Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés étaient candidats à un processus de dotation interne - chaque fonctionnaire a présenté un grief s’opposant à l’utilisation par l’employeur d’un document visant à évaluer leur candidature - les fonctionnaires ont allégué qu’un élément du processus de sélection n’avait pas été effectué conformément à l’article 38 de la convention collective, intitulé <<Appréciation du rendement et dossiers de l’employé>> - les gestionnaires ont produit des évaluations écrites des candidats et se sont servi de ces évaluations dans le cadre du processus de dotation basé sur le rendement - aucun des fonctionnaires n’a eu l’occasion de lire son évaluation, de la signer ou de la commenter par écrit - l’employeur a contesté la compétence d’un arbitre de grief d’entendre et trancher les griefs puisque la Loi prévoyait un mécanisme de réparation approprié - l’arbitre de grief a soutenu que, bien que les évaluations étaient visées par la définition de la clause 38.01, la question ne s’arrêtait pas là - la législation a prévu deux sphères mutuellement exclusives, soit les relations de travail et la dotation, qui interdisent au Conseil du Trésor d’intervenir en matière de dotation - lors de la négociation collective, le Conseil du Trésor n’avait pas le pouvoir d’imposer quoi que ce soit à la Commission de la fonction publique ou à l’administrateur général en matière de dotation - l’essence des griefs portait sur le processus de dotation - par conséquent, l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour entendre les griefs. Objection accueillie. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-10-20
  • Dossier:  566-02-3836, 3837, 3838 et 3839
  • Référence:  2011 CRTFP 117

Devant un arbitre de grief


ENTRE

PELLETIER ET AL.

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

employeur

Répertorié
Pelletier et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du
Développement des compétences)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Chloé Charbonneau-Jobin, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Anne-Marie Duquette, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 17 juin et les 8 et 13 juillet 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1    Pendant la période en question, les fonctionnaires s’estimant lésés, Charles Pelletier, Joseph Robillard, Keith Austin et Ken Turner (les « fonctionnaires »), travaillaient au sein de la Direction générale de l’innovation, de l’information et de la technologie (la « DGIIT ») du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (l’« employeur »). En mars 2007, ils ont répondu à une annonce de possibilité d’emploi affichée à l’interne dans le cadre d’un processus de dotation collective. Chacun des fonctionnaires a présenté un grief s'opposant à l’utilisation par l’employeur d’un document pour évaluer sa candidature. Les griefs ont été présentés aux dates suivantes : le 25 juillet 2008 pour M. Pelletier (dossier de la CRTFP 566-02-3836); le 15 août 2008 pour M. Turner (dossier de la CRTFP 566-02-3837); le 19 septembre 2008 pour M. Robillard (dossier de la CRTFP 566-02-3838); le 26 août 2008 pour M. Austin (dossier de la CRTFP 566-02-3839).

2    Dans leurs griefs, les fonctionnaires allèguent qu’un volet du processus de sélection n’a pas été mené conformément à l’article 38 de la convention collective du groupe Systèmes d’ordinateurs, qui expirait le 21 décembre 2010 (la « convention collective »). Entre autres mesures correctives réclamées par chaque fonctionnaire, on demande que leur évaluation soit révisée afin de leur permettre de faire partie du premier bassin de candidats et que leur évaluation soit menée conformément à l’article 38 de la convention collective. M. Turner a réclamé une mesure additionnelle, soit d’être nommé pour une période indéterminée au poste qu’il occupait alors de façon intérimaire. L’article 38, intitulé « Appréciation du rendement et dossiers de l’employé», se lit comme suit :

ARTICLE 38

APPRÉCIATION DU RENDEMENT ET DOSSIERS DE L’EMPLOYÉ

38.01 Aux fins du présent article :

a) l’expression évaluation et/ou appréciation officielle du rendement de l’employé désigne toute évaluation et/ou appréciation écrite effectuée par un superviseur de la façon dont l’employé a accompli les tâches qui lui ont été confiées pendant une période déterminée dans le passé;

b) les évaluations et/ou appréciations officielles du rendement de l’employé sont consignées sur une formule prévue par l’Employeur.

38.02

a) Lorsqu’une évaluation officielle du rendement d’un employé est faite, celui-ci doit avoir l’occasion de signer la formule d’évaluation, une fois remplie, afin d’indiquer qu’il en a lu le contenu. La signature de l’employé sur sa formule d’évaluation sera considérée seulement comme signifiant qu’il en a lu le contenu et ne signifie pas qu’il y souscrit. Une copie de la formule d’évaluation lui est remise après qu’il l’ait signée.

b) Le(s) représentant(s) de l’Employeur qui évalue(nt) le rendement de l’employé doit/doivent avoir été en mesure d’observer son rendement ou de le connaître pendant au moins la moitié (1/2) de la période visée par l’évaluation du rendement de l’employé.

c) L’employé a le droit de présenter des observations écrites qui seront annexées au formulaire d’examen du rendement.

38.03 Lorsque l’employé n’est pas d’accord avec l’évaluation et/ou l’appréciation de son travail, il a le droit de présenter par écrit une réfutation des arguments des gestionnaires ou des membres du comité responsables de la décision concernant l’évaluation et/ou l’appréciation.

