Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plainte porte sur la décision de l’intimé d’opter pour un processus de nomination interne non annoncé afin de doter un poste par intérim. Dans sa révision judiciaire d’une décision antérieure concernant la même plainte, la Cour fédérale n’avait pas conclu à l’abus de pouvoir; elle avait renvoyé l’affaire au Tribunal aux fins d’examen de tous les éléments de preuve pertinents versés au dossier. Une nouvelle audience a eu lieu. Les plaignants ont formulé contre l’intimé des allégations d’abus de pouvoir pour mutation puis nomination intérimaire de la personne nommée par le truchement d’un processus non annoncé. Ils ont soutenu que l’intimé tentait depuis trois ans de convaincre la personne nommée de revenir; un poste a été créé mais la personne nommée ne possédait pas les qualifications essentielles; elle été mutée par la suite puis nommée à titre intérimaire au même niveau; l’intimé lui a proposé une formation afin d’accroître ses chances de succès dans tout processus futur visant la dotation du poste en cause pour une période indéterminée. L’intimé a nié tout abus de pouvoir en faisant valoir qu’il avait le droit de faire une nomination non annoncée. Décision Le Tribunal a examiné toutes les mesures prises, isolément et de façon globale. Même si le Tribunal n’avait pas compétence pour se prononcer sur certaines de ces mesures de dotation – nominations intérimaires pour quatre mois ou moins et mutations –, il a estimé nécessaire de les examiner dans le cadre de la séquence des événements ayant abouti à la décision de dotation contestée en l’espèce. Le Tribunal a jugé qu’il n’y avait pas d’abus de pouvoir. L’intimé a fourni des éléments de preuve solides par rapport aux motifs opérationnels du recours à la mutation. Par contre, il n’y avait pas de preuve à l’appui de l’allégation des plaignants selon laquelle l’intimé aurait reporté la mutation afin d’éviter qu’elle fasse l’objet d’une plainte sous le régime de la nouvelle loi. Le Tribunal a examiné, d’autre part, les raisons de la décision de retenir la personne nommée pour le poste; il en a conclu que la nomination n’avait rien d’irrégulier. En outre, le recrutement actif d’employés n’est pas inapproprié en soi. C’est la justification de la nomination d’une personne à un poste donné qui détermine s’il y a ou non abus de pouvoir. Il n’y avait aucune preuve démontrant que l’intimé avait offert une formation à la personne nommée à seule fin de la préparer pour une nomination à durée indéterminée. Le Tribunal trouvait préoccupant le fait que la nomination intérimaire ait été signée à une date postérieure à sa prise d’effet. Cette irrégularité n’avait toutefois aucune incidence sur le choix du processus ou de la personne nommée et n’était pas suffisamment sérieuse pour constituer un abus de pouvoir. Enfin, il n’y avait pas de preuve démontrant que la diffusion tardive de l’avis avait pour but de dissimuler la nomination ou d’éviter sciemment l’affichage des droits de recours. Plaintes rejetées..

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers:
2006-0087, 0088, 0089 & 0090
Rendue à :
Ottawa, le 13 août 2010

THOMAS A.C. BROWN, GLORIA W. FRY,
TOBY LYNN MEADE ET JOY H. HUBLEY

Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
John Mooney, vice-président
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Brown et al. c. le sous-ministre de la Défense nationale et al.
Référence :
2010 TDFP 0012

Motifs de la décision

Introduction

1Les plaignants, Thomas A.C. Brown, Gloria W. Fry, Toby Lynne Meade et Joy H. Hubley, affirment que l’intimé, le sous-ministre de la Défense nationale, a abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination interne non annoncé pour nommer Anne McGuinness par intérim au poste d’agente principale des contrats au groupe et au niveau PG-04 (le poste PG 04) à Halifax. Les plaignants avancent que cette nomination les a privés de l’occasion d’occuper ce poste par intérim et qu’elle faisait partie d’un stratagème visant à accroître les chances de Mme McGuinness d’être nommée à ce poste pour une période indéterminée.

2L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir quand il a choisi le type de processus ou avoir élaboré un tel stratagème.

3Ces plaintes avaient d’abord été présentées le 18 août 2006 au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal), lequel les a rejetées le 26 février 2008. Les plaignants ont présenté une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Le 27 juillet 2009, la Cour a accueilli leur demande, annulé la décision et renvoyé l’affaire à une formation composée de membres différents pour qu’il rende une nouvelle décision conformément à ses motifs (voir Thomas Brown, Gloria Fry, Toby Lynne Meade et Joy Hubley et le procureur général du Canada et la Commission de la fonction publique, 2009 CF 758). Une nouvelle audience a eu lieu les 14 et 15 janvier 2010.

Contexte

4Les plaintes ont été présentées en vertu de l’art. 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP), qui prévoit qu’une personne dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir de la part de la Commission de la fonction publique (CFP) du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas. Le Tribunal, conformément à l’art. 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, a joint les dossiers de plaintes 2006-0087 à 2006-0090 pour les besoins de l’audience et de la décision.

5Les mesures de dotation visant Mme McGuinness sont pour le moins complexes. Cette complexité est attribuable au fait que la nomination intérimaire de Mme McGuinness faisant l’objet de la présente plainte a été précédée de deux autres mesures de dotation : une mutation et une nomination intérimaire qui ont débuté le même jour.

6Mme McGuinness était vérificatrice interne au groupe et au niveau AS 04 au Service de la vérification interne du ministère de la Défense nationale (MDN). Le 13 février 2006, elle a commencé à exercer à titre intérimaire les fonctions du poste PG 04 aux Services de la logistique de la formation. L’offre écrite concernant cette nomination intérimaire a été approuvée après coup le 22 mars 2006, et est entrée en vigueur rétroactivement au 13 février 2006. La nomination intérimaire devait durer jusqu’au 27 mai 2006, en attendant l’achèvement du processus de nomination visant la dotation du poste PG 04 pour une période indéterminée.

