Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant, un analyste-programmeur en informatique, a présenté sa candidature pour un poste de chef de projet (CS-03), laquelle n’a pas été retenue parce que, selon l’intimé, il ne possédait pas l’expérience requise par rapport au cycle de développement de systèmes (CDS), une qualification essentielle. Par CDS, on entend les différentes étapes du cycle de développement qui entrent dans la réalisation d’un logiciel. Le plaignant a fait valoir que cette conclusion de l’intimé constituait un abus de pouvoir. Il a ajouté que l’intimé avait fait preuve de favoritisme personnel envers des candidats issus de son organisme, et qu’il a agi de mauvaise foi. Décision L’expérience en CDS figurait parmi les critères essentiels, et le plaignant a reconnu qu’il ne l’avait pas mentionné dans sa demande d’emploi. De même, il n’a fait nulle part le lien entre le CDS et l’expérience qu’il a décrite dans sa demande. Le plaignant ne pouvait présumer que parce que les membres du comité le connaissaient, ils concluraient qu’il avait travaillé en CDS et qu’il possédait l’expérience requise. Le fait que le plaignant a pu être considéré qualifié pour d’autres postes nécessitant de l’expérience en CDS ne veut pas dire qu’il satisfaisait à ce critère pour le processus en cause. Par conséquent, le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a agi de façon déraisonnable et a omis de tenir compte de facteurs pertinents en considérant qu’il n’avait pas l’expérience du CDS requise. Quant à l’allégation de favoritisme personnel, quatorze candidats de l’intimé et d’autres organismes ont réussi à la présélection et ont démontré qu’ils satisfaisaient à cette qualification essentielle. Seule la personne nommée a complété tout le processus de nomination avec succès et le plaignant n’a pas démontré qu’elle ne possédait pas toutes les qualifications essentielles. Le plaignant n’a pas apporté de preuve de favoritisme personnel de la part de l’intimé à l’égard de la personne nommée. S’agissant de l’allégation de mauvaise foi, le plaignant avait le sentiment que le fait pour l’intimé de l’informer de la nature du critère CDS seulement quelques jours avant l’audience était une indication de mauvaise foi à son égard. Il s’est écoulé plus de 16 mois entre le moment où le plaignant a appris qu’il avait été éliminé à la présélection et celui où il a appris les détails du critère d’évaluation. Le Tribunal n’était pas satisfait de l’explication de l’intimé pour ce retard selon laquelle celui-ci attendait une révision de la demande avant l’audience, afin qu’il puisse donner au plaignant une explication détaillée du critère d’évaluation. Le Tribunal en a conclu que le comité avait fait erreur et ne s’était pas conformé aux Lignes directrices –Discussion informelles de la Commission de la fonction publique. Le Tribunal a estimé, cependant, que le retard de l’intimé ne constituait pas de l’incurie ou une insouciance grave assimilable à de la mauvaise foi. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier:
2008-0526
Rendue à:
Ottawa, le 17 août 2010

RAPHAËL AGBOTON
Plaignant
ET
LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d'abus de pouvoir aux termes de l'article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Lyette Babin-MacKay, membre
Langue de la décision:
Français
Répertoriée:
Agboton c. le président de la Commission de la fonction publique
Référence neutre:
2010 TDFP 0013

Motifs de décision

Introduction

1Le plaignant, Raphaël Agboton, allègue qu’il y a eu abus de pouvoir dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé d’un poste de chef de projet, aux groupe et niveau CS-03, à la Commission de la fonction publique (CFP), en :

  1. évaluant ses qualifications de façon inappropriée, ce qui a entraîné le rejet de sa candidature à l’étape de la présélection;
  2. définissant et évaluant incorrectement le critère « expérience dans l’utilisation et l’implémentation d’applications avec le Cycle de développement des systèmes (CDS);
  3. en le traitant différemment et en accordant un traitement préférentiel à la personne nommée.

2L’intimé, le président de la CFP, déclare que la candidature du plaignant n’a pas été retenue à l’étape de la présélection parce qu’il n’a pas démontré qu’il possédait de l’expérience par rapport au critère CDS. De plus, l’intimé fait valoir que la définition des critères de mérite relève du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire. Il soutient également que le plaignant a été traité de la même façon que tous les autres candidats et que les mêmes critères de mérite ont été appliqués uniformément à tous.

Contexte

3En février 2008, l’intimé a publié une Annonce de possibilité d’emploi sur Publiservice pour un poste de chef de projet (CS-03), à la Direction générale des services de technologie de l’information, Direction des services aux applications de la CFP, à Ottawa.

4L’annonce précisait les qualifications essentielles d’expérience suivantes :

Expérience dans l’analyse, le développement, la mise en œuvre, le maintien et le soutien d’applications informatiques complexe[s] à l’aide d’au moins un des langage[s] de programmation suivant[s] : Java (Servlet /Applet/JSP), Open Road, C.

Expérience dans la revue, la documentation et l’analyse de fonctions et besoins opérationnelles de clients.

Expérience dans l’utilisation et l’implémentation d’applications avec le cycle de développement de systèmes (CDS).

Expérience avec au moins un des systèmes de gestion de base de données relationnelles (SDBGR) suivant[s] : Oracle, Ingres.

Expérience dans la planification er l’exécution de tests de fonctionnalité et tests de systèmes informatiques.

Expérience dans la documentation de systèmes informatiques dans le cadre d’un projet (ex : modélisation de données, Use Case, Plan de mise à l’essai, rapport de progrès, etc.).

(gras ajouté)

5Le plaignant a présenté sa candidature à ce poste le 27 février 2008.

6Le 23 avril 2008, l’intimé l’a informé que sa candidature n’avait pas été retenue car il n’avait pas démontré dans sa demande d’emploi qu’il répondait aux qualifications essentielles suivantes :

Expérience dans la revue, la documentation et l’analyse de fonctions et besoins opérationnelles (E-2);

Expérience dans l’utilisation et l’implémentation d’applications avec le cycle de développement de systèmes (CDS) (E-3).

7La Notification de nomination ou de proposition de nomination concernant ce processus de nomination a été publiée le 23 juillet 2008 et le 25 juillet 2008, le plaignant a déposé une plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

8Le 14 septembre 2009, soit trois jours avant le début de l’audition de sa plainte, l’intimé a informé le plaignant que sa demande avait été revue et, qu’en fait, il satisfaisait à la qualification essentielle E-2. Cependant, la décision de l’intimé n’a pas changé quant à la qualification essentielle E-3.