38.04 Sur la demande écrite de l’employé, son dossier personnel est mis à sa disposition une fois par année aux fins d’examen en présence d’un représentant autorisé de l’Employeur.

38.05 Lorsqu’un rapport concernant le rendement ou la conduite d’un employé est versé dans son dossier personnel, l’employé en cause doit avoir l’occasion de

a) le signer pour indiquer qu’il en a lu le contenu,

b) de présenter par écrit les observations qu’il juge indiquées au sujet du rapport et de les joindre au rapport.

3    Les griefs ont été présentés aux premier et troisième paliers de la procédure de règlement des griefs. À chaque palier, l’employeur a affirmé qu’en vertu du paragraphe 208(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2(la « LRTFP »), un arbitre de grief n’avait pas compétence pour entendre les griefs, étant donné qu’un mécanisme de réparation relatif aux processus de sélection était prévu par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la « LEFP »). Au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a également déclaré qu’à son avis il n’y avait pas eu d’évaluation du rendement au sens prévu par la convention collective.

4  Le 31 mai 2010, en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP, les fonctionnaires ont renvoyé leurs griefs à l’arbitrage avec l’appui de leur agent négociateur, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») m’a renvoyé cette affaire afin que, à titre d’arbitre de grief, je l’entende et rende une décision.

5    Lors d’une conférence préparatoire à l’audience, tenue selon mes instructions, les parties ont convenu que la question de la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le bien-fondé des griefs serait traitée au moyen d’arguments écrits. L’article 227 de la LRTFP prévoit qu’un arbitre de grief peut trancher une question dont il est saisi sans tenir d’audience.

II. Résumé de la preuve

6    Les parties ont présenté l’exposé conjoint des faits (l’« ECF ») suivant, que la Commission a reçu le 27 mai 2011 :

[Traduction]

1) Charles Pelletier, Joseph Robillard, Keith Austin et Ken Turner, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), travaillent au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada (« RHDCC »), dans la région de la capitale nationale. Ils occupent des postes appartenant aux groupe et niveau CS-02. Ils sont régis par la convention collective du groupe Systèmes d’ordinateurs conclue entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (la « convention collective »).

2) En mars 2007, une annonce de possibilité d’emploi à l’interne, portant le numéro 2007-CSD-IA-NHQ-18006, a été affichée dans le cadre d’un processus de dotation collective afin de pourvoir différents postes de groupe et niveau CS-03 (veuillez trouver ci-joints l’annonce de possibilité d’emploi et l’énoncé des critères de mérite). Les postes étaient situés dans différentes régions du pays, et le processus de dotation avait pour but de créer un bassin de « candidats partiellement qualifiés » afin de pourvoir des postes CS-03.

3) Le processus de dotation était ouvert aux employés de partout au Canada occupant un poste à la Direction générale de l’innovation, de l’information et de la technologie (DGIIT) au sein del’initiative Service Canada, ainsi qu’aux employés du ministère des Ressources humaines et du Développement social (connu également sous le nom deRessources humaines et Développement des compétences Canada) et de l’initiative Service Canada occupant un poste dans la région de la capitale nationale (RCN).

4) Ce processus de dotation, connu sous le nom de « Segmentation des talents — processus de dotation visant les postes CS-03 », faisait partie d’un projet pilote et était fondé sur le rendement.

5) Tous les candidats retenus à la présélection ont reçu un exemplaire du guide du candidat sur le processus de dotation collective visant les postes CS-03 (ci-joint) dans lequel il est mentionné, à la page 3 : [traduction] « À la différence des processus précédents, on n’administrera pas d’examen pour constituer le “bassin de candidats qualifiés pour les postes CS-03”. Un outil d’évaluation sera utilisé à la place. »

6) Les candidats devaient d’abord remplir leur propre évaluation par écrit et envoyer aux RH la version définitivepar courriel, qui était ensuite transmise aux gestionnaires des candidats.

7) Dans le guide du candidat, il est indiqué à la page 5 : [traduction] « Dès qu’il aura reçuvotre évaluation, votre gestionnaire l’examinera et vous évaluera en se fondant sur l’échelle d’évaluation à cinq niveaux. L’évaluation sera fondée sur ce que vous avez écrit ainsi que sur votre rendement. »

8) Selon le guide du candidat et le guide du gestionnaire, les gestionnaires n’étaient pas autorisés à aider les candidats à remplir leur évaluation. Les gestionnaires étaient plutôt [traduction] « invités à ajouter leurs propres exemples démontrant les aptitudes, les compétences et les qualités personnellesdes candidats ».

9) Aucun des quatre fonctionnaires n’a eu l’occasion de lire l’évaluation faite par son superviseur, ni de la signer, de présenter des observations écrites et de soumettre une réfutation par écrit dans le cas où ils ne souscriraient pas à l’évaluation ou qu’elle comporterait des erreurs.

10) Les quatre griefs individuels mentionnés ici ont été renvoyés à l’arbitrage le 31 mai 2010.

