Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Alliance de la Fonction publique du Canada (la << demanderesse >>) a demandé à la Commission d’ordonner au Conseil du Trésor (le << défendeur >>) de divulguer des renseignements au sujet de sa détermination concernant le niveau de services essentiels que les agents de services aux citoyens (ASC) des Centres Service Canada (CSC) assureraient au public advenant une grève - dans 2009 CRTFP 55, la Commission a défini les services essentiels fournis par les ASC et a ordonné au défendeur de déterminer le niveau auquel les services essentiels seraient assurés - le défendeur a répondu qu’il fixerait << le niveau de service à 100 % des 77 % consacrés à la prestation des services essentiels >> - l’agent négociateur a alors demandé que le défendeur divulgue toute la documentation concernant sa décision - dans 2010 CRTFP 88, la Commission a statué qu’elle avait le pouvoir, en vertu de l’article 36 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la << Loi >>), de se prononcer sur une allégation qu’un employeur a violé un principe de droit administratif ou ne s’est pas conformé à la procédure établie dans l’exercice du pouvoir exclusif que l’article 120 lui confère pour fixer le niveau de service - par conséquent, la Commission avait la compétence d’émettre une ordonnance de divulgation et pouvait se prononcer sur une demande de divulgation de documents pertinents - la Commission a établi que la demanderesse n’était pas tenue de prouver une allégation formelle d’abus des pouvoirs discrétionnaires que l’article 120 confère au défendeur comme condition pour que la Commission puisse traiter une question de divulgation - dans la procédure liée à l’élaboration d’ententes sur les services essentiels, la Commission exerce un rôle de supervision continu sur le processus de négociation collective - pour exercer les pouvoirs qui lui sont accordés en vertu de l’alinéa 40(1)h) de la Loi, la Commission n’a qu’à se satisfaire que les renseignements sont de pertinence défendable à la détermination du niveau de service faite par le défendeur - en pareilles circonstances, une ordonnance de divulgation est conforme aux pouvoirs administratifs que confère à la Commission l’article 36 et aux fins de la Loi - la Commission avait déjà ordonné la divulgation relative à la détermination du niveau de service dans une affaire distincte concernant un autre groupe et les mêmes parties. Ordonnance rendue.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-08-09
  • Dossier:  593-02-03
  • Référence:  2011 CRTFP 102

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

demanderesse

et

CONSEIL DU TRÉSOR

défendeur

Relativement au groupe Services des programmes et de l’administration

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor
(groupe Services des programmes et de l’administration)

Affaire concernant une demande de règlement de questions pouvant figurer dans une entente sur les services essentiels, prévue au paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Dan Butler, commissaire

Pour la demanderesse:
Andrew Raven, avocat

Pour le défendeur:
Caroline Engmann, avocate

Affaire entendue à Ottawa, Ontario,
le 15 juillet 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Demande devant la Commission

1 L’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « demanderesse ») demande à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») d’ordonner au Conseil du Trésor (le « défendeur ») de divulguer les renseignements au sujet de sa décision concernant le niveau de services essentiels que les agents de service aux citoyens (les « ASC ») classifiés PM-01 des Centres Service Canada (CSC) assureront au public advenant une grève légale.

II. Historique

2 En septembre 2007, la demanderesse a déposé quatre demandes distinctes en vertu du paragraphe 123(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») relativement aux éléments qui peuvent être inclus dans une entente sur les services essentiels (ESE) relativement aux postes du groupe Services des programmes et de l’administration (PA). Le 5 décembre 2007, le président de la Commission consolidait toutes les affaires relatives à l’ESE pour le groupe Services des programmes et de l’administration sous un seul dossier (dossier de la CRTFP 593-02-03).

3 Jusqu’à maintenant, la Commission a rendu trois décisions dans cette affaire.

4 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 55, rendue le 28 avril 2009, la Commission a défini les services essentiels prodigués par les ASC classifiés PM-01 dans les CSC. L’ordonnance de la Commission est libellée comme suit :

[…]

V. Ordonnance

[110] L’Entente sur les services essentiels (ESE) du groupe de l’administration des programmes comprendra les dispositions suivantes :

Les services suivants, qui sont offerts par des titulaires de poste d’agent des services aux citoyens PM-01 dans des Centres de Service Canada, ou les activités exercées par ces titulaires dans ces Centres, sont nécessaires pour la sécurité du public :

1. Fournir dans des points de service réguliers, aux membres du public qui cherchent à obtenir des prestations aux termes des programmes d’a.-e., de RPC ou de SV/SRG, une aide raisonnable qui leur permettrait de présenter des demandes remplies à des fins de traitement, avec les documents nécessaires, pourvu que le service soit un service habituellement donné par le titulaire d’un poste d’agent des services aux citoyens (PM-01) dans les limites de la description de travail officielle de ce poste.

2. Fournir dans des points de service réguliers, aux membres du public qui reçoivent des prestations aux termes des programmes d’a.-e., de RPC ou de SV/SRG, une aide raisonnable qui leur permettrait de continuer à recevoir des prestations dans la mesure de leur admissibilité, pourvu que le service soit un service habituellement donné par le titulaire d’un poste d’agent des services aux citoyens (PM-01) dans les limites de la description de travail officielle de ce poste.

[111]   La Commission ordonne au défendeur de déterminer quel niveau des services essentiels qui précèdent sera offert au public en cas de grève conformément à l’article 120 de la Loi et d’en informer la demanderesse et la Commission dans les 30 jours suivant la date à laquelle cette décision est rendue.

[112]   La Commission ordonne en outre aux parties de reprendre les négociations et de faire tout effort raisonnable pour négocier le reste du contenu de l’ESE concernant les postes d’agent de services aux citoyens de groupe et niveau PM-01.

[113]   La Commission demeure saisie de toutes les autres questions relatives à des postes d’agent de services aux citoyens de groupe et niveau PM-01 qui pourraient être inclus dans l’ESE et qui ne sont pas réglées par les parties.

[…]

5 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 56, rendue le 29 avril 2009, la Commission a refusé de reconnaître comme essentiel tout service fourni par les analystes des faillites adjoints (AFA) au sein du Bureau du surintendant des faillites Canada (BSF) d’Industrie Canada.

