Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué ne pas avoir été rémunéré correctement pour un travail effectué un jour férié désigné payé (JFDP) - il a demandé à être rémunéré conformément à la clause 28.06e) de la convention collective et d’autres décisions d’arbitrage antérieures - le fonctionnaire s’estimant lésé était un travailleur de quarts dont les quarts étaient de durée variable - il a soutenu avoir le droit d’être rémunéré à raison de 18heures pour un quart de 12 heures effectué un JFDP - l’employeur a affirmé qu’il n’avait droit qu’à 14heures de rémunération - l’arbitre de grief a rejeté l’affirmation de l’employeur selon laquelle un arbitre de grief n’avait pas la compétence requise - le fonctionnaire s’estimant lésé a expressément invoqué une contravention à la convention collective - le grief relève manifestement des dispositions de l'alinéa209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - l’employeur a reconnu qu’il reprenait des décisions antérieures d’arbitres de grief de la Commission, qu’il croyait avoir été tranchées incorrectement - les décisions antérieures sur une même affaire ne devraient être infirmées que si elles étaient tout simplement ridicules ou clairement irrationnelles, et l’employeur n’a pas su justifier cette infirmation - le fonctionnaire s’estimant lésé avait le droit d’être payé à tarif et demi pour ses 12 heures de travail. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-09-19
  • Dossier:  566-02-3386
  • Référence:  2011 CRTFP 111

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ROCH BAZINET

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

employeur

Répertorié
Bazinet c. Conseil du Trésor
(ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Joseph W. Potter, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Helen Nowak, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Allison Sephton, avocate

Affaire entendue à Ottawa, Ontario,
le 5 août 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Roch Bazinet, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), est membre de l’unité de négociation des Services d’exploitation et est classifié HP-05 (groupe Chauffage, force motrice et opération de machines fixes). Il est régi par la convention collective du groupe Services d’exploitation (pièce E-1, onglet A) entre le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« agent négociateur ») (date d’expiration : le 4 août 2007; la « convention collective »).

2 Le 7 novembre 2008, le fonctionnaire a déposé un grief voulant que l’employeur n’avait pas respecté les dispositions de la convention collective, le fonctionnaire alléguant qu’il n’avait pas été rémunéré correctement pour un travail effectué un jour férié désigné payé (JFDP). Il a demandé à être payé conformément à la convention collective. De plus, le fonctionnaire a mentionné trois décisions d’arbitrage de grief antérieures à l’appui de sa position. Le paragraphe 6 de l’« Énoncé conjoint des faits » (pièce E-1) se lit comme suit :

[Traduction]

6. Le 7 novembre 2008, M. Roch Bazinet a déposé un grief individuel alléguant que la rémunération qu’il a reçue quand il a été obligé de travailler lors d’un jour férié désigné payé (JFDP) était contraire aux dispositions de l’article 28, clause 28.06e) de la convention collective et contraire à l’interprétation de son libellé tel que déjà établi dans des décisions d’arbitrage de grief antérieures (King – 166-2-28332 et 28333, T-161-99; Breau et al. – 2003 CRTFP 65; Mackie – 2003 CRTFP 103) […]

3 Le fonctionnaire a témoigné qu’il est un travailleur de quarts et qu’il travaille 200 heures sur une période d’établissement du calendrier de 5 semaines. Ses heures de travail consistent en 7 quarts de jour de 12 heures, 7 quarts de nuit également de 12 heures et 4 quarts de travail de maintenance de 8 heures.

4 Les parties ont soumis un « Énoncé conjoint des faits » (pièce E-1). Les paragraphes 19 à 25 énoncent l’objet du conflit et se lisent comme suit :

[Traduction]

19. Le système d’administration de la paie de l’employeur prévoit annuellement l’émission de 26 chèques de paie bimensuels. En qualité de travailleur de quarts, M. Bazinet reçoit un chèque bimensuel représentant une rémunération pour 80 heures de travail, peu importe le nombre d’heures qu’il a réellement travaillé au cours de la période bimensuelle précédant cette rémunération. Cette rémunération est calculée à son taux horaire de rémunération pour une semaine de travail normale (40 heures).

