Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a participé à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation d’un poste de gestionnaire. Il faisait déjà partie d’un autre bassin de candidats pour un autre poste. Le gestionnaire recruteur est parti après avoir terminé les premières étapes du processus. Il s’est trouvé que son remplaçant faisait partie du même bassin de candidats que le plaignant, pour l’autre poste. Le plaignant n’a pas été nommé. Il a fait valoir que le nouveau gestionnaire recruteur pourrait tirer avantage du rejet de sa canditature au terme du processus et que cet échec compromettrait ses qualifications par rapport à l’autre bassin. Il a soulevé les préoccupations suivantes : le nouveau gestionnaire recruteur a revu à la hausse la note de passage la portant à 60 %; des précisions relatives à la définition d’un mot figurant dans les critères essentiels de mérite n’ont été fournies qu’à certains candidats; le comité d’évaluation a posé une question d’ordre personnel au plaignant dès le début de l’entrevue; le comité d’évaluation a exigé le choix d’un autre répondant. Décision Le Tribunal a jugé que l’intimé avait donné une explication raisonnable à la question de savoir pourquoi il avait augmenté la note de passage pour la porter à 60 %; que ce changement relevait du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire recruteur; et que cette décision avait été prise avant l’entrevue. Après examen du critère essentiel de mérite et des précisions sollicitées par certains candidats, le Tribunal a estimé qu’il n’y avait pas de preuve démontrant la nécessité de communiquer l’information à l’ensemble des candidats. S’agissant de la question d’ordre personnel posée au début de l’entrevue, rien ne prouve qu’elle ait influé sur l’évaluation des critères de mérite. L’intimé ne s’est pas basé sur des considérations non pertinentes dans son évaluation de l’entregent ou des réponses aux questions d’entrevue portant sur l’entregent. En outre, il n’y avait pas de preuve d’irrégularité dans l’évaluation des références. D’autre part, ce n’était pas une erreur de la part de l’intimé de choisir un répondant qui n’était pas candidat dans le processus de nomination. Il s’agissait, selon l’intimé, d’éviter d’éventuels conflits d’intérêts; le Tribunal a estimé que c’était une explication acceptable. Le Tribunal a jugé qu’il n’y avait pas de preuve de parti pris. Partant du critère de la crainte raisonnable de partialité – qui consiste à déterminer si par l’examen du processus un observateur relativement bien informé pourrait raisonnablement percevoir du parti pris chez l’une ou plusieurs des personnes ayant participé à l’évaluation du plaignant –, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas de crainte de partialité. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2009-0090
Décision rendue à :
Ottawa, le 24 septembre 2010

ROBERT CAMPBELL
Plaignant
ET
LE SOUS MINISTRE DE TRANSPORTS CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Campbell c. le sous ministre de Transports Canada
Référence neutre :
2010 TDFP 0014

Motifs de décision

Introduction

1Le plaignant, Robert Campbell, a participé à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation d’un poste de gestionnaire, Sûreté des transports (TI 07), à Transports Canada, au terme duquel il n’a pas été nommé. Il a par la suite présenté une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP). Le plaignant soutient que l’intimé, le sous-ministre de Transports Canada, a abusé de son pouvoir dans la mesure où son évaluation a été entachée de mauvaise foi. Plus précisément, il affirme que Dean Fuller, qui occupait alors le poste de directeur régional par intérim, Sûreté des transports et préparatifs d’urgence, n’aurait pas dû faire partie du comité d’évaluation.

2L’intimé nie tout abus de pouvoir dans le processus et il réfute le fait que la présence de Dean Fuller au sein du comité d’évaluation (le comité) ait eu une incidence indue sur le résultat. La candidature du plaignant n’a pas été retenue parce que ce dernier ne possédait pas les qualifications essentielles pour le poste à doter.

Contexte

3L’intimé a publié une annonce visant un processus de nomination interne annoncé ainsi qu’un énoncé des critères de mérite sur Publiservice pour la période du 28 août au 10 septembre 2008. Onze candidatures ont été reçues.

4Une présélection a été effectuée en fonction des critères d’études et d’expérience. Au terme de cette étape, les 11 candidats ont été invités à un examen dont l’objectif était d’évaluer leurs connaissances et leur capacité de communiquer efficacement par écrit. Cette partie de l’évaluation a été menée par Ross Munn, directeur régional, Sûreté des transports, qui était à ce moment-là président du comité et gestionnaire d’embauche.

5M. Munn est parti en formation après avoir terminé ces étapes de l’évaluation. Il a été remplacé à son poste de façon intérimaire par M. Fuller, dont la candidature, à l’instar de celle du plaignant, avait été placée dans un bassin de personnes qualifiées pour une nomination à un poste de direction (EX). Le plaignant et M. Fuller ne se connaissaient pas à l’époque.

6M. Fuller est alors devenu président du comité, auquel se sont joints Joanna Manger et Jack Goodman, tous deux directeurs régionaux, Sûreté des transports/préparatifs d’urgence, au Québec et en Ontario respectivement. Ils ont procédé ensemble aux entrevues et à l’évaluation des références fournies.

