Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu cinq fois, pour 1, 3, 5, 10 et 20 jours respectivement, et a contesté chaque suspension - dans un sixième grief, il a allégué également que l’administrateur général avait refusé de lui permettre de retourner au travail ou au télétravail - le défendeur a contesté la compétence d’un arbitre de grief à entendre le sixième grief, faisant valoir qu’il ne s’agissait pas d’une question disciplinaire et que le grief n’avait pas l’appui de l’agent négociateur du fonctionnaire s’estimant lésé - avant l’audience, l’agent négociateur du fonctionnaire s’estimant lésé a retiré son appui aux griefs - la demande de remise du fonctionnaire s’estimant lésé a été refusée - le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas présent à l’audience, qui s’est déroulée sans lui - le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu à plusieurs reprises en raison de son comportement, notamment pour avoir omis d’assister à des réunions ou de soumettre un certificat médical, pour avoir envoyé des courriels qui ne respectaient pas la chaîne de commandement, pour ne pas avoir révisé une demande de remboursement de frais de voyage et pour avoir parlé de façon inappropriée à des collègues - l’arbitre de grief a statué que le défendeur avait prouvé avoir eu raison de suspendre le fonctionnaire pour des périodes de durée croissante - l’arbitre de grief a statué qu’en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, il n’avait pas la compétence pour entendre le sixième grief - le défendeur a déposé un recueil de pièces et a demandé qu’il soit mis sous scellé - après l’audience, les parties ont été invitées à présenter l’affaire par arguments écrits - l’arbitre de grief a accepté la demande de l’employeur de caviarder certaines parties d’une pièce ayant été remise parce que d’importants intérêts commerciaux de sociétés pharmaceutiques étaient en jeu - l’arbitre de grief a refusé de rouvrir l’audience étant donné que le fonctionnaire s’estimant lésé en avait reçu avis et avait décidé de ne pas y comparaître. Griefs rejetés, ordonnance émise.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-09-21
  • Dossier:  566-02-1991 à 1995 et 2862
  • Référence:  2011 CRTFP 112

Devant un arbitre de grief


ENTRE

THADDEUS YARNEY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Santé)

défendeur

Répertorié
Yarney c. Administrateur général (ministère de la Santé)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Joseph W. Potter, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Karen L. Clifford, avocate

Affaire entendue à Ottawa, Ontario,
les 9, 10 et 24 mai 2011.

Arguments écrits reçus les 28 juillet, 1er, 10, 18 et
24 août 2011
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Le présent cas concerne six griefs, dont cinq portant sur des suspensions de diverses durées imposées au Dr. Thaddeus Yarney, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») en 2006 et en 2007. Dans son sixième grief (dossier de la CRTFP 566-02-2862), le fonctionnaire a allégué que l’administrateur général du ministère de la Santé (le « défendeur ») a refusé de lui permettre de rentrer au travail ou de faire du télétravail. Le défendeur a contesté ma compétence à entendre ce sixième grief, déclarant que cette affaire ne satisfait pas aux exigences de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

2 Les cinq premiers griefs ont établi que le fonctionnaire est un biologiste à Santé Canada, classification BI-04. Il a pour agent négociateur l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’« agent négociateur »). Un représentant de l’agent négociateur a signé chacun des cinq premiers griefs, ainsi que le sixième.

3 Les dates d’audiences des griefs ont été fixées à novembre 2009, mais le défendeur a demandé une remise à une date ultérieure. L’agent négociateur s’y est opposé, suggérant que ces dates servent à la médiation. Le défendeur a accepté. La Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) a confirmé la remise de l’audience à une date ultérieure afin de procéder à la médiation. (Voir la lettre des parties en date du 21 octobre 2009.)

4 Le jour convenu pour la médiation, le fonctionnaire a envoyé un courriel à son agent négociateur, demandant que la rencontre soit remise à une date ultérieure.

5 La CRTFP a informé les parties par écrit le 21 décembre 2009 que les griefs seraient entendus à l’arbitrage de grief du 31 mai au 3 juin 2010.

6 Cependant, l’avocate du défendeur étant tombée malade en avril 2010, elle a demandé une remise à une date ultérieure. L’agent négociateur a accepté et, le 13 mai 2010, la CRTFP a avisé les parties de la remise à une date ultérieure.

7 L’audience a été fixée du 20 au 22 septembre 2010, et les parties ont convenu de tenir une conférence préparatoire à l’audience afin d’aborder diverses questions au sujet de cette dernière. La conférence préparatoire à l’audience a eu lieu le 9 août 2010, et les parties y ont convenu d’utiliser les dates de septembre 2010 pour la médiation. À la dernière minute, la médiation a été annulée à la demande du fonctionnaire.

8 Le 8 novembre 2010, la CRTFP a envoyé aux parties une lettre les informant que les renvois à l’arbitrage seraient entendus du 9 au 13 mai et du 24 au 27 mai 2011. La lettre mentionnait notamment ce qui suit : [traduction]« Veuillez noter que les dates susmentionnées sont considérées comme “définitives” […] ».

9 Le 17 avril 2011, le fonctionnaire a écrit à la CRTFP pour demander que les audiences de mai 2011 soient reportées parce que l’agent négociateur avait retiré son appui.

10 Le défendeur a répondu le 20 avril 2011, s’opposant à la demande de remise à une date ultérieure. Le défendeur a précisé que le fonctionnaire savait depuis janvier 2011 que l’agent négociateur lui avait retiré son appui et qu’il ne s’agissait donc pas d’une surprise. De plus, cinq des griefs portaient sur des suspensions pour lesquelles le défendeur avait le fardeau de la preuve. Les témoins du défendeur devaient venir de l’extérieur de la ville, dont une médecin spécialiste très occupée qui avait libéré son agenda les 9 et 10 mai 2010 afin de venir témoigner.

11 Dans sa lettre du 26 avril 2011, la CRTFP écrivait entre autres aux parties :

[Traduction]

[…]

La demande a été soumise à l’arbitre de grief assigné à ces affaires, et j’ai reçu instruction d’informer les parties que la demande de renvoi à une date ultérieure a été rejetée. Les audiences auront lieu comme prévu du 9 au 13 mai et du 24 au 27 mai 2011, à Ottawa. L’arbitre de grief a donné les instructions suivantes : « Nous procéderons à l’audience des questions disciplinaires puisque l’employeur a le fardeau de la preuve. Le fonctionnaire disposera d’assez de temps pour préparer le contre-interrogatoire de chacun des témoins de l’employeur. »

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

La preuve de réception de la lettre a été versée au dossier de la CRTFP.

12 Le lendemain, le 27 avril 2011, la CRTFP a envoyé aux parties un avis d’audience qui précisait la date, l’heure et le lieu de l’audience des six griefs et qui annonçait notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

ET SOYEZ ÉGALEMENT AVISÉS que si vous ne vous présentez pas à l’audience ou à toute continuation de celle-ci, la Commission pourra sans autre avis disposer de l’affaire en se fondant sur les preuves et arguments présentés à l’audience.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

La preuve de réception de l’avis a été versée au dossier de la CRTFP.

13 L’audience devait commencer le 9 mai 2011 à 9 h 30, mais, à ce moment-là, le fonctionnaire n’était pas présent. À vrai dire, personne devant le représenter n’était dans la salle d’audience à l’heure à laquelle l’audience devait commencer. Le défendeur et ses témoins étaient présents, mais le fonctionnaire ne l’était pas. Le défendeur a demandé à ce que les griefs soient rejetés, mais cette demande a été rejetée parce que le défendeur avait le fardeau de la preuve à l’égard des griefs disciplinaires et que les griefs n’avaient pas été retirés. Le défendeur s’est déclaré prêt à faire comparaître ses témoins.

14 J’ai déclaré que j’attendrais pour voir si le fonctionnaire, ou son représentant, arriverait, quoiqu’en retard. On a tenté de joindre le fonctionnaire à son lieu de travail, mais il n’a pas répondu. Un agent de la CRTFP lui a laissé un message à savoir que l’autre partie l’attendait pour procéder à l’audience. Le fonctionnaire n’a jamais rappelé.

15 À 11 h, n’ayant toujours reçu aucune réponse du fonctionnaire, j’ai décidé que l’audience aurait lieu sans lui et que le défendeur serait mis à l’épreuve.

16 L’avocate du défendeur a déposé un recueil de pièces contenant 41 onglets (pièce E-1) et demandé en audience qu’il soit mis sous scellé.

17 Le 8 juillet 2011, la Commission a écrit aux parties pour leur demander d’avancer des arguments supplémentaires traitant exclusivement de la mise sous scellé de cette pièce. La Commission leur a notamment demandé d’aborder cette question dans le contexte du critère de Dagenais/Mentuck. Le défendeur a répondu le 28 juillet 2011, expliquant pourquoi il estimait que la pièce devrait être entièrement mise sous scellé, ou du moins en partie.

