Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié trois mois avant la fin d’une période de stage de cinq ans, au motif qu’il ne possédait pas les aptitudes nécessaires - le Service canadien du renseignement de sécurité (l’employeur) a présenté une objection à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre le grief au motif que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été licencié pour des motifs liés à l’emploi - les évaluations de rendement du fonctionnaire s’estimant lésé révélaient des lacunes - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a jamais contesté aucune de ses évaluations - cependant, il n’avait pas reçu d’avis de confirmation de lacunes avant d’être licencié - la politique de l’employeur prévoit des discussions régulières entre un employé et son superviseur pendant toute la période d’évaluation et qu’après deux évaluations de rendement spéciales, l’employé reçoit un avis de confirmation de lacunes - aussi, dans une évaluation de rendement qui lui a été remise quelques mois avant son licenciement, on lui avait indiqué qu’après deux évaluations spéciales, il recevrait un avis de lacunes - cet avis serait sa dernière chance de s’améliorer avant de mettre fin à son emploi - le fonctionnaire s’estimant lésé a donc été surpris par son licenciement - en plus, son superviseur lui a laissé croire pendant les six derniers mois de son emploi qu’il était satisfait de son travail - le fonctionnaire s’estimant lésé ne pouvait juger que son emploi était en danger et n’a fait l’objet d’aucune des mesures de conciliation et d’aide prévues à la politique - son licenciement était donc arbitraire et injustifié - l’employeur n’a pas démontré qu’il existait un motif légitime lié à l’emploi justifiant le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-08-12
  • Dossier:  566-20-1746
  • Référence:  2011 CRTFP 103

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARC-ANDRÉ BERGERON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

employeur

Répertorié
Bergeron c. Service canadien du renseignement de sécurité

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Michele A. Pineau, vice-présidente

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Isabelle Chartier et Jacques-Michel Cyr, avocats

Affaire entendue à Montréal, (Québec),
le 9 mai 2008, du 5 au 7 janvier et du 15 au 18 mars 2011.

Pour des motifs liés à la sécurité nationale, le nom des témoins et des personnes impliquées dans ce grief a été protégé, à l’exception du fonctionnaire s’estimant lésé et de celui du sous-directeur des opérations du SCRS.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé, Marc-André Bergeron, (le « fonctionnaire ») était, depuis le 3 janvier 2003, agent de renseignements pour le Service canadien du renseignement de sécurité (le « SCRS » ou l’ « employeur »).

2 Le 2 octobre 2007, soit trois mois avant la fin de sa période de stage, l’employeur a licencié le fonctionnaire au motif qu’il ne possédait pas les aptitudes nécessaires pour être un agent de renseignements du SCRS. La lettre d’offre d’emploi prévoyait qu’avant d’être nommé pour une période indéterminée, le fonctionnaire devait réussir deux volets de formation sur une période de cinq ans, soit le Programme de formation des nouveaux agents de renseignements et le Programme d’avancement professionnel des agents de renseignements.

3 Le 16 octobre 2007, le fonctionnaire a déposé un grief de quatre pages soulignant son désaccord avec le licenciement qu’il allègue injuste et contraire aux politiques du SCRS. Le grief a été rejeté aux deux paliers de la procédure de règlement des griefs. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 17 janvier 2008.

4 De façon préliminaire, il y a lieu de souligner que le SCRS est un employeur distinct. Par dérogation, les relations de travail du SCRS ne sont pas assujetties à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, sauf en ce qui a trait à l’arbitrage des griefs. En vertu de l’article 8 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS établit ses propres règles de procédure concernant la conduite et la discipline de ses employés. Les agents de renseignements ne sont pas syndiqués, mais ils peuvent être représentés par l’Association des employés lors de la procédure de règlement des griefs.

II. Objection à la compétence de la Commission

5 Le 13 février 2008, l’employeur a présenté une objection à la compétence d’un arbitre de grief de la Commission des relations de travail dans la fonction publique d’entendre le grief du fonctionnaire au motif que ce dernier avait été licencié en cours de stage pour des motifs liés à l’emploi. Après avoir entendu de façon préliminaire les arguments des parties concernant cette question, j’ai pris l’objection de l’employeur sous réserve d’entendre la preuve concernant le bien-fondé du grief.

III. Résumé de la preuve de l’employeur

6 Michel Coulombe a été le seul témoin de l’employeur. Lors du licenciement du fonctionnaire, il était le directeur général, Région du Québec. Il a occupé cette fonction entre 2006 et 2007. Depuis le mois de septembre 2010, il est le sous-directeur des opérations du SCRS et chargé de toutes les activités du service au Canada et à l’étranger. M. Coulombe est à l’emploi du SCRS depuis novembre 1986.

7 M. Coulombe a témoigné des qualités fondamentales d’un agent de renseignements, soit l’entregent, le jugement, l’assurance, le professionnalisme, la rigueur, la planification du temps, l’esprit d’initiative et l’esprit d’équipe. La formation d’un agent de renseignements pendant la période de stage, comprend deux étapes. La première consiste en une période d’environ trois ans à l’administration centrale à Ottawa en tant qu’analyste et la deuxième, consiste en une période de deux ans dans un bureau régional en tant qu’enquêteur. En tant qu’analyste, l’agent de renseignements reçoit des informations, les analyse et tire des conclusions. Comme enquêteur, l’agent de renseignements fait la collecte de renseignements et dresse un rapport.

8 Un agent de renseignements devient un employé nommé pour une période indéterminée après avoir réussi la deuxième étape. La rigueur de la formation d’un agent de renseignements motive une période de stage de cinq ans.

9 Un agent de renseignements est évalué annuellement. Le rôle du superviseur est de déterminer les besoins en formation et en perfectionnement, de conseiller l’agent de renseignements quant à ses fonctions et ses possibilités de carrière, de préciser les tâches à accomplir et d’évaluer son rendement. La norme du rendement exigée de tous les agents de renseignements est une cote dite « moyenne générale » minimale de 2,5, la moyenne des sections B1 et B2 du rapport d’évaluation du rendement. Une cote du rendement inférieure à la moyenne générale de 2,5 peut donner lieu à un renvoi en raison d’un rendement insatisfaisant ou à une recommandation de refus d’augmentation de la rémunération. Un avis écrit de confirmation de lacunes peut être remis à un agent de renseignements dont le rendement n’est pas conforme aux objectifs et aux niveaux du rendement établis et qui ne s’est pas amélioré après avoir déjà fait l’objet d’au moins une évaluation du rendement spéciale. Une évaluation du rendement spéciale est effectuée lorsqu’un agent de renseignements pourrait être renvoyé ou lorsque l’augmentation annuelle a été refusée pour un rendement inadéquat. Un agent de renseignements dont la moyenne générale est inférieure à 2,5 peut faire appel à un comité de révision (voir : HUM-306 Programme d’évaluation du rendement, aux paragraphes 5.2, 3.6, 3.5 et 3.7, en date du 24 mars 2001) ou, depuis le 18 juillet 2007, peut déposer un grief (voir : HUM-306 aux paragraphes 4 et 5).

10 M. Coulombe affirme avoir décidé du licenciement du fonctionnaire après avoir revu toutes ses évaluations du rendement depuis son entrée en fonction, et plus particulièrement, les commentaires des supérieurs du fonctionnaire pour chaque évaluation du rendement inférieure à la moyenne de 2,5 pour s’assurer qu’elle faisait l’objet d’un justificatif détaillé. Comme il s’agissait de superviseurs d’expérience, M. Coulombe n’avait aucune raison de mettre en doute leurs commentaires sur les évaluations. Les lacunes suivantes ont convaincu M. Coulombe que le fonctionnaire ne rencontrait pas les qualités fondamentales d’un agent de renseignements : manque de rigueur dans certains rapports écrits, manque de planification et d’organisation du travail, manque de jugement et pauvre qualité des entrevues. Selon M. Coulombe, les incidents rapportés dans les évaluations du rendement du fonctionnaire mettaient en cause la crédibilité du SCRS, l’efficacité de ses opérations et à plus d’une reprise ont compromis la sécurité du SCRS.

11 M. Coulombe témoigne que le fonctionnaire n’avait pas reçu d’avis écrit de confirmation de lacunes tel qu’il est prévu dans la politique HUM-306-1 parce que l’émission d’un tel avis est facultatif et, en l’instance, qu’il n’en voyait pas l’utilité. Un rapport d’entrevue préparé par le fonctionnaire qui a fait l’objet d’une vérification par le superviseur du fonctionnaire et son supérieur a convaincu M. Coulombe que le fonctionnaire n’était pas en mesure de changer sa conduite. À la suite de cet incident, le superviseur du fonctionnaire a révisé les autres rapports d’entrevue préparés par le fonctionnaire mais n’y a pas trouvé d’erreur. M. Coulombe a tout de même maintenu des doutes quant au manque de rigueur du fonctionnaire depuis son entrée en service. Par conséquent, M. Coulombe a fait préparer la lettre de licenciement et l’a présentée au fonctionnaire le 2 octobre 2007.

12 M. Coulombe explique que la décision de licencier un fonctionnaire est prise avec grande circonspection parce que le SCRS investi beaucoup de temps et de ressources dans la formation d’un agent de renseignements et que celui-ci quitte avec beaucoup de connaissances qui peuvent être dommageables pour le SCRS.

13 En contre-interrogatoire, M. Coulombe reconnait que le fonctionnaire a été licencié trois mois avant la fin d’une période de stage de cinq ans. Il admet n’avoir jamais rencontré le fonctionnaire avant de le licencier. M. Coulombe dit ignorer que le fonctionnaire avait demandé une mutation au bureau régional de Vancouver pour rejoindre sa conjointe, mais que de toute façon, compte tenu de son court temps d’emploi au bureau régional de Montréal et de la qualité de ses évaluations du rendement, il ne lui aurait pas accordé.

14 M. Coulombe témoigne que, selon lui, les mêmes lacunes revenaient d’une évaluation du rendement à une autre et qu’il était satisfait de l’exactitude des évaluations du rendement, y compris les rapports spéciaux. Selon lui, le fonctionnaire a reçu l’aide nécessaire et n’a pas profité des conseils reçus, entre autres, en ce qui concerne le besoin d’amélioration et de formation en gestion du temps, le mentorat et les objectifs précis de rendement qui lui avaient été communiqués. Il reproche au fonctionnaire de n’avoir pris aucune initiative pour combler ses lacunes et de n’avoir pas entamé un processus formel de contestation alors qu’il était en désaccord avec ses évaluations. Il a dit ignorer la qualité du travail du fonctionnaire alors qu’il travaillait à l’administration centrale.

15 En réponse à une question du fonctionnaire soulignant l’effet négatif sur la carrière d’un agent de renseignements de contester une évaluation du rendement, M. Coulombe s’est dit en désaccord car il se souvenait d’un gestionnaire haut placé qui avait contesté une évaluation sans que cela nuise à son avancement. Il dit qu’il n’était pas au courant que la nouvelle génération d’agents de renseignements voyait le dépôt d’une contestation ou d’un grief d’un autre œil.

16 M. Coulombe témoigne qu’il ignorait que le superviseur du fonctionnaire n’avait pas communiqué son insatisfaction au fonctionnaire entre le mois de mai et le mois de septembre 2007. M. Coulombe est d’avis que les périodes d’évaluation du rendement ne sont pas coulées dans le béton et qu’elles peuvent varier de quelques semaines pour tenir compte entre autres, du congé estival, d’une absence ou d’une période d’observation plus longue. Il dit que l’absence d’une évaluation du rendement pendant quelques mois n’est pas critique et n’indique aucun manque de rigueur dans les évaluations du rendement du fonctionnaire. M. Coulombe précise que l’agent de renseignements ne fait part de ses commentaires concernant l’évaluation du rendement qu’après la signature de chacun des superviseurs. Toutefois, il ne se souvient pas s’il a lu les commentaires du fonctionnaire à propos de chacune des évaluations et il insiste que le fonctionnaire ne s’est pas prévalu de son droit de contester ses évaluations.

17 M. Coulombe déclare qu’il n’a donné aucune considération à une mutation du fonctionnaire parce que ses lacunes avaient été identifiées par plus d’un superviseur et que somme toute, ceci n’aurait rien changé aux résultats. M. Coulombe professe que le fonctionnaire n’a tout simplement pas les aptitudes d’un agent de renseignements de renseignement. M. Coulombe témoigne qu’il ignorait que le fonctionnaire avait un conflit de personnalité avec son superviseur; de toute façon, ceci n’aurait pas changé son évaluation des capacités du fonctionnaire. M. Coulombe se dit satisfait que toutes les politiques du SCRS ont été respectées et d’avoir fait confiance aux personnes qui ont joué un rôle dans l’évaluation des capacités du fonctionnaire. Il souligne que le service des ressources  humaines n’est pas chargé de revoir les commentaires des employés qui apparaissent sur les formulaires d’évaluation du rendement, mais de s’assurer que les commentaires des superviseurs soient appuyés d’une justification. Le seul rôle que joue M. Coulombe est de revoir les évaluations qui n’atteignent pas la moyenne de 2,5. M. Coulombe dit ignorer que le fonctionnaire a été évalué par rapport à des tâches qui ne lui avaient pas encore été confiées.

IV. Résumé de la preuve du fonctionnaire

A. Témoignage du représentant régional de l’Association des employés

18 Le représentant régional de l’Association des employés a été convoqué à une rencontre par  M. Coulombe une semaine avant le licenciement du fonctionnaire, et ce, sans savoir la teneur de la réunion. Quarante-cinq minutes avant la rencontre, il a été mis au courant du licenciement imminent du fonctionnaire et qu’il était nécessaire qu’il soit présent pour cette démarche. Il s’est dit pris par surprise car une situation problématique menant au licenciement d’un fonctionnaire fait habituellement l’objet d’une discussion au préalable avec lui. Il ne connaissait pas le fonctionnaire à ce moment-là. Après la rencontre, il lui a donné ses coordonnées. Comme exemple d’une discussion préalable qui a mené à bien, le représentant régional a cité le cas d’un magasinier qui allait être licencié pour incompétence. Deux mois et demi de discussions ont mené à sa réaffectation au service de sécurité où il travaille encore. Le représentant suggère que dans le cas d’un conflit de personnalité, il est toujours possible de réaffecter un agent de renseignements dans un autre secteur. Il ajoute qu’il était inhabituel qu’un employé soit surpris par la décision du SCRS de mettre fin à son emploi sans signe précurseur.