7Le 29 mars 2006, l’intimé a offert à Mme McGuinness une mutation au poste d’agente principale des contrats au groupe et au niveau PG 03 (le poste PG 03) au sein des Services de la logistique de la formation, mutation qui est entrée en vigueur rétroactivement au 13 février 2006. Mme McGuinness a accepté l’offre de mutation le 13 avril 2006. Toutefois, Mme McGuinness n’a jamais exercé les fonctions du poste PG 03 auquel elle avait été mutée, car, tel qu’indiqué plus haut, une nomination intérimaire au poste PG 04 lui a été offerte le jour où la mutation devait entrer en vigueur.

8Étant donné que le processus visant la dotation du poste PG 04 pour une période indéterminée n’a pas été achevé dans les délais prévus, l’intimé a offert à Mme McGuinness une autre nomination intérimaire à ce poste pour la période du 1er juin au 29 septembre 2006. L’avis de nomination intérimaire a été publié le 15 août 2006. Les plaignants ont présenté leur plainte le 18 août 2006.

Question en litige

9Le Tribunal doit trancher la question suivante :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en juin 2006 en choisissant un processus de nomination interne non annoncé pour doter le poste PG 04 par intérim et en nommant Mme McGuinness à ce poste?

Résumé des éléments de preuve pertinents

10Au moment où ils ont présenté leur plainte, les plaignants travaillaient tous pour les Services de la logistique de la formation au MDN à Halifax, au groupe et au niveau PG 02.

11Mme Meade a déclaré qu’en 2002, Lila Zwicker lui avait dit qu’elle offrirait des occasions de nomination intérimaire aux employés de son unité en priorité.

12Mme Zwicker, appelée à témoigner par l’intimé, est gestionnaire de la coordination des contrats au groupe et au niveau PG 05 depuis 1997. En 2004, l’intimé a ajouté à ses fonctions de nouvelles tâches qui correspondaient à elles seules à un autre poste à temps plein. Cette année là, elle a également dû aider un autre service à mettre en place un nouveau système financier. Elle faisait plus de 100 heures supplémentaires par mois. Elle a donc créé le poste PG 04 en convertissant un des trois postes PG 03 vacants, ce qui allait lui permettre de déléguer une partie de ses tâches et d’alléger ainsi sa charge de travail.

13Mme Zwicker a expliqué que trois processus de nomination annoncés avaient été effectués simultanément à l’été 2005 afin de doter des postes PG 02, PG 03 et PG 04. Elle a été membre du comité d’évaluation pour ces processus et était gestionnaire des postes à doter. Des candidats ont été retenus pour les postes PG 02, mais pas pour les postes PG 03 et PG 04.

14Mmes Meade et Fry ont déclaré qu’elles avaient posé leur candidature pour les postes PG 03 et PG 04 à l’été 2005. Ni l’une ni l’autre n’a été retenue.

15Christine Lynds, qui a été appelée à témoigner par les plaignants, est agente principale des contrats au groupe et au niveau PG 03 pour les Services de logistique de la formation et relève de Mme Zwicker. Elle s’est également portée candidate dans le processus de nomination visant à doter le poste PG 04 pour une période indéterminée à l’été 2005, mais s’est retirée du processus pour des raisons personnelles.

16Les plaignants ont également cité Mme McGuinness à comparaître. Elle s’est aussi portée candidate dans le processus de nomination visant à doter le poste PG 04 pour une période indéterminée à l’été 2005, mais a échoué à la qualification relative aux connaissances.

17Mme Zwicker a déclaré que puisque le processus annoncé pour le poste PG 04 n’avait pas donné lieu à une nomination, elle avait cherché d’autres solutions avec l’aide d’Anton Topilnyckyj, agent des ressources humaines au MDN. M. Topilnyckyj a d’abord tenté de muter des employés d’autres ministères, mais sans succès. Mme Zwicker a donc décidé de lancer un autre processus de nomination annoncé afin de doter le poste PG 04 pour une période indéterminée, mais elle avait besoin de quelqu’un qui l’occuperait par intérim jusqu’à la fin du processus. Pour ce faire, elle a choisi d’utiliser les résultats du processus de nomination annoncé de 2005. Elle a offert la nomination intérimaire à Mme McGuinness, car c’est elle qui avait obtenu la note la plus élevée dans le cadre de ce processus.

18Mme Zwicker a affirmé que Mme McGuinness et elle avaient travaillé ensemble auparavant, mais n’entretenaient aucun rapport social à ce moment là.

19Mme Zwicker s’est adressée à John Delaney, qui était le superviseur de Mme McGuinness à l’époque. Il a consenti à laisser celle ci quitter son unité pour occuper le poste PG 04 par intérim; toutefois, Mme Zwicker et M. Delaney n’ont pas réussi à s’entendre sur la date de début de l’intérim.

20Les plaignants ont appelé M. Topilnyckyj comme témoin. Il a déclaré que Mme Zwicker avait fait une offre verbale à Mme McGuinness pour une nomination intérimaire au poste PG 04 en novembre 2005. Étant donné que le superviseur de Mme McGuinness ne pouvait fixer de date à laquelle celle ci pourrait se joindre à l’unité de Mme Zwicker, cette dernière a décidé de muter Mme McGuinness au poste PG 03 et de lui offrir une nomination intérimaire au poste PG 04. M. Topilnyckyj a indiqué que le poste PG-03 avait été vacant depuis au moins un an et qu’il était prévu que Mme McGuinness l’occuperait après son intérim au poste PG 04.