20. En qualité de travailleur de quarts, M. Bazinet peut ne pas travailler 80 heures au cours de la période de deux semaines précédant sa rémunération bimensuelle. Il peut travailler plus ou moins que 80 heures dans cette période de deux semaines, cependant, au cours de son cycle de travail de 5 semaines, il travaille 200 heures, soit une moyenne de 40 heures par semaine. Les exemples suivants illustrent ces principes :

a) Exemple A : Pour les dates au calendrier du 11 août au 24 août, M. Bazinet serait payé pour 80 heures, même s’il ne travaillerait que 68 heures.

b) Exemple B : Pour les dates au calendrier du 25 août au 7 septembre, M. Bazinet serait payé 80 heures, même s’il travaillerait 84 heures.

21. La clause 28.06e) de la convention collective prévoit ce qui suit à l’égard des JFDP pour les travailleurs de quarts :

«(i) Un jour férié désigné payé correspond à un jour de travail normal indiqué à l'appendice particulière au groupe visé.

(ii) L'employé-e qui travaille un jour férié désigné payé est rémunéré, en plus de la rémunération versée pour les heures précisées au sous-alinéa (i), au tarif et demi (1 1/2) jusqu'à concurrence des heures normales de travail prévues à son horaire et au tarif double (2) pour toutes les heures additionnelles qu'il ou elle effectue. »

22. Tout montant dû à M. Bazinet, y compris heures supplémentaires, primes de quart, rémunération provisoire, rémunération pour JFDP, etc., est payé par chèque supplémentaire (séparé) avec toute rémunération d’heures supplémentaires et primes de quart.

23. En ce qui a trait au JFDP qui est survenu le 4 août 2008, alors que M. Bazinet devait travailler et a travaillé 12 heures régulières, il a été rémunéré par chèque de paie séparé au montant équivalant à 14 heures.

24. Les calculs de l’employeur sont les suivants :

+8 heures payées (en vertu de l’alinéa 28.06e)(i)) +8 heures
+12 heures au tarif de 1,5 (en vertu de l’alinéa 28.06e)(ii)) +18 heures
Montant total dû pour le JFDP :  = 26 heures
Les 12 heures déjà payées à l’employé dans
le chèque de paie bimensuel de 80 heures sont ensuite
soustraites de ce montant 
- 12 heures
Montant total payé dans le chèque séparé : 14 heures

25. Le fonctionnaire s’estimant lésé conteste les calculs de l’employeur et affirme plutôt que les  calculs adoptés dans les décisions Mackie, King et Breau devraient s’appliquer. Voici ces calculs :

+8 heures payées (en vertu de l’alinéa 28.06e)(i)) +8 heures
+12 heures au tarif de 1,5 (en vertu de l’alinéa 28.06e)(ii)) +18 heures
Montant total dû pour le JFDP : = 26 heures
Les 8 heures déjà payées à l’employé dans
le chèque de paie bimensuel de 80 heures sont ensuite
soustraites de ce montant
- 8 heures
Montant total à payer dans le chèque séparé : 18 heures

5 Dans son exposé introductif, l’employeur a présenté l’argument que cette affaire n’est pas de la compétence d’un arbitre de grief, parce qu’il n’y a pas eu violation de la convention collective, mais qu’il s’agit simplement d’une question d’administration de la paie. Par ailleurs, l’agent négociateur a déclaré que la convention collective avait été violée.

