Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

À la suite de la mise en disponibilité de la fonctionnaire s’estimant lésée, l’employeur a calculé son indemnité de départ d’après le salaire de son poste d'attache, classifié IS-01 - elle a déposé un grief alléguant que les calculs de l’employeur auraient dû être effectués d’après le niveau de salaire du poste classifié IS-02 qu'elle occupait de façon temporaire à ce moment-là - l'arbitre de grief a déterminé que la convention collective était ambiguë en ce qui concerne le taux de paye à appliquer dans de telles circonstances - elle a également déterminé que la politique de l’employeur relativement aux conditions d’emploi prévoit que l’indemnité de départ doit être calculée à l’aide du taux de paye du poste d’attache de l’employé - étant donné que la fonctionnaire s’estimant lésé a reconnu lors de l’arbitrage du grief que la convention collective n'avait pas été violée, l’arbitre de grief a résolu la question d’ambiguïté dans la convention collective conformément à la politique de l’employeur relativement aux conditions d'emploi. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-08-12
  • Dossier:  566-09-5142
  • Référence:  2011 CRTFP 104

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JUDY A. LETOURNEAU

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

employeur

Répertorié
Letourneau c. Conseil national de recherches du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Pierre Ouellet, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Joe Grebenc, Conseil national de recherches du Canada

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 20 avril, le 18 mai et les 2 et 10 juin 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1  Judy A. Letourneau, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») travaillait pour le Conseil national de recherches du Canada (CNR ou « l’employeur »), à un poste IS-01, à titre d’adjointe aux communications, mais occupait un poste intérimaire d’agent de communications subalterne, classé IS-02, au moment de sa mise en disponibilité. Elle conteste le fait que son indemnité de départ lors de sa mise en disponibilité a été calculée en fonction de son poste d’attache IS-01 au lieu de son poste intérimaire IS-02, en violation de l’article 33 (Politique sur le réaménagement des effectifs) de la convention collective entre l’employeur et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « syndicat ») visant l’unité de négociation du groupe Services d’information (IS), la date d’échéance de la convention étant le 20 juin 2011  (la « convention collective »).

2 L’employeur et le syndicat ont convenu que ce grief devrait être réglé par la production d’arguments écrits suivant un calendrier dont ils ont convenu plutôt que dans le cadre d’une audience.

II. Résumé de la preuve

3 Les parties ont produit un exposé conjoint des faits, énonçant ce qui suit :

[Traduction]

  1. Judy Létourneau a occupait un poste d’attache au niveau IS 1 auprès du Conseil national de recherches du Canada (CNR). Elle travaillait à l’Institut canadien de l'information scientifique et technique (ICIST) jusqu’au moment de sa mise en disponibilité le 31 août 2010. Elle travaillait pour la fonction publique fédérale depuis le 23 juin 1975.

  2. Mme Létourneau a accepté une entente d’affectation à l’interne […] à un poste intérimaire au groupe et niveau IS 2 commençant le 1er septembre 2008 et se terminant le 31 mars 2010. L’entente confirme qu’à la fin de cette affectation, Mme Létourneau devait reprendre ses fonctions au groupe et niveau IS 1 dont elle était titulaire avant l’affectation. Le 15 décembre 2009, Mme Létourneau a été avisée que le poste IS 2 était maintenu pendant la transition et qu’elle continuerait à occuper ce poste jusqu’au 31 août 2010.

  3. Mme Létourneau est membre de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) et est visée par la convention collective du groupe des Services d’information (IS) conclue entre le CNR et l’IPFPC et ayant comme date d’expiration le 20 juin 2011.

  4. La clause 33.01 de la convention collective des Services d’information conclue entre le CNR et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada dont la date d’expiration est le 20 juin 2011 prévoit notamment ce qui suit :

    « La Politique sur le réaménagement des effectifs du CNRC fait partie de la présente convention collective et devra être révisée et négociée par les signataires à la politique conformément aux modalités décrites dans la politique. »

  5. Mme Létourneau a été mise en disponibilité conformément à la Politique sur le réaménagement des effectifs du CNR qui s’applique « à tous les employés en service continu ».

