles il a été tenu compte de certains de ces facteurs dans la décision de maintenir la sanction de congédiement.

62 Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne s’agissait pas ici d’un cas de vol de temps. Il a soutenu que l’employeur cherchait plutôt à changer les motifs pour lesquels il l’avait congédié en prétendant maintenant qu’il s’agissait dans les faits d’un cas de vol de temps. Le fonctionnaire a souligné que la lettre de congédiement mentionnait deux motifs – l’utilisation abusive de biens et de matériel du gouvernement, et l’utilisation inappropriée de biens du gouvernement. L’utilisation inappropriée de biens du gouvernement ne constitue pas un vol de temps, a-t-il soutenu. Il a cité Maloney c. Agence Parcs Canada, 2003 CRTFP 35, et l’ouvrage de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au paragraphe 7:2200. Le fonctionnaire a plaidé que la jurisprudence a établi clairement que l’employeur ne pouvait pas changer durant l’arbitrage d’un grief les motifs précis invoqués pour congédier l’employé visé.  

63 Le fonctionnaire a également plaidé que le concept de vol de temps ne s’appliquait pas à cette affaire, car les causes de vol de temps comportent généralement un élément d’activité frauduleuse, comme dans le cas du trafiquage des cartes de temps. À cet égard, il a cité Coquitlam School District No. 43 v. Canadian Union of Public Employees, Local 561, [2011] B.C.C.A.A.A. no 28 (QL), à titre d’illustration d’une situation dans laquelle l’utilisation personnelle non autorisée des services Internet de l’employeur avait été interprété comme constituant du vol de temps, alors que cette allégation jointe à d’autres n’avaient résulté qu’en une suspension d’une journée.

64 Le fonctionnaire a fait valoir que les circonstances de cette affaire ressemblaient davantage à celles de fonctionnaires ayant eu des sanctions disciplinaires pour avoir abusé des services de téléphonie interurbaine de l’employeur. Il a cité Gagné c. Conseil du Trésor (Travail Canada), dossier de la CRTFP 166-02-18356 (19890421) et Quigley c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-18034 (19890328), à titre d’illustration de causes dans lesquelles des fonctionnaires ont eu des sanctions disciplinaires pour avoir abusé du système téléphonique de l’employeur.  

65 En résumé, le fonctionnaire a déclaré que, compte tenu des facteurs atténuants importants en sa faveur, son congédiement constituait une mesure démesurée. Il a soumis en outre qu’étant donné l’absence de preuve quant à l’existence de dommages ou de préjudice causés aux activités de l’employeur, toute période de suspension qui pourrait être imposée en substitution de la sanction de congédiement ne devrait pas être pour une longue période.

C. Réponse de l’employeur

66 L’employeur a allégué qu’il n’avait pas modifié les motifs de congédiement. Les motifs de son congédiement étaient énoncés clairement dans la lettre de congédiement, et donc le fonctionnaire ne peut pas prétendre qu’il ne les connaissait pas.

67 L’employeur a également souligné que, bien que les images visionnées par le fonctionnaire ne comprenaient pas comme tel de la pornographie juvénile, on ne peut par ailleurs pas prétendre qu’il n’y avait pas d’images à caractère violent, car on y retrouve des images de ligotage. Cela a été jugé comme étant un facteur aggravant.

68 Le fait qu’aucune critique n’ait été faite au sujet du rendement du fonctionnaire ne signifie pas pour autant que l’employeur n’a pas subi de préjudice. Dans le contexte d’un milieu de travail où les autres employés étaient surchargés de travail, le fonctionnaire se négociait des échéances pour ses projets qui lui permettaient de bénéficier de beaucoup de temps libre. Il serait faux de prétendre que le rendement du fonctionnaire n’avait aucune répercussion; en fait, cela a eu une incidence manifeste sur le rendement. Les autres employés devaient travailler des heures supplémentaires alors que le fonctionnaire naviguait à sa guise sur Internet : il y avait assurément des répercussions.