6 Le conflit se résume à savoir le montant de la rémunération que M. Bazinet aurait dû recevoir pour avoir travaillé 12 heures lors d’un jour férié désigné payé (JFDP). Tout travail effectué lors d’un JFDP doit être rémunéré à temps et demi et payé par chèque distinct. L’agent négociateur fait valoir que M. Bazinet aurait dû recevoir l’équivalent de 18 heures de paie, alors que l’employeur soutient que M. Bazinet devrait recevoir l’équivalent de 14 heures de paie. La méthode utilisée par chaque partie pour calculer le montant réclamé se trouve aux paragraphes 24 et 25 de l’« Énoncé conjoint des faits » susmentionné.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

7 La pratique de l’employeur consistant à déduire quatre heures de rémunération va à l’encontre de la jurisprudence et viole la convention collective. La décision dans King c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise), dossiers de la CRTFP 166-02-28332 et 28333 (19990819), a été maintenue tant par la Cour fédérale que par la Cour d’appel fédérale. Dans King, l’arbitre de grief a corroboré la position de l’agent négociateur. Cette affaire était presque identique à la présente. Breau et al. c. Conseil du Trésor (Justice Canada) 2003 CRTFP 65, était aussi presque identique, et la position de l’agent négociateur a encore une fois été corroborée. Mackie c. Conseil du Trésor (Défense nationale), 2003 CRTFP 103 était identique sur presque tous ses aspects et, là encore, la position de l’agent négociateur a été corroborée. Ce cas est une reprise de Mackie, ce qui frustre le fonctionnaire. La question a déjà été tranchée.

8 L’employeur a allégué que le fonctionnaire avait été payé en trop quand il avait travaillé le JFDP et qu’il était donc nécessaire de faire une récupération de quatre heures de paie. Cette allégation est inexacte. Pour illustrer qu’il n’avait pas été payé en trop, le fonctionnaire a donné l’exemple de deux travailleurs de quarts de 12 heures appelés à travailler un JFDP. Chacun demande à être payé à tarif et demi pour toutes les heures travaillées, ce qui donne un total de 36 heures de paie. Si 3 employés travaillent 8 heures chacun un JFDP à tarif et demi, cela représente aussi un total de 36 heures de paie. Il n’y a pas de paiement en trop. L’employeur recouvre 4 heures de paie, privant les travailleurs de quarts de 12 heures de 4 heures de paie à tarif régulier.

B. Pour l’employeur

9 Les décisions des arbitres de grief dans King, Breau et al. et Mackie ont été tranchées incorrectement et un arbitre de grief est libre de suivre un cours différent parce que stare decisis (la règle du précédent) ne s’applique pas dans un tribunal administratif.

10 Il n’est pas contesté que le fonctionnaire avait droit de recevoir et a effectivement reçu une rémunération de 200 heures pour chaque 5 semaines de travail. Il a reçu un chèque supplémentaire pour avoir travaillé 12 heures un JFDP, consistant en 8 heures de paie pour le JFDP plus un tarif et demi supplémentaire pour toutes les heures travaillées (12 heures de travail multipliées par 0,5 soit un total de 6 heures). Par conséquent, son chèque supplémentaire était pour 14 heures. Le fonctionnaire a réclamé un tarif et demi pour les 12 heures, pour un total de 18 heures, mais les 4 heures extra étaient déjà comptées dans ses 200 heures payées.

11 À l’appendice D de la convention collective qui établit les dispositions spécifiques qui s’appliquent aux employés du groupe HP du fonctionnaire (pièce E-1, onglet A), la clause 2.05b) se lit comme suit :

2.05 Postes de douze (12) heures et autres horaires de travail variables

[…]

b) Nonobstant toute disposition expressément contraire dans la présente convention, la mise en œuvre de toute variation des heures de travail ne doit pas entraîner d'heures supplémentaires additionnelles ni de paiements additionnels résultant uniquement d'une telle variation et elle ne doit pas non plus être réputée contrevenir au droit que confèrent à l'Employeur les dispositions de la présente convention en ce qui concerne l'établissement des horaires de travail.

12 Verser au fonctionnaire la rémunération qu’il réclame violerait la convention collective parce qu’il recevrait ainsi plus d’argent que ce qui lui revient en droit.

13 Par ailleurs, la clause 30.03 de la convention collective interdit le cumul des paiements. Le paiement des 4 heures supplémentaires violerait cette clause.