18 Le Dr Yarney a répondu le 1er août 2011, s’opposant au fait que l’audience a été tenue sans lui et demandant qu’on lui donne l’occasion de se faire entendre. De plus, il a demandé à la Commission de rouvrir le dossier 566-02-2182. Ce dossier contient un septième grief déposé par le Dr Yarney pour des motifs allégués de harcèlement et de discrimination raciale. Il avait été renvoyé à l’arbitrage avec l’appui de l’agent négociateur. Le dossier a été fermé le 18 mars 2011, après que l’agent négociateur a retiré son appui à ce grief, avec avis écrit envoyé au Dr Yarney. Aucune autre correspondance ni aucun autre échange n’ont eu lieu relativement à ce dossier entre son classement et la réception de la lettre du Dr Yarney, le 1er août 2011. Il convient de noter également que, dans sa lettre du 1er août 2011, le Dr Yarney n’a pas abordé la question de la mise sous scellé de la pièce E-1.

19 Le 10 août, le défendeur a répondu, motifs à l’appui, qu’il s’opposait à ce que l’audience soit rouverte. Il s’est également opposé, motifs à l’appui, à la réouverture du dossier de la Commission 566-02-2182.

20 Le Dr Yarney a traité par écrit le 18 août 2011 de la question de la mise sous scellé de la pièce, affirmant qu’il n’avait pas vu la pièce en question et qu’il était donc [traduction] « […] incapable pour le moment d’émettre un commentaire sur la demande de l’employeur […] ». Il a indiqué qu’il commenterait une fois qu’il serait inclus dans la procédure. La Commission a informé le Dr Yarney qu’il pourrait voir la pièce au bureau de la Commission s’il le désirait, mais celui-ci ne s’y est jamais rendu.

21 Le 24 août 2011, le Dr Yarney a écrit de nouveau à la Commission, demandant davantage de temps pour obtenir un avis juridique. La Commission lui a répondu le 26 août 2011, rejetant la demande de prolongation et de réouverture de la procédure. Les motifs du refus sont contenus dans la présente décision, qui aborde également la question de la mise sous scellé de la pièce.

22 Au départ, sept griefs ont été renvoyés à l’arbitrage. Le septième grief (dossier de la CRTFP 566-02-2182) est celui que la CRTFP a classé le 18 mars 2011. Six griefs demeurent, dont cinq sont de nature disciplinaire, visant les suspensions de 1, de 3, de 5, de 10 et de 20 jours respectivement (dossiers de la CRTFP 566-02-1991, 1992, 1994, 1993 et 1995). Le sixième grief (dossier de la CRTFP 566-02-2862) concerne le refus du défendeur de permettre au fonctionnaire de revenir au travail. L’avocate du défendeur a affirmé que le sixième grief n’était pas de nature disciplinaire et que le fonctionnaire n’avait encouru aucune sanction pécuniaire. Pour ces raisons, elle a soutenu que le grief ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 209(2) de la LRTFP, qui exige qu’un fonctionnaire s’estimant lésé ait l’appui de son agent négociateur pour pouvoir aller en arbitrage sur des questions concernant l’interprétation ou l’application de la convention collective. Étant donné que l’agent négociateur lui a retiré son appui, le fonctionnaire ne peut renvoyer ce grief à l’arbitrage. Je prends ce grief en délibéré.

II. Résumé de la preuve

A. Pour le défendeur

1. Suspension d’un jour

23 En mai 2006, la Dre Sohair Morgan était gestionnaire de la Division de la reproduction et de l’urologie (DRU) au Bureau du métabolisme, de l’oncologie et des sciences de la reproduction (BMOSR) à Santé Canada. La Dre Morgan relevait de la directrice du BMOSR, la Dre Barbara Rotter. Le BMOSR compte quatre divisions, dont la DRU, où travaillait le fonctionnaire.

24 Chaque division a des agents d’évaluation. Le fonctionnaire était l’un d’eux. Les agents d’évaluation recommandent ou refusent la mise en marché de produits pharmaceutiques. Les agents d’évaluation affectés à une division peuvent se voir assigner un dossier dans une autre division et doivent travailler en équipe.

25 Le fonctionnaire a commencé à travailler à Santé Canada en 2002. Le 7 février 2006, il a reçu une lettre de réprimande pour sa conduite au cours d’une réunion avec des collègues de travail, sa directrice et le représentant d’une entreprise.

26 Les Dres Rotter et Morgan ont toutes deux tenté, sans succès, de rencontrer le fonctionnaire à la suite de l’incident de février 2006 dans le but de discuter avec lui des rôles et des responsabilités des agents d’évaluation. Le 8 mai 2006, le fonctionnaire a reçu une lettre de directives (pièce E-1, onglet 5) qui expliquait en détail la procédure et les directives qu’il devait respecter au travail.

27 Le fonctionnaire a reçu la lettre de directives parce qu’il posait problème dans le milieu de travail. On y lisait notamment :

[Traduction]

[…]

Outre cet objectif, voici la procédure et les directives que vous devrez suivre dès maintenant

  • Suivez promptement et dans un esprit de coopération toute directive de la direction, conformément à vos obligations d’employé, et acceptez les décisions de la direction avec respect. Les directives de la direction et les invitations aux réunions ne devraient pas exiger de longues négociations ni des débats.

  • Respectez la chaîne de commandement en abordant les questions liées au travail d’abord au sein de votre division avec moi puis, si nécessaire, avec la directrice du Bureau. Vous devez respecter la hiérarchie de la gestion même en cas de divergence d’opinions majeure, surtout à l’égard de questions scientifiques ou réglementaires.

  • Tenez votre gestionnaire au courant, à intervalles réguliers et de manière proactive, de l’état d’avancement de vos travaux et respectez toutes les échéances fixées par la direction pour l’exécution de votre travail.

  • Lorsque vous cherchez à obtenir les renseignements nécessaires pour entreprendre une évaluation ou pour mener des travaux pour le Bureau, ne communiquez que de la manière dont vous y êtes autorisé, en évitant de tenir des propos inappropriés ou de communiquer avec le public, l’industrie ou toute autre partie externe au Bureau sans avoir d’abord consulté votre gestionnaire ou la directrice.

  • Collaborez en toute collégialité avec vos collègues, respectez leur contribution et faites-les profiter de votre expertise et de votre aide en temps opportun.

  • Prenez vos courriels régulièrement au cours de la journée et répondez promptement à ceux de la direction ou de vos collègues et à ceux qui sont liés à vos fonctions ou à votre poste à Santé Canada.

  • Organisez votre travail de manière à favoriser le succès de l’ensemble de l’équipe et structurez-le de manière efficace afin de toujours respecter les échéances et d’aider vos collègues et les entreprises à accomplir leur travail rapidement, y compris par l’envoi de demandes de clarification « Clarifax » tôt dans le processus d’examen des présentations.

  • Présentez votre travail et vos recommandations au gestionnaire assez tôt pour lui laisser le temps de discuter à fond afin de résoudre les points en suspens.

  • À compter de maintenant, votre gestionnaire doit préautoriser votre présence à toute séance scientifique. Vous ne devriez assister qu’aux séances les plus pertinentes, pourvu que cela ne nuise pas à vos autres priorités de travail.

  • À compter de maintenant, votre horaire de travail sera de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi, afin de faciliter la supervision de vos activités professionnelles. Il pourra être modifié avec l’accord de votre superviseur. Vous vous rendrez disponible pour toute réunion prévue à l’horaire.

  • Vous respecterez vos heures de travail et, durant vos heures de travail, vous avertirez à l’avance votre gestionnaire de toutes absences du bureau en indiquant la durée de votre absence par courriel ou boîte vocale. En l’absence de votre gestionnaire, veuillez aviser le Bureau de la directrice.

  • Tout congé annuel doit être autorisé à l’avance. Les absences attribuables à la maladie doivent être consignées dans le MICP au plus deux jours après votre retour au bureau et être assorties d’un certificat médical. La nécessité de fournir un certificat médical sera réévaluée dans deux mois.

  • Vous suivrez les activités d’apprentissage que vous prescrira la direction afin d’améliorer vos relations interpersonnelles et votre capacité de coopérer au sein de l’équipe du Bureau.

[…]

28 Les agents d’évaluation sont tenus de rencontrer périodiquement la direction afin d’assurer un suivi des dossiers auxquels ils travaillent. L’une de ces rencontres a été convoquée avec le fonctionnaire le 19 juin 2006. Y étaient présents le fonctionnaire, la Dre Morgan, la Dre Sylvie Lefebvre (une autre gestionnaire de division au BMOSR) et Tahnya Rizvi (gestionnaire de projet pour le BMOSR).