IV. Motifs

69 Le fonctionnaire a été congédié de ses fonctions à titre d’analyste principal/conseiller en politiques, à la section des Opérations géographiques, Région internationale, au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, le 3 novembre 2009. Les allégations à son égard sont les suivantes :

[Traduction]

1. Utilisation inappropriée de biens et de matériel du gouvernement, notamment l’utilisation des réseaux électroniques et Internet du Ministère à des fins non reliées à son travail, notamment le visionnement et/ou la recherche de matériel répréhensible, dont des images électroniques de nature suggestive au plan sexuel;

2. Utilisation abusive de biens et de matériel du gouvernement, notamment l’utilisation des réseaux électroniques et Internet du Ministère à des fins non reliées à son travail (pièce E-2, onglet 5).

70 Le fonctionnaire a reconnu avoir agi de la manière décrite dans la lettre de congédiement. La preuve a clairement établi qu’il avait agi ainsi sur une période assez longue. De septembre 2008 à novembre 2008 inclusivement, il a consacré entre 49 % et 56 % de son temps à naviguer sur Internet. De mai 2009 à août 2009 inclusivement, il a passé entre 55 % et 64 % de chaque journée au bureau à naviguer sur Internet (pièce E-1, onglet 1). Il a admis qu’il pouvait consacrer jusqu’à 75 % de ce temps à des fins non reliées à son travail. Il a également admis qu’au cours de l’été 2009, il avait visionné du matériel sexuellement explicite, comme des images de nudité, d’actes sexuels et des actes ligotage sexuelle, pendant qu’il était au bureau (pièce E-1).

71 Puisque le fonctionnaire a admis avoir posé les gestes reprochés par l’employeur, l’essence du litige entre les parties porte sur le caractère raisonnable de la sanction de congédiement. Lors de l’audience, l’employeur a allégué l’importance de cette cause car elle établira une jurisprudence quant à la sanction appropriée dans les cas de vol de temps et de visionnement de pornographie au bureau pendant les heures de travail. L’employeur a aussi plaidé que le comportement du fonctionnaire était chronique, persistent et offensant, et que le lien de confiance nécessaire entre l’employeur et l’employé était irrémédiablement rompu.   

72 Le fonctionnaire estime que l’employeur a omis de prendre en considération d’importants facteurs atténuants qui serviraient normalement à réduire la sanction. Outre les facteurs atténuants usuels, tel ses longs états de service, un dossier disciplinaire vierge, des évaluations de rendement favorables, la reconnaissance de ses torts et la manifestation de remords, tous ces facteurs étant présents et ayant été invoqués en l’instance, le fonctionnaire a également plaidé que l’employeur n’avait subi aucun préjudice en raison de son comportement. Il a souligné qu’aucune plainte n’avait été formulée à l’égard de son rendement au travail et que le travail qui lui avait été confié avait été achevé de manière diligente. Comme il était affecté à un poste surnuméraire sans tâches précises à effectuer, il n’avait pas suffisamment de travail; toutefois, personne n’était vraiment affecté par son comportement. Par ailleurs, bien qu’il a reconnu avoir visionné des images inappropriées pendant qu’il se trouvait au bureau, il ne les a pas téléchargées, ni transmises ni diffusées à d’autres. Personne ne s’est plaint et personne ne les a vues, donc aucun préjudice non plus.   

73 L’employeur a accordé beaucoup d’importance à l’allégation relativement à l’utilisation excessive de l’Internet par le fonctionnaire à des fins non reliées à son travail, que l’employeur assimile à un vol de temps. L’essentiel de l’argumentation de l’employeur est fondé sur la prétention que le fait de naviguer sur Internet pour des fins personnelles pendant au moins la moitié de la journée tout en étant rémunéré pour une journée de travail au complet constituait autant un geste frauduleux que si un employé trafique sa carte de temps. 

74 L’expression « vol de temps » n’apparaît nulle part dans la lettre de licenciement, et le fonctionnaire a allégué que le vol de temps n’était pas pareil à l’utilisation abusive d’un bien ou du matériel de l’employeur. Selon le fonctionnaire, le vol de temps exige la commission d’un geste frauduleux, comme le trafiquage des cartes de temps par exemple. Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur tentait de modifier les motifs de congédiement, en prétendant qu’il était coupable de lui avoir volé du temps.