Questions en litige

9Le Tribunal doit statuer sur les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a conclu que le plaignant n’a pas démontré qu’il satisfaisait à la qualification essentielle E-3?
  2. L’intimé a-t-il fait preuve de favoritisme personnel envers deux candidats de la CFP dont la personne nommée?
  3. L’intimé a-t-il agi de mauvaise foi et ainsi abusé de son pouvoir?

Résumé des éléments de preuve pertinents

10Le plaignant est un analyste-programmeur en informatique (CS-02), à l’emploi de Statistique Canada depuis janvier 2008. De 2000 à 2008, il était à l’emploi de l’intimé, occupant des postes aux groupe et niveau CS-02. À son arrivée à la CFP en 2000, il s’occupait de l’entretien et du soutien de systèmes informatiques dans un groupe dont le gestionnaire était Roger Duhamel (CS-04). À compter de mai 2001, le plaignant a travaillé avec d’autres surveillants, puis il s’est finalement joint, en 2004, au groupe de Martin Patenaude (CS-04) qui est gestionnaire à la Direction des services aux applications. Selon le plaignant, il a travaillé avec M. Patenaude pendant quatre ans, de mars 2004 à janvier 2008, pour ensuite travailler quelques semaines dans le groupe de M. Duhamel avant de quitter la CFP en janvier 2008. Selon le témoignage de M. Patenaude, le plaignant n’a commencé à travailler dans son équipe qu’en 2006.

11Le plaignant a déclaré que pendant la période durant laquelle il travaillait pour M. Patenaude, il s’est occupé de tout le soutien et l’entretien d’une application particulière utilisée par la CFP. Peu avant la fin du projet, M. Patenaude lui a demandé d’évaluer le module d’inscription du Système du centre de formation linguistique (SCFL), un des six modules de ce système. De 2007 à 2008, M. Patenaude l’a chargé de tout le soutien et de l’entretien des six modules du SCFL.

12Selon le plaignant, tous les membres de son ancienne équipe à la CFP ont participé à ce processus de nomination, mais il est le seul dont la candidature a été rejetée à l’étape de la présélection. De plus lorsqu’il a quitté la CFP, il travaillait avec la personne nommée aux mêmes groupe et niveau.

13M. Patenaude est le gestionnaire responsable du poste en litige et était responsable du processus de nomination. Il a présidé le comité d’évaluation (le comité) auquel siégeait aussi M. Duhamel.

14MM. Patenaude et Duhamel ont préparé la liste des qualifications essentielles et l’énoncé des critères de mérite du poste, en consultation avec deux autres gestionnaires CS-04 de la Direction des services aux applications. M. Patenaude a aussi consulté son propre directeur et le service des Ressources humaines.

15M. Patenaude a expliqué que le chef de projet doit gérer la planification des systèmes d’applications au moyen du CDS. Par CDS, on entend les différentes étapes du cycle de développement qui entrent dans la réalisation d’un logiciel. M. Patenaude a déclaré que vu l’impact potentiel de chaque étape du CDS sur les autres étapes, la personne nommée devait avoir de l’expérience et avoir travaillé à toutes les étapes du CDS, non pas seulement dans l’une ou l’autre.

16Vingt-cinq personnes ont présenté leur candidature pour ce processus de nomination. Quatorze candidats ont satisfait aux critères de présélection dont sept qui n’étaient pas des employés de la CFP. Un seul candidat a réussi à toutes les étapes du processus de nomination et a été nommé au poste. Ce candidat était déjà un employé de la CFP.

Évaluation de E-3

17Le 23 avril 2008, l’intimé a informé le plaignant que sa candidature n’avait pas été retenue car il n’avait pas démontré dans sa demande qu’il répondait à la qualification essentielle E-3. Le plaignant a envoyé un courriel à M. Patenaude le même jour pour savoir pourquoi le comité ne semblait pas avoir pris en considération son service à la CFP.

18M. Patenaude lui a répondupar courriel que le comité avait revu sa demande d’emploi plusieurs fois mais qu’il n’y mentionnait pas avoir de l’« expérience dans l’utilisation et l’implémentation d’applications avec le cycle de développement de systèmes (CDS) ». M. Patenaude lui a dit que le comité se devait d’être objectif dans l’examen des demandes d’emploi des candidats. La présélection devait se faire sur la foi de ce qui était écrit dans la demande d’emploi et la mention de cette expérience ne s’y trouvait pas. Dans ce courriel, M. Patenaude lui a aussi indiqué avoir été surpris qu’il n’ait pas mentionné cette expérience dans sa demande, car il avait touché à ces éléments quand il était membre de son groupe.

19M. Patenaude a affirmé qu’il avait fait ce dernier commentaire dans le courriel par sympathie pour le plaignant parce qu’il avait été éliminé à la présélection. Il a ajouté qu’alors qu’il travaillait au niveau du développement des modules à la CFP, le plaignant n’avait touché qu’à certaines étapes du CDS et qu’il n’y avait pas acquis l’expérience nécessaire pour réussir dans le processus de nomination.

20Dans son témoignage M. Patenaude a expliqué que le plaignant n’a pas passé l’étape de la présélection parce qu’il n’a indiqué dans sa demande aucun des éléments du critère d’évaluation d’E-3 que le comité avait établi pour la présélection. Il a expliqué que le comité recherchait dans les demandes des candidats des mots-clés ou expressions : CDS, System Development Life Cycle, son abréviation SDLC, cycle de vie, développement par étape, ou d’autres expressions telles que RUP ou Waterfall). Si ces mots-clés ou expressions n’y étaient pas, le comité recherchait alors la mention, dans un seul et même projet, de chacune des sept étapes du cycle de vie telles qu’énumérées dans le document Wikipedia intitulé Systems Development Life Cycle (disponible en anglais seulement) remis au plaignant lors de la communication des renseignements soit :

1. Planification de projet, étude de faisabilité, initiation

2. Formulation des exigences et analyse de systèmes

3. Conception de systèmes

4. Montage

5. Mise à l’essai

6. Installation, mise en œuvre et déploiement

7. Maintenance, exécution des activités courantes

      [Traduction]

21M. Patenaude a déclaré que c’est avant de commencer la présélection que le comité a décidé de quelle façon il déterminerait si un candidat satisfaisait à la qualification essentielle E-3.