21Mme McGuinness a déclaré que Mme Zwicker et elle avaient travaillé ensemble par le passé et que celle ci aimait son travail. Elle a affirmé qu’en 2005, Mme Zwicker lui avait offert une nomination intérimaire au poste PG 04. Mme Zwicker avait fini par s’impatienter devant l’incapacité du superviseur de Mme McGuinness de fixer une date à laquelle elle pourrait se joindre à son unité. Mme McGuinness a affirmé qu’en janvier 2006, Mme Zwicker avait décidé de lui offrir une mutation au poste PG 03. Mme McGuinness savait qu’elle occuperait le poste PG 04 à titre intérimaire après sa mutation au poste PG 03. En outre, elle avait appris qu’elle partagerait l’intérim avec Mme Lynds après quatre mois. Mme McGuinness s’attendait à occuper le poste PG 03 une fois son intérim au poste PG 04 terminé. Pour occuper le poste PG 04 pour une période indéterminée, elle s’attendait à devoir prendre part à un processus de nomination annoncé.

22Mme Zwicker a déclaré que Mmes Meade et Fry lui avaient demandé des possibilités d’intérim au niveau PG 04; toutefois, elles occupaient des postes PG 02, et sa politique consistait à n’offrir des nominations intérimaires qu’aux employés occupant un poste d’un niveau au-dessous de celui du poste à doter. Les employés de niveau PG 03 sont plus à même de posséder les connaissances et l’expérience requises pour exercer les fonctions du poste PG 04. Mme Zwicker appliquait cette politique le plus souvent possible, mais elle ne l’a pas respectée quand elle a demandé à Mme Lynds d’occuper son propre poste pendant un mois, même si celle ci occupait un poste de deux niveaux au dessous du sien. En contre-interrogatoire, Mme Zwicker a ajouté que dans d’autres unités, il arrive que des employés occupent par intérim des postes qui sont plus d’un niveau au dessus du leur, parfois même trois niveaux au dessus.

23M. Topilnyckyj a déclaré que l’intimé n’a pas de politique sur les nominations intérimaires. Il incombe au gestionnaire de décider qui sera nommé à un poste intérimaire.

24Mme Meade a appris le 25 janvier 2006 au cours d’une réunion du personnel que Mme McGuinness se joindrait à son unité. Mme Zwicker a annoncé aux personnes présentes que Mme McGuinness allait être mutée au poste PG 03, puis se verrait offrir une nomination intérimaire au poste PG 04. Cette annonce a outré et déçu Mme Meade, car elle souhaitait être nommée par intérim au poste PG 03. Plusieurs employés ont présenté un grief à l’encontre de cette mutation, lequel est toujours en cours.

25Mme Fry a été mise au courant de la mutation à une réunion du personnel le 8 février 2006. En se référant aux notes qu’elle avait prises au cours de cette réunion, elle a déclaré que Mme Zwicker avait affirmé qu’elle essayait de ramener Mme McGuinness au sein de l’unité « après trois ans d’insistance » [traduction].

26En contre-interrogatoire, Mme Zwicker a reconnu qu’elle avait affirmé au personnel que Mme McGuinness reviendrait dans l’unité « après trois ans d’insistance » [traduction]. Elle a également indiqué que, quand elle avait rencontré Mme McGuinness l’année précédente, elle lui avait demandé si elle était prête à revenir au sein des Services de la logistique de la formation. Cependant, elle a nié avoir créé le poste PG 04 dans l’intention de l’offrir à Mme McGuinness.

27Mme Zwicker a indiqué qu’elle avait offert la nomination intérimaire à Mme Lynds au moment où celle de Mme McGuinness atteignait les quatre mois. Mme Lynds a refusé l’offre à la fin de mai 2006, indiquant qu’elle avait plusieurs projets à terminer.

28Mme Lynds a déclaré que la nomination intérimaire au poste PG 04 ne lui avait été offerte qu’une fois qu’elle a présenté un grief à l’encontre de la mutation de Mme McGuinness. Elle a refusé l’offre, car elle estimait que Mme Zwicker avait été forcée de la lui faire par ses supérieurs. Elle ne croyait pas que la direction l’aurait appuyée si elle l’avait acceptée – elle aurait été condamnée à l’échec dès le départ.

29Mme Lynds a affirmé que Mme McGuinness n’était pas qualifiée pour occuper le poste PG 04 par intérim, car elle ne possédait pas l’expérience requise. Mme Lynds a convenu qu’elle ignorait quelles étaient les qualifications requises pour le poste.

30Mme McGuinness a déclaré qu’elle avait suivi une formation pendant qu’elle occupait le poste PG 04 par intérim. Il s’agissait davantage pour elle d’une mise à jour sur les contrats que d’une formation comme telle étant donné qu’elle avait déjà suivi des cours sur le sujet et qu’elle avait même enseigné la gestion des contrats dans le passé.

31Mme Zwicker a déclaré qu’elle avait prolongé la nomination intérimaire de Mme McGuinness jusqu’à la fin de septembre 2006, car le processus annoncé visant à doter le poste PG 04 n’était pas terminé. Cette prolongation signifiait que la nomination intérimaire était maintenant d’une durée supérieure à quatre mois et désormais assujettie au mérite. Mme Zwicker a donc effectué une évaluation écrite des qualifications de Mme McGuinness en se fondant sur son curriculum vitæ et ce qu’elle savait de son rendement au travail. Les critères utilisés pour évaluer les qualifications de Mme McGuinness étaient pratiquement identiques à ceux qui avaient servi au processus annoncé visant à doter le poste pour une période indéterminée. Mme Zwicker a également rédigé une justification du choix d’un processus non annoncé, laquelle a été signée le 3 août 2006 par M. Dyke, qui est investi de ce pouvoir délégué. Par ailleurs, Mme Zwicker a souligné qu’il n’était pas rare que la justification du choix d’un processus soit signée deux mois après la mesure de dotation.