29 Au cours de cette rencontre, la Dre Lefebvre a demandé au fonctionnaire quelles étaient les lacunes qu’il avait observées, le cas échéant, dans un dossier donné et quel délai supplémentaire serait requis pour terminer l’évaluation. Le fonctionnaire n’a pas voulu formuler de commentaires sur les présentations, indiquant qu’il croyait que son opinion serait influencée. Le fonctionnaire est devenu très irrité et, en réponse aux commentaires de Mme Rizvi, il lui a dit [traduction] « taisez-vous » et l’a traitée de [traduction] « menteuse ». Il a graduellement haussé la voix et est devenu de plus en plus en colère à mesure que la réunion progressait, jusqu’à ce qu’il la quitte en claquant la porte. Par la suite, Mme Rizvi et la Dre Lefebvre ont préparé des notes au sujet de ce qui était arrivé (pièce E-1, onglet 7).

30 Quand la Dre Rotter a été mise au courant du comportement du fonctionnaire au cours de la rencontre, elle a exigé la préparation d’un rapport de recherche des faits (pièce E-1, onglet 15). Elle a demandé au fonctionnaire de formuler ses commentaires au sujet de la réunion (pièce E-1, onglet 9), mais a déclaré n’avoir jamais reçu d’explication pour le comportement en cause.

31 La Dre Rotter a reçu le rapport de recherche des faits, daté du 7 septembre 2006, et a consulté les relations de travail avant de décider qu’il convenait d’imposer une suspension d’une journée. Elle a produit la lettre disciplinaire le 30 novembre 2006 (pièce E-2), après avoir accordé au fonctionnaire trois prolongations pour répondre au rapport de recherche des faits. Le fonctionnaire n’a jamais formulé de commentaires. La lettre de suspension précisait notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’ai pris en considération tous les faits m’ayant été exposés ainsi que toutes les circonstances atténuantes possibles qui auraient pu donner lieu à votre comportement. Toutefois, je ne trouve rien qui pourrait excuser votre conduite. Je suis d’avis que votre conduite envers Mme Rizvi était irrespectueuse et qu’il s’agit donc d’une inconduite délibérée. Vous avez refusé de reconnaître que votre comportement était inapproprié et vous n’avez manifesté aucun remords pour vos actions.

Votre comportement contrevient également aux principes énoncés dans le Code de conduite de Santé Canada qui précise ce qui suit :

« Principes.

Effectuent leur travail d’une manière conforme au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et au Code de conduite de Santé Canada.

Contribuent à un lieu de travail respectueux et professionnel.

Se conduisent de manière professionnelle. »

2. Suspension de trois jours

32 Le 16 mars 2007, le défendeur a imposé une suspension de trois jours au fonctionnaire, déclarant notamment (pièce E-7) :

[Traduction]

[…]

Au cours de notre rencontre, nous avons parlé de vos demandes visant à reporter les réunions des 8 et 18 janvier 2007 sans avis suffisant, de votre absence du 11 janvier, pour laquelle vous n’avez pas fourni de certificat médical au plus deux jours après votre retour au travail, le 15 janvier 2007, de vos courriels du 18 janvier 2007, qui ne respectaient pas la chaîne de commandement, et de votre refus de baisser le ton au cours de la rencontre du 18 janvier 2007 au sujet de votre PDR semestriel.

Au cours de notre rencontre, vous n’avez fourni aucune explication de votre comportement. Vous avez aussi eu l’occasion de formuler des commentaires par écrit, mais nous n’avons rien reçu.

La lettre de directives du 8 mai 2006 vous précisait clairement nos attentes en ce qui concerne votre conduite au travail. De plus, le 7 février 2006, vous avez reçu une lettre de réprimande concernant votre conduite au cours d’une réunion avec un promoteur et des représentants officiels de Santé Canada. Le 30 novembre 2006, vous avez fait l’objet d’une suspension d’une journée pour avoir manqué de respect envers une collègue.

J’ai pris en considération tous les faits m’ayant été exposés ainsi que toutes les circonstances atténuantes qui auraient pu donner lieu à votre conduite; toutefois, je ne trouve rien qui pourrait excuser votre conduite. Je suis d’avis que vous avez sciemment refusé de vous conformer à la lettre de directives en ce qui a trait à la planification des réunions, à la soumission rapide de certificats médicaux, à l’observation de la chaîne de commandement et au respect de vos gestionnaires. Vous avez refusé de reconnaître que votre conduite était inappropriée et n’avez manifesté aucun remords de vos actions.

[…]

33 La Dre Céline Desjardins était gestionnaire intérimaire de la DRU en décembre 2006. Elle a tenté de rencontrer le fonctionnaire dans le cadre du Processus de discussion sur le rendement (PDR), qui fait normalement partie de l’examen du rendement annuel. Selon le témoignage de la Dre Desjardins, parce qu’il était difficile de tenir des rencontres annuelles avec le fonctionnaire, elle a tenté de tenir des rencontres semestrielles pour discuter de son travail. La lettre de directives (pièce E-1, onglet 5) que le fonctionnaire avait reçue indiquait que son rendement et sa conduite au travail seraient examinés mensuellement, mais la Dre Desjardins a témoigné que le mieux qu’elle a pu faire était de tenter de le rencontrer semestriellement.

34 La Dre Desjardins a fixé au 8 janvier 2007 la rencontre pour l’évaluation du PDR semestriel.

35 Cette réunion a été reportée quand le fonctionnaire a demandé à ce qu’un témoin impartial y assiste. Elle a été fixée au 11 janvier 2007, mais reportée encore une fois parce que le fonctionnaire était malade ce jour-là. La réunion a été remise au 18 janvier 2007, et le fonctionnaire y était présent.

36 La Dre Desjardins a témoigné que la réunion a été très courte. Le fonctionnaire est entré dans la salle, mais est resté debout. Invité à s’asseoir, il a commencé à crier, et quand on lui a demandé de baisser la voix, il a répondu qu’il était dans sa culture de crier et a quitté la salle.

37 La Dre Desjardins a alors envoyé un courriel au fonctionnaire pour lui dire qu’il pouvait commenter l’ébauche de PDR par écrit, mais elle n’a reçu aucun commentaire.

38 Le fonctionnaire a envoyé copie à la haute direction (y compris à la directrice générale) des courriels qu’il a adressés à la Dre Desjardins avant et après la réunion du 18 janvier 2007, malgré des instructions claires dans la lettre de directives lui enjoignant de respecter la chaîne de commandement (pièce E-1, onglet 18).

39 En ce qui concerne sa maladie, le 11 janvier 2007, le fonctionnaire était tenu de soumettre un certificat médical au plus deux jours après son retour au travail, tel qu’il était indiqué dans la lettre de directives (pièce E-1, onglet 5). Son refus de se conformer à cette directive, les reports de la réunion et sa conduite à la réunion du 18 janvier 2007 ont été l’objet d’une audience disciplinaire le 12 février 2007 (pièce E-1, onglet 19).

40 Le fonctionnaire a assisté à l’audience disciplinaire, mais n’a présenté aucune excuse pour son comportement.

3. Suspension de cinq jours

41 Environ quatre mois après la suspension de trois jours, la Dre Rotter a imposé une suspension de cinq jours au fonctionnaire. Dans sa lettre disciplinaire du 18 juillet 2007, elle écrivait notamment (pièce E-3) :

[Traduction]

[…]

Au cours de la réunion, les points suivants ont été abordés :

  • les raisons pour lesquelles vous n’avez pas assisté à la réunion du 27 février 2007;

  • votre refus de répondre à l’invitation d’assister à une audience disciplinaire fixée au 16 mars 2007;

  • votre refus d’assister à l’audience disciplinaire;

  • vote refus de respecter la chaîne de commandement en faisant suivre, le 15 mars 2007, le rappel de la tenue de l’audience disciplinaire à Supriya Sharma;

  • le fait que, après que vous avez soutenu qu’il vous était médicalement déconseillé d’assister aux réunions fixées aux 16 et 27 mars 2007 et qu’on vous a demandé par écrit, en date du 11 avril 2007, de fournir un certificat médical, vous n’ayez pas soumis ce document, mentionnant que la lettre était « à l’étude, mais [qu’]il [était] présentement impossible de dire quand une réponse [serait] donnée, si tant est qu’elle le sera[i] »;

  • votre omission de rencontrer Mary Raphael le 25 avril 2007;

  • votre absence de réponse à Barbara Rotter le 30 avril 2007.