75 Est-ce qu’une utilisation excessive des services Internet de l’employeur à des fins non reliées à son travail constitue un vol de temps? Je crois que non. Lors de l’audience, l’employeur a reconnu que ce ne sont pas toutes les instances d’utilisation excessive d’un ordinateur et des réseaux informatiques à des fins non reliées à son travail qui constitueraient un vol de temps. L’employeur allègue que dans le cas qui nous occupe, il n’est pas nécessaire de faire le partage entre l’utilisation inacceptable et le vol de temps, car le temps consacré par le fonctionnaire à naviguer sur Internet à des fins non reliées à son travail était à ce point extrême qu’on ne peut conclure autrement qu’il y a effectivement eu vol de temps. Or, il me semble justement que cet argument reconnaisse implicitement que le vol de temps est de nature différente de l’utilisation abusive des biens et du matériel de l’employeur.  

76 Je ne pense pas que l’utilisation excessive par le fonctionnaire des services Internet de l’employeur soit ou devrait être considérée comme du vol de temps, au sens de cette expression telle qu’elle est employée dans la jurisprudence. Je conviens avec le fonctionnaire que le vol de temps, tel que cela est généralement compris, implique la commission d’un geste sciemment frauduleux, comme celui de trafiquer une carte de temps, de faire poinçonner sa carte de temps par d’autres employés les uns pour les autres, ou d’omettre d’inscrire sa présence ou non ou de faussement inscrire sa présence dans le système de gestion des présences des employés. Toutes les décisions citées par l’employeur au soutien de la théorie du vol de temps, sauf une, faisaient état d’un comportement frauduleux comme ceux précités. Dans Maple Leaf Meats (Brandon), le comportement de l’individu s’estimant lésé n’était pas nécessairement sciemment frauduleux, sauf que l’application des règles internes de l’entreprise et des dispositions de la convention collective assimilait le comportement reproché à un vol de temps.  

77 Dans un autre cas d’exception, cité cette fois par le fonctionnaire, Coquitlam School District No. 43, l’employeur avait suspendu l’individu s’estimant lésé pour une journée en raison d’une série de manquements, y compris un incident de vol de temps en raison de l’utilisation excessive des services Internet de l’employeur à des fins personnelles. La caractérisation de ce geste comme constituant un vol de temps n’a pas fait l’objet de la réflexion de l’arbitre de grief dans cette affaire; il s’était plutôt penché sur la question à savoir si l’employeur avait établi les motifs invoqués pour justifier la suspension et si ces motifs étaient suffisants pour justifier la sanction imposée. L’arbitre de grief a conclu que l’utilisation personnelle de l’Internet par l’employé était suffisamment importante et constituait de l’inconduite justifiant la sanction, mais il n’a fait aucun commentaire quant à savoir si cela constituait un vol de temps. 

78 Je suis d’avis que ce qui distingue un cas de vol de temps des faits reliés à la présente affaire est que dans le cas d’un vol de temps, l’intention de commettre l’infraction s’infère du geste posé. Par exemple, on ne saurait se méprendre de l’intention d’un employé de voler du temps lorsque celui-ci demande à un collègue de travail de poinçonner sa carte de temps à sa place. Mais dans un contexte où une certaine utilisation des services Internet de l’employeur à des fins personnelles est acceptable lorsque cela est fait pendant le temps libre de l’employé, et que les employés ne sont pas astreints au poinçonnage de cartes de temps ni à l’inscription de leurs heures de travail dans un système prévu à cette fin, il devient dès lors beaucoup plus difficile d’inférer l’intention requise pour la commission d’un vol de temps. Je ne saurais voir en l’utilisation excessive des services Internet de l’employeur par un employé à des fins non reliées à son travail le commencement d’un continuum qui se conclurait nécessairement par un vol de temps. J’estime que l’intention frauduleuse constitue un élément fondamental de l’infraction constituée par un vol de temps, mais ne se retrouve pas dans une allégation d’utilisation abusive des services Internet de l’employeur.