7 Dans leur argumentation initiale, les fonctionnaires ont présenté des pièces justificatives et des faits additionnels qu’ils jugent pertinents à leurs griefs, mais qui n’avaient pas été inclus dans l’ECF. Les fonctionnaires ont affirmé qu’au départ huit griefs, dont les leurs, avaient été présentés concernant la même question et demandant les mêmes mesures correctives que celles qu’ils revendiquent dans la présente affaire. Ils ont également déclaré qu’au cours de la procédure de règlement des griefs, les griefs qui avaient été présentés par deux autres employés touchés avaient été accueillis et que les mesures correctives demandées avaient été accordées. Les fonctionnaires ont fait référence à un courriel envoyé par le représentant de l’employeur qui a entendu les deux griefs, dans lequel celui-ci reconnaît que l’article 38 de la convention collective n’avait pas été respecté.

8 Selon l’employeur, les faits additionnels présentés par les fonctionnaires ne sont pas pertinents aux procédures en cours. Selon lui, je ne devrais pas les prendre en considération pour trois raisons. Premièrement, ils se rapportent à des griefs dont je ne suis pas saisi. Deuxièmement, étant donné que les procédures d’arbitrage de griefs sont entendues de nouveau, un arbitre de grief n’est pas lié par la position adoptée par le représentant d’une partie au cours de la procédure de règlement des griefs, et encore moins lorsque les griefs en cause n’ont pas été renvoyés à l’arbitrage. Troisièmement, les deux griefs ont été accueillis par erreur par le représentant de l’employeur. L’employeur affirme qu’il a admis cette erreur en rejetant les griefs dont je suis maintenant saisi, et ce, à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs. L’employeur soutient que les fonctionnaires ne peuvent s’appuyer sur son erreur pour étayer une allégation selon laquelle il est donc proscrit d’affirmer que la Commission n’a pas compétence pour entendre ces griefs.

9    Les faits additionnels présentés par les fonctionnaires se rapportent à des griefs dont je ne suis pas saisi. Les fonctionnaires ont eu la possibilité de suggérer à l’employeur que ces faits additionnels fassent partie de l’ECF. Bien que les questions soulevées par les fonctionnaires, semblent similaires à celles soulevées dans les présents griefs, les autres griefs n’ont pas été renvoyés à l’arbitrage, pas plus qu’ils n’ont été inclus dans l’ECF. Je suis donc d’avis que je ne peux prendre ces griefs en considération pour trancher la question de ma compétence à entendre les quatre griefs qui ont été renvoyés à l’arbitrage. Par conséquent, aux fins de la présente décision, je ne tiendrai pas compte des faits additionnels présentés par les fonctionnaires.

III. Résumé de l’argumentation sur la compétence

A. Pour les fonctionnaires

10 Les fonctionnaires font valoir que l’objet essentiel ou « le caractère véritable » des griefs est la violation alléguée de l’article 38 de la convention collective. Ils soutiennent que cette disposition définit ce qu’est une évaluation officielle du rendement d’un employé et décrit un processus d’équité procédurale auquel l’employeur doit se conformer lorsqu’il effectue une telle évaluation. Par conséquent, les fonctionnaires déclarent que les griefs portent sur l’interprétation et l’application d’une disposition d’une convention collective, ce qui, en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP, relève entièrement de la compétence de la Commission.

11  Les fonctionnaires allèguent que l’employeur a reconnu de manière implicite la compétence de la Commission à ce sujet lorsque, au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, il a déclaré qu’il n’y avait pas eu d’évaluation du rendement au sens prévu par la convention collective. Les fonctionnaires soutiennent que la position de l’employeur laisse entendre que si une évaluation du rendement, au sens de l’article 38 de la convention collective, était effectuée dans le cadre d’un processus de dotation, alors tout manquement aux dispositions de l’article 38 conférerait compétence à la Commission. Les fonctionnaires soutiennent également que le fait que les évaluations du rendement ont été menées dans le cadre d’un processus de dotation n’a pas d’incidence sur la question à savoir si l’article 38 s’applique ou non. Pour étayer cet argument, les fonctionnaires invoquent Hureau c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement), 2008 CRTFP 47, et citent l’extrait suivant, tiré du paragraphe 25, dans lequel l’arbitre de grief fait référence à la disposition de la convention collective applicable dans cette affaire : « […] Il est inconcevable que si un conflit d’interprétation survenait, il ne pourrait être examiné par une tierce partie chargée de le faire, plus particulièrement un arbitre de grief de la Commission. »

12 Dans Hureau, le fonctionnaire allègue que l’employeur, lorsqu’il a donné des références personnelles, n’a pas respecté une disposition de la convention collective applicable qui précise ses obligations à ce sujet.