La lettre de directives du 8 mai 2006 vous précisait clairement nos attentes à l’égard de votre conduite au travail. De plus, le 7 février 2006, vous avez reçu une lettre de réprimande concernant votre conduite au cours d’une réunion avec un promoteur et des représentants officiels de Santé Canada. Le 30 novembre 2006, vous avez fait l’objet d’une suspension d’une journée pour avoir manqué de respect envers une collègue. En outre, le 16 mars 2007, vous avez été suspendu pendant trois jours pour ne pas avoir respecté la lettre de directives en ce qui concerne la planification des réunions, la soumission de certificats médicaux dans le délai prescrit, l’observation de la chaîne de commandement et le respect de vos gestionnaires.

Au cours de la réunion, vous avez présenté des explications concernant votre comportement. J’ai pris en considération tous les faits m’ayant été exposés ainsi que toutes les circonstances atténuantes qui auraient pu donner lieu à votre conduite. Comme circonstance atténuante, je considère que la réunion du 27 février a été reportée deux fois et subséquemment annulée. Toutefois, je suis d’avis que vous avez sciemment refusé de vous conformer à la lettre de directives en ce qui a trait à votre présence aux réunions, à l’observation de la chaîne de commandement et au respect de vos gestionnaires. Vous avez refusé de reconnaître que votre conduite était inappropriée et n’avez manifesté aucun remords de vos actions.

[…]

42 Le 14 février 2007, la Dre Desjardins a envoyé au fonctionnaire une lettre à laquelle elle a joint un plan de travail pour la période se terminant le 31 mars 2007 ainsi qu’une copie de la version finale du PDR semestriel du fonctionnaire (pièce E-1, onglet 22). Elle lui a proposé de le rencontrer le 27 février 2007 afin de discuter de ces deux points, mais n’a pu se rappeler si le fonctionnaire y avait assisté.

43 La directrice associée du BMOSR, Mary Raphael, a envoyé un courriel au fonctionnaire pour l’aviser qu’une audience disciplinaire aurait lieu le 16 mars 2007 afin d’aborder diverses questions (pièce E-1, onglet 26). Elle lui a demandé de confirmer sa présence au plus tard le 13 mars 2007, mais au 15 mars 2007, il ne l’avait pas encore fait. Par conséquent, Mme Raphael l’a relancé, l’informant que la réunion aurait lieu comme prévu. Le fonctionnaire lui a alors répondu, objectant [traduction] « les accusations » et déclarant (pièce E-1, onglet 26) : [traduction] « De plus, il me serait présentement déconseillé du point de vue médical de m’engager dans un tel exercice. »

44 Le 11 avril 2007, Mme Raphael a envoyé au fonctionnaire un autre courriel, auquel étaient jointes [traduction]« […] deux lettres [lui] demand[ant] de préciser les restrictions de nature médicale qui [l’]empêch[aient] de participer aux rencontres » (pièce E-1, onglet 27). Elle l’a prié de lui répondre au plus tard le 17 avril 2007.

45 Le fonctionnaire ne lui ayant pas répondu, Mme Raphael l’a relancé le 23 avril 2007, soulignant entre autres (pièce E-1, onglet 27) : [traduction]« Si je n’ai pas reçu de réponse à 16 h le 24 avril 2007, je supposerai qu’il n’existe aucune restriction de nature médicale à votre participation aux réunions liées au travail. »

46 Le fonctionnaire lui a répondu le 23 avril 2007 (pièce E-1, onglet 27) : [traduction]« J’accuse réception de votre lettre. La lettre est à l’étude, mais il m’est présentement impossible de dire quand j’y répondrai, si tant est que je le fasse. Je vous avertirai dès que j’aurai quelque chose de concret à vous communiquer. »

47 Selon le témoignage de Mme Raphael, le fonctionnaire n’a jamais répondu au courriel du 23 avril 2007.

48 Une réunion disciplinaire a été fixée au 15 mai 2007 afin de discuter des points soulevés dans la lettre disciplinaire (pièce E-3). Le fonctionnaire a assisté à la réunion, mais selon le témoignage de Mme Raphael, il n’a pas fourni d’explications satisfaisantes relativement à chacun de ces points.

4. Suspension de 10 jours

49 Le fonctionnaire a ensuite été frappé d’une suspension de 10 jours. La lettre disciplinaire envoyée le 14 septembre 2007 précise notamment ce qui suit (pièce E-4) :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à la réunion disciplinaire du 29 août 2007, à laquelle Bruce Bolton vous accompagnait et Isabelle Sakkal accompagnait Sohair Morgan.

Au cours de cette réunion, les points suivants ont été abordés :

  • votre refus de répondre à l’invitation d’assister à la réunion du PDR du 8 juin 2007;

  • les raisons pour lesquelles vous n’avez pas assisté à la réunion du PDR du 12 juin 2007;

  • votre omission de justifier votre absence de la réunion du PDR et de préciser les arrangements que vous avez envisagés à cet effet;

  • le fait de ne pas avoir soumis de demande de remboursement révisée de vos frais de déplacement en vue d’assister au congrès de la CSSAM;

  • votre correspondance avec Nancy Beer concernant la demande de remboursement de vos frais de déplacement.

La lettre de directives du 8 mai 2006 vous précisait clairement nos attentes à l’égard de votre conduite au travail. De plus, le 7 février 2006, vous avez reçu une lettre de réprimande concernant votre conduite au cours d’une réunion avec un promoteur et des représentants officiels de Santé Canada. Le 30 novembre 2006, vous avez fait l’objet d’une suspension d’une journée pour avoir manqué de respect envers une collègue. De plus, le 16 mars 2007, vous avez été suspendu pendant trois jours pour ne pas avoir respecté la lettre de directives en ce qui concerne la planification des réunions, la soumission de certificats médicaux dans le délai prescrit, l’observation de la chaîne de commandement et le respect de vos gestionnaires. Plus récemment, vous avez fait l’objet d’une suspension de cinq jours pour avoir enfreint encore une fois la lettre de directives en ce qui a trait à la planification des réunions, à l’observation de la chaîne de commandement et au respect de vos gestionnaires.

J’ai pris en considération tous les faits m’ayant été exposés ainsi que toutes les circonstances atténuantes qui auraient pu donner lieu à votre comportement. Je ne trouve aucune excuse à vote conduite. Je suis d’avis que vous avez sciemment refusé de respecter la lettre de directives en ce qui a trait à la planification des réunions, à l’acceptation des décisions de la direction, à l’obligation de vous conformer aux directives de la direction, à votre devoir de communiquer de manière respectueuse et au respect de vos gestionnaires. Vous avez refusé de reconnaître que votre conduite était inappropriée et n’avez manifesté aucun remords de vos actions.

[…]

50 Les réunions annuelles du PDR avec les employés devaient avoir lieu en juin 2007 pour discuter du PDR de 2006-2007. La Dre Desjardins a avisé le fonctionnaire que sa réunion était fixée au 12 juin 2007, de 15 h 15 à 15 h 45, et lui a demandé de lui répondre pour confirmer sa disponibilité. Comme il n’avait pas répondu le 7 juin 2007, elle l’a relancé par courriel le 7 juin 2007 (pièce E-1, onglet 29) en lui demandant de lui répondre au plus tard le 8 juin 2007.

51 Le fonctionnaire a eu deux superviseurs en 2006-2007, la Dre Desjardins et la Dre Morgan. Comme toutes deux avaient supervisé le travail du fonctionnaire, toutes deux ont assisté à la réunion du PDR. Le 11 juin 2007, le fonctionnaire a écrit à la Dre Morgan pour l’informer qu’il était [traduction]« […] catégoriquement incapable d’assister à une réunion du PDR en présence de la Dre Desjardins » (pièce E-1, onglet 30). La Dre Morgan lui a répondu que [traduction]« […] la réunion aura[it] lieu comme prévu » (pièce E-1, onglet 30).

52 Le fonctionnaire ne s’est pas présenté à la réunion (pièce E-1, onglet 30).

53 La question de la demande de remboursement des frais de déplacement, soulevée dans la lettre de suspension du 14 septembre 2007, découlait de la demande du fonctionnaire d’assister à un congrès en février 2007.

54 Vers la fin de 2006, la Dre Desjardins a demandé aux agents d’évaluation de préparer leurs plans de participation à des congrès pour l’exercice 2007-2008. Le fonctionnaire a demandé à assister à un congrès en février 2007, c’est-à-dire au cours de l’exercice 2006-2007. Comme la participation à ce congrès n’était pas prévue au budget de l’exercice 2006-2007, la Dre Desjardins a informé le fonctionnaire qu’il ne serait pas autorisé à y assister (pièce E-1, onglet 17).

55 Le fonctionnaire a alors demandé un congé annuel coïncidant avec le congrès. La Dre Desjardins lui a répondu qu’avant de lui donner son approbation, elle voulait qu’il lui confirme qu’il atteindrait les cibles de présentation de ses dossiers. Le fonctionnaire lui a répondu, avec copie au sous-ministre adjoint, à la directrice générale et à d’autres hauts fonctionnaires, pour s’inquiéter du rejet de sa demande.