  6. La clause 3.6.2.14 de la Politique sur le réaménagement des effectifs du CNR, énoncé au Manuel des ressources humaines du CNR, prévoit ce qui suit :

    « Cette politique du CNR est réputée faire partie de toutes les conventions collectives entre les parties, et les employés y ont un accès sans entrave. »

  7. La clause 3.6.16.1 de la Politique sur le réaménagement des effectifs du CNR prévoit ce qui suit :

    « L’employé a droit à une indemnité de départ lors de sa mise en disponibilité suivant les modalités prévues à la convention collective pertinente ou au régime de rémunération pertinent (pour les employés non représentés). »

  8. L’article 26 de la convention collective des employés du groupe des Services d’information conclue entre le CNR et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada prévoit les modalités suivantes en cas de mise en disponibilité :

    ARTICLE 26 – INDEMNITÉ DE DÉPART

    26.01 Pour fixer le montant de l’indemnité de départ dû à un employé en vertu de la présente clause, on enlèvera de ses années de service continu les périodes de service continu pour laquelle il aura déjà reçu, de la fonction publique, d’une société d’État, des Forces armées canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada, une indemnité de départ, des congés de départ, des congés de réhabilitation ou une gratification en espèces en tenant lieu. En aucun cas, les indemnités de départ prévues à l’Article 26 ne sont cumulées.

    26.02 Mise en disponibilité

    Si le Conseil décide qu’il faut mettre en disponibilité un ou plusieurs employés, les parties conviennent qu’elles se consulteront avant la mise en application des procédures de mise en disponibilité.

    26.03 Un employé qui compte un (1) an ou plus d’emploi continu à son actif et qui est mis en disponibilité a droit à une indemnité de départ aussitôt que possible après sa mise en disponibilité.

    26.04 Sous réserve du paragraphe 26.01, dans le cas de la première mise en disponibilité de l’employé, l’indemnité de départ est de deux (2) semaines de rémunération pour la première année d’emploi continu, et d’une (1) semaine de rémunération pour chacune des années suivantes d’emploi continu et, dans le cas d’une année partielle d’emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d’emploi continu et divisée par 365.

    26.05 Sous réserve du paragraphe 26.01, dans le cas d’une mise en disponibilité subséquente, le montant de l’indemnité de départ est une (1) semaine par année complète d’emploi continu et, dans le cas d’une année partielle d’emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d’emploi continu et divisée par 365, moins toute période pour laquelle il a déjà reçu une indemnité de départ au terme de 26.04 ci-dessus.

  9. La clause 26.11 de la présente convention collective du groupe des IS prévoit ce qui suit :

    26.11 Le taux de rémunération hebdomadaire dont il est question dans les clauses ci-dessus est le taux de rémunération auquel a droit l’employé conformément à sa classification à la date de sa cessation d’emploi.

  10. Dans une correspondance en date du 6 juillet 2010, Mme Létourneau a été avisée que son poste d’attache au groupe et niveau IS 1 avait été classé comme étant un poste excédentaire en fonction des besoins.

  11. Mme Létourneau a été mise en disponibilité le 31 août 2010 et a reçu une indemnité de départ établie en fonction du taux de rémunération hebdomadaire de son poste d’attache classé au groupe et niveau IS 1.