7Deux candidats ont été jugés qualifiés et des avis de nomination ou de proposition de nomination ont été affichés. Le plaignant ne faisait pas partie des personnes retenues. Selon le comité, il ne satisfaisait pas aux exigences relatives à certaines des qualifications essentielles, soit l’autonomie et l’entregent.

Issues

8Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’application du mérite en faisant preuve de mauvaise foi?
  2. Le plaignant a-t-il établi qu’il y a eu parti pris ou crainte raisonnable de partialité dans le processus de nomination?

Résumé des éléments de preuve pertinents

9Pendant l’audience, les parties ont examiné avec soin les questions posées par le comité et les réponses données par le plaignant ainsi que les étapes du processus de nomination. En plus de l’information générale dont il est fait état plus haut, les éléments de preuve pertinents énoncés ci-après ont été obtenus pendant l’audience.

10M. Fuller a déclaré qu’en examinant les documents du comité avant l’entrevue, il s’était rendu compte que la note de passage était de 50 %. Cette note se situait entre « faible » et « bien » [traduction] dans le guide de cotation. Il a jugé qu’étant donné que le poste à doter était un poste de gestionnaire, cette note était trop basse. Après en avoir parlé avec les Ressources humaines, il a finalement porté la note à 60 % ou « bien ».

11Une copie d’un courriel envoyé par un autre candidat a été présentée en preuve. Selon ce courriel, le candidat a communiqué avec les Ressources humaines avant son entrevue pour demander la définition du terme « autonomie » – l’une des qualifications essentielles énumérées dans l’énoncé des critères de mérite. Il avait mis en copie un autre candidat et indiqué qu’ils se préparaient tous deux à l’entrevue. Mary Ann Jeffries, conseillère principale en ressources humaines, a répondu aux deux candidats mais n’a pas fait suivre sa réponse aux autres postulants. Dans sa réponse, elle a précisé ce qui suit : « Je crois que la définition de l’autonomie utilisée aux fins du présent processus de sélection renvoie à la “capacité de travailler avec peu de supervision ou sans supervision”. Cette qualification est liée à l’esprit d’initiative et à la capacité de prendre des décisions de façon autonome. » [traduction]

12Le plaignant a déclaré ne pas avoir cherché à obtenir ce type de renseignements parce que, à ce moment-là, il croyait savoir ce que signifiait le terme « autonomie ».

13Le plaignant, major dans la police militaire au sein de la milice des Forces canadiennes, a indiqué que le comité l’avait interrogé sur son retour prochain en Bosnie. Devant le Tribunal, il a déclaré craindre que le comité ait ainsi démontré qu’il était contrarié par son absence imminente du lieu de travail.

14M. Fuller a expliqué que le comité avait d’abord pris le temps de discuter avec les candidats de façon informelle pendant quelques minutes, et que c’est à ce moment-là qu’il avait été question de la Bosnie. Cet échange ne faisait pas partie de l’entrevue. Lorsque l’entrevue a officiellement commencé, le comité en a informé les candidats.

15Le plaignant n’a pas obtenu une bonne note à une question liée à la définition de l’autonomie. Selon l’information qui figure dans le guide de cotation du comité, les candidats devaient définir l’autonomie et décrire une situation où ils en avaient fait preuve. La définition fournie dans le guide était la suivante : « capacité de travailler avec peu de supervision ou sans supervision » [traduction]. D’après les notes prises par les trois membres du comité pendant l’entrevue, le plaignant a fourni la définition suivante :

M. Fuller : Autonomie – impartialité. [traduction]

M. Goodman : Autonomie – impartialité. [traduction]

Mme Manger : L’autonomie, c’est l’impartialité. [traduction]

16M. Fuller a indiqué que le plaignant avait, dans sa réponse, fourni un exemple d’une occasion où il avait agi de façon impartiale pour faciliter la conclusion d’un accord entre divers intervenants ayant des intérêts divergents, et dont certains croyaient au départ qu’il faisait preuve de parti pris. M. Fuller a expliqué que, pour sa part, le comité n’estimait pas que l’impartialité et l’autonomie étaient des notions équivalentes et avait donné une note de 1/10 au plaignant de façon à rendre compte de la qualité de la réponse fournie pour cette qualification.

17L’entregent, critère de mérite faisant partie des qualifications essentielles, a été défini ainsi par le comité :

La personne se montre sensible à l’incidence qu’ont ses comportements sur les autres; elle est ouverte aux autres et les écoute; elle accepte aisément les différences et la diversité en tenant compte des idées, des opinions, des besoins et des intérêts des autres; elle cherche des solutions acceptables pour toutes les parties; elle fait preuve de tact et garde son sang-froid dans des situations difficiles; elle résout les conflits de façon ouverte et constructive.

