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Résumé :

Réexamen - Article 27 - Demande d'examen de la décision initiale de la Commission fondée sur le paragraphe 129(5) du Code canadien du travail - Nouvelle preuve - Conséquences importantes et déterminantes - Agents correctionnels - le requérant était un agent correctionnel lorsque l'employeur a rétabli les rondes avec cellules ouvertes - le requérant et un collègue de travail ont exercé leurs droits prévus dans le Code canadien du travail de refuser de travailler - les agents de sécurité ont fait enquête et ont conclu qu'il n'existait aucun danger - à la demande des requérants, les agents de sécurité ont renvoyé leurs décisions à la Commission, qui a statué que les risques associés à la politique des rondes avec cellules ouvertes étaient inhérents aux fonctions d'un agent correctionnel, mais que l'employeur demeurait tenu de prendre des mesures permettant que ces fonctions soient exécutées sans risque inutile; la Commission a aussi émis des directives relativement aux procédures à suivre dans le cadre de ces rondes - en 1996, un détenu du pénitencier est décédé à la suite d'une surdose de drogues et une enquête a été ouverte sur sa mort - le rapport du juge a révélé que la GRC menait alors une opération d'infiltration en rapport avec le trafic de stupéfiants et des stupéfiants avaient été introduits dans l'établissement en contrebande - le requérant a soumis cette nouvelle preuve à la Commission à l'appui de sa demande de réexamen de la décision de la Commission - la Commission a retenu l'argument du requérant selon lequel la preuve qu'il a présentée à la Commission est une nouvelle preuve qui n'aurait pu raisonnablement être présentée lors de l'audience initiale - cependant, la Commission a conclu que la nouvelle preuve n'aurait pas eu de conséquences importantes et déterminantes sur la décision de la Commission, si elle avait été produite à l'audience initiale - rien n'a démontré que l'opération d'infiltration en rapport avec le trafic de stupéfiants avait posé un danger accru par rapport aux risques inhérents aux fonctions d'un agent correctionnel au cours de la journée en question - la nouvelle preuve était de nature générale seulement et la preuve déposée lors de l'audience indiquait que, la journée en question, rien d'inhabituel n'avait été remarqué dans la rangée. Demande rejetée. Décisions citées : Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (125-2-83); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (125-2-41); C.A.T.T. et Conseil du Trésor et Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est (125-2-51); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (125-2-41); Lorain Products (Canada) Ltd. [1978] OLRB Rep. Mars 262.

Contenu de la décision



Code canadien du travail, partie II

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  • Date:  2003-10-16
  • Dossier:  165-2-201
  • Référence:  2003 CRTFP 93

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

GEORGE CZMOLA
requérant

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général - Service correctionnel du Canada)


employeur

OBJET : Renvoi en vertu du paragraphe 129(5) du Code canadien du travail

Devant :   Yvon Tarte, président

Pour le requérant :  Lui-même

Pour l'employeur :  Ilan Rumstein, représentant de l'employeur


(Décision rendue sans audience à partir des observations écrites des parties.)


[1]    Le requérant, M. George Czmola, se fonde sur l'article 27 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) pour demander à la Commission de réexaminer et, s'il y a lieu, modifier la décision rendue par M. P. Chodos le 19 novembre 1998 le concernant et concernant également M. Charles Rodier : George Czmola et Charles Rodier c. Conseil du Trésor (Solliciteur général-Service correctionnel Canada), dossiers de la Commission nos 165-2-201 et 202. Il y a lieu de noter que, bien que la décision concerne deux personnes, seul M. Czmola en a demandé le réexamen.

[2]    En 1998, M. Czmola, qui est aujourd'hui à la retraite, travaillait pour le Service correctionnel, à titre d'agent correctionnel, au pénitencier de Stony Mountain. Lorsque l'employeur, d'une part, a établi un ordre permanent ayant pour effet de rétablir les « rondes avec cellules ouvertes », qui obligent les agents correctionnels à patrouiller les corridors de la rangée pendant que les portes des cellules sont ouvertes et, d'autre part, a réduit le nombre d'agents correctionnels affectés à ces rondes, le requérant et M. Rodier ont tous deux refusé d'effectuer les rondes au motif qu'elles constituaient un danger pour eux au sens du Code.