  12. Mme Létourneau a déposé un grief en date du 10 septembre 2010, énonçant ce qui suit :

     « Ce grief vise à contester la décision du Conseil national de recherches de fonder le calcul de l’indemnité de départ liée au réaménagement des effectifs sur le taux de mon poste d’attache au groupe et niveau IS-1 et non sur le taux du poste au groupe et niveau IS-2 que j’occupais de manière continue, à titre intérimaire, depuis les deux (2) dernières années. »

  13. Mme Létourneau a demandé la mesure corrective suivante :

     « Je demande que l’indemnité de départ liée au réaménagement des effectifs à laquelle j’ai droit soit calculée en fonction du poste au groupe et niveau IS-2 que j’occupe de manière continue, à titre intérimaire, depuis les deux (2) dernières années, et non en fonction de mon poste d’attache au groupe et niveau IS-1. Je demande une mesure corrective intégrale à tous égards. »

  14. Le grief de Mme Létourneau a été rejeté au premier palier de la procédure de règlement des griefs. Dans la lettre de réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs, datée du 21 octobre 2010, il est souligné que conformément au Manuel des ressources humaines du CNR (paragraphe 5.3.13.10.2), à moins de disposition contraire dans la convention collective, le taux de rémunération qui s’applique au paiement d’une indemnité, notamment d’une indemnité de départ, est le taux de rémunération du poste d’attache de l’employé.

    Le paragraphe 5.3.13.10 prévoit ce qui suit :

    « 5.3.13.10

    Paiements et remboursements  

    5.3.13.10.1

    Pour les employés et les employés non représentés, se reporter au paragraphe 5.3.13.10.2.

    5.3.13.10.2

    À moins de disposition contraire dans la convention collective ou le régime de rémunération, le taux de rémunération auquel le CNR calculera les paiements à un employé ou les remboursements réclamés d’un employé, sera établi comme suit :

    1. le taux de rémunération sera le taux du poste d’attache de l’employé que celui-ci touche ou toucherait sauf à titre intérimaire, en ce qui a trait :
      • à une indemnité de départ;
      • au paiement des congés annuels;
      • au remboursement par l’employé des congés annuels ou congés de maladie accordés au-delà de ses crédits à ce titre (lors d’un congédiement ou d’un licenciement);
      • à un montant forfaitaire en lieu de préavis;
      • à un employé réinséré;
      • à une indemnité de congé de maternité.
    2. le taux de rémunération sera le taux auquel l’employé était rémunéré lorsqu’il effectuait des heures supplémentaires, en ce qui a trait :
      • au paiement des crédits de congés compensatoires (selon le principe du premier congé acquis, premier congé compensé). »
    3. Le grief a également été rejeté au deuxième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs, étant alors souligné que la politique et les procédures du CNR en matière de ressources humaines établissaient clairement que le niveau de classification du poste d’attache de l’employé devait servir de fondement au calcul de l’indemnité liée au réaménagement des effectifs.
    4. Le grief a été renvoyé pour règlement au deuxième et denier palier le 26 octobre 2010.
    5. La réponse du dernier palier a été communiquée le 18 janvier 2011, et l’affaire a été renvoyée à l’arbitrage le 18 février 2011.

[…]

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

4 Le syndicat a souligné que la fonctionnaire avait accompli les fonctions d’un titulaire d’un poste IS-04 depuis au moins quatre ans avant sa mise en disponibilité, et qu’il y avait d’ailleurs eu des discussions entre l’employeur et la fonctionnaire au sujet de la révision de la description d’emploi et de la classification de son poste d’attache. Malgré ces discussions, aucune mesure n’a été prise pour reclassifier son poste avant sa mise en disponibilité.

5 Le syndicat a soutenu que l’employeur affectait la fonctionnaire à des tâches au-dessus de son niveau de classification et qu’il était parfaitement au courant qu’elle s’acquittait de fonctions au-delà de celles prévues pour son poste d’attache IS-01. Les superviseurs de la fonctionnaire l’ont vivement incitée à demander une révision de sa classification. Aussi, puisqu’elle croyait que son désir d’obtenir une classification plus élevée jouissait de l’appui de ses supérieurs, elle n’a pas jugé nécessaire de présenter un grief portant sur sa description d’emploi ou sur sa classification.