13 Les fonctionnaires font référence à la dénégation de leurs griefs par l’employeur en vertu du paragraphe 208(2) de la LRTFP, selon lequel il existe un autre recours administratif aux termes de la LEFP. Les fonctionnaires prétendent qu’il est trompeur, étant donné que les évaluations du rendement ont été réalisées dans le cadre d’un processus de dotation, de juger que la question relève exclusivement de la LEFP. Ils soutiennent que leurs griefs allèguent une violation de l’article 38 de la convention collective, allégation qu’ils ont maintenue tout au long de la procédure de règlement des griefs, et qu’ils ne cherchent pas à obtenir réparation relativement au processus de dotation. Ils affirment que l’article 38 est une disposition autonome qui traite de l’évaluation du rendement d’un employé. Pour appuyer leur argument, les fonctionnaires soulèvent que l’affaire dont je suis saisi se distingue de Swan et McDowell c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 73, dans laquelle l’arbitre de grief a conclu que les fonctionnaires n’avaient pas dûment soulevé une violation d’une disposition de la convention collective dans leurs griefs et durant la procédure de règlement des griefs. Les fonctionnaires ajoutent que la présente affaire diffère également de Malette c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 99, à l’issu de laquelle l’arbitre de grief a déterminé que, comme le grief portait essentiellement sur une question de dotation et qu’il n’y avait pas d’allégation de violation d’une disposition de la convention collective, il n’avait pas compétence pour l’entendre. Dans le cas présent, les fonctionnaires ont tous allégué de façon manifeste une violation de la convention collective. Selon les fonctionnaires, la présente affaire est différente de Brown c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 127, dans laquelle le fonctionnaire avait allégué avoir été victime de discrimination relativement à une question de dotation. Dans cette décision, l’arbitre de grief avait soutenu qu’il n’avait pas compétence pour entendre le grief étant donné qu’un autre recours était disponible au fonctionnaire aux termes de la LEFP.

14 Les fonctionnaires allèguent que même si l’article 36 de la LEFP prévoit qu’une évaluation des réalisations et du rendement antérieur d’une personne peut être utilisée comme méthode d’évaluation, il n’en demeure pas moins que la convention collective comporte une disposition régissant la procédure à suivre lors de l’évaluation du rendement et qu’elle devrait être respectée. Les fonctionnaires font valoir que le mécanisme décrit à l’article 38 de la convention collective permet à l’employé de présenter son point de vue quant à l’appréciation de son rendement et ainsi prévenir qu’elle contienne des erreurs ou des commentaires inappropriés. Les fonctionnaires soulignent qu’il s’agit d’un mécanisme de protection important compte tenu des répercussions qu’une évaluation peut avoir sur la carrière d’un employé.

15 Selon les fonctionnaires, le fait d’accepter l’objection préliminaire de l’employeur ferait en sorte que l’article 38 de la convention collective serait dénué de son sens. Ils soutiennent que, puisque l’article 38 se rapporte à « toute évaluation et/ou appréciation écrite », il serait insensé d’interpréter cette disposition comme se rapportant aux évaluations du rendement à l’exception de celles réalisées dans le cadre d’un processus de dotation. Les fonctionnaires affirment que l’outil d’évaluation utilisé dans le processus de dotation collective dont il est question dans cette affaire est destiné à évaluer officiellement le rendement de l’employé en exigeant, entre autres choses, que le rendement antérieur de cet employé soit appuyé par d’autres individus, soit des « valideurs ». Les fonctionnaires précisent que le terme « officielle » utilisé dans l’article 38 désigne une évaluation qui a des répercussions sur l’avancement professionnel et la carrière d’un employé. Puisque l’évaluation en cause était prise en considération pour décider si un employé devrait être promu, les fonctionnaires déclarent que le fait que l’évaluation ait été faite dans le cadre d’un processus de dotation ne change pas sa nature. Les fonctionnaires soutiennent qu’un arbitre de grief de la Commission n’a pas le pouvoir de supprimer, de modifier ou de corriger une disposition d’une convention collective, ni de la priver de son sens. À cet égard, ils citent Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3e édition, au paragraphe 2:1201.

16 Les fonctionnaires précisent que les mesures correctives qu’ils cherchent à obtenir sont distinctes des griefs. Ils ne demandent pas à l’arbitre de grief de revoir les évaluations de l’employeur, ce qui ne relèverait pas de la compétence d’un arbitre de grief. Plutôt, ils me demandent de déterminer si la façon dont l’employeur a réalisé son évaluation contrevient à la convention collective.

17 À cet effet, et afin que la Commission se concentre sur l’article 38 de la convention collective, les fonctionnaires ont retiré la partie du redressement demandé visant à faire examiner de nouveau leur évaluation en vue de leur acceptation dans le bassin de candidats qualifiés.

18 Outre les décisions citées ci-dessus, les fonctionnaires renvoient à : Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2005 CRTFP 177; Ball c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 12; Ahad c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), dossiers de la CRTFP 166-02-15840, 16038 et 16233 (19870126). Les fonctionnaires renvoient à ces décisions pour deux raisons. D’abord, pour expliquer l’origine de la connaissance des fonctionnaires que les évaluations du rendement en soi ne peuvent être examinées de nouveau par un arbitre de grief. Cependant, les fonctionnaires soulignent que ces décisions confirment également qu’un arbitre de grief a bel et bien compétence pour déterminer s’il y a eu violation de la convention collective dans la façon dont l’évaluation a été effectuée, citant la mauvaise foi et la discrimination comme des exemples qui donneraient à l’arbitre de grief compétence relativement à cette question.