6 Le 22 juin 2009, le défendeur a répondu à l’ordonnance de la Commission au paragraphe 111 de 2009 CRTFP 55, la première décision, en déclarant ce qui suit au sujet du niveau de service devant être fourni par les ASC dans les CSC :

[…]

Les services essentiels relatifs au versement ou au maintien du versement de prestations au titre de l’a.-e., de la SV et du RPC seront offerts aux points de service réguliers de la façon suivante :

  • les Centres Service Canada [sic] (CSC) seront ouverts pendant leurs heures normales de bureau;
  • les services continueront d’être offerts dans les deux langues officielles dans les CSC désignés bilingues;
  • les petits CSC disposeront d’un effectif d’au moins trois personnes en cas de grève.

Sur la base de statistiques nationales, on a déduit qu’environ 77 % du temps des ASC était nécessaire pour assurer que les citoyens puissent présenter leurs demandes remplies, accompagnées des documents requis, de versement ou de maintien du versement de prestations au titre de l’aé.-e., [sic] de la SV et du RPC. L’Employeur fixe le niveau de service à 100 % des 77 % consacrés à la prestation des services essentiels. En dépit du niveau de service déterminé à l’échelle nationale, il sera possible de réduire le nombre d’employés nécessaires en cas de grève dans certains centres de services […]

[…]

7 En septembre 2009, à la demande de la demanderesse, la Commission a accepté de tenir une conférence de gestion de cas afin de résoudre les litiges qui pourraient découler de la lettre du défendeur du 22 juin 2009. Au cours des discussions qui ont suivi, la demanderesse a demandé la divulgation par le défendeur de [traduction] « […] toute la documentation, y compris les rapports et les analyses, concernant [sa] décision de fixer le niveau de service à 100 % pour la prestation de ces services […] [et] des précisions sur le processus adopté par l’employeur pour arriver à cette décision, y compris la date à laquelle il l’a prise. » Dans sa réponse, le défendeur est parti du principe qu’il n’a [traduction] « […] aucune obligation de […] fournir de l’information sur la détermination du niveau de service ». Il est devenu apparent pour la Commission que le défendeur soutenait également que la Commission n’avait pas la compétence nécessaire pour trancher en ce qui concerne une demande de divulgation de renseignements au sujet d’une décision de niveau de service prise par un employeur en vertu de l’article 120 de la Loi.

8 Pour résoudre le différend entre les parties, la Commission a convoqué une audience afin d'étudier les soumissions des parties en réponse aux deux questions suivantes :

[Traduction]

1.       L’agent négociateur demande-t-il des renseignements d’une pertinence défendable eu égard à une décision que la Commission a la compétence de rendre en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique?

2.       Pour plus de certitude, la Commission a-t-elle compétence pour déterminer si l’employeur s’est conformé à la Loi lorsqu’il a établi le niveau auquel les services essentiels désignés dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2009 CRTFP 55, doivent être offerts au public?

9 Dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (groupe Services des programmes et de l’administration), 2010 CRTFP 88, soit la troisième décision dans l’affaire de l’ESE du groupe PA, la Commission a rendu la décision suivante :

[…]

[168]   Pour résumer, je conclus que l’article 36 de la Loi investit la Commission du pouvoir de se prononcer sur une allégation qu’un employeur a violé un principe de droit administratif ou ne s’est pas conformé à la procédure établie dans l’exercice du pouvoir exclusif que l’article 120 lui accorde pour fixer le niveau auquel les services essentiels doivent être offerts au public, ce pouvoir étant implicite à la réalisation des objets de la Loi. Il s’ensuit que la Commission peut rendre une décision sur une demande de divulgation de documents d’une pertinence défendable pour la détermination du niveau de service par l’employeur.

[…]

La Commission n’a pas pris de décision au sujet de la demande de divulgation de la demanderesse. Elle a plutôt ordonné ce qui suit :

[…]

[172] J’ordonne aux parties de se rencontrer et de tenter de résoudre les problèmes restants en ce qui concerne la divulgation. Dans l’éventualité où elles n’y arriveraient pas, la Commission convoquera une réunion de gestion du cas pour entendre leurs observations sur la demande de divulgation de la demanderesse et pour rendre une décision à son sujet.

[…]

10 Le défendeur a demandé un contrôle judiciaire de la décision de la Commission à la Cour d'appel fédérale. La demande est encore en instance.

11 Tel qu’il a été ordonné par la Commission, les parties ont tenté de résoudre la demande de divulgation de la demanderesse, se réunissant éventuellement avec la Commission à une autre audience de gestion de cas. Leurs efforts ont été infructueux. Le 8 février 2011, la demanderesse renouvelait sa demande à la Commission d’ordonner au défendeur de se conformer à sa demande de divulgation modifiée comme suit :

[Traduction]

[…] produire toute documentation pertinente en ce qui concerne la décision du défendeur d’établir le niveau de service dans ce cas à 100 %, y compris les communications par courriel, la correspondance, les rapports, les analyses, les notes de service et les procès-verbaux des réunions.

12 Le 18 février 2011, le défendeur a répondu, déclarant notamment ce qui suit : 

[Traduction]

[…]

L’employeur est d’avis qu’il a satisfait à ses obligations légales en vertu de la LRTFP. De plus, l’employeur fait valoir, sans porter atteinte à la position de l’employeur concernant la compétence de la Commission à l’égard de l’article 120 de la LRTFP, que la demande constante de divulgation par l’agent négociateur est exagérée et essentiellement un interrogatoire à l’aveuglette.

En harmonie avec la démarche analytique adoptée par la Commission dans sa décision concernant Parcs Canada, les représentants de Service Canada sont prêts à procéder à la troisième et dernière étape du processus qui consiste à dégager les types de postes, le nombre de postes et les postes désignés.

[…]

13 Après avoir étudié la réponse du défendeur et la réplique subséquente de la demanderesse voulant que le conflit continuel du défendeur avec la décision de la Commission dans 2010 CRTFP 88 était la raison de son refus de produire les documents demandés, la Commission a donné instruction à son greffe d’informer les parties comme suit :  

[Traduction]

[…]

Avant de rendre une décision au sujet de la demande de l’agent négociateur de produire les documents demandés, la Commission convoquera une audience afin de recevoir les derniers exposés, le cas échéant, sur la pertinence défendable des documents qui sont demandés ou sur toute autre question relative à la demande qu’une partie croit devoir être prise en considération par la Commission. Si une partie désire produire des preuves à l’audience à l’appui de ses présentations, elle doit en aviser la Commission.

