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Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante avait posé sa candidature dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé. Elle a été éliminée du processus par suite de son échec à l’examen écrit. Elle a présenté une plainte d’abus de pouvoir au motif que l’intimé se serait servi d’un outil d’évaluation entaché d’erreurs. L’intimé a reconnu que l’examen comportait quelques erreurs, mais que leur incidence était minime car sans conséquence négative ou importante. Décision S’il est vrai que deux des questions de l’examen écrit comportaient des erreurs, le Tribunal n’a trouvé aucun élément de preuve démontrant en quoi ces erreurs – prises ensemble ou séparément – constituaient un abus de pouvoir. La plaignante n’a pas démontré en quoi lesdites erreurs avaient nui à sa candidature ou au processus en général. Elle a obtenu le maximum de points pour l’une des questions en cause. En ce qui concerne l’autre question, le témoignage de l’intimé, qui n’a pas été réfuté, fait ressortir que la note de la plaignante était attribuable à une réponse incomplète. Il n’y avait aucune preuve que la plaignante a été induite en erreur par les questions, dans leur ensemble ou séparément. En outre, rien dans le dossier ne prouvait que celle-ci ait fait part de ses préoccupations au moment de l’examen, ni qu’il y ait eu un lien entre ses préoccupations et sa capacité à répondre aux questions. Bien que les erreurs contenues dans l’examen soient regrettables, elles ne sont pas suffisamment graves en soi pour constituer un abus de pouvoir. La plaignante n’a pas démontré qu’elles avaient nui à son rendement à l’examen ou à son évaluation à un point tel qu’on en déduirait qu’il y a eu abus de pouvoir. Il faut plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir; les erreurs en l’espèce n’étaient pas assez graves pour en arriver à une conclusion d’abus de pouvoir. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier:
2009-0596/0597/0613
Rendue à:
Ottawa, le 22 décembre 2010

LIVIA STEINDL
Plaignante
ET
LE SOUS-MINISTRE DE SANTÉ CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire:
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision:
La plainte est rejetée
Décision rendue par:
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision:
Anglais
Répertoriée:
Steindl c. le sous-ministre de Santé Canada
Référence neutre:
2010 TDFP 0024

Motifs de décision


Introduction


1 La plaignante, Livia Steindl, a posé sa candidature dans le cadre d’un processus de nomination interne annoncé visant la dotation du poste d’agent principal d’évaluation, au groupe et au niveau ES-05. Elle a été éliminée du processus par suite de son échec à l’examen écrit. Elle a présenté une plainte d’abus de pouvoir au motif que l’intimé, le sous-ministre de Santé Canada, se serait servi d’un outil d’évaluation entaché d’erreurs.

2 L’intimé a reconnu que l’examen comportait quelques erreurs, mais que leur incidence était minime car sans conséquence négative ou importante.

3 De l’avis de la Commission de la fonction publique, pour que le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) conclue à un abus de pouvoir, il faudra démontrer que les erreurs dans l’examen ont entraîné la non-qualification de la plaignante.

Contexte


4 En avril 2009, Santé Canada a annoncé un processus de nomination interne pour la dotation du poste d’agent principal d’évaluation. La plaignante a posé sa candidature, laquelle a été retenue à la présélection. Elle a reçu un courriel l’invitant à passer un examen en ligne le 20 mai 2009. L’examen a été distribué à 9 h et devait être remis au plus tard à minuit.

5 Les instructions de l’examen comprenaient une liste de critères de mérite à évaluer et précisaient que les candidats devaient obtenir la note de passage pour chacun d’entre eux afin que leur dossier de candidature passe à l’étape suivante du processus. Les critères évalués par chacune des questions étaient clairement indiqués.

6 La plaignante a subi l’examen et l’a remis. Le 16 juin 2009, elle a été avisée qu’elle n’avait pas obtenu la note de passage et que sa candidature ne serait pas retenue.

7 Les 1er, 4 et 17 septembre 2009, Santé Canada a publié des Avis de nomination ou de proposition de nomination. La plaignante a déposé auprès du Tribunal trois plaintes d’abus de pouvoir dans l’application du mérite, en vertu de l’art. 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la LEFP). Les trois plaintes ont été jointes par le Tribunal.