79 Le fonctionnaire a admis avoir utilisé abusivement et de manière inappropriée les biens et le matériel de l’employeur. Il a reconnu devant l’enquêteur puis encore durant l’audience qu’il passait plusieurs heures quotidiennement, jour après jour, des mois durant, à naviguer sur Internet à des fins personnelles. À titre d’exemple, le 20 août 2009, l’une des quatre journées utilisées par l’employeur pour illustrer le comportement du fonctionnaire, la preuve non contestée est qu’au cours de cette journée-là, il avait navigué sur Internet sans arrêt de 8 h à 13 h 47, consultant divers sites dont sportsillustrated.cnn.com, dilbert.com, et soccer.on.ca, en plus des sites internet de grands quotidiens comme le Globe and Mail, le Star et le Denver Post, entre autres (pièce E-1, onglet 1). Son comportement, comme l’a décrit l’employeur, était plutôt flagrant.

80 La gravité du comportement fautif du fonctionnaire se trouve décuplée par le fait qu’il ne consultait pas seulement les sites de nouvelles et de sports. En effet, au cours de l’été 2009, il visionnait des images sexuellement explicites alors qu’il se trouvait au bureau. Bien que le fonctionnaire ait tout d’abord indiqué qu’il avait commencé à visionner ces images au mois d’août 2009, la preuve semble démontrer que ce serait plutôt au moins à compter du 29 juin 2009, date à laquelle il a transféré à son adresse courriel personnelle de la maison un lien vers un site sexuellement explicite dans Wikipedia. Il m’apparaît donc évident qu’il ait visionné du matériel sexuellement explicite avant le mois d’août 2009.

81 Le fonctionnaire a fourni l’explication que son comportement était attribuable au fait qu’il n’avait pas suffisamment de travail à effectuer. Il a également allégué que son comportement ne dérangeait personne. Il a souligné que l’évaluation de son rendement avait toujours été favorable, que personne n’avait à redire de la qualité de son travail, et que personne n’était au courant des images qu’il visionnait et ne s’en était plaint; bref, cela ne dérangeait personne. Dans sa réponse écrite au rapport d’enquête (pièce E-2, onglet Q), et aussi lors de son témoignage, il a expliqué qu’il était un employé surnuméraire, et que son poste ne comportait aucune tâche courante comme telle. Au cours de l’été 2009, il relevait directement de deux supérieurs immédiats différents, qui lui confiaient l’une et l’autre différents projets à accomplir. Il a complété les divers projets qui lui étaient confiés, et ni une ni l’autre ne se sont plaintes de son rendement.

82 Ni Mme Usher, ni Mme Grigg, les supérieures immédiates du fonctionnaire, n’ont émis aucune réserve importante lors de l’audience lorsqu’on leur a demandé de formuler des commentaires au sujet de sa réponse au rapport d’enquête (pièce E-2, onglet Q). Elles ont toutefois signalé toutes les deux que si le fonctionnaire n’avait pas suffisamment de travail il n’avait qu’à leur en demander. Mme Grigg a notamment témoigné qu’au cours de l’été 2009, il y avait beaucoup de travail à faire en raison de l’imposition de nouvelles exigences en matière de visa et que la plupart des employés devaient travailler de 12 à 14 heures par jour pendant cette période. Elle est d’avis qu’il pouvait, et aurait dû, proposer son aide s’il trouvait qu’il n’avait pas suffisamment de travail à accomplir.

83 Il m’apparaît évident qu’il y a eu un certain laxisme de la part des supérieures immédiates du fonctionnaire quant à leur obligation de gérer son travail. Elles ont toutes les deux fait valoir qu’elles ne devaient pas à avoir à superviser étroitement un fonctionnaire rendu à son échelon. J’estime cependant qu’une certaine responsabilité de supervision leur incombe néanmoins, ce qui semble avoir fait défaut dans le cas qui nous occupe. Je trouve surprenant qu’un employé puisse passer autant de temps à des fins non reliées à son travail, et ce, pendant des mois, sans qu’une de ses supérieures immédiates ne constate une baisse de rendement ou de mobilisation de la part de l’employé qui relève de leur poste. L’employeur a fait valoir que le fonctionnaire négociait les échéances des projets qui lui étaient confiés et refusait même des projets à long terme parce qu’il quitterait bientôt ses fonctions. Même dans ces circonstances, il me semble qu’elles avaient la responsabilité de passer en revue régulièrement le travail qu’elles lui confiaient et ce qu’il avait accompli, et d’évaluer sa charge de travail, ce qui n’a de toute évidence pas été fait.  