La Commission ordonne également à l’agent négociateur […] de fournir, s’il y a lieu et dans la mesure où il le peut, plus de précisions au sujet des documents qu’il désire obtenir.

[…]

14 Le 25 mars 2011, la demanderesse a modifié de nouveau sa demande de divulgation comme suit :

[Traduction]

[…]

  • Tout document relatif aux rencontres qui ont eu lieu entre Mme Colterman et M. Boulianne;
  • Tout document analysé par Mme Colterman ou M. Boulianne durant ce processus;
  • Tout document relatif aux exposés de M. Nixon ou soumis à son analyse durant ce processus;
  • Tout document relatif à la recommandation par Mme Colterman et M. Boulianne de fixer le niveau de service à 100 %;
  • Tout document relatif à la décision de M. Nixon d’approuver la recommandation de fixer le niveau de service à 100 %;
  • Tout autre document qui pourrait être pertinent à cette plainte que l’employeur a en sa possession.

15 Le 14 avril 2011, en réponse à la lettre de la demanderesse, le défendeur a écrit à la Commission. Il note que [traduction] « […] il est maintenant évident que les deux parties ne s’entendent pas sur la définition de niveau de service », le défendeur s’est dit convaincu que les parties [traduction] «[…] bénéficieraient d’une compréhension claire et précise de la signification donnée à l’expression “niveau de service” dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ».

16 La demanderesse a répondu que tout différend entre les parties au sujet de la définition de niveau de service était sans rapport avec l’affaire devant la Commission, à savoir, le refus du défendeur de produire toute la documentation pertinente défendable mentionnée dans sa décision du 22 juin 2009 établissant le niveau de service.

17 La Commission a informé les parties que l’audience prévue au calendrier aurait lieu et qu’elle aborderait la question de divulgation. 

III. Résumé de la preuve

18 Seize pièces justificatives furent admises par consentement (pièces A-1 à A-9 et R-1 à R-7); elles consistent principalement en un dossier de correspondance échangée entre le 22 juin 2009 et le 10 mai 2011 entre les parties et la Commission au sujet de la détermination du niveau de service par le défendeur et au sujet de la demande de divulgation résultante par la demanderesse.

19 Une personne a témoigné au nom du défendeur. En sa qualité de gestionnaire des services, région du Québec, Denis Boulianne a participé, à partir de 2007, aux travaux de l’équipe ministérielle constituée par le défendeur en vue de négocier l’ESE avec la demanderesse. Les négociations ont abouti à une entente avec les représentants locaux de la demanderesse, en mai 2008, relativement au nombre de postes ASC dans les CSC requis pour maintenir les services essentiels relatifs aux programmes d’assurance-emploi et de sécurité de la vieillesse. M. Boulianne et ses collègues ont rencontré Mme Helen Berry, une des représentantes nationale du défendeur, à l’automne de 2008, pour expliquer les détails des discussions tenues au niveau local. M. Boulianne a déclaré que Mme Berry avait exprimé des inquiétudes. L’affaire n’a pas été réglée et les parties se sont présentées à une audience de la Commission qui portait sur les services essentiels fournis par les employés concernés.

20 Après la décision rendue par la Commission en avril 2009 (2009 CRTFP 55), un groupe dirigé par Mme Catherine Colterman, qui relève de M. Charles Nixon, sous-ministre adjoint de la Direction générale de service aux citoyens, a travaillé à définir le niveau de service pour les services essentiels établis dans 2009 CRTFP 55. Le travail du groupe a eu pour résultat la définition de niveau de service, laquelle a été communiquée dans une lettre adressée à la demanderesse le 22 juin 2009 (pièce R-2). M. Boulianne, qui a contribué à ce travail à titre de conseiller, a mentionné que la lettre faisait état des trois éléments suivants dans la détermination du niveau de service : 1) les CSC maintiendraient leurs heures régulières; 2) les services seraient offerts dans les deux langues officielles dans les CSC désignés bilingues; 3) les petits CSC seraient dotés d’un minimum de trois personnes. Dans son témoignage, M. Boulianne a indiqué que ces paramètres étaient déjà établis par le défendeur quand il est intervenu en 2007 et qu’ils ont été confirmés après la décision de la Commission.

21 Selon M. Boulianne, la lettre du 22 juin 2009 fournissait aussi à la demanderesse des renseignements au sujet du nombre de postes requis pour fournir les services essentiels, afin d’aider dans les négociations subséquentes de l’ESE. Il a désigné le passage dans la lettre faisant référence à « […] 100 % des 77 % consacrés à la prestation des services essentiels » comme étant ces renseignements. Le 18 septembre 2009, le défendeur a envoyé à la demanderesse, en guise de suivi, une liste détaillée des postes qui offraient des services essentiels désignés par la Commission (pièce R-5). Selon M. Boulianne, le défendeur a fourni d’autres données à la demanderesse lors d’une rencontre subséquente, en janvier 2010, expliquant comment ils en étaient arrivés aux nombres divulgués précédemment (pièces R-3 et R-4). Le second document réitérait les trois paramètres de niveau de service communiqués le 22 juin 2009. Il ne faisait pas référence à «[…] 100 % des 77 % consacrés à la prestation des services essentiels » parce que la demanderesse avait seulement demandé au défendeur de confirmer le niveau de service. Selon M. Boulianne, la référence à « 100 % » portait plutôt sur la question en suspens, soit de déterminer le nombre de postes.

22 En contre-interrogatoire, M. Boulianne a confirmé que le défendeur avait établi le niveau de service avant la décision d’avril 2009 de la Commission. Les trois paramètres déjà établis avaient aidé le défendeur à établir le nombre de postes requis pour fournir les services essentiels. Il a indiqué que les représentants du défendeur étaient d’avis que la décision de la Commission ne changeait rien à ce que le défendeur avait déjà déterminé.