19 Selon le représentant régional, la politique de l’employeur voulant qu’après deux évaluations spéciales, l’employé reçoive un avis écrit de confirmation de lacunes est claire. C’est ce qui s’est fait dans le passé et constitue l’avis ultime à l’agent de renseignements que son emploi est en jeu. Le représentant régional reconnaît que l’Association n’est pas un syndicat et qu’elle existe en raison de la bonne volonté de l’employeur. Selon son expérience, les litiges se règlent à l’amiable après discussion, sans le besoin de déposer un grief. Toujours selon le représentant régional, les employés s’abstiennent de déposer un grief parce qu’il n’y a aucune assise juridique pour le soutenir, sauf la bonne volonté de l’employeur. Comme le SCRS est un petit organisme et que les chances d’avancement sont minces, les employés craignent généralement que le dépôt d’un grief ou la contestation d’une évaluation du rendement compromette leur carrière.

20 Le représentant régional témoigne que, selon son expérience, les employés du SCRS viennent le voir pour des conseils et désirent généralement régler les conflits en milieu de travail de façon informelle, tel que prévu par la plus récente politique HUM-306 en date du 18 juillet 2007.

21 En contre-interrogatoire, le représentant régional admet que les employés viennent le voir pour des problèmes liés à l’évaluation du rendement. Avant d’être licencié, le fonctionnaire ne l’avait jamais consulté et il n’avait jamais vu ses évaluations. Le représentant régional a constaté au moment du licenciement que le fonctionnaire avait été surpris car il pensait que la rencontre porterait sur sa demande de mutation au bureau régional de Vancouver. Selon le représentant régional, l’avis écrit de confirmation de lacunes avant de procéder à un licenciement est pratique courante dans tous les secteurs.

B. Témoignage du témoin « A »

22 Le témoin « A » déclare avoir travaillé sous la direction du superviseur du fonctionnaire entre juin 2006 et octobre 2007. Elle a trouvé ses relations avec lui difficiles et stressantes. Il était brusque, direct et bourru le peu de fois qu’elle lui a adressé la parole. Elle a choisi de l’ignorer le plus possible, de rester dans son bureau même s’il était à côté du sien et de communiquer avec lui par courriel. Il claquait la porte de son bureau à tout moment. Elle a décrit son style de gestion comme étant dictatorial et autoritaire. Comme personne, elle l’a décrit comme taciturne, nerveux, d’une ponctualité exemplaire et acharné à faire respecter les règlements. Il a complété deux évaluations du rendement à son égard. La première n’a pas été très favorable car il a relaté un incident vrai, sans grande importance et qu’elle n’anticipait pas ferait partie de l’évaluation. Elle n’a pas osé s’en plaindre. La mauvaise note qu’elle a reçue a éventuellement été rehaussée. Elle a pris son mal en patience et elle a eu un autre superviseur quelque temps plus tard. La deuxième évaluation du rendement a été excellente. En contre-interrogatoire, le témoin admet ne pas connaître la qualité du travail du fonctionnaire.

C. Témoignage du témoin « B »

23 Le témoin « B » déclare avoir travaillé sous la direction du superviseur du fonctionnaire de juin 2006 à octobre 2007. Elle l’a perçu, dans ses relations avec les autres employés et avec elle, comme étant très franc, très formel et quelque peu condescendant. Elle exécutait le travail demandé, ne posait pas de question et n’entretenait aucune relation d’amitié avec lui. Il la rendait mal à l’aise et un incident particulier l’avait fait pleurer. Il n’a jamais complété d’évaluation du rendement pour elle. Elle n’a pas osé se plaindre formellement de son comportement. En contre-interrogatoire, le témoin admet ne pas connaître la qualité du travail du fonctionnaire.

D. Témoignage du fonctionnaire

24 Le fonctionnaire témoigne qu’il a été fort surpris d’apprendre son licenciement le 2 octobre 2007. Il croyait rencontrer M. Coulombe pour discuter sa demande de mutation au bureau régional de la Colombie-Britannique. C’était la première fois qu’il le rencontrait. M. Coulombe lui a dit en quelques mots qu’il était licencié et qu’il serait payé pour les deux prochains jours. C’est à ce moment qu’il a rencontré le représentant régional de l’Association des employés et lui a demandé de déposer un grief.

25 Le fonctionnaire souligne qu’il n’a jamais reçu l’avis écrit de confirmation de lacunes qui peut mener au licenciement. Au contraire, son superviseur lui a laissé croire, pendant la période de mai à octobre 2007, qu’il était satisfait de son travail. À compter du 25 septembre 2006, à la suite d’une demande de son superviseur, le fonctionnaire lui fournissait ses objectifs hebdomadaires de travail et les résultats à chaque semaine. Les courriels de réponse de son superviseur, lorsqu’il y en avait, étaient brefs, avec peu de reproches. Les interventions verbales de son superviseur étaient brèves et le plus souvent : « pas de problème, tout va bien ».

26 Pendant sa période d’emploi au bureau régional de Montréal, le fonctionnaire n’a eu qu’une formation en gestion du temps. Il n’a pas eu d’évaluation pour la période de février à juin 2006. Le 7 mai 2007, il a rencontré son superviseur et deux autres gestionnaires pour discuter de son rendement. Le fonctionnaire a témoigné qu’ils n’ont pas été à l’écoute de ses commentaires concernant le rapport d’évaluation. À la suite de cette rencontre, le chef de secteur a ajouté des commentaires écrits qui sont annexés au formulaire d’évaluation du rendement du fonctionnaire.

27 Le fonctionnaire a témoigné que malgré sa demande fréquente de rétroaction, de façon générale, son superviseur était peu communicatif. Le fonctionnaire a donné comme exemple que lorsqu’il tentait de rencontrer son superviseur concernant son rendement, il était toujours occupé et discutait de la météo et des sports plutôt que du rendement.  Le superviseur quittait son bureau pour mettre fin à la discussion. D’autres fois, son superviseur le croisait et lui disait que « tout était beau ». Les réponses du superviseur aux courriels que lui adressait le fonctionnaire pour le tenir au courant de ses objectifs et activités hebdomadaires étaient brusques et laconiques. Son superviseur ne lui communiquait les incidents reprochés dans son évaluation du rendement que lorsqu’il le rencontrait à cette fin. Le fonctionnaire témoigne avoir fait de vrais efforts pour améliorer les points soulevés dans ses évaluations du rendement mais n’a reçu aucune rétroaction de son superviseur en ce qui concerne son progrès ou manque de progrès, avant le moment de l’évaluation suivante.

28 En 2004, le fonctionnaire a été jumelé à un agent de renseignements d’expérience pour parfaire sa formation. Cet agent de renseignements lui a donné une excellente évaluation pour la période allant jusqu’au 7 mars 2004. Il a suivi sa formation d’enquêteur du 9 janvier au 24 février 2006. Pour suivre la formation d’enquêteur, son rendement devait être entièrement satisfaisant. Il a atteint les objectifs de la formation en obtenant la note maximale de 3. Les notes de l’équipe de formation indiquent qu’il possède les qualités et aptitudes fondamentales pour devenir un enquêteur en région. Les formateurs l’ont décrit comme une personne mature et méthodique dans son approche.

29 Le fonctionnaire a été assigné comme agent de renseignements à la région de Montréal en juin 2006. Le fonctionnaire témoigne que la section à laquelle il a été assigné était l’une des plus importantes et des plus occupées. Il a appris sur le tas, au fur et à mesure de ses assignations de travail. Il n’a pas eu de superviseur immédiat entre juin et septembre 2006, mais il a travaillé en collaboration avec un autre agent de renseignements d’expérience sous la direction d’un autre gestionnaire, qui s’est dit entièrement satisfait de ses services. Ce dernier n’a toutefois pas été sollicité pour compléter l’évaluation du rendement pour la période du 4 juillet au 5 septembre 2006 pendant laquelle le fonctionnaire était sous sa supervision.

30 Son superviseur est entré en fonction le 5 septembre 2006.  Il a immédiatement constaté un manque d’objectifs pour une évaluation du rendement future du fonctionnaire.  Le 11 octobre 2006, il lui a fixé des objectifs de travail que le fonctionnaire a accepté. Le fonctionnaire a souligné qu’il était le seul agent de renseignements à se faire imposer cette façon de travailler. Le fonctionnaire a continué de travailler avec l’agent de renseignements sur le terrain relativement à une enquête. Le fonctionnaire dit avoir travaillé très fort et durant de longues heures. La rétroaction de son superviseur se limitait à dire : « OK » et « good ».

31 Le fonctionnaire résume les attentes de son superviseur comme suit. Celui-ci voulait qu’un agent de renseignements soit sur le terrain, pas devant l’ordinateur. Il s’attendait à ce qu’un agent de renseignements soit polyvalent, qu’il travaille fort et qu’il fasse preuve d’entraide, d’esprit d’équipe et de communication. Lors de sa première rencontre avec lui, le 11 octobre 2006, soit un mois après son arrivée en fonction, son superviseur lui a tout de suite mis ses évaluations du rendement précédentes sous le nez et lui a dit qu’il le trouvait peu crédible. Selon le fonctionnaire, son superviseur l’a étiqueté d’indésirable avant même de le connaître ou de connaître son travail. Le fonctionnaire s’est dit déçu de cette attitude car il avait à cœur d’avoir un bon rendement. Comme il en était à ses premières armes comme agent de renseignements, le fonctionnaire espérait avoir un mentor. Mais on superviseur n’a rien été de la sorte.

32 Le 13 février 2007, le fonctionnaire a eu une discussion mouvementée avec son superviseur concernant un sujet d’enquête. La conversation a tourné au vinaigre. Son superviseur a fermé la porte et a dit au fonctionnaire qu’il risquait de devenir impotent. Son superviseur a nié avoir un conflit de personnalité avec lui. Selon le fonctionnaire, cette conversation a eu l’effet d’une gifle et il a eu une réaction physique de détresse face à la situation. Au terme de la réunion, il a dit à son superviseur qu’il ne se sentait pas bien et qu’il ne se présenterait pas au travail le lendemain.

33 Le fonctionnaire a consulté son médecin le lendemain et a obtenu un certificat médical d’absence pour une période d’un mois, à compter du 14 février 2007, en raison d’« anxiété situationnelle ». Le certificat médical n’a pas été contesté. Le 15 février 2007, le fonctionnaire a transmis un courriel explicatif à son superviseur qu’il a déposé en preuve. Par souci de professionnalisme, le 15 février 2007, le fonctionnaire est quand même retourné au travail pour terminer des entrevues et pour trouver un remplaçant pour certaines tâches. Il a averti son superviseur qu’il ne serait pas au travail le 2 mars 2007, date où le fonctionnaire était assigné à un centre d’opération d’urgence. Son superviseur n’a démontré aucun intérêt, sympathie ou compassion, ni offert l’aide du programme d’aide aux employés à la suite à cet incident.

34 Lors des évaluations du rendement, son superviseur n’a pas tenu compte des objectifs fixés, ni des résultats de ses enquêtes, vérifications, analyses et rapports. Son superviseur s’est attardé à certains détails sans nuancer ses commentaires relativement à l’ensemble de la performance du fonctionnaire, ni de ses initiatives en regard des cibles qu’il traitait. Le fonctionnaire a donné comme exemple son absence du bureau le 5 février 2007, notée dans l’évaluation spéciale du 7 mai 2007, alors que le fonctionnaire travaillait sur le terrain. Son superviseur a noté cet incident sans tenir compte de la version du fonctionnaire. L’absence n’avait rien d’extraordinaire puisque son superviseur lui avait insufflé la nécessité d’être sur le terrain et qu’il n’avait pas à demander de permission à toutes les fois qu’il s’absentait du bureau pour le travail. Dans la première ébauche de cette évaluation du rendement, le fonctionnaire a souligné à son superviseur qu’il avait mal noté un autre incident. Cet incident a été retiré de la version finale. Tous les commentaires positifs quant à son rendement ont aussi été retirés de la version finale. La cote du rendement n’a pas été modifiée pour tenir compte de ses accomplissements. Son superviseur a noté qu’il ne l’avait pas avisé de son absence du bureau le 14 février 2004, alors qu’il l’avait avisé verbalement, puis par écrit. Son superviseur n’a aucunement noté le bon travail par rapport aux nombreux autres dossiers qu’il traitait. Le fonctionnaire témoigne que lorsqu’il a rencontré son superviseur et deux gestionnaires au sujet de l’évaluation du rendement du 7 mai 2007, l’un d’eux lui a dit que s’il ne s’améliorait pas après une deuxième évaluation spéciale, il allait recevoir un avis écrit de confirmation de lacunes, qui serait sa dernière chance de s’améliorer.

35 Son superviseur n’a pas non plus tenu compte du lourd dossier que le fonctionnaire a traité entre juillet et septembre 2006 et qu’il a continué de traiter par la suite, ni des commentaires positifs à son endroit de la part de l’agent de renseignements avec lequel il était jumelé. Le fonctionnaire témoigne qu’il communiquait quotidiennement avec son superviseur, le mettait au courant de ce qu’il faisait, car il tenait à ce que celui-ci soit satisfait de son rendement.

36 En ce qui a trait à l’évaluation du rendement du 8 septembre 2007, elle ne lui a été remise qu’au moment de son licenciement et il n’a pas eu droit de donner sa version des faits. Les incidents qui y sont notés concernant une entrevue apparemment bâclée ne tiennent pas compte de ses explications, ce qui aurait jeté un tout autre œil concernant l’individu rencontré. Son superviseur ne lui a pas communiqué son insatisfaction, mais l’a rapporté directement à son supérieur. Son superviseur et son supérieur ont fait leur propre entrevue sans lui en parler. Le fonctionnaire explique que deux entrevues ne sont jamais identiques, surtout une deuxième menée par des agents de renseignements séniors. Le fonctionnaire conteste les faits qui y sont rapportés.