[traduction]

18Deux questions ont été posées aux fins de l’évaluation de cette qualification. Le plaignant a contesté la façon dont sa réponse à l’une d’elles avait été évaluée : « Parlez-nous d’une situation où vous avez dû adapter votre style afin de collaborer efficacement avec des personnes différentes de vous. » [traduction]

19Le plaignant a décrit une situation où il avait obligé des employés à faire des heures supplémentaires non rémunérées. Un des employés s’était par la suite plaint de la situation à un gestionnaire. Ce dernier en avait alors parlé avec le plaignant, qui avait dû changer sa façon de faire. Le comité a accordé la note de 2/10 au plaignant pour sa réponse. Dans ses remarques, le comité a indiqué ce qui suit : « le candidat n’a pas satisfait au critère; le style a été adapté parce que le gestionnaire l’a exigé » [traduction]. M. Fuller a déclaré que, selon le comité, le plaignant avait changé sa façon de faire parce qu’il en avait reçu l’ordre. L’exemple ne correspondait donc pas à la définition utilisée par le comité, pas plus qu’il ne démontrait que le plaignant avait lui-même cherché un compromis ou une solution convenant à tous.

20Après l’entrevue, le processus de vérification des références a été entrepris. Les candidats ont dû donner le nom de deux répondants. En réponse à une demande envoyée par courriel par Mme Jeffries le 18 novembre 2008, le plaignant a d’abord fourni le nom de M. Munn et d’Ivan Rice. M. Rice était le superviseur par intérim du plaignant, et il était lui aussi candidat dans le cadre du processus.

21M. Fuller a indiqué qu’il s’était rendu compte que plusieurs candidats avaient donné le nom de M. Rice comme répondant, ce qui, selon lui, risquait de poser problème. Le comité a décidé de ne pas accepter comme répondants les personnes prenant part au processus de nomination. Mme Jeffries a donc demandé au plaignant de fournir le nom d’un autre répondant. Le plaignant a affirmé avoir donné le nom d’un autre répondant, mais il a ajouté qu’il considérait avoir été ainsi pénalisé parce qu’il aurait préféré donner le nom d’une personne du ministère d’embauche, soit Transports Canada. Toutefois, comme il n’avait pas beaucoup travaillé pour l’intimé, il n’avait pas d’autre choix; il a donc donné le nom de John Kirschner, une personne avec qui il avait travaillé dans l’armée.

22C’est Carol McLellan qui a recueilli l’information auprès des répondants au nom du comité. M. Fuller a expliqué que Mme McLellan était une ancienne fonctionnaire du ministère qui venait de prendre sa retraite et qui possédait une vaste expérience dans le domaine des ressources humaines. Mme McLellan avait pour mandat de communiquer avec les répondants, de leur poser une série de questions et de fournir les réponses au comité pour évaluation. Un échange de courriels entre M. Fuller et Mme Jeffries fait état de l’intention d’envoyer le formulaire aux répondants à l’avance. Lorsqu’il a été interrogé à ce sujet pendant l’audience, M. Fuller a répété que c’est la consigne qu’il avait donnée, et qu’il n’avait aucune raison de croire qu’elle n’avait pas été suivie.

23Le formulaire servant à consigner les références contenait des définitions des qualifications à évaluer et permettait aux répondants de fournir, en plus de leurs observations, une note sur une échelle de 1 à 10. M. Fuller a précisé que les notes attribuées par les répondants n’avaient pas été prises en considération dans les délibérations du comité. Il a été jugé inapproprié d’en tenir compte puisque seul le comité avait le mandat d’évaluer les candidats.

24M. Kirschner a témoigné à propos des références qu’il avait fournies au sujet du plaignant. Il a déclaré qu’il ne se souvenait pas si Mme McLellan avait communiqué avec lui par téléphone ou par courriel ni s’il avait reçu un document préparatoire ou des définitions des qualifications à évaluer. Il a passé en revue le document de vérification des références préparé par Mme McLellan et a déclaré que les réponses qu’il avait fournies et qui y étaient consignées étaient exactes, mais incomplètes. Il n’a toutefois fourni aucune précision à cet égard. Il a indiqué que s’il avait été membre du comité, il aurait évalué les références différemment et attribué une meilleure note.

25M. Munn, l’autre répondant du plaignant, a expliqué qu’il avait rempli le formulaire de vérification des références et l’avait envoyé par courriel à Mme McLellan.

26Les références fournies par MM. Kirschner et Munn ont été déposées en preuve. Elles diffèrent dans la mesure où le document de M. Munn est en fait le document complet de vérification des références, c’est à dire qu’il comprend les consignes et les définitions des qualifications à évaluer. Les références de M. Munn contiennent plusieurs observations ou réflexions rédigées à la première personne : « Rob relève de moi », « J’ai discuté avec Rob » et « J’ai vu Rob » [traduction]. Le document de M. Kirschner ne contient pas les consignes ni les définitions. Les commentaires, dont quelques exemples figurent ci-après, sont rédigés à la troisième personne : « M. Kirschner était un subalterne », « M. Kirschner n’est pas au courant » et « M. Kirschner a indiqué […] » [traduction].

27L’évaluation effectuée par le comité relativement à ces références démontre que le plaignant a reçu la note de 8/10 pour la question liée à l’autonomie. Pour les deux questions portant sur l’entregent, il a reçu deux notes identiques de 7/10.