B. Pour l’employeur

19 L’employeur affirme que l’essence même des griefs ne porte pas sur une interprétation de l’article 38 de la convention collective, mais plutôt sur une contestation de l’exécution et des résultats d’un processus de sélection interne. L’employeur souligne que les mesures correctives demandées par les fonctionnaires démontrent clairement que le caractère véritable des griefs est le processus de dotation. L’employeur cite Singh c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 577, pour appuyer son argument selon lequel les mesures correctives demandées ne relèvent pas de la compétence d’un arbitre de grief. Selon l’employeur, le retrait d’une partie des mesures correctives demandées par les fonctionnaires ne change rien à ce fait.

20 L’employeur indique que les fonctionnaires ont faussement présenté la question comme portant sur l’application et l’interprétation d’une disposition de la convention collective dans lesquelles le processus de dotation fournit le cadre structurel de l’évaluation du rendement. L’employeur soutient que les fonctionnaires tentent d’obtenir une ordonnance sur la façon dont un administrateur général peut réaliser un processus de sélection.

21 L’employeur fait valoir qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour prendre une décision sur les enjeux soulevés dans cette affaire, puisque le différend n’est pas entre le Conseil du Trésor, en tant qu’employeur, et l’agent négociateur, mais plutôt entre l’administrateur général et les candidats non retenus, c’est-à-dire les fonctionnaires. Pour appuyer ses arguments, l’employeur dresse un portrait du régime législatif s’appliquant au régime d’emploi et de relations de travail de la fonction publique, que je présente en détail ici :

[Traduction]

  1. En 1967, le Parlement a créé un régime d’emploi et de relations de travail. Dans le cadre de ce régime, les questions liées aux relations de travail relevaient de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, et les questions portant sur les nominations étaient régies par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33. Malgré une modernisation en profondeur de ce régime en 2003 (entrée en vigueur en 2005), la séparation fondamentale entre les questions liées aux relations de travail et celles portant sur les nominations est demeurée la même en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2 (la « LRTFP ») et de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la « LEFP »).

  2. Conformément à l’article 29 de la LEFP, sauf pour quelques exceptions, la Commission de la fonction publique (la « Commission ») a compétence exclusive pour nommer à la fonction publique des personnes y appartenant ou non. Conformément au paragraphe 15(1) de la LEFP, la Commission peut autoriser un administrateur général à exercer les pouvoirs de nomination de la Commission. La Commission peut cependant annuler ou révoquer cette délégation de pouvoirs (paragraphe 15(2) de la LEFP). En outre, la Commission a l’autorité de mener des enquêtes ou des vérifications sur toute question relevant de sa compétence (article 17 de la LEFP).

  3. C’est avec l’autorisation de la Commission que l’administrateur général de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) a lancé le processus de sélection portant le numéro 2007-CSD-IA-NHQ-18006. Conformément à l’article 36 de la LEFP, on a décidé, dans le cadre de ce processus de sélection, d’évaluer les candidats à partir d’un document rédigé par eux et d’une évaluation de leur rendement antérieur. L’article 36 de la LEFP est libellé comme suit :

    36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluationnotamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevuesqu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

    [Je souligne]

  4. Conformément à l’article 77 de la LEFP, à la suite d’une nomination ou d’une proposition de nomination dans le cadre d’un processus interne, un candidat non retenu (comme c’est le cas des fonctionnaires) peut déposer une plainte devant le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal »). Si la plainte est accueillie, le Tribunal a le pouvoir, dans les limites de l’article 81 de la LEFP, de « prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées ».

  5. Dans les circonstances prévues par la LEFP, la Commission ou l’administrateur général a également le pouvoir de mener une enquête sur un processus de sélection et de révoquer une nomination (articles 15, 67, 68 et 69).

  6. En vertu de l’alinéa 7(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques (la « LGFP »), le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l’égard de toute affaire concernant la gestion des ressources humaines de l’administration publique fédérale, notamment la détermination des conditions d’emploi de ses employés. Ces pouvoirs n’incluent toutefois pas les pouvoirs liés à la dotation en vertu de la LEFP. En effet, la LGFP énonce expressément ce qui suit :

    Pouvoirs du Conseil du Trésor

    11.1 (1) Le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice des attributions en matière de gestion des ressources humaines que lui confère l’alinéa 7(1)e) :

    […]

    (2) Le Conseil du Trésor ne peut :

    a) exercer ses pouvoirs à l’égard des questions visées au paragraphe (1) si celles-ci sont expressément régies par une autre loi et non par simple attribution de pouvoirs à une autorité ou à une personne déterminée;

    b) exercer des pouvoirs expressément conférés à la Commission de la fonction publique sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, ou mettre en œuvre des méthodes de sélection du personnel dont l’application relève, sous le régime de cette loi, de la Commission.

  7. En outre, comme l’indique l’article 113 de la LRTFP, lorsque le Conseil du Trésor négocie une convention collective ainsi que sa signature avec un agent négociateur en vertu de la LGFP et de l’article 111 de la LRTFP, il ne peut établir les conditions d’emploi d’un processus de dotation réalisé en vertu de la LEFP.

  8. À l’article 2 de la LRTFP, le terme « convention collective » est défini comme suit : « Convention écrite conclue en application de la partie 1 entre l’employeur et un agent négociateur donné […] ». Le mot « employeur » est, quant à lui, défini comme suit à l’article 2 : « Sa Majesté du chef du Canada, représentée : a) par le Conseil du Trésor, dans le cas d’un ministère figurant à l’annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques […] ». Or, RHDCC est un ministère figurant à l’annexe I de la LGFP.