22Dans son témoignage, le plaignant a admis qu’on ne retrouve dans sa demande d’emploi ni le terme CDS ni les expressions recherchées. Cependant il a expliqué qu’il a décrit l’expérience professionnelle qu’il a acquise dans chaque ministère où il avait travaillé dans le passé, soit sur des projets ou sur des tâches assignées différentes l’une de l’autre.

23Il a confirmé qu’il avait lu l’Annonce de possibilité d’emploi au complet avant de postuler et qu’il savait qu’il devait démontrer clairement qu’il satisfaisait aux exigences énoncées, à défaut de quoi il pourrait être éliminé du processus. Il a également confirmé qu’il n’avait pas communiqué avec les Ressources humaines avant de postuler.

24Dans son témoignage, M. Patenaude a expliqué ce que le comité entendait par « [e]xpérience dans l’utilisation et l’implémentation d’applications avec le cycle de développement de systèmes (CDS) ». Il s’agit de l’expérience dans chacun de ces deux aspects, nommément l’utilisation et l’implémentation. Il a précisé que l’utilisation du CDS est la mise en pratique de toutes les étapes du CDS lors du développement d’applications, et que l’implémentation est l’utilisation du cycle de vie pour mettre en œuvre un système ou une application.

25Un candidat n’était pas accepté s’il ne satisfaisait pas aux critères recherchés, soit les mots-clés ou expressions ou les sept étapes du CDS dans un même projet. Ce n’est qu’à la présélection que le comité a évalué la qualification essentielle E-3 de cette façon.

26M. Patenaude a confirmé que l’Annonce de possibilité d’emploi ne précisait pas comment les qualifications essentielles seraient évaluées à la présélection. Il a déclaré que l’évaluation de tous les candidats a été faite de façon uniforme.

27Le plaignant a déposé en preuve deux documents qu’il a préparés aux fins de l’audience : Contribution à la CFP et Critère de sélection en cause – Mon cas. Il a déclaré que dans le premier il a résumé les projets et travaux auxquels il dit avoir contribué alors qu’il travaillait à la CFP alors que le deuxième contient quelques extraits de sa demande qui satisfont à E-3.

28Le plaignant a demandé à M. Patenaude s’il retrouvait dans le document Contribution à la CFP des éléments de l’expérience qu’il avait acquise quand il travaillait dans son groupe. M. Patenaude a reconnu que le projet SCFL et celui du Système de gestion de l’information des priorités (SGIP) chevauchaient quelques groupes de travail sous sa responsabilité. Quant au reste des projets et applications énumérés dans ce document, M. Patenaude a dit qu’il en connaissait certains et pas d’autres.

29Quant aux étapes du CDS sur lesquelles le plaignant a travaillé alors qu’il appartenait au groupe de M. Patenaude, ce dernier a affirmé qu’il s’agissait des étapes « build » (montage), « testing » (mise à l’essai) et maintenance dans divers projets énumérés dans le document.

30M. Patenaude a réitéré que le plaignant n’avait pas travaillé à toutes les étapes du CDS quand il était dans son groupe et qu’il lui assignait des tâches de développement et de mise à l’essai.

31M. Patenaude a admis que lors de ses rencontresavec le plaignant après le dépôt de sa plainte, il ne lui a pas indiqué ce que le comité recherchait dans les demandes lors de la présélection. Il a affirmé qu’il ne l’a pas mentionné au plaignant parce que le comité n’avait pas encore fait la révision de sa demande.

Définition du CDS et nombre d’étapes d’un cycle de vie

32Le plaignant a affirmé que l’intimé a mal défini et mal évalué le critère qui a trait au CDS. À l’appui, il a déposé plusieurs documents et extraits d’ouvrages en preuve et longuement interrogé M. Patenaude sur les différentes descriptions de CDS et de cycle de vie qu’ils contiennent. Le plaignant a souligné que certains de ces documents indiquent que le nombre d’étapes du CDS peut varier, allant  de quatre à sept ou même plus.

33Le plaignant a déclaré que le comité lui a affirmé, lors d’une des réunions tenues (discussion informelle ou communication de renseignements) que le CDS est une méthodologie de développement des systèmes. Le plaignant a ajouté qu’une telle définition est incorrecte, et que le CDS n’est pas une méthodologie mais plutôt un ensemble des phases du développement des systèmes qui peut prendre un aspect différent d’une méthodologie à une autre.

34Dans son témoignage, M. Patenaude a affirmé que le mot « méthodologie » n’apparaît pas dans l’Énoncé des critères de mérite et conditions d’emploi ni dans le libellé de la qualification essentielle E-3.

35Le plaignant a interrogé M. Patenaude au sujet de l’affirmation du comité selon laquelle le CDS comporte sept étapes. Il lui a fait remarquer que le document Systems Development Life Cycle, que le comité a tiré du site internet Wikipedia et lui a remis durant la communication de renseignements, indique qu’il peut y avoir de quatre à sept étapes au CDS.

36M. Patenaude a réitéré que la CFP utilise le CDS en sept étapes, telles qu’elles sont décrites dans ce document. Il a affirmé qu’il n’y a pas de document « officiel » qui décrit ce que le comité a pris en considération quant aux étapes du CDS. Il a ajouté que la CFP s’en tient aux étapes du CDS reconnues mondialement et n’utilise pas de modèle de CDS à quatre étapes. Il a aussi affirmé que les membres de son groupe à la CFP utilisent le CDS et que les sept étapes standardisées pour développer des systèmes leur sont familières. Il a expliqué que la CFP utilise le terme CDS de façon générale.

37Selon M. Patenaude, comme le CDS est connu mondialement, il était raisonnable que le comité s’attende à ce que des candidats de l’extérieur de la CFP le connaissent aussi. Selon lui, le processus était suffisamment ouvert aux candidats de l’extérieur de la CFP même si certains documents de référence indiquent que les étapes du CDS peuvent varier de quatre à sept. Par exemple, il a indiqué que RUP et Waterfall sont des regroupements d’étapes, des normes qui utilisent les mêmes étapes que le CDS; les étapes du RUP sont sensiblement les mêmes que celles du CDS.

38M. Patenaude a confirmé que l’annonce de possibilité d’emploi n’indiquait pas que le comité recherchait la mention d’un CDS en sept étapes.