28Après avoir appris que sa candidature n’avait pas été retenue, le plaignant a participé à une discussion informelle avec M. Fuller. Selon la preuve orale et documentaire reçue pendant l’audience, le plaignant a demandé à consulter certains documents avant la discussion informelle. M. Fuller l’a informé qu’il ne pouvait pas lui remettre de copie des documents en question, mais que s’ils se rencontraient en personne, les « notes du comité, les questions et les évaluations » [traduction] seraient alors mises à sa disposition. Monique Mazerolle, conseillère en ressources humaines pour l’intimé, a déclaré avoir expliqué à M. Fuller qu’étant donné que les questions et les réponses étaient réutilisées pour d’autres processus, elles pouvaient être consultées pendant la discussion informelle, mais elles ne pouvaient pas être remises au plaignant.

29Le plaignant a indiqué qu’il avait décidé de prendre part à la discussion informelle avec M. Fuller par téléphone, et qu’il n’avait donc pas vu les documents. Il a expliqué qu’il désirait consulter les documents à l’avance pour se préparer, et que lorsqu’il avait appris que ce n’était pas possible, il avait jugé que ces documents étaient « sans importance » [traduction] pour ce qui le concerne. Compte tenu des renseignements échangés pendant la discussion informelle, il croyait n’avoir pas satisfait à seulement un des critères liés aux qualifications essentielles, soit l’autonomie.

30Le 1er janvier 2009, le plaignant a présenté des observations traitant à nouveau de la question de l’autonomie, afin que sa réponse soit réévaluée. Dans ses observations, il affirmait se rappeler avoir défini l’autonomie en la comparant à l’impartialité et à l’indépendance, et il passait en revue la situation qu’il avait décrite au comité pendant l’entrevue. Les observations faisaient également état de plusieurs sources appuyant sa réponse.

31M. Fuller a déclaré que, lorsque les membres du comité s’étaient réunis pour examiner les observations du plaignant, ils s’étaient entendus pour dire que, pendant l’entrevue, le plaignant avait défini l’autonomie comme un synonyme d’impartialité. Il a été considéré que les observations présentées étendaient la portée de la réponse en y ajoutant la notion d’indépendance. Le comité a décidé de ne pas tenir compte de l’information qui ne figurait pas dans la réponse originale.

32Le plaignant a ensuite été informé que les membres du comité s’étaient de nouveau rencontrés pour examiner ses observations, et qu’ils avaient maintenu leur décision.

33Le plaignant a affirmé que, pendant qu’il se préparait en vue de l’audience, il avait appris qu’il n’avait pas non plus satisfait à un autre critère de mérite lié à la qualification essentielle « entregent ». Selon lui, en retenant cette information, M. Fuller l’a induit en erreur quant aux raisons pour lesquelles sa candidature n’avait pas été retenue.

Argumentation des parties

A) Argumentation du plaignant

34Le plaignant soutient que la présence de M. Fuller au sein du comité, à titre de président, a donné lieu à un parti pris dans le processus. Il soulève plusieurs points liés à cet argument.

35Il fait valoir qu’il était contraire à l’éthique que M. Fuller fasse partie du comité en raison de son intégration dans le même bassin de candidatures EX que lui et eu égard à sa trop récente entrée en fonctions chez l’intimé. Selon le plaignant, M. Fuller avait beaucoup à gagner de l’échec du plaignant dans le processus de nomination. En effet, s’il était démontré que le plaignant ne répondait pas aux critères essentiels de mérite pour le poste de groupe et niveau TI 07, cette situation aurait une incidence négative sur la candidature de ce dernier à un poste de niveau EX.

36Pour ce qui est de la question de l’autonomie, le plaignant soutient qu’il n’est pas équitable qu’il n’ait pas reçu le courriel dans lequel Mme Jeffries abordait cette question.

37Le plaignant affirme que la question du comité concernant son déploiement imminent en Bosnie est un signe de parti pris.

38En outre, il fait valoir que les exemples qu’il a donnés dans ses réponses, notamment en ce qui a trait à l’entregent, auraient dû faire l’objet d’une confirmation par des tiers, ce qui aurait pu avoir une incidence sur l’évaluation.

39Le plaignant soutient que plusieurs étapes du processus de vérification des références ont été entachées de parti pris, à savoir le choix des répondants, le processus de collecte des références et l’évaluation des renseignements obtenus. Pour illustrer son point, il indique que le refus du comité d’accepter les références fournies par M. Rice est préoccupant. Il affirme également que le comité n’a pas veillé à la tenue d’un processus équitable puisqu’il n’a pas vérifié si Mme McLellan avait suivi la procédure établie pour la collecte des références. Le comité a simplement présumé que celle-ci possédait les connaissances nécessaires pour exécuter les instructions qui lui avaient été transmises. Par ailleurs, il n’y a aucune trace écrite des délibérations que le comité a tenues lors de l’évaluation des références, et ce dernier n’a pas fait confirmer les exemples qui avaient été fournis par les répondants; s’il l’avait fait, le résultat aurait peut être été différent. De plus, les membres du comité n’ont pris aucune note pendant les délibérations qui ont mené à l’évaluation.