Argumentation des parties

A) Argumentation des plaignants

32Les plaignants affirment que l’intimé a abusé de son pouvoir en nommant Mme McGuinness par intérim à un poste PG 04 au moyen d’un processus de nomination non annoncé. Ils soutiennent que les éléments de preuve, pris globalement, montrent que l’intimé a mis en place un stratagème visant à nommer Mme McGuinness à ce poste. Mme Zwicker tentait depuis trois ans de convaincre Mme McGuinness de revenir dans son unité. Le poste PG 04 a donc été créé, et Mme McGuinness a posé sa candidature à ce poste dans le cadre d’un processus de nomination annoncé. Malheureusement, il s’est avéré que Mme McGuinness ne possédait pas l’une des qualifications essentielles. L’intimé a donc muté Mme McGuinness à un poste PG 03 dans l’unité de Mme Zwicker et l’a nommée par intérim au poste PG 04 le même jour. Pendant que Mme McGuinness occupait le poste à titre intérimaire, l’intimé lui a fourni une formation afin d’accroître les chances que sa candidature soit retenue dans un processus futur visant la dotation pour une période indéterminée du poste PG 04.

33Les plaignants avancent que la mutation, puis la nomination intérimaire de Mme McGuinness, n’étaient ni justes ni transparentes. L’intimé n’a pas informé les employés de son intention de muter Mmes McGuinness et de lui offrir une nomination intérimaire. Ils renvoient le Tribunal au préambule de la LEFP, qui prévoit que « le gouvernement du Canada souscrit au principe d’une fonction publique qui […] se distingue par ses pratiques d’emploi équitables et transparentes […] ».

34Les plaignants se fondent également sur le document intitulé « Modèle et lignes directrices pour la politique ministérielle » ( les lignes directrices), publié par l’organisme qui s’appelait alors l’Agence de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique du Canada, qui prévoit que les gestionnaires doivent procéder à une mutation en appliquant des principes d’emploi équitables, transparents et respectueux des employés. En omettant d’informer les employés de la mutation, l’intimé n’a pas respecté les lignes directrices. En outre, les plaignants affirment que l’intimé a également enfreint sa propre politique sur les mutations en n’informant pas les employés de son intention de muter Mme McGuinness au poste PG 03. Cette politique indique que les gestionnaires doivent s’assurer que les employés sont mis au courant des mutations à venir.

35Les plaignants soutiennent que l’intimé a attendu l’entrée en vigueur de la LEFP actuelle, le 31 décembre 2005, avant de muter Mme McGuinness au poste PG 03 afin d’éviter les procédures de recours prévues par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, R.C. 1985, ch. P-33 (l’ancienne LEFP). En vertu de la LEFP en vigueur, les employés de l’unité dans laquelle une personne est mutée n’ont pas de recours indépendant leur permettant de contester la mutation. L’intimé souhaitait également se soustraire à l’application de l’ancienne politique sur les mutations du Conseil du Trésor et à la jurisprudence se rapportant aux mutations effectuées sous le régime de l’ancienne LEFP. Les plaignants renvoient le Tribunal à la décision Laidlaw c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F no 566, afin d’étayer leur affirmation selon laquelle une personne ne devrait pas être mutée à un poste qu’elle n’occupera pas.

36En se référant au témoignage de M. Topilnyckyj, les plaignants affirment que l’intimé n’avait aucune politique exigeant que les nominations intérimaires ne soient offertes qu’aux employés occupant un poste d’un niveau au dessous de celui du poste à doter. Ils soulignent également que Mme Zwicker avait reconnu que les autres gestionnaires nommaient parfois à titre intérimaire des employés dont le poste est de trois niveaux au dessous de celui du poste à doter.

37Les plaignants soutiennent que l’intimé a offert une formation à Mme McGuinness au cours de sa nomination intérimaire au poste PG 04 afin de lui permettre d’acquérir les connaissances nécessaires pour que sa candidature soit retenue dans un futur processus de nomination visant la dotation de ce poste pour une période indéterminée.

38En outre, les plaignants soulignent que l’intimé aurait dû afficher la nomination de Mme McGuinness quand celle ci a atteint une durée supérieure à quatre mois et pouvait donc faire l’objet d’un recours.

B) Argumentation de l’intimé

39L’intimé affirme que, dans ces plaintes, les plaignants ont axé leur argumentation sur les mutations plutôt que les nominations. Or, le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur les mutations.

40L’intimé soutient qu’il avait le droit de choisir un processus non annoncé pour procéder à la nomination intérimaire. L’article 33 de la LEFP permet à un gestionnaire délégataire de choisir entre un processus annoncé ou non annoncé en vue d’effectuer une nomination.

4141 L’intimé avance que la nomination de Mme McGuinness n’est pas attribuable au favoritisme personnel, Mme Zwicker ayant déclaré qu’elle n’entretenait aucun rapport social avec Mme McGuinness au moment du processus de nomination.

42L’intimé affirme qu’il n’a mis en place aucun stratagème visant à nommer Mme McGuinness au poste PG 04. M. Topilnyckyj a déclaré qu’il avait même tenté de recruter, sans succès, des employés d’autres ministères afin de doter ce poste.

43De plus, l’intimé souligne que les plaignants n’ont présenté aucun élément de preuve indiquant que Mme McGuinness n’était pas qualifiée pour le poste.