23 M. Boulianne a indiqué qu’il avait rencontré ou parlé au téléphone avec Mme Colterman à plusieurs reprises après le 28 avril 2009 au sujet de la question du niveau de service. Il avait aussi eu des discussions avec M. Nixon depuis le début du processus. Néanmoins, il a déclaré que Mme Colterman avait apporté la touche finale au travail soumis à l’approbation de M. Nixon. M. Boulianne a témoigné que la détermination du niveau de service approuvée par M. Nixon fut communiquée au Secrétariat du Conseil du Trésor le 6 juin 2009, avant que le défendeur ne l’envoie à la demanderesse à la fin de ce même mois.

24 M. Boulianne a répondu à d’autres questions au sujet des documents et rapports utilisés par le défendeur, particulièrement ceux utilisés durant la période allant d’avril 2009, alors que la Commission a rendu sa décision, au 22 juin 2009, date de la lettre envoyée à la demanderesse. Il a répondu ne pas savoir comment Mme Colterman avait communiqué les résultats du travail concernant le niveau de service à M. Nixon, qu’il n’avait pas tenu un dossier de tous les échanges d’information et des documents utilisés durant le processus et qu’il n’avait pas participé aux communications avec le Secrétariat du Conseil du Trésor.

25 M. Boulianne a réitéré que la référence à « 100 % » dans la lettre du 22 juin 2009 visait le nombre de postes requis pour offrir les services essentiels établis par la Commission et que ce chiffre ne faisait pas partie de la détermination au sujet du niveau de service.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour la demanderesse

26 En ce qui concerne la demande de divulgation, deux questions sont soulevées : 1) Est-ce que la Commission a le pouvoir d’ordonner la divulgation de tous les documents d’une pertinence défendable à la décision du défendeur d’établir le niveau de service? 2) Est-ce que les documents dont la demanderesse demande la divulgation sont d’une pertinence défendable? La Commission a déjà répondu par l’affirmative à la première question dans 2010 CRTFP 88. Elle n’a pas répondu à la seconde question.

27 Dans 2009 CRTFP 55, la Commission a ordonné à la demanderesse de déterminer le niveau de service auxquels les services essentiels définis dans sa décision devaient être fournis au public. La lettre du défendeur du 22 juin 2009 en a été le résultat (pièce R-2). En refusant, en majeure partie, de fournir l’information subséquemment demandée par la demanderesse pour permettre à cette dernière de comprendre comment le défendeur a défini le niveau de service, le défendeur n’a pas déclaré qu’il ne restait plus de documents pouvant être divulgués. Il n’a pas suggéré non plus que la production de tels documents lui serait préjudiciable.

28 Les preuves présentées indiquent que des réunions ont eu lieu après le 28 avril 2009 entre Mme Colterman, M. Boulianne et M. Nixon au sujet du niveau de service et que des documents avaient été échangés et étudiés. Les preuves présentées confirment également que le défendeur a communiqué avec le Secrétariat du Conseil du Trésor le 6 juin 2009 relativement au niveau de service, et qu’une approbation a été donnée à la lettre envoyée à la demanderesse le 22 juin 2009. Il est clair que des renseignements existent au sujet de la détermination du niveau de service et que la demanderesse en a reçu très peu.

29 La demanderesse avait d’abord demandé la divulgation de [traduction] « […] toute la documentation, y compris les rapports et les analyses, concernant [sa] décision de fixer le niveau de service à 100 % pour la prestation de ces services […] [et] des précisions sur le processus adopté par l’employeur pour arriver à cette décision, y compris la date à laquelle il l’a prise ». À la lumière de la lettre du défendeur du 28 janvier 2011 (pièce R-4), la demanderesse a été en mesure de mieux cerner sa demande, comme l’indique sa lettre du 25 mars 2011 (pièce A-6) (voir le paragraphe 14 de la présente décision). La demanderesse a néanmoins maintenu sa position voulant que la Commission ordonne la divulgation plus générale de tous les documents pertinents à la détermination du niveau de service par le défendeur telle qu’elle a été communiquée le 22 juin 2009.

30 La demanderesse a déclaré que tous les documents qu’elle demandait étaient d’une pertinence défendable, comme le prouvent le dossier et les preuves présentées à cette audience. La demanderesse a produit tous les éléments nécessaires pour appuyer une ordonnance de divulgation par la Commission.

31 La demanderesse a aussi constaté que la Commission a récemment émis une ordonnance de divulgation dans une lettre aux parties dans une affaire touchant le groupe Services frontaliers (FB) qui se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] le défendeur est donc sommé de remettre au demandeur […] la documentation suivante :

1.       Toute la documentation détaillant la méthode et le processus par lesquels l’employeur a établi le niveau auquel les services essentiels en objet doivent être fournis au public, y compris la portée et la fréquence de tels services.

[…]

B. Pour le défendeur

32 Le défendeur a présenté ses soumissions sans qu’il soit porté atteinte à sa demande de contrôle judiciaire, dans laquelle il fait valoir que la décision de la Commission dans 2010 CRTFP 88 devrait être infirmée.

33 Sur la base du jugement de la Commission au paragraphe 168 de 2010 CRTFP 88, à savoir que la Commission a le pouvoir de considérer une allégation que le défendeur a violé un principe de droit administratif ou une procédure équitable dans l’exercice des pouvoirs exclusifs qui lui sont conférés à l’article 120 de la Loi d’établir le niveau de service, la question sous-jacente à cette audience devait porter sur la pertinence défendable de la demande de divulgation à une allégation que le défendeur a abusé de ses pouvoirs discrétionnaires ou n’a pas respecté la Loi.

34 Les articles précisés par la demanderesse dans sa lettre du 25 mars 2011 (pièce A-6) ne sont pas d’une pertinence défendable par rapport à une telle allégation. La demanderesse n’a jamais indiqué ce que le défendeur avait supposément omis de faire. Il incombait à la demanderesse de satisfaire la Commission quant au bien-fondé de son allégation que le défendeur avait agi de mauvaise foi, avait enfreint les dispositions de l’article 120 de la Loi ou n’avait pas respecté, par exemple, les facteurs exposés parD. Jones et A. de Villars dans Principles of Administrative Law, 5e édition, concernant l’exercice de pouvoirs discrétionnaires. La demanderesse devait faire cette démonstration comme condition de la prise en considération par la Commission de toute demande de divulgation de renseignements. Or, elle ne l’a pas fait.