37 Le fonctionnaire explique pourquoi il n’a pas fait appel à un comité de révision concernant les éléments de ses évaluations du rendement avec lesquels il n’était pas d’accord. Alors qu’il était à l’administration centrale, il avait consulté le représentant local de l’Association des employés.  Celui-ci lui a appris qu’au sein du SCRS il valait mieux résoudre les conflits informellement et attendre de voir si la situation allait se régler avant d’agir. Le fonctionnaire a compris que de faire une demande de révision ou de déposer un grief pendant la cours de stage hypothéquerait à coup sûr la carrière d’un jeune agent de renseignements. Il a donc choisi la voie du silence et de tenter de s’améliorer. Le fonctionnaire a admis avoir vite compris, avec l’arrivée de son nouveau superviseur, qu’il avait serré la main du diable et qu’il n’y avait rien à faire pour lui plaire.

V. Contre-interrogatoire du fonctionnaire

38 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire reconnaît que la lettre d’embauche prévoit une période de stage de cinq ans qui commençait après la réussite du Programme de formation des nouveaux agents de renseignements et se terminait le 3 janvier 2008. Il admet avoir reçu copie des évaluations du rendement déposées en preuve par M. Coulombe, que les évaluations avaient un impact sur l’augmentation salariale et qu’il avait la possibilité d’y apposer ses commentaires. Le fonctionnaire ajoute que les commentaires d’un agent de renseignements ne sont pas exhaustifs mais relèvent les points les plus importants. De plus, les commentaires des agents de renseignements sont apposés après la signature de tous les gestionnaires. Dans son cas, les commentaires ont été sans conséquence puisqu’il n’a reçu aucune rétroaction les concernant.

39 Le fonctionnaire reconnaît l’importance d’obtenir des renseignements exacts et les conséquences sur le SCRS s’ils ne le sont pas. Il reconnait avoir eu à ajouter des précisions à certains de ses rapports. Son superviseur ne reconnaissait pas son expérience antérieure à l’administration centrale comme étant pertinente dans le traitement de dossiers du même genre.

40 Le fonctionnaire témoigne avoir discuté des évaluations du rendement pour les périodes du 5 septembre 2006 au 6 janvier 2007 et du 7 janvier 2007 au 5 mai 2007 avec son superviseur. Les deux discussions ont été très rapides et ne traitaient que des points chauds et de la cote d’évaluation. Son superviseur n’était pas intéressé à ce qu’il avait à dire. Le fonctionnaire a dit à son superviseur être surpris par une cote en deçà de la moyenne puisque son superviseur ne lui avait donné aucune indication de son insatisfaction à l’égard de son travail. Selon le fonctionnaire, son superviseur n’aimait pas ce genre de discussion. Le fonctionnaire a reconnu avoir obtenu une cote moyenne en dessous de la moyenne de 2,5 exigée dans la politique HUM-306-1 pour la période du 5 septembre 2006 au 2 octobre 2007.

41 Le fonctionnaire a été longuement questionné au sujet de ses évaluations du rendement dont voici les résultats :

  • Pour la période du 6 janvier 2003 au 11 avril 2003, soit pour la formation des nouveaux agents de renseignements, il a obtenu une cote moyenne de 3.
  • Pour la période du 11 avril 2003 au 6 janvier 2004, il a obtenu une cote moyenne de 3.
  • Pour la période du 6 janvier 2004 au 6 janvier 2005, il a obtenu une cote moyenne de 2,3.
  • Pour la période du 17 janvier 2005 au 5 avril 2005, il a obtenu une cote moyenne de 2,6.
  • Pour la période du 6 avril 2005 au 6 décembre 2005, il a obtenu une cote moyenne de 2,5.
  • Pour la période du 9 janvier 2006 au 24 février 2006, soit le cours d’enquêteur pour les agents de renseignements, il a atteint tous les objectifs (une moyenne de 3 selon les notes des formateurs).
  • Il n’y a pas d’évaluation pour la période du 24 février au 5 septembre 2006.
  • Pour la période du 5 septembre 2006 au 6 janvier 2007 (évaluation annuelle), il a obtenu une cote moyenne de 2,4.
  • Pour la période du 7 janvier 2007 au 7 mai 2007 (évaluation spéciale), il a obtenu une cote moyenne de 2,3.
  • Pour la période du 8 mai au 8 septembre 2007 (évaluation spéciale), il a obtenu une cote moyenne de 2,2.

42  Le 27 juin 2007, le fonctionnaire a inscrit ses propres observations contestant la version des événements du rapport d’évaluation après avoir rencontré son superviseur et deux gestionnaires le 8 juin 2007. Le fonctionnaire se défend des critiques que lui adresse son superviseur en se référant aux objectifs hebdomadaires qui ont été approuvés par son superviseur et des résultats obtenus (pièce 21), à ses nombreuses initiatives (pièce 11), à ses rapports et mises à jour de ses activités (pièce 22), ainsi qu’à ce qu’il appelle des faits saillants (pièce 22), soit les rapports d’entrevues et de rencontres qu’il a initiés ou que lui a assignés son superviseur (pièce 10). Le fonctionnaire admet qu’il avait accusé un retard dans le traitement d’informations à l’automne 2006 et qu’il avait reçu un avis de retard. Par contre, au moment de l’évaluation, et tel qu’il a été indiqué par son superviseur, le fonctionnaire venait d’entrer dans son poste et n’accomplissait pas encore toutes les tâches de la description de tâches. Son superviseur n’a tenu compte d’aucun de ses commentaires et n’a pas modifié son évaluation en conséquence.

43 Questionné au sujet d’une entrevue, le fonctionnaire témoigne que son superviseur lui a demandé d’observer une entrevue à distance. Après avoir accepté cette assignation, la conjointe du fonctionnaire (qui est aussi un agent de renseignements) lui a annoncé qu’elle serait à Montréal pour cette soirée du samedi. Le fonctionnaire s’est présenté comme observateur l’après-midi de l’entrevue. L’entrevue a duré plus longtemps que prévu. Aucun incident préoccupant ne s’est produit. Le fonctionnaire a quitté comme l’entrevue tirait à sa fin pour aller rejoindre sa conjointe. Dans son évaluation du rendement, son superviseur lui a reproché d’avoir quitté avant la fin de l’entrevue.

44 Le fonctionnaire relate qu’il a travaillé sur le terrain tel qu’il a été demandé par son superviseur, mais que celui-ci lui a ensuite reproché sa méthode de travail. Le fonctionnaire explique le pourquoi de ses actions.

45 Le fonctionnaire explique qu’il a donné rendez-vous aux bureaux du SCRS et en a avisé son superviseur dans ses objectifs de la semaine.  Dans son évaluation du rendement, son superviseur lui a reproché la tenue du rendez-vous dans les bureaux du SCRS parce cela compromettait les mesures de sécurité du SCRS.

46 Le fonctionnaire explique qu’il n’a pas omis d’avertir son superviseur qu’il ne se présenterait pas au bureau le 14 février 2007. Il l’a averti à la fin de sa rencontre avec lui le 13 février 2007, rencontre qui l’a sidéré (voir le témoignage du fonctionnaire au paragraphe 32). Son superviseur lui a ensuite reproché de ne pas lui avoir téléphoné le matin du 14 février pour l’avertir de son absence pour la journée et n’a pas tenu compte que le fonctionnaire avait un certificat médical pour expliquer son absence et qu’il lui avait envoyé un courriel explicatif le 15 février 2007.

47 Le fonctionnaire témoigne qu’il a pris une initiative que son superviseur lui a reproché par la suite parce cette initiative risquait de compromettre la sécurité des systèmes informatiques du SCRS. Son superviseur en a informé directement ses supérieurs sans lui en parler. Le fonctionnaire n’anticipait pas une réaction aussi négative concernant un mode de communication devenu banal. Le fonctionnaire a vu cet incident comme un malentendu générationnel. Le fonctionnaire témoigne qu’il a été déçu que les remarques de ses supérieurs dans son évaluation du rendement ne tiennent pas compte de sa version des faits.

48 Le fonctionnaire explique qu’il n’a pas compris l’écart de conduite qui lui a été reproché parce qu’il était allé travailler sur le terrain un vendredi après-midi sans en avertir son superviseur. Il n’avait pas à avertir son superviseur à chaque fois qu’il quittait le bureau par affaires.

49 Le fonctionnaire témoigne avoir tenté d’avoir des discussions plus approfondies avec son superviseur après sa première évaluation du rendement avec lui (période du 5 septembre 2006 au 7 janvier 2007) en le tenant au courant de toutes ses activités. Il tenait à ce que son superviseur lui donne de la rétroaction afin de s’assurer qu’il soit satisfait en tout temps de son travail, plutôt que de voir les résultats uniquement dans son évaluation du rendement. Mais son superviseur n’avait jamais le temps de lui parler; il lui accordait au plus une dizaine de minutes et évitait le sujet en parlant d’autre chose.

50 Le fonctionnaire reconnait que dans certains courriels son superviseur lui a donné des instructions et des conseils d’enquête mais, dit-il, sans autre rétroaction. Son superviseur lui assignait des tâches sans s’intéresser à lui, de là l’opinion du fonctionnaire voulant que la supervision était inadéquate.

VI. Contre-preuve de l’employeur

51 J’ai demandé à l’employeur s’il avait l’intention de présenter une contre-preuve au témoignage du fonctionnaire. L’audience a été suspendue pour une période de 2 h 30 afin de permettre à l’employeur d’en décider. Selon l’employeur, les témoins étaient disponibles sur les lieux, le cas échéant. L’employeur a décliné de présenter une contre-preuve.

VII. Réplique du fonctionnaire à son contre-interrogatoire

52 Le fonctionnaire témoigne que sa période de stage était de cinq ans, une situation tout à fait exceptionnelle dans la fonction publique fédérale. Pour obtenir l’emploi qu’il privilégiait, il n’était pas en mesure de contester cette condition d’emploi. Les nombreux courriels échangés avec son superviseur entre le 5 septembre 2006 et la date de son licenciement reflètent l’envergure de son travail comme agent de renseignements. Les incidents reflétés dans les évaluations du rendement ne tiennent pas compte de l’ensemble de son rendement. Le fonctionnaire souligne que depuis le 18 juillet 2007, tout désaccord avec une cote du rendement inférieure à la moyenne générale de 2,5 doit se contester au moyen d’un grief et non devant un comité de révision. Il a été licencié avant de pouvoir déposer un grief concernant la dernière évaluation du rendement.

53 Le fonctionnaire affirme qu’il a relevé dans ses commentaires les points de son évaluation du rendement avec lesquels il n’était pas d’accord. Le fonctionnaire souligne que dans les remarques de l’évaluation du rendement pour la période du 7 janvier au 7 mai 2007,  le supérieur de son superviseur indique que s’il ne satisfaisait pas aux normes, et ce, après avoir fait l’objet de deux évaluations du rendement spéciales, qu’un avis écrit de confirmation de lacunes lui serait remis. Le fonctionnaire a témoigné qu’il n’a jamais reçu un avis de confirmation de lacunes. Au contraire, son superviseur a préparé une évaluation spéciale pour la période du 8 mai au 8 septembre 2007 qui lui a été communiquée en même temps que la lettre de licenciement, sans autre avis. Le fonctionnaire soutient qu’il n’a eu aucune discussion constructive au sujet de son rendement avec son superviseur avant son licenciement. Selon le fonctionnaire, son superviseur a manqué à ses devoirs de superviseur en regard de la politique HUM-306 Programme d’évaluation du rendement, version du 18 juillet 2007 au paragraphe 2,5.

54 Le fonctionnaire reconnait avoir fait des erreurs pendant son apprentissage comme agent de renseignements, mais s’objecte à ce que ceux-ci soient les seuls sujets des évaluations du rendement faites par son superviseur. Les évaluations du rendement de son superviseur sont sévères et incomplètes et les conséquences sont démesurées par rapport aux incidents reprochés; ils ne tiennent pas compte de ses améliorations à la suite des incidents reprochés, de ses succès, de la quantité et de la qualité de l’ensemble de son travail. Le fonctionnaire dit s’être amendé dès que son superviseur lui a souligné qu’il avait tardé à remettre ses rapports. L’employeur n’a pas fait la preuve d’une « production de travail déficiente » soulevé dans un courriel du superviseur du fonctionnaire le 21 novembre 2006. Le fonctionnaire dit s’être conformé aux valeurs du SCRS et à l’excellence exigée du travail d’un agent de renseignements et avoir donné le meilleur de lui-même. Le fonctionnaire rappelle les points saillants de son témoignage principal.

VIII. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

55 L’employeur rappelle son objection quant à la compétence d’un arbitre de grief de traiter d’un grief portant sur un licenciement en cours de stage. La décision de l’employeur de licencier le fonctionnaire en cours de stage est pour un motif lié à l’emploi et la preuve établi que le fonctionnaire ne possédait pas tous les éléments nécessaires pour être un agent de renseignements. Selon les dispositions de la LRTFP, la compétence d’un arbitre de grief se limite à décider d’un grief qui porte sur une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

56 En matière de licenciement en cours de stage, les principes ne sont pas les mêmes que pour un licenciement disciplinaire. L’objet de la période de stage est d’évaluer la conduite et le rendement du fonctionnaire afin de savoir s’il satisfait aux exigences de l’emploi. L’employeur peut mettre fin à l’emploi en autant qu’il ait un motif minimal lié à l’emploi, sans avoir à faire une preuve prima facie. Il incombe au fonctionnaire de présenter une preuve prépondérante que le renvoi est une supercherie, un camouflage et que l’employeur a agi de mauvaise foi; il ne s’agit pas simplement de prouver qu’une autre décision aurait pu être prise. Or, la bonne foi se présume et la mauvaise foi doit être prouvée. Même si l’employeur commet une erreur en décidant de mettre fin à la cours de stage, le licenciement ne peut être contesté que si le motif est lié à l’emploi.

