Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté le fait qu’il a été, plutôt qu’un de ses collègues, renvoyé à la maison durant un quart de travail d’heures supplémentaires - pendant son quart de travail régulier, le fonctionnaire avait accepté de travailler un quart de travail d’heures supplémentaires immédiatement après son quart en cours - durant son quart de travail régulier, il a dû accompagner un détenu dans le cadre d’une visite dans une autre ville située à une certaine distance - son quart de travail d’heures supplémentaires était entamé quand il est revenu à l’établissement et il a été renvoyé à la maison - l’employeur avait rédigé et appliqué une politique sur la répartition des heures supplémentaires - l’employeur a reconnu, dans sa réponse au deuxième palier, qu’il n’avait pas suivi la politique et qu’il aurait dû renvoyer un agent qui avait travaillé plus d’heures supplémentaires ou un agent qui était payé au tarif double plutôt que le fonctionnaire - le fonctionnaire a aussi témoigné que l’employée responsable de l’horaire des heures supplémentaires lui avait présenté des excuses le lendemain, bien que cette personne ait témoigné ne pas s’en souvenir - l’arbitre de grief a rejeté l’allégation de l’employeur voulant que l’erreur avait été corrigée à la fin du trimestre parce que le fonctionnaire avait travaillé plus d’heures supplémentaires durant ce trimestre que ses collègues - la politique de l’employeur reposait sur l’équité au quotidien - l’employeur avait violé sa propre politique. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2011-09-22
  • Dossier:  566-02-2072
  • Référence:  2011 CRTFP 113

Devant un arbitre de grief


ENTRE

DAVID TROTTIER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Trottier c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Sheryl Ferguson, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l'employeur:
Michel Girard, avocat

Affaire entendue à Kingston (Ontario),
le 31 août 2011.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1  Le 6 février 2008, David Trottier, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief alléguant que le Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») avait contrevenu aux dispositions relatives à la répartition des heures supplémentaires contenues dans la convention collective conclue le 26 juin 2006 entre le Conseil du Trésor et l'Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur ») pour l’unité de négociation des Services correctionnels (CX) (la « convention collective). Le fonctionnaire est agent correctionnel 1 (CX-01) et travaille à l’Établissement Collins Bay (ECB), à Kingston, en Ontario.

2 Le fonctionnaire a allégué que l’employeur a contrevenu à la convention collective le 25 janvier 2008 en ne lui proposant pas un quart de travail supplémentaire complet. Il n’a fait des heures supplémentaires que de 15 h à 18 h 45 même s’il était disponible pour tout le quart de soir, qui se terminait à 23 h.

Résumé de la preuve

3 Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné à l’audience. Il a aussi appelé Alfred Elliott, agent correctionnel, à témoigner. Au moment du dépôt du grief, M. Elliott était coordonnateur des griefs pour l’agent négociateur à l’ECB. L’employeur a cité Cynthia Stacey comme témoin; elle était gestionnaire correctionnelle à l’ECB au dépôt du grief. Le 25 janvier 2008, elle était chargée de préparer le calendrier de travail, de pourvoir tout poste vacant et, le cas échéant, d’appeler des agents correctionnels à faire des heures supplémentaires le soir.

4 Au dépôt du grief, il existait à l’ECB une procédure de répartition des heures supplémentaires, qu’avait élaborée et qu’appliquait l’employeur. Le sous-directeur de l’ECB l’avait présentée à tous les surveillants correctionnels par courriel en décembre 2005. Dans ce message, il indiquait que chaque surveillant correctionnel était tenu de se conformer à cette procédure.