44L’intimé reconnaît que l’avis de nomination intérimaire de Mme McGuinness a été publié en retard. Toutefois, ce retard n’était pas attribuable à la mauvaise foi et n’a causé aucun préjudice aux plaignants. Si le Tribunal conclut que le retard constitue une erreur, celle ci n’équivaudrait toutefois pas à un abus de pouvoir.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

45La CFP soutient que la majeure partie des éléments de preuve présentés par les plaignants se rapportent à la mutation de Mme McGuinness au poste PG 03 et à la question de savoir si celle ci respectait la politique du ministère en matière de mutations. La CFP soutient que le Tribunal n’a pas compétence pour déterminer si la mutation était valide, mais qu’il peut examiner les mutations dans le contexte des plaintes. La CFP affirme que rien ne prouve que la mutation de Mme McGuinness ait été effectuée afin de contourner la LEFP ou les lignes directrices de la CFP.

46En ce qui concerne la nomination intérimaire de Mme McGuinness au poste PG 04, la CFP estime qu’il n’y a eu aucune violation de ses lignes directrices qui soit suffisamment importante pour constituer un abus de pouvoir.

47En outre, la CFP fait valoir que rien ne prouve que le favoritisme personnel ait joué un rôle dans la nomination intérimaire de Mme McGuinness.

48Par ailleurs, la CFP soutient qu’il n’y a aucune preuve que Mme McGuinness ne possédait pas les qualifications essentielles pour le poste, sinon l’opinion personnelle de Mme Lynds sur la question. Si Mme McGuinness n’avait pas possédé ces qualifications, la situation se serait avérée fort préoccupante pour la CFP.

Analyse

49La question dont est saisi le Tribunal est de déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir quand, en juin 2006, il a choisi un processus de nomination non annoncé afin de doter à titre intérimaire le poste PG 04 et quand il a nommé Mme McGuinness à ce poste.

50Dans la décision Clout c. le sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 TDFP 0022, le Tribunal a établi qu’un plaignant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le choix d’un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir.

51L’expression « abus de pouvoir » n’est pas définie dans la LEFP; toutefois, l’art. 2(4) prévoit qu’elle inclut « la mauvaise foi et le favoritisme personnel ». Dans la décision Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, le Tribunal a jugé qu’il ressort clairement dans la LEFP que l’abus de pouvoir représente davantage que de simples erreurs ou omissions. Afin de déterminer si le choix de processus constitue un abus de pouvoir, le Tribunal doit examiner pourquoi et comment la décision a été prise.

52La Cour fédérale n’a pas conclu qu’il y avait eu abus de pouvoir, mais a renvoyé les plaintes au Tribunal, affirmant que celui ci n’avait pas tenu compte de tous les éléments de preuve dont il était saisi. La Cour s’est exprimée en ces termes :

[53] Il n’est ni nécessaire ni approprié pour moi de tirer une conclusion quant à savoir s’il y a eu quelque abus de pouvoir que ce soit dans la façon dont le Tribunal a traité les plaintes des demandeurs. Cependant, il convient de noter que l’omission de ne pas tenir compte de l’ensemble de la preuve pertinente peut constituer un abus de pouvoir selon les facteurs susmentionnés traités par M. Jones et Mme Villars. La question dont je suis saisi est de savoir si la décision du Tribunal respecte la norme applicable, à savoir la raisonnabilité, ce qui, à mon avis, n’est pas le cas.

53La Cour fédérale a déclaré que la preuve devait être examinée selon une perspective globale, et qu’il incombait au Tribunal d’examiner dans leur ensemble les événements survenus après la mutation de Mme McGuinness au poste PG 03. La Cour a explicitement souligné que le fait d’occuper le poste PG 03 avait permis à Mme McGuinness d’être admissible au poste PG 04 :

[54] À mon avis, le Tribunal n’a pas examiné la preuve dont il disposait au regard de l’ensemble de la situation. Le Tribunal a, de façon inappropriée, mis l’accent sur des faits isolés plutôt que de tenir compte de ce qui ressort de la situation globale au moment où Mme McGuiness (sic) a obtenu le poste par intérim PG­04, immédiatement après sa mutation au poste PG­03. Il semble que si Mme McGuiness n’avait pas été mutée au poste PG­03, elle n’aurait pas été admissible au poste PG­04. L’élément central de la plainte des demandeurs ne porte pas sur la mutation de Mme McGuiness, mais plutôt sur ce qui s’est passé après.

54Pour en arriver à sa conclusion, le Tribunal a jugé utile et important d’examiner les deux mesures de dotation ayant précédé la nomination intérimaire de Mme McGuinness au poste PG 04 en juin 2006 : sa mutation au poste PG 03 et sa première nomination intérimaire au poste PG 04. Comme il sera expliqué ci après, le Tribunal n’a pas compétence pour se prononcer sur ces mesures; néanmoins, elles font partie de la séquence d’événements ayant mené à la nomination intérimaire de Mme McGuinness en juin 2006, et le Tribunal doit en tenir compte dans son examen des allégations des plaignants.

55Ainsi, conformément à la décision de la Cour fédérale, le Tribunal a examiné attentivement les éléments de preuve pertinents se rapportant au processus de nomination. Les événements ayant précédé le processus de nomination en l’espèce doivent être considérés comme des faits étroitement reliés, selon une perspective globale, que le Tribunal ait ou non compétence pour se prononcer sur eux. Après un examen de tous ces événements, le Tribunal conclut que, même s’il y a eu certaines irrégularités et que les mesures de dotation étaient complexes, il n’y a pas eu abus de pouvoir dans la nomination intérimaire de Mme McGuinness en juin 2006. Les motifs ayant permis au Tribunal d’en arriver à cette conclusion sont énoncés ci après.