84 En dépit de ce constat, j’estime que le comportement du fonctionnaire a causé un préjudice à l’employeur, et je ne puis l’absoudre de toute responsabilité. La preuve non contestée est que durant l’été 2009, il y avait une surcharge de travail et que les employés de la direction d’attache du fonctionnaire devaient travailler des heures supplémentaires. Il aurait pu les aider, ce qui aurait réduit le nombre d’heures supplémentaires devant être consacrées à ces tâches. En outre, son défaut de s’acquitter d’une charge de travail complète a certes causé un préjudice à l’employeur. De plus, je conviens qu’un fonctionnaire à son échelon de la classification a une certaine responsabilité de travailler de façon autonome et de s’enquérir du travail à effectuer. Il ne l’a pas fait.   

85 Je suis quelque peu déconcertée par l’argument avancé par le fonctionnaire voulant que, puisque personne d’autre n’avait vu les images pornographiques qu’il visionnait, l’employeur n’avait subi aucun préjudice et il n’y avait donc pas lieu d’imposer des mesures disciplinaires d’une certaine importance. Cet argument m’apparaît du genre « ce que vous ne savez pas ne vous fera pas mal », et je ne saurais avaliser une telle position. Le comportement du fonctionnaire était, selon tous les critères rationnels, particulièrement répréhensible. Il a contrevenu de manière explicite aux dispositions de la Politique d’utilisation des réseaux électroniques de son employeur (pièce E-2, onglet 4), et a contrevenu de façon non équivoque à toute norme s’inspirant du simple bon sens quant à son comportement au travail.

86 L’employeur et le fonctionnaire ont entrepris un débat au cours de l’audience à savoir si les images visionnées contenaient ou non des images comportant de la violence. Au cœur de ce débat, l’on voulait pouvoir conclure que plus les images étaient troublantes et violentes, plus le comportement était répréhensible. Je n’ai pas l’intention de plonger dans ces eaux. La mesure de l’intensité du caractère choquant des images me semble à la fois un exercice subjectif et futile dans les circonstances. Il m’apparaît suffisant de tirer la conclusion que le fonctionnaire a visionné des images pornographiques pendant qu’il se trouvait au bureau. Un tel comportement est, en soi, inapproprié et choquant. Alors que j’estime que le fait de diffuser ou de partager de telles images – ce qui n’a pas eu lieu - aurait à mon sens rajouté une couche à ce comportement déjà répréhensible, je ne puis pour autant conclure que le simple fait de visionner des images pornographiques au travail ne cause aucun préjudice.

87 Il m’est donc aisé de conclure que le fonctionnaire est effectivement coupable des fautes énoncées dans la lettre de congédiement (pièce E-2, onglet 5), et que ces fautes sont suffisamment graves au point de justifier l’imposition de mesures disciplinaires. Le fait que je ne crois pas que l’on puisse caractériser de vol de temps le comportement du fonctionnaire n’est aucunement une indication que je considère ses fautes comme étant moins graves. Il a contrevenu à diverses politiques de l’employeur, a fait une utilisation abusive des biens et du matériel du gouvernement qui lui avaient été confiés aux fins de l’exercice de ses fonctions, et a manifesté un comportement qui n’avait pas sa place en milieu de travail. Je ne puis me résoudre à accepter la position du fonctionnaire selon laquelle les activités de l’employeur n’en auraient pas subi un préjudice ou des dommages identifiables. Le fait que son comportement se soit produit pas une fois, pas deux fois, mais quotidiennement pendant plusieurs mois constitue certes un facteur aggravant à mes yeux, et qui exige assurément l’imposition de mesures disciplinaires sévères.

88 J’accepte la prémisse voulant que la dissuasion ait un rôle important dans la détermination des mesures disciplinaires, et je comprends que l’employeur veuille établir un précédent dans ce dossier de façon à envoyer à ses employés le message non équivoque que ce type de comportement adopté en milieu de travail par le fonctionnaire ne sera pas toléré. Il s’agit là d’une fin légitime d’une sanction disciplinaire, mais non la seule. La réadaptation et la correction doivent également faire partie des considérations importantes lors de la détermination de la sévérité de la sanction à imposer. L’imposition de mesures disciplinaires ne doit pas être intransigeante au point de perdre de vue ces objectifs.  