40Le plaignant conclut son argumentation en affirmant qu’il a obtenu un résultat inéquitable à son évaluation parce que celle-ci n’a pas été effectuée de façon raisonnable.

B) Argumentation de l’intimé

41L’intimé soutient que le plaignant ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il y avait eu abus de pouvoir dans le processus de nomination, et il se penche sur les points précis soulevés par le plaignant.

42L’intimé conteste l’argument du plaignant selon lequel M. Fuller n’aurait pas dû faire partie du comité. Il fait remarquer que s’il est vrai que M. Fuller travaillait pour l’intimé depuis seulement un court laps de temps au moment d’être nommé président, ce dernier n’a pas eu la tâche d’évaluer les connaissances. En effet, cette partie du processus avait au préalable été réalisée par M. Munn. M. Fuller s’est vu confier l’évaluation des capacités et des qualités personnelles, qui devait se faire au moyen d’une entrevue et d’une vérification des références. Par ailleurs, les autres membres du comité travaillaient depuis plus longtemps pour l’intimé et occupaient tous deux un poste de directeur régional.

43L’intimé soutient que la conversation portant sur le déploiement imminent du plaignant en Bosnie a eu lieu avant que l’entrevue ne commence officiellement. Le sujet a été abordé pendant les commentaires d’introduction, qui visaient à mettre le candidat à l’aise.

44L’intimé déclare qu’il n’avait aucunement l’obligation de fournir à chaque candidat la définition de l’autonomie, qui constituait l’une des qualifications essentielles. Cette définition a été fournie comme réponse aux candidats qui avaient présenté une demande à cet égard.

45Pour ce qui est de la réponse fournie par le plaignant pendant l’entrevue, l’intimé affirme que le plaignant a défini à tort l’autonomie comme de l’impartialité. C’est d’ailleurs ce qu’indiquent les notes prises par les trois membres du comité pendant l’entrevue. L’intimé constate que les observations qu’a présentées le plaignant après la discussion informelle font état de la notion d’indépendance. Or, comme cette notion ne figurait pas au départ dans la réponse fournie par le plaignant, le comité a jugé que les observations dépassaient la portée de la réponse initiale. L’intimé fait valoir que la discussion informelle ne représente pas une occasion pour un candidat de répondre à nouveau à des questions qui lui ont été posées à l’entrevue. Par conséquent, le comité n’a en rien modifié son évaluation.

46Relativement au processus de collecte des références, l’intimé soutient que la preuve ne laisse entrevoir aucune incohérence dans les documents fournis aux répondants. La différence, sur le plan de la forme, entre les références fournies par MM. Munn et Kirschner est attribuable au fait que l’un deux a rempli le formulaire lui-même tandis que l’autre a donné les références au téléphone à une personne qui les a consignées. L’intimé fait valoir qu’aucun des éléments de preuve versés au dossier ne donnait à penser que les répondants avaient reçu un traitement différent ou que le processus de vérification des références avait été mené de façon non uniforme.

47L’intimé fait également référence au choix des répondants. Il soutient que le comité n’avait pas l’obligation de s’adresser aux répondants choisis par les candidats. Il fait remarquer que le plaignant, à l’instar d’autres candidats, a dû donner le nom d’un autre répondant pour éviter qu’une personne participant elle-même au processus soit appelée à fournir des références. Le comité a exercé son vaste pouvoir discrétionnaire à cet égard. En outre, le comité a évalué les références sans se fier aux notes attribuées par les répondants. Ces notes n’avaient aucune pertinence dans les délibérations du comité.

C) Argumentation de la Commission de la fonction publique

48La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas représentée à l’audience, mais elle a fourni des observations écrites. La CFP a déclaré que ses lignes directrices avaient été respectées.

Analyse

49La plainte a été présentée en vertu de l’article 77(1)a) de la LEFP :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

(a)) abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

(…)

50L’article 30(2) de la LEFP définit ainsi les nominations fondées sur le mérite :

30. […]

(2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

(a)) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l’administrateur général pour le travail à accomplir;

(b) la Commission prend en compte :

  1. toute qualification supplémentaire que l'administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l'administration, pour le présent ou l'avenir,
  2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l'administration précisée par l'administrateur général,
  3. tout besoin actuel ou futur de l'administration précisé par l'administrateur général.

51Le Tribunal doit en l’espèce se pencher sur deux aspects liés à l’abus de pouvoir, soit l’allégation de mauvaise foi et l’existence possible d’une crainte raisonnable de partialité.

(i) L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l’application du mérite en faisant preuve de mauvaise foi?