35 Les renseignements et la documentation fournis par le défendeur à la demanderesse depuis juin 2009 prouvent que le défendeur a exercé correctement ses pouvoirs quand il a établi le niveau de service comme suit : 1) que les Centres de Service Canada (CSC) soient ouverts pendant leurs heures normales de bureau; 2) que les services continueraient d’être offerts dans les deux langues officielles dans les CSC désignés bilingues; 3) que les petits CSC disposeraient d’un effectif d’au moins trois personnes en temps de grève.

36 La demanderesse a exprimé incorrectement et continuellement la détermination du niveau de service par le défendeur en termes de pourcentage, « 100 % ». Elle a formulé sa demande de divulgation sur la base d’un niveau de service établi par le défendeur à 100 %. Le défendeur ne sait pas clairement à quoi le 100 % fait référence. Aucune disposition de la Loi n’exige que le niveau de service soit exprimé en pourcentage.

37 En supposant que la demande de divulgation de la demanderesse repose sur une allégation sous-jacente selon laquelle le défendeur aurait abusé de ses pouvoirs, le quadruple critère établi dans West Park Hospital v. Ontario Nurses’ Association (1993), 37 L.A.C. (4e) 160, s’applique pour évaluer la pertinence défendable de l’information recherchée par la demanderesse. Les quatre facteurs sont : 1) l’information demandée doit être de pertinence défendable par rapport à la question ou aux questions de l’affaire (voir aussi Ontario Public Service Employees Union v. Ministry of Correctional Services,, [2003] CRTO Rép. mars/avril 242, et Association of Management, Administrative, and Professional Crown Employees of Ontario v. Ontario (ministry of Government Services), 2011 CanLII 7243 (ON LRB); 2) l’information doit être précisée de manière à ce qu’il n’y ait aucun doute au sujet de ce qui est demandé; 3) le décideur doit être satisfait que la demande n’est pas un interrogatoire à l’aveuglette; 4) il doit y avoir un lien clair entre l’information demandée et la question en litige.

38 La demande de la demanderesse échoue sur tous la ligne l’examen de West Park Hospital. La demanderesse n’a pas établi la relation logique ou rationnelle entre les documents qu’elle recherche et la question supposément en litige, à savoir, une allégation selon laquelle le défendeur aurait agi de mauvaise foi ou a exercé incorrectement les pouvoirs discrétionnaires prévus à l’article 120 de la Loi. La description des informations que la demanderesse désire obtenir du défendeur dans sa lettre du 25 mars 2011 (pièce A-6) n’et pas suffisamment précise. De plus, il est clair que toute chose dans cette liste qui se rapporte à la détermination du niveau de service par le défendeur ne peut être de pertinence défendable. En réalité, la demande de la demanderesse cherche à découvrir s’il existe quelque chose qui pourrait révéler un problème. Il s’agit d’un interrogatoire à l’aveuglette au sens donné dans West Park Hospital.

39 En somme, la demanderesse n’a pas réussi à démontrer toute allégation de violation par le défendeur des facteurs de droit administratif qui affectent l’exercice des pouvoirs discrétionnaires conférés par la loi et n’est pas parvenu à établir un lien clair entre l’information demandée et la question en litige. Par conséquent, la Commission se doit de rejeter la demande de divulgation des documents.

40 En ce qui a trait à la déclaration de la demanderesse selon laquelle le défendeur n’a pas suggéré que la production des documents demandés lui serait préjudiciable, le défendeur n’a pas soulevé cette question jusqu’à maintenant parce que la Commission ne lui a pas encore ordonné de divulguer les documents. De plus, en l’absence d’une ordonnance de divulgation de la part de la Commission, le défendeur n’a pas demandé à la Cour d’appel fédérale une ordonnance de suspension.

41 La Commission n’a en sa possession aucune donnée probante lui permettant de savoir si les questions de divulgation qui lui sont maintenant présentées avaient été débattues dans le cas du groupe FB, quand la Commission a décidé de donner l’ordonnance de divulgation que cite la demanderesse.

42 En réponse à une question de la Commission, le défendeur a réitéré que la seule détermination de niveau de service qu’il a effectuée se compose des trois paramètres indiqués dans la lettre du 22 juin 2009 (pièce R-2). La référence à « 100 % » n’est pas pertinente à cette détermination. Le défendeur m’a prié de bien comprendre cette distinction dans le contexte de ses efforts pour satisfaire pleinement à l’ordonnance de la Commission dans 2010 CRTFP 88.

C. Réplique de la demanderesse

43 Avant que les parties puissent aller de l’avant pour aborder les questions de troisième ordre dans le cheminement analytique décrit par la Commission dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 97 — à savoir, les types de postes, le nombre de postes et les postes désignés devant fournir des services essentiels déterminés par la Commission — il est essentiel de connaître la détermination de deuxième ordre du niveau de service par le défendeur. La troisième étape n’est possible que si le défendeur a respecté les dispositions de la Loi dans l’exercice de ses pouvoirs discrétionnaires à la deuxième étape.

44 En se distançant de la référence, dans sa lettre du 22 juin 2009, à « 100 % des 77 % consacrés à la prestation des services essentiels »ledéfendeur a démontré clairement qu’il ne sait pas ce qu’il fait quand il établit le niveau de service. Il déclare que le chiffre « 100 % » n’a rien à voir avec le niveau de service, alors que sa lettre du 22 juin 2009, citant ce chiffre comme étant le niveau de service, est la raison même pour laquelle la demanderesse a présenté la demande de divulgation qui a donné lieu à cette audience. La demanderesse doit savoir comment le défendeur est arrivé à ce chiffre ou, sans ce chiffre, comment il a déterminé le niveau de service, afin d’avoir l’assurance que le défendeur a exercé correctement ses pouvoirs discrétionnaires.

45 Prise dans le contexte de l’affaire ESE en vertu de la Loi, la demanderesse a passé l’examen de pertinence défendable établi dans West Park Hospital. Sa demande est clairement liée à la détermination du niveau de service faite par le défendeur et s’inscrit directement dans la décision de la Commission dans 2010 CRTFP 88. Elle est suffisamment précise, comme le montre le dossier et la preuve. Ce n’est pas un interrogatoire à l’aveuglette.