56 La Dre Desjardins lui a déclaré qu’il n’était pas de mise qu’un employé envoie copie à la haute direction de communications visant des questions relatives au travail quotidien et que ce comportement démontrait que le fonctionnaire ne pouvait respecter la chaîne de commandement.

57 La directrice générale (la Dre Rotter) a accepté de laisser le fonctionnaire assister au congrès et de lui faire rembourser les frais d’inscription de 350 $. Le fonctionnaire et la Dre Rotter ont signé le formulaire d’autorisation de voyager, qui mentionnait le remboursement (pièce E-1, onglet 23). Le fonctionnaire a ensuite avisé la Dre Rotter par écrit que les frais d’inscription avaient augmenté en raison de son inscription tardive, lui  demandant davantage de fonds. La Dre Rotter lui a répondu que [traduction]« […] le montant approuvé de 350 $ demeure inchangé » (pièce E-1, onglet 23).

58 À son retour du congrès, le fonctionnaire a soumis une demande de remboursement des frais de déplacement au montant de 578,88 $ (pièce E-1, onglet 33), ce qui comprenait des frais d’inscription de 475 $ et le coût de billets de train, soit 103,88 $. Ces deux sommes avaient été imputées à une carte de crédit du ministère. La demande n’a pas été approuvée.

59 La Dre Desjardins a déclaré qu’elle avait eu de la difficulté à faire comprendre au fonctionnaire que le montant approuvé pour le congrès était de 350 $. D’ailleurs, le fonctionnaire n’a jamais soumis de demande de remboursement révisée, et la Dre Rotter a dû modifier la demande originale pour qu’elle reflète une réclamation de 350 $. L’avocate du défendeur a produit en preuve de nombreux courriels que diverses personnes ont envoyés au fonctionnaire au sujet de sa demande de remboursement des frais de déplacement avant que cette dernière ne soit modifiée pour lui (pièces E-1, onglets 32 et 33). Un des courriels provenait de la préposée aux voyages du ministère, Nancy Beer, qui informait le fonctionnaire que sa carte de crédit du ministère était en souffrance (pièce E-1, onglet 33). Le fonctionnaire lui a notamment répondu ce qui suit : [traduction]« Le montant en question […] concerne les frais d’inscription pour le […] congrès approuvé qui, comme vous le savez, ont été approuvés le 6 février 2007 » (pièce E-1, onglet 33).

60 La Dre Rotter a imposé la suspension à cause du temps perdu à tenter de corriger la demande de remboursement des frais de déplacement et parce que le fonctionnaire a tenté d’induire Mme Beer en erreur en lui remettant une demande de remboursement des frais de déplacement non autorisée. De plus, le fonctionnaire ne s’était pas présenté à la réunion du PDR du 12 juin 2007. La Dre Rotter a tenu compte du dossier disciplinaire de celui-ci et des tentatives de corriger ce qui était considéré comme une conduite inappropriée. Le fonctionnaire n’a fourni à l’employeur aucune information au sujet de sa conduite inappropriée.

5. Suspension de 20 jours

61 Le dernier grief disciplinaire concerne la suspension de 20 jours imposée au fonctionnaire le 2 janvier 2008 (pièce E-6). Voici un extrait de la lettre :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à la réunion disciplinaire du 6 décembre 2007, à laquelle Michel Paquette vous accompagnait, et  Sohair Morgan et Susan Dibble accompagnaient Barbara Stephens.

Au cours de cette réunion, vous avez eu l’occasion de réagir aux incidents suivants.

  • Le 13 septembre 2007, pendant une réunion avec Sohair Morgan et Barbara Stephens portant sur votre charge de travail, vous avez eu une conduite inacceptable et irrespectueuse envers la Dre Morgan. Vous avez élevé la voix et répété plusieurs fois que la Dre Morgan était négligente, même si Barbara Stephens vous a demandé à plusieurs reprises de baisser le ton et dit qu’il était inacceptable d’accuser votre gestionnaire de négligence. Vous avez continué à manquer de respect envers la Dre Morgan et avez refusé de fournir l’information qui vous était demandée.

  • On vous avait demandé d’assister à la réunion fixée au 25 septembre 2007. Le 24 septembre 2007, vous avez informé Barbara Stephens par courriel qu’il vous était impossible d’y assister parce que vous aviez un rendez-vous chez le médecin, mais que vous seriez de retour à midi. On vous a avisé par courriel que la réunion était reportée à 13 h pour vous permettre de vous rendre à votre rendez-vous chez le médecin. Une copie papier du courriel a été posée sur votre bureau avant votre départ. Barbara Stephens a également tenté de vous en remettre une en mains propres avant votre départ du bureau. Vous avez refusé de prendre la copie, mais avez déclaré que vous seriez de retour. Vous n’êtes pas revenu au bureau du reste de la journée et n’avez pas averti votre gestionnaire que vous ne reviendriez pas.

À la réunion du 6 décembre 2007, vous avez remis un colis à Barbara Stephens. Ce colis contenait votre réponse écrite à l’enquête disciplinaire. Il était adressé à Meena Ballantyne et à moi-même. J’ai étudié attentivement la documentation que vous avez fournie. Dans votre réponse, vous avez déclaré que vos commentaires à savoir que la Dre Morgan était négligente n’étaient pas des propos abusifs, mais plutôt un constat des faits. De plus, vous n’avez fourni aucune explication pour votre comportement irrespectueux au cours de la réunion du 13 septembre 2007. Vous n’avez d’ailleurs fourni aucune explication satisfaisante relativement à votre absence du bureau ni de votre négligence à informer votre gestionnaire que, contrairement à votre engagement, vous ne reviendriez pas au bureau au cours de l’après-midi du 25 septembre 2007.

[…]

62 Le 13 septembre 2007, une réunion a été convoquée afin de discuter de la charge de travail du fonctionnaire. Y étaient présents le fonctionnaire, la Dre Morgan et la directrice associée, Barbara Stephens. Selon le témoignage de la Dre Morgan, tous les agents d’évaluation étaient tenus d’assister à de telles réunions pour pouvoir rendre compte de l’état d’avancement de leurs dossiers. Le fonctionnaire travaillait à trois dossiers. La Dre Morgan voulait connaître l’état d’avancement de chacun, le travail qu’il restait à accomplir et la date d’achèvement de chacun. Le fonctionnaire avait été avisé du but de la réunion (pièce E-1, onglet 36).

63 Selon le témoignage de la Dre Morgan, le fonctionnaire a assisté à la réunion, mais a d’abord refusé de répondre aux questions. C’est alors qu’il a commencé à vociférer contre la Dre Morgan. Mme Stephens l’a interrompu et l’a informé qu’il était irrespectueux de s’adresser ainsi à sa gestionnaire. La réunion a alors pris fin.

64 En conséquence, une réunion de recherche des faits a été convoquée le 25 septembre 2007 afin de donner l’occasion au fonctionnaire de présenter tous les faits pertinents (pièce E-1, onglet 38, page 8).

65 Le 24 septembre 2007, le fonctionnaire a demandé à reporter la réunion pour qu’un représentant de l’agent négociateur puisse y assister. On l’a informé qu’un représentant de l’agent négociateur était disposé à y assister. La réunion a été fixée au 25 septembre 2007 à 13 h (pièce E-1, onglet 38, page 7).

66 Plus tard le même jour, le fonctionnaire a encore une fois demandé que la réunion soit reportée parce qu’il devait [traduction]« […] se rendre à la clinique pour un rendez-vous » (pièce E-1, onglet 38, page 5).

67 Le fonctionnaire a déclaré qu’il serait de retour au bureau à midi le 25 septembre 2007, et Mme Stephens lui a répondu que la réunion aurait lieu à 13 h (pièce E-1, onglet 38).

68 Le matin du 25 septembre 2007, Mme Stephens a tenté de remettre au fonctionnaire une copie papier du courriel indiquant que la réunion aurait lieu à 13 h, mais il a refusé de la prendre, déclarant qu’il serait de retour. Cependant, il n’est pas revenu au bureau le 25 septembre 2007 (pièce E-1, onglet 38).

69 Après six tentatives de tenir une réunion disciplinaire, une réunion a finalement été convoquée en décembre 2007. Le fonctionnaire y a assisté. Était également présente la Dre Supriya Sharma, directrice générale de la Division des produits thérapeutiques, qui a produit la lettre de suspension de 20 jours. Le fonctionnaire a soumis une réponse écrite aux incidents survenus au cours de la réunion du 13 septembre 2007 ainsi qu’à son absence à la réunion du 25 septembre 2007. La Dre Sharma a pris ces explications en considération, mais précisé que le fonctionnaire ne reconnaissait aucunement que ses actions étaient contraires à la lettre de directives (pièce E-1, onglet 5). Aucune circonstance atténuante n’a été invoquée à l’égard de la pénalité à imposer.