6 Bien que la fonctionnaire ait activement cherché à faire reclasser son poste par des pourparlers à cet égard avec son employeur, on l’a avisé plutôt en 2008 ou en 2009 qu’en raison d’un réaménagement imminent des effectifs, il n’était plus possible de reclasser son poste. Elle avait néanmoins obtenu une affectation à titre intérimaire à un poste de niveau IS-02 à compter du 1er septembre 2008.  

7 Le syndicat a fait valoir que si l’employeur avait agi de manière expéditive à l’égard de la demande de reclassification de la fonctionnaire et si elle avait effectivement obtenu sa reclassification, elle aurait reçu une indemnité de départ correspondant à un poste de niveau IS-02 plutôt que d’un poste de niveau IS-01.

8 Le syndicat a admis que la convention collective est muette en ce qui a trait aux indemnités de départ touchant les nominations à titre intérimaire, alors que la politique de l’employeur prévoit les modalités et conditions régissant le calcul des indemnités de départ dans le cas d’une affectation intérimaire. Le syndicat a concédé qu’en vertu de ces documents, la fonctionnaire n’aurait pas droit à une indemnité de départ calculée en fonction de son poste intérimaire.   

9 En dépit de cela, le syndicat a fait valoir que l’affectation de la fonctionnaire à ce poste intérimaire démontrait que l’employeur reconnaissait par là qu’elle accomplissait des fonctions à un niveau plus élevé que celles de son poste d’attache IS-01, et que cela aurait dû être reconnu également dans le calcul de son indemnité de départ. Le syndicat a fait valoir que la reconnaissance explicite du travail accompli par la fonctionnaire équivalait à une attestation de nomination à un poste de niveau IS-02. À cet égard, le syndicat a cité Parent c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Section de l’impôt), dossier de la CRTFP 166-02-27675 (19970714).

B. Pour l’employeur

10 L’employeur a fait valoir que la seule question à trancher dans cette affaire est celle du taux de rémunération approprié devant servir à calculer l’indemnité de départ de la fonctionnaire. La convention collective, la Politique sur le réaménagement des effectifs ainsi que les modalités et conditions d’emploi de l’employeur militent toutes en faveur de la position de l’employeur voulant que le taux de rémunération du poste d’attache IS-01 de la fonctionnaire est le taux approprié aux fins du calcul de son indemnité de départ.

11 L’employeur a noté qu’il n’avait pas été contesté à l’époque de sa mise en disponibilité le 31 août 2010 que son poste d’attache était un poste IS-01 et qu’elle avait alors obtenu le versement de l’indemnité de départ calculée en fonction de son poste d’attache, tel que prévu à la convention collective et au paragraphe 5.3.13.10.2 du Manuel des ressources humaines de l’employeur, lequel énonce les modalités et conditions d’emploi. 

12 L’employeur a souligné qu’il est pratique courante et conforme aux politiques à cet égard de calculer les indemnités de départ en fonction du poste d’attache de l’employé, à moins d’indication contraire dans la convention collective pertinente. Or, en l’instance, la convention collective ne contient aucune disposition à l’effet contraire. L’employeur a signalé que le syndicat concédait par ailleurs que rien dans la convention collective ne pouvait appuyer quelque prétention voulant que le calcul de l’indemnité de départ puisse être établi en fonction d’un critère autre que celui du poste d’attache de l’employé.

13 L’employeur a soutenu qu’un arbitre de grief doit interpréter le libellé de la  convention collective suivant son sens ordinaire, ce qui signifie suivant l’intention des parties à la convention collective telle qu’elle se dégage de la signification évidente du libellé qu’ils ont employé pour rédiger la clause pertinente. Interpréter le libellé en s’éloignant de ce principe pourrait résulter en une modification du sens de la convention collective, un impair que ne peut commettre un arbitre de grief. En l’occurrence, la convention collective est très claire.  