5 Selon la procédure de l’ECB, il fallait répartir les heures supplémentaires parmi les agents correctionnels disponibles, au taux prévu, en fonction de leur rang. Les agents appartenant au groupe et au niveau CX-01 avaient la priorité. L’employeur proposait d’abord les heures supplémentaires aux agents correctionnels, rémunérés à tarif et demi. Ces derniers disposaient de deux heures après le début de leur quart pour signaler leur disponibilité afin d’effectuer des heures supplémentaires au cours du quart suivant. On dressait tous les dimanches soirs une liste consignant le nom et le rang de chaque agent volontaire et les quarts pour lesquels il s'était dit prêt à faire du travail en heures supplémentaires. Cette liste était mise à jour en permanence en fonction de l’évolution de la disponibilité des agents. Le nombre d’heures supplémentaires déjà effectuées par trimestre était aussi constamment mis à jour. La liste des volontaires précisait également l’horaire habituel, les heures travaillées, la date des jours de repos et le numéro de téléphone de chaque agent. Les agents commençaient un trimestre avec zéro heure supplémentaire, puis chaque heure supplémentaire subséquemment travaillée était comptabilisée. Les trimestres étaient les suivants : du 1er janvier au 31 mars, du 1er avril au 30 juin, du 1er juillet au 30 septembre et du 1er octobre au 31 décembre.

6 À l’ECB, on offrait les heures supplémentaires de travail aux agents facilement disponibles, en donnant la priorité à celui qui avait effectué le moins d’heures supplémentaires au cours du trimestre visé. Comme il a été mentionné, les agents devant être rémunérés à tarif et demi avaient la priorité. Si aucun d’entre eux n’était libre, la gestionnaire correctionnelle appelait ensuite les agents qui seraient rémunérés à tarif double.

7 Les deux parties conviennent que la procédure détaillée présentée ci-dessus était en vigueur et bien connue à l’ECB au moment du grief.

8 Pour la semaine du 21 au 27 janvier 2008, le fonctionnaire a indiqué avoir été disponible pour travailler des heures supplémentaires de soir les 25, 26 et 27 janvier. Son horaire habituel pour ces dates était de 7 h 30 à 15 h 30, est ses jours de repos pour cette semaine étaient fixés aux 21, 22 et 23 janvier. Le 25 janvier 2008, le fonctionnaire, pendant son quart de travail habituel, a été affecté à une permission de sortir avec escorte (PSAE). Il faisait partie d’une équipe qui a accompagné un détenu de l'ECB pour une visite d’environ trois heures à Toronto. Selon le témoignage du fonctionnaire, l’escorte a quitté l’ECB vers 9 h ou 10 h.

9 Après son départ pour Toronto, le fonctionnaire a reçu un appel de Mme Stacey, qui lui offrait de travailler des heures supplémentaires au cours du quart de soir de ce jour-là. Il a accepté l’offre. Mme Stacey savait alors que le fonctionnaire n’était pas dans l’établissement parce qu’il s’occupait d’une PSAE à Toronto, et lui savait qu’elle était au courant. Or, selon le témoignage de Mme Stacey, celle-ci n’avait pas [traduction] « la bosse de la géographie » et ignorait quand il serait de retour de Toronto.

10 Le fonctionnaire est rentré de la PSAE à 18 h 45, après la fin de son quart habituel, qui se terminait à 15 h 30. L’employeur lui a payé les heures supplémentaires travaillées après 15 h 30, mais l’a renvoyé à la maison. Mme Stacey a décidé de ne pas faire travailler d’heures supplémentaires au fonctionnaire pour le reste du quart de soir, car elle aurait autrement été en sureffectif. Plus tôt ce jour-là, lorsqu’elle a appelé des agents pour qu’ils travaillent des heures supplémentaires, elle ignorait l’heure précise à laquelle le fonctionnaire reviendrait de la PSAE et s’il était toujours disponible pour le quart de soir. Parmi les agents de niveau 1 qui sont restés pour le quart de travail supplémentaire ce soir-là, deux ont été rémunérés à tarif double et un avait déjà effectué 15,75 heures supplémentaires ce trimestre-là. Avant le quart en cause, le fonctionnaire n’avait effectué aucune heure supplémentaire au cours du trimestre.

11 En témoignage, Mme Stacey a abordé la pratique adoptée par les gestionnaires correctionnels de l’ECB lorsque trop de personnes effectuent du travail en heures supplémentaires au cours du même quart. Le gestionnaire doit respecter la logique en vigueur pour répartir les heures supplémentaires, soit de renvoyer d’abord le dernier agent appelé à travailler des heures supplémentaires. Dans le cas présent, il s’agissait de l’un des agents rémunérés à tarif double. Aucune explication n’a été fournie à savoir pourquoi cette pratique n’a alors pas été respectée.