57 Selon l’employeur, sa seule obligation par rapport à la procédure d’arbitrage est d’établir la période de stage et de produire la lettre de licenciement. L’insatisfaction de bonne foi de la capacité du fonctionnaire à faire la tâche est suffisante. En l’espèce, l’employeur a déposé en preuve l’offre d’emploi et la signature du fonctionnaire comme quoi il acceptait toutes les conditions, y compris la période de stage de cinq ans. La lettre de licenciement fait état des motifs liés à l’emploi, soit que le fonctionnaire ne possédait pas les aptitudes nécessaires.

58 Le 2 octobre 2007, le fonctionnaire a été licencié pendant sa période de stage qui prenait fin le 3 janvier 2008. M. Coulombe a témoigné avoir pris la décision de licencier le fonctionnaire. Il a revu toutes les évaluations du rendement depuis l’entrée en fonction du fonctionnaire. Les mêmes lacunes revenaient d’une évaluation à l’autre : manque de jugement et manque de rigueur, et ce, après plus de quatre ans.

59 Le SCRS a comme mandat de recueillir des renseignements en vue de prendre des décisions qui ont des conséquences importantes sur la sécurité nationale. La qualité et l’exactitude des renseignements et de l’analyse des agents de renseignements est d’une très grande importance. Les observations notées dans les évaluations du rendement du fonctionnaire témoignent de lacunes et d’erreurs de jugement. Par exemple, la dernière évaluation du rendement du fonctionnaire témoigne d’erreurs dans un rapport d’entrevue qui ont été constatées par son superviseur et son supérieur dans une entrevue subséquente. Bien qu’aucune autre erreur n’ait été détectée dans les rapports précédents du fonctionnaire, il est difficile de faire une vérification après coup.

60 Toutes les évaluations du rendement témoignent de lacunes fondamentales chez un agent de renseignements. M. Coulombe a témoigné avoir passé chacune des évaluations en revue ainsi que les commentaires de plus d’un superviseur. Le fonctionnaire aurait dû faire appel à un comité de révision s’il n’était pas d’accord avec le résultat de chacune des évaluations. Compte tenu de la gravité des lacunes, l’employeur n’était pas obligé de donner un avis écrit de confirmation de lacunes, M. Coulombe a plutôt mis fin à la période de stage en raison d’un manque d’amélioration.

61 Selon la jurisprudence, la période de stage constitue en elle-même une mise en garde au fonctionnaire que l’employeur s’attend à une qualité du rendement. En l’espèce, l’employeur s’est déchargé de son fardeau de démontrer que la décision de mettre fin à la cours de stage était liée à l’emploi en raison du manque d’aptitudes du fonctionnaire.

62 L’employeur souligne qu’aucun des témoins du fonctionnaire n’était en mesure d’apprécier le rendement du fonctionnaire. Le représentant régional n’a rencontré le fonctionnaire qu’au moment de son licenciement. Le témoin A n’est pas un agent de renseignements et n’a pu que décrire le caractère du superviseur du fonctionnaire. Elle a admis que ses évaluations du rendement faites par ce superviseur étaient justes. Le témoin B n’est pas un agent de renseignements et bien qu’elle n’aimait pas travailler avec le superviseur du fonctionnaire, elle n’a rapporté aucun incident qui démontrait autre chose que le fait qu’il était une personne franche.

63 L’employeur soutient qu’il revient au fonctionnaire de démontrer la mauvaise foi de l’employeur et qu’il ne peut pas dire au moment de l’audience devant l’arbitre de grief qu’il ne se souvient plus avec certitude de certains incidents ou qu’il est en désaccord avec les faits notés dans les évaluations du rendement et la cote donnée. Même lorsqu’il a eu une cote supérieure à la moyenne, les évaluations du rendement relevaient toujours certains points à améliorer. L’employeur donne des exemples tirés du contre-interrogatoire du fonctionnaire et soutient que le témoignage du fonctionnaire a été contradictoire et difficile à suivre. Somme toute, le fonctionnaire se défend sur une question d’interprétation des faits. Tous ces exemples démontrent que le fonctionnaire faisait constamment preuve d’un manque de jugement qui n’est pas attribuable au style de gestion du superviseur du fonctionnaire et qui va bien au-delà de la preuve minimale nécessaire pour démontrer que le fonctionnaire ne possédait pas les aptitudes essentielles. L’employeur plaide que je ne dois pas substituer ma décision à celle de l’employeur.

64 En conclusion, l’employeur souligne que le témoignage de M. Coulombe, appuyé des pièces déposées en preuve, ainsi que le contre-interrogatoire difficile du fonctionnaire, démontrent que ce dernier a été licencié pour un motif lié à l’emploi et qu’il n’a pas réussi à établir qu’il s’agissait de supercherie, d’un camouflage ou que l’employeur a agi de mauvaise foi. L’employeur soutient donc que je n’ai aucune compétence pour décider du grief et me demande de le rejeter.

B. Pour le fonctionnaire

65 Le fonctionnaire plaide qu’il est primordial que je me penche sur la situation qui a mené à son licenciement. Le fonctionnaire soutient qu’il s’est acquitté de son fardeau de preuve en démontrant que l’employeur avait bafoué ses propres politiques en matière d’évaluation du rendement et d’appui à ses employés. Le fonctionnaire plaide que l’employeur a mis fin de façon précipitée et abusive à son emploi trois mois avant la fin d’une période de stage de cinq ans.

66 Le fonctionnaire soutient que la preuve appuie son allégation qu’il y avait un conflit de personnalité entre lui et son superviseur, ce qui est démontré par la teneur de plus en plus négative des évaluations du rendement effectuées entre le 7 janvier et le 8 septembre 2007. M. Coulombe s’est fié aveuglément aux dires du superviseur du fonctionnaire, sans lui donner l’occasion de s’expliquer et sans l’émission d’un avis écrit de confirmation de lacunes, tel que l’employeur s’était engagé à le faire le 7 mai 2007.  Son superviseur n’a pas fait preuve d’écoute et de transparence alors que le fonctionnaire cherchait à améliorer sa performance.

67 Le fonctionnaire souligne qu’à plusieurs reprises lors de son contre-interrogatoire, il a répondu qu’il avait besoin des rapports opérationnels sur la situation donnée afin de pouvoir répondre adéquatement aux questions qui lui étaient posées. L’employeur n’a pas produit ces rapports.

68 Le fonctionnaire se défend de ne pas avoir demandé une révision de son évaluation du rendement par un comité de révision ou de présenter un grief, en soulignant les conseils reçus du représentant de l’Association des employés à ce sujet. Le fonctionnaire souligne que son superviseur a visiblement omis de suivre la politique de l’employeur voulant que les superviseurs aient des discussions régulières avec leur employé pendant toute la période d’évaluation (paragraphe 5.1.1 de la politique HUM-306 Programme d’évaluation du rendement, version du 24 mars 2001 et paragraphe 2.1 de la version du 18 juillet 2007). Le fonctionnaire rappelle qu’il a fait part de ses désaccords relativement à chacune des évaluations du rendement. Toutefois, ses commentaires étaient apposés après que tous les rangs de supervision aient apposé leur signature. Comme il n’y a eu aucune rétroaction, le fonctionnaire a conclu que la direction ne prenait pas ses commentaires au sérieux.

69 Avant de prendre une décision aussi drastique que de le licencier, le fonctionnaire soutient que l’employeur aurait dû considérer d’autres options, comme il l’a fait dans le passé, soit le muter dans une autre unité, l’affecter à d’autres tâches ou lui communiquer ses lacunes par écrit tel qu’il s’était engagé. Le fonctionnaire reproche à l’employeur son manque de transparence en omettant d’informer à l’avance le représentant régional, comme il avait l’habitude de le faire dans les cas de licenciements ou de sanctions disciplinaires.

70 Le fonctionnaire souligne que son superviseur ne lui a pas communiqué directement qu’il était insatisfait de son travail; par exemple, en réponse à sa liste hebdomadaire de ses objectifs pour la semaine à venir, son superviseur lui envoyait un courriel disant « OK » et « good » ou encore il lui disait « ça va bien Marc ». Le fonctionnaire n’a compris l’insatisfaction de son superviseur qu’au moment de  ses rencontres avec lui aux fins de ses évaluations. À la troisième évaluation, il était trop tard. Le fonctionnaire donne l’exemple suivant du manque de transparence, voire de la mauvaise foi, de son superviseur concernant ses évaluations. Après une discussion avec le fonctionnaire, l’évaluation du rendement du 7 janvier au 7 mai 2007 a été modifiée par son superviseur en enlevant les commentaires positifs, en reformulant un incident qu’il avait mal compris, sans toutefois changer les cotes correspondantes pour lui donner une moyenne de passage. Le fonctionnaire ne s’est aperçu de cette version modifiée que lorsqu’il a rencontré son superviseur et deux gestionnaires, quelques jours plus tard.

71 Le fonctionnaire donne l’exemple suivant du manque de communication de son superviseur à son égard. Dans l’évaluation du 8 mai au 9 septembre 2007, son superviseur rapporte qu’à la suite d’un rapport d’entrevue préparé par le fonctionnaire qui lui a été remis le 28 août 2007 pour approbation, il a remarqué un fait inhabituel. Dans les jours suivants, le fonctionnaire a demandé pourquoi son rapport n’était pas approuvé. Son superviseur a été évasif. Le fonctionnaire a appris à la lecture de son évaluation du rendement le jour de son licenciement que son superviseur et son supérieur avaient mené une deuxième entrevue et que les faits étaient différents. Son superviseur n’en a pas discuté avec lui et ce dernier n’a pas pu s’expliquer. Toutefois, cet incident semble être l’événement culminant qui a mené à son licenciement.

72 Le fonctionnaire souligne qu’il n’a pas été le seul à connaître des difficultés avec son superviseur. Les témoins A et B ont fait état du caractère ingrat de son superviseur et qu’il était taciturne. Le fonctionnaire plaide que les relations interpersonnelles difficiles avec son superviseur ont eu un fort impact sur l’évaluation de son travail. Le fonctionnaire soutient que dès les premiers jours, son superviseur l’a pris en grippe parce qu’il n’avait pas d’objectifs au dossier. Son superviseur l’a ensuite distingué des autres agents de renseignements en lui demandant de produire des rapports d’objectifs hebdomadaires et des résultats.

73 Le fonctionnaire donne trois exemples du caractère difficile de son superviseur et de son manque à communiquer. Pour lui parler, il fallait que le fonctionnaire le poursuive dans le corridor jusqu’au lieu de son prochain rendez-vous ou jusqu’aux toilettes. Lors de la rencontre du 13 février 2007, son superviseur l’a traité ignoblement. Lorsque le fonctionnaire a présenté un certificat médical justifiant son absence du 14 février 2007, son superviseur lui a dit qu’il ne l’avait pas avisé et a rapporté cet incident dans son évaluation du rendement. Le fonctionnaire estime qu’il a pris  au sérieux sa responsabilité de s’améliorer et que son superviseur a manqué à sa responsabilité de superviseur en ne lui donnant pas la rétroaction demandée. Le fonctionnaire dit mal s’expliquer comment il a si bien pu réussir son cours d’enquêteur et avoir de si mauvais résultats avec son superviseur, en dépit de tout l’effort qu’il y a mis.

74 Comme dernier exemple du mépris de son superviseur, le fonctionnaire a dit que la veille de son licenciement, il avait discuté avec lui de la prise des heures supplémentaires accumulées en congés compensatoires. Son superviseur lui a accordé le temps tout en sachant que ces congés seraient révoqués le lendemain à la suite du  licenciement.

75 Le fonctionnaire  conclu que les exemples qu’il a donnés témoignent du fait que son licenciement est une supercherie, un camouflage et que l’employeur a agi de mauvaise foi. Le fonctionnaire soutient que la perte de son emploi lui a causé un stress extrême et qu’il a été près de 16 mois sans retrouver un emploi convenable, sauf quelques semaines à contrat. Sa vie personnelle, sa santé et sa situation financière ont été grandement affectées. Il demande, dans la mesure où il serait réintégré, que je tienne compte de tous les préjudices qui lui ont été causés par la perte de son emploi. Il demande que son grief soit accueilli.

C. Réponse de l’employeur

76 L’employeur répond qu’il n’avait aucune obligation de donner un avis écrit de confirmation de lacunes au fonctionnaire. La politique HUM-301 prévoit au paragraphe 3.6 que l’employeur « peut » donner un tel avis. Bien qu’il puisse être traumatisant pour un employé de perdre son emploi, l’employeur a la prérogative de choisir les employés qu’il veut.

77 De toute évidence, il y avait de l’animosité entre le fonctionnaire et son superviseur.  Le fonctionnaire a admis en contre-interrogatoire qu’il avait eu certaines interactions avec lui, plus précisément par l’entremise des objectifs hebdomadaires et des résultats découlant de ces objectifs. L’employeur ne voit pas comment la modification d’une évaluation après avoir rencontré l’employé peut être perçue comme étant de la mauvaise foi plutôt que de l’écoute. L’employeur défend la décision du superviseur du fonctionnaire et de son supérieur d’avoir fait une seconde entrevue. Il s’agissait d’une mesure pour contrôler la gravité et le potentiel d’erreur causé par le fonctionnaire. Le superviseur du fonctionnaire n’a pas témoigné, et par conséquent, ce que dit le fonctionnaire est de la spéculation de sa mauvaise foi.

78 L’employeur ajoute que les incidents relevés dans les évaluations du rendement démontrent le peu d’amélioration du fonctionnaire tout au long de sa période de stage. M. Coulombe aurait sûrement rencontré le fonctionnaire avant de le licencier si celui-ci lui avait demandé. L’employeur nie que le fonctionnaire a été ciblé dans le but de lui faire perdre son emploi, car ceci implique une collusion entre le superviseur du fonctionnaire et deux autres gestionnaires. Aucune preuve n’appuie un tel complot.