V. Motifs

46 Dans 2010 CRTFP 88, la Commission a tranché comme suit :

[…]

[168]   Pour résumer, je conclus que l’article 36 de la Loi investit la Commission du pouvoir de se prononcer sur une allégation qu’un employeur a violé un principe de droit administratif ou ne s’est pas conformé à la procédure établie dans l’exercice du pouvoir exclusif que l’article 120 lui accorde pour fixer le niveau auquel les services essentiels doivent être offerts au public, ce pouvoir étant implicite à la réalisation des objets de la Loi. Il s’ensuit que la Commission peut rendre une décision sur une demande de divulgation de documents d’une pertinence défendable pour la détermination du niveau de service par l’employeur.

[…]

47 Le défendeur a suggéré qu’il incombe à la demanderesse d’établir le fondement d’une allégation selon laquelle le défendeur avait exercé incorrectement les pouvoirs discrétionnaires que lui confère l’article 120 de la Loi, si la Commission se propose d’accueillir une demande de divulgation de documents. Attendu que la demanderesse ne l’a pas fait, le défendeur a supposé, aux fins d’infirmer les mérites de la requête de la demanderesse, qu’il existait une allégation sous-jacente d’abus des pouvoirs discrétionnaires devant la Commission. Partant de cette supposition, le défendeur a fait valoir que la demanderesse n’avait pas réussi à établir un lien clair entre l’information qu’elle recherche et cette affaire.

48 Je ne suis pas d’accord avec l’argument du défendeur. Premièrement, je ne crois pas que la décision de la Commission dans 2010 CRTFP 88 exige que la demanderesse soit tenue de faire la preuve d’une allégation formelle d’abus, par le défendeur, des pouvoirs discrétionnaires que lui confère l’article 120 de la Loi comme condition à satisfaire pour que la Commission aborde la question de divulgation, ou qu’une telle exigence s'inscrive dans la logique de l'analyse qui a mené la Commission à prendre une telle décision. La Commission a déclaré qu’elle pourrait considérer une demande « […] de divulgation de documents d’une pertinence défendable pour la détermination du niveau de service par l’employeur ».Cette déclaration n’imposaitaucune autre condition. La Commission a mentionné que « […] l’article 36 de la Loi investit la Commission du pouvoir de se prononcer sur une allégation qu’un employeur a violé un principe de droit administratif ou ne s’est pas conformé à la procédure établie dans l’exercice du pouvoir exclusif que l’article 120 lui accorde […] ». La Commission a donc conclu logiquement qu’elle avait le pouvoir de se prononcer sur une demande de divulgation dans le contexte de l’article 120 sur la détermination du niveau de service, parce qu’elle a compétence pour se prononcer sur une allégation d’abus des pouvoirs discrétionnaires énoncés à l’article 120. Cependant, il n’est pas nécessaire, dans ce lien logique, qu’un élément précède l’autre — qu’il y ait d’abord allégation d’abus pour que le pouvoir d’ordonner la divulgation de documents soit déclenché.

49 L’article 36 de la Loi stipule :

36. La Commission met en œuvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu’implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances qui exigent l’observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu’elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

50 De pair avec l’article 36 de la Loi, et pour concrétiser les pouvoirs de la Commission dans l’exercice de son rôle administratif, l’alinéa 40(1)h) confère à la Commission le pouvoir d’« obliger, en tout état de cause, toute personne à produire les documents ou pièces qui peuvent être liés […]».

51 En dérivant son pouvoir de considérer une demande de divulgation de son pouvoir administratif en vertu de l’article 36 de la Loi, la Commission adopte une vue large et intentionnelle de son rôle à l’intérieur du régime prévu par la loi pour les services essentiels. Je ne crois pas qu’il soit conforme à cette façon de voir de conclure que la Commission ne peut exercer son pouvoir de considérer une question de divulgation que lorsqu’une des parties au litige présente une allégation d’abus des pouvoirs discrétionnaires en vertu de l’article 120. La Commission peut aussi exercer ce pouvoir quand une partie désire s’assurer qu’il n’y a pas eu un tel abus, et quand elle juge que cette divulgation de documents d’une pertinence défendable sert le but positif des relations de travail de réduire la possibilité d’autres litiges dans cette affaire. La Commission a reconnu clairement cette possibilité dans 2010 CRTFP 88 quand elle a décrit comme suit le contexte de l’analyse de sa compétence :

[…]

[106] Le point de départ de cette affaire était la demande de divulgation de renseignements présentée par la demanderesse […] La raison de la demanderesse de chercher à obtenir cette divulgation est qu’elle pourra ainsi être convaincue que le défendeur a correctement exercé le pouvoir que lui accorde l’article 120 de la Loi.

[…]

52 À mon avis, la Commission peut aussi, dans d’autres circonstances, traiter une demande de divulgation concernant l’article 120 de la Loi dans l’étude d’autres éléments d’une ESE. Dans le cas qui nous occupe, la Commission aborde un différend spécifique au sujet d’une divulgation de documents, mais elle le fait dans le cadre de son engagement continu dans le composant de la demande d’ESE du groupe PA qui traite des questions non réglées à Service Canada. Jusqu’à maintenant, les parties ont demandé à la Commission de trancher plusieurs questions concernant Service Canada sous l’égide de cette demande. Il est fort possible qu’il y en aura d’autres. L’approche adoptée par la Commission a été de comprendre chacune des décisions qu’on lui a demandé de prendre au sujet des ASC dans les CSC comme faisant partie du processus plus large visant à résoudre tous les points en litige de l’ESE du groupe PA à Service Canada. Le cheminement analytique esquissé par la Commission dans Agence Parcs Canada reconnaissait que la décision d’un employeur au sujet du niveau de service s’appuie sur la définition préalable des services essentiels négociées par les parties ou déterminée par la Commission. De là, les décisions de troisième ordre sur les types de postes, le nombre de postes et les postes désignés requis pour fournir les services essentiels s’appuient à la fois sur la définition des services essentiels et sur l’établissement du niveau de service par l’employeur en vertu de l’article 120. En définitive, les divers composants doivent s’agencer pour former un tout cohérent.