Mutation de Mme McGuinness au poste PG 03

56Au paragraphe 9 de la décision Smith c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, 2007 TDFP 0029, le Tribunal a indiqué qu’une plainte ne peut être présentée à l’encontre d’une mutation en vertu de l’art. 77 de la LEFP, car une mutation ne constitue pas une nomination. Néanmoins, étant donné la suite d’événements ayant mené à la nomination sur laquelle porte la plainte, il est important d’examiner la décision de muter Mme McGuinness et de la nommer à titre intérimaire au niveau PG 04.

57La preuve indique clairement que Mme Zwicker souhaitait que Mme McGuinness revienne aux Services de la logistique de la formation. Mme Zwicker avait déjà travaillé avec Mme McGuinness et était satisfaite de son rendement. En 2005, Mme Zwicker a demandé à Mme McGuinness si elle était prête à revenir aux Services de la logistique de la formation. Elle a également déclaré à ses employés au cours d’une réunion du personnel en février 2006 que Mme McGuinness revenait dans le service « après trois ans d’insistance » [traduction]. Or, le recrutement actif d’employés n’est pas inapproprié en soi. C’est la justification de la nomination d’une personne à un poste donné qui permet de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir.

58Mmes Zwicker et McGuinness ont toutes deux déclaré que Mme McGuinness avait été mutée au poste PG 03 le 13 février 2006. Toutefois, les éléments de preuve montrent que la mutation avait été rendue officielle deux mois après son entrée en vigueur effective (l’offre a été faite le 26 mars 2006 et acceptée le 13 avril 2006). La question de la rétroactivité de la mutation n’a été soulevée par aucune des parties à l’audience.

59Or, selon le Tribunal, l’intimé a fourni de nombreux éléments de preuve permettant d’établir que la décision d’avoir recours à une mutation avait été prise pour des raisons opérationnelles. Ces éléments de preuve ne sont pas remis en question. Il est évident que Mme Zwicker avait réellement besoin de doter des postes au sein de son unité et avait fait plusieurs tentatives à cet égard, sans succès. En effet, la mutation de Mme McGuinness n’était pas la première solution envisagée par Mme Zwicker pour répondre aux besoins opérationnels de l’unité. Elle a d’abord voulu offrir à Mme McGuinness une nomination intérimaire au poste PG 04 alors que celle ci occupait un poste AS 04 dans une autre unité du MDN. Toutefois, étant donné que le superviseur de Mme McGuinness n’arrivait pas à fixer une date où elle pourrait quitter son unité, Mme Zwicker a décidé de muter celle ci au poste PG 03 le 13 février 2006 et de la nommer à titre intérimaire au poste PG 04 le même jour.

60Les plaignants ont fait référence à la décision Laidlaw, dans laquelle la Cour fédérale a conclu que le ministère avait abusé de son pouvoir en mutant un employé à un poste qu’il n’a jamais occupé. La décision Laidlaw a été rendue sous le régime de l’ancienne loi et n’est pas pertinente en l’espèce étant donné que la nouvelle LEFP ne confère pas au Tribunal la compétence de statuer sur les questions liées aux mutations. De plus, la décision Laidlaw diffère de la présente plainte sur le plan des faits. En ce qui concerne les raisons ayant motivé la mutation, les éléments de preuve montrent que le poste PG 03 auquel Mme McGuinness a été mutée devait être doté. Comme il a été mentionné plus haut, l’intimé avait déjà mené un processus de nomination annoncé visant à doter ce poste, sans retenir de candidat. Le Tribunal constate par ailleurs que, bien que Mme McGuinness n’ait jamais exercé les fonctions du poste PG 03, l’intimé avait l’intention de lui faire occuper le poste à la fin de sa nomination intérimaire si sa candidature n’était pas retenue dans le processus annoncé visant la dotation du poste PG 04 pour une période indéterminée.

61Les plaignants ont également avancé que l’intimé avait attendu l’entrée en vigueur de la LEFP actuelle avant de muter Mme McGuinness au poste PG 03 afin d’éviter les droits de recours prévus par l’ancienne LEFP. Aucun élément de preuve n’a été fourni à l’appui de cette allégation.

Première nomination intérimaire de Mme McGuinness au poste PG 04

62La première nomination intérimaire était d’une durée inférieure à quatre mois. L’article 14(1) du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique, DORS/2005 334, (REFP) prévoit que les nominations intérimaires de moins de quatre mois sont soustraites à l’application de l’art. 77 de la LEFP. Dans un tel cas, le Tribunal n’a pas compétence sur la mesure de dotation. Il peut toutefois examiner cette mesure de dotation, car elle met en lumière la façon dont Mme McGuinness a obtenu une nomination intérimaire en juin 2006 (Voir, par exemple, la décision Robert c. le sous ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TDFP 0020).

63Mme McGuinness a commencé à exercer à titre intérimaire les fonctions du poste PG 04 le 13 février 2006, le même jour où elle a été mutée rétroactivement au poste PG 03. Cette nomination intérimaire a également été approuvée après coup : l’offre écrite a été présentée le 29 mars 2006 et signée par le gestionnaire délégataire le 22 mars de la même année. Elle est entrée en vigueur rétroactivement au 13 février 2006.

64Avant le 13 février 2006, Mme McGuinness ne faisait pas partie de l’unité de Mme Zwicker. Elle occupait un poste AS 04 dans une autre section du MDN. La mutation ayant amené Mme McGuinness dans l’unité de Mme Zwicker n’est entrée en vigueur que deux mois plus tard, bien que rétroactivement. Ainsi, Mme Zwicker n’a pas offert la nomination intérimaire à une personne de son unité comme elle l’avait promis à Mme Meade en 2002.