89 Plusieurs décisions citées par les parties, dont Maple Leaf Meats (Brandon), Ontario Public Service Employees Union et Westcoast Energy Inc., démontrent qu’une telle sanction n’est appropriée que s’il n’existe aucun potentiel de réadaptation de l’individu visé. Dans Ontario Public Service Employees Union, l’arbitre de grief a fait l’observation suivante (à la page 18) :

[Traduction]

[…] l’imposition d’une mesure disciplinaire vise à corriger le comportement inapproprié de l’employé. Des arbitres ont statué que le congédiement doit non seulement constituer une réponse à la hauteur de la gravité de la faute, mais aussi une mesure à n’utiliser que lorsqu’il est improbable qu’une sanction moins sévère serait suffisante pour corriger le comportement inapproprié.

90 L’évaluation du potentiel de réadaptation est, à mon avis, pareille à celle régissant l’appréciation des autres facteurs pouvant servir à atténuer une sanction disciplinaire. Au fil des ans, le poids de la jurisprudence arbitrale a permis de déterminer plusieurs facteurs, dont les années de service, le dossier disciplinaire et du rendement de l’employé, la nature de la faute, les remords manifestés par l’employé, et la franchise ou la crédibilité de l’employé, entre autres, qu’il y a lieu de soupeser dans la détermination de la sanction appropriée. Voir notamment Dupont Canada Inc. ainsi que les décisions citées à cet égard. Au même effet, dans Syndicat canadien de la fonction publique (Syndicat des employés publics d’Ottawa-Carleton), Section locale 503, l’arbitre a en outre analysé la jurisprudence pertinente en matière d’atténuation des sanctions disciplinaires, citant abondamment à la page 10 de sa décision de larges extraits d’une décision rendue antérieurement dans Canadian Broadcasting Corp v. Canadian Union of Public Employees (1979), 23 L.A.C. (2nd) 227, dont le suivant :

[Traduction]

[…]

[…] Toutefois, ces facteurs, aussi utiles soient-ils, ne sont pas de simples éléments d’une formule mathématique dont le calcul résultera en une solution limpide. Il s’agit plutôt de circonstances particulières dont il convient de tenir compte de manière générale, ayant une incidence quant aux perspectives de l’adoption par l’employé d’un comportement convenable à l’avenir, ce qui est l’essence-même de l’ensemble de l’approche corrective de l’imposition de mesures disciplinaires. […]

[…]

91 Dans les circonstances en l’instance, et pour les motifs énoncés ci-après, je suis d’avis que le congédiement ne constituait pas la sanction appropriée. Au moment de son congédiement, le fonctionnaire comptait 27 années de service. Son dossier disciplinaire était vierge. Hormis une vague allusion par Mme Deschênes à un problème de rendement, aucune preuve directe n’a été produite à cet égard, et les seules évaluations du rendement produites en preuve (pièce G-1, onglets 1 à 4) étaient des plus positives. Par conséquent, à en juger de la preuve documentaire produite au dossier, force est de conclure que le rendement au travail du fonctionnaire était bon. Dans la mesure où le comportement passé est un indice prévisionnel raisonnablement juste de son comportement futur, alors selon le rendement au travail du fonctionnaire au cours de plusieurs années par le passé, il est susceptible de continuer à être un bon employé à l’avenir.

92 Il convient également de tenir compte d’autres facteurs. L’acceptation de la responsabilité, les aveux sinon la reconnaissance de sa culpabilité, et les remords de l’individu sont souvent cités à titre de facteurs importants à considérer aux fins d’atténuation de mesures disciplinaires, pour des raisons évidentes. En effet, un employé qui, ouvertement et franchement, admet sa faute est moins susceptible de répéter le même comportement fautif qu’un employé qui persiste à nier avoir commis une faute.  

93 L’employeur a fait valoir lors de l’audience que le fonctionnaire manquait de sincérité ou de crédibilité. Au soutien de ses prétentions, l’employeur a souligné la sous-estimation par le fonctionnaire du temps qu’il passait à naviguer sur Internet à des fins non reliées à son travail, ses affirmations selon lesquelles il n’avait commencé à visionner des images inappropriées que vers la fin du mois de juillet ou en début août 2009, alors que la preuve révélait qu’il envoyait des liens à son adresse courriel personnelle à la maison dès la fin juin 2009, et le fait qu’il persiste à nier avoir déplacé son écran d’ordinateur dans son bureau alors que la preuve établit plutôt qu’il avait effectivement agi de la sorte.  