Autres processus de nomination ou concours tenus à la CFP ou ailleurs

39Pour démontrer que l’intimé a mal défini le critère du CDS, le plaignant a présenté des énoncés de qualité et des avis de concours auxquels il a dit avoir participé à la CFP en 2002, en 2003 et en 2005 pour différents postes de groupe et niveau CS‑03, pour montrer l’utilisation de CDS qu’on y fait. Il a aussi présenté plusieurs avis de concours et annonces de possibilités d’emploi de différents ministères, tenus de 2001 à 2008, pour montrer l’utilisation qu’on y a fait de l’expression CDS pour des postes de niveau CS-03 et CS-04. Il a interrogé M. Patenaude sur l’utilisation du CDS dans ces avis.

40M. Patenaude a souligné que dans les avis de la CFP, le CDS n’apparaissait pas dans « expérience » ou n’était pas libellé comme il l’est dans le processus actuel. Quant aux processus d’autres ministères, il souligne qu’un candidat qui aurait satisfait au critère CDS dans un de ces processus n’aurait pas nécessairement satisfait à celui-ci à la CFP. De plus, les termes utilisés dans ces processus ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux utilisés à la CFP.

41Le plaignant a admis que le CDS n’apparaît pas dans « expérience » dans plusieurs de ces documents.

Favoritisme personnel envers la personne nommée

42Le plaignant a déposé en preuve les demandes d’emploi des candidats de la CFP, y compris celle de la personne nommée. Il n’a pas déposé en preuve les demandes d’emploi des candidats de l’extérieur de la CFP à part la sienne.

43Le plaignant a demandé à M. Patenaude pourquoi le comité avait jugé des déclarations de connaissance équivalentes à de l’expérience dans la demande de la personne nommée et celle d’un autre candidat de la CFP. Dans la demande de la personne nommée, le seul endroit où le comité a annoté E-3 à la mention de CDS est dans la rubrique Connaissances informatiques, pas dans la rubrique Expérience. L’autre candidat de la CFP a indiqué, dans la rubrique Habiletés techniques, avoir une « Connaissance des techniques d’analyse et de conception des systèmes d’information et du SDLC (Cycle de développement des logiciels) »; cette mention est aussi annotée E-3.

44M. Patenaude a répondu que le comité avait utilisé son pouvoir discrétionnaire pour accepter ces mentions comme des indications de l’expérience E-3. Il a indiqué qu’il n’importait pas au comité que le CDS ait été mentionné ailleurs que dans « expérience ». Le comité recherchait dans les demandes soit la mention de CDS ou celle de toutes les étapes du CDS; ici, la mention de CDS y était.

45M. Patenaude a ajouté que ces mentions de CDS n’étaient pas nécessairement la seule raison qui avait mené le comité à conclure que ces candidats possédaient l’expérience recherchée. Il a expliqué qu’à la présélection le comité n’évaluait pas le niveau d’expérience des candidats, et que l’expérience dans l’utilisation et l’implémentation d’applications avec CDS avait fait l’objet de plusieurs évaluations ultérieures durant l’examen écrit et durant l’entrevue.

46Le plaignant a aussi déposé en preuve des courriels échangés avec le Chef des opérations des ressources humaines en août 2008. Le plaignant y demande si des connaissances et des capacités pouvaient être assimilées à de l’expérience à la présélection. On lui a répondu que seules les études et l’expérience avaient été utilisées pour la présélection.

47Lorsque le plaignant a souligné cette réponse des Ressources humaines à M. Patenaude, celui-ci a déclaré que pour les ressources humaines les termes « connaissance » et « expérience » ont un sens spécifique, mais qu’un gestionnaire dispose d’une certaine latitude quand il revoit les connaissances et l’expérience, et peut les considérer de différentes façons dans la demande d’emploi. Il a affirmé que le pouvoir discrétionnaire d’un gestionnaire au moment de la présélection pouvait lui permettre de juger les connaissances équivalentes à de l’expérience.

Traitement différent du plaignant à la présélection

48À l’appui de son allégation qu’il a été traité différemment des autres candidats à la présélection, le plaignant a cité le fait que son nom apparaît sur les documents que l’intimé lui a remis lors de la communication de renseignements dans le cadre de l’instruction de sa plainte. Ceux des autres candidats sont identifiés par un numéro.

49M. Patenaude a expliqué comment l’anonymat des candidats avait été protégé à la présélection. Il a déclaré que les Ressources humaines avaient remis au comité la demande d’emploi de chaque candidat, et que leurs renseignements personnels (y compris ceux du plaignant) avait été masqués et les demandes numérotées. Séparément, M. Duhamel et lui ont examiné chaque demande pour déterminer qui répondait aux qualifications essentielles. Ils ont ensuite comparé leurs résultats et constaté qu’ils en étaient arrivés aux mêmes conclusions.

50Subséquemment, les Ressources humaines ont remis au comité le document Rapport de présélection, associant les noms des candidats aux numéros apposés sur leurs documents. Ce n’est qu’alors que le comité a appris quels candidats avaient passé ou non la présélection. M. Patenaude a transcrit les résultats de chaque candidat sur le Rapport de présélection, et le comité a ensuite fait une vérification additionnelle des demandes des candidats qui n’avaient pas réussi à la présélection. Les résultats n’ont pas changé.

51M. Patenaude a expliqué que pour la communication de renseignements, le comité a remis au plaignant un Rapport de présélection où on avait masqué l’identité des candidats, sauf la sienne, et inséré des numéros pour les différencier. De même, lors de la communication de renseignements, on avait masqué les renseignements personnels des candidats (sauf ceux du plaignant) sur les copies des demandes d’emploi qu’on lui a remises.

52M. Patenaude aexpliqué que les commentaires manuscrits sur le Rapport de présélection déposé en preuve étaient les siens et indiquaient qui avait passé la présélection. Il a confirmé que le Rapport de présélection montre la décision finale du comité, qu’il a été complété avant la présentation de la plainte et quela version modifiée (noms effacés, sauf celui du plaignant) a été préparée après la plainte, pour la communication de renseignements.

53Le comité n’a pas préparé de rapport en plus du Rapport de présélection. Selon M. Patenaude, il s’agit de la pratique habituelle.

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

54Le plaignant soutient qu’il n’aurait pas dû être éliminé à l’étape de la présélection car même si l’expression CDS n’apparaît pas dans sa demande, on peut y retrouver tous les aspects du CDS tels définir les besoins, concevoir, évaluer, analyser, rédiger, développer, réaliser, tester, mettre en production, mettre à jour la documentation, supporter et soutenir les usagers, élaborer les dossiers fonctionnels, participer aux activités et gérer.