[3]    Au terme d'une enquête menée sur le refus de travailler de chacun, les agents de sécurité en sont arrivés à la conclusion qu'il n'existait aucun danger. À la demande des requérants, les agents de sécurité ont renvoyé leurs décisions à la Commission, qui a statué que les risques associés à la politique des rondes avec cellules ouvertes étaient inhérents aux fonctions d'un agent correctionnel, mais que l'employeur demeurait tenu de prendre des mesures permettant que ces fonctions soient exécutées sans risque inutile. En vertu du pouvoir qui lui est conféré à l'alinéa 130(1)b) du Code, la Commission a formulé, à l'intention de l'employeur, des directives sur les procédures à suivre dans le cadre des rondes avec cellules ouvertes.

[4]    L'employeur a déposé, à la Cour d'appel fédérale, une demande de contrôle judiciaire qui a été rejetée le 16 mars 2000.

[5]    Au début de 2003, M. Czmola a communiqué avec la Commission pour lui demander de réexaminer sa décision. Il a joint à sa demande une documentation qui, à son avis, [Traduction] « confirmerait les raisons pour lesquelles cette affaire devrait être revue, ou des accusations devraient être portées, au motif que la Commission avait été induite en erreur et que l'on avait fait entrave à la tenue d'une enquête en bonne et due forme ».

[6]    D'après l'information fournie par M. Czmola, la demande de ce dernier trouve son point de départ dans un rapport qui a été publié en juillet 2001 par le juge Ray Wyant, de la Cour provinciale, sur le décès d'un détenu survenu à Stony Mountain le 14 décembre 1996. Si l'on se reporte aux articles de journaux fournis par M. Czmola, un détenu du pénitencier est décédé à la suite d'une défaillance cardiaque causée, semble-t-il, par une surdose de valium et de morphine. Désigné pour présider une enquête sur la mort du détenu, le juge Wyant a publié son rapport 18 mois après que l'enquête eut pris fin en décembre 1999. D'après un article publié dans le Winnipeg Free Press le samedi 14 juillet 2001, l'enquête avait été retardée pendant deux ans parce que la GRC menait une opération d'infiltration en rapport avec le trafic de stupéfiants qui avait cours dans la prison fédérale. Par suite de cette opération, deux détenus et un employé de Stony Mountain ont plaidé coupables relativement à des accusations de trafic de stupéfiants.

[7]    M. Czmola a communiqué avec la Commission par courriel. Il a indiqué qu'il souhaitait porter à l'attention de celle-ci des renseignements supplémentaires qui, alléguait-il, n'avaient pas été communiqués lors de la première audience. Le 30 avril 2003, en réponse à la demande de M. Czmola, la Commission a demandé à ce dernier de lui donner des détails sur la nouvelle preuve à laquelle il fait renvoi. M. Czmola a répondu à la demande de la Commission en lui faisant parvenir la documentation en question par télécopieur le 1er juin 2003. Son envoi incluait deux extraits longs d'une page, tirés du rapport de juillet 2001 du juge Wyant, deux articles tirés du Winnipeg Free Press, datés du 14 juillet 2001 et du 19 juillet 2001, ainsi que des extraits de l'enquête menée du 20 au 22 décembre 1999. Dans la lettre qu'il a envoyée à la Commission, M. Czmola a écrit que les renseignements contenus dans le rapport et les articles de journaux n'étaient pas disponibles au moment où l'audience avait été tenue. Tel que sa lettre du 31 mai l'indique, cette nouvelle information signifie à son avis que :

          [Traduction]

  1. la direction a induit la Commission, le personnel et le syndicat en erreur en indiquant devant M. Chodos que sa priorité première était la sécurité alors qu'en fait, ce n'était pas le cas;
  2. l'enquête a permis de révéler qu'au moment du décès du détenu, une opération concernant le trafic de stupéfiants était en cours dans l'établissement, à l'insu du personnel, de sorte que les agents qui devaient entrer dans les cellules ignoraient que la direction et la GRC y avaient « laissé » de la drogue;
  3. cette nouvelle information devrait entraîner la modification de la décision rendue par la Commission puisque, si elle avait été présentée à la Commission au départ, l'arbitre aurait disposé d'un portrait plus exact des dangers que la direction créait, si bien que la décision des agents de sécurité n'aurait pu être maintenue, puisque ces agents en seraient arrivés à une conclusion différente s'ils avaient su qu'une opération concernant le trafic de drogues était en cours.