14 L’employeur a soutenu également qu’une clause comme celle se rapportant à une indemnité de départ, conférant un avantage financier à une personne, doit clairement manifester l’intention des parties. Or, si les parties à la convention collective avaient eu l’intention de fonder le calcul de l’indemnité de départ sur un taux de rémunération différent, il aurait fallu employer un libellé clair et simple à cet égard. À titre d’exemple, l’employeur a fait référence au libellé employé dans une convention collective visant une autre unité de négociation avec laquelle il transige, ce libellé précisant clairement que le calcul de l’indemnité de départ doit être établi en utilisant un taux de rémunération différent de celui du poste d’attache. Or, on ne retrouve pas un tel libellé dans la convention collective visant la fonctionnaire.

15 L’employeur a fait valoir qu’en fait le syndicat tentait de changer la nature du grief, en alléguant que l’employeur aurait dû reconnaître la prise en charge par la  fonctionnaire de fonctions au-delà de sa description d’emploi de niveau IS-01 en lui accordant une reclassification. Le grief devant moi ne porte pas sur la reclassification du poste, sur la nature du travail ni sur la rémunération à verser pour un poste intérimaire, et donc les prétentions du syndicat au sujet de la prise en charge par la fonctionnaire de fonctions au-delà de sa description d’emploi ne sont pas pertinentes. La fonctionnaire a assumé la suppléance en affectation temporaire à un poste de niveau IS-02. Il n’est pas question ici d’une nomination et il n’y a aucune documentation pouvant laisser entendre qu’il s’agissait d’une nomination autre qu’une nomination à titre intérimaire. Par conséquent, Parent n’est pas pertinente à cette affaire.

C. Réplique du syndicat

16 Le syndicat a réitéré que, étant donné la convention collective et les modalités et conditions d’emploi de l’employeur, la fonctionnaire comprenait qu’elle ne pouvait réclamer une indemnité de départ en fonction d’un poste intérimaire IS-02. La demande de la fonctionnaire se fonde plutôt sur sa prétention que l’employeur aurait dû agir en temps utile afin de reconnaître le fait qu’elle s’acquittait de fonctions d’un poste de niveau IS-02 ou supérieur, et ce pendant quelques années déjà. Bien que la fonctionnaire n’ait pas déposé de grief portant sur la classification de son poste ou sur sa description de travail, l’employeur était certainement au courant de ses préoccupations au sujet de la classification de son poste. La fonctionnaire n’aurait donc pas dû être pénalisée parce que l’employeur avait omis d’agir de façon diligente sur la question de la classification de son poste.

IV. Motifs

17 Ce grief porte sur le taux de rémunération devant servir à calculer l’indemnité de départ à verser à la fonctionnaire en raison de sa mise en  disponibilité. Le syndicat a allégué que l’employeur aurait dû calculer l’indemnité de départ selon le taux de rémunération du poste qu’elle occupait à titre intérimaire immédiatement avant sa mise en disponibilité, et non en fonction de son poste d’attache. Au moment de sa mise en disponibilité le 31 août 2010, elle occupait à titre intérimaire, depuis le 1er septembre 2008, un poste subalterne d’agent de communications, classé IS-02. Son poste d’attache était un poste d’adjointe aux communications, classé IS-01. Par souci de commodité, je rappelle ici le libellé de son grief :

[Traduction]

« Ce grief vise à contester la décision du Conseil national de recherches de fonder le calcul de l’indemnité de départ liée au réaménagement des effectifs sur le taux de mon poste d’attache au groupe et niveau IS-1 et non sur le taux du poste au groupe et niveau IS-2 que j’occupais de manière continue, à titre intérimaire, depuis les deux (2) dernières années. »

18 Bien que le grief ne précisait pas l’article de la convention collective en cause, il est indiqué dans le renvoi à l’arbitrage que la fonctionnaire estimait qu’il y avait eu violation de l’article 33 de la convention collective (Politique sur le réaménagement des effectifs). L’article 33 se lit comme suit :

Article 33 – Politique sur le réaménagement des effectifs

33.01 La Politique sur le réaménagement des effectifs du CNRC fait partie de la présente convention collective et devra être révisée et négociée par les signataires à la politique conformément aux modalités décrites dans la politique.