79 L’employeur soutient que le fonctionnaire a été amplement avisé de ses lacunes par l’entremise de ses évaluations du rendement et qu’on lui a offert de la formation pour améliorer ses aptitudes en gestion du temps. Le fonctionnaire n’a demandé rien d’autre. La décision de le licencier a été prise en fonction de ses évaluations depuis son entrée en service. Les manquements du superviseur du fonctionnaire ne changent pas les éléments qui ont servi à M. Coulombe pour décider du licenciement. L’employeur soutient que le témoignage du fonctionnaire n’a pas contredit le contenu des évaluations du rendement, sauf peut-être lorsqu’il a travaillé à l’extérieur du bureau un vendredi après-midi.

80 Le fonctionnaire n’avait pas à être surpris de son licenciement car il avait déjà eu une évaluation spéciale et on lui avait sommé de s’améliorer. Une surprise ne constitue pas de la mauvaise foi de la part de l’employeur. Une relation tendue entre le fonctionnaire et son superviseur ne peut pas servir à compenser un manque de jugement, de la difficulté à rencontrer les délais ou le fait de rapporter de l’information inexacte. Le SCRS ne peut se permettre d’avoir dans ses rangs un agent de renseignements avec des lacunes. L’employeur s’est déchargé de son fardeau de démontrer que le licenciement s’est produit pendant la cours de stage pour des motifs liés à l’emploi et que je n’ai pas compétence pour décider du grief.

IX. Motifs

81 Le grief et la preuve entendue lors de l’audience soulèvent deux questions :

A – L’employeur a-t-il appliqué ses politiques et procédures concernant le licenciement du fonctionnaire en cours de stage?

B - L’employeur a-t-il fait la preuve d’un motif lié à l’emploi?

A. L’employeur a-t-il appliqué ses politiques et procédures concernant le licenciement du fonctionnaire en cours de stage?

82 Aux fins de l’Annexe V de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, le SCRS est un employeur distinct et son directeur a le pouvoir exclusif de déterminer les conditions d’emploi des employés du SCRS. La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité contient les dispositions suivantes à cet égard :

8. (1) Par dérogation à la Loi sur la gestion des finances publiques et à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, le directeur a le pouvoir exclusif de nommer les employés et, en matière de gestion des ressources humaines du Service, à l’exception des personnes affectées au Service ou détachées auprès de lui à titre d’employé :

a) de déterminer leurs conditions d’emploi;

b) sous réserve des règlements :

(i) d’exercer les attributions conférées au Conseil du Trésor en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques en cette matière,

(ii) d’exercer les attributions conférées à la Commission de la fonction publique sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.

Conduite des employés et griefs

(2) Par dérogation à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique mais sous réserve du paragraphe (3) et des règlements, le directeur peut établir des règles de procédure concernant la conduite et la discipline des employés, à l’exception des personnes affectées au Service ou détachées auprès de lui à titre d’employé, la présentation par les employés de leurs griefs, l’étude de ces griefs et leur renvoi à l’arbitrage.

Arbitrage

(3) Les griefs renvoyés à l’arbitrage ne peuvent être entendus et tranchés que par un membre à temps plein de la Commission des relations de travail dans la fonction publique constituée par l’article 12 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Règlements

(4) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements :

a) pour régir l’exercice par le directeur des pouvoirs et fonctions que lui confère le paragraphe (1);

b) sur la conduite et la discipline des employés visés au paragraphe (2), la présentation de griefs par ceux-ci, l’étude de ces griefs et leur renvoi à l’arbitrage.

83 En l’absence d’un règlement, tel qu’il est prévu au paragraphe 8(4) de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS a établi des politiques sur les ressources humaines. Le Programme d’évaluation du rendement (HUM-306) et la politique de recrutement (HUM-407) font référence à l’autorité déléguée en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. La politique de recrutement a été invoquée dans la lettre de licenciement au soutien de la décision de l’employeur de licencier le fonctionnaire en cours de stage parce qu’il ne rencontrait pas les exigences du poste. À l’audience, l’employeur a fondé sa décision que le fonctionnaire ne rencontrait pas les exigences du poste en invoquant le Programme d’évaluation du rendement et les procédures concernant l’évaluation du rendement. Il y a donc lieu de revoir ces dispositions.

84 La période de stage de cinq ans applicable à un agent de renseignements se trouve dans la politique HUM-407 ayant trait au recrutement. La version en vigueur au moment de l’embauche du fonctionnaire était en date du 30 juin 2003; elle a été modifiée le 10 décembre 2003 et le 17 janvier 2006. Toutefois, les dispositions en ce qui a trait à la période du stage d’un agent de renseignements et son renvoi sont identiques dans les trois versions et se lisent comme suit :

[…]

7.       STAGE PROBATOIRE

7.1     Tous les employés sont soumis à un stage probatoire. La durée de ce stage varie selon les groupes d’employés :

-         Les agents de renseignements, qui participent au Programme d’avancement professionnel des agents de renseignements (PAPAR), sont soumis à un stage probatoire de cinq ans.

[…]

7.3     Tout employé est soumis à un stage probatoire pendant lequel l’employé peut être jugé inapte à remplir les fonctions du poste (rendement insuffisant, mauvaise qualité de travail ou mauvaise attitude). Durant cette période le directeur général ou le chef autonome peut décider de renvoyer l’employé si des efforts pour aider celui-ci à s’améliorer ont été vains.

[…]

85 La période de stage de cinq ans est stipulée dans la lettre d’embauche du fonctionnaire du 10 décembre 2002 comme suit :

[…]

2.       AVANCEMENT PROFESSIONNEL DES AGENTS DE RENSEIGNEMENTS (APAR)

2.1  Le Programme d’APAR s’étend sur une période de cinq ans. Vous devrez réussir le Programme de formation des nouveaux agents de renseignements (PFNAR) (quatorze semaines) avant d’assumer vos fonctions d’agent de renseignements stagiaire. Après avoir passé environ trois ans à l’Administration centrale, vous devrez suivre et réussir le cours d’enquêteur (cinq semaines) en vue de votre mutation dans un bureau régional.

2.2     STAGE PROBATOIRE

En qualité d’agent de renseignements, vous serez en probation pendant toute la durée du Programme d’APAR, qui commence après la réussite du Programme de formation des nouveaux agents de renseignements. Les congés prolongés de plus de 30 jours ne sont pas inclus dans la cours de stage.

[…]

[Les passages en caractères gras le sont dans l’original]

86 Le Programme d’évaluation du rendement (HUM- 306 Politiques et procédures sur les Ressources humaines – Programme d’évaluation du rendement) a aussi été modifié pendant les années de service du fonctionnaire. Voici, sous forme de tableau comparatif, les dispositions pertinentes des deux versions :

HUM-306 – Programme d’évaluation du rendement

Entrée en vigueur, le 24 mars 2001

HUM-306 – Programme d’évaluation du rendement

Entrée en vigueur, le 18 juillet 2007

1.       INTRODUCTION

          Objectif de la politique

1.1 L’évaluation du rendement est le moyen utilisé pour évaluer le rendement des employés en fonction des objectifs fixés dans les plans de travail établis pour la période d’évaluation visée. Le processus d’évaluation du rendement décrit dans la présente politique favorise une communication efficace et régulière entre les superviseurs et les employés sur le rendement au travail.

[…]

1.       INTRODUCTION

          Objectif de la politique

1.1 L’évaluation du rendement est le moyen utilisé pour évaluer le rendement des employés en fonction des objectifs fixés dans les plans de travail établis pour la période d’évaluation visée. Le processus d’évaluation du rendement décrit dans la présente politique favorise une communication efficace et régulière entre les superviseurs et les employés sur le rendement au travail.

[…]

2.       RESPONSABILITÉS

          Superviseur

2.1  Les superviseurs doivent rencontrer les employés qui relèvent d’eux avant le début d’une nouvelle période d’évaluation afin d’établir avec eux un plan de travail qui tienne compte des objectifs et des niveaux du rendement attendus. Ils doivent aussi discuter régulièrement du rendement avec leurs employés pendant la période d’évaluation.

[…]

5.       ÉVALUATION DU RENDEMENT

          Rapports d’évaluation

[…]

5.1.1   Les superviseurs peuvent prendre des notes pour pouvoir plus facilement rédiger les évaluations du rendement annuelles. Ils n’ont pas à faire signer ces notes par les employés, mais ils doivent discuter régulièrement avec eux de leur rendement afin de s’assurer qu’ils sont au courant de leur progrès. Ces notes devraient être attachées au rapport d’évaluation ou détruites après discussion du rapport avec l’employé.

[…]

 2.      RESPONSABILITÉS

          Superviseur

2.1     Les superviseurs rencontrent les employés qui relèvent d’eux avant le début d’une nouvelle période d’évaluation afin d’établir avec eux un plan de travail  clair et compréhensible qui tient compte des objectifs et des niveaux du rendement attendus. Ils définissent et revoient aussi les besoins en formation des employés et discutent régulièrement de leur rendement avec eux pendant la période d’évaluation.

2.2     Les superviseurs donnent les conseils nécessaires à leurs employés, les encadrent et voient à leur formation afin de les aider à atteindre leurs objectifs de travail. Ils doivent aussi évaluer le rendement de chacun de leurs employés.

[…]

2.3     Les superviseurs favorisent la résolution informelle des problèmes du rendement ou des désaccords à leur sujet.

2.4     Les superviseurs peuvent prendre des notes au cours de la période d’évaluation afin de pouvoir plus facilement rédiger les évaluations du rendement annuelles et appuyer au besoin les cotes qu’ils attribuent. Ils n’ont pas à faire signer ces notes par les employés, mais ils doivent discuter régulièrement avec eux de leur rendement afin de s’assurer qu’ils sont au courant de leur progrès. Ces notes sont attachées au rapport d’évaluation ou détruites après discussion du rapport avec l’employé. Lorsque la moyenne générale d’un employé est inférieure à 2,5, les notes sont conservées pendant au moins un an après la rédaction du RER.

[…]

 Employé

2.3     Les employés doivent établir leurs niveaux du rendement avec leur superviseur, en se fondant sur des objectifs convenus, et discuter du rendement avec leur superviseur pendant la période d’évaluation.

[…]

Employé

2.7     Les employés établissent leurs niveaux du rendement avec leur superviseur, en se fondant sur des objectifs convenus, et discutent du rendement avec leur superviseur pendant la période d’évaluation.

[…]

Période probatoire

3.3     Tous les employés sont assujettis à une période probatoire tel que prescrit dans HUM-407, « Recrutement ».

          Calendrier des rapports sur la période probatoire

3.4     Les superviseurs doivent évaluer le rendement de tous les employés en période probatoire […]. Les agents de renseignements, y compris ceux qui participent à l’APAR, sont évalués une fois par an.

[…]

Calendrier des évaluations annuelles – Employés en probation

3.4     Les rapports d’évaluation du rendement sont présentés comme suit :

[…]

-         dans le cas des agents de renseignements qui participent au programme d’avancement professionnel des agents de renseignements (PAPAR), à la date anniversaire du début du programme de formation des nouveaux employés.

[…]

Rapports spéciaux

3.5     Des rapports spéciaux doivent être rédigés dans les cas suivants :

1.       lorsque le rendement d’un employé a changé de façon remarquable;

2.       lorsqu’un employé pourrait être renvoyé ou rétrogradé pour rendement inadéquat;

3.       lorsque l’augmentation annuelle d’un employé pourrait être refusée pour rendement inadéquat;

[…]

5. Rapports spéciaux

5.1     Des rapports spéciaux sont rédigés dans les cas suivants :

1.       lorsque le rendement d’un employé a changé de façon remarquable;

2.       lorsqu’un employé pourrait être renvoyé ou rétrogradé pour rendement inadéquat;

3.       lorsque l’augmentation annuelle d’un employé pourrait être refusée pour rendement inadéquat;

5.2     Le rendement d’un employé peut être évalué n’importe quand dans l’année en cas de circonstances particulières.

[…]

Avis de confirmation de lacunes

3.6     Un avis écrit de confirmation de lacunes peut être remis à l’employé dont le rendement n’est pas conforme aux objectifs et aux niveaux du rendement établis et qui ne s’est pas amélioré après avoir déjà fait l’objet d’au moins un rapport spécial. Voir HUM-306-1, « Procédures concernant l’évaluation du rendement », l’article 3 intitulé « Avis écrit de confirmation de lacunes ».

[…]

Avis de confirmation de lacunes

4.1.4   Un avis écrit de confirmation de lacunes peut être remis à l’employé dont le rendement n’est pas conforme aux objectifs et aux niveaux du rendement établis et qui ne s’est pas amélioré après avoir déjà fait l’objet d’au moins un rapport spécial. Pour de plus amples renseignements, voir HUM-306-1, « Procédures concernant l’évaluation du rendement », l’article 5 intitulé « Avis écrit de confirmation de lacunes ».

[…]

Comité de révision

3.7     Seuls les employés dont la moyenne générale est inférieure à 2,5 peuvent faire appel à un comité de révision. Voir dans HUM-306-1, « Procédures concernant l’évaluation du rendement », l’article 4 intitulé « Comité de révision ».

3.7.1   Les employés qui estiment que leur évaluation contient un fait erroné peuvent faire appel à un comité de révision.

3.7.2   Les employés qui souhaitent faire appel à un comité de révision doivent justifier suffisamment leur demande.

3.7.3   Il incombe au sous-directeur ou au directeur adjoint compétent de décider si l’évaluation contient un fait erroné. Cette décision est sans appel.

[…]

Désaccord avec une cote du rendement inférieure à la moyenne générale de 2,5

4.2     Seuls les employés qui reçoivent une cote du rendement inférieure à la moyenne générale de 2,5 et qui sont insatisfaits de l’évaluation qui a été faite de leur rendement peuvent contester leur évaluation en présentant un grief […]. Auparavant, les employés sont encouragés à rencontrer les représentants de la Sous-section des Évaluations du rendement, GC pour discuter de leurs préoccupations dans le cadre d’un dialogue informel avec leurs superviseurs et tenter d’y trouver une réponse.

[…]

Normes du rendement

5.2     La norme du rendement exigée de tous les employés du Service est une cote « moyenne générale » minimale (moyenne des sections B1 et B2 du rapport d’évaluation du rendement) de 2,5.

5.2.1   Toutes les cotes doivent être accompagnées de commentaires et d’exemples. Celles qui sont inférieures ou supérieures à 3,0 doivent être accompagnées d’un justificatif détaillé.