[8]    La Commission a fourni une copie des nouveaux renseignements au Conseil du Trésor le 1er août 2003.

[9]    La réponse du Conseil du Trésor a été reçue le 4 septembre 2003. L'employeur soutient que la nouvelle information soumise à la Commission ne change pas l'essence de la définition de « danger » mentionnée dans la décision de M. Chodos. De l'avis de l'employeur, la position du Service correctionnel du Canada demeure inchangée. L'employeur soutient que l'ancien employé n'a pas réussi à démontrer à la Commission que le danger auquel il avait dû faire face un jour donné était « réel » et non simplement « potentiel ». Rien dans les nouveaux renseignements, soutient l'employeur, n'établit l'existence d'un danger réel le jour en question.

[10]    Les parties ont ensuite été informées que l'affaire serait renvoyée à la Commission.

Motifs de la décision

[11]    Ainsi qu'il a été reconnu dans l'affaire Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (dossier de la Commission no 125-2-83), les demandes de cette nature présentées en vertu de l'article 27 de la Loi ont été l'objet d'un nombre assez peu élevé de décisions. Toutefois, cela ne signifie pas que, dans ces décisions, la Commission n'a pas donné aux parties des directives claires et uniformes sur les exigences auxquelles elles doivent satisfaire dans le cadre de telles demandes. La décision qui fait autorité sur la question a été rendue dans l'affaire Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (dossier de la Commission no 125-2-41). Dans cette décision, la Commission, appelée à interpréter la portée de l'article 27 (auparavant l'article 25), a déterminé que l'article 27 ne vise pas à permettre à une partie qui a été déboutée de faire valoir à nouveau sa thèse, mais qu'il a plutôt pour objet de donner à la Commission la possibilité de réexaminer une décision lorsque les circonstances ont changé, ou pour permettre à une partie de présenter de nouveaux éléments de preuve ou de nouveaux arguments qu'elle ne pouvait raisonnablement avancer lors de l'audience initiale, ou encore lorsqu'il existe d'autres motifs de révision impérieux : voir C.A.T.T. et Conseil du Trésor et Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est, dossier de la Commission no 125-2-51. La Commission a statué que permettre à la partie perdante d'étayer ou de formuler à nouveau des arguments qui ont déjà été examinés et tranchés serait non seulement incompatible avec la nécessité de mettre un terme aux procédures, mais également injuste et fastidieux pour la partie qui a eu gain de cause. Le pouvoir de réexaminer une décision doit être exercé de manière judicieuse, avec beaucoup de soin et peu fréquemment.

[12]    Je retiens l'argument de M. Czmola selon lequel la preuve qu'il a présentée à la Commission est une nouvelle preuve qui n'aurait pu raisonnablement être présentée lors de l'audience initiale, puisque cette nouvelle information a fait surface plus de deux ans et demi après que la Commission a rendu sa décision dans le dossier le concernant. Toutefois, bien que j'abonde dans le sens de M. Czmola à cet égard, je ne suis pas d'accord avec lui sur le fond de son argument.

[13]    Dans l'affaire Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (dossier de la Commission no 125-2-41), la Commission cite en l'approuvant la décision que la Commission des relations de travail de l'Ontario a rendue dans l'affaire Lorain Products (Canada) Ltd. [1978] OLRB Rep. March 262, où l'on peut lire ceci :

En raison du chaos qui régnerait sur le monde des relations de travail si ces décisions n'étaient jamais finales, la Commission a toujours hésité à réexaminer une affaire lorsque les parties ont bénéficié d'une audition complète et juste, à moins que la partie qui demande la révision puisse démontrer qu'elle a découvert de nouveaux éléments de preuve qu'elle n'aurait pu obtenir, en faisant preuve d'une diligence raisonnable, pour les présenter à l'audition initiale et que ces éléments de preuve, s'ils avaient été présentés, auraient eu des conséquences importantes et déterminantes sur la décision de la Commission.