14 L’article 28 de la convention collective traite de l’« Horaire de travail variable » et la clause 28.06e)(i) énonce ce qui suit : « Un jour férié désigné payé correspond à un jour de travail normal indiqué à l'appendice particulier au groupe visé.» La journée de travail normale est de huit heures.

15 Les dispositions de rémunération de travail un JFDP se trouvent à la clause 28.06e)(ii) de la convention collective (pièce E-1, onglet A) :

L'employé-e qui travaille un jour férié désigné payé est rémunéré, en plus de la rémunération versée pour les heures précisées au sous-alinéa (i), au tarif et demi (1 1/2) jusqu'à concurrence des heures normales de travail prévues à son horaire et au tarif double (2) pour toutes les heures additionnelles qu'il ou elle effectue.

16 Les employés qui travaillent des heures variables, comme le fonctionnaire, ont droit aux 8 heures pour le JFDP plus tarif et demi pour avoir travaillé leur quart de 12 heures. Étant donné que leur quart de 12 heures est inclus dans leur chèque de paie régulier, le chèque supplémentaire couvre le tarif supplémentaire de la demie auquel ils ont droit pour avoir travaillé un JFDP. Par conséquent, le chèque supplémentaire est 8 heures pour le JFDP plus 6 heures pour le demi-tarif, soit un total de 14 heures. Le libellé de la convention collective énonce clairement que c’est à quoi a droit le fonctionnaire.

17 L’employeur a soumis les décisions suivantes à l’appui de son interprétation : Arsenault et al. c. Agence Parcs Canada, 2008 CRTFP 17; Diotte c. Conseil du Trésor (Solliciteur général – Service correctionnel du Canada), 2003 CRTFP 74; Wallis c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 180; White c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2003 CRTFP 40.

C. Réfutation du fonctionnaire s’estimant lésé

18 La jurisprudence invoquée par l’employeur ne s’applique pas parce qu’aucun des cas mentionnés ne traite d’un employé qui a travaillé un JFDP. De plus, Arsenault et al. a été décidée incorrectement.

19 La clause 32.07a) de la convention collective (pièce E-1, onglet A) se lit comme suit :

32.07

a) L'employé-e qui travaille un jour férié est rémunéré au tarif et demi (1 1/2) pour toutes les heures effectuées jusqu'à concurrence des heures quotidiennes de travail précisées à l'appendice particulière au groupe visé et au tarif double (2) par la suite, en plus de la rémunération qu'il ou elle aurait reçue s'il ou elle n'avait pas travaillé ce jour-là.

(Nota : Bien que le grief fasse référence à la clause 32.07, cette clause semble s’appliquer aux employés ayant un horaire régulier. La référence exacte, notée dans l’énoncé conjoint des faits, est la clause 28.06).

20 Le fonctionnaire travaille des journées de 12 heures. Par conséquent, il a droit à un tarif et demi pour les 12 heures travaillées, soit un total de 18 heures de paie.

III. Motifs

21 Ce cas est intéressant du fait que j’ai rendu la décision dans Mackie en novembre 2003. L’employeur a déclaré que les faits dans Mackie et ceux dans le présent grief sont pratiquement identiques, mais que Mackie avait été tranchée incorrectement. À l’appui de sa position, l’employeur a cité un certain nombre de décisions, y compris Arsenault et al., que le représentant du fonctionnaire a déclaré avoir été tranchée incorrectement. Soit dit en passant, ceci démontre clairement que ce ne sont pas toutes les décisions finales et exécutoires qui sont jugées correctes.