5.2.2   Toute cote inférieure à la                « moyenne générale » de 2,5 ne satisfait pas aux normes établies du Service et pourrait donner lieu à un renvoi du Service en raison d’un rendement insatisfaisant.

Rendement des employés

5.3     Au début de chacune des périodes d’évaluation, les superviseurs doivent fixer, en accord avec les employés, les objectifs et les niveaux du rendement et des objectifs fixés.

5.4     Le rendement des employés doit être évalué en tenant compte de ce qui suit :

A)      une ÉVALUATION DES RÉALISATIONS, comme des objectifs et des résultats (voir la section A du rapport d’évaluation du rendement);

B)       Les CARACTÉRISTIQUES DE L’EMPLOYÉ selon les qualités fondamentales (voir la section B1 du rapport d’évaluation du rendement); et les QUALITÉS LIÉES AU POSTE/À L’ORGANISATION (voir la section B2 du rapport d’évaluation du rendement).

          Évaluation des réalisations

5.4.1   Le rendement d’un employé doit être évalué par rapport aux objectifs établis (voir la section A2 du rapport d’évaluation du rendement) et en se servant des cotes ci-dessous en chiffres ronds :

1.       l’employé n’a absolument pas atteint les objectifs établis;

2.       l’employé devra faire des progrès avant de pouvoir atteindre les objectifs établis;

3.       l’employé a atteint tous les objectifs établis;

4.       l’employé dépasse de façon continue les objectifs établis

          Évaluation des caractéristiques

5.4.2   Les CARACTÉRISTIQUES DE L’EMPLOYÉ selon les qualités fondamentales (voir la section B1 du rapport d’évaluation du rendement) et les QUALITÉS LIÉES AU POSTE/À L’ORGANISATION (voir la section B2 du rapport d’évaluation du rendement) doivent être évaluées en se servant des cotes ci-dessous en chiffres ronds :

1.       l’employé ne répond absolument pas aux exigences de cette caractéristique/qualité compte tenu des attendes de l’organisation et des exigences du poste;

2.       l’employé devra faire des progrès avant de pouvoir répondre aux exigences de cette caractéristique/qualité compte tenu des attentes de l’organisation et des exigences du poste;

3.       l’employé répond pleinement aux exigences de cette caractéristique/qualité conformément aux attentes de l’organisation et aux exigences du poste;

4.       l’employé dépasse de façon continue les exigences de cette caractéristique/qualité de même que les attentes de l’organisation et les exigences du poste.

[…]

Moyenne inférieure à 2,5

4.1.1   Une cote inférieure de 2,5 ne satisfait pas aux normes établies du Service et pourrait donner lieu à un renvoi du Service en raison d’un rendement insatisfaisant.

Consultation avec la Sous-section des Évaluations du rendement, Gestion de carrière

4.1.2  Avant de remettre à un employé une évaluation dont la moyenne générale est inférieure à 2,5, les superviseurs consultent la Sous-section des Évaluations du rendement, Gestion de carrière (GC) ou lui demandent conseil.

[…]

N/A

[Les passages en caractères gras le sont dans l’original]

87 La procédure concernant l’avis écrit de confirmation de lacunes mentionnée dans le Programme d’évaluation du rendement est stipulée dans la politique HUM-306-1 - Procédures concernant l’évaluation du rendement. Tout comme la procédure relative à l’évaluation du rendement, cette politique a été modifiée pendant la période où le fonctionnaire a été au service du SCRS. Voici, sous forme de tableau, la comparaison entre les deux versions :

HUM-306-1 – Procédures concernant l’évaluation du rendement

Entrée en vigueur, le 24 mars 2001

HUM-306-1 – Procédures concernant l’évaluation du rendement

Entrée en vigueur, le 18 juillet 2007

[…]

3.       AVIS ÉCRIT DE CONFIRMATION DE LACUNES

Superviseur

3.1     Si, après au moins un rapport spécial, l’employé n’a pas amélioré son rendement, rencontrez-le et remettez-lui un avis un avis écrit de lacunes, contenant :

1.       les faits précis démontrant les faiblesses de l’employé;

2.       les mesures qu’il devra prendre pour relever son rendement à un niveau acceptable et le délai qui lui est accordé à cette fin (il faut lui laisser au moins trois mois);

3.       une déclaration selon laquelle « des mesures de mutation, de rétrogradation ou de renvoi du Service pourraient être prises si l’employé ne réussissait pas à relever son rendement à un niveau acceptable et à l’y maintenir ».

3.2     Faites-lui signer l’avis écrit et envoyez-en une copie au sous-chef, Rapports d’évaluation du rendement et projets spéciaux, Services du personne (SP).

Employé

3.3     Si vous recevez un avis écrit de confirmation de lacunes, signez l’original. Cette signature n’est qu’un accusé de réception.

[…]

[…]

5.       AVIS DE CONFIRMATION DE LACUNES

5.1     Avant de remettre un avis de confirmation de lacunes à un employé, il est recommandé au superviseur de consulter la Sous-section des Évaluations du rendement, Gestion de carrière (GC).

5.2     Si, après au moins deux rapports spéciaux, l’employé n’a pas amélioré son rendement, le superviseur le rencontre et lui remet un avis écrit de confirmation de lacunes, contenant :

-         un résumé dans lequel sont invoquées les politiques et les procédures pertinentes ainsi que des références à la dernière évaluation du rendement;

-         les faits précis démontrant les faiblesses de l’employé et une explication de celles-ci, c'est-à-dire un résumé des faiblesses mentionnées dans le RER;

-         les mesures qu’il devra prendre pour relever son rendement à un niveau acceptable et le délai qui lui est accordé à cette fin (au moins trois mois);

-         une brève explication du type de soutien apporté à l’employé et qui continuera afin de l’aider à s’améliorer (p. ex., cours suivis, encadrement, rencontres, etc.);

-         les conséquences auxquelles s’expose l’employé s’il ne réussit pas à relever et à maintenir son rendement dans le délai accordé et une déclaration selon laquelle « des mesures de mutation, de rétrogradation ou de renvoi du Servie pourraient être prises si l’employé ne réussissait pas à relever son rendement à un niveau acceptable et à l’y maintenir;

-         une conclusion positive.

5.2.1   Demander à l’employé de signer l’avis et en faire parvenir une copie au Sous-chef, de la Sous-section des Évaluations du rendement, GC, pour qu’il la verse dans le dossier du rendement de l’employé.

[…]

[Les passages en caractères gras le sont dans l’original]

88 La lettre de licenciement du fonctionnaire est libellée comme suit :

Le 2 octobre 2007

M. Marc-André Bergeron

[…]

La présente fait suite au Rapport d’évaluation du rendement pour la période du 5 septembre 2006 au 6 janvier 2007, au Rapport d’évaluation spéciale pour la période du 7 janvier 2007 au 7 mai 2007 ainsi qu’à celui couvrant la période du 8 mai 2007 au 8 septembre 2007.

Les évaluations susmentionnées avaient pour but d’évaluer votre rendement et de vous permettre de corriger toutes lacunes. Cependant, malgré toute l’aide et les innombrables occasions qui vous ont été fournies afin de vous améliorer, votre rendement demeure inférieur aux normes du Service. J’en conclus donc que vous ne possédez pas les aptitudes nécessaires pour être un agent de renseignements du SCRS. Par conséquent et conformément à la politique du SCRS HUM-407, paragraphe 7.3, j’ai le regret de vous informer de votre renvoi en cours de stage probatoire dès aujourd’hui. Cependant, vous serez rémunéré jusqu’au 5 octobre 2007.

En conformité avec la politique HUM-502 du Service, vous pouvez présenter un grief par écrit dans les 25 jours ouvrables suivant la réception du présent avis. Je tiens également à vous informer que si vous le désirez, vous pouvez demander l’aide de l’Association des employés.

Michel Coulombe
Directeur général
Région du Québec

89 Je constate à sa lecture, que l’avis de licenciement en cours de stage réfère à l’évaluation du fonctionnaire pendant une période précise, soit du 5 septembre 2006 au 8 septembre 2007. Aucune explication n’a été fournie à savoir pourquoi l’employeur a choisi de viser une période d’évaluation de 13 mois pour justifier sa décision de licencier le fonctionnaire plutôt que de tenir compte de l’ensemble de la période de stage de cinq ans. À l’audience, l’employeur m’a présenté une preuve qui tenait compte de l’ensemble des cinq années de la cours de stage et a plaidé que le fonctionnaire n’avait pas fait ses preuves durant l’ensemble de ces cinq années.

90 M. Coulombe a témoigné que sa décision de licencier le fonctionnaire en cours de stage a été fondée sur les évaluations écrites du rendement du fonctionnaire depuis son entrée en service, qu’il a passées en revue. M. Coulombe a été catégorique en affirmant que, sur la base des évaluations du rendement, le fonctionnaire ne rencontrait pas les exigences du poste et que toutes les procédures avaient été suivies. M. Coulombe a affirmé que l’obligation de l’employeur de fournir un avis de confirmation de lacunes est discrétionnaire et que dans le cas du fonctionnaire, les lacunes avaient été identifiées par plus d’un superviseur, qu’elles avaient été communiquées au fonctionnaire et que, de toute façon, ceci n’aurait rien changé à sa décision.

91 J’estime qu’il y a une contradiction entre la lettre de licenciement et les conditions fixées dans la lettre d’embauche : la lettre d’embauche stipule que la période de stage est de cinq ans, alors que la lettre de licenciement fait référence à une période d’évaluation de 13 mois.

92 Si je tiens compte de l’ensemble de la période de stage, le fonctionnaire a eu un rendement acceptable pendant les 44 premiers mois de son emploi, soit à compter de son embauche, le 3 janvier 2003, jusqu’au 4 septembre 2006. Je dois assumer que si le fonctionnaire ne faisait pas l’affaire pendant les 44 premiers mois, l’employeur aurait mis fin à son emploi, ce que de toute évidence il n’a pas fait. À l’audience, l’employeur est retourné sur les 44 premiers mois de service pour tenter de démontrer que le fonctionnaire ne faisait pas l’affaire depuis son embauche. Lors de son contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été longuement questionné sur les évaluations du rendement antérieures à celles du superviseur du fonctionnaire, dans un cas où il avait obtenu une cote moyenne de 2,3, mais surtout où il avait obtenu une cote moyenne et plus, dans l’esprit de démontrer que le fonctionnaire accusait depuis longtemps les mêmes lacunes identifiées par son superviseur et ultimement par M. Coulombe.  

93 Je rejette la preuve des lacunes du fonctionnaire avant le 5 septembre 2006 comme étant non pertinente au licenciement du fonctionnaire, et ce, pour deux motifs. Premièrement, la lettre de licenciement dit que l’employeur a jugé que le fonctionnaire ne rencontrait pas les critères du poste pour la période du 5 septembre 2006 au 8 septembre 2007 seulement. Deuxièmement, selon le programme de l’employeur, un employé qui obtient une cote moyenne de 2,5 satisfait à tous les objectifs exigés. Après avoir obtenu une cote de 2,3 pour la période du 6 janvier 2004 au 6 janvier 2005, le fonctionnaire s’est amendé et a reçu par la suite la cote de 2,6 pour la période du 17 janvier au 5 avril 2005, la cote de 2,5 pour la période du 6 avril au 6 décembre 2005 et une cote de 3 pour la formation d’enquêteur. De plus, seul les employés qui reçoivent une cote du rendement inférieure à la moyenne peuvent faire appel à un comité de révision ou, depuis le 18 juillet 2007, déposer un grief.

94 L’employeur a plaidé qu’en l’absence de contestation, le fonctionnaire devait accepter les cotes données dans les évaluations du rendement. J’estime que le même principe s’applique à l’employeur, soit qu’il doit accepter le résultat des cotes positives qu’il a lui-même accordé au fonctionnaire. Somme toute, l’employeur ne peut créer ultérieurement un doute quant à la performance d’un fonctionnaire qu’il a jugé satisfaisant. Par ailleurs, je suis d’avis que l’employeur est forclos, après avoir licencié un employé, d’invoquer des motifs qui ne lui ont pas été communiqués au moment du licenciement.

95 Le fonctionnaire a beaucoup insisté sur le fait que l’employeur ne lui avait pas communiqué un avis de confirmation de lacunes avant de le licencier. L’employeur s’est défendu d’avoir à lui donner un tel avis parce que celui-ci est discrétionnaire.

96 Selon le libellé du Programme d’évaluation du rendement, l’avis est discrétionnaire. Toutefois, cette disposition renvoi à une disposition contenue dans les Procédures concernant l’évaluation du rendement qui, à mon avis, est beaucoup moins discrétionnaire. Il y a deux versions de la Procédure concernant l’évaluation du rendement déposées en preuve. J’estime que, en raison de la date de la dernière évaluation spéciale et du licenciement du fonctionnaire, la version de la Procédure concernant l’évaluation du rendement en vigueur le 18 juillet 2007, s’applique en l’espèce. Le paragraphe 5.2 de cette version stipule que si après au moins deux évaluations du rendement spéciales, l’employé n’a pas amélioré son rendement, le superviseur le rencontre et lui remet un avis écrit de confirmation de lacunes. Selon la Procédure concernant l’évaluation du rendement, le superviseur est tenu de rencontrer l’employé qui a obtenu une cote inférieure à 2,5 après deux évaluations spéciales.

97 En l’espèce, je dois privilégier la version du fonctionnaire concernant l’obligation de lui donner un avis écrit de confirmation de lacunes. D’abord, dans l’évaluation du 7 janvier au 7 mai 2007, il est écrit ce qui suit :

[…]

Il fut expliqué à M. Bergeron qu’advenant que son rendement ne s’améliore pas et que ce dernier ne satisfait pas aux normes et ce après avoir fait l’objet de deux rapports spéciaux qu’un avis écrit de confirmation de lacunes lui sera remis et qu’advenant que la situation persiste après cet avis, que des mesures seraient prises et pourraient mener à son congédiement.