12 Le fonctionnaire a témoigné que Mme Stacey lui a présenté ses excuses le 26 janvier 2008 pour l’avoir renvoyé chez lui même si d’autres agents, rémunérés à tarif double ou ayant effectué plus d’heures supplémentaires que lui ce trimestre-là, avaient pu continuer de travailler pour ce quart. Mme Stacey a déclaré ne pas avoir souvenir de s’être excusée au fonctionnaire, mais l’employeur a admis dans sa réponse au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs qu’elle l’avait fait. Il est particulièrement intéressant de souligner, dans le contexte de la présente décision, certains éléments de la réponse de l’employeur :

[Traduction]

[…]

De plus, conformément à la politique relative aux heures supplémentaires en vigueur à l’Établissement Collins Bay, nous emploierons un système par pondération (un point par heure) : si un employé voit ses services retenus ou refuse un quart complet, il obtient « 8 » points; « 4 » pour un demi-quart, etc. Les points continueront de s’accumuler durant le trimestre.

[…]

Il a aussi été souligné que d’autres agents qui effectuaient des heures supplémentaires ont pu terminer leur quart même s’ils avaient accumulé plus d’heures supplémentaires que vous ou qu’ils étaient rémunérés à tarif double alors que vous l’auriez été à tarif et demi. Il s’agit d’une erreur, et la question a été traitée avec les gestionnaires correctionnels. Il a par ailleurs été noté que la gestionnaire correctionnelle qui a choisi de vous renvoyer chez vous s’est excusée le lendemain lorsqu'elle a constaté l’effet de sa décision.

13 Dans sa réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a mentionné qu’au 18 février 2008, le fonctionnaire avait travaillé 22,25 heures supplémentaires depuis le début du trimestre, contre 11,47 heures en moyenne pour l’ensemble des agents de niveau 1. L’employeur a aussi produit en preuve un document montrant qu’à la fin du premier trimestre de 2008, le fonctionnaire avait travaillé plus d’heures supplémentaires au cours de cette période que la plupart des agents de niveau 1.

14 Les preuves produites en audience n’indiquent pas clairement si le fonctionnaire a vu ses heures de travail supplémentaires du 25 janvier 2008 rémunérées jusqu’à 18 h 45 ou 19 h. De plus, dans son grief, le fonctionnaire a déclaré quatre heures supplémentaires et trois quarts, même si le quart de travail supplémentaire se serait terminé à 23 h. Les parties n’ont pas su expliquer en audience la cause de cet écart.

Résumé de l'argumentation

15 Le fonctionnaire a argué que l’employeur a contrevenu à la convention collective en ne le laissant pas terminer son quart supplémentaire le 25 janvier 2008. On lui avait offert de travailler des heures supplémentaires pour ce quart, ce qu’il avait accepté. Lorsque l’employeur s’est rendu compte qu’il y avait trop d’employés au travail, il n’aurait pas dû renvoyer le fonctionnaire chez lui, mais bien lui offrir ces heures supplémentaires en priorité, et non aux employés qui avaient déjà travaillé plus d’heures supplémentaires que lui au cours du trimestre ou à ceux qui étaient rémunérés à tarif double pour ce quart. Le fonctionnaire a soutenu que la gestionnaire correctionnelle savait déjà qu’il ne serait pas à l’ECB à la fin de son quart de jour habituel lorsqu’elle lui a offert de travailler des heures supplémentaires pour le quart de soir du 25 janvier 2008. En renvoyant le fonctionnaire à la maison à 18 h 45 parce qu’il n’était pas revenu au début du quart de soir, la gestionnaire correctionnelle a contrevenu à la convention collective. Elle n’a pas réparti les heures supplémentaires de façon équitable.

16  Le fonctionnaire m’a renvoyé aux décisions suivantes : Mungham c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 106; Sumanik c. Conseil du Trésor (ministère des Transports), dossier de la CRTFP 166-02-395 (19710927); Hunt et Shaw c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 65; Lauzon c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 126; Weeks c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 132.