55Le comité a ignoré l’expérience professionnelle qu’il a acquise à la CFP et dans d’autres organismes. Il soutient que, contrairement à ce que l’intimé affirme, il a touché à toutes les étapes du CDS quand il était à la CFP. Pour le démontrer, il a noté les éléments de sa demande qui relèvent du CDS dans le document Critères de sélection en cause – Mon cas. Il soutient aussi que les informations dans sa demande n’ont pas été examinées à leur juste valeur et de façon exhaustive car on y retrouve des annotations d’évaluation comme E-3 que sur une page et demie seulement des cinq pages qu’elle comporte.

56Il soutient qu’il a fait l’entretien d’une importante application à la CFP, et qu’il en a éventuellement été complètement responsable. Il avance que sa demande démontre aussi qu’il a participé à des projets de développement et qu’il a développé des applications. Il soutient qu’il n’a pu avoir occupé ces fonctions à la CFP sans y acquérir une certaine expérience des étapes du processus de développement de systèmes, expérience qui s’ajoute à celle qu’il a acquise dans d’autres ministères et organismes.

57À l’appui de son affirmation qu’on a évalué ses qualifications de façon inappropriée, le plaignant souligne que la CFP l’a estimé qualifié lors de deux processus de nomination similaires qui ont utilisé le critère du CDS, mais qu’elle ne le juge pas qualifié pour celui-ci. Il soutient que si une qualification essentielle est utilisée dans plusieurs processus dans un même ministère, les normes d’évaluation de cette qualification devraient demeurer les mêmes sinon tout deviendrait arbitraire. Le plaignant souligne aussi que grâce à l’expérience qu’il a acquise à la CFP, d’autres ministères l’ont pris en considération pour des processus de nomination de mêmes groupe et niveau et avec des qualifications essentielles similaires à celles de ce processus-ci.

58Le plaignant rappelle que ce n’est que trois jours avant l’audition de sa plainte que l’intimé a revu sa demande et jugé qu’il satisfaisait dorénavant à la qualification essentielle E-2, mais non pas à E-3, et ce malgré toutes les occasions qu’a eues le comité de l’en informer – la discussion informelle, la communication de renseignements et les courriels échangés. Ce n’est aussi que trois jours avant l’audience qu’on l’a informé de la nature du critère d’évaluation d’E-3. Essentiellement, il croit que cela démontre la mauvaise foi du comité à son égard.

59Quant à l’exigence de mentionner les sept étapes du CDS dans un même projet, le plaignant croit qu’elle est sans fondement car même le document Systems Development Life Cycle utilisé par le comité indique que le nom et le nombre des étapes du CDS peuvent varier de quatre à sept.

60Selon le plaignant, les documents et les extraits d’ouvrages qu’il a déposés en preuve établissent que la définition d’E-3 que le comité lui a donnée à la discussion informelle est incorrecte. Le CDS n’est pas une méthodologie de développement des systèmes, comme lui a affirmé le comité mais un ensemble d’étapes du développement de systèmes.

61Il soutient qu’on a favorisé les candidats de la CFP, car la personne nommée et un autre candidat de la CFP ont déclaré avoir des connaissances ou des capacités en matière de CDS que le comité a transformées en déclarations d’expérience. Ces candidats n’auraient pas dû franchir l’étape de la présélection. Il rappelle l’affirmation des Ressources humaines que seules l’expérience et les études avaient été prises en considération à la présélection, et qu’on ne pouvait juger des connaissances équivalentes à de l’expérience.

62Le plaignant allègue aussi qu’il a été traité différemment, car il a été identifié à la présélection. Il ne croit pas que son information personnelle a été dissimulée sur sa demande et il soutient que sa candidature a été tout simplement écartée.

63En conclusion, si le Tribunal lui donne gain de cause et conclut que ce processus de nomination est entaché d’irrégularités, il demande que les mesures de redressement soient exemplaires et réparatrices.

B) Argumentation de l’intimé

64L’intimé soutient qu’il revenait au plaignant de présenter une demande d’emploi complète. Ce dernier a pu supposer que ses années d’expérience à la CFP démontreraient qu’il satisfaisait à la qualification essentielle E-3, mais il semble que sa demande ne reflétait pas tout son travail au sein de la CFP ou d’autres organismes. MM. Patenaude et Duhamel auraient traité le plaignant différemment des autres candidats s’ils avaient utilisé leurs connaissances personnelles lors de la présélection. Toutefois, même s’ils avaient utilisé leurs connaissances personnelles du travail du plaignant, celui-ci n’aurait tout de même pas satisfait à E-3.

65L’intimé fait valoir qu’un gestionnaire n’est pas lié par les énoncés de critères de mérite qui ont pu être établis, à la CFP ou ailleurs, pour des postes similaires à celui-ci. La LEFP accorde au gestionnaire la latitude et le pouvoir discrétionnaire d’établir les qualifications essentielles et les critères de mérite de chaque processus.

66L’intimé fait valoir que le plaignant n’a pas été traité différemment. On ne retrouve pas la mention de CDS ou des sept étapes du CDS dans un même projet dans sa demande, ni dans celles des deux autres candidats de l’extérieur de la CFP qui n’ont pas passé la présélection pour cette raison.

67L’intimé soutient que la preuve démontre que le comité avait décidé, avant la présélection, quels renseignements seraient recherchés dans les demandes. Vu le travail à accomplir et les responsabilités du poste, il était raisonnable d’exiger de l’expérience avec le CDS. Le plaignant n’a déposé aucune preuve contraire. Le CDS et les sept étapes sont connus mondialement.

68L’intimé soutient que le document Systems Development Life Cycle remis au plaignant contient les étapes et les définitions du CDS que le gestionnaire a retenues pour ce processus; ces étapes et système sont appliqués à la CFP de façon régulière. Le gestionnaire a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement en établissant la qualification essentielle E-3.

69L’intimé soutient que malgré ce qu’affirme le plaignant, le libellé de la qualification essentielle E-3 n’utilise pas le terme « méthodologie », et M. Patenaude n’a pas utilisé ce terme lorsqu’il a expliqué ce qu’est le CDS. Il demeure toutefois que la définition des critères de mérite relève du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire.