[14]    J'en suis arrivé à la conclusion que les nouveaux documents fournis par M. Czmola n'auraient pas eu un tel effet sur la première décision. Dans cette décision, la Commission a statué que le danger était inhérent aux fonctions d'un agent correctionnel, mais que l'employeur était tenu de faire en sorte que l'exécution de ces fonctions soit libre de tout risque inutile. Le fait que la GRC menait une opération d'infiltration relativement à un trafic de stupéfiants au pénitencier au moment du refus de travailler ne change rien au fait que les risques sont inhérents à l'exécution, par les agents correctionnels, de leurs fonctions. La décision était fondée sur la définition de danger énoncée dans le Code, appliquée à la situation factuelle au sein du pénitencier telle qu'elle était connue au moment de l'enquête. Pour que sa plainte soit accueillie, M. Czmola devait prouver qu'un danger au sens de la définition énoncée dans le Code existait au moment où il a exercé son droit de refuser d'exécuter un travail dangereux, et que ce danger était plus grave que les dangers inhérents auxquels les agents correctionnels doivent faire face dans le cours normal de l'exécution de leurs fonctions. La Commission a statué que le danger que posaient les stupéfiants, l'alcool et les armes faisait partie intégrante des fonctions de l'agent correctionnel. Les choses auraient-elles été différentes si la Commission avait su non seulement qu'il y avait des stupéfiants dans l'établissement, mais que c'était la GRC qui les avait fait entrer? Je ne le crois pas. Rien, dans la nouvelle preuve, n'indique que l'on a fait entrer dans l'établissement suffisamment de stupéfiants pour créer un danger pour les agents correctionnels, ou que l'arrivée de ces stupéfiants a changé l'atmosphère dans l'établissement. De fait, les nouveaux renseignements fournis par M. Czmola ne permettent pas d'établir que les stupéfiants utilisés dans le cadre de l'opération d'infiltration se trouvaient dans l'établissement le jour en question. Ils indiquent que l'opération d'infiltration menée par la GRC concernant le trafic de stupéfiants était en cours au moment où MM. Czmola et Rodier ont exercé leur droit de refuser d'exécuter un travail dangereux, mais la prétention selon laquelle cette activité était en cours le 28 avril 1998 ou qu'elle était menée à une échelle ayant contribué à relever les craintes en matière de sécurité à l'intérieur de l'établissement le jour en question, relève de la conjecture.

[15]    Dans la décision récente de la Cour d'appel fédérale Procureur général du Canada c. Fletcher et autres [2002] 2 C.F. 475, 2002 CAF 424, la Cour a statué que l'agent de sécurité est autorisé à tenir compte de tous les éléments de preuve, qu'ils soient passés ou actuels au moment de l'enquête, pour déterminer s'il existe un danger au lieu de travail, mais que ce n'est que relativement à un danger qui existe au moment de l'enquête que des directives peuvent être formulées. Aucun des nouveaux renseignements fournis par M. Czmola ne se rapporte expressément à la journée du 28 avril 1998 et à la situation telle qu'elle existait au moment où le requérant a exercé le droit que lui confère le Code. La preuve fournie par M. Czmola est de nature générale seulement. La preuve spécifique qui a été déposée lors de l'audience indique que, la journée en question, rien d'inhabituel n'avait été remarqué au cours de la matinée dans la rangée de cellules, il n'y avait eu aucun geste de menace ou activité perçue comme étant menaçante, il n'y avait eu aucune rumeur d'une violence possible, et tous les effectifs étaient au travail. Par conséquent, si M. Czmola avait présenté la preuve que l'enquête a permis de mettre au jour, je crois que la décision aurait été la même. En d'autres termes, je ne crois pas que la nouvelle preuve soumise par M. Czmola aurait eu des conséquences importantes et déterminantes sur la décision initiale.

[16]    À mon avis, dans la présente affaire, il ne convient pas que la Commission exerce le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré à l'article 27 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. M. Czmola ne m'a pas convaincu que les documents qu'il a récemment fournis à l'appui de sa demande auraient eu sur la décision de la Commission, s'ils avaient été produits lors de l'audience initiale, des « conséquences importantes et déterminantes ».

[17]    La demande est par conséquent rejetée.

Yvon Tarte,
président

OTTAWA, le 16 octobre 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.


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