52Selon le plaignant, le traitement de sa candidature dans le processus de nomination a été entaché de mauvaise foi. Dans l’arrêt Finney c. Barreau du Québec, [2004] 2 R.C.S. 17, la Cour suprême confirme qu’il n’est pas nécessaire de montrer qu’il y a eu faute intentionnelle pour prouver qu’il y a eu mauvaise foi, et précise qu’il faut donner à la notion de mauvaise foi une portée plus large pour inclure l’incurie ou l’insouciance grave. La Cour suprême s’exprime ainsi au paragraphe 39 de la décision :

39. Ces difficultés montrent néanmoins que la notion de mauvaise foi peut et doit recevoir une portée plus large englobant l’incurie ou l’insouciance grave. Elle inclut certainement la faute intentionnelle, dont le comportement du procureur général du Québec, examiné dans l’affaire Roncarelli c. Duplessis, 1959 CanLII 50 (S.C.C.), [1959] R.C.S. 121, représente un exemple classique. Une telle conduite constitue un abus de pouvoir qui permet de retenir la responsabilité de l’État ou parfois du fonctionnaire. Cependant, l’insouciance grave implique un dérèglement fondamental des modalités de l’exercice du pouvoir, à tel point qu’on peut en déduire l’absence de bonne foi et présumer la mauvaise foi. L’acte, dans les modalités de son accomplissement, devient inexplicable et incompréhensible, au point qu’il puisse être considéré comme un véritable abus de pouvoir par rapport à ses fins. (Dussault et Borgeat, op. cit., p. 485). […]

53Dans sa tentative d’établir qu’il y a eu mauvaise foi dans le processus, le plaignant accorde beaucoup d’importance au fait que sa candidature ainsi que celle de M. Fuller ont toutes deux été placées dans un bassin de candidats qualifiés en vue de nominations à des postes de niveau EX. Il croit que M. Fuller ne pouvait pas de ce fait s’acquitter de son rôle au sein du comité de façon appropriée. Le plaignant laisse entendre que M. Fuller pourrait tirer avantage du rejet de sa candidature au terme du processus puisque cet échec sèmerait le doute sur ses qualifications en tant que candidat à un poste de niveau EX.

54Le plaignant soulève de nombreuses préoccupations concernant la participation de M. Fuller et le processus mené par le comité : M. Fuller a revu à la hausse la note de passage, la portant à 60 %; l’information concernant la définition de l’autonomie n’a été fournie qu’à certains candidats; le comité a posé une question au plaignant au sujet de la Bosnie; M. Fuller a exigé le choix d’un autre répondant; il est possible que les répondants n’aient pas obtenu les mêmes renseignements; les références n’ont pas été confirmées au moyen d’une vérification; l’entrevue du plaignant et les observations qu’il a par la suite présentées n’ont pas été notées de façon appropriée. Chacun des points abordés par le plaignant est examiné ci-dessous.

55Pour ce qui est de l’augmentation de la note de passage portée à 60 %, le Tribunal estime que M. Fuller a donné une explication raisonnable. Comme l’indique le Tribunal au paragraphe 43 de la décision Visca c. le sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, « [l]a pondération des critères de mérite et l’utilisation de points de démarcation en fonction du rendement des candidats représentent des méthodes qui s’inscrivent dans le cadre du vaste pouvoir discrétionnaire accordé aux gestionnaires en vertu de la LEFP ». Partant de cette conclusion, le Tribunal juge que le changement effectué par M. Fuller relevait du pouvoir discrétionnaire dont il disposait en tant que gestionnaire d’embauche.

56En ce qui a trait au fait que la définition de l’autonomie n’ait pas été fournie à tous les candidats, le Tribunal juge qu’il n’y a aucune preuve de mauvaise foi. Deux candidats ont demandé aux Ressources humaines de leur fournir de l’information supplémentaire, ce qui a été fait. Le plaignant n’a fourni aucun élément de preuve indiquant qu’il avait lui aussi demandé ces renseignements, pas plus qu’il n’a expliqué pourquoi l’intimé aurait dû transmettre l’information à l’ensemble des candidats. Par exemple, il n’a pas laissé entendre que la réponse venait clarifier une information imprécise ou ambiguë. Dans un tel cas, il aurait pu s’avérer nécessaire d’envoyer l’information à tous les candidats. Le Tribunal estime que l’information fournie aux candidats qui en ont fait la demande ne constituait qu’une simple réponse à une demande normale d’information. Le fait de ne transmettre les renseignements qu’aux personnes qui les avaient demandés ne constitue aucunement une erreur ou une omission. Il convient de noter que la Série d’orientation – Annonces dans le processus de nomination de la CFP, qui offre des précisions concernant les Lignes directrices en matière d’annonces dans le processus de nomination, énonce la directive suivante :

Les administrateurs généraux ou administratrices générales et leurs délégataires devraient pouvoir répondre, en temps opportun, à toute demande additionnelle de renseignements en provenance de candidates et candidats potentiels. Cette mesure vise à appuyer l'adhésion aux valeurs directrices que sont la justice, la transparence, l'accessibilité et la représentativité.