70 La Dre Sharma a consulté les relations de travail, et il a été jugé qu’une suspension de 20 jours était appropriée, conformément au principe des mesures disciplinaires progressives.

71 En ce qui a trait au dossier de la CRTFP 566-02-2862, la Dre Rotter a envoyé une lettre (pièce E-1, onglet 5) au fonctionnaire le 25 janvier 2008. Elle y écrivait que la conduite du fonctionnaire avait suscité des inquiétudes chez les gestionnaires et ses collègues, mais aussi ce qui suit : [traduction]« Pour nous permettre de bien respecter toutes les restrictions de nature médicale qui pourraient vous empêcher d’être assidu au travail, votre médecin traitant doit nous fournir certains renseignements. » La lettre jointe, adressée au médecin du fonctionnaire, posait cinq questions et y demandait des réponses.

72 Quand la lettre lui a été envoyée, le fonctionnaire purgeait sa suspension de 20 jours, qui s’est déroulée du 2 au 30 janvier 2008.

73 Selon le témoignage de la Dre Rotter, à l’échéance de la suspension du fonctionnaire, ce dernier avait été placé dans l’une des situations suivantes : congé de maladie, congé annuel ou congé payé. Hormis pendant sa suspension, le fonctionnaire était payé.

74 Le congé payé a duré plus de quatre mois, après quoi le fonctionnaire est retourné au travail.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

75 Le défendeur a soumis des arguments écrits, que je vais résumer.

76 Cinq de ces griefs concernent les suspensions de 1, de 3, de 5, de 10 et de 20 jours, respectivement.

77 La suspension d’une journée a été imposée en raison de la conduite du fonctionnaire à une réunion tenue le 19 juin 2006. Il s’agissait d’une réunion ordinaire et d’une troisième tentative d’obtenir les comptes rendus requis du fonctionnaire. Au cours de cette réunion, le fonctionnaire s’est mis en colère et a traité la gestionnaire de projet de menteuse. Il a crié.

78 La suspension de trois jours a été imposée à la suite d’incidents qui se sont produits en janvier 2007. La superviseure du fonctionnaire, la Dre Desjardins, tentait de le rencontrer afin de discuter de son PDR. Des réunions ont été fixées au 8 et au 18 janvier 2007, et le fonctionnaire a demandé à la dernière minute à ce qu’elles soient reportées ou retardées. Le 11 janvier 2007, le fonctionnaire a téléphoné pour dire qu’il était malade, mais n’a pas fourni de certificat médical au plus 48 heures après son retour, comme l’exigeait la lettre de directives. Le fonctionnaire a rencontré la Dre Desjardins le 18 janvier 2007, mais a refusé de s’asseoir et a vociféré contre les personnes assistant à la réunion. De plus, le 18 janvier 2007, il a envoyé de nombreux courriels, avec copie à la haute direction, ce qui n’était pas approprié.

79 La suspension de cinq jours découlait du refus du fonctionnaire d’assister à une réunion fixée au 27 février 2007 au sujet de son rendement au travail. Il a déclaré par la suite qu’il croyait que cette réunion était facultative, mais Mme Raphael a réfuté cette déclaration parce qu’elle lui avait envoyé des courriels lui demandant d’être présent. De plus, une audience disciplinaire a été convoquée le 16 mars 2007, et le fonctionnaire n’a pas répondu pour indiquer s’il y assisterait; il a plutôt fait suivre la demande de rencontre à la Dre Sharma en précisant qu’il lui était médicalement déconseillé d’y être présent. On lui a remis une lettre à remettre à son médecin afin que celui-ci précise ces restrictions de nature médicale, mais le fonctionnaire n’a jamais répondu à cette demande.

80 La suspension de 10 jours a été imposée à la suite du refus du fonctionnaire de coopérer aux tentatives de tenir une réunion du PDR en juin 2007. Une demande lui a été envoyée à cet effet, à laquelle il était prié de répondre au plus tard le 8 juin 2007. Il n’a pas répondu dans le délai imparti et n’a pas assisté à la réunion. De plus, il a soumis une demande de remboursement des frais de déplacement dont le montant dépassait celui qui avait été approuvé. Il a tenté d’induire en erreur la coordonnatrice des demandes de remboursement des frais de déplacement en soumettant une demande non autorisée.

81 La suspension de 20 jours découle de la conduite du fonctionnaire à une réunion tenue le 13 septembre 2007 avec sa superviseure, la Dre Morgan, et un témoin, Mme Stephens. Pendant cette rencontre, le fonctionnaire a vociféré contre sa superviseure et a refusé de répondre à ses questions. Mme Stephens lui a dit qu’il n’était pas approprié de parler sur ce ton à un superviseur, et la réunion a pris fin. Une réunion de recherche des faits a été convoquée le 25 septembre 2007 à 13 h afin de permettre au fonctionnaire de se rendre à un rendez-vous médical qu’il avait en avant-midi. Le fonctionnaire a refusé d’accepter une copie papier du courriel précisant l’heure de la réunion et ne s’est pas présenté à la réunion de 13 h. Il n’a jamais justifié son absence.

82 Les actions du fonctionnaire tout au long du processus disciplinaire étaient contraires à la lettre de directives, et le principe des mesures disciplinaires progressives a été appliqué pour chaque incident.

83 En ce qui a trait au dossier de la CRTFP 566-02-2862, le fonctionnaire n’a subi aucune perte financière. L’affaire n’est donc pas arbitrable. La lettre en date du 25 janvier 2008 adressée au fonctionnaire n’était pas de nature disciplinaire et découle des inquiétudes que suscitait le comportement de celui-ci au travail.

IV. Motifs

84 La CRTFP a planifié de nombreuses séances de médiation et d’arbitrage de griefs par rapport à ces griefs pour, au bout du compte, devoir les reporter pour diverses raisons. Le 8 novembre 2010, la CRTFP a finalement envoyé une lettre au défendeur et à l’agent négociateur pour les informer que la question ferait l’objet d’audiences, qui auraient lieu du 9 au 13 mai et du 24 au 27 mai 2011, dates qui étaient considérées comme [traduction] « définitives ».

85 Le 17 avril 2011, le fonctionnaire a écrit à la CRTFP pour demander que les dates d’audience de mai 2011 soient reportées en raison du [traduction]« […] retrait soudain et complet de toute représentation ».

86 Le défendeur a répondu le 20 avril 2011, déclarant qu’il s’opposait à la demande de remise à une date ultérieure parce que le fonctionnaire savait depuis janvier 2011 que son agent négociateur lui avait retiré son appui. De plus, le défendeur portait le fardeau de la preuve dans les questions de discipline. Ses témoins avaient pris des dispositions pour être présents, y compris une médecin de l’extérieur de la ville (une ancienne superviseure du fonctionnaire), qui avait libéré son agenda pour l’occasion.

87 La CRTFP a répondu aux parties le 26 avril 2011 :

[Traduction]

[…]

La demande a été soumise à l’arbitre de grief assigné à ces affaires, et j’ai reçu instruction d’informer les parties que la demande de renvoi à une date ultérieure a été rejetée. Les audiences auront lieu comme prévu du 9 au 13 mai et du 24 au 27 mai 2011, à Ottawa. L’arbitre de grief a donné les instructions suivantes : « Nous procéderons à l’audience des questions disciplinaires puisque l’employeur a le fardeau de la preuve. Le fonctionnaire disposera d’assez de temps pour préparer le contre-interrogatoire de chacun des témoins de l’employeur. »

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

La signature du fonctionnaire, faisant foi de la réception de la lettre, a été versée au dossier.

88 Le 27 avril 2011, la CRTFP a envoyé aux parties un avis d’audience indiquant la date, l’heure et le lieu de l’audience et précisant notamment :

[Traduction]

[…]

ET SOYEZ ÉGALEMENT AVISÉS que si vous ne vous présentez pas à l’audience ou à toute continuation de celle-ci, la Commission pourra sans autre avis disposer de l’affaire en se fondant sur les preuves et arguments présentés à l’audience.

[…]

 [Le passage en évidence l’est dans l’original]

Encore une fois, la signature du fonctionnaire, faisant foi de la réception de l’avis d’audience, a été versée au dossier.

89 Le fonctionnaire n’était pas présent lorsque l’audience a débuté. À vrai dire, personne n’était présent pour le représenter. Le défendeur et ses témoins étaient tous présents. Le défendeur a demandé à ce que les griefs soient rejetés; cependant, j’ai répondu que je préférais attendre, au cas où le fonctionnaire était simplement en retard. On a tenté sans succès de joindre le fonctionnaire à son bureau. Il n’a pas répondu. On lui a laissé un message dans sa boîte vocale pour lui indiquer que les parties attendaient dans la salle d’audience.