19 La Politique sur le réaménagement des effectifs, à laquelle renvoie l’article 33 de la convention collective, énonce les rôles et responsabilités de chacun ainsi que les conditions régissant la réduction des effectifs, les employés excédentaires et le processus de mise en disponibilité au CNR. Elle précise en outre les modalités régissant le versement des indemnités de départ aux employés à l’occasion de leur mise en disponibilité. À cet égard, le paragraphe 3.6.13.1 de la Politique sur le réaménagement des effectifs énonce ce qui suit :

3.6.13.1 Un employé dont le poste est désigné excédentaire a le droit de recevoir une indemnité de départ de mise en disponibilité selon les modalités suivantes :

  • une période de préavis de vingt (20) semaines plus une semaine pour chaque année de service continu ou partie d’année de service;
  • une indemnité d’aide au replacement équivalent à huit (8) semaines de rémunération ou 8000 $, selon le plus élevé de ces montants;
  • une indemnité de départ lors de la mise en  disponibilité selon les modalités prévues à la convention collective pertinente ou au régime de rémunération pertinent (dans le cas d’un employé non représenté).

Le montant maximal du total des indemnités auquel un employé excédentaire a droit en vertu de cette politique ne peut être supérieur à un montant correspondant à soixante-dix (70) semaines de rémunération. Dans les cas où l’employé excédentaire a choisi de recevoir un montant de 8000 $ au lieu de huit (8) semaines de rémunération à titre d’indemnité de replacement, ce montant de 8000 $ est réputé représenter huit (8) semaines de rémunération aux fins de l’établissement du maximal total précité de soixante-dix (70) semaines.

20 La convention collective énonce des modalités régissant l’indemnité de départ en cas de mise en disponibilité. Les clauses pertinentes au calcul de l’indemnité sont les suivantes :

[…]

ARTICLE 26 – INDEMNITÉ DE DÉPART

26.01 Pour fixer le montant de l’indemnité de départ dû à un employé en vertu de la présente clause, on enlèvera de ses années de service continu les périodes de service continu pour laquelle il aura déjà reçu, de la fonction publique, d’une société d’État, des Forces armées canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada, une indemnité de départ, des congés de départ, des congés de réhabilitation ou une gratification en espèces en tenant lieu. En aucun cas, les indemnités de départ prévues à l’Article 26 ne sont cumulées.

[…]

26.04 Sous réserve du paragraphe 26.01, dans le cas de la première mise en disponibilité de l’employé, l’indemnité de départ est de deux (2) semaines de rémunération pour la première année d’emploi continu, et d’une (1) semaine de rémunération pour chacune des années suivantes d’emploi continu et, dans le cas d’une année partielle d’emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d’emploi continu et divisée par 365.

26.05 Sous réserve du paragraphe 26.01, dans le cas d’une mise en disponibilité subséquente, le montant de l’indemnité de départ est une (1) semaine par année complète d’emploi continu et, dans le cas d’une année partielle d’emploi continu, une (1) semaine de rémunération multipliée par le nombre de jours d’emploi continu et divisée par 365, moins toute période pour laquelle il a déjà reçu une indemnité de départ au terme de 26.04 ci-dessus.