17 L’employeur a soutenu ne pas avoir contrevenu à la convention collective lorsqu’il a mis fin au quart de travail supplémentaire à 18 h 45 le 25 janvier 2008. Le fonctionnaire n’était pas facilement disponible pour travailler des heures supplémentaires pour le quart de soir car, au début de ce dernier, il était à l’extérieur du pénitencier pour une PSAE. La gestionnaire correctionnelle avait un poste vacant au début du quart et ignorait quand le fonctionnaire serait de retour. Les besoins constatés au chapitre des heures supplémentaires pour le quart de soir ont évolué entre le moment où elle a offert ces heures au fonctionnaire et le début du quart de soir. Lorsque le fonctionnaire est revenu de la PSAE, il n’était plus nécessaire qu’il effectue des heures supplémentaires, et l’employeur avait le droit de mettre fin à son travail en heures supplémentaires.

18  L’employeur a aussi fait valoir qu’il n’existait aucune politique officielle relative aux heures supplémentaires ni d’entente conclue avec la section locale du syndicat relativement à la répartition de ces heures. Une pratique n’est pas une disposition d’une convention collective, et si l’employeur ne la respecte pas, il ne contrevient pas à la convention collective. Le fait pour l’employeur d’avoir commis une erreur dans l’application de sa propre politique ne relève pas de la préclusion fondée sur une promesse.

19 L’employeur a aussi affirmé qu’à l’issue du trimestre, la situation avait été rectifiée puisque le fonctionnaire avait alors effectué plus d’heures supplémentaires que la moyenne pour tous les agents correctionnels 1. Le fonctionnaire ne peut soutenir ne pas avoir été traité équitablement au chapitre des heures supplémentaires proposées, car il a travaillé durant plus d’heures supplémentaires que la plupart de ses collègues.

20  L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Armand c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), dossier de la CRTFP 166-02-19560 (19900629); Eaton c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-19366 (19900409); Jefferies et al. c. Conseil du Trésor (Agence canadienne d'inspection des aliments), 2003 CRTFP 55; Chafe et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112.

Motifs

21 Le fonctionnaire a présenté un grief parce que, le 25 janvier 2008, l’employeur a contrevenu à la convention collective en ne lui proposant pas un quart supplémentaire complet même s’il était disponible pour travailler. Voici les dispositions pertinentes de la convention collective.

[…]

21.10 Répartition des heures supplémentaires

L’Employeur fait tout effort raisonnable pour :

a) répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles,

b) attribuer du travail en temps supplémentaire aux employé-e-s faisant partie du même groupe et niveau par rapport au poste à combler, p. ex. Agent correctionnel 1 (CX-1) à agent correctionnel 1 (CX-1), agent correctionnel 2 (CX-2) à agent correctionnel 2 (CX-2), etc.

Cependant, il est possible pour une section locale de convenir par entente écrite avec le directeur de l'établissement d’une méthode différente en ce qui a trait à l’attribution du temps supplémentaire.

[…]

22 Les faits en cause ne sont pas contestés. Au cours de son quart habituel du 25 janvier 2008, le fonctionnaire a été chargé d’accompagner un détenu de l’ECB pour une PSAE d’environ trois heures à Toronto. Après le départ du fonctionnaire pour Toronto, Mme Stacey lui a offert de travailler des heures supplémentaires au cours du quart de soir de ce jour-là. Il a accepté. Lorsqu’il est revenu de la PSAE, à 18 h 45, Mme Stacey a mis fin à son quart supplémentaire parce qu’elle était en sureffectif. Elle avait demandé à d’autres agents d’effectuer ce quart supplémentaire, car elle ne savait pas exactement quand le fonctionnaire rentrerait de la PSAE.

23 En janvier 2008, il existait à l’ECB une procédure de répartition des heures supplémentaires, que l’employeur avait élaborée et que, comme le montrent les éléments de preuve, tous les gestionnaires correctionnels étaient tenus d’appliquer depuis au moins 2005. L’employeur a admis qu’on n’avait pas respecté la procédure le soir du 25 janvier 2008 et que Mme Stacey avait commis une erreur en mettant fin au quart supplémentaire du fonctionnaire, ce dont elle s’est excusée auprès de ce dernier. De plus, dans sa réponse au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a reconnu avoir commis une erreur en renvoyant le fonctionnaire chez lui alors que d’autres agents travaillaient des heures supplémentaires à tarif double ou avaient effectué plus d’heures supplémentaires que lui. Selon la procédure en vigueur à l’ECB, le fonctionnaire aurait dû terminer le quart de soir, et l’un des deux agents rémunérés à tarif double aurait dû être renvoyé chez lui lorsque le fonctionnaire est revenu de la PSAE, à 18 h 45.