90 À 11 h, le fonctionnaire n’ayant toujours pas répondu, j’ai décidé que l’audience aurait lieu sans lui et que le défendeur serait mis à l’épreuve relativement aux cinq griefs disciplinaires puisque le fardeau de la preuve lui incombait étant donné qu’il s’agissait de questions de nature disciplinaire.

91 L’absence du fonctionnaire et la demande du défendeur de rejet des griefs subséquente étaient semblables à la situation en cause dans Saini c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossiers de la CRTFP 166-02-17097 et 17098 (19881220). Aux pages 11 à 13, l’arbitre de grief écrivait :

[…]

Le 14 novembre 1988, l’arbitre soussignée était présente à l’audience. Ni l’employé s’estimant lésé ni son avocat n’ont comparu. L’avocate de l’employeur a demandé que les deux griefs soient rejetés sans délai. J’ai rejeté la requête pour le motif que l’employé s’estimant lésé n’avait pas retiré ses griefs et que le fardeau de la preuve incombait encore à l’employeur étant donné qu’il s’agissait d’une question disciplinaire. L’audience a continué en l’absence de l’employé s’estimant lésé et de son avocat. […]

[…]

L’employé s’estimant lésé a clairement été informé que l’audience continuerait le 14 novembre 1988. Je suis convaincue qu’il a eu amplement le temps de retenir les services d’un avocat ou de prendre les dispositions nécessaires pour comparaître en personne. En l’absence de quelque motif impérieux permettant de ne pas entendre l’affaire, je puis uniquement conclure, compte tenu des circonstances, qu’il n’avait pas l’intention de comparaître à l’audience, soit personnellement soit par l’entremise d’un représentant.

Vu ce qui précède, j’ai décidé de continuer à entendre l’affaire en l’absence de l’employé s’estimant lésé et de son représentant.

[…]

92 De même, le Dr Yarney avait été clairement avisé que l’audience aurait lieu du 9 au 13 mai et du 24 au 27 mai 2011. Il avait également été avisé que l’affaire pourrait procéder sans lui s’il ne comparaissait pas. On ne m’a fourni aucune raison convaincante de ne pas poursuivre l’audience. Comme dans Saini, j’ai aussi conclu que le fonctionnaire n’avait pas l’intention d’assister à l’audience et j’ai donc donné instruction au défendeur d’aller de l’avant.

93 Cinq des six griefs concernent une série de suspensions imposées au fonctionnaire pour divers événements liés au travail. Les suspensions étaient fondées sur la lettre de directives (pièce E-1, onglet 5), qui indiquait la procédure et les directives que devait respecter le fonctionnaire.

94 La question à laquelle il faut répondre est la suivante : le défendeur s’est-il acquitté du fardeau de la preuve et a-t-il établi qu’il était en droit de suspendre le fonctionnaire comme il l’a fait et que le droit d’appliquer des suspensions et la durée de celles-ci sont les points en question? Pour les motifs exposés ci-dessous, je crois que oui.

95 La preuve a clairement démontré que le fonctionnaire parlait fort et était en colère à la réunion tenue le 19 juin 2006. Il criait et a continué de le faire après qu’on lui a demandé de ne pas crier. Une telle conduite est insolite au travail et ne devrait pas être tolérée. La réunion avait pour objet de faire le compte rendu des dossiers auxquels travaillait le fonctionnaire. La preuve indique qu’il s’agit d’une demande ordinaire, les gestionnaires devant être tenus au courant des dossiers auxquels travaillent leurs employés. La réaction du fonctionnaire à cette demande était, selon moi, déplacée. La courtoisie devrait être de mise dans le milieu de travail du fonctionnaire.

96 Une suspension d’une journée pour une telle infraction prouvée est, selon moi, justifiée.

97 Sept mois plus tard, le 18 janvier 2007, au cours d’une réunion visant à discuter de son PDR, le fonctionnaire a encore une fois vociféré contre sa superviseure, au point où les parties n’ont pas été en mesure d’aborder les questions de rendement. De plus, le fonctionnaire n’a pas fourni de certificat médical au plus 48 heures après son retour d’une absence due à la maladie le 11 janvier 2007, ce qui contrevenait à la lettre de directives.

98 Le défendeur a estimé que d’autres éléments justifiaient une suspension de trois jours, mais selon moi, ces deux infractions suffisent à elles seules à justifier le recours à des mesures disciplinaires progressives. Vociférer contre sa superviseure à un point tel qu’il est impossible de discuter du rendement n’est pas une conduite acceptable dans un environnement de travail comme celui du fonctionnaire. Une demande raisonnable de se réunir afin de discuter de l’état d’avancement des travaux ne devrait pas susciter une telle réaction. On ne m’a fourni aucun motif crédible de ne pas avoir produit de certificat médical au plus 48 heures après le retour au travail, comme l’exigeait la lettre de directives.

99 La suspension de cinq jours a été imposée pour un ensemble d’événements décrits dans la lettre disciplinaire de la Dre Rotter du 18 juillet 2007 (pièce E-3). Selon moi, ces allégations ont également été prouvées et, attendu que le principe des mesures disciplinaires progressives a été appliqué, je ne vois aucune raison de modifier la suspension de cinq jours.

100 La suspension de 10 jours, encore une fois, a été imposée en raison des problèmes associés au PDR du fonctionnaire. Vient s’ajouter à cette situation la question d’une demande de remboursement des frais de déplacement soumise par le fonctionnaire. Encore une fois, je crois que le défendeur s’est acquitté du fardeau de la preuve et a démontré que le fonctionnaire n’avait pas assisté à la réunion du PDR fixée et avait négligé de réviser sa demande de remboursement des frais de déplacement. Je ne vois aucune raison de modifier la suspension de 10 jours.

101 De même, j’estime que, pour la suspension de 20 jours, la preuve montre que le défendeur s’est acquitté du fardeau de la preuve consistant à démontrer que les événements décrits dans la lettre disciplinaire du 2 janvier 2008 (pièce E-6) se sont produits. Encore une fois, une réunion a eu lieu le 13 septembre 2007 pour discuter des dossiers auxquels travaillait le fonctionnaire. Encore une fois, il s’est mis à vociférer contre sa superviseure et a refusé de répondre aux questions qu’on lui posait. La réunion a dû être interrompue.

102 Malgré les mesures disciplinaires qui lui ont été imposées par le passé pour le même genre de conduite irrespectueuse, le fonctionnaire a continué à manquer de respect envers sa superviseure. Ce comportement ne devrait pas être toléré, et le principe des mesures disciplinaires progressives a poussé la direction à imposer une suspension de 20 jours au fonctionnaire, et je ne vois aucune raison de la modifier.

103 En ce qui a trait au dossier de la CRTFP 566-02-2862, le fonctionnaire n’a pas l’appui de son agent négociateur. C’est dire que, pour être arbitrable, ce grief ne peut être couvert par les dispositions de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP. L’article 209 stipule notamment ce qui suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

[…]

104 Le paragraphe 209(2) de la LRTFP exige qu’un employé soit représenté par son agent négociateur à l’arbitrage si l’affaire porte sur l’interprétation ou l’application d’une disposition de la convention collective visée à l’alinéa 209(1)a). Dans le cas qui nous occupe, l’agent négociateur a retiré son appui, de sorte que le grief ne peut relever de l’alinéa 209(1)a) et être arbitrable.

105 L’alinéa 209(1)b) de la LRTFP exige que le grief, pour être arbitrable, porte sur une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. Selon le témoignage de la Dre Rotter, aucune de ces situations n’est survenue après l’envoi de la lettre du 25 janvier 2008 contre laquelle le fonctionnaire a déposé un grief. Par conséquent, en l’absence de preuve contraire, je n’ai pas la compétence nécessaire pour entendre le grief du dossier de la CRTFP 566-02-2862 selon les dispositions de l’alinéa 209(1)b).

106 En ce qui a trait à la demande de l’employeur de sceller la pièce E-1, cette question met en opposition le droit de savoir du public et la prévention de tort sérieux à l’une des parties. Cette question a été abordée dans Tipple c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 110, aux paragraphes 13 à 15 :

13. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, l’arbitre de grief doit respecter les limites établies par la Charte. Comme la Cour suprême du Canada l’a précisé dans Toronto Star Newspapers Ltd., ces limites, qu’on appelle le critère de Dagenais/Mentuck, s’appliquent à l’accès du public aux procédures judiciaires. Aux paragraphes 4, 5 et 7, la Cour a écrit ce qui suit :

[…]

4. Les demandes concurrentes se rapportant à des procédures judiciaires amènent nécessairement les tribunaux à exercer leur pouvoir discrétionnaire. La présomption de « publicité » des procédures judiciaires est désormais bien établie au Canada. L’accès du public ne sera interdit que lorsque le tribunal compétent conclut, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, que la divulgation serait préjudiciable aux fins de la justice ou nuirait indûment à la bonne administration de la justice.