22 Au début de l’audience, l’employeur a présenté l’argument qu’il n’était pas de ma compétence d’entendre cette affaire parce que la déduction de 4 heures de paie du fonctionnaire était simplement une mesure d’administration de la paie et non une question d’interprétation de la convention collective. L’agent négociateur n’était pas d’accord et je ne suis pas d’accord. Les deux parties ont cité plusieurs parties de la convention collective (pièce E-1) à l’appui de leurs points de vue, ainsi que la jurisprudence. De plus, le fonctionnaire allègue spécifiquement une violation d’une disposition de la convention collective. Ceci s’inscrit d’emblée, à mon avis, dans les dispositions de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui déclarent ce qui suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

23 L’employeur a reconnu qu’il reprenait Mackie qu’il croyait avoir été tranchée incorrectement. La décision s’appuyait sur les décisions King et Breau et al., portant encore une fois sur la même question. Dans Mackie, j’ai écrit ce qui suit, commençant au paragraphe 24 :

[24] Dans l'administration fédérale, les parties à un différend peuvent le renvoyer à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). Cet organisme indépendant instruit l'affaire dont il est saisi et rend une décision. Si l'une ou l'autre des parties n'y souscrit pas, elle peut la contester. À cette fin, elle doit s'adresser à la Cour fédérale. L'employeur a décidé d'interjeter appel de la décision King, supra, et la Cour d'appel fédérale a rejeté sa demande dans un arrêt daté du 7 mai 2002.

[25] Quelque 14 mois plus tard, la décision Breau, supra, a été rendue et la position de l'employeur sur la même question a de nouveau été rejetée. L'employeur a décidé de ne pas interjeter appel de cette décision-là.

[26] Aujourd'hui, environ trois mois et demi après la décision Breau, supra, je me fais poser la même question; l'employeur maintient fondamentalement que les décisionsKing et Breau, supra, n'étaient pas fondées et qu'une autre décision devrait être rendue pour y remédier.

[27] Bien qu'il soit reconnu que l'employeur et l'agent négociateur ont le droit de faire réentendre des questions, comme l'arbitre l'a déclaré dans Breau, supra, « la certitude, l'uniformité, la stabilité et la prévisibilité » sont des éléments extrêmement importants pour le maintien d'un climat de relations de travail sain. L'arbitre de griefs ne devrait donc s'écarter de la jurisprudence établie que s'il est convaincu qu'elle n'était pas fondée. La jurisprudence établie est-elle non fondée?

[28] Après avoir lu les décisions King et Breau, supra, où sont exposés de façon détaillée les calculs mathématiques très complexes avancés par les deux parties pour justifier leur position, on a bien l'impression que les détails nous feront damner. Plutôt que de reprendre ces calculs mathématiques complexes, je vais tenter d'expliquer autrement les motifs de ma décision.

[29] Avant de commencer cette explication, je tiens à préciser que j'ai pris connaissance des décisions Diotte et White, supra, et que j'ai conclu qu'elles ne s'appliquent pas en l'espèce. En effet, il s'agissait dans ces deux affaires d'heures que les fonctionnaires s'estimant lésés n'avaient pas travaillées, alors que c'est le contraire en l'espèce, puisque M. Mackie veut être payé pour des heures qu'il a travaillées.

[30] Les deux parties reconnaissent que, pour avoir travaillé un jour férié désigné payé, le fonctionnaire s'estimant lésé a droit en tout à 26 heures de paye.

[31] L'agent négociateur affirme que le chèque de paye normal du fonctionnaire est basé sur une journée de travail de 8 heures et que la rémunération à laquelle il a droit pour avoir travaillé un jour férié désigné payé doit être calculée à tarif et demi pour son poste de 12 heures. Il s'ensuit que le fonctionnaire a droit à 18 heures de paye en plus de son chèque de paye normal.

[32] L'employeur maintient quant à lui que le fonctionnaire travaille régulièrement à un poste de 12 heures et qu'il est payé en conséquence, de sorte qu'il a droit à 14 heures de paye de plus pour avoir travaillé 12 heures un jour férié désigné payé.