22 L’employeur déclare que la compétence d’un arbitre de grief en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP vise les différends entre des parties liées par une convention collective telle qu’elle est définie par la LRTFP. Comme ce différend est entre l’administrateur général exerçant son pouvoir de dotation en vertu de la LEFP et les candidats non retenus, l’employeur affirme que l’affaire ne relève pas de la compétence d’un arbitre de grief.

23 L’employeur rejette l’argument des fonctionnaires selon lequel le fait d’accepter l’objection de l’employeur ferait en sorte que l’article 38 de la convention collective serait dénué de son sens. Il affirme que l’article 38 porte sur le pouvoir du Conseil du Trésor de gérer les ressources humaines en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (la « LGFP ») en déterminant si le travail d’un employé est satisfaisant.

24 L’employeur soutient que l’évaluation réalisée dans le cadre du processus de dotation était un outil de sélection utilisé par l’administrateur général en vertu de l’article 36 de la LEFP, et qu’il ne s’agissait pas d’une « évaluation officielle » au sens donné par l’article 38 de la convention collective. L’employeur affirme que le fait que l’administrateur ait décidé de se servir du « rendement antérieur » des employés comme outil d’évaluation ne justifie pas l’application de l’article 38.

25 L’employeur ajoute que, si des arbitres de grief de la Commission devaient prendre une décision concernant la conduite d’un administrateur général au cours d’un processus de sélection, cela pourrait entraîner de graves problèmes dans l’application de la LEFP. Par exemple, l’employeur a déclaré que, comme aucun processus de dotation interne n’est limité à des employés appartenant à un groupe et à un niveau en particulier, si l’argument des fonctionnaires devait l’emporter, un administrateur général risquerait alors d’avoir à traiter différemment les candidats d’un processus de sélection en fonction de la convention collective à laquelle ils sont assujettis, s’il y a lieu. D’après l’employeur, une telle situation irait à l’encontre des principes d’équité et de justice formulés dans le préambule de la LEFP.

26 L’employeur établit une distinction entre le cas qui nous intéresse et Hureau. Il affirme en effet que dans Hureau la clause de la convention collective qui n’aurait pas été respectée ne concernait pas la conduite de l’administrateur général, mais plutôt l’obligation d’un employeur de fournir des références personnelles à ses employés. Selon l’employeur, dans le cas qui nous intéresse, les fonctionnaires tentent d’imposer à l’administrateur général le moment où il peut utiliser et appliquer un outil d’évaluation, alors que l’article 38 de la convention collective n’a jamais été rédigé dans le but de définir les conditions d’emploi lors d’un processus de dotation.

27 L’employeur soutient que l’affaire en cause est semblable à Brown, dans laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé alléguait que l’employeur avait contrevenu à la clause de non-discrimination d’une convention collective dans le cadre d’une question de dotation. L’arbitre de grief avait déclaré qu’il n’avait pas compétence étant donné qu’il s’agissait d’une question de dotation pour laquelle il existe un mécanisme de réparation en vertu de la LEFP. L’employeur ajoute que, dans le cas qui nous intéresse, d’autres processus de réparation étaient disponibles en vertu de la LEFP, et le fait que la nature ou la portée des mesures correctives qui peuvent être accordées par le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») diffère de celles offertes aux fonctionnaires dans le cadre du processus d’arbitrage n’est pas pertinent. Le seul aspect pertinent à prendre en considération est de savoir si une autre loi du Parlement prévoit une solution différente de réparation qui pourrait avantager personnellement les fonctionnaires : Canada (Procureur général) c. Boutilier, [1999] 1 C.F. 459 (1re inst.), aux paragraphes 38 à 40; accueilli [2000] 3 C.F. 27 (C.A.). Une affaire qui ne peut faire l’objet d’un grief ne peut pas non plus être renvoyée à l’arbitrage : Boutilier; Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (Canada) (Re), [1974] 2 C.F. 407 (C.A.); Brown; Swan et McDowell; Malette; Dhudwal et al. c. Agence des douanes et du revenu Canada, 2003 CRTFP 116.

C. Réplique des fonctionnaires s’estimant lésés

28 Les fonctionnaires soutiennent que l’argument de l’employeur selon lequel les griefs ne portent pas sur l’interprétation ou l’application de la convention collective, mais plutôt sur un processus de dotation, repose sur les mesures correctives qu’il cherche à obtenir. Selon les fonctionnaires, cet argument n’est pas pertinent et cette approche est trop étroite et technique. Pour appuyer leur position, les fonctionnaires renvoient à Hureau.

29 Les fonctionnaires reconnaissent que le renvoi d’un grief à l’arbitrage par un employé doit être fait en vertu de la LRTFP et ils rappellent que, dans leurs griefs et tout au long de la procédure de règlement des griefs, ils ont clairement indiqué que leurs griefs visaient une clause de la convention collective.