[…]

26.11 Le taux de rémunération hebdomadaire dont il est question dans les clauses ci-dessus est le taux de rémunération auquel a droit l’employé conformément à sa classification à la date de sa cessation d’emploi […]

[…]

21 La question à trancher en l’espèce m’apparaît comme étant relativement claire : quel est le taux de rémunération devant être utilisé pour calculer l’indemnité de départ de la fonctionnaire? Tant la Politique sur le réaménagement des effectifs que l’article 26 (Indemnité de départ) de la convention collective se reportent à la notion de « semaines de rémunération » à titre d’unité de base devant servir au calcul de l’indemnité. La question consiste donc à savoir si les « semaines de rémunération » sont calculées en fonction du taux de rémunération du poste d’attache de la fonctionnaire ou de son poste intérimaire.

22 La Politique sur le réaménagement des effectifs ne définit pas la notion de « semaines de rémunération », mais la convention collective évoque cette définition. En effet, la clause 2.01u) de la convention collective définit le « taux de rémunération hebdomadaire » comme étant « […] le taux de rémunération annuel de l’employé divisé par 52,176 […] ». La clause 26.11, définissant le « taux de rémunération hebdomadaire » dans le contexte de l’indemnité de départ, énonce qu’il s’agit du « […] le taux de rémunération auquel a droit l’employé conformément à sa classification à la date de sa cessation d’emploi […]». Or, la clause 26.11 ne précise pas que la classification à la date de la cessation d’emploi de l’employé est la classification du poste d’attache de l’employé. Par ailleurs, les dispositions portant sur la rémunération (clause 13.02) et la rémunération d’intérim (clause 14.01) stipulent que les employés ont droit à une rémunération au taux de rémunération de la classification du poste auquel ils sont nommés et que, lorsque les employés s’acquittent de tâches d’un poste plus élevé que celui qu’ils occupent, ils ont droit à une rémunération calculée au taux de rémunération calculé comme s’ils avaient été nommés à ce niveau supérieur pour la période durant laquelle ils occupent ce poste par intérim. À mon avis, il est à tout le moins possible de prétendre que, lorsque la convention collective emploie le terme « classification » à la clause 26.11, cela signifie la classification du poste que l’employé occupe effectivement au moment de la cessation d’emploi.   

23 D’autres dispositions de la convention collective ayant trait à l’indemnité à verser lors d’une cessation d’emploi précisent effectivement le taux de rémunération devant servir au calcul de l’indemnité. Malheureusement, il n’existe aucune cohérence interne dans la formulation des dispositions à cet égard qui me seraient utiles aux fins d’établir l’intention des parties à la convention collective lorsqu’elles emploient l’expression « semaines de rémunération » dans les dispositions portant sur l’indemnité de départ. À titre d’illustration, les dispositions portant sur le report des congés annuels (clause 17.06) énoncent que les crédits de congé annuel acquis mais non utilisés reportés « […] seront payés à la fin de l’année financière au taux quotidien de son poste d’attache [je souligne] ». Par ailleurs, la convention collective prévoit également que les congés non utilisés à la cessation d’emploi de l’employé (clause 17.09) sont payés « […] en multipliant le nombre de jours de congés non utilisés par le taux de rémunération journalière applicable à l’employé juste avant la cessation de son emploi [je souligne] ».  

24 C’est sans hésitation que j’arrive à la conclusion que le libellé de l’article 26 (Indemnité de départ) de la convention collective servant à déterminer le fondement du calcul de l’indemnité de départ est ambigu. Dans d’autres circonstances, une telle ambiguïté pourrait se résoudre en appréciant une preuve extrinsèque comme l’historique des négociations ou la pratique passée en la matière. Or, en l’occurrence, les parties ont convenu que la politique de l’employeur énonçant les conditions d’emploi, une politique unilatérale établie par l’employeur, stipule à juste titre que le taux de rémunération pour le calcul de l’indemnité de départ dont il est question à l’article 26 de la convention collective est le taux de rémunération du poste d’attache de l’employé. Le syndicat a également convenu qu’en raison du libellé de la politique de l’employeur sur les conditions d’emploi et aussi de la convention collective, la fonctionnaire n’a pas droit de réclamer une indemnité de départ d’un poste au niveau IS-02. Je crois qu’il est à propos de répéter ici un extrait de l’argumentation du syndicat portant sur cette question :