8 Selon la plaignante, le fait que l’examen d’évaluation comportait deux questions erronées constituerait un abus de pouvoir. La première question visée était la question 2A‑C). La seconde était désignée comme la question « 6 et 7 » dans l’examen en raison d’une erreur typographique. Cette question sera appelée « la question 6 » dans la présente décision. La plaignante affirme que ces questions erronées ont causé son échec à l’examen.   

Question en litige


9 Le Tribunal doit déterminer si les erreurs aux questions 2A-C) et 6 ont eu une incidence sur l’évaluation du mérite et si elles constituent un abus de pouvoir.

Analyse


10 Selon l’art. 88(2) de la LEFP, la mission du Tribunal en ce qui concerne les processus de nomination internes est d’instruire les plaintes présentées en vertu de l’art. 77 de la LEFP et de statuer sur elles. L’art. 77 de la LEFP prévoit qu’une personne peut présenter une plainte au Tribunal au motif qu’elle n’a pas été nommée en raison d’un abus de pouvoir.

11 Dans une plainte présentée au Tribunal, le fardeau de la preuve incombe au plaignant (voir la décision Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008). Le Tribunal a toujours jugé qu’une constatation d’abus de pouvoir n’exige pas une intention, et que toute interprétation nécessitant une preuve d’intention serait contraire à l’intention du législateur lors de la promulgation de la LEFP (voir par exemple la décision Tibbs, para. 72, et la décision Rinn c. le sous‑ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 0044, para. 36).

12 Par ailleurs, il ressort clairement du préambule et de l’esprit de la LEFP dans son ensemble que l’intention du législateur était qu’il fallait plus que de simples erreurs ou omissions pour constituer un abus de pouvoir (voir décision Tibbs, para. 65, et décision Neil c. le sous-ministre d'Environnement Canada, 2008 TDFP 0004, para. 50 et 51).

13 S’il est vrai que deux des questions de l’examen écrit comportaient des erreurs, le Tribunal ne trouve aucun élément de preuve démontrant en quoi ces erreurs – prises ensemble ou séparément – constituent un abus de pouvoir.

14 À la question 2A-C), les candidats devaient nommer six normes d’évaluation. Cette question était fondée sur des renseignements se trouvant dans la Politique sur l’évaluation du gouvernement du Canada (la Politique). Or, le 1er avril 2009, soit environ sept semaines avant l’examen, la Politique a été remplacée par un nouveau document qui comportait une norme et quatre exigences.

15 Brigitte Lucke, directrice du Bureau de la planification, présidait le comité d’évaluation. Elle a déclaré que le comité d’évaluation avait adapté un examen qui avait servi dans un autre processus. Elle a affirmé que le comité avait reconnu l’erreur à la question 2A-C) dès la réception des épreuves à corriger. Il a décidé d’accepter les réponses fondées sur l’ancienne et la nouvelle politique de manière à ne pénaliser aucun candidat.

16 Mme Lucke a déclaré qu’aucun candidat n’avait été éliminé d’après la réponse fournie à la question 2A-C), et que la plaignante avait obtenu le maximum de points pour cette question. Elle a ajouté que le poste de travail de la plaignante se trouve juste à côté de son bureau et que celle‑ci n’était jamais venue la voir pour lui faire part de ses préoccupations ou lui demander des précisions concernant cette question ou une autre. Bien que la question n’ait pas été directement abordée dans les éléments de preuve du dossier, il a été déduit que la plaignante avait effectivement subi l’examen depuis son poste de travail.

17 À la question 6, les candidats devaient préparer une note de service décrivant des solutions et des recommandations d’après une mise en situation. La question 6 servait à évaluer la capacité de formuler des conseils et des recommandations stratégiques (CA2), et la capacité de communiquer par écrit (CA3). Le barème de notation de la question prévoyait qu’une note globale serait attribuée aux capacités évaluées.

18 Cesare Spadaccini était membre du comité d’évaluation. Il a déclaré qu’il avait adapté une mise en situation ayant servi à un autre processus. C’est lui qui, au sein du comité d’évaluation, avait été désigné pour noter la question 6 de tous les examens.