IV. Motifs

30 Les fonctionnaires prétendent que leurs griefs portent sur l’interprétation ou sur l’application de la convention collective et qu’ils ont renvoyé leurs griefs à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP, qui se lit comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

[…]

31  L’employeur soutient quant à lui que les fonctionnaires ne pouvaient présenter un grief en raison du paragraphe 208(2) de la LRTFP, étant donné que la LEFP prévoit un mécanisme de réparation pour les questions de dotation. La disposition sur laquelle il s’appuie est libellée comme suit :

208.(2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

32  Ce principe est renforcé par la clause 33.02 de la convention collective, que voici :

33.02 Griefs individuels

Sous réserve de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et conformément à ses dispositions, l’employé a le droit de présenter un grief individuel à l’Employeur lorsqu’il s’estime lésé :

a) par l’interprétation ou l’application à son égard,

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’Employeur concernant les conditions d’emploi,

(ii) soit de toute disposition de la convention collective ou d’une décision arbitrale,

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

33 Les griefs présentés par les fonctionnaires étaient tous formulés de la même façon : [traduction] « Je présente un grief parce que l’évaluation écrite et/ou l’appréciation de mon rendement, réalisée dans le cadre du processus de dotation collective CS-03 portant le numéro 2007-CSD-IA-NHQ-18006, ne l’a pas été en conformité avec l’article 38 de la convention collective du groupe CS. »

34 Les fonctionnaires ont maintenu cette position tout au long de la procédure de règlement des griefs, et la lettre d’accompagnement de l’agent négociateur ainsi que les formulaires de renvoi à l’arbitrage présentaient l’article 38 de la convention collective comme étant l’objet de chaque grief. Ce fait distingue la situation des fonctionnaires de celle de Malette, en ce sens que l’arbitre de grief a conclu que l’essence même du grief portait sur une question de dotation, puisque le grief original n’avait pas allégué de manquement à la convention collective applicable.

35 Au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a déclaré que, selon lui, il n’y avait pas eu d’évaluation du rendement au sens de la convention collective. De plus, dans ses arguments écrits, l’employeur soutient que l’évaluation réalisée dans le cadre du processus de dotation ne représentait pas une « évaluation officielle » au sens de la clause 38.01 de la convention collective, mais plutôt un outil de sélection utilisé par l’administrateur général en vertu de l’article 36 de la LEFP, qui est libellé comme suit :

36. La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

36 L’employeur ajoute que l’article 38 porte sur le pouvoir du Conseil du Trésor de gérer les ressources humaines en vertu de la LGFP pour lui permettre de déterminer si le travail d’un employé est satisfaisant, et qu’il n’a jamais été prévu qu’il serve à déterminer les conditions d’emploi dans le cadre d’un processus de dotation.

37 Pour rendre une décision dans cette affaire, je dois d’abord déterminer si l’évaluation réalisée dans le cadre du processus de dotation en question entre dans la définition de la clause 38.01 de la convention collective. Cette clause a été citée ci-dessus, mais pour des raisons pratiques, je la reproduis ici :

38.01 Aux fins du présent article :

a) l’expression évaluation et/ou appréciation officielle du rendement de l’employé désigne toute évaluation et/ou appréciation écrite effectuée par un superviseur de la façon dont l’employé a accompli les tâches qui lui ont été confiées pendant une période déterminée dans le passé;

(b) les évaluations et/ou appréciations officielles du rendement de l’employé sont consignées sur une formule prévue par l'Employeur.

38 La clause 38.01a) de la convention collective s’applique aux situations suivantes : (1) toute appréciation ou évaluation écrite (2) effectuée par un superviseur (3) du rendement antérieur d’un employé. Comme il est indiqué dans l’ECF, les candidats du processus de dotation fondé sur le rendement dont il est question ici devaient rédiger leur propre évaluation et l’envoyer par courriel aux Ressources humaines, qui le transféraient alors au gestionnaire du candidat. La tâche du gestionnaire consistait à examiner l’évaluation du candidat et à évaluer le candidat selon une échelle à cinq niveaux, et en fonction de son rendement antérieur.

39 Ce processus était décrit comme suit dans la section 1.1 du guide du candidat mentionné dans l’ECF et joint à celui-ci :

[Traduction]

1.1 Aperçu du processus de dotation collective CS-03

Vous aurez accès à un outil d’évaluation que vous devrez remplir en répondant aux questions servant à évaluer vos connaissances, puis en donnant des exemples de situations où vous avez démontré les aptitudes, les compétences et les qualités personnelles à évaluer.

Après avoir rédigé votre évaluation dans le délai prescrit, vous devrez envoyer la version définitive par courriel à […] au plus tard à 23 h 59 (heure du Pacifique), le mardi 18 décembre 2007. Ce courriel fera office de signature électronique. Les RH enverront ensuite votre évaluation à votre gestionnaire (de niveau CS-04 intérimaire ou permanent) pour qu’il la vérifie et y apporte ses commentaires. Votre gestionnaire examinera et vérifiera ce que vous avez écrit et vous évaluera sur chacune des qualifications essentielles, ce qu’il fera seul ou avec l’aide d’un chef d’équipe/de projet (CS-03), en se basant sur l’échelle suivante :

[…]

Lorsque les gestionnaires auront terminé leur examen de votre évaluation ainsi que leur propre évaluation à votre égard, ils enverront leur version définitive par courriel à […]. Les RH transmettront ensuite le tout au comité d’évaluation de la direction générale, peu importe les résultats de l’évaluation.