57Le plaignant s’est dit préoccupé par le fait que le comité l’ait interrogé au sujet de son déploiement prochain en Bosnie. Le Tribunal estime que l’intimé a fourni une explication raisonnable à cet égard. La preuve démontre que la discussion qui a eu lieu au début de l’entrevue était informelle, et rien ne prouve qu’elle ait influé d’une manière quelconque sur l’évaluation des critères de mérite qu’a effectuée le comité. Par ailleurs, la preuve ne laisse pas entendre que le déploiement constituait un sujet d’inquiétude dans le milieu de travail, ni que l’intimé percevait cette situation de façon négative. Bien que le plaignant ait affirmé que cette question le tracassait, il n’a présenté aucun élément de preuve convaincant démontrant qu’il y avait un fondement raisonnable à son affirmation.

58S’agissant de la façon dont le comité a traité les réponses fournies par le plaignant à l’entrevue concernant l’autonomie et l’entregent, il n’a pas été démontré que le comité avait tenu compte d’éléments non pertinents ou incohérents dans son évaluation de ces qualifications essentielles. Le plaignant soutient que le comité aurait dû faire confirmer ses réponses, mais il n’a fourni aucune raison ni aucun élément de preuve expliquant pourquoi le comité aurait dû procéder ainsi. Le Tribunal n’est pas convaincu qu’une erreur a été commise.

59Pour ce qui est du choix des répondants, le Tribunal estime que ce n’était pas une erreur d’exiger que les répondants ne fassent pas partie des candidats. L’intimé a expliqué qu’il avait pris cette décision pour éviter d’éventuels conflits d’intérêts. L’intimé a déclaré que d’autres candidats s’étaient trouvés dans la même situation que le plaignant, et qu’ils avaient tous dû choisir un autre répondant. Le Tribunal juge que l’intimé a fourni une explication rationnelle pour expliquer sa décision et qu’il n’a pas été démontré que celle-ci n’était pas justifiée.

60En ce qui a trait à l’argument du plaignant selon lequel les références ont été fournies différemment, le Tribunal estime que le plaignant n’a pas présenté d’élément de preuve démontrant en quoi la qualité des références avait varié ou été compromise. À la lumière d’un examen objectif des documents, il appert clairement que les références fournies par M. Munn ont été rédigées à la première personne; M. Munn se souvient d’ailleurs de les avoir envoyées par courriel à l’intimé. Pour sa part, M. Kirschner n’arrive pas à se rappeler les faits précis entourant la vérification des références, et il est incapable de se souvenir s’il a reçu de l’information préparatoire avant de fournir ses références. Il a en outre oublié la façon dont il a fourni les références demandées. Ses commentaires sont rédigés à la troisième personne, et il n’y a aucune consigne ni définition dans le document. Ces facteurs donnent à penser qu’il aurait fourni les références en question à une tierce personne. Selon la preuve, il a déclaré que les renseignements étaient exacts mais incomplets. Toutefois, il n’a pas indiqué en quoi ils étaient incomplets ni précisé quels étaient les éléments manquants.

61Pendant son témoignage, M. Kirschner n’a pas réussi à se souvenir des faits entourant la vérification des références et il n’a pas expliqué en quoi la façon dont les références avaient été recueillies avait pu influer sur leur contenu. Le Tribunal estime que rien ne prouve que la façon de recueillir les références ait vraiment influé sur le contenu de celles-ci. Quoi qu’il en soit, le Tribunal observe que le plaignant a reçu des notes pour les références fournies à son sujet qui dépassent l’exigence minimale fixée par le comité.

62Au paragraphe 43 de la décision Jolin c. l’administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 0011, le Tribunal s’exprime ainsi : « Il ne suffit pas de déposer des allégations et d’argumenter que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du principe du mérite. La plaignante doit fournir une preuve convaincante de l’abus de pouvoir qu’elle allègue. »

63Outre le fait que l’un des répondants semble avoir fourni ses références par écrit et l’autre oralement, le Tribunal ne peut conclure à partir des éléments de preuve versés au dossier que les répondants ont fait l’objet d’un traitement différent. Le Tribunal juge que le plaignant ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve, et il n’interviendra pas sur la question de la vérification des références.

64S’agissant des notes attribuées pour les références, le Tribunal estime que le comité a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a décidé de ne pas tenir compte, pendant ses délibérations, des notes accordées par les répondants. Le comité était en droit d’évaluer les documents qui lui avaient été présentés sans se fier aux notes que les répondants auraient attribuées s’ils avaient eu le mandat d’évaluer les candidats. La décision de ne pas prendre en considération les notes accordées par les répondants a été appliquée de façon uniforme à tous les candidats, et rien n’indique qu’il était nécessaire pour le comité de tenir compte, pendant ses délibérations, des notes en question.

65Le Tribunal souscrit à l’argument de l’intimé selon lequel les observations que le plaignant a présentées au comité après la discussion informelle dépassaient de beaucoup la portée de la réponse fournie au départ. Ces observations faisaient état de la notion d’indépendance, laquelle ne figure pas dans les notes qui ont été prises pendant l’entrevue du plaignant. Il s’agissait là d’un élément de la réponse attendue, et il n’y a pas de preuve que le plaignant en a fait mention pendant son entrevue.