70Le gestionnaire n’avait pas à informer les candidats de la définition des critères de mérite au moment où ils ont posé leur candidature. L’intimé rappelle que le plaignant a affirmé que l’énoncé des critères de mérite portait à confusion, mais qu’il n’a pas communiqué avec les Ressources humaines pour obtenir plus d’information sur la qualification essentielle E-3. L’intimé rappelle aussi, qu’en contre-interrogatoire, le plaignant a confirmé qu’il avait bien compris la qualification essentielledu CDS et que le terme est connu dans le milieu informatique.

71L’intimé est d’avis que le plaignant confond l’expérience et les études avec les éléments qui étaient recherchés dans les demandes. La preuve a démontré qu’un candidat réussissait à la présélection même s’il avait mentionné les mots-clés ou les étapes du CDS ailleurs que dans l’expérience dans sa demande. La présélection ne visait pas à mesurer le niveau d’expérience d’un candidat, et les autres qualifications essentielles reliées au CDS ont été évaluées après la présélection.L’absence d’annotation comme E-1 ou E-3 sur une demande ne signifie pas que le comité a conclu qu’un candidat ne satisfaisait pas à cette qualification essentielle particulière.

72L’intimé soutient que l’anonymat de tous les candidats a été protégé à la présélection.

73En conclusion, l’intimé soutient que le plaignant n’a pas démontré que, selon la prépondérance de la preuve, il y a eu abus de pouvoir dans l’application des critères de mérite et qu’il a été traité différemment des autres candidats, ni été évalué de façon déraisonnable ou inappropriée. Les critères de mérite ont été appliqués de façon uniforme à tous les candidats.

74L’intimé demande que la plainte soit rejetée.

Législation et lignes directrices pertinentes

75Les articles de la LEFP pertinents à la plainte sont les suivants:

2. (4)  Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par « abus de pouvoir » la mauvaise foi et le favoritisme personnel.

16. L’administrateur général est tenu, lorsqu’il exerce les attributions de la Commission visées à l’article 15, de se conformer aux lignes directrices de visées au paragraphe 29(3).

29. […]

(3)      La Commission peut établir des lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations et de prendre des mesures correctives.

30. (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

[…]

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment la prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquées pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

77. (1)            Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a)abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

         […]

76Les Lignes directrices – Discussions informelles de la CFP précisent ce qui suit :

Lignes directrices – Discussions informelles

Objectif des lignes directrices

Assurer la transparence et la communication pendant le processus de nomination, ce qui contribue à favoriser un milieu de travail sain.

[…]

Exigence des lignes directrices

En plus d’être responsables du respect de l’énoncé des lignes directrices, les administrateurs généraux et les administratrices générales doivent s’assurer que :

[…]

les personnes dont la candidature n’est pas retenue et qui demandent la tenue d’une discussion informelle ont accès à suffisamment d’information les concernant pour pouvoir comprendre la discussion et en discuter;

[…]

Analyse

Question I :  L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir lorsqu’il a conclu que le plaignant n’a pas démontré qu’il satisfaisait à la qualification essentielle E-3?

77Le plaignant soutient que l’intimé a abusé de son pouvoir en agissant de façon déraisonnable dans l’établissement du critère CDS et dans l’évaluation de sa candidature tout en ne tenant pas compte d’éléments pertinents.

78Dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, le Tribunal a estimé que les cinq catégories d'abus énoncées dans Jones et de Villars (David Philip Jones et Anne S. de Villars, Principles of Administrative Law (Toronto : Thomson Carswell, 2004) peuvent être un cadre utile dans l'évaluation d'une allégation d'abus de pouvoir présentée en vertu de la LEFP. En l’instance, les deuxième et troisième catégories d’abus de pouvoir seraient applicables à l’analyse de ces éléments de la plainte :

2) Lorsqu’un délégué se fonde sur des éléments insuffisants (incluant lorsqu'il ne dispose d'aucun élément de preuve ou qu'il ne tient pas compte d'éléments pertinents).

3) Lorsque le résultat est inéquitable (incluant lorsque des mesures déraisonnables, discriminatoires ou rétroactives ont été prises).

Définition d’E-3

79Le plaignant allègue que l’intimé a agi de façon déraisonnable et ainsi abusé de son pouvoir en définissant le critère du CDS dans la qualification essentielle E-3 comme étant une méthodologie de développement des systèmes plutôt qu’un ensemble d’étapes du développement de systèmes. Selon l’intimé, le libellé de la qualification essentielle E-3 n’utilise pas le terme « méthodologie » et M. Patenaude n’a pas utilisé ce terme pour expliquer le CDS lors de ses rencontres avec le plaignant.

80L’article 30(2)a) de la LEFP donne à l’administrateur général le pouvoir discrétionnaire d’établir les qualifications pour le travail à accomplir. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu, et le Tribunal pourrait considérer qu’il y a eu abus de pouvoir si le plaignant prouve que la méthode utilisée pour l’évaluation de ces qualifications est déraisonnable ou qu’elle ne permet pas l’évaluation des qualifications inscrites sur l’énoncé des critères de mérite (voir la décision Jogarajah c. Administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada, 2008 TDFP 0015).

81Le comité avait la responsabilité d’établir les qualifications du poste et de les définir. Les membres du comité sont des gestionnaires d’expérience, de groupe et niveau CS-04. M. Patenaude connaît bien les fonctions du poste de chef de projet et il a expliqué la définition du CDS et son lien à la qualification essentielle E-3 et aux fonctions du poste (voir Sampert c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 0009, para. 54).

82Quoique le plaignant ait présenté des documents sur le CDS, il n’a fourni aucune raison qui mènerait le Tribunal à conclure que la définition d’E-3 que M. Patenaude a donnée dans son témoignage est incorrecte ou déraisonnable. Par ailleurs, le plaignant n’a pas démontré qu’elle ne permettait pas d’évaluer le critère CDS, ou qu’elle constituait un abus de pouvoir,

83Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas prouvé que l’intimé a agi de façon déraisonnable et ainsi abusé de son pouvoir quand il a défini le CDS pour ce processus de nomination.

Évaluation d’E-3

84L’Annonce de possibilité d’emploi pour ce poste précisait bien que les candidats devaient démontrer clairement dans leur demande qu’ils répondaient à tous les critères essentiels, à défaut de quoi celle-ci pourrait être rejetée. Le comité d’évaluation a utilisé une méthode d’évaluation courante afin d’évaluer s’ils répondaient à tous les critères essentiels, c’est-à-dire qu’il a demandé aux candidats de présenter une demande démontrant qu’ils y répondaient.