24 Selon l’employeur, l’erreur de Mme Stacey a été corrigée au cours du trimestre, car à la fin de celui-ci, le fonctionnaire avait travaillé plus d’heures supplémentaires que ses collègues. Selon le fonctionnaire, l’erreur constituait une contravention à la convention collective, car les heures supplémentaires n’ont pas été réparties équitablement le 25 janvier 2008.

25 L’employeur m’a renvoyé à Jefferies et à Chafe sur la question de la préclusion. J’abonde dans le sens des commentaires des arbitres de grief dans ces deux décisions relativement à la préclusion. Toutefois, le fonctionnaire n’a pas soutenu que la préclusion était en cause, et je conviens, comme l’employeur, qu’elle n’est pas pertinente au présent cas. L’employeur a aussi invoqué Eaton, où le fonctionnaire s’estimant lésée a refusé d’exécuter des heures supplémentaires parce qu’elle n’était pas disponible puisqu’elle était en congé hors de la ville pour rencontrer un médecin spécialiste. Cette situation a peu à voir avec le présent cas, où le fonctionnaire était affecté en déplacement par son employeur au moment où le quart supplémentaire a commencé. En fait, le fonctionnaire a avisé directement l’employeur qu’il était disponible pour poursuivre son quart supplémentaire à 18 h 45 le 25 janvier 2008. Avant cela, il effectuait déjà des heures supplémentaires pour une autre tâche, et ce, je me dois de le mentionner, à la demande de l’employeur.

26 Aucune des deux parties ne conteste qu’il existait à l’ECB une procédure de répartition des heures supplémentaires. En instaurant cette procédure et en ordonnant à tous les gestionnaires correctionnels de s’y conformer, l’employeur a imposé des principes d’équité au quotidien en consignant le nombre d’heures qu’a travaillé chaque agent au cours du trimestre avant de proposer des heures supplémentaires aux employés disponibles. L’arbitre de grief dans Mungham, qui a dû tenir compte d’une procédure de répartition des heures supplémentaires semblable en vigueur à l’Établissement Fenbrook, a écrit ce qui suit :

[…]

[31] Ce passage laisse entendre que la politique sur les heures supplémentaires représente la façon généralement admise d’attribuer les heures supplémentaires de façon équitable, comme l’exige la convention collective. Bien que le document ne fasse pas partie de la convention, il est pertinent à son interprétation et à son application (voir Canadian Labour Arbitration, supra, paragraphe 4 :1220). Le manuel de procédures (annexe D de l’Exposé conjoint des faits) précise que, s’il est nécessaire de recourir au travail en heures supplémentaires, [traduction] « le SC en service doit veiller à ce que toutes les heures supplémentaires soient attribuées de manière rentable et de plus que toutes les heures supplémentaires soient réparties de manière égale entre les employés […] ». En adoptant cette politique, l’employeur a limité son pouvoir discrétionnaire dans l’attribution des heures supplémentaires. M. Mungham a témoigné que l’agent négociateur acceptait cette politique comme étant une méthode équitable d’attribution des possibilités d’effectuer des heures supplémentaires. Il a été démontré que cette politique est appliquée de façon régulière, même si d’autres griefs sont encore non réglés. De cette façon, la politique sur les heures supplémentaires représente la façon généralement admise de répartir de façon équitable les heures supplémentaires. Je conclus par conséquent que la politique sur les heures supplémentaires lie l’employeur. Personne n’a contesté que, selon la politique, M. Mungham aurait dû se faire offrir la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires le 30 décembre 2003. Je conclus donc qu’il y a eu contravention à la convention collective.