66Le Tribunal juge que le comité était en droit d’évaluer le plaignant en fonction de son rendement à l’entrevue et de ne pas tenir compte des ajouts apportés à sa réponse initiale dans les observations écrites qu’il a présentées après la discussion informelle. Comme l’indique le Tribunal aux paragraphes 75 et 76 de la décision Rozka c. le sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 0046, la discussion informelle constitue une occasion de discuter et de corriger des erreurs. Il ne s’agit pas d’un mécanisme permettant de demander au comité de réévaluer les qualifications d’un candidat.

67Selon la preuve, il semble que la discussion informelle ait porté uniquement sur la question de l’autonomie, le plaignant ignorant qu’il n’avait pas non plus obtenu la note de passage pour l’entregent. L’intimé aurait dû communiquer toute l’information nécessaire. Compte tenu de l’objet de la discussion informelle, l’intimé aurait à ce moment-là dû brosser un portrait plus complet de la situation au candidat, comme il l’a fait plus tard dans sa réponse aux allégations. Néanmoins, le Tribunal estime que l’omission a été corrigée, que le résultat du processus n’a pas été influencé par le fait que l’échec correspondant à l’un des deux critères de mérite n’ait pas été signalé et que les actes de l’intimé ne permettent pas de conclure qu’il y a eu mauvaise foi.

68Finalement, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas établi que l’intimé avait fait preuve de négligence ou d’insouciance grave ni qu’il avait agi d’une façon qui pourrait être assimilée à de la mauvaise foi.

(ii) Le plaignant a-t-il établi qu’il y a eu parti pris ou crainte raisonnable de partialité dans le processus de nomination?

69Pour appuyer son affirmation selon laquelle il y a eu mauvaise foi, le plaignant fait valoir que M. Fuller a probablement fait preuve de parti pris ou d’une motivation inappropriée au regard de sa réussite. Selon le Tribunal, il n’existe aucune preuve directe de parti pris. Il incombe donc au Tribunal de déterminer si la preuve relative aux circonstances montre une crainte raisonnable de partialité.

70IAu paragraphe 125 de la décision Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0029, le Tribunal fait référence à la décision Committee for Justice and Liberty c. Canada (l’Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, qui établit, à la page 394 (R.C.S.), le critère de la crainte raisonnable de partialité :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

71Dans la décision Denny le Tribunal fait également référence à la plus récente version du critère établie dans la décision Newfoundland Telephone Company c. Terre Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), 1992 CanLII 84 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 623. Ce critère consiste à déterminer si, en examinant le processus, un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir un parti pris de la part d’une ou de plusieurs personnes ayant pris part à l’évaluation du plaignant.

72En l’espèce, un observateur relativement bien renseigné prendrait en considération les différents points qui ont été soulevés dans cette affaire, à savoir l’augmentation de la note de passage – portée à 60 %; la communication de la définition de l’autonomie à certains candidats seulement; la discussion sur la Bosnie qui a eu lieu au début de l’entrevue; les notes accordées au plaignant pour ses réponses aux questions portant sur l’autonomie et l’entregent; l’obligation de fournir le nom d’un autre répondant; la collecte et l’évaluation des références; l’évaluation des observations présentées après la discussion informelle. Un observateur relativement bien renseigné déterminerait que ces éléments ne donnent pas lieu à une crainte de partialité de la part des membres du comité.

73Le Tribunal a examiné plus haut chacun de ces points et a trouvé des éléments de preuve fournissant des explications rationnelles concernant les actes posés par le comité et par M. Fuller dans l’exercice de leurs fonctions.

74Parallèlement, un observateur bien renseigné prendrait conscience de l’existence d’un ensemble d’éléments de preuve cohérents expliquant le processus de nomination, les mesures prises et les conclusions formulées.

75Comme l’indique le Tribunal au paragraphe 124 de la décision Denny, le critère de la crainte raisonnable de partialité est bien établi. Il ne suffit pas d’une suspicion ou supposition. Il est vrai que la candidature du plaignant et celle de M. Fuller ont été placées dans le même bassin en vue de la dotation de postes de niveau EX, mais il n’a pas été démontré que cette coïncidence avait eu une incidence concrète sur le processus. Le Tribunal estime qu’il n’y a absolument aucune preuve établissant l’existence de raisons personnelles qui auraient pu inciter M. Fuller à éliminer la candidature du plaignant du processus.

76L’évaluation objective de la preuve présentée en l’espèce a permis de mettre en lumière des explications raisonnables concernant les différents points qui ont été soulevés. Le Tribunal estime que les éléments de preuve présentés ne satisfont pas au critère de la crainte raisonnable de partialité.

Conclusion

77Par conséquent, le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, ses allégations d’abus de pouvoir dans l’application du mérite dans ce processus de nomination.

Décision

78Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.

Joanne B. Archibald

Membre

Parties au dossier

Dossier du Tribunal
2009-0090
Intitulé de la cause
Robert Campbell et le sous ministre de Transports Canada
Audience:
1-2 juin 2010
Halifax (Nouvelle-Écosse)
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Date des motifs
Le 24 septembre 2010

COMPARUTIONS

Pour le plaignant
John Fox
Pour l’intimé
Anne-Marie Duquette
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