85Le CDS figurait parmi ces critères essentiels, et le plaignant a reconnu qu’il ne l’avait pas mentionné dans sa demande d’emploi. Dans sa demande d’emploi, le plaignant ne mentionne nulle part avoir travaillé en utilisant le cycle de développement des systèmes ou le CDS, lequel est pourtant une partie critique des qualifications essentielles établies par le comité. De même, il ne fait nulle part le lien entre le CDS etl’expérience qu’il a décrite dans sa demande.

86Le plaignant ne pouvait présumer que parce que les membres du comité le connaissaient, ils concluraient qu’il avait travaillé avec le CDS à la CFP et qu’il possédait l’expérience requise. En fait, selon M. Patenaude, il n’avait pas acquis cette expérience alors qu’il était à la CFP. C’est au plaignant que revenait la responsabilité de démontrer de façon non équivoque qu’il satisfaisait à toutes les qualifications recherchées. Il devait être explicite dans sa demande et ne pouvait supposer que l’un ou des membres du comité le connaissent ou connaissent son expérience (voir Charter c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2007 TDFP 0048 aux para. 38-40).

87Le Tribunal a établi à maintes occasions que les candidats doivent s’assurer qu’ils démontrent très clairement dans leur demande qu’ils possèdent toutes les qualifications essentielles exigées pour le poste (voir Alexander et Rave c. Sous‑ministre de Santé Canada, 2008 TDFP 0032 au para. 97; Pugh c. le Sous‑ministre de la Justice, 2008 TDFP 0023 au para. 69; et Henry c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 0010 au para. 55).

88Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a agi de façon déraisonnable en ne considérant pas les éléments pertinents dans l’évaluation de sa candidature.

Nombre d’étapes du CDS

89Le plaignant allègue que le CDS peut comporter un nombre variable d’étapes selon les documents consultés. Il soutient qu’il n’est pas raisonnable d’exiger une énumération de sept étapes du CDS dans la demande, car elles ne sont pas nécessairement connues à l’extérieur de la CFP.

90Le Tribunal est d’avis que des documents tirés de Wikipedia devraient être utilisés avec une certaine prudence, car leur valeur scientifique n’a pas nécessairement été établie. Cependant, le Tribunal note que le document Wikipedia utilisé contient des références, que le comité d’évaluation a jugé correcte la description des étapes du CDS qu’il contient et que le plaignant ne les a pas mises en doute.

91Le document System Development Life Cycle de Wikipedia qui a été utilisé par le comité pour appuyer l’utilisation d’un CDS en sept étapes à la CFP indique cependant que le nombre d’étapes peut varier. M. Patenaude a déclaré que la CFP n’utilise pas le CDS en quatre étapes. Il a indiqué que les normes RUP et Waterfall regroupent certaines des étapes du CDS tout en étant sensiblement les mêmes.

92Le Tribunal est d’avis que, dans ces circonstances, un regroupement des étapes du CDS aurait pu être acceptable dans l’évaluation des demandes. Toutefois, le plaignant a admis qu’on ne retrouve pas dans sa demande d’emploi le terme CDS ni les expressions recherchées. Par ailleurs, quatre des sept candidats ne provenant pas de la CFP ont démontré à l’intimé qu’ils avaient l’expérience E-3 recherchée.

93Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas prouvé que l’intimé a agi de façon déraisonnable quand il a déterminé que le plaignant n’a pas énuméré dans son expérience les différentes étapes du CDS.

Processus de nomination et concours antérieurs

94Le plaignant soutient que la CFP et d’autres organismes l’ont jugé qualifié dans des processus de sélection similaires dans le passé, et il croit déraisonnable qu’on dise maintenant qu’il n’a pas l’expérience requise.

95Le Tribunal constate que le CDS ne figurait pas comme expérience requise dans les autres processus tel que l’a concédé le plaignant. Le plaignant n’a pas démontré qu’il satisfaisait au critère CDS pour le processus en cause. Le fait que le plaignant a pu être considéré qualifié pour d’autres postes ne veut pas dire qu’il satisfait au critère CDS pour le processus en cause.

96Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a agi de façon déraisonnable et a omis de tenir compte de facteurs pertinents en concluant qu’il n’avait pas l’expérience du CDS requise.

Question II :        L’intimé a-t-il fait preuve de favoritisme personnel envers deux candidats de la CFP dont la personne nommée?

97Le plaignant soutient que l’intimé a accordé un traitement préférentiel à deux candidats de la CFP dont la personne nommée. Il soutient que ces personnes n’ont pas démontré avoir l’expérience requise, car elles n’ont pas indiqué les mots-clés dans la portion Expérience de leurs demandes.

98Dans Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007 au para. 39, le Tribunal a statué que tel que spécifié à l’article 2(4) de la LEFP, c’est le favoritisme personnel et non toute autre forme de favoritisme qui constitue un abus de pouvoir. Le Tribunal doit donc déterminer si l’intimé a fait preuve de favoritisme personnel envers ces candidats en déterminant qu’ils ont démontré avoir l’expérience du CDS requise.

99Quatorze candidats de la CFP et d’autres organismes ont réussi à la présélection et ont démontré qu’ils satisfaisaient à la qualification essentielle E-3.

100Le comité considérait qu’un candidat démontrait avoir l’expérience recherchée peu importe où il mentionnait les éléments du critère d’évaluation dans sa demande.

101Tel qu’indiqué au préambule de la LEFP, le législateur aaccordé la marge de manœuvre nécessaire aux gestionnaires pour effectuer la dotation d’un poste. L’article 30(2)a) de la LEFP confère au comité un pouvoir discrétionnaire considérable dans l’évaluation des qualifications établies pour un poste.

102En l’espèce, la personne nommée a présenté les mots-clés recherchés dans la portion Connaissances Informatiques de sa demande. C’est dans la portion Habiletés techniques qu’un autre candidat de la CFP a présenté les mots-clés. Quoique ces déclarations ne semblent pas indiquer clairement si ces candidats ont l’expérience recherchée, M. Patenaude a déclaré que le comité les a acceptées, et qu’il a aussi évalué le CDS durant l’examen écrit et durant l’entrevue.

103Seule la personne nommée a complété tout le processus de nomination avec succès et le plaignant n’a pas prouvé qu’elle ne satisfaisait pas à toutes les qualifications essentielles.

104Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a fait preuve de favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée.

Question III :            L’intimé a-t-il agi de mauvaise foi et ainsi abusé de son pouvoir?

105L’article 2(4) de la LEFP précise pour qu’il n’y ait aucun doute que l’abus de pouvoir inclut la mauvaise foi. La mauvaise foi sous-entend traditionnellement l’existence d’une intention illégitime ou malhonnête. Elle inclut le parti pris, la partialité et les cas où une procédure irrationnelle conduit à un résultat incompatible avec l’exercice des fonctions de l’autorité publique. Aujourd’hui, les tribunaux donnent un sens plus large à la mauvaise foi qui ne nécessite pas la preuve d’une intention dans les cas d’incurie ou d’insouciance grave. De même, la mauvaise foi peut être établie par preuve circonstancielle (voir Finney c. Barreau du Québec, 2004 SCC 36 aux para. 37 et 39; Cameron et Maheux c. l'Administrateur général de Service Canada,2008 TDFP 0016; Chiasson c. Sous-ministre de Patrimoine canadien, 2008 TDFP 0027; et Burke c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0003.)

Traitement différent du plaignant à la présélection

106Le plaignant allègue essentiellement que l’intimé a agi de mauvaise foi en traitant sa demande de façon différente de celle des autres candidats à la présélection. Selon lui, son nom a été délibérément laissé sur sa demande d’emploi lorsqu’elle a été examinée par le comité.

107L’intimé a décrit les mesures prises pour assurer l’anonymat des candidats à cette étape. À la présélection, les renseignements personnels de tous les candidats, y compris le plaignant, ont été masqués sur les demandes remises au comité. Toutefois, à l’étape de la communication de renseignements, on a seulement masqué les renseignements personnels des autres candidats, car il n’était pas nécessaire de masquer ceux du plaignant sur les documents qu’il recevait. Le Tribunal juge l’explication de l’intimé raisonnable et est d’avis que le plaignant n’a pas été traité différemment des autres candidats. Le Tribunal estime que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a agi de mauvaise foi en traitant sa demande.

Communication du critère d’évaluation de E-3

108Le plaignant trouve suspect que le comité ait conclu quelques jours avant l’audience qu’il satisfaisait en fait à la qualification essentielle E-2 mais pas à E-3. Il croit que le fait que l’intimé ne l’a informé de la nature du critère d’évaluation d’E-3 qu’à ce moment est essentiellement une indication de mauvaise foi à son égard.

109L’intimé a revu la demande du plaignant quelques jours avant l’audience et expliqué que le plaignant ne satisfaisait toujours pas à la qualification essentielle E-3 parce qu’il n’avait pas indiqué, selon le critère d’évaluation établi, les mots clés recherchés ou les sept étapes du CDS dans un même projet.

110Le Tribunal a déjà été en mesure de constater qu’Il n’est pas sans précédent qu’un intimé revoie des éléments d’un dossier avant ou pendant une audience et fasse certaines admissions (voir par exemple Glasgow au para. 67.) En l’espèce, la révision a mené l’intimé à conclure que le plaignant satisfaisait à E-2. Cependant, le plaignant n’a pas su satisfaire à l’autre qualification essentielle E-3. Cette correction n’a pas changé les résultats de ce processus de nomination.

111M. Patenaude a déclaré que le critère d’évaluation n’a pas été communiqué au plaignant plus tôt parce que le comité n’avait pas encore effectué la révision de sa demande, ce qui a été fait après le dépôt de la plainte en préparation pour l’audience.

112Le Tribunal a revu la séquence des événements et la preuve et constate qu’il s’est écoulé plus de 16 mois entre le moment où le plaignant a appris qu’il avait été éliminé à la présélection (le 23 avril 2008) et celui où il a appris les détails du critère d’évaluation (le 14 septembre 2009). Ce délai a de toute évidence soulevé la méfiance du plaignant quant aux intentions du comité à son égard.

113L’objectif des Lignes directrices – Discussion informelles de la CFP est, entre autres, d’« [a]ssurer la transparence et la communication pendant le processus de nomination, ce qui contribue à favoriser un milieu de travail sain ». La discussion informelle est l’occasion pour le plaignant de discuter des raisons du rejet de sa candidature (voir Rozka et al. c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 0046 au para. 76).

114Les détails du critère d’évaluation d’E-3 à la présélection auraient pu être fournis au plaignant à la discussion informelle. La preuve n’a pas démontré comment et si l’intimé s’est servi du document System Development Life Cycle pour montrer au plaignant ce qu’il recherchait dans les demandes lors de la présélection.

115L’explication donnée par M. Patenaude pour ce retard ne satisfait pas le Tribunal. Il n’était pas nécessaire d’attendre qu’une révision de sa demande soit faite, avant l’audience, pour donner au plaignant une explication détaillée du critère d’évaluation d’E-3. En l’espèce, le Tribunal conclut que le comité a fait erreur et ne s’est pas conformé aux Lignes directrices – Discussion informelles de la CFP en informant le plaignant aussi tardivement des détails du critère d’évaluation de la qualification essentielle E-3.

116Ce retard est loin d’avoir favorisé la transparence et la communication. Toutefois le comité a informé le plaignant des raisons de son rejet dans le courriel du 23 avril 2008, et lui avait fourni le document Wikipedia System Development Life Cycle durant l’échange de renseignements. Le Tribunal estime donc que ce retard constitue une erreur et non un abus de pouvoir. La preuve ne démontre pas que l’intimé a agi avec mauvaise foi. Le retard de l’intimé ne constitue pas de l’incurie ou une insouciance grave assimilable à de la mauvaise foi. Cette erreur n’a pas eu un impact sur le résultat final de ce processus de nomination (voir Trachy c. Sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2008 TDFP 0002 au para. 48.)

117Pour toutes les raisons susmentionnées, le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas prouvé que l’intimé a fait preuve de mauvaise foi.

Décision

118Pour toutes ces raisons, la plainte est rejetée.

Lyette Babin-MacKay

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal:
2008-0526
Intitulé de la cause:
Raphaël Agboton et le président de la Commission de la fonction publique
Audience:
Les 17 et 18 septembre 2009 et les 14, 15 et 16 décembre 2009
Ottawa, Ontario
Date des motifs:
Le 17 août 2010

Comparutions:

Pour la plaignante:
Raphaël Agboton
Pour l'intimé:
Marie-Josée Montreuil
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