[…]

27 Dans ce cas, comme dans Hunt et Shaw, l'employeur a produit des preuves selon lesquelles il a tenu compte de l’équité au quotidien. Il est donc étonnant qu’il ait soutenu par la suite que la répartition des heures supplémentaires ne devrait être examinée qu’à la fin du trimestre. Comme je l’ai écrit dans Hunt et Shaw, puisqu’il disposait depuis un certain temps (au moins depuis 2005) d’une procédure de répartition des heures supplémentaires, l’employeur a limité son pouvoir discrétionnaire en subordonnant la répartition des heures supplémentaires à la procédure, dans la mesure où elle ne contrevient pas à la convention collective. La procédure est devenue l’interprétation officielle de ce que signifie la répartition équitable des heures supplémentaires à l’ECB, ce qu’a également confirmé Lauzon, qui visait la répartition des heures supplémentaires à l’ECB en 2007.

28 L’employeur a manifestement contrevenu à sa propre politique, bien établie, de répartition des heures supplémentaires. Ce faisant, il a contrevenu à la convention collective. Tout comme les arbitres de grief l’ont fait dans Mungham et Hunt et Shaw, je rejette l’argument de l’employeur selon lequel comme le fonctionnaire a travaillé plus d’heures supplémentaires que ses collègues au cours du trimestre, les heures supplémentaires lui ont été attribuées de manière équitable. Accepter l’argument de l’employeur signifierait qu’un employé s’étant déclaré disponible pour un seul quart de huit heures au cours du trimestre pourrait présenter un grief en affirmant ne pas avoir été traité de façon équitable dans la répartition des heures supplémentaires parce que d’autres agents, qui avaient été disponibles plus souvent, s’étaient vu attribuer davantage de quarts supplémentaires par l’employeur. Cela ne fait tout simplement pas de sens. La disponibilité est l’un des facteurs qui influent directement sur les chances qu’on propose des heures supplémentaires à un agent. En fait, sur ce point précis, je renvoie l’employeur à son argument suivant, rapporté au paragraphe 38 de Weeks :

[38] L’avocat a indiqué que la seule façon de déterminer l’équitabilité est de comparer des choses comparables. Il serait illogique de comparer un employé comptant très peu d’heures supplémentaires parce qu’il a refusé d’en faire avec un employé toujours disponible. Par conséquent, il ne suffit pas de présenter une série de chiffres pour établir des comparaisons si l’on ne tient pas compte de toutes les variables qui permettraient d’expliquer pourquoi certains employés ont travaillé plus d’heures supplémentaires que d’autres, telles que la disponibilité, la durée des postes, les congés, la nature volontaire des heures supplémentaires ou des circonstances exceptionnelles.

29 Il est faux d’affirmer que le fonctionnaire n’était pas facilement disponible pour travailler des heures supplémentaires pour le quart de soir du 25 janvier 2008. En fait, celui-ci avait déjà effectué près de la moitié de ce quart en heures supplémentaires lorsqu’on l’a renvoyé à la maison à 18 h 45, à son retour de la PSAE. Pour respecter sa propre procédure relative aux heures supplémentaires et la convention collective, l’employeur aurait dû renvoyer à la maison un autre agent, qui aurait été moins prioritaire sur la liste des volontaires, et permis au fonctionnaire de terminer le quart supplémentaire.

30 Les parties n’ont pas présenté d’arguments relativement à la mesure de réparation à appliquer si je devais accueillir le grief. Cependant, comme en font foi certaines des décisions qu’a invoquées le fonctionnaire, la pratique veut depuis quelques années que la réparation consiste à ce que l’employeur verse au fonctionnaire s’estimant lésé la rémunération des heures supplémentaires qu’il aurait gagnée s’il les avait effectuées. Cette approche me convient.

31 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

32 Le grief est accueilli.

33 L’employeur doit verser au fonctionnaire la rémunération à tarif et demi de toutes les heures non rémunérées le 25 janvier 2008, de 15 h 45 à 23 h.

34 Je resterai saisi du présent grief durant 60 jours à compter de la date de la décision afin d’intervenir en cas de désaccord entre les parties quant à la somme à verser au fonctionnaire.

Le 22 septembre 2011.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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