19 L’erreur contenue dans la question 6 était la suivante : il était question du ministre des Foyers et des Communautés alors qu’il aurait dû s’agir du ministre de l’Industrie. M. Spadaccini a déclaré avoir constaté cette erreur dès la réception des épreuves à corriger. Il en a fait part aux autres membres du comité d’évaluation; il a ensuite été déterminé que cette lacune n’avait aucune incidence sur la réponse et qu’il ne fallait pas en tenir compte. De plus, en notant les examens, M. Spadaccini n’a relevé aucune indication que les candidats avaient été déconcertés ou induits en erreur par la référence erronée.

20 M. Spadaccini a témoigné au sujet de l’évaluation de la réponse de la candidate à la question 6. Il a affirmé que les candidats devaient préparer une réponse « dans un style concis et élégant » [traduction], qui ne devait pas dépasser trois pages. La réponse de la plaignante faisait une page, dont environ les deux tiers avaient été copiés et collés à partir de la mise en situation.

21 Selon M. Spadaccini, la réponse fournie par la plaignante à la question 6 avait été copiée en grande partie de la mise en situation, n’avait rien d’original. La plaignante a mentionné le ministre des Foyers et des Communautés à deux reprises, ce qui n’a toutefois eu aucune incidence sur sa note. La réponse était médiocre et comportait peu ou pas d’analyse, alors qu’une analyse approfondie et un examen attentif des différentes solutions étaient exigés. La plaignante a obtenu la note de 5 sur 10 pour les qualifications CA2 et CA3, et n’a pas obtenu la note de passage pour ces critères de mérite.

22 La plaignante n’a pas contesté ce témoignage. Toutefois, elle avance que les erreurs dans l’examen ont compromis ses chances de réussite et étaient suffisamment graves pour constituer un abus de pouvoir. Elle soutient qu’il s’agit de négligence grave.

23 Le Tribunal conclut que l’examen comportait bel et bien des erreurs, mais que la plaignante n’a pas démontré en quoi ces erreurs avaient nui à sa candidature ou au processus en général. La plaignante a obtenu le maximum de points pour la question 2A-C). En ce qui concerne la question 6, il ressort du témoignage non réfuté de l’intimé que la note obtenue par la plaignante est attribuable à une réponse incomplète. L’abus de pouvoir représente davantage que de simples erreurs ou omissions (voir décision Tibbs, para. 65). Le Tribunal estime que ces erreurs ne sont pas suffisamment graves pour constituer un abus de pouvoir.

24 Rien ne prouve que la plaignante ait été induite en erreur par les questions dans leur ensemble ou séparément. En outre, rien dans le dossier ne prouve que celle-ci ait fait part de ses préoccupations au moment de l’examen, ni qu’il y ait eu un lien entre ses préoccupations et sa capacité à répondre aux questions. La plaignante n’a pas établi que les erreurs aux questions 2A-C) et 6 avaient eu une incidence sur sa capacité à répondre aux autres questions de l’examen ou avaient donné lieu à un résultat inéquitable. La plaignante n’est peut-être pas satisfaite de l’issue du processus de nomination, mais elle n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir.

25 Bien que les erreurs contenues dans l’examen soient regrettables, elles ne sont pas suffisamment graves en soi pour constituer un abus de pouvoir. La plaignante n’a pas démontré qu’elles avaient nui à son rendement à l’examen ou à son évaluation à un point tel qu’on en déduirait qu’il y a eu abus de pouvoir. Il ne lui suffit pas de souligner les erreurs : il lui faut également démontrer en quoi celles‑ci ont eu un effet préjudiciable sur son rendement.

26 Dans les circonstances, le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas fourni de preuve d’abus de pouvoir au sens de l’art. 77(1)a) de la LEFP.


Décision

27 Pour les motifs qui précèdent, la plainte est rejetée.


Joanne B. Archibald

Membre


Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2009-0596/0597/0613
Intitulé de la cause :
Livia Steindl et le sous‑ministre de Santé Canada
Audience :
6 décembre 2010
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
22 décembre 2010

COMPARUTIONS

Pour la plaignante :
Livia Steindl
Pour l'intimé :
Josh Alcock et Alison Sephton
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