[…]

[Je souligne]

98 Je dois présumer que le supérieur du superviseur du fonctionnaire était sincère lorsqu’il s’est engagé à donner un avertissement au fonctionnaire. C’est pourquoi, à mon avis, l’employeur ne pouvait pas, par la suite, ignorer de donner un avis écrit de confirmation de lacunes au motif que cet avis était discrétionnaire.

99 À la lecture de l’ensemble du Programme d’évaluation du rendement depuis les modifications du 18 juillet 2007, je constate que ce programme est maintenant beaucoup plus axé sur le règlement des conflits et l’encadrement des employés que la version précédente. Ainsi, les responsabilités du superviseur mentionnées au paragraphe 2.2 sont de donner les conseils nécessaires à l’employé, de l’encadrer, de voir à sa formation et, au paragraphe 2.3, de favoriser la résolution informelle des problèmes du rendement ou des désaccords à leur sujet. L’avis écrit de confirmation de lacunes qui est donné à un employé depuis le 18 juillet 2007 est aussi plus conciliant. La version du 24 mars 2001 stipulait que l’employé devait être avisé de ses « faiblesses» et des mesures à prendre pour y remédier. La version du 18 juillet 2007, stipule précisément les moyens que doit mettre en œuvre le superviseur :

-  un résumé dans lequel sont invoquées les politiques et les procédures pertinentes ainsi que des références à la dernière évaluation du rendement;

-  les faits précis démontrant les faiblesses de l’employé et une explication de celles-ci, c'est-à-dire un résumé des faiblesses mentionnées dans le RER;

-  les mesures qu’il devra prendre pour relever son rendement à un niveau acceptable et le délai qui lui est accordé à cette fin (au moins trois mois);

- une brève explication du type de soutien apporté à l’employé et qui continuera afin de l’aider à s’améliorer (p. ex., cours suivis, encadrement, rencontres, etc.);

- les conséquences auxquelles s’expose l’employé s’il ne réussit pas à relever et à maintenir son rendement dans le délai accordé et une déclaration selon laquelle « des mesures de mutation, de rétrogradation ou de renvoi du Service pourraient être prises si l’employé ne réussissait pas à relever son rendement à un niveau acceptable et à l’y maintenir;

-  une conclusion positive.

100 Bien qu’un employé en cours de stage a un statut d’emploi précaire, la politique de l’employeur, tout comme la jurisprudence, établissent qu’il ne peut être licencié arbitrairement. L’employeur doit établir qu’il a donné à l’employé l’occasion nécessaire de démontrer qu’il possède les habiletés nécessaires pour le poste. Le rôle de l’arbitre de grief n’est pas de substituer sa décision à celle de l’employeur ou de décider si la décision de l’employeur était correcte, mais d’évaluer si la méthode d’évaluation était équitable et raisonnable en l’espèce (voir par exemple : Hotel Fort Garry and Canadian Brotherhood of Railway, Transport and General Workers (1993), 33 C.L.A.S. 544 et l’analyse de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 7:5020). La politique du SCRS quant à l’encadrement d’un employé pendant la période de stage est en tout point conforme à la tendance jurisprudentielle.

101 Ensuite, le Programme d’évaluation du rendement (HUM-306) a justement comme objectif de promouvoir une communication soutenue et efficace entre le gestionnaire et l’employé concernant le rendement. En l’espèce, le fonctionnaire n’a pas bénéficié de ce type de communication. De fait, le fonctionnaire ne pouvait juger que son emploi était en danger, en raison du manque de rétroaction de son superviseur. Selon la preuve, le superviseur du fonctionnaire n’aimait pas la confrontation ni la communication. Il y a une preuve selon laquelle il était taciturne et qu’il claquait la porte. Sa réponse aux comptes-rendus hebdomadaires du fonctionnaire était de lui dire que tout allait bien. Au lieu de lui dire qu’il serait licencié le lendemain, son superviseur a approuvé une demande de temps compensatoire. Ceci m’indique que le superviseur du fonctionnaire n’aimait pas confronter les gens ou peut-être qu’il n’avait aucun intérêt à être transparent avec ses employés. L’employeur n’a pas contredit la preuve selon laquelle le superviseur du fonctionnaire n’était pas communicateur et qu’il n’avisait le fonctionnaire de ses déficiences qu’à tous les quelques mois.

102 La section 2 de la politique HUM-306 indique que les gestionnaires doivent rencontrer les employés et établir avec eux un plan de travail clair et compréhensible qui tient compte des objectifs et des niveaux du rendement attendus. Il est aussi indiqué que les superviseurs doivent donner les conseils nécessaires à leurs employés, les encadrer et voir à leur formation, afin de les aider à atteindre leurs objectifs. De plus, la section 5 des procédures concernant l’évaluation du rendement prévoit que le gestionnaire doit informer l’employé des mesures à prendre pour s’améliorer ainsi que lui expliquer les mesures à prendre pour améliorer son rendement. En l’espèce, il ne m’a pas été démontré que le superviseur du fonctionnaire avait suivi l’une ou l’autre de ces consignes.

103 Le fonctionnaire n’a fait l’objet d’aucune des mesures de conciliation et d’aide prévues à la politique, entre autres les mesures qu’il devra prendre pour relever son rendement à un niveau acceptable, le délai accordé à cette fin (d’au moins trois mois) et le type de soutien, afin de l’aider à s’améliorer, tel que les cours à suivre, l’encadrement et les rencontres.

104 Je tiens aussi compte du témoignage non contredit du représentant régional selon lequel il est inhabituel qu’un employé soit surpris par une décision de licenciement sans signe précurseur, c’est-à-dire, qu’un employé reçoit habituellement un avis de écrit de confirmation de lacunes après deux évaluations spéciales avant que ne soit mis fin à son emploi. L’employeur mettait habituellement le représentant régional de l’Association au courant d’une situation problématique et, ensuite, une discussion s’amorce en vue de régler le conflit, ce qui n’a pas été fait en l’espèce. Par ailleurs, l’employeur n’a pas contredit le fait que le fonctionnaire ait été honnêtement surpris par la lettre de licenciement et n’a pas avancé qu’il inventait cet argument uniquement pour mousser sa défense.

105 Cette analyse m’amène à conclure que si l’employeur se fonde sur ses politiques pour décider de licencier l’employé, il doit considérer à la fois les dispositions qui le favorisent et celles qui favorisent l’employé. La politique HUM-306 dit effectivement que l’obligation de donner un avis de confirmation de lacunes est facultative. Toutefois, en raison de la remarque du supérieur du superviseur du fonctionnaire dans l’évaluation du 7 janvier au 7 mai 2007 et de son engagement donné à la rencontre de juin 2007, le fonctionnaire pouvait légitimement s’attendre qu’un avis écrit de confirmation de lacunes lui soit remis si l’employeur envisageait de le licencier en cours de stage. Qui plus est, l’employeur n’a pas contredit le témoignage du fonctionnaire à savoir qu’il ne lui avait pas communiqué son insatisfaction pendant les cinq mois qui ont précédé son licenciement.

106 Par conséquent, j’estime que l’employeur a omis une étape essentielle avant de licencier le fonctionnaire et j’estime que cette omission est un facteur important dans l’évaluation du caractère juste du licenciement.

B. L’employeur a-t-il fait la preuve d’un motif lié à l’emploi?

107 La preuve de l’employeur au soutien de sa décision de licencier le fonctionnaire en cours de stage repose sur les évaluations du rendement qui ont été déposées en preuve et l’opinion de M. Coulombe à leur sujet. Comme les évaluations du fonctionnaire pour la période du 5 septembre 2006 au 8 septembre 2007 étaient en deçà de la moyenne de 2,5, M. Coulombe a licencié le fonctionnaire car il ne répondait pas aux exigences du poste.

108 La preuve du fonctionnaire en réponse à la preuve de l’employeur se résume comme suit. Son rendement rencontrait les normes du service jusqu’à ce qu’il soit sous la supervision d’un nouveau superviseur. À compter du 5 septembre 2006, son nouveau superviseur l’a géré de façon serrée. Il lui a imposé des objectifs écrits le 11 octobre 2006, soit cinq semaines après son arrivée, et a exigé que le fonctionnaire lui présente des objectifs hebdomadaires ainsi que les résultats obtenus. Le fonctionnaire s’est conformé à cette demande. Le fonctionnaire témoigne qu’il a été le seul à se faire imposer cette obligation. L’employeur n’a pas contredit cette affirmation.

109 Le 7 janvier 2007, le superviseur du fonctionnaire a exprimé son insatisfaction concernant son rendement en lui donnant une cote du rendement en dessous de la moyenne. Cette cote était inattendue, puisque le fonctionnaire s’était conformé aux demandes d’amélioration de son superviseur. Quatre mois plus tard, le fonctionnaire a reçu une évaluation du rendement spéciale qui lui donnait une cote d’un point en bas de la moyenne, suivi d’une deuxième évaluation spéciale quatre mois plus tard de trois points en bas de la moyenne, qui a servi comme motif de licenciement en cours de stage.

110 Le fonctionnaire a soutenu que les évaluations du rendement ne reflétaient pas l’ensemble de sa performance, que son superviseur avait un parti pris et que la direction n’avait pas suivi ses propres procédures d’évaluation avant de le licencier. Il a donné de multiples exemples de ce qu’il avançait. Son superviseur lui a dit dès le départ qu’il ne faisait pas l’affaire, sans lui donner la chance de se prouver. En ne lui offrant que peu de commentaires concernant ses objectifs et ses résultats hebdomadaires, son superviseur lui a laissé croire que tout allait bien, alors qu’il se disait insatisfait au moment de l’évaluation du rendement. Son superviseur ne lui a offert aucune formation, sauf en gestion du temps, et, il évitait les rencontres avec le fonctionnaire lorsque celui-ci demandait de la rétroaction concernant son rendement. Son superviseur n’a noté sur les évaluations du rendement que des incidents qu’il jugeait négatifs, sans aucun point positif qui pouvait remonter sa cote. Il n’a pas été contredit que son superviseur avait même supprimé les points positifs après une discussion avec le fonctionnaire. Comme nouvel agent de renseignements sur le terrain, le fonctionnaire a témoigné qu’il s’attendait à être encadré. Il n’a reçu aucun conseil sur les façons de s’améliorer et son superviseur ne lui a pas servi de mentor. Son superviseur l’a tenu au standard d’un agent de renseignements d’expérience.

111  Le fonctionnaire a été soumis à un long contre-interrogatoire en vertu duquel l’employeur a cherché à lui faire admettre le contenu des évaluations du rendement et son soi-disant piètre rendement. L’employeur a souligné le fait que celui-ci ne s’était pas prévalu du recours interne du comité de révision pour contester ses évaluations.

112 Comme le fonctionnaire se représentait lui-même, et en raison des questions contradictoires posées par le procureur de l’employeur, j’ai fait quelques interventions en demandant à l’employeur s’il allait présenter une preuve à l’encontre du témoignage du fonctionnaire (la règle dans Browne and Dunn [1894] 6 R. 67). L’employeur a réservé sa décision à chacune de mes interventions. Après le contre-interrogatoire du fonctionnaire et sa réplique, j’ai encore demandé à l’employeur s’il avait l’intention de présenter une contre-preuve. L’employeur m’a confirmé que ses témoins étaient disponibles, mais qu’il devait évaluer sa situation. Après une suspension de l’audience pour une période de 2 h 30,  l’employeur a décidé de ne pas répondre au témoignage du fonctionnaire. Les parties ont ensuite présenté leurs arguments, l’employeur en premier, suivi de la réplique du fonctionnaire et d’une réponse de l’employeur.

113 Dans un cas de licenciement, que ce soit un employé en cours de stage ou un employé qui a obtenu sa permanence, le fardeau de la preuve repose initialement sur l’employeur, qui doit justifier ses motifs de licenciement. La jurisprudence de la Cour fédérale dans Jacmain c. Procureur général du Canada et al., [1978] 2 R.C.S. 15; Procureur général du Canada c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.) et Canada (Procureur général) c. Léonarduzzi, 2001 CF 529, suggère que le fardeau de la preuve de l’employeur est moins élevé dans le cas d’un licenciement en cours de stage que lorsqu’un employé bénéficie de sa permanence. Essentiellement, dans le cas d’un licenciement en cours de stage, l’employeur doit faire la preuve que le licenciement est justifié par un motif lié à l’emploi, puis il appartient au fonctionnaire de démontrer que la décision de l’employeur revêtait un caractère abusif, ou selon les termes de l’art, a fait l’objet d’une supercherie, d’un camouflage ou que l’employeur a agi de mauvaise foi. La barre est très haute pour le fonctionnaire.

114 En l’espèce, l’employeur a soutenu que M. Coulombe avait un motif lié à l’emploi, soit les évaluations du rendement du fonctionnaire, lorsqu’il a pris la décision de le licencier. L’employeur a pris la position que  le fonctionnaire était en cours de stage et que les évaluations du rendement constituaient un avertissement suffisant que l’employeur était insatisfait de son rendement et, en l’absence d’une amélioration, l’employeur disposait d’un motif suffisant, lié à l’emploi pour le licencier. Cette preuve s’est limitée au témoignage de M. Coulombe qui a décidé du licenciement, et à la production des évaluations du rendement du fonctionnaire.

115 Par contre, le témoignage du fonctionnaire a été appuyé par une quantité importante de courriels qui attestent de ses échanges avec son superviseur et qui comprennent les objectifs hebdomadaires qu’il se fixait, les résultats liés à ces objectifs, les assignations et instructions qu’il a reçues de son superviseur concernant des enquêtes et l’obtention de renseignements, ses rapports et les faits saillants de ses rencontres avec ses contacts.

116 Tel qu’il a été demandé, le fonctionnaire soumettait par courriel ses objectifs à son superviseur à toutes les semaines et après trois semaines, il soumettait ses résultats sur une base hebdomadaire, sauf lorsqu’il était en congé de plus d’une journée ou deux. Le 21 novembre 2006, son superviseur lui a reproché son insuffisance dans ses réalisations de travail. Par la suite, le fonctionnaire a inscrit entre 5 et 7 objectifs de travail par semaine jusqu’à son licenciement. Ses rapports ponctuels indiquent qu’il dépassait assez souvent les objectifs de la semaine. Il n’y a aucune autre mention d’insuffisance de travail après le 21 novembre 2006.