5. Ce critère est maintenant appelé le critère de Dagenais/Mentuck, d’après les arrêts dans lesquels notre Cour a formulé et précisé les principes applicables […]

[…]

7. […] J’estime que le critère de Dagenais/Mentuck s’applique à chaque fois qu’un juge exerce son pouvoir discrétionnaire de restreindre la liberté d’expression et la liberté de presse relativement à des procédures judiciaires. Toute autre conclusion romprait, à mon avis, avec la jurisprudence de notre Cour, qui est demeurée constante au cours des vingt dernières années. Elle porterait également atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires qui est inextricablement lié aux valeurs fondamentales consacrées à l’al. 2b) de la Charte.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

14. Dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, la Cour suprême du Canada a reformulé le critère de Dagenais/Mentuck en ces termes :

[…]

a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

En l’espèce, toutefois, le second volet du critère de Dagenais/Mentuck n’a aucune application pratique, puisque l’administrateur général n’a pas allégué que le droit à l’information protégée par la Charte porte préjudice à un autre droit ou intérêt important qui doit être protégé.

15.La partie désireuse de restreindre l’accès du public à la procédure en l’espèce a la charge de prouver que la limite qu’elle réclame est justifiée : MacIntyre. Pour les fins de la présente décision, l’administrateur général doit avancer des arguments suffisants pour démontrer que ne pas accorder l’accès aux pièces avant que je rende une décision finale sur le fond du grief est nécessaire afin d’écarter un risque sérieux pour un intérêt important dans le contexte de l’arbitrage de ce grief. Il n’a produit aucune preuve à cet égard ni fait allusion à aucun risque de ce genre.

107 L’employeur a-t-il démontré, en l’espèce, qu’il est nécessaire de mettre sous scellé certains éléments de la pièce E-1 pour protéger un intérêt commercial? Je crois que oui. Dans sa lettre à la Commission du 28 juillet 2011, l’employeur déclare, aux pages 2 et 3 : [traduction] « […] il est nécessaire que les sociétés pharmaceutiques en tierce partie aient l’assurance, quand elles s’adressent à Santé Canada afin d’obtenir une approbation, que leurs renseignements exclusifs demeureront confidentiels. S’il existe un risque de divulgation de ces renseignements, les opérations commerciales de Santé Canada et les intérêts commerciaux de la tierce partie seraient sérieusement compromis. De plus, on pourrait s’attendre raisonnablement à ce qu’un tort soit causé à la position concurrentielle de ladite tierce partie. En outre, toute chose qui mine la confiance dans le processus d’approbation pharmaceutique peut entraîner des risques à la santé et à la sécurité des Canadiens. »

108 L’employeur a demandé à ce que la pièce E-1 soit mise sous scellé ou caviardée, et je suis d’avis que cette demande se conforme à ce que la Cour suprême a écrit dans Sierra Club, où elle a déclaré : « […] elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial […] ». Il ne fait aucun doute qu’un important intérêt commercial est en cause dans cette affaire puisque les sociétés pharmaceutiques cherchent à protéger leurs renseignements exclusifs. Je suis d’avis que l’employeur a satisfait au critère de Dagenais/Mentuck.

109 L’employeur reconnaît que les éléments de la pièce E-1 n’ont pas tous à être mis sous scellé, mais demande qu’un représentant officiel de Santé Canada puisse rencontrer un représentant de la Commission afin de passer en revue la pièce et d’en caviarder certaines parties. Je ne vois rien de répréhensible à cette demande, qui permettra de veiller à ce que l’intérêt propriétal de diverses sociétés soit protégé. Le caviardage sera fait en conformité avec l’argument qu’a présenté l’employeur en date du 28 juillet 2011.

110 En ce qui concerne la demande du Dr Yarney de rouvrir le dossier 566-2-182, la Commission l’a rejetée, et je n’ai pas la compétence voulue pour y accéder, même si je devais la juger fondée, ce qui n’est pas le cas. Je n’ai pas été saisi du dossier 2182, de sorte que je n’ai pas la compétence voulue pour le prendre en considération. De plus, le Dr Yarney a été avisé par écrit, en mars 2011, de l’intention de la Commission à l’égard de ce dossier et il n’a soulevé aucune protestation à ce moment-là. Enfin, son grief est clairement une affaire qui exige l’appui de son agent négociateur en vertu des dispositions de la LRTFP, appui qu’il n’a pas.

111 En ce qui concerne la demande du Dr Yarney de rouvrir l’audience ou de présenter des arguments sur les questions en litige, le moment voulu pour aborder ces questions était durant les audiences de mai. Le Dr Yarney a été avisé adéquatement de l’audience et a été clairement averti que l’affaire pourrait procéder sans lui. Il a choisi de ne pas y assister.

112 Dans sa lettre à la Commission en date du 1er août 2011, Le Dr Yarney écrivait :

[Traduction]

« […] le 9 mai 2011, l’idée d’avoir à revivre ces horribles moments et à entraîner dans cette histoire des collègues que je respecte en les citant à témoigner m’était trop insupportable. Je me sentais dépassé, et il n’est pas étonnant que j’en devienne gravement malade et que mon médecin m’ordonne de ne pas travailler pendant plusieurs jours. C’est précisément pour cette raison que j’ai été incapable d’assister à la procédure du et des environs du 9 mai 2011 et j’espère que vous accepterez mes excuses pour mon absence. »

113 Le 10 août 2011, l’employeur a répondu, affirmant en page 2 :

[Traduction]

Le matin du 9 mai, l’arbitre de grief, l’employeur et les témoins de l’employeur ont assisté à l’audience. Le fonctionnaire n’y a pas assisté et n’a pas laissé de message. Il ne fait aucun doute que le fonctionnaire savait comment communiquer par courriel avec la CRTFP, ayant déjà utilisé cette méthode pour le faire.

114 Les démarches entreprises tant par la CRTFP que par l’employeur le 9 mai ont confirmé que le fonctionnaire était présent au travail ce matin-là et qu’il n’a rien fait pour communiquer avec la Commission au sujet de son absence.

115 Après avoir été présent au travail au cours de l’avant-midi du 9 mai, le fonctionnaire a invoqué un congé de maladie, pour lequel il n’a soumis aucun certificat médical, pour l’après-midi du 9 mai (3,75 heures) ainsi que des congés de maladie les 10 et 11 mai 2011.

116 À la reprise de l’audience, le 24 mai, comme l’indiquait l’avis d’audience, le fonctionnaire n’a pas communiqué avec la Commission au sujet de son absence. Les dossiers de l’employeur montrent que le fonctionnaire était présent au travail le 24 mai 2011.

117 Les faits contenus dans la lettre de l’employeur du 10 août 2011 n’ont pas été réfutés.

118 Il est clair, selon moi, qu’il n’existe aucune nouvelle preuve qui pourrait appuyer la demande de rouvrir l’audience. Le fonctionnaire était, apparemment, au travail le matin du début de l’audience et a choisi de ne pas y assister et de ne pas communiquer avec la Commission pour justifier son absence. Entre le deuxième et le troisième jour d’audience, 14 jours complets se sont écoulés, et la Commission n’a reçu aucune explication du Dr Yarney quant à son absence. D’ailleurs, selon l’employeur, le Dr Yarney a choisi de se présenter au travail le 24 mai plutôt que d’assister à la poursuite de l’audience. Je considère fallacieuse son allégation selon laquelle il était trop malade pour y assister puisqu’il était au travail deux des trois jours d’audience. De plus, aucune preuve ne vient appuyer cette allégation. Je ne suis donc pas d’accord avec sa demande de rouvrir l’audience.

119 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

120 Le recueil des pièces (pièce E-1) doit être partiellement mis sous scellé. Un représentant officiel de Santé Canada désigné par l’employeur se rendra aux bureaux de la Commission pour aider à déterminer les parties de la pièce E-1 qui doivent être caviardées conformément au critère de Dagenais/Mentuck et selon les modalités indiquées par l’employeur dans ses arguments en date du 28 juillet 2011.

121 Les griefs des dossiers de la CRTFP 566-02-1991, 1992, 1993, 1994 et 1995 sont rejetés.

122 Le grief du dossier de la CRTFP 566-02-2862 est rejeté.

123 La demande du fonctionnaire de rouvrir l’audience est rejetée.

Le 21 septembre 2011.

Traduction de la CRTFP

Joseph W. Potter,
arbitre de grief

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