Le comité d’évaluation de la direction générale examinera chacune des évaluations séparément et les transmettra au comité d’examen. Le comité d’examen procédera à son examen et avisera les RH du résultat pour chaque candidat. Les RH communiqueront alors avec les candidats pour leur dire s’ils se sont qualifiés pour faire partie du « bassin de candidats qualifiés ».

[…]

40 Si l’on se fie seulement à la description du processus d’évaluation telle qu’elle est formulée dans l’ECF et le guide du candidat, je n’ai aucune difficulté à conclure que l’on peut affirmer que les évaluations rédigées par les fonctionnaires et celles effectuées par leur gestionnaire correspondent à une « […] évaluation et/ou appréciation officielle du rendement de l’employé […] » au sens de la clause 38.01 de la convention collective. L’article 38 ne contient aucune disposition sur le type d’évaluation ou d’appréciation dont il est question, comme « évaluation annuelle écrite » ou « évaluation trimestrielle écrite ». Son libellé ne prévoit pas non plus d’exclusion pour les évaluations réalisées dans le cadre d’un processus de dotation. Il ne fait que définir l’évaluation officielle du rendement d’un employé comme étant « toute évaluation et/ou appréciation écrite ». À mon avis, les évaluations réalisées par les gestionnaires à la suite des autoévaluations faites par les fonctionnaires dans le contexte du processus de dotation collective répondent manifestement à cette définition, de même qu’aux critères énoncés à l’article 38, que j’ai déjà identifiés.

41 Malgré la conclusion que le libellé de l’article 38 crée un lien entre le processus de dotation et la convention collective, cela ne m’aide pas à trancher la question. La visée de l’argument de l’employeur selon lequel l’article 38 ne s’applique pas à un processus de dotation est fondée sur le régime législatif et sur la séparation qui existe dans la fonction publique entre, d’un côté, les relations de travail et, de l’autre, les nominations et les questions de dotation. L’employeur soutient que l’objectif de l’article 38 de la convention collective est de permettre au Conseil du Trésor, en tant qu’employeur, d’évaluer le rendement d’un employé dans le cadre de ses obligations en matière de relations de travail, et que cet article n’a jamais été destiné à s’appliquer au processus de dotation.

42 L’alinéa 7(1)e) de la LGFP attribue au Conseil du Trésor la responsabilité de la gestion des ressources humaines de l’administration publique fédérale et lui accorde les pouvoirs énoncés au paragraphe 11.1(1) de cette même loi, mais ces pouvoirs sont limités par les dispositions du paragraphe 11.1(2), qui se lit comme suit :

11.1(2) Le Conseil du Trésor ne peut :

a) exercer ses pouvoirs à l’égard des questions visées au paragraphe (1) si celles-ci sont expressément régies par une autre loi et non par simple attribution de pouvoirs à une autorité ou à une personne déterminée;

b) exercer des pouvoirs expressément conférés à la Commission de la fonction publique sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, ou mettre en œuvre des méthodes de sélection du personnel dont l’application relève, sous le régime de cette loi, de la Commission.

En outre, bien que l’article 111 de la LRTFP autorise le Conseil du Trésor à conclure une convention collective avec un agent négociateur, l’article 113 lui interdit, entre autres choses, d’établir une condition d’emploi en lien avec la LEFP. L’article 113 de la LRTFP se lit comme suit :

113. La convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir :

[…]

b) une condition d’emploi qui a été ou pourrait être établie sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, la Loi sur la pension de la fonction publique ou la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État.

43 Comme on peut le constater à partir des dispositions ci-dessus et de l’aperçu historique du régime législatif présentés par l’employeur dans l’exposé de ses arguments et que j’ai reproduit ci-dessus, le régime législatif a clairement établi deux sphères autonomes et mutuellement exclusives. Comme on interdit expressément au Conseil du Trésor d’agir dans des questions relevant de la dotation, il m’apparaît que le régime législatif n’avait pas prévu autoriser un chevauchement entre les deux sphères. Lorsqu’il a signé la convention collective, le Conseil du Trésor n’avait pas le pouvoir de lier la Commission de la fonction publique ou l’administrateur général à quelque affaire que ce soit en matière de dotation. Ainsi, toutes dispositions de la convention collective se rapportant aux évaluations du rendement ne peuvent s’appliquer qu’à celles réalisées dans le contexte des relations de travail. Je suis donc d’avis que tout libellé de la convention collective utilisé par mégarde et qui pourrait s’appliquer au processus de dotation ne peut, dans les faits, être utilisée pour servir de fondement à un grief qui conteste une action relative à une mesure de dotation.

44 Dans cette affaire, bien que les fonctionnaires contestent une partie du processus de dotation en vertu d’une disposition de la convention collective, le caractère véritable des griefs concerne le processus de dotation lancé en vertu de l’article 36 de la LEFP. Par conséquent, en vertu du paragraphe 208(2) de la LRTFP, je n’ai pas compétence pour entendre les griefs.

45 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

46 L’objection préliminaire de l’employeur concernant la compétence est accueillie.

47 Les griefs sont rejetés.

Le 20 octobre 2011.

Traduction de la CRTFP

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

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