117 J’ai noté les rétroactions suivantes du superviseur quant aux objectifs et réalisations hebdomadaires. Voici les rétroactions du superviseur aux objections et réalisations du fonctionnaire dans les courriels échangés entre le 25 septembre 2006 et le 2 octobre 2007 :

- le 11 octobre 2006, le superviseur répond : « Va dans le […] »

- le 21 novembre 2006, le superviseur fait le reproche concernant l’insuffisance du travail

- le 12 janvier 2007, Le superviseur répond : « C’est bien. »

- le 24 janvier 2007, le superviseur répond : « Tu dois aussi vérifier où se trouve […] »

- le 13 février 2007, le superviseur répond : « D’accord pour l’entrevue. »

118 J’ai revu également 58 échanges de courriels initiés par le fonctionnaire entre le 5 septembre 2006 et le 2 octobre 2007 concernant ses assignations de travail avec les réponses du superviseur. Je note trois rétroactions négatives du superviseur : le 2 février 2007, concernant une entrevue; le 14 février 2007, un reproche concernant les lacunes d’un rapport;  le 31 août 2007, un reproche concernant une entrevue. J’ai noté que le superviseur répondait aux courriels du fonctionnaire avec des instructions d’un ton neutre, sans critique apparente, même si les interventions étaient très brèves. Par ailleurs, j’ai noté les rétroactions suivantes que je juge positives : le 4 octobre 2006 « Très bien Marc […] », le 31 octobre 2006 « Bon rapport […] », 15 mai 2007 « OK […] », le 24 mai 2007 « OK […] », le 12 juillet 2007 « OK […] , le 5 septembre 2007 « OK […] », le 13 septembre 2007 « OK […] » et le 24 septembre 2007 « OK […] ».

119 J’estime que les interventions écrites rapportées ci-dessus donnent suffisamment de crédibilité aux prétentions du fonctionnaire que son superviseur ne lui a pas témoigné clairement son insatisfaction et les façons de s’améliorer. Le fonctionnaire a contredit des éléments importants du témoignage de M. Coulombe. La version des faits du fonctionnaire n’a pas été réfutée.

120  Le fonctionnaire a donc soumis une preuve que son licenciement était arbitraire et, par conséquent, injustifié. Le fardeau de la preuve a donc été renversé et, pour soutenir sa position qu’il avait un motif lié à l’emploi, l’employeur devait offrir une réponse à la preuve du fonctionnaire. L’employeur n’a pas produit cette contre-preuve.

121 Ainsi, l’employeur n’a pas expliqué pourquoi le fonctionnaire avait été assujetti, contrairement aux autres agents de renseignements, à la présentation d’objectifs hebdomadaires et de résultats. L’échange de courriels déposés en preuve ne m’a pas convaincu que le superviseur du fonctionnaire lui avait donné l’heure juste pendant la période d’évaluation. Le témoignage des témoins A et B concernant le caractère difficile du superviseur du fonctionnaire et sa façon sévère de traiter les employés n’a pas été contredit. J’ai trouvé le témoignage du représentant régional concernant la culture du SCRS par rapport à la résolution de conflits de façon informelle et la consultation avec l’Association des employés avant de sévir plus convaincante que le témoignage de M. Coulombe à savoir qu’un haut dirigeant du SCRS avait à un moment donné fait une demande de révision de son évaluation sans que ceci nuise à sa carrière, sans plus de précision.

122 J’estime que le contre-interrogatoire du fonctionnaire n’a pas soutiré les admissions nécessaires pour justifier la décision de l’employeur de le licencier en cours de stage. À cet égard, je tiens compte du fait que le fonctionnaire n’était pas représenté et qu’il faisait face à une équipe de deux procureurs. À certains égards, le témoignage du fonctionnaire a été difficile à suivre, mais je peux comprendre qu’il était intimidé et nerveux. Somme toute, il a soutenu sa position concernant les faits qui lui étaient reprochés. Le témoignage du fonctionnaire méritait que l’employeur présente une contre-preuve.

123 Même s’il s’agit d’un licenciement en cours de stage, il s’agit tout de même d’un licenciement. Ainsi, l’employeur devait me convaincre selon une prépondérance de la preuve que le licenciement du fonctionnaire était pour un motif lié à l’emploi.

124 Bien qu’un « motif lié à l’emploi » puisse sembler un critère peu exigeant, l’employeur doit tout de même me persuader que sa décision n’était pas capricieuse ou arbitraire et qu’il avait un réel motif lié à l’emploi justifiant le licenciement. En l’espèce, le motif lié à l’emploi invoqué par l’employeur était que le fonctionnaire ne satisfaisait pas aux qualités fondamentales d’un agent de renseignements : il manquait de rigueur dans certains rapports écrits; il manquait de planification et d’organisation dans son  travail; il manquait de jugement; il effectuait des entrevues de mauvaise qualité.  Le fonctionnaire aurait mis en cause la crédibilité, l’efficacité et compromis la sécurité du SCRS à plus d’une reprise. Or, le fonctionnaire a contredit la plus grande partie des incidents reprochés en citant des incidents où son superviseur avait approuvé son bon travail, ce qui n’est pas rapporté dans les évaluations du rendement, mais qui se retrouvent dans l’échange de courriels. Dans l’alternative, le fonctionnaire a donné une explication raisonnable et vraisemblable des incidents reprochés. Voici certains exemples.

125 Selon l’évaluation du rendement du 5 septembre 2006 au 5 janvier 2007, le fonctionnaire aurait fournit un rapport opérationnel en date du 12 octobre 2006 que son superviseur a critiqué parce que le rapport aurait fait référence à des faits inexacts. Par contre, dans un courriel de rétroaction en date du 31 octobre 2006, son superviseur le félicite pour un bon rapport. Le bon rapport n’est pas mentionné dans l’évaluation du rendement pour cette période. 

126 Dans cette même évaluation, le superviseur critique le fonctionnaire parce qu’aucun objectif de travail n’a été établi contre lequel l’évaluer. Le fonctionnaire a témoigné que l’obligation de fixer des objectifs relève du gestionnaire et qu’il a immédiatement accepté les objectifs que celui-ci lui a fixés le 11 octobre 2006.

127 Dans l’évaluation du 5 septembre 2006 au 5 janvier 2007, son superviseur réfère au manque de planification et à l’insuffisance du travail du gestionnaire, ainsi qu’à son retard à produire certains rapports. L’employeur n’a pas contredit le témoignage du fonctionnaire qu’il s’était amendé dès que son superviseur lui a souligné qu’il avait tardé à remettre ses rapports et une demande d’autorisation. Selon la preuve, aucun autre avis de retard n’a été remis au fonctionnaire et l’insuffisance du travail n’a plus été mentionnée par la suite.

128 Dans l’évaluation du rendement du 7 janvier au 7 mai, concernant le jugement, l’esprit d’équipe et le professionnalisme du fonctionnaire, son superviseur lui reproche d’avoir quitté une entrevue prématurément. Le fonctionnaire a expliqué les circonstances de son départ qui, en l’absence d’autre explication de l’employeur sur les conséquences de l’entrevue, n’étaient pas déraisonnables. L’employeur n’a pas contredit le témoignage du fonctionnaire selon lequel pendant cette même période, avant de prendre son congé de maladie, il avait fait les arrangements nécessaires avec ses collègues pour que le travail continue en son absence, ce qui démontre, du moins à première vue, certaines qualités de jugement, d’esprit d’équipe et de professionnalisme.

129 Dans l’évaluation du rendement du 7 janvier au 7 mai 2007, le superviseur critique le fonctionnaire pour ne pas avoir obtenu des informations supplémentaires concernant un sujet d’intérêt. Dans son témoignage, le fonctionnaire a expliqué qu’en raison des circonstances, il avait décidé de ne pas compromettre une occasion future de communication. Cette explication, que je juge plausible, n’a pas été contredite par l’employeur.

130 Dans l’évaluation du rendement du 7 janvier au 7 mai 2007, le superviseur a reproché au fonctionnaire un manque de planification, d’esprit d’équipe et de professionnalisme pour avoir omis de l’informer qu’il donnait rendez-vous aux bureaux du SCRS.  Par contre, le fonctionnaire a témoigné, courriel à l’appui, qu’il avait effectivement averti son superviseur de cette rencontre dans ses objectifs hebdomadaires.  Le superviseur a aussi reproché au fonctionnaire d’avoir été absent du bureau un vendredi après-midi sans  l’avertir. Le fonctionnaire a témoigné que son superviseur lui avait donné comme directive dès son arrivée à la tête du service qu’il s’attendait à ce qu’un agent de renseignements soit sur le terrain et pas devant l’ordinateur. De plus, il n’a pas été contredit que le fonctionnaire tenait son superviseur informé de ses allées et venues par l’entremise de ses objectifs hebdomadaires.

131 Dans l’évaluation du rendement du 7 janvier au 7 mai 2007, le superviseur reproche au fonctionnaire de ne pas l’avoir avisé d’une absence, alors que le fonctionnaire a témoigné et présenté une preuve documentaire qu’il avait effectivement averti son superviseur de son absence. 

132 Un autre incident rapporté dans l’évaluation du 7 janvier au 7 mai 2007, qui semble avoir fait couler beaucoup d’encre, concerne le fait que le fonctionnaire ait compromis les mesures de sécurité électroniques du SCRS.  Son superviseur a estimé que le fonctionnaire avait mal agi.  L’employeur ne m’a pas expliqué comment la sécurité du SCRS avait été compromise par cet incident.

133 La goutte qui semble avoir fait déborder le vase se trouve dans l’évaluation spéciale du 8 mai au 8 septembre 2007.  Le fonctionnaire a fait une entrevue dont son superviseur a questionné l’exactitude. Sans communiquer son insatisfaction au fonctionnaire ou lui permettre de s’expliquer, son superviseur et son supérieur ont fait une deuxième entrevue et ont obtenu une autre version des faits. Le sérieux ou les conséquences de la différence entre les entrevues ne m’a pas été expliqué. Le superviseur a conclu que le fonctionnaire faisait mal son travail.  Avant de licencier le fonctionnaire, M. Coulombe a demandé au superviseur du fonctionnaire de vérifier les autres rapports d’entrevue préparés par le fonctionnaire. Son superviseur n’a décelé aucune autre erreur.  Le fonctionnaire a témoigné avoir été licencié sans avoir eu l’occasion d’éclaircir les circonstances de cette entrevue.  À l’audience, il a expliqué que deux entrevues ne sont jamais identiques et qui plus est, qu’une entrevue menée par deux agents de renseignements séniors diffère sensiblement d’une entrevue menée par un agent de renseignements débutant. L’employeur n’a pas contredit ce témoignage.

134 Il y a plusieurs autres exemples où le fonctionnaire a contredit ou du moins donné une explication plausible aux reproches de l’employeur. Même si mon rôle ne me permet pas de substituer mon opinion à celle de l’employeur, je dois quand même rendre un jugement à partir des faits qui me sont présentés.  En l’instance, j’estime que le fonctionnaire s’est acquitté de son fardeau de preuve de démontrer que son licenciement était injustifié. L’employeur ne m’a pas persuadée selon une prépondérance de la preuve du contraire. Par conséquent, je conclu que l’employeur n’a pas démontré qu’il existait un légitime motif lié à l’emploi justifiant le licenciement du fonctionnaire.

135 L’extrait suivant dans Bond v. New Brunswick (Board of Management) 1992 CanLII 2434 (NB C.A.) (1992) D.L.R. (4th) 733 concernant la responsabilité d’un arbitre de grief d’évaluer la preuve qui lui est présentée est tout à fait à propos :

[Traduction]

[…]

L’arbitre de grief n’est pas tenu d’aider la direction dans la présentation de son cas en faisant ressortir la lacune évidente que causerait son défaut de témoigner. Si la direction va de l’avant et ne réussit pas à faire valoir sa cause, elle devra en accepter les conséquences.

Par ailleurs, l’arbitre de grief a-t-il des obligations envers le fonctionnaire s’estimant lésé et l’absence de cette preuve essentielle? Je crois que c’était la préoccupation fondamentale du juge du contrôle judiciaire, à savoir, l’équité procédurale et la justice naturelle. En l’absence de preuve de cette source normalement essentielle, le juge de la Cour du Banc de la Reine avait pour tâche de revoir la décision de l’arbitre de grief comme étant fondée, à son avis, exclusivement sur preuve par ouï-dire.

Je n’irais pas jusqu’à dire que la preuve était « seulement » par ouï-dire, mais ce n’est malheureusement pas loin de la vérité. Quoi qu’il en soit, le juge a conclu que l’arbitre de grief n’avait pas respecté la norme de justice naturelle et d’équité procédurale. Je suis d’accord. Le principal objectif de l’arbitrage, consistant à donner à chaque partie une audition complète et équitable selon les règles de procédure satisfaisant à cet objectif, n’a pas été satisfait dans ce cas.

[…]

X. Conclusions

136 En résumé, je conclus que le licenciement du fonctionnaire en cours de stage a revêtu un caractère abusif pour deux motifs :

i) en omettant de lui donner un avis écrit de confirmation de lacunes avant de le licencier, tel que promis, l’employeur n’a pas respecté les politiques et procédures qu’il a mises en œuvre en vertu de l’article 8 de sa loi constitutive et qu’il s’agit d’un vice de fond suffisant pour invalider le licenciement;

ii) en l’absence d’une preuve prépondérante contredisant le témoignage du fonctionnaire, l’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de présenter la preuve nécessaire d’un motif lié à l’emploi.

137 Pour ces motifs, j’estime que j’ai compétence pour rendre l’ordonnance et accorder les redressements qui suivent :

XI. Ordonnance

138 Le grief est accueilli.

139 Le licenciement du fonctionnaire en cours de stage est annulé.

140 Dans la mesure où les parties ne pourront s’entendre sur le redressement approprié, je demeure saisie de cette affaire pour une période de 60 jours à compter de la date de cette décision.

Le 12 août 2011.

Michele A. Pineau,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.