65Néanmoins, le Tribunal conclut que la décision de Mme Zwicker d’offrir la nomination intérimaire à Mme McGuinness n’avait rien d’inapproprié. Mme Zwicker a choisi Mme McGuinness, car elle avait pour pratique d’offrir, si possible, les nominations intérimaires à des employés occupant un poste d’un niveau au dessous de celui du poste à doter. Selon elle, les employés répondant à ce critère possèdent les connaissances et l’expérience nécessaires pour exercer les fonctions du poste plus élevé. Les plaignants n’ont pas reçu cette offre de nomination intérimaire étant donné qu’ils occupaient des postes de deux niveaux au dessous de celui du poste à doter.

66De plus, le Tribunal juge que le but de cette nomination intérimaire était de doter le poste de façon temporaire pendant le déroulement du processus de nomination visant sa dotation pour une période indéterminée. Mme Zwicker a choisi Mme McGuinness, car elle avait déjà travaillé avec elle dans le passé et était satisfaite de son rendement. Mme McGuinness avait également obtenu la plus haute note dans le cadre du processus de nomination annoncé infructueux réalisé afin de doter le poste PG 04 pour une période indéterminée à l’été 2005.

Décision prise en juin 2006 de lancer un processus non annoncé pour doter le poste PG 04 à titre intérimaire et de nommer Mme McGuinness à ce poste

67Mme McGuinness a continué à exercer les fonctions du poste PG 04 à titre intérimaire du 1er juin au 29 septembre 2006 en raison de la tenue d’un processus non annoncé. C’est sur cette nomination intérimaire que portent les plaintes.

68La LEFP permet expressément aux gestionnaires délégataires de doter un poste au moyen d’un processus non annoncé. L’article 33 prévoit que la CFP peut choisir entre un processus annoncé ou non annoncé en vue d’effectuer une nomination, et l’art. 30(4) précise que la CFP n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour procéder à une nomination fondée sur le mérite. En fait, la LEFP n’exprime aucune préférence pour l’un ou l’autre des processus.

69Selon le Tribunal, le fait de choisir un processus non annoncé pour doter le poste PG 04 ne constituait pas un abus de pouvoir. Mme Zwicker a choisi un processus non annoncé parce que le processus annoncé visant à doter le poste pour une période indéterminée n’avait pas pu être achevé dans les délais prévus. Le Tribunal considère qu’il est logique de choisir un processus de nomination non annoncé pour doter un poste pour une aussi courte période.

70Le Tribunal estime qu’il n’y a eu aucun abus de pouvoir dans la décision de nommer Mme McGuinness à titre intérimaire. Seules deux personnes occupaient des postes PG 03 : Mmes Lynds et McGuinness. Mme Lynds a reçu l’offre de nomination intérimaire à la fin de mai 2006, mais l’a refusée et n’a pas présenté de plainte. Mme Zwicker a évalué Mme McGuinness au regard de l’énoncé des critères de mérite et l’a jugée qualifiée. Les plaignants n’ont pas contesté le fait que Mme McGuinness était qualifiée pour la nomination et n’ont présenté aucun élément de preuve à cet égard, à l’exception du témoignage non fondé de Mme Lynds selon lequel Mme McGuinness n’était pas qualifiée.

71Rien ne prouve que l’intimé ait délibérément privé les plaignants par mauvaise foi d’une occasion de nomination intérimaire. La nomination intérimaire ne leur a pas été offerte parce qu’ils occupaient des postes de deux niveaux au-dessous de celui du poste à doter et que Mme Zwicker offrait des intérims seulement aux personnes qui occupaient un poste d’un niveau au dessous du poste à doter. L’intimé ne disposait pas d’une politique en matière de nominations intérimaires; toutefois, la pratique adoptée personnellement par Mme Zwicker n’était pas déraisonnable. Les éléments de preuve montrent qu’elle observait cette pratique de façon cohérente et le plus souvent possible. Les plaignants n’ont présenté aucun élément de preuve qui pourrait indiquer que la pratique adoptée par l’intimé à cet égard constituait une violation des lignes directrices de la CFP sur les nominations intérimaires ou de ses propres politiques ou directives en la matière. Le Tribunal conclut que, dans les circonstances en l’espèce, rien ne prouve que cette pratique constitue un abus de pouvoir.

72Les plaignants soutiennent que Mme Zwicker a prolongé la nomination intérimaire de Mme McGuinness afin d’accroître ses chances d’être nommée au poste PG 04 pour une période indéterminée dans le cadre d’un futur processus de nomination. Cette allégation n’est étayée par aucun élément de preuve. Mme Zwicker devait doter ce poste par intérim jusqu’à ce que le processus visant à le doter pour une période indéterminée soit achevé. Cela dit, il n’y a rien de mal à offrir une possibilité d’intérim à un employé afin d’accroître ses compétences en vue de futurs processus de nomination. Bien entendu, le fait d’accorder une nomination intérimaire pour une raison inappropriée, comme pour favoriser un ami intime ou pour obtenir une faveur personnelle, constituerait un abus de pouvoir (voir la décision ,Beyak c. le sous-ministre de Ressources naturelles Canada, 2009 TDFP 0007), mais rien ne prouve que le favoritisme personnel ait joué un rôle quelconque dans la nomination de Mme McGuinness.

73Mme Zwicker a déclaré qu’elle n’entretenait aucun rapport social avec Mme McGuinness au moment de la nomination intérimaire. Les plaignants n’ont présenté aucune preuve du contraire. Ainsi, rien ne prouve que Mme Zwicker ait entretenu une relation autre que purement professionnelle avec Mme McGuinness au moment de la nomination intérimaire. En outre, rien ne prouve non plus que le choix d’un processus non annoncé pour la prolongation de l’intérim ait été effectué dans le but de récompenser Mme McGuinness ou de s’assurer qu’elle aurait un avantage au cours d’un processus visant à doter le poste pour une période indéterminée.