53 Dans cette optique, la nature de la demande continue devant la Commission est très différente de la question discrète en cause dans West Park Hospital. Le décideur dans West Park Hospital avait déterminé les mérites relatifs des positions prises par les parties dans une affaire touchant un licenciement en raison d’incompétence. Dans la présente affaire, la Commission exerce un rôle soutenu de supervision du processus de négociation collective. Bien que la procédure soit tout aussi antagoniste, la perspective d’intérêt public de la Commission dans ce cas est différente de celle d’arbitrage des droits d’un employé. À mon avis, l’importante différence de contexte donne du poids à l’argument du défendeur, basé sur l’examen de West Park Hospital, voulant que la demanderesse utilise incorrectement sa demande de divulgation pour tenter de découvrir s’il existe quelque chose qui pourrait révéler un problème.

54 Je souscris à l’opinion exprimée par la demanderesse que la résolution des questions de troisième ordre de l’ESE pour les ASC des CSC dépend du degré de confiance qui existe, à savoir que le défendeur a déterminé équitablement le niveau de service — la question de deuxième ordre. Pour exercer le pouvoir qui lui est accordé à l’alinéa 40(1)h) de la Loi dans les circonstances de cette affaire, il suffit à la Commission de se satisfaire que l’information recherchée par la demanderesse est d’une pertinence défendable pour la détermination du niveau de service effectuée par le défendeur — le libellé exact se trouve dans 2010 CRTFP 88. Si cette condition est satisfaite, je suis d’avis qu’une ordonnance de divulgation serait en conformité avec les pouvoirs administratifs que l’article 36 confère à la Commission et en conformité avec les objectifs de la Loi tels qu’énoncés dans son préambule, notamment que les actions de la Commission permettent de « […] résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi […] ». Une ordonnance de divulgation pourrait servir le but de relations de travail positives consistant à convaincre la demanderesse que le défendeur a respecté les dispositions de l’article 120, permettant aux parties de passer aux autres éléments de l’ESE. Une telle ordonnance pourrait aussi, dans cette démarche, révéler d’autres informations qui pourraient faciliter les discussions portant sur des éléments subséquents.

55 Je souligne que la Commission a déjà servi une ordonnance de divulgation au sujet d’une détermination de niveau de service faite en vertu de l’article 120 de la Loi dans des affaires séparées pour un autre groupe impliquant la même demanderesse et le même défendeur. La partie pertinente de l’ordonnance de la Commission du 14 juin 2011 se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

[…] le défendeur est donc sommé de remettre au demandeur […] la documentation suivante :

1.       Toute la documentation détaillant la méthode et le processus par lesquels l’employeur a établi le niveau auquel les services essentiels en objet doivent être fournis au public, y compris la portée et la fréquence de tels services.

[…]

56 Je n’ai trouvé aucune indication au dossier public que le défendeur avait contesté le pouvoir de la Commission d’émettre cette ordonnance de divulgation ou que l’ordonnance était le résultat d’une allégation voulant que le défendeur avait abusé des pouvoirs discrétionnaires que lui confère l’article 120 de la Loi. Le défendeur peut avoir raison quand il déclare qu’il n’existe aucune preuve que ses arguments dans cette affaire étaient devant la Commission dans l’affaire FB, mais cela ne change aucunement le fait qu’un précédent incontesté existe maintenant où la Commission a exercé ses pouvoirs exactement comme le défendeur prétend qu’elle ne devrait ou ne pourrait le faire.

57 Comme je l’ai mentionné, le test dans cette affaire est la pertinence défendable de l’information demandée par la demanderesse au sujet de la détermination du niveau de service par le défendeur. Quel est le niveau de service déterminé par le défendeur?

58 Dans sa lettre du 22 juin 2009 (pièce R-2), le défendeur informait la demanderesse comme suit :

[Traduction]

[…]

Les services essentiels relatifs au versement ou au maintien du versement de prestations au titre de l’a.-e., de la SV et du RPC seront offerts aux points de service réguliers de la façon suivante :

  • les Centres Service Canada [sic] (CSC) seront ouverts pendant leurs heures normales de bureau;
  • les services continueront d’être offerts dans les deux langues officielles dans les CSC désignés bilingues;
  • les petits CSC disposeront d’un effectif d’au moins trois personnes en cas de grève.

Sur la base de statistiques nationales, on a déduit qu’environ 77 % du temps des ASC était nécessaire pour assurer que les citoyens puissent présenter leurs demandes remplies, accompagnées des documents requis, de versement ou de maintien du versement de prestations au titre de l’a.-e., de la SV et du RPC. L’Employeur fixe le niveau de service à 100 % des 77 % consacrés à la prestation des services essentiels. En dépit du niveau de service déterminé à l’échelle nationale, il sera possible de réduire le nombre d’employés nécessaires en cas de grève dans certains centres de services […]

[…]

59 Il est évident que la demanderesse a toujours compris que la détermination de niveau de service communiquée dans la lettre du 22 juin 2009 faisait référence au fait que le défendeur « […]fixe le niveau de service à 100 % des 77 % consacrés à la prestation des services essentiels […] ». Dans toute sa correspondance avec le défendeur et avec la Commission, la demanderesse s’est concentrée sur la « […] décision de l’employeur d’établir le niveau de service dans cette affaire à 100 % » (pièce A-2; voir aussi pièces A-4 à A-6). Cependant, M. Boulianne a témoigné que la référence à « 100 % », dans la lettre du 22 juin 2009, portait sur le nombre de postes requis pour fournir les services essentiels établis par la Commission mais que ce chiffre ne faisait pas partie de la détermination du niveau de service. En réponse à une question que je lui ai posée à l’audience, l’avocate du défendeur a aussi insisté sur le fait que la référence à « 100 % » n’avait pas de lien avec cette détermination. Elle a maintenu que les seuls éléments qui faisaient partie de la détermination du niveau de service par le défendeur sont précisés dans les trois paramètres énumérés dans la lettre. Dans le résumé écrit de ses arguments présenté à la Commission, l’avocate écrit également que [traduction] « […] il n’est pas clair pour l’employeur à quoi le 100 % fait référence […]».