[33] Je pense que la clé de cette prétendue énigme se trouve à la clause 28.04 de la convention collective (pièce E-1), où l'on peut lire notamment ce qui suit :

[…] la mise en œuvre d’un horaire de travail différent ne doit pas entraîner des heures supplémentaires additionnelles ni une rémunération supplémentaire du seul fait du changement d’horaire […]

(c’est moi qui souligne)

[34] Même si M. Mackie a travaillé un poste de 12 heures, il ne pouvait pas toucher une rémunération supplémentaire simplement en raison de son horaire différent. Il s'ensuit qu'il doit toucher la même chose que quelqu'un qui n'a pas un horaire de travail variable, ce qui signifie qu'il doit toucher une somme égale à celle qu'on verserait à un fonctionnaire travaillant selon un horaire normal de 8 heures par jour (40 heures par semaine). Le chèque de paye qu'il touche tous les 15 jours n'est pas plus gros que s'il travaillait 8 heures par jour, même si son poste est de 12 heures. Dans son cas, ce poste de 12 heures revient en moyenne à une journée de travail de 8 heures dans son cycle de 12 semaines.

[35] Le chèque de paye bimensuel de M. Mackie n'a jamais changé. Il a été payé tout comme s'il avait travaillé 8 heures par jour. Lorsqu'il travaille son poste de 12 heures un jour férié désigné payé, il a droit à une rémunération supplémentaire. Comme son chèque de paye normal est calculé en fonction d'une journée de 8 heures et que les parties conviennent qu'il avait droit en tout à 26 heures de paye pour le jour férié désigné payé, l'employeur lui doit 18 heures de paye de plus pour avoir travaillé ce jour-là.

[36] C'est pour ce motif que je ne vois aucune raison de m'écarter des décisions rendues dans King et dans Breau, supra. Par conséquent, j'ordonne à l'employeur de verser à M. Mackie la somme qui lui est due conformément à ma décision.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

[…]

24 Comme je l’ai déclaré dans Mackie, je crois qu’il est très important de cultiver un climat de relations de travail sain en ne s’écartant pas des décisions antérieures sur une même affaire à moins, pour citer la Cour fédérale, que « […] la décision est manifestement déraisonnable, en ce sens qu'elle est « clairement irrationnelle » ou « tout simplement ridicule » (voir Canada (Procureur Général) c. King [2000] F.C.J No. 1987 (D.T.)(QL); maintenue dans [2000] FCJ 2002 FCA 178). Je constate que la décision Mackie n’a pas été renvoyée en appel.

25 En dépit de la solide argumentation de l’employeur, je n’arrive pas à comprendre pourquoi les décisions antérieures sur une affaire semblable sont « clairement irrationnelle » ou « tout simplement ridicule » et doivent donc être infirmées.

26 Un certain nombre des cas cités par l’employeur traitent de questions autres que le travail un JFDP et la rémunération correspondante. Je trouve que ces références ne sont pas pertinentes à cette affaire. La jurisprudence invoquée par l’employeur traite de l’interprétation donnée à l’expression « heures normales de travail » et, encore une fois, ne s’applique pas aux faits du présent cas.

27 L’agent négociateur a présenté l’exemple de 3 employés qui ont un horaire de travail régulier (c’est-à-dire, travaillant 8 heures par jour) ayant à travailler 24 heures lors d’un JFDP. Chacun aurait droit au tarif et demi pour ses huit heures de travail, soit un total de 36 heures. Si on compare ceci à deux employés travaillant 12 heures ce même JFDP à tarif et demi, le total est également de 36 heures. Il n’y a pas de paiement en trop, tous les employés étant traités également. L’employeur n’a pas réfuté cet exemple de sorte que je ne vois pas la nécessité de récupérer des heures dans ce cas. Les deux groupes d’employés travaillent le même nombre d’heures un JFDP et le coût total à l’employeur est le même. De la même manière, sur un cycle de 5 semaines, les deux groupes d’employés travaillent 200 heures et sont payés en conséquence. Selon moi, tous les employés sont traités également et il n’est pas nécessaire de faire une récupération.

28 Le fonctionnaire a dû travailler 12 heures un JFDP et a donc droit d’être payé à tarif et demi pour ses 12 heures de travail.

29 Pour ces motifs, l’objection à la compétence de l’employeur est rejetée et je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

30 Le grief est accueilli.

Le 19 septembre 2011.

Traduction de la CRTFP

Joseph W. Potter,
arbitre de grief

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