[Traduction]

[…]

La position de la fonctionnaire s’estimant lésée et de son représentant est effectivement que l’indemnité de départ appropriée reçue par Mme Letourneau dans le cadre du réaménagement des effectifs en septembre 2010 aurait dû être établie en fonction du taux de rémunération du poste intérimaire occupé par la fonctionnaire s’estimant lésée et non en fonction de son poste d’attache IS-1, et cela malgré les dispositions énoncées à cet égard dans la convention collective des IS et dans les conditions d’emploi du CNR […] la fonctionnaire s’estimant lésée et son représentant ont confirmé que, en se fondant sur les documents précités, la fonctionnaire s’estimant lésée ne peut se prévaloir d’une indemnité de départ établie en fonction d’un poste de niveau IS-2 […]

[…]

25 Compte tenu de la position exprimée par le syndicat, je dois conclure que toute ambiguïté du libellé de la convention collective au sujet de l’indemnité de départ est résolue par son accord voulant que l’intention de ce libellé était de faire en sorte que le versement d’une indemnité de départ devait être fondé sur le taux de rémunération du poste d’attache d’un employé.

26 Ayant convenu que la convention collective ne donne pas droit à l’indemnité réclamée par la fonctionnaire, j’ai de la difficulté à concevoir sur quelle base le syndicat peut estimer que la fonctionnaire pourrait avoir droit à une indemnité de départ établie en fonction du niveau de son poste intérimaire. Bien que je puisse comprendre que la fonctionnaire et le syndicat estiment que son poste aurait dû être reclassé et que l’employeur se soit traîné les pieds à cet égard, le grief ne porte pas sur la classification du poste et, bref, je n’ai pas compétence pour entendre un grief portant sur la classification d’un poste. L’employeur a reconnu que la fonctionnaire s’acquittait de tâches à un niveau supérieur que celui de la classification de son poste d’attache et lui a effectivement versé une rémunération d’intérim. Personne ne conteste ces faits. Cependant, tel qu’il apparaît clairement, en vertu de la convention collective, l’indemnité de départ n’est pas établie en fonction du taux de rémunération du poste intérimaire d’un employé.

27 Le syndicat a cité Parent, suggérant que cette décision soutient la proposition suivant laquelle la reconnaissance explicite du travail accompli à un niveau plus élevé que celui du poste d’attache d’un employé équivaut à une attestation de nomination et que, par conséquent, l’indemnité de départ d’un tel employé devrait être établie en fonction du taux de rémunération du poste intérimaire. Or, le libellé de la convention collective en cause dans Parent était différent, alors qu’on y prévoit que l’indemnité de départ d’un employé serait établie en fonction du taux de rémunération hebdomadaire du poste décrit dans l’attestation de nomination de l’employé. La question en litige dans Parent était à savoir si la lettre de nomination à un poste intérimaire pour une période de moins de quatre mois équivalait à une attestation de nomination. Cela n’est pas l’enjeu en l’espèce et, par conséquent, Parent ne m’est d’aucun secours.

28 Ma compétence dans le cas d’un grief individuel renvoyé à l’arbitrage est circonscrite par les dispositions du paragraphe 209(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La compétence dans la présente affaire m’est dévolue uniquement parce qu’il s’agit d’un grief individuel alléguant une violation de l’article 33 (Politique sur le réaménagement des effectifs) de la convention collective à l’égard de la fonctionnaire. Étant donné la déclaration du syndicat voulant que, selon la  convention collective, la fonctionnaire n’a pas droit à une indemnité de départ fondée sur le taux de rémunération de son poste intérimaire, le grief doit être rejeté.

29 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

30 Le grief est rejeté.

Le 12 août 2011.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.