74Le fait que l’intimé ait offert une formation sur les contrats à Mme McGuinness ne signifie pas qu’il l’ait fait dans le cadre d’un stratagème visant à la préparer à une nomination au poste PG 04 pour une période indéterminée. Les fonctions du poste étaient liées aux contrats, et Mme McGuinness estimait qu’elle devait mettre à jour ses connaissances en la matière. Mme Lynds a également reçu une offre de formation sur les contrats en vue d’une nomination intérimaire au même poste, mais elle a refusé.

75Le Tribunal trouve préoccupant le fait que la nomination intérimaire ait été signée par le gestionnaire délégataire le 23 juin 2006, rétroactivement au 1er juin 2006. L’intimé n’a fourni aucune explication quant à ce retard. Bien que l’art. 56(1) de la LEFP permette les nominations rétroactives, en général, un employé ne devrait pas commencer à exercer les fonctions d’un poste avant que la mesure de dotation ne soit approuvée par la personne investie des pouvoirs délégués. En l’espèce, cette irrégularité n’avait toutefois aucune incidence sur le choix du processus ou de la personne nommée et n’est pas suffisamment sérieuse pour constituer un abus de pouvoir.

76Les plaignants soutiennent que l’intimé a fait preuve de négligence en omettant de publier un avis concernant la nomination intérimaire de Mme McGuinness en temps opportun. L’article 13 du REFP prévoit que la CFP doit informer les personnes se trouvant dans la zone de recours de toute nomination intérimaire portant la durée cumulative de la nomination intérimaire d’une personne à quatre mois ou plus. L’intimé n’a pas expliqué clairement pourquoi l’avis avait été publié en retard quoique Mme Zwicker a déclaré qu’il n’était pas rare que cela se produise, et que la justification écrite expliquant pourquoi un processus non annoncé avait été utilisé n’avait été signée que le 3 août 2006 par M. Dyke, à qui ce pouvoir avait été délégué. Rien ne prouve que le fait que l’avis ait été publié en retard soit lié à une tentative de dissimuler la nomination ou d’éviter sciemment l’exercice des droits de recours. La période écoulée depuis le début du deuxième processus de nomination intérimaire était de deux mois et demi, mais l’avis a été publié dans les deux semaines suivant son approbation par M. Dyke.

77Le Tribunal souligne qu’il est important que les gestionnaires suivent rigoureusement les exigences du REFP concernant la notification. Les employés ont le droit d’être informés d’une nomination intérimaire au moment où elle est effectuée, et non après coup. Cependant, en l’espèce, cette omission n’est pas suffisamment sérieuse pour constituer un abus de pouvoir. Selon Mme Zwicker, ce genre de retard n’est pas inhabituel et, bien que le Tribunal ne l’excuse pas, les plaignants en l’espèce n’ont subi aucun préjudice et ont été en mesure d’exercer leur droit de porter plainte. Comme il a été mentionné au paragraphe 65 de la décision Tibbs, il ressort clairement du préambule et de la LEFP dans son ensemble que l’intention du législateur était qu’il fallait plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir.

78En résumé, les éléments de preuve montrent que le processus ayant mené à la nomination intérimaire de juin 2006 était complexe. Néanmoins, examinés dans leur ensemble, ils révèlent que la nomination intérimaire de Mme McGuinness au poste PG 04 en juin 2006 n’allait pas à l’encontre de la LEFP ni du REFP. Au départ, Mme Zwicker souhaitait nommer directement Mme McGuinness à titre intérimaire au poste PG 04 quand celle ci occupait un poste AS 04 dans une autre unité du MDN. C’est parce que le superviseur de Mme McGuinness n’arrivait pas à fixer une date où elle pourrait quitter son unité que Mme Zwicker a décidé de muter celle ci au poste PG 03 et de la nommer au poste PG 04 à titre intérimaire le même jour. La mutation de Mme McGuinness au poste PG 03 constituait donc un moyen de lui permettre d’être nommée par intérim au poste PG 04. Bien que la décision de nommer Mme McGuinness au poste PG 04 à titre intérimaire ait découlé d’un certain nombre de mesures, celles-ci ont été prises de façon transparente et la décision n’était pas inappropriée. En juin 2006, la première nomination intérimaire a été prolongée, car le processus visant à doter le poste PG 04 pour une période indéterminée n’était pas terminé. Par conséquent, cette nomination intérimaire ne constituait en aucun cas un abus de pouvoir.

79En conclusion, bien qu’il soit préoccupé par le caractère rétroactif de la nomination intérimaire de juin 2006 et le fait que l’avis de nomination a été affiché en retard, le Tribunal conclut que rien ne prouve que l’intimé ait abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé pour procéder à cette nomination et en nommant Mme McGuinness à ce poste.

Décision

80Pour tous les motifs susmentionnés, les plaintes sont rejetées.

John Mooney

Vice-président

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal :
2006-0087, 0088, 0089 & 0090
Intitulé de la cause :
Thomas A.C. Brown, Gloria W. Fry, Toby Lynne Meade et le sous ministre de la Défense nationale et al.
Audience :
Les 14 et 15 janvier 2010
Halifax (Nouvelle-Écosse)
Date des motifs:
13 août 2010

COMPARUTIONS

Pour les plaignants :
Alan Phillips
Pour l’intimé :
Pierre Marc Champagne
Pour la Commission
de la fonction publique :

Lili Ste-Marie
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