60 L’article 120 de la Loi fournit la brève indication suivante de la nature de la détermination du niveau de service :

120. L’employeur a le droit exclusif de fixer le niveau auquel un service essentiel doit être fourni à tout ou partie du public, notamment dans quelle mesure et selon quelle fréquence il doit être fourni. Aucune disposition de la présente section ne peut être interprétée de façon à porter atteinte à ce droit.

61 À mon avis, une personne raisonnable peut facilement lire la référence à « […] fixe le niveau de service à 100 % des 77 % consacrés à la prestation des services essentiels […] » comme une détermination au moins de la portée selon laquelle les services essentiels fournis par les ASC dans les CSC doivent être rendus si ce n’est également à quelle fréquence ces services doivent être fournis. On peut raisonnablement comprendre cette référence comme indiquant que l’intention du défendeur est que les services essentiels fournis par les ADC dans les CSC seront maintenus comme en temps normal. Si les ASC consacrent en moyenne 77 % de leur temps de travail à la prestation des services essentiels définis par la Commission, un niveau de service de 100 % de ces 77 % semblerait exiger que les ASC continuent de fournir les services essentiels durant une grève selon leur portée normale et leur fréquence normale — c’est-à-dire comme en temps normal.

62 Enfin, dans cette affaire, je ne crois pas qu’il me soit nécessaire de trancher formellement si « 100 % » fait partie de la détermination du niveau de service par le défendeur. Cependant, je me sens dans l’obligation de signaler que je trouve très difficile de comprendre le fondement de la déclaration du défendeur, à savoir que « 100 % » n’intervient aucunement dans cette détermination compte tenu de tous les documents maintenant au dossier. Quand le défendeur déclare que [traduction « […] il n’est pas clair à l’employeur à quoi le 100 % fait référence […] » je crois comprendre pourquoi la demanderesse voudrait en savoir plus au sujet de la signification de la lettre du 22 juin 2009 du défendeur. À la lumière du témoignage de M. Boulianne et des soumissions du défendeur à cette audience, on est en droit de se demander comment le défendeur a fait cette détermination du niveau de service et ce que signifie vraiment sa référence à « 100 % » et aussi comment le défendeur est parvenu à sa décision.

63 Je suis satisfait que les preuves devant moi sont suffisantes pour me permettre de conclure que d’importantes parties des renseignements demandés par la demanderesse sont de pertinence défendable par rapport à la détermination du niveau de service faite par le défendeur, peu importe ce que cette documentation puisse inclure. Le témoignage de M. Boulianne montre clairement qu’il y a probablement des documents d’une pertinence défendable qui n’ont pas encore été remis à la demanderesse, portant sur le travail effectué par le groupe dirigé par Mme Colterman, notamment durant la période qui a suivi la décision de la Commission dans 2009 CRTFP 55, et ce, jusqu’au 22 juin 2009, alors que le défendeur a communiqué sa détermination à la demanderesse. Le témoignage de M. Boulianne laisse planer la possibilité, sinon la probabilité, que des documents ont été produits ou utilisés pour permettre à l’équipe de Mme Colterman de formuler une recommandation finale, que Mme Colterman pourrait avoir utilisé des documents pour présenter cette recommandation à M. Nixon, que l’approbation de la recommandation par M. Nixon pourrait avoir été donnée par écrit et que les communications subséquentes avec le Secrétariat du Conseil du Trésor le ou vers le 6 juin 2009 pourraient aussi avoir été assorties de documents. Certes, l’effort de la demanderesse pour mieux cibler sa demande de divulgation du 25 mars 2011 (pièce A-6) reflète de façon générale le processus et la chronologie que M. Boulianne a expliqué à l’audience. À cet effet, je ne peux pas convenir qu’il s’agissait d’un interrogatoire à l’aveuglette. Quant à savoir si la requête de la demanderesse était suffisamment précise à la lumière du dossier et de la preuve, je suis d’avis qu’elle contenait le niveau de précision qui était et qui est présentement possible dans les circonstances.

64 Pour tous les motifs susmentionnés, la Commission accepte de formuler une ordonnance pour la divulgation de documents pertinents à la détermination faite par le défendeur en vertu de l’article 120 de la Loi du niveau de service auquel les ASC des CSC doivent fournir les services essentiels définis dans 2009 CRTFP 55. L’ordonnance ci-après se fonde sur le précédent établi par la Commission dans l’affaire FB, élargie et modifiée de manière à être plus spécifique à la lumière du dossier et de la preuve relatifs à cette demande :

VI. Ordonnance

65 J’ordonne par la présente au défendeur de remettre à la demanderesse, au plus tard soixante (60) jours après la date de la présente décision, tous les documents décrits comme suit qui n’ont pas encore été divulgués à la demanderesse :

a) tous les documents décrivant en détail la méthode et le processus par lesquels le défendeur a établi le niveau de service qu’il a communiqué dans sa lettre du 22 juin 2009 à la demanderesse;

b) tous les documents expliquant la signification de la référence à l’énoncé voulant que « […] fixe le niveau de service à 100 % des 77 % consacrés à la prestation des services essentiels », dans la lettre du 22 juin 2009 et comment le défendeur a obtenu ces chiffres.

66 Sans restreindre la généralité de ce qui précède, l’ordonnance de divulgation comprend :

(i) tous les documents relativement au niveau de service, échangés ou utilisés, en rapport avec les rencontres qui ont eu lieu entre Mme Colterman et M. Boulianne;

(ii) tous les documents au sujet du niveau de service fournis à M. Nixon ou qui ont résulté de la décision prise par M. Nixon;

(iii) tous les documents au sujet du niveau de service, échangés ou utilisés, dans la communication de la décision de M. Nixon au Secrétariat du Conseil du Trésor le ou vers le 6 juin 2009, y compris toute réponse écrite donnée par le Secrétariat du Conseil du Trésor.

67 La Commission demeure saisie de toutes les autres questions relatives aux postes d’agent de services aux citoyens classifiés PM-01 à Service Canada qui pourraient être inclus dans l’ESE qui n’ont pas été réglées par les parties.

68 La Commission demeure saisie de toutes les questions concernant les autres postes du groupe PA n’ayant pas fait l’objet d’une entente entre les parties.

Le 9 août 2011.

Traduction de la CRTFP

Dan Butler,
Commissaire

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