94 Il va sans dire que, lorsqu’il pouvait le faire, le fonctionnaire a tenté de faire voir sous un éclairage plus favorable son utilisation de l’Internet, comme en soulignant qu’il consacrait une bonne partie de son temps sur Internet à consulter des sites de nouvelles. Il a aussi sous-estimé le temps qu’il passait à naviguer sur Internet, et celui qu’il consacrait à visionner des images sexuellement explicites. Mais j’estime authentiques les remords qu’il a exprimés et l’admission de ses fautes. Entre autres, dans les notes de sa rencontre avec Mme Leblanc (pièce E-1, onglet C), il y est écrit qu’il aurait dit que [traduction] « [...] vous ne réalisez pas vraiment que vous faites des conneries jusqu’au moment où vous prenez du recul et vous vous dites : mais qu’est-ce que j’ai fait là. De toute évidence, c’était vraiment idiot de ma part d’avoir fait ça. »

95 Mme Leblanc a témoigné qu’il avait fait preuve de transparence au cours de l’enquête et qu’il avait exprimé des remords. Durant l’audience, il a témoigné de manière sincère quant à l’embarras qu’il ressentait et en reconnaissant qu’il ne se voyait d’aucune façon chercher à justifier de quelque façon son comportement. Je pense que sa tendance à vouloir minimiser l’ampleur de ses écarts résulte de cet embarras qu’il éprouve, un puissant outil de dissuasion en-soi pour l’avenir.

96 Par ailleurs, je ne suis pas disposée à accorder un poids exagéré au témoignage à savoir qui avait déplacé l’écran de son poste informatique. Il existe une foule de raisons pouvant expliquer le déplacement de l’écran de son ordinateur, et ce n’est au demeurant pas particulièrement pertinent puisque cela se serait produit plusieurs mois avant les événements faisant l’objet des présentes.

97 Étant donné ses longs états de service, son dossier disciplinaire vierge et l’acceptation de la responsabilité de ses gestes, je suis d’avis qu’il y a lieu d’atténuer la sanction de congédiement dans la présente affaire. Il ne fait toutefois aucun doute qu’il s’est rendu coupable d’une faute grave. Il convient donc de décider de la sanction appropriée. Je ne trouve pas utile à cette fin la jurisprudence citée par l’une ou l’autre des parties en l’instance.

98 Le fonctionnaire a reconnu que, pendant une période de quatre mois au cours de l’automne 2008 et trois mois au cours de 2009, il avait consacré plus de la moitié de ses journées au bureau à naviguer sur Internet à des fins non reliées à son travail et, pendant une partie de ce temps, à y visionner des images pornographiques. Bien qu’à mon avis cela ne constitue pas un vol de temps, il ne fait absolument aucun doute qu’il a passé sept mois pendant ce temps à être rémunéré pour du travail qu’il n’a pas accompli, en plus d’utiliser le matériel et le réseau électronique de l’employeur pour des fins non reliées à son travail. Cela étant, je suis réticente à lui imposer une sanction qui ferait en sorte qu’il soit rémunéré pour du temps qu’il n’aurait effectivement pas consacré à son travail.   

99 Par conséquent, j’en arrive à la conclusion que, bien qu’il y ait lieu qu’il soit réintégré dans ses fonctions, la période de suspension qui lui est imposée correspondra au temps écoulé à ce titre jusqu’à la date de la signature de la présente décision. En d’autres termes, le fonctionnaire doit être réintégré dans ses fonctions sans lui verser un salaire rétroactif. Je conçois que cette suspension puisse paraître longue, mais j’estime qu’elle traduit la gravité et la nature des fautes constatées et l’impératif de dissuasion de la part de l’employeur.

100 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

101 Le fonctionnaire doit être réintégré dans ses fonctions, cette mesure devant prendre effet à la date de la signature de la présente décision.

